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  • Habiter Paray-le-Monial – Jubilé 350 ans Apparitions du Sacré Cœur 2024

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    Séminaire de Recherche d’Artisans de Paix

    Visioconférence du 10 avril 2024

     

    LES HAUT-LIEUX SPIRITUELS QUE NOUS HABITONS

    ce qui suppose une intériorisation du haut-lieu spirituel

    laquelle nous met à l'abri des conflits.

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    HABITER PARAY-LE-MONIAL

    par Sandrine Treuillard

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                IL Y A DEUX MOIS, lors du 1er séminaire sur les lieux, Claire Coumeff, avait conclu son exposé sur le lieu du cœur dans la prière du cœur orthodoxe. La chapelle Maringer, à Nancy, où Claire est engagée, originairement bâtie par les religieuses de spiritualité jésuite de la Société du Sacré Cœur de Jésus[1], est devenue lieu de culte orthodoxe. Pour ma part, je vous parle depuis mon tout nouveau logement à La Ruche, une construction elle aussi suscitée par des religieuses jésuites donnant des retraites ignatiennes, les Sœurs du Cénacle[2]. Ainsi, en tant que paroissienne du Sacré Cœur en Val d’Or, à Paray-le-Monial, je viens vous entretenir du lieu du Cœur par excellence en spiritualité catholique : le Sacré Cœur, Cœur de Dieu fait homme en Jésus Christ, mort et ressuscité, révélé à la fin du XVIIe siècle, sous Louis XIV, à la visitandine cloîtrée pour la « vie cachée dans le Christ »[3], sainte Marguerite-Marie Alacoque.

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                À PLM, depuis le 27 décembre dernier s’est ouvert le Jubilé du 350ème anniversaire des Apparitions du Sacré Cœur à Marguerite-Marie Alacoque, au Monastère de la Visitation, en 1673. Mais qu’est-ce que le Sacré Cœur ? Dans la liturgie de la semaine catholique, le vendredi est le jour de la Passion du Christ. Ce jour correspond au Vendredi saint, trois jours avant la Résurrection, quand au Golgotha, lieu du Crâne à Jérusalem, Jésus expira sur la croix, remettant son souffle au Père, vers 15h de l’après-midi. Environ une heure après sa mort, le soldat romain lui transperça le cœur de sa lance, faisant jaillir le Sang et l’Eau. Le 27 décembre est le jour de la fête de saint Jean, le disciple bien aimé qui posa sa tête sur la poitrine du Christ, lors du dernier repas avant la Passion[4]. Marguerite-Marie reposa aussi longtemps sur la poitrine du Christ ce 27 décembre-là, pendant l’adoration eucharistique. Or, je reçus dans la prière des Laudes du 1er vendredi de cette année jubilaire[5], avec l’hymne En notre cœur s’était perdu, l’amorce pour introduire au sujet de notre séminaire. En voici les deux 1ères strophes :

    En notre cœur s’était perdu
    Le souvenir de ton visage.
    Sur nos faces ne brillait plus
    Ton image.
    Isolés, sans nul appui
    Pour trouver la ressemblance,
    Nous errions dans la nuit.

    Tu envoyas, dans ta pitié,
    Pour éclairer notre détresse,
    Tes prophètes qui ont livré
    La promesse.
    Leur parole, telle un feu
    Sur la route d’espérance,
    Nous guida
    vers ton Lieu.

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               « Vers ton Lieu » avec un L majuscule, car il s’agit de la nouvelle Terre promise, Lieu de la Miséricorde divine[6]. « Venez à moi (…) car je suis doux et humble de cœur », dit Jésus[7]. C’est pourquoi les apparitions dont le Sacré Cœur a favorisé la visitandine cloîtrée, ont principalement lieu pendant sa prière eucharistique, l’adoration du Saint Sacrement, dans le chœur de la chapelle du Monastère de la Visitation, la ”Chapelle des Apparitions”. Jésus l’a conduite « vers son Lieu », dans ce Lieu privilégié des révélations de son Amour, réellement présent dans l’Eucharistie, selon la foi catholique. Là, en cette Hostie adorée, nous sommes au cœur de l’inhabitation de l’Esprit de Jésus. De nos jours, à PLM, l’adoration eucharistique est permanente à la Chapelle Saint-Jean, sous la chaleureuse charpente d’un bâti-ment ayant appartenu au Monastère de la Visitation et dont le Sanctuaire actuel a hérité, à l’entrée du parc des chapelains, en face le chevet riche de ses absidioles clunisiennes de la Basilique du Sacré-Cœur. Quelques mots sur la basilique et l’origine du nom de la ville : Paray-”le-Monial” tire son nom de la présence des moines bénédictins, dès 999, qui étaient organisés en Prieuré dépendant de l’Abbaye de Cluny, à 41 km de là. Ses pierres proviennent de la carrière de Romay, à environ 1 km à vol d’oiseau, sur la rive droite de la Bourbince, la rivière qui charrie tout un imaginaire païen lié à la boue et aux borborygmes des eaux. C’est de cette époque du XIe s. que date la chapelle de Romay dédiée à Notre-Dame, construite alors pour protéger les ouvriers sur le chantier de l’église prieurale, le petit Cluny parodien. ”Paray” : ‘Paredum’ ou ‘Paredus’ ou encore ‘Parata’ ; ‘Pareda’ et ‘Paroda’, en son origine latine a le sens « des revenus ecclésiastiques affectés à la réception des évêques et des archidiacres en tournées de visites pastorales » dans le Val d’Or. On a aussi rapproché ce nom de façon plus spirituelle, du deuxième verset du psaume 107, en latin : « Paratum cor meum, Deus, paratum cor meum : cantabo, et psallam tibi, gloria mea. » « Mon cœur est prêt, mon Dieu, mon cœur est prêt : je veux chanter, jouer des hymnes : ô ma gloire ! » Là, le nom ‘Paredum’ consonnant avec ‘Paretum’ prend des airs de préparation providentielle à faire de Paray-le-Monial une ville message : « Paratum cor meum, Deus, paratum cor meum » – « Mon cœur est prêt, mon Dieu, mon cœur est prêt… »

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              Oui, Paray-le-Monial est devenu une ville message. Celui du « divin Cœur pas-sionné d’Amour pour les hommes », dont Marguerite-Marie, qu’Il a préparée, est la messagère. Message du Cœur de Dieu qui aime, et n’est pas aimé demandant de lui « rendre amour pour amour ». Mais qui connaît l’origine de tous ces milliers de titulatures d’églises, de monuments, de congrégations, de communautés voués au Sacré Cœur ? Jusqu’à cette ancienne chapelle en pleine campagne, devenue maison secondaire de parisiens : une plaque émaillée bleue provenant du Boulevard de la Chapelle au pied du Sacré-Cœur de Montmartre, a été posée. La statue du Sacré Cœur rayonnant son amour sur toute la campagne du Pays Fort, d’où je viens, est bien là[8]. Ainsi, vivre et habiter (à) PLM, c’est d’abord, pour moi qui suis parodienne depuis un an seulement, s’être laissée habiter par le message du Sacré Cœur, à travers des situations et dans des lieux significatifs ailleurs et depuis bien long-temps, sans savoir qu’un jour le Seigneur allait me conduire dans cette petite ville du Charolais, en Bourgogne du sud, pour vivre une expérience qui n’est encore que balbutiante. Mais mon intériorisation du message de Marguerite-Marie date d’il y a une douzaine d’années, à la lecture de ses écrits et à la fréquentation du Monastère de la Visitation de Nevers.

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               Je vais maintenant vous faire le récit de ma première rencontre personnelle et particulière, unique, du Sacré Cœur de Jésus dans un premier lieu porteur de sa présence. C’est finalement une remontée à la source que je vous propose : comment le Seigneur s’y est pris avec moi pour m’attirer à son Cœur Sacré ? Nous découvrirons que cette source n’est pas dans un lieu, mais dans l’expérience de l’intimité que nous pouvons faire de Lui. Expériences vécues, elles, dans des lieux précis, souvent dans des églises où dans tout autres situations dont l’Esprit qui souffle où Il veut et comme Il veut, détient les secrets.

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               Ainsi, le 15 octobre 2011, jour de la sainte Thérèse d’Avila, je devais me rendre aux Samedis Musicaux pour commencer à revoir les bases du solfège afin d’intégrer la chorale de ma paroisse d’alors. Les Samedis Musicaux avaient lieu en début d’après-midi à l’institution scolaire catholique Stanislas, rue de Montparnasse, Paris 6e. J’étais arrivée dans le quartier au préalable pour déjeuner. Je me suis retrouvée attablée dans une grande chaîne spécialisée en moules-frites. Je pris mon repas arrosé d’une bonne bière. Ce faisant, je remarquai par la fenêtre un détail architectural qui me fit deviner la présence d’une église. Au sortir de ce restaurant dans l’atmosphère monotone de cette mi-journée d’octobre, en réprimant la sensa-tion de tituber je traversai les deux passages piétons qui mènent vers cette église : Notre-Dame-des-Champs. Quand j’entrai, j’eus la même impression que la pre-mière fois où j’avais pénétré dans l’église qui était devenue ma paroisse : pas de lumière, tout est gris, impression froide. Je remarquai cette grande croix suspendue au-dessus de l’autel, grise et froide. C’est alors que je fus attirée, à ma droite, par un filet de lumière. Je me dirigeai donc vers ce lieu plus accueillant et découvris le coin de la chapelle du Sacré Cœur. Mais, sur le coup, je ne le remarquai pas. Je vis d’abord une statue blanche d’un Jésus s’avançant les bras ouverts et fléchis vers le sol. C’est seulement en s’approchant de la statue que l’on distingue le bas-relief d’un cœur sur le vêtement de sa poitrine. Là, je fus touchée pour la première fois par le Sacré Cœur de Jésus. C’était donc le 15 octobre 2011, en la fête de sainte Thérèse d’Avila, elle qui eut le cœur vulnéré lors de sa transverbération.

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               Je reçus une confirmation le lendemain, qui était un dimanche, le 16 octobre, en la fête de Ste Marguerite-Marie, sans la connaître encore. Or, cette année-là, en avril 2011, j’étais allée en pèlerinage à Assise. Le soir du 16 octobre, j’ouvris au hasard le livre des Fioretti de S. François d’Assise ramené du pèlerinage effectué pendant la Semaine Sainte. Dans les Fioretti, je tombai sur la double-page du cha-pitre relatant la vision d’un frère mineur dénommé Jean de l’Alverne. Sur un sentier dans la forêt près du monastère de l’Alverne, le frère mineur erre l’âme en peine dans une période de sécheresse. Il pleure de ne pas sentir son Jésus et le supplie de se manifester. Finalement, à force de gémissements, le Ressuscité apparaît à son côté. Entrouvrant le vêtement sur sa poitrine, Jésus lui ouvre son Cœur. C’est alors que l’âme du petit frère franciscain et toute la forêt de l’Alverne sont illuminées de la radieuse lumière qui jaillit du Cœur du Christ. Ce Fioretti a donné lieu à une ”enluminure vidéo”, La vision de Jean de l’Alverne[9], filmée au lac artificiel de Saint-Agnan, près de l’abbaye de La-Pierre-qui-Vire, en Bourgogne. Mise en abîme de différents lieux. François d’Assise est le saint le plus conforme à la Passion du Christ, puisque deux ans avant sa mort, il reçut les stigmates dans la gigantesque brisure d’un rocher sur le Mont Alverne, y compris la plaie du côté, à l’image de Jésus. Or, en la saint François d’Assise, le 4 octobre 1673, le Christ le donnera « pour conducteur » à Marguerite-Marie.

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                C’est à partir de ces jours d’octobre 2011, que j’eus l’appel à me rendre à la Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre. Pendant plusieurs années, je cédais au désir d’aller à l’adoration eucharistique qui est perpétuelle là-haut. En particulier le vendredi, j’aimais me rendre à la messe de 15h, sommet de la liturgie qui nous fait revivre la mort du Christ sur la croix et le moment crucial qui a suivi : le transperce-ment de son Cœur par la lance du soldat romain, d’où jaillit le fleuve d’eau vive, Source des mystères d’Amour du Cœur de Dieu. « Voici ce Cœur qui a tant aimé les hommes » dira Jésus à Marguerite-Marie, le 27 décembre 1673, lors de la 1ère apparition. Jésus retira alors de la poitrine de Marguerite-Marie son cœur pour le plonger dans Le Sien, fournaise ardente, et replacer le cœur de la religieuse où il l’avait pris, devenu ardent à son tour. Dès lors, elle perçut en sa poitrine une brûlure d’amour permanente, jusqu’à son dernier souffle.

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               Dans la Basilique du Sacré Cœur de Montmartre, un jour je découvris sur le pilier droit, en début de nef, cette inscription tirée d’une lettre que Marguerite-Marie écrivit, un an avant sa mort[10] :

    « Le Père Éternel, voulant réparer les amertumes et angoisses que l'Adorable Cœur de son divin fils a ressenties parmi les humiliations et outrages de sa Passion, veut un édifice où serait le tableau de ce divin Cœur pour y recevoir consécration et hommages. »

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               Le Sacré-Cœur de Montmartre est la basilique du Vœu National : « La France, atterrée par ses désastres, se voue au Sacré Cœur »[11], en réparation des violences de la guerre de 1870 et de la Commune de Paris : « cet édifice demandé par Dieu à la France [par Marguerite-Marie, deux siècles plus tôt] a été décidée par un vote de l'ASSEMBLÉE NATIONALE le 23 juillet 1873, à la majorité de 244 voix », ce qui nous paraît extraor-dinaire, aujourd’hui. L’église paroissiale de Paray-le-Monial, quant à elle, deviendra basilique du Sacré Cœur en 1875, au début des pèlerinages au Sacré Cœur, alors que commençait la construction du Sacré-Cœur de Montmartre, à Paris. La nation prend alors conscience de la gravité des violences humaines et fait appel au cœur de la foi catholique pour rétablir l’ordre moral.

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                En 2014, en compagnie d’un ami musulman auquel je faisais visiter le Sacré-Cœur de Montmartre, je découvris avec lui la crypte avec les dizaines de médailles frappées du Sacré Cœur que les soldats portaient dans les tranchées pendant la 1ère Guerre Mondiale. J’avais alors été stupéfaite de constater la portée de la dévotion au Sacré Cœur, qui est mission d’Amour absolu du Cœur de Dieu pour les hommes jusque dans leurs pires peines, à l’image du crucifiement de Jésus : la boue, les rats, les tirs d’obus, les tueries au gaz des tranchées de 14-18.[12] Il y a dix ans, ce musulman n’eut de cesse d’être l’instrument du Seigneur pour me faire découvrir les fondements de la foi catholique qui prennent source dans le Sacré Cœur. Il s’était lui-même converti à la religion d’origine de son père algérien, l’islam, à 19 ans, au lycée des missionnaires du Sacré Cœur à Issoudun, dans le diocèse de Bourges, sa ville natale dans le Berry, notre région d’origine commune où nous avions grandi sans nous être encore rencontrés. Il m’emmena à la basilique Notre-Dame du Sacré Cœur d’Issoudun une première fois, et le chœur de cette église fut si bouleversant pour moi que nous revînmes une seconde fois. Je filmai les vitraux des instruments de la Passion du Christ, les statues autour de l’autel de la Vierge Marie éplorée contemplant son Fils sur la Croix, et je pénétrai de la prothèse du regard qu’est la caméra mini-dv la plaie du côté du Christ : une chorégraphie silencieuse de l’ado-ration du Sacré Cœur qui donna lieu, au Carême 2015, à une vidéo-prière intitulée Mon âme s’élance…[13]. Cette découverte d’Issoudun permit à mon père d’exhumer des rayons de sa bibliothèque un ouvrage datant de la construction de la Basilique de Montmartre, écrit par un jésuite : La France et le Sacré Cœur. Voici la carte qui ouvre la relecture de l’histoire sainte de notre pays avec, en rouge, « les villes et localités où s’est accompli quelque fait plus remarquable se rapportant au Sacré Cœur ». Issoudun et Bourges sont au Cœur de l’hexagone…

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                Pour répondre à la problématique de l’intitulé de notre séminaire quant à l’intériorisation du message de Paray-le-Monial, je dois évoquer, sans développer, la touche particulière de l’Esprit dans ma vie où le Sacré Cœur de Jésus a aussi visité mes enfers, correspondant au Vendredi et Samedi saints : « Dieu flagelle ceux qui s’approchent de lui »[14]. À partir d’août 2013, je vécus une longue période où j’eus la grâce douloureuse, et encore inconsciente, de prendre part à la Passion du Christ, à chaque fois dans des lieux bien précis. De cette époque date la première ébauche de mon blason spirituel, conçu en deux temps. Plus tard, j’eus d’autres expériences avec le Cœur de Jésus et sa Sainte Eucharistie[15] qui confirmèrent et approfondirent cet attrait de grâce que cristallise mon blason spirituel.

                Pour finir, évoquons saint Claude La Colombière, jeune et brillant père jésuite, suscité providentiellement à Marguerite-Marie pour l’accompagner durant un an et demi seulement. C’est lui qui a pris au sérieux les apparitions, qui a senti spirituellement combien elle était proche du Seigneur qui l’avait choisie comme « héritière de son Cœur ». Voici sa vision des trois cœurs quand le Père Claude lui tendit la communion, au Temps pascal 1676. Elle vit 3 cœurs : deux petits au pied d’un grand : le sien et celui de Claude au pied de celui de Jésus, tous deux enflammés à la fournaise d’Amour du Cœur du Christ : « C’est ainsi que mon pur Amour unit ces trois cœurs pour toujours », reçoit-elle intimement. Trois mois plus tard, le saint homme lui est arraché pour une mission en Angleterre : Louis XIV le nomme aumônier de la Duchesse d’York, à Londres. À son départ, Claude confie à Marguerite-Marie la mission de « guide spirituel de la fondation de l’hôpital de Paray »[16]. En Angleterre, dans les violences des anglicans contre les papistes, Claude sera dénoncé et emprisonné. Il reviendra à Paris très malade trois ans après son départ au ”pays des croix”, comme il qualifia l’Angleterre, et finira ses jours à PLM, le 16 février 1682. Six ans plus tard, le jour de la solennité de la Visitation 1688, deux ans avant sa mort, Marguerite-Marie recevra une autre vision du Sacré Cœur fidèlement représentée d’après ses écrits[17], en mosaïque, dans le chœur de la Chapelle jésuite Claude La Colombière. La citation en ceinture au-dessus du tabernacle du Maître-Autel indique la vocation des unes et la mission des autres : « s’il est donné aux visitandines de le faire connaître, aimer et le distribuer aux autres, il est réservé aux Pères [de la Compagnie de Jésus] jésuites d’en faire voir et connaître l’utilité et la valeur afin qu’on en profite en le recevant avec le respect et la reconnaissance dus à un si grand Bienfait. » Voilà pourquoi c’est un jésuite qui fit la relecture de l’histoire sainte de la France avec le Sacré Cœur, la faisant remonter à la source de la Paix, deux siècles plus tard. La construction du Sacré Cœur de Montmartre, dont la mosaïque du chœur, les vitraux, les chapelles, le mobilier liturgique racontent cette histoire sainte de France, est le pendant archi-tectural de l’ouvrage du jésuite, cité plus haut.

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                Enfin, admirons la mosaïque sur la porte du Tabernacle abritant l’Eucharistie, avec la fournaise du Cœur de Jésus derrière ses mains qui invoque le Père pour tous les hommes ; et celle, sous le Maître-Autel, des deux cerfs se désaltérant à la source, évoquant les âmes : « Exultant de joie, vous puiserez les eaux, aux sources du salut »[18]. « Comme un cerf altéré cherche l’eau vive, ainsi mon âme te cherche, toi mon Dieu… »[19].

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    Jehanne Sandrine du SC & de la SE.jpg

    Sandrine Treuillard
    29 mars 2024 – Samedi saint
    Jehanne Sandrine du Sacré Cœur & de la Sainte Eucharistie

    Logo Fraternités AdP.jpgChargée de mission de la Fraternité eucharistique catholique d’Artisans de Paix
    Déléguée à Paray-le-Monial
    Porteuse de la 6e Demeure spirituelle d’ADP
    Les fiançailles spirituelles

     

     

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    N O T E S

    [1] Fondée par Madeleine-Sophie Barat après la Révolution française, en 1800.

    [2] La congrégation des Sœurs de Notre-Dame du Cénacle a été fondée en juin 1826 à Lalouvesc par Thérèse Couderc et Étienne Terme et reconnue par l’évêque de Viviers en 1836. Cette congrégation apostolique donne des retraites spirituelles ignatiennes sur les fondements de la foi chrétienne.

    [3] « La prière du cœur est essentiellement interprétation contemplative de la ”vie cachée dans le Christ” » comme le pratiquaient les prêtres Alexandrins au IIIe s., comme Origène, et les anachorè-tes égyptiens au IVe s., bien avant que le tronc de l’Église chrétienne ne se sépare en branches catholique et orthodoxe. Cf. Petite philocalie de la prière du cœur, Présentation et traduction de Gilles Gouillard, Éditions du Seuil, 1979.

    [4] « Un de ses disciples, – celui que Jésus aimait –, était couché (à table) contre le sein de Jésus. » Jean 13, 23.

    [5] Vendredi 5 janvier 2024.

    [6] Saint Jean-Paul II, dont une pierre commémore le passage au pied de l’autel dans la basilique du Sacré-Cœur de Paray-le-Monial, le 5 octobre 1986, qui s’est agenouillé devant les châsses de sainte Marguerite-Marie Alacoque et de saint Claude La Colombière, a prononcé des discours mémorables y compris au Moulin-Liron, est un pilier pour comprendre la vocation parodienne à faire rayonner le message du Sacré Cœur dans les temps contemporains. D’abord, il a été :

    • élu pape en la fête de Marguerite-Marie, le 16 octobre 1978, soit le lendemain de la fête de Thérèse d’Avila – date-clef pour la fondation d’Artisans de Paix.
    • Le 1er juin 1980, il est à la Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, où il fait un discours célèbre, interrogeant le saint baptême de la France, « fille aînée de l’Église ». Rappelons que la Tradition s’accorde pour affirmer que l’Église est née du côté transpercé du Christ, lorsque Jésus rendit l’âme librement à son Père, en un ultime Soupir d’Amour, après avoir donné Jean comme fils à Marie, et Marie comme Mère à Jean, qui ont été les premiers à recevoir les effluves saintes de l’eau vive jaillie du Sacré Cœur au pied de la croix. C’est ensuite, que Jean-Paul II était allé à Paray-le-Monial en Apôtre du Sacré Cœur à la suite de Marguerite-Marie, le 5 octobre 1986, soit le jour de la fête de la future sainte Faustine Kowalska, sa compatriote polonaise qu’il canonisera. Dans les années 1930, sœur Faustine fut chargée par Jésus de redonner vigueur à la dévotion à son Sacré Cœur en instituant la Fête de la Divine Miséricorde, le premier Dimanche après Pâques. C’est JPII qui instituera la fête de la Miséricorde Divine, le 30 avril 2000. JPII est aussi important pour Artisans de Paix, bien sûr, grâce au :
    • Rassemblement d’Assise, le même mois que sa visite apostolique à Lyon, Taizé et Paray-le-Monial, le 27 octobre 1986.

    [7] Mt 11, 28-30.

    [8] Récit de cette promenade-chapelet sur Hozana : Dans l'Embrassement du Ciel.

    [9] Lien à la vidéo La vision de Jean de l’Alverne.

    [10] On lit ceci, en amont puis en aval de la citation : « Paray-le-Monial 1689, Extrait de la lettre CIV de sainte Marguerite-Marie Alacoque. La construction de cet édifice demandé par Dieu à la France a été décidée par un vote de l'ASSEMBLÉE NATIONALE le 23 juillet 1873, à la majorité de 244 voix. »

    [11] Victor Alet, sj, auteur de La France et le Sacré Cœur, 5e édition 1892.

    [12] À ce propos, Paula Kasparian pourrait témoigner du miracle dont son grand-père a bénéficié grâce à une telle médaille qu’il portait sur son cœur de soldat pendant cette guerre…

    [13] Vidéo sur YouTube :  Mon âme s’élance.

    [14] Livre de Judith, 8, 27 : « De même qu'il les fit passer par le feu de l'épreuve pour scruter leurs cœurs, le Seigneur ne cherche pas à nous punir. S'il flagelle ceux qui s'approchent de lui, c'est pour leur donner un avertissement. »

    [15] Pdf du récit Vision intérieure lors des Vigiles du Christ-Roi, 19 novembre 2016

    [16] Aujourd’hui Parc du Moulin Liron où Jean-Paul II a rassemblé des milliers de personnes, le 5 octobre 1986, lors de son pèlerinage comme Apôtre du Sacré Cœur à Paray-le-Monial. Voir plan de Paray au XVIIe siècle, page 6.

    [17] Texte complet repris sur La Vaillante, avec des photographies de la mosaïque : Marguerite-Marie Alacoque & le message du Sacré-Cœur à Paray-le-Monial (1688) :

    [18] Haurietis aquas in Gaudio : Sous titre de l’encyclique du pape Pie XII Culte et dévotion au Sacré Cœur, 15 mai 1956.

    [19] Psaume 41.

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    Lettre LXXXIX

    À la Mère de Saumaise, à Dijon

    Vive † Jésus

    Juillet 1688


    JésusCentreVertical.jpg            C’est donc pour obéir à mon Souverain, ma chère Mère, que je tâcherai, lorsqu’il me le permettra, de satisfaire en toute simplicité à la demande que vous nous faites sur la continuation de ses miséricordes et libéralités. Oh ! qu’elles sont grandes, puisque souvent elles ne me laissent d’autre expression sinon de dire :
    Misericordias Domini in æternum cantabo ! Car, hélas ! que pourrais-je dire autre chose, puisque je m’en trouve tellement remplie que je ne m’en puis exprimer. Je m’en vois environnée de toute part, et je m’y sens abîmée sans pouvoir en sortir. Il me semble être une petite goutte d’eau dans cet océan du Sacré Cœur, qui est un abîme de toutes sortes de biens, une source inépuisable de toutes sortes de délices, et plus on en prend, plus elle est abondante. C’est un trésor caché et infini qui ne demande qu’à se manifester à nous, à se répandre et distribuer pour enrichir notre pauvreté. Je le prise et l’aime plus que tous ses dons, grâces et bienfaits ; je lui laisse faire en moi, de moi et pour moi selon son bon plaisir, sans regarder que lui seul, qui vaut un million de fois plus que tout ce qui est hors de lui-même. Si vous ne m’obligiez de vous en dire quelque chose, je laisserais tout dans lui qui me met dans l’impuissance de m’exprimer qu’avec ceux qu’il lui plaît, dont vous êtes du nombre.

    2-MosaïqEnsemble.jpg            Je vous dirai qu’ayant eu le bonheur de passer tout le jour de la Visitation* devant le saint Sacrement, mon Souverain daigna bien gratifier sa chétive esclave de plusieurs grâces particulières de son Cœur amoureux, lequel, me retirant au-dedans de lui-même, me fit expérimenter ce que je ne puis exprimer. Il me fut représenté un lieu fort éminent, spacieux et admirable en sa beauté, au milieu duquel il y avait un trône de flammes, dans lequel était l’aimable Cœur de Jésus avec sa plaie, laquelle jetait des rayons si ardents et lumineux que tout ce lieu en était éclairé et échauffé. La Sainte Vierge était d’un côté et saint François de Sales de l’autre avec le saint Père de la Colombière ; et les Filles de la Visitation paraissaient en ce lieu avec leurs bons anges à leur côté, qui tenaient chacun un cœur en main, et la Sainte Vierge nous invitant par ces paroles : « Venez mes bien-aimées filles, approchez-vous, car je vous veux rendre comme les dépositaires de ce précieux trésor que le divin Soleil de justice a formé dans la terre virginale de mon cœur, où il a été caché neuf mois, après lesquels il s’est manifesté aux hommes, qui n’en connaissant pas le prix, l’ont méprisé parce qu’ils l’ont vu mêlé et couvert de leur terre, dans laquelle le Père éternel avait jeté toute l’ordure et corruption de nos péchés, lesquels il a fait purifier pendant trente-trois ans dans les ardeurs du feu de sa charité. Mais voyant que les hommes, bien loin de s’enrichir et de se prévaloir d’un si précieux trésor, selon la fin pour laquelle il leur avait été donné, tâchaient au contraire de le mettre à néant et de l’exterminer, s’ils avaient pu, de dessus la terre, le Père éternel, par un excès de sa miséricorde, a fait servir leur malice pour rendre encore plus utile cet or précieux, lequel, par les coups qu’ils lui ont donné en sa Passion, en ont fait une monnaie inappréciable, marquée au coin de la divinité, afin qu’ils en puissent payer leurs dettes et négocier la grande affaire de leur salut éternel. »

    [* À l'époque, la Visitation était fêtée le 2 juillet - (ndr La Vaillante)].


    GaucheMargueriteM&Visitandines.jpg            Et cette Reine de bonté continuant à parler, dit en leur montrant ce divin Cœur : « Voilà ce précieux trésor qui vous est particulièrement manifesté, par le tendre amour que mon Fils a pour votre institut, qu’il regarde et aime comme son cher Benjamin, et pour cela le veut avantager de cette portion par dessus les autres. Et il faut que non seulement elles s’enrichissent de ce trésor, mais encore qu’elles distribuent cette précieuse monnaie de tout leur pouvoir, avec abondance, en tâchant d’en enrichir tout le monde sans crainte qu’il défaille, car plus elles y en prendront, plus elles en trouveront. »

     

    DroiteLaColombière+Jésuites.jpg            Ensuite, se tournant vers le bon Père de la Colombière, cette Mère de bonté dit : « Pour vous, fidèle serviteur de mon divin Fils, vous avez grande part à ce précieux trésor ; car s’il est donné aux Filles de la Visitation de le connaître et distribuer aux autres, il est réservé aux Père de votre Compagnie d’en faire voir et connaître l’utilité et la valeur, afin qu’on en profite, en le recevant avec le respect et la reconnaissance dus à un si grand bienfait. Et à mesure qu’ils lui feront ce plaisir, ce divin Cœur, source de bénédictions et de grâces, les répandra si abondamment sur les fonctions de leur ministère, qu’ils produiront des fruits au delà de leurs travaux et de leurs espérances, et même pour le salut et la perfection de chacun d’eux en particulier. »

     

    DroiteLaColombière+StFrançoisDeSales.jpg            Notre saint Fondateur, parlant à ses filles, leur dit : « O filles de bonne odeur, venez puiser dans la source de bénédictions les eaux de salut, dont il s’est déjà fait un petit écoulement dans vos âmes, par le ruisseau de vos Constitutions qui en est sorti. C’est dans ce divin Cœur que vous trouverez un moyen facile de vous acquitter parfaitement de ce qui vous est enjoint dans ce premier article de votre Directoire, qui contient en substance toute la perfection de votre Institut : Que toute leur vie et exercices soient pour s’unir avec Dieu. »

                Il faut pour cela que ce Cœur sacré soit la vie qui nous anime, son amour notre exercice continuel, qui seul nous peut unir à Dieu, pour aider par prières et bons exemples la sainte Église et le salut du prochain. Et pour cela, nous prierons dans le Cœur et par le Cœur de Jésus, qui se veut rendre derechef médiateur entre Dieu et les hommes. Nos bons exemples seront de vivre conformément aux saintes maximes et vertus de ce divin Cœur de Jésus-Christ dans celui des fidèles, afin que nous soyons la joie et la couronne de cet aimable Cœur.

     

    JésusZoom+PersonnagesImportants-2.jpg            Après tout cela, tous les bons anges s’approchèrent pour lui présenter ceux qu’ils tenaient, qui ayant touché cette plaie sacrée devenaient beaux et luisants comme des étoiles. Il y en avait d’autres qui n’avaient pas tant d’éclat ; mais il y en eut plusieurs dont les noms demeurèrent écrits en lettres d’or dans le Sacré Cœur, dans lequel quelques uns de ceux dont je parle s’écoulèrent et abîmèrent avec avidité et plaisir de part et d’autre, leur disant : « C’est dans cet abîme d’amour où est votre demeure et repos pour toujours. » Et c’était les cœurs de ceux qui ont le plus travaillé à le faire connaître et aimer, dont il me semble, ma chère Mère, que le vôtre était de ce nombre. Pour les autres, je n’expliquerai pas l’intelligence qui m’en fut donnée, car je suis déjà trop longue en cette lettre, et puis je crois que vous l’entendrez assez. Je vous dirai seulement que ce divin Cœur vous récompensera, non seulement en votre personne, mais aussi en celle de vos proches, qu’il regarde d’un œil de miséricorde, pour les secourir en tous leurs besoins, pourvu qu’ils s’adressent à lui avec confiance, et il aura une éternelle mémoire de tout ce qu’ils font pour sa gloire. J’espère que vous ne me refuserez pas la grâce de procurer quinze messes pour feu M. de la Michaudière, en l’honneur du Sacré Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, après lesquelles il me semble qu’il vous sera un avocat puissant dans le ciel et à toute votre famille proche de ce divin Cœur.

                            D.S.B.  



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    Visitation Sainte-Marie, Paray-le-Monial

    Lettre extraite du Tome II
    de Vie et œuvres - Sainte Marguerite-Marie
    Éditions Saint-Paul, 1991

     


    Photographies : Mosaïque de Mauméjean, 1932 - Chapelle de La Colombière - Paray-le-Monial
    ©Sandrine Treuillard, 2015

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    La France & le Sacré Cœur

     

  • Le sacrifice eucharistique du Père Jacques Hamel

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    6 ans après, le martyre du Père Jacques Hamel porte du fruit.

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  • Par saint Martin de Tours, Dieu revient sur les autels de France - Adoration Saint-Martin

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    adoration saint martin,adoration eucharistique,sandrine treuillard,la france,Écologie humaine,sacré cœur,politique,miséricorde divine,transmission,foi,agriculture,cœur eucharistique de jésus,nouvelle pentecôte eucharistiqueLe jeudi 17 mars 2022, j'ai participé à la prière très charismatique de la Fraternité du Cœur Eucharistique de Jésus, à Besançon, tout près de la chapelle Notre-Dame du Refuge – au tabernacle de laquelle Sophie Prouvier a reçu la révélation du Cœur Eucharistique de Jésus, les 22 janvier et 1er septembre 1854.

    Dans le texte qui suit, datant d'une messe au Carmel de Nevers, le 26 juillet 2015 (un an avant le sacrifice eucharistique du Père Jacques Hamel), suite à ma participation à la Fraternité du Cœur Eucharistique de Jésus, à Besançon, j'ai mis en caractère rouge ce qui a trait à l'amour du Cœur Eucharistique de Jésus.

    Sandrine Treuillard
    Vanves, le mardi 22 mars 2022

    Emblème/Blason spirituel dessiné le 19 mars 2022,
    en la Saint Joseph - © Sandrine Treuillard

     

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    La messe miraculeuse de saint Martin de Tours par Simone Martini
    XIVème
    s. Assise, Église San Francesco (détail)


    Carmel de Nevers après la messe du dimanche 26 juillet 2015

    adoration saint martin,adoration eucharistique,sandrine treuillard,la france,Écologie humaine,sacré cœur,politique,miséricorde divine,transmission,foi            La proximité du prêtre dans sa façon de célébrer la messe avec les habitants du quartier et dans son homélie, m’a beaucoup touchée. Il m’a donné les larmes aux yeux évoquant son père qui, à la fin de la journée où les enfants revenaient à pieds de l’école à 3km, revenant lui-même du bois où il préparait les bûches de chauffage pour l’année, rapportait dans son sac un pain qui avait un peu séché durant la journée, et le partageait avec ses enfants leur disant que c’était le pain d’alouette, un pain d’oiseaux… Ce souvenir lui revenait en résonance avec l’Évangile du jour, en ce dimanche 26 juillet, où Jésus a pitié de la foule nombreuse qui le suit et n’a rien à manger. Il multiplia les cinq pains d’orge et les deux poissons qu’un jeune garçon avait là, fit asseoir la foule sur l’herbe fraîche et les leur fit distribuer. Il se donne comme signe, lui-même, pour leur signifier l’existence de Dieu le Père qui pourvoie avec abondance à leurs besoins, et celui de Ciel dont ils n’ont pas encore conscience. Une fois ce signe divin donné, Jésus retourne sans ses compagnons les disciples, seul, dans la montagne, pour le cœur à cœur avec son Père du Ciel. Ainsi fuyait-il le désir des gens d’en faire leur roi sur la terre, son heure n’étant pas encore venue pour devenir celui du Ciel. Ainsi évitait-il de ”se faire manger” par le commun des mortels de façon précoce et inopportune, ce qui aurait gâché son don de lui-même, qui est tout spirituel et divin, dans le sacrifice de la Croix et jusqu’à la Résurrection. 

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                Ce qui m’a particulièrement touchée dans la parole du prêtre est son souci de l’homme rural et de la reconnaissance de ses besoins spirituels. Ce prêtre se souvient et nous transmet un épisode de la simplicité du monde rural où la bonté originelle s’exprime. Son père avait été élevé chez des ”frères” ; il connaissait bien ”sa” Bible. Ainsi le pain des oiseaux avec ce côté merveilleux du conte n’était pas sans lien avec le Corps du Christ que nous aimons à célébrer à la messe. L’enfant qui a écouté son père et mangé avec les autres enfants ce pain des oiseaux un peu dur est devenu prêtre. C’est très beau !

                Hier matin, j’ai pris mon petit déjeuner en compagnie de ce même prêtre après la messe qu’il avait célébrée. Il est originaire de Pouilly-sur-Loire. Je lui ai parlé de mon projet d’Adoration Saint Martin. Ce matin, après la messe, nous sommes venus prendre le petit déjeuner avec Philippe, le monsieur à la grande moustache qui sert la messe et distribue la communion le dimanche. Je lui avais demandé si je pouvais apporter le calice à l’offertoire. Il m’a du coup proposé de donner la communion. Je ne savais pas si j’en étais digne… si cela m’était autorisé. Je ne l’avais jamais fait. Eh bien, aujourd’hui est un grand jour, puisque pour la première fois de ma vie j’ai tendu le calice à chaque paroissien en disant : « Le Sang du Christ ! ». J’ai aussi porté la Paix du Christ aux Sœurs, dans leur clôture. Quelle joie de voir chaque visage souriant m’accueillir et accueillir la Paix du Christ et la partager ensemble ! Le plus beau sourire était celui de sr Marie-Dominique. Mais tous étaient très beaux. J’ai découvert le visage de l’une d’elle, âgée, aux yeux bleus aveugles, voilés de blanc. Sr Christiane aussi a accueilli la Paix du Christ dans un très large sourire, la dernière… Comme si je venais faire partie de leur communauté de carmélites…

    adoration saint martin, adoration eucharistique, sandrine treuillard, la france, Écologie humaine, sacré cœur, politique, miséricorde divine       Tout à l’heure, je vais proposer à Sr Michèle-Marie, ma bienfaitrice ici, celle qui a su accueillir la première mon récit de vie spirituelle et discerner avec moi l’importance de l’expression artistique dans ma vie et pour l’évangélisation… avec sainte Thérèse Bénédicte de la Croix qu’elle a introduite dans ma vie, Édith Stein… je la bénis, que Dieu bénisse toujours sr Michèle-Marie !, je lui proposerai donc de regarder avant mon départ la vidéo-diaporama « Le sens d'une église : Saint-Martin de Sury-ès-Bois (18) » avec ses sœurs Christiane et Marie-Dominique. Je souhaite leur exposer mon projet d’Adoration Saint Martin pour les campagnes, pour mon village du diocèse de Bourges qui manque tant de prêtre, qui n’a pas un seul séminariste, comprenant pourtant deux départements : le Cher (Bourges) et l’Indre (Issoudun, Châteauroux). 

                Quand le prêtre a imité le Christ consacrant le pain et le vin, il a évoqué les agriculteurs et les vignerons qui produisent ce pain et ce vin. Cette reconnaissance des agriculteurs au cœur de la messe devrait se faire avec autant de générosité dans toutes les églises de France. 

    adoration saint martin, adoration eucharistique, sandrine treuillard, la france, Écologie humaine, sacré cœur, politique, miséricorde divine            Notre humanité a besoin de reconnaître le besoin spirituel de l’homme, et en particulier de l’homme rural abandonné, oublié et méprisé par le citadin. Ce mépris des autorités citadines pour l’homme rural le rend plus rude qu’il ne l’est. Il faut lever ce mépris qui est méprise et méconnaissance, regagner la confiance en la générosité tapie dans le cœur de l’homme rural, du paysan. Le paysan aime Dieu. Il a un lien privilégié à la Création par son travail au milieu de la nature pervertie par le Plan Marshall, les lois imposées depuis Bruxelles, les décisions bureaucratiques. La distribution mal avisée de subventions étatiques et européennes est un chantage pour maîtriser la production agricole. Elle coupe l’homme, le paysan lui-même qui, à l’origine, connaît et aime sa terre, de la vie même de cette terre. Les subventions éhontées obligent l’agriculteur à pratiquer avec ”sa” terre, avec l’écosystème (ce terme manifeste l’éloignement de la nature de l’homme qui travaillait avec elle : la nature serait devenue un système froid tout comme le système économique ou le système financier, l’homme surplombant la nature sans n’avoir plus de relation essentielle avec elle), des choses qui trop souvent sont contre le bien de la nature, contre le respect de la terre, contre l’éthique écologique et humaine. Et contre le cœur même de l’homme du pays, le paysan. Les autorités payent les agriculteurs qui doivent exécuter des pratiques anti-biologiques. C’est pourquoi il y a le plus de suicide dans cette catégorie de la population française. On apprend aux futurs agriculteurs, dans les écoles, non pas à connaître et aimer son pays, mais on les éloigne de  la terre, du travail avec la terre. On éloigne la terre du corps et du cœur du paysan. On lui indique comment booster une terre déjà épuisée en ajoutant des engrais. Ou comment supprimer la vie des insectes par l’ajout d’insecticides qui viennent polluer les sols à long terme et tuer les abeilles. Constater que la terre que l’on est amené à travailler est sans vie est un drame humain pour l’agriculteur qui ne s’appelle plus ainsi d’ailleurs, mais ”exploitant agricole”. Les directives étatiques et européennes ont tellement exploité le travail des hommes dans de mauvais sens qu’il n’y a plus ni terre, ni humanité dans le travail, et que l’homme du pays est devenu l’esclave d’un travail qui n’a plus de sens que mortifère. Des hommes qui étaient en communion avec leur milieu agricole, on a fait d’eux des bureaucrates, des gestionnaires d’entreprise de destruction des ressources naturelles par des pratiques absurdes et artificielles, coupées du bon sens ordinaire, coupées de la perception naturelle de l’homme en harmonie avec son milieu de vie et de travail. L’homme du pays ne travaille plus avec la terre, avec la nature, mais contre la nature pour satisfaire une logique purement économique, abstraite, coupée de la vie. L’homme apprend à déconstruire les chaînes naturelles de la vie biologique sans plus avoir connaissance de l’harmonie naturelle de ces chaînes biologiques. Comment un agriculteur sain ne pourrait-il pas être profondément dégoûté de devoir pratiquer tout cela qu’il devrait faire subir à la terre, aux bêtes, à lui-même enfin !, en conscience ? Ceux qui se suicident montrent jusqu’où va l’absurdité du système : anti-biologique, contre l’homme, contre la vie. Une machine bureaucratique et idéologique devenue folle et meurtrière. 

    adoration saint martin, adoration eucharistique, sandrine treuillard, la france, Écologie humaine, sacré cœur, politique, miséricorde divine            Qu’au sein de la messe le respect et l’amour de la vie par le Don de Dieu du Corps –le pain- et du Sang –le vin- de son Fils Jésus, le Sauveur, au Cœur transpercé qui nous donne la vie en abondance (la Miséricorde), que cela soit le cœur, le centre de la messe, est le plus grand signe d’espérance de la réconciliation possible entre les citadins et les ruraux. Les hommes des campagnes étant les garants de la dernière authenticité du pays, de la terre à aimer, à respecter, de laquelle recevoir tous les plaisirs sensibles mais aussi spirituels. Le cœur de la célébration eucharistique est le plus grand signe d’espérance de l’homme avec sa terre blessée. Cette terre blessée par l’homme devenu un administrateur éloigné de ses origines, coupé de ses racines, le citadin de Paris ou de Bruxelles qui décide de la production, du cours de l’économie, de la finance sans plus aucun lien avec le pays. La terre et le pays sont désaffectés. L’homme ne porte plus d’affection envers eux. Sa sensibilité affective est si émoussée qu’elle s’est réduite à la gestion économique. Ce qui le fait homme, sa subjectivité affective, est anéanti par un système qui le domine. Il est ainsi démuni même du sens de la responsabilité. Abêti et dominé par des règles qui n’ont plus de sens. L’homme rural qui voit le fruit de ces pratiques a le cœur qui saigne. Même la terre qui est devenue si sèche, sans vie, n’a plus de sang pour saigner. Elle souffre brutalement, à sec. Dans une région comme la Bourgogne, il n’y a plus de vie dans la terre. Le sang n’abreuve plus la terre. Elle a soif. Anémiée, elle crie sa sécheresse. Avez-vous entendu le témoignage de ce couple de microbiologistes des sols qui sillonnent avec leurs appareils de mesure les vignes bourguignonnes ? (Voir la page enrichie Le temps des grâces) Les vignes sont anémiées ! La terre n’a plus de ressource pour nourrir les ceps, elle a été épuisée par les engrais, par la surproduction contre nature, par l’atrophie du bon sens. Une terre sans ver ne respire plus et étouffe. 

    adoration saint martin, adoration eucharistique, sandrine treuillard, la france, Écologie humaine, sacré cœur, politique, miséricorde divine            L’actualité du Christ dans la prière eucharistique, le don de Son Corps et de Son Sang est vivante et criante. Le miracle à opérer pour la conversion des cœurs à son Amour, à sa Vie, est là, à chaque messe, à la portée de chacun s’il veut bien ouvrir son cœur à la fraternité de base, au partage de base, à la solidarité humaine de base auquel nous convie Jésus lors de son dernier repas. Ouvrir notre cœur au don que Dieu veut nous faire de sa Vie, qu’il lui tarde de déverser dans nos vies par Jésus, avec abondance. 

                Il est venu répandre un feu sur la terre, le feu de son amour débordant, un feu de lumière, ce feu est lumière, un fleuve de lumière qui désaltère tout l’être et donne vie à toute chair, à toute terre. 

    adoration saint martin, adoration eucharistique, sandrine treuillard, la france, Écologie humaine, sacré cœur, politique, miséricorde divine            Saint Martin avait perçu et compris le besoin spirituel du paysan dans un temps où son rapport à la nature n’était pas encore si malmené qu’aujourd’hui. Laissons-le revenir nous enseigner la Charité du Christ qu’il a partagée, à l’époque de l’Empire romain, avec les Gaulois que nous sommes toujours, au fond, mais que nous avons oubliés que nous sommes. L’homme est le même, ses besoins, mêmes spirituels, sont les mêmes. Après tout, non : le besoin spirituel de l’homme moderne a tellement été dénigré, renié, méprisé, que, comme l’annonçait Marthe Robin il y a quelques décennies, « la France est tombée encore plus bas ». Le message de la Bonne Nouvelle des bienfaits de Dieu pour l’homme n’a pas changé et est au contraire d’une très grande actualité. Il y a urgence à ce que l’homme considère son besoin de consolation et de direction spirituelle. 

                Sachons par là recevoir l’exemple de saint Martin de Tours. Écoutons saint Martin nous rappeler la bonté, la compassion de Dieu pour l’homme. Dieu nous veut reliés à lui dans sa grâce. Dieu nous fait miséricorde : gratuitement il nous propose son Amour sans condition. Relisons la vie de ce grand saint, moine puis évêque malgré lui. Écoutons la parole du prêtre. Tout prêtre est un autre Christ qui nous enseigne ce que Jésus lui-même enseigne. Saint Martin est la richesse du christianisme dans notre pays, un trésor d’humanité baigné de la divinité à redécouvrir. Il a eu pitié du pauvre. Il a pris part à la Passion du Christ. C’est cela la compassion, c’est cela « Jésus doux et humble de cœur » : se mettre à son école, écouter le cœur de Dieu battre pour nous.       

    A M E N 

     

                Le diagnostic est facile à poser. Il y a des décennies que l’on peut constater les dommages. 

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                Le remède est cependant là, sous les yeux de qui veut bien le voir. C’est par le bois de la Croix que Dieu a donné le remède. Toute l’espérance est là. Elle coule à flot du Cœur de Jésus, la foi, dans le Sang et l’Eau. Sinon, la Croix ne serait qu’un bâton sec. Être chrétien aujourd’hui, et qui plus est dans le milieu rural, c’est s’abreuver au bois de la Croix, c’est recontacter le sens spirituel du christianisme. C’est puiser le remède à la source, dans le Cœur de Dieu, le Cœur de Jésus transpercé sur le bois de la Croix, du haut de laquelle il nous déverse tout son Amour. Le Cœur de Dieu bat au bois de la Croix. Il est tout espérance et tout amour. La Miséricorde Divine est là, pour vous, qui peinez dans les campagnes, qui souffrez de l’indifférence du pays qui ne voit pas que vous êtes sa vie, son cœur de France. Dieu, lui, le voit, le sait, et il est là pour vous, afin que vous puissiez à son Cœur qui est toute votre espérance. Dans la prière d’adoration du Saint Sacrement vous trouverez le Cœur de Dieu qui brûle d’amour pour vous. À la suite de l’évêque de Tours, avec saint Martin, vous participerez de l’amour de Jésus pour vous et pour vos frères, pour la génération humaine tout entière. Le saint Sacrement dilatera votre cœur au contact du Cœur de Dieu. Car l’Eucharistie est le mystère du Cœur de Dieu. C’est son Cœur incarné. Le Cœur de Dieu fait chair est l’Eucharistie. Laissez son silence œuvrer en vous et vous entendrez ce que personnellement il a à vous dire. Car Dieu vient pour tout homme. Il veut parler au cœur de chacun. Et plus tu es loin de Lui, plus il désire se rapprocher de toi. Le diocèse de Bourges est désert. C’est pourquoi Dieu veut y revenir. Il y est d’ailleurs : toute la vastitude le contient. Seulement, c’est l’humilité qui manque à l’homme qui fait qu’il ne Le rencontre plus. Le berrichon a perdu le lien avec son Dieu par manque de prêtres aussi. La laïcité a fait son œuvre de séparation. Non pas la séparation de l’Église et de l’État. Non. Celle-ci est toujours souhaitable. Mais la séparation de l’homme d’avec son Dieu. La dissuasion distillée au sein de l’éducation d’avoir recours au secours divin dans la difficulté inhérente au fait de vivre. L’esprit laïc mal transmis, et peut-être mal transmis à dessein et de façon renforcée depuis mai 68, a fini par interdire l’expression même du besoin spirituel fondamental de Dieu. 

    adoration saint martin, adoration eucharistique, sandrine treuillard, la france, Écologie humaine, sacré cœur, politique, miséricorde divine            Mais Dieu revient dans les campagnes abandonnées de France. Justement parce qu’elle sont abandonnées, il y est d’autant plus présent. Les autochtones n’osent pas encore trop exprimer leur besoin de Dieu, de liturgie, de pasteurs. Mais Il est là, parmi nous, un reste dans les cœurs, gros comme un grain de moutarde, et qui contient toute son intensité. L’Adoration Saint Martin est une porte pour revenir au Seigneur, un canal qui y conduira à nouveau. Par l’adoration du Saint Sacrement sur l’autel, la sainte Eucharistie sertie dans l’ostensoir, laissons-nous pénétrer des trésors divins. Jésus est un délice. Sa Résurrection n’est pas une fiction, un conte de fée. Le christianisme n’est pas une sucrerie. C’est une réalité qui s’expérimente dans le cœur à cœur avec Dieu. L’adoration de la sainte Eucharistie exposée dans l’ostensoir sur l’autel de chaque église de France est une chance très belle de retrouver la relation au Dieu de la Nouvelle Alliance et éternelle. Buvons au fleuve de sa Miséricorde !

    A M E N 

    Jehanne Sandrine du SC & de la SE.jpgJehanne Sandrine du Sacré Cœur & de la Sainte Eucharistie

    le di. 26.VII.2015, 
    Carmel de Nevers, chambre Élisabeth de la Trinité

     

     

     

     

     

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    Adoration Saint Martin

    Et découvrez le Cœur Eucharistique de Jésus – Élévations de Sophie Prouvier

     

  • Le temps des attentats : Il est temps que cessent le mépris de la mémoire et le piétinement du sacré…

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    LPère Luc de Bellescize s'interroge sur la pertinence d'ériger Charlie Hebdo en icône de la liberté. « Celui qui piétine l’intimité des cœurs et blesse grossièrement les consciences participe aussi à la violence » a-t-il estimé dans son homélie du dimanche 11 janvier 2015.

     

    2015-07-10 à 17.23ter.jpg         Nous revenons d’une semaine de sang et de larmes sur notre sol de France et dans sa capitale. La ville lumière s’est remplie de ténèbres, et Notre-Dame, la sentinelle de pierre dressée au cœur de la cité, a fait sonner son glas, comme une invitation au deuil, comme un appel à l’espérance. Les scènes de guerre n’étaient qu’un souvenir lointain, de vieilles histoires enfouies dans la mémoire des siècles, entrées déjà dans la légende. Nous étions sans doute trop habitués à danser sur un volcan, attachés à un confort sans grande question ni grand drame, entretenus dans l’illusion d’un « vivre ensemble » pétri de bons sentiments et de touchante naïveté, gavés des slogans d’un multiculturalisme infiniment ressassés, et d’une « tolérance » qui se voile la face devant l’urgence d’affronter les vraies questions. Nous avons bercé le fanatisme en notre propre sein, comme on accouche d’un enfant monstrueux qui finit par nous tuer.

             « Dieu se rit des hommes, écrivait déjà Bossuet, qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ». Les effets, c’est la mort qui a frappé. Les causes, du moins pour une part, sont spirituelles, car c’est la mystique qui mène l’histoire, même si elle laisse à la politique l’illusion d’apparaître sur la scène du monde. C’est la vacuité spirituelle de l’Occident qui fait le lit du fanatisme, c’est la déconstruction des figures d’autorité, l’éclatement méthodique de la famille, la culpabilisation de la mémoire, le triomphe de la culture de mort, le nivellement du matérialisme et de la jouissance érigés en idoles du bonheur. Nourrir les enfants de pain et de jeux dans des banlieues sordides, les couper des racines de la mémoire et des ailes de l’espérance, ne peut qu’engendrer la violence. L’homme a soif d’idéal, il est assoiffé du sens.

             Si on écrase méthodiquement son âme et qu’il n’est pas trop abruti de paradis artificiels, il écoutera n’importe quel fanatique, il prendra les armes, il balaiera le joug d’une société qu’il méprise, il tentera d’arracher par la force un sens à sa vie, d’écrire en lettres de sang une gloire fugace qui le fera sortir de l’oubli.

             On dit que ces tueurs sont contre la civilisation, et on a raison sans doute. Mais ne sont-ils pas aussi engendrés par notre manque de civilisation, par la faiblesse de notre civilisation qui marque indéniablement des signes de décadence ? Ces hommes qui prennent les armes, dont je ne veux pas amoindrir la responsabilité, sont aussi le signe du désespoir de vivre, de notre incapacité à les intégrer, à les nourrir, à les faire vivre.

             J’entends la voix du grand pape, venu de Pologne : « France, fille aînée de l’Église, qu’as-tu fait de ton baptême ? Es-tu restée fidèle à l’alliance avec la sagesse éternelle ? ». Notre baptême est trop devenu une eau morte. Là où la sagesse est méprisée, la folie triomphe, là où il n’y a plus d’âme, la peur, le vide, la mort règnent.

             Faut-il parler, faut-il se taire devant le sang versé ? Certaines paroles doivent se tenir aux confins du silence. Commençons toutes choses par le silence habité de la prière. Que notre Dieu prenne en pitié ceux qui sont morts, particulièrement ceux qui proclamaient leur rejet de toute foi, et aussi ceux qui ont voulu tuer au nom de leur foi, et ont fini leurs jours dans une dernière charge d’orgueil et de désespoir, les mains couvertes de sang, ignorants que Dieu n’est pas celui qui tue, mais qui prend sur lui la mort.

             Que le Seigneur Jésus, unique Sauveur du monde, par son sang versé, leur accorde, s’il est possible, la grâce du Salut. Le cardinal, père de notre diocèse et de notre ville, a exprimé sa prière, signe de sa grandeur d’âme, de sa conscience qu’aucune provocation ne justifie un meurtre. Au moment des débats sur le mariage, il avait pourtant été ignoblement caricaturé par Charlie Hebdo, dans un dessin qui insultait la sainte Trinité, le mystère même de notre Dieu.

             Certains, même des catholiques, sont tellement habitués au relativisme qu’ils ne voient là rien de choquant. Ils pensent qu’ils doivent réagir en adultes, qu’ils sont capables de distance et de maturité. C’est qu’ils sont sans doute plus endurcis, et il est dramatique de confondre l’endurcissement et l’indifférence avec la maturité de l’adulte. Ils oublient aussi que nous sommes gardiens de la foi des plus fragiles et des plus humbles, et qu’il faut veiller à ne jamais scandaliser un seul de ces petits qui sont les frères du Christ (Mt 18, 6).

             Si on crachait sur leur propre mère, ils seraient, j’espère, blessés. Quand on le fait sur leur Dieu, ils trouvent que cela relève de la liberté d’expression… Je trouve cela magnifique qu’un homme comme le cardinal, pourtant évidemment blessé par des caricatures pitoyables, réagisse par la charité, la prudence et la prière. « Aimez vos ennemis, et faites du bien à ceux qui vous persécutent » (Mt 5, 44).

             Nous ne répondons pas à la provocation par la violence, mais en faisant sonner le glas. Le glas est la cloche de l’espérance, et l’espérance est un désespoir surmonté. Sa voix est sombre, elle semble jaillir des entrailles de la terre. Le glas est un appel ténébreux au retour de la lumière et de la vie, une voix du Christ jaillie d’outre tombe. Le glas est dans la nuit, mais il aperçoit l’aurore qui se lève. Il « espère contre tout espoir », selon la belle expression de l’apôtre Paul (Rm 4, 18). C’est la grandeur de notre foi chrétienne que de désirer le Salut de tous les hommes, et de « remettre notre épée au fourreau », car « celui qui vivra par l’épée périra par l’épée » (Mt 26, 52).

             C’est la splendeur du christianisme que de prier pour ceux qui nous ont régulièrement insultés, ou ceux qui nous donnent la mort. Je l’ai fait moi-même, cela me permet sans doute de dire une parole qui ne soit pas portée par la violence ou le ressentiment. La prière empêche de tomber dans la haine. Elle obtient la sagesse, elle donne de « pleurer avec ceux qui pleurent », comme le dit encore l’apôtre (Rm 12, 15). Elle donne aussi la liberté intérieure, qui fait que les hommes de prière n’ont pas peur de dire ce qui est vrai. Il n’y a pas de paix sans justice, et la justice, c’est l’amour d’une vérité qui rend libre, et qui donne à chacun ce qui lui est dû.

             Certains ne seront sans doute pas d’accord avec ce que je vais dire. Je le conçois très bien. La parole est toujours un risque. Qu’ils respectent alors ma « liberté d’expression », puisqu’ils s’en proclament les gardiens. Je crois que ce n’est pas rendre service à la France que de faire de ceux qui travaillaient dans un journal habitué à l’injure et à la provocation gratuite le signe de la liberté. Ils se moquaient régulièrement de la police comme de toute forme d’autorité. J’admire et respecte le policier, sans doute musulman d’ailleurs, qui a donné sa vie pour eux. Son sacrifice fait honneur à l’immense majorité des musulmans de France, qui prient avec droiture d’intention et déplorent le fanatisme. Parmi ceux qui sont morts, les caricaturistes prônaient le libertarisme absolu, le nihilisme éthique et le matérialisme athée. Issus d’une génération « sans Dieu ni maître », ils avaient décidé de repousser toute contrainte – même s’ils restaient en réalité dans les limites des conventions médiatiques, car ils savaient bien qu’on ne peut pas rire de tout en France – et de faire de l’outrage systématique envers la religion leur langage habituel de communication. Condamner ces épouvantables attentats est notre devoir, comme celui de nous unir dans une conscience citoyenne et de prier pour les victimes. Mais est-il permis de ne pas ériger ces hommes en « icônes de la liberté » ? Il n’y a pas de proportion entre l’assassinat d’un homme et son insulte ou son blasphème, mais celui qui piétine l’intimité des cœurs et blesse grossièrement les consciences participe aussi à la violence. C’est une triste liberté que celle de s’arroger le droit d’humilier ce qu’il y a de plus sacré chez les êtres. C’est un risque inconsidéré de fragiliser par son mépris un équilibre social déjà extrêmement perturbé. C’est un douloureux paradoxe pour la France que des provocateurs libertaires qui n’ont cessé de piétiner sa mémoire et ses institutions deviennent les symboles de sa liberté.

             Aujourd’hui est un jour de deuil, car le Christ descend au Jourdain et s’ensevelit dans les eaux, comme on descend dans la mort. Aujourd’hui est un jour d’espérance, car le Christ jaillit dans la lumière pour recevoir la vie. Il a voulu s’abaisser aux profondeurs du mal, pour libérer l’homme de tout ce qui l’avilit, l’enlaidit, le méprise, pour le sauver de l’esclavage du péché, pour que puisse sonner le glas, cet appel douloureux à l’espérance, ce désespoir surmonté. L’espérance chrétienne est profonde des profondeurs mêmes du tombeau, et c’est quand il n’y a plus d’espoir que peut advenir l’espérance. Pour qui sonne le glas ? Le poète anglais John Donne écrit ces belles paroles : « La mort de tout homme me diminue parce que je suis membre du genre humain. Aussi n’envoie jamais demander pour qui sonne le glas : il sonne pour toi ».

             Qui sont les morts ? Dieu seul les connaît. Nous avons leur nom et leur visage, mais l’homme est toujours plus grand que le théâtre qu’il joue sur la scène du monde, et il est aussi toujours plus grand que son péché. « Mes pensées ne sont pas vos pensées, dit le Seigneur au livre d’Isaïe, et vos chemins ne sont pas mes chemins » (Is 55, 8). Nous remettons les âmes des défunts, et nous remettons notre pays blessé entre les mains du Rédempteur. Nous reprenons la prière que le Christ apprit à Marcel Van dans une apparition, cet enfant d’Indochine qui sera sans doute proclamé saint : « Seigneur Jésus, aie compassion de la France, daigne l’étreindre dans ton amour et lui en montrer toute la tendresse. Fais que, remplie d’amour pour toi, elle contribue à te faire aimer de toutes les nations de la terre ».

             « France, fille aînée de l’Église, qu’as-tu fait de ton baptême ? ».

             Il est temps d’en retrouver la source, comme on creuse l’espé-rance de nos propres mains, jusqu’à faire jaillir l’eau vive.

             Il est temps que cessent le mépris de la mémoire et le piétinement du sacré par ce qu’il y a de plus vulgaire, de plus vil et de plus meurtrier.

             Il est temps de retrouver notre âme.

             « Le monde moderne a bien besoin d’entendre quelques voix libératrices, écrivait Georges Bernanos. Les voix libératrices ne sont pas les voix apaisantes, les voix rassurantes. Elles ne se contentent pas de nous inviter à attendre l’avenir comme on attend le train. L’avenir est quelque chose qui se surmonte. On ne subit pas l’avenir, on le fait ».

             Le général de Gaulle dans ses Mémoires de guerre évoque le grand silence de l’hiver, quand tout s’endort et se tait, quand tout semble mort, et il écrit : « Le destin est-il donc scellé ? Est-ce pour toujours la victoire de la mort ? Non ! Déjà sous un sol inerte un sourd travail s’accomplit. Immobile au fond des ténèbres, je pressens le merveilleux retour de la lumière et de la vie […] Je suis le vieil homme, recru d’épreuves, détaché des entreprises, sentant venir le froid éternel, mais jamais las de guetter, dans l’ombre, la lueur de l’espérance ».

             Seigneur Jésus, aie compassion de la France, daigne l’étreindre dans ton amour, et lui en montrer toute la tendresse. Notre Dame de France, vous qui êtes si souvent apparue sur notre terre blessée, souvenez-vous, priez pour nous.

             Amen.

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    Père Luc de Bellescize

    Originairement publié le 15 janvier 2015
    dans Famille Chrétienne

     

     

  • La science-fiction pour tous c'est (toujours & encore) maintenant !

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    lucien fornello,la france,politique,théorie du genre,homophobie,conscience,pma,gpa,lmptLa Vaillante souhaite donner à lire à nouveau cet article du 5 juin 2013, de Lucien Fornello, qui annonce la logique de l'histoire des transformations sociétales brutales amorcées avec le mariage pour tous : PMA sans père et GPA, contre lesquelles nous Marcherons pour la Liberté l'Égalité & la Paternité Marchons Enfants ! - Mobilisation nationale, ce dimanche 6 octobre 2019, à partir de 13h place Edmond Rostand, entre le Sénat et le Panthéon.
    Départ du cortège 1h-1h30 après. Direction Montparnasse, place du 18 juin 40 !

     

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    Deux photographies de La Manif Pour Tous Île-de-France — #Marchons Enfants ! - Mobilisation nationale n°1
    Place Edmond Rostand, au départ, et Place du 18 juin 1940, à l'arrivée.

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           On ne comprend rien à la problématique de la loi Taubira si on n'en mesure pas la dimension ultra-libérale, mondialiste et totalitaire. Les grandes banques de la planète, à commencer par la Goldman Sachs ; l'écrasante majorité, si ce n'est la totalité des grands groupes économiques ; enfin l'ensemble des institutions supranationales, comme le Conseil de l'Europe, soutiennent activement, d'une manière ou d'une autre, l'introduction de la théorie du genre dans l'éducation et dans les structures politiques de tous les pays, ainsi que le mariage homosexuel qui en est un premier fruit, un symbole et un cheval de Troie. Loin d'être une émancipation, je tiens que ce projet vise un asservissement. Il nous faut mettre des mots là où le pouvoir a placé des leurres, et retourner, là où on l'identifie, le retournement lexical qu'il aura opéré. Retourner le retournement, voilà une tâche qu'il ne faut pas faire trop mécaniquement... Pour notre bonheur, l'ennemi désigné, mais innommable au sens propre, ne peut avancer constamment masqué ni informulé. Aussi, même s'il est difficile de définir la nature du pouvoir contre lequel nous luttons, il est temps d'en dessiner quelques contours et d'essayer d'en saisir l'essence.

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           Certaines contradictions sont à interroger dans leurs nuances. Vivien Hoch, journaliste prometteur, rendait sur une radio libre, entre deux diatribes contre la loi Taubira, un vibrant hommage à Margaret Thatcher à l'occasion de ses obsèques. La dame de fer et Ronald Reagan, dans les années 1980, formèrent le redoutable duo qui accéléra la dérégulation économique. On ne peut sans doute pas les réduire à cela. On ne peut non plus nier que la gauche plus hypocrite n'a cessé de faire la même chose en prétendant le contraire. Mais les faits sont là, et nous vivons aujourd'hui les conséquences de ces décisions. Si Vivien Hoch en tant que « libéral-conservateur » salue celle qui représente le capitalisme triomphant, je lui suggère un petit effort de clairvoyance envers un certain nombre de paradoxes, de contradictions, de conflits que porte ce quasi-oxymore de libéral et conservateur. Ces tensions, pour être exposées et même incarnées en clivage politique, à commencer par celui entre gauche et droite, n'en restent pas moins des questions intérieures pour le penseur, des problèmes insolubles pour la collectivité, voire des dilemmes générateurs de souffrance. Je pense qu'il y a un piège pour la pensée de la liberté à rester dans ce droitisme qui ne mène qu'à la moitié du réel. Il n'est qu'à observer combien les médias et les hommes politiques cherchent à tout prix à politiser le mouvement « manif pour tous » dans le sens de ce clivage pour se convaincre qu'il s'y cache plus que jamais l'un des nœuds par lesquels un système nous tient.

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           Une difficulté, quels que soient nos fondements intellectuels, est de penser la nature du pouvoir ; de reconnaître qu'il ne s'agit pas de camps, ni même de classes, mais de quelque chose de plus insaisissable, qui a rapport au système politique et à la structure de notre économie. Nous devons admettre que même les institutions démocratiques ne suffisent pas à la justice ni même à la considération du peuple et de la nation. La liberté réelle, c'est-à-dire en grande partie économique, n'est pas mieux garantie dans un monde libéral où règnent les multinationales que dans un système plus mixte. Le problème est que nous appelons libéral ce qui en est par endroits presque l'opposé, et que nous qualifierons facilement d'anti-libérale une lutte qui a pourtant tous les aspects d'une défense de la liberté, y compris économique. Quel est ce paradoxe ? Comment voir à l'endroit ce qui se propose à l'envers depuis si longtemps à notre esprit ?

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           La complexité de ce monde et de ce système ne peut nous empêcher une simplicité radicale du constat : aujourd'hui la finance, les banques, ainsi que les multinationales de l'agro-alimentaire, de l'industrie (notamment militaire) et des services – parfois des deux ou des trois ensemble – tiennent le pouvoir politique et médiatique d'une manière qui ne s'est jamais vue auparavant. Le politique apparaît dissous dans ce méta-pouvoir qui l'englobe et qui lui donne ses missions. Mais on n'a rien compris à notre époque si on n'a pas identifié la part idéologique nécessaire à ces puissances désincarnées : la mission de l’État, un peu partout, n'est plus seulement de faire le flic ou l'éducateur, mais de vertébrer idéologiquement l'énorme Mammon autrement trop mollusque ou trop brutal et qui, pour puissant qu'il soit, n'est jamais qu'une illusion. Illusion, certes, qui devient réelle – notamment lorsqu'elle s'appuie sur des armes ou qu'elle crée de la monnaie – mais illusion quand même. Ainsi devient-il quasiment proverbial que le dollar maintient sa valeur du fait qu'en dernière instance il ne trouve sa réalité, sa protection, sa vérité que dans les bombes atomiques américaines, alors même que l'armement exorbitant des États-Unis n'a été possible en large partie que par le leurre du dollar... Nous voilà apparemment loin de la France, de la souffrance du citoyen sincère de gauche, qui ne comprend pas pourquoi on devrait liquider un système social protecteur ou interdire une participation de l’État à l'économie en vue du bien commun ; et de celle du citoyen sincère de droite, qui reste pétrifié et souvent impuissant face au gâchis des énergies, à la haine de soi et au renversement des valeurs. Nous voilà loin apparemment du sujet lancé, la question du mariage homosexuel dont les opposants, après tout, aurait pu se recruter sur notre gauche en cas de référendum. Pourtant, on peut se demander si les angoisses de l'un et de l'autre ne sont pas non seulement toutes les deux légitimes, mais souvent les mêmes – et si, finalement, il ne faut pas aller voir d'un peu plus près comment s'organise entre droite et gauche une alternance-leurre qui nous dessaisit de notre destin. Ainsi pourrons-nous nous désenvoûter de ce système entré dans les psychismes, et mieux construire une alternative populaire affranchie de ce clivage. Comme le référendum de 2005, le mouvement contre le mariage homosexuel est une occasion de repenser la chose politique, d'identifier le pouvoir qui nous menace, mais aussi de prendre en considération l'existence d'un levain par-delà gauche et droite, qui est notre seul trésor en tant que peuple.

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           Jean-Claude Michéa dans ses derniers ouvrages, notamment Le Complexe d'Orphée (éditions Climats), rappelle quelques vérités oubliées : l'origine philosophique de la gauche est les Lumières, une pensée économiquement et politiquement libérale. Au XIXème siècle, la gauche est le parti bourgeois, libéral et anti-conservateur. Les mouvements socialistes et ouvriers en sont distincts. Ce n'est que tardivement, au début du XXème siècle, que ces mouvements, largement contaminés par le matérialisme marxiste, s'y coaliseront à l'occasion de l'affaire Dreyfus. La gauche devient alors un camp bourgeois et ouvrier. Le progrès, un temps, sera le terme incarnant la jonction. L'anticléricalisme pourra faire ciment – ce qui prouve d'ailleurs que la gauche, qui a certains aspects d'un christianisme sans Dieu, détruit ce qui s'oppose le mieux à la folie économique, à savoir la religion. Du coup, cette gauche libérale et marxiste incarne le sens de l'Histoire, la marche en avant, la table rase. Toute sorte de charmantes locutions rappellent ce tropisme du progrès plus ou moins révolutionnaire. Dès le début, cela chante les louanges du libéralisme autant que du marxisme et cela contrarie, inquiète l'homme en sa chair, c'est-à-dire l'ouvrier, le pauvre que nous sommes tous, qui risque de perdre son bien le plus précieux – ses racines et son horizon spirituel. D'où, dès le XIXème siècle, les soupirs dépités des élites contre le peuple réactionnaire... Écoutez comme ce mouvement résonne dans l'Assemblée Nationale ou dans les médias, comme il se chuchote dans les petits bureaux, pour définir et lancer de telles réformes que la loi Taubira.

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           Il y a certes une différence fondamentale entre l'enthousiasme des lendemains qui chantent décliné en fascisme (qui a, ne l'oublions pas, des racines dans le syndicalisme révolutionnaire) ou en stalinisme, c'est-à-dire en volontarisme et en constructivisme, et, d'autre part, la marche en avant du libéralisme qui compte sur le pluralisme économique et politique autant que sur le fameux laisser-faire. Mais si effectivement on nous laissait faire, si on laissait la société vivre un peu d'elle-même, il n'est pas du tout sûr qu'on aboutirait au sans-frontiérisme économique et symbolique d'aujourd'hui. L'un des meilleurs exemples de la torsion que font subir certaines élites à la société est la Révolution Française. Turgot est comme un symbole de sa double-face. Du « parti des philosophes », devenu ministre des finances, il lancera des réformes libérales notamment sur le contrôle des prix et des spéculations. Il s'en est suivi ce qu'on a appelé la « révolte des farines » dans les années 1770, dont on a dit qu'elle préfigurait 1789. Ainsi, cet homme des Lumières par sa main gauche annonce la République des droits de l'homme tandis que par sa main droite il pousse le peuple à la faim et à la sédition ! Ce n'est pas un simple paradoxe. On voit de même les lois d'Isaac Le Chapelier détruire dès le début de la Révolution tout ce que l'Ancien Régime avait construit d'équilibre économico-social, notamment certains droits des travailleurs de se rassembler en corporations. Il n'est pas sûr que le peuple y ait gagné. La dérive totalitaire de la Terreur, la répression génocidaire contre le peuple vendéen forment une autre face du phénomène. Les français ont vécu dans ces années à peu près toutes les problématiques de notre modernité. Mais la question est toujours la même : où est la vraie liberté des individus, des corps, de la société, comment trouver le vrai libéralisme et le mettre en mouvement ? 

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           À l'heure actuelle, il se dessine une forme de totalitarisme par les décisions d'un pouvoir mondial ni élu, ni représentatif, ni transparent. Or, ce pouvoir se forme d'un mélange entre un libéralisme financier et une idéologie libertaire, entre la fiction d'une planète mixée et une dureté économique de plus en plus palpable. La gauche, c'est toujours ce mouvement en avant, qu'il soit de construction ou de destruction, tandis que l'idée de droite est éminemment conservatrice. Aussi, les mouvements nationaux-socialistes, ou fascistes, sont des bêtes bizarres qu'on ne peut placer à droite ni à gauche, car la droite peut être autoritaire, non pas révolutionnaire ni totalitaire. Être de droite, c'est seulement ne pas être de gauche et, pour des raisons diverses, ne pas adhérer à une idéologie ou un projet. C'est ce qui aujourd'hui se retourne plusieurs fois pour faire du socialiste réel un conservateur et du libéral de droite un liquidateur. Si on refuse de penser ce retournement et cette « pensée double » du système, on risque de toujours se tromper de combat, qu'on soit de droite ou de gauche. Mais il y a plus : l'idée de gauche repose sur l'idée que l'homme peut lui-même non seulement faire son monde mais se refaire lui-même. Cela a peut-être une origine dans cette préférence hautement libérale et révolutionnaire pour la notion de droit par rapport à celle plus religieuse de personne – substitution qui mène au relativisme. Ainsi, les humanismes promothéens du communisme ou du fascisme, l'humanisme plus ouvert du libéralisme juridique, ou encore l'humanisme utopique-naturaliste de l'écologie, si différents paraissent-ils entre eux, s'opposent tous à l'humanisme chrétien, qui repose sur l'unicité de la personne et l'égale dignité des êtres, où il place quelque chose de sacré, c'est-à-dire qu'on ne peut toucher ni remplacer. La technologie et la science peuvent aujourd'hui réaliser partiellement le fantasme de dépassement de l'homme par l'homme et elles produisent une gauche d'un nouveau genre, « stade suprême du capitalisme » selon Jean-Claude Michéa, et que j'appelle, pour ma part, la gauche transformiste.

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           Aujourd'hui, la gauche fournit l'alibi du progrès à la liquidation permanente qu'opère le capitalisme total tandis que la droite l'établit comme le règne de la liberté. Nous pouvons observer cependant à quelle époque la gauche cesse d'être elle-même double (bourgeoise-ouvrière), c'est-à-dire, en somme, à quel moment elle abandonne la thématique sociale et au moins l'apparence d'un discours de défense des travailleurs. En France, c'est dans les années 80 que s'opère ce changement. Au sujet de l'immigration, c'est spectaculaire : alors que tous les mouvements ouvriers se déclaraient contre, non par xénophobie, mais parce que fondamentalement ce n'était pas l'intérêt du travailleur ni d'ailleurs une aspiration de l'intellectuel sincère, voilà que soudain les élans anti-racistes se multiplient ; que l'accueil de l'étranger, vertu essentielle, devient le socle dévoyé d'une propagande immigrationniste larmoyante et que, suprême détournement, on invoque la diversité, réalité humaine vitale, comme une valeur obligée, uniformisante. Il faut se souvenir des déclarations en 1980 du premier secrétaire du Parti Communiste Georges Marchais qui condamnait l'immigration comme une demande patronale contre les intérêts de l'ouvrier pour se convaincre du changement radical de logiciel. Il faut se souvenir aussi que c'est à partir de 1969 un gouvernement appuyé sur la majorité la plus droitière de notre Histoire qui a, d'une part, accéléré l'immigration, au prétexte, selon Pompidou, « qu'ils en voulaient toujours plus » – ce « ils » désignant les industriels – et, d'autre part, les premières lois contre la discrimination qui, sous de nobles aspects, commençaient à défaire la préférence nationale, autre nom de la citoyenneté, en distribution généreuse des droits « à tous », allant vers une dépossession progressive du travailleur français.

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           Ce même Pompidou, ex-employé de la banque Rotschild, fera voter la fameuse « loi 73 » qui ôte à l’État français sa capacité de battre monnaie, le mettant du coup dans la main des marchés, changement conçu avec le ministre des finances Giscard promis à un bel avenir. (Notons au passage qu'aujourd'hui le fait, pour un état, de mettre la main sur sa banque centrale n'est même plus critiqué pour des raisons techniques mais idéologiques : comble du retournement lexical, on considère ce geste comme une atteinte à la démocratie, par exemple au sujet de Victor Orban en Hongrie, alors que c'est le retour de l'argent au service du bien commun). C'est sous ce même Giscard devenu à son tour président que les premières lois du regroupement familial furent promulguées. En substituant l'étranger à l'ouvrier, la gauche n'a donc fait que se convertir à ce projet économico-politique de l'immigration massive en lui donnant, il est vrai, sa caution morale et en étouffant, que dis-je, en culpabilisant les protestations du petit travailleur qui aspirait à une légitime priorité. Jean-Marie Le Pen et les médias se chargeront de colorer de soufre une revendication pourtant si juste, si modérée. Entendons-nous bien : ce ne sont pas les immigrés, nos frères comme tout autre, souvent eux-mêmes le jouet de ces puissances, ce sont les pouvoirs cyniques de la grosse économie et de la fiction idéologique du métissage universel qu'il faut ici pointer. À partir du moment où ces personnes sont entrées sur le sol, les conséquences de leur accueil et de leur droit non seulement ne sont pas à remettre en cause, mais tout renouveau ne se fera qu'en incluant tous les citoyens dans un projet national. En revanche, on peut s'interroger sur la sincérité d'une gauche qui appelle à toujours plus d'immigration au nom des droits de l'homme ainsi que d'une vision multicolore de la société déracinée, accomplissant en cela l'un des vœux principaux du marché qu'elle prétend combattre – et sur la sincérité d'une droite qui en dénonce les méfaits alors qu'elle en est l'instigatrice, qui fait mine sans arrêt de la modérer ou d'en durcir les conditions sans rien faire qu'attiser des sentiments de plus en plus vains, malsains et impuissants. On peut se demander si l'intégration, concept qui ne va pas de soi, est aujourd'hui seulement possible et si ce n'est pas ça le but recherché : le fractionnement des nations et le déracinement surplace des populations européennes.

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           Quel rapport avec le mariage homosexuel, me direz-vous ? J'en vois plusieurs. D'abord, il s'agit d'une loi qui concilie le pire de la gauche et de la droite, en bref qui incarne la jonction entre le transformisme social et le libéralisme économique. L'autre enseignement, c'est que les forces politiques « tournent ». La gauche passe du libéralisme à l'étatisme, puis, comme la droite, elle fait le contraire, et l'une et l'autre oscillent entre des désirs de « marche en avant » d'un côté et de protection ou de reconstruction de l'autre – du moins dans leurs discours, afin d'amadouer le peuple. Aussi, la revendication du mariage homosexuel ne me semble pas être un combat « de gauche » ni, à fortiori, notre opposition être un combat spécifiquement « de droite » au sens où sont les clivages d'aujourd'hui. Cela, si différent parût-il au premier abord, se rapprocherait plutôt de la mobilisation populaire contre le projet européen de 2005. Et c'est un signe des temps. L'opinion change au gré de ses difficultés et de l'épreuve du réel, par exemple au sujet de l'euro et de l'Union Européenne, et c'est une vertu de la démocratie que d'avoir toujours ce thermomètre. Or, les élites ne prennent plus en compte les températures qu'il indique. Elles mettent en scène, au contraire, la disqualification de ce thermomètre en invoquant l'extrémisme ou le populisme.

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           Il est temps de l'admettre : nous ne sommes plus maîtres chez nous. Pas plus nous, petit peuple, que le sous-fifre François Hollande. Et s'il tient bon à tout prix, s'il ne reviendra probablement pas sur la loi Taubira et si aucun homme politique n'y touchera dans les années qui viennent, c'est parce qu'un certain pouvoir supranational l'exige : il y a des pressions dans ce sens et cette loi doit absolument passer en France comme dans d'autres pays. Comment expliquer autrement qu'elle soit votée en ce moment à Chypre, en Angleterre et ailleurs, sous diverses formes ? Nous devrions en tenir compte dans notre stratégie de communication et d'information : plutôt que de crier au pourvoir « cède ! » nous devrions lui dire « résiste en notre nom ! ». Aussi, entre le référendum sur l'Europe et les mouvements d'aujourd'hui, on observe d'étranges similitudes : même fracture entre les élites et le peuple, même désinformation et propagande, même activité militante et multiple, même désir de dignité, même diabolisation du peuple. Et, plus que tout, même fracture entre un pouvoir devenu insaisissable, international, et une conscience d'en bas qui, passant sans doute par quelques fantasmes, commence à entrevoir à qui elle a affaire. D'où l'enseignement essentiel à en tirer dans notre lutte : ce n'est pas en validant et en durcissant le clivage gauche-droite comme le veut ce pouvoir qui divise pour mieux régner que nous réussirons à le combattre, c'est au contraire en rassemblant le peuple autour de ses intérêts vitaux en attendant, en espérant qu'en émanent des forces politique nouvelles. D'ailleurs, il ne faut pas faire un effort si violent pour s'imaginer une situation exactement inverse : à savoir un pouvoir de droite libérale décontractée proposant le mariage homosexuel au nom du libéralisme et de la marche en avant, dans le but d'étendre à la procréation et à l'enfant le marché tout-puissant qui est son dieu avoué, et une partie de la gauche mobilisée sincèrement contre au nom du refus de la marchandisation de l'être humain, avec une partie plus centriste gênée aux entournures qui jouerait la carte de l'opposition politique en surface avec une connivence de fond. C'est plus que plausible et c'est un cas de figure dont on doit pouvoir trouver l'exemple, peut-être en Angleterre.

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           La stratégie de l'affrontement parfois bizarre, comme si nos gouvernants provoquaient volontairement le peuple, s'explique donc parce que le pouvoir ne doit pas céder, mais aussi pour une raison encore moins avouable : elle vise à cacher la misère dans laquelle il se trouve du fait de son obéissance au schéma économique global sans aucune alternative, misère qui pour l'instant se traduit par un dilemme plus ou moins à l'esprit des gens avertis, à savoir que notre gouvernement tarde à s'engager dans un cycle de réformes d'adaptation extrêmement impopulaires pour éviter d'être balayé par l'opinion, au risque de l'être par le défaut de paiement... Il temporise, attendant le moment de panique et de bousculade qui permettra de faire toutes les liquidations nécessaires, avec peut-être un resserrement de nos libertés politiques (internet, notamment, pourrait subir une restriction car, comme vous le constatez, c'est dangereux...) Le pouvoir jouera donc à fond la carte du « bouclier légitime » contre une révolution qu'ils s'empresseront de placer à l'extrême-droite, à mesure d'ailleurs que cette qualification finira par devenir réelle tout en étant, de fait, fabriquée. J'aimerais préciser quelque chose : l'adaptation économique au mondialisme qu'on nous propose est presque sans fin. On nous demandera toujours d'aller plus loin. Aussi, si on se laisse dépouiller, nous n'aurons bientôt plus aucun moyen de riposter et le pays fracturé sera littéralement à vendre. En clair, quand les français n'auront plus d'armée de haut niveau, il ne restera presque plus rien pour résister à leur intégration dans le meilleur des mondes, rien que nos corps, nos sueurs et notre vocation spirituelle.

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           Nous voilà entrés dans un moment que je propose d'appeler, en badinant un peu, la science-fiction pour tous. En effet, beaucoup d'ingrédients d'un film ou d'un livre, d'ailleurs assez mauvais, sont réunis dans les événements que nous vivons. D'abord, il y a une complète déconnexion entre un pouvoir de représentation dans tous les sens du terme – politique, linguistique et médiatique – et ce qu'il est censé représenter, à savoir les citoyens d'une part, le réel d'autre part. Cette disjonction devient si criante que même nos efforts pour ne pas basculer dans la fameuse « théorie du complot » finissent par être les sages modérateurs qui nous permettent seulement d'aller plus loin dans l'élucidation de ce cauchemar. Mais le plus grave, ce n'est pas cette déconnexion comme une sorte de dérive de l'élite en sa cage dorée, c'est la profondeur de la modification du réel par le langage. La dernière phase avant le vote du texte a vu le trucage des photos et des chiffres des manifestations ; un vote au Sénat pour le moins trouble ; et surtout la fabrication médiatique massive d'agressions hélas banales dans notre « France d'après » mais transformées en une montée nationale de l'homophobie astucieusement associée, voire carrément assimilée à notre mouvement qui n'avait rien à voir. Mais le chef-d’œuvre en terme de science-fiction est le projet lui-même : indistinction des sexes ; modification du vocabulaire ; éducation idéologique ; fabrication de bébés en vue de les vendre ; location de ventres... Une pondeuse humaine peut, en Inde, porter un embryon dont le sperme vient d'Australie, l'ovule d'Espagne, conçu dans un laboratoire américain, et elle devra rester dans une chambre collective neuf mois sous surveillance avant d'accoucher d'un enfant qui ne sera pas de sa couleur et qui sera, aussitôt, livré à des homosexuels aux Pays-Bas. Et si vous vous opposez à ce charmant tableau, vous serez un ennemi de la liberté et du progrès, tandis qu'un néo-puritanisme incriminera toute allusion à la différence des sexes. La science-fiction pour tous, c'est maintenant !

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           Nous voyons les habituelles dérives du pouvoir prendre ces formes d'autant plus effrayantes qu'elles paraissent durables : le peuple protestant contre son asservissement, pour sa dignité, est assimilé à une menace contre la liberté, voire à une racaille terroriste, alors qu'une autre partie du peuple apparaît lobotomisée en accréditant ce discours de haine. Le renversement du vocabulaire est permanent. Ainsi, le mariage homosexuel, victoire du nombrilisme pour ses rares défenseurs sincères, devient selon Mme Taubira une « victoire de l'altérité » avec Lévinas à l'appui, philosophe pourtant conservateur. Il devient « choquant » selon Monsieur Bergé de s'opposer à la gestation pour autrui alors que pour n'importe quelle conscience claire le terme « choquant » s'applique à la pratique elle-même. Enfin, nous avons entendu que la loi votée est une « victoire de l'amour contre la haine », là où, pendant des mois, les opposants ont essuyé les opprobres et parfois les matraques sans perdre leur sang froid parce qu'ils étaient mus justement par un certain amour, tandis qu'ils voyaient, de l'autre côté, se dessiner une forme de haine d'autant plus inquiétante qu'elle jouit de moyens étatiques, économiques et médiatiques presque écrasants. Oui, cela a quelque chose de la science-fiction. Mais gardons courage. Fourbissons nos armes intel-lectuelles. Convainquons les citoyens. Travaillons, mes amis. Notre révolution sera une contre-révolution par sa profondeur et sa paix – même si sur le plan symbolique une démonstration un peu musclée est sans doute nécessaire. Quant à la force, il faudra se mettre en position de l'employer au moment où elle sera devenue légitime.

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           Entendre tous les jours des mensonges finit par les rendre réels – en fausse monnaie, certes – mais tout de même efficacement. Nos lieux de travail ou de rencontre nous permettent de vérifier, hélas, que si nous sommes de plus en plus nombreux à démasquer au moins une partie de ce pouvoir mensonger, il reste puissant sur une grande partie de nos concitoyens. Ainsi une collègue, connaissant mes opinions, vint vers moi affolée, au moment de la « semaine sanglante », pour me dire : « Alors ? Tu as vu ? Les homos s'en prennent plein la gueule. Faut quand même faire attention à ce qu'on dit, hein ? » Le plus triste était la sincérité de sa colère, après même que je lui eus expliqué qu'il y avait au moins une part de manipulation. Démontons, sans nous lasser, ce mécanisme de sidération dès qu'il nous apparaît. Quand la droite alerte sur la dette et sur le système social trop coûteux, quand la gauche nous inquiète sur notre retard en termes de mœurs ou sur notre repli identitaire, elles font le même travail de culpabilisation des consciences par la sidération, au service du même pouvoir invisible, adémocratique et bancaire, dont le but de plus en plus transparent est de nous asservir pour se gorger de notre travail.

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           La loi Taubira s'inscrit dans un projet mondial totalitaire. On nous dit que le peuple a voté, que la gauche n'a pas caché son programme, qu'il y a donc une légitimité démocratique dans cette loi et que leurs opposants deviennent des menaces pour la République – on se moque de nous. Rappelons d'abord qu'au second tour des présidentielles, pour la première fois dans la Vème, François Hollande a été élu sans obtenir la majorité des votants, tant le nombre de bulletins blancs a été massif, autour de deux millions. Ensuite, posons-nous plus fondamentalement la question de savoir qui écrit ces programmes, par qui ils sont demandés, et à qui ils sont destinés. Non seulement les français pour la plupart n'en ont que faire, mais les homosexuels eux-mêmes n'ont jamais réclamé le mariage à part une minorité agissante qu'ils apprécient peu. Et il est évident que, passé l'effet comique du « ah, s'ils s'aiment, qu'ils se marient » et que les véritables conséquences du projet apparaissent, le peuple se réveille et refuse catégoriquement. Qui donc veut, qui donc voulait cette loi ? Si vous vous concentrez sur François Hollande ou le Parti Socialiste, vous vous fourrez le doigt dans l’œil. Ils furent convaincus par qui ? Je vous le donne en mille : Dominique Strauss-Kahn, car c'est un projet de l'oligarchie mondiale et c'est pour cette raison, cette unique raison, que le gouvernement ne reculera pas. S'il reste une gauche populaire authentique, on peut lui demander de nous affranchir de cette peste oligarchique qui nous impose la fabrication et la vente des bébés, dans un but final qu'il ne vaut mieux pas imaginer tant il nous glace les veines... Entre la gauche transformiste et la droite décontractée il n'y a pas l'épaisseur d'un papier à cigarette, même s'il existe des parlementaires qui ont pour l'occasion sincèrement défendu notre mouvement et lutté contre ce projet. Les autres, au service d'un pouvoir mondial bancaire, n'ont que faire des jérémiades – ils font leur boulot : liquider la France (bientôt son armée) ; asservir son peuple ; déraciner sa culture et sa langue ; car le peuple français est un ennemi viscéral, par sa conscience et son Histoire, de ce pouvoir à dominante anglo-saxonne, impersonnel comme le silence de l'or. Leur but sera bientôt de vous arracher à votre langue. La défense du Français fait intégralement partie de notre résistance par la dignité. On a le droit de refuser l'imposition de la langue unique de la mondialisation et son introduction à travers les médias, la publicité et bientôt l'éducation. Il existe un projet de passage à l'anglais de tout notre système éducatif. Cela passe par la « tête », d'abord, l'enseignement dans les facultés et les grandes écoles, comme cela vient d'être voté, puis cela redescendra jusqu'à faire jonction avec les projets d'écoles maternelles en anglais qui ne tarderont pas à fleurir. Pour en revenir au fond, et c'est la thèse essentielle de cet article, nous assistons depuis déjà quelque temps à la fusion du Marxisme et du Libéralisme qui étaient déjà des frères, dans un projet mondial de liquidation de toutes les structures au profit du seul élan capitaliste-progressiste. Un élan lui-même liquide... Si je suis favorable à une plus grande liberté économique des petits, étouffés qu'ils sont par une fiscalité délirante, je n'ai en revanche pas de fascination particulière pour le libéralisme global tel qu'il se dessine aujourd'hui en énorme absorption d'énergie, d'image et de matière... 

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           Le mariage homosexuel est une bonne affaire pour ce pouvoir idéologique. D'abord, il dissout la famille un peu plus, seule structure qui échappe à la domination politique ou économique. Il dégrade le mariage au statut de simple droit, accentuant la judiciarisation libérale. Il défait la vision séculaire du couple et de la famille. Il relativise les bases anthropologiques et crée un flottement des êtres. L'individu déconstruit est plus facile à modeler. Mais surtout, il fonde un nouvel ordre parental et dissocie la procréation de son acte naturel. Il ouvre un marché juteux (deux milliards de dollars en Inde) et fait considérablement reculer les tabous. Acheter un enfant, c'est aussi un enfant à jeter, si vous me permettez cette violence du jeu de mots. Aussi, non pas immédiatement, mais à long terme, c'est le moyen de jouir d'esclaves, éventuellement de victimes sacrificielles. Bien sûr, les conséquences ne seront pas immédiates, ce pouvoir a tout son temps, et il le prend, pour accomplir un projet qui nous est de plus en plus clair, mais qui n'aboutira jamais, du moins pas complètement. Entre le marxisme et ce libéralisme, il y a de nombreux points communs, le premier étant de considérer l'homme comme une matière – et ce n'est pas un accident : la pensée de Marx doit beaucoup aux Lumières anglaises et françaises, même si ses inspirateurs principaux sont les penseurs allemands comme Hegel et Feuerbach. C'est pourquoi j'interpelle amicalement Vivien Hoch et, à travers lui, ces blogueurs qui se définissent comme libéraux-conservateurs. Peut-être cela suscitera-t-il un débat difficile, mais fécond. Je ne résiste pas à vous resservir cette prophétie de Bernanos qui, dès 1948 – je le cite en substance – déclarait : libéralisme et marxisme apparaîtront bientôt pour ce qu'ils sont, les deux mâchoires d'une seule gueule – le matérialisme – qui ne tardera pas, s'il n'y prend garde, à broyer l'homme tout entier. Et la science-fiction revient : on fabriquera un homme volontairement déraciné. Certains livres comme les contes de fée seront interdits aux enfants parce qu'ils leur donneraient une image trop orientée des sexes. L'introduction de la théorie du genre dans l'éducation des plus petits fait partie d'un projet de contrôle : le fameux « diviser pour mieux régner », utilisé à l'échelle des nations, des peuples, des tribus, sera dorénavant introduit dans l'individu multipolaire. L'être flottant qui ne connaît même pas son sexe me semble un excellent candidat à une certaine forme d'asservissement par l'auto-éclatement et la consommation de ses existences. Hannah Arendt disait que l'un des critères du totalitarisme était l'abolition des différences. En s'attaquant à la distinction sexuelle, le nouvel ordre mondial s'en prend à la plus intime, la plus fondamentale, la plus féconde sur tous les plans de nos différences créatrices d'ordre. Est venu le temps où les puissances ne dominent plus par l'ordre, mais par le chaos et la liberté. Mais c'est cette liberté pourtant, que nous chérissons, qui vaincra – une liberté retrouvée dans son sens vrai, c'est-à-dire ayant retourné le retournement pour enfin voir clair – une liberté réelle, vivante, ouverte – qui déteste la fiction qu'on lui substitue.

     

    Lucien Fornello

    5 juin 2013
    pour La Vaillante

     

     

  • Rebâtir l'Édifice c'est faire appel à tout le corps social pour le relever

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    C'est aussi relever le corps social que de rebâtir l'Édifice !

    Rebâtir Notre-Dame c'est reconstruire la société.jpg

    Il s'agit de rebâtir en société, comme le dit très bien cette émission en podcast sur , ce matin.  

    Sophie Nouaille avec :

     

     

    « Notre chère cathédrale est à genoux. Nous savons bien qu’elle est bien autre chose qu’un tas de pierres. Toutes les réactions du monde entier le montrent. Car quelle est la différence entre un tas de pierres et une cathédrale ? C’est la même différence qu’entre un amas de cellules et une personne humaine. Un tas de pierres et un amas de cellules ne sont qu’un amoncellement informe. Dans une cathédrale ou une personne humaine, il y a un principe d’organisation, un principe d’unité, une intelligence créatrice. L’autre chose qui unit la cathédrale et la personne humaine, c’est l’onction qu’elles peuvent recevoir pour manifester une transcendance, une présence divine qui leur confère un caractère sacré.

    Notre cathédrale Notre-Dame de Paris a reçu l’onction. En effet lors de son édification, l’autel a été chrismé, enduit de saint chrême. L’autel est le signe de la présence mystérieuse de Dieu, comme celui que Jacob construisit après sa vision des anges qui montent et descendent des cieux. Il appela ce lieu Béthel, qui signifie la maison de Dieu. L’autel, en effet, représente la présence de Dieu. La chrismation que nous faisons sur l’autel signifie la présence du Christ. Voilà pourquoi les prêtres le vénèrent en l’embrassant car c’est sur lui que se réalise le Saint Sacrifice rendu présent à chaque messe et qui sauve les hommes par le don d’amour que le Christ a fait une fois pour toutes sur la croix. C’est ce chemin de Pâques que nous célébrons à chaque Eucharistie : la mort et la Résurrection du Seigneur Jésus.

    Les croix de ses murs ont été elles aussi enduites de cette huile sacrée, de cette huile que nous allons maintenant consacrer. Cette cathédrale est habitée par un peuple. Mais elle n’est pas seulement habitée par ceux qui prient ou qui la visitent. Elle est le vaisseau d’une présence. Elle est la maison de Dieu et c’est pourquoi elle est la maison de tous.

    Mais nous savons surtout que notre Eglise, ce sont les pierres vivantes qui ont reçu l’onction. Ce peuple de fidèles qui, eux aussi, savent qu’ils sont le vaisseau d’une présence. Saint Paul le rappelle quand il dit aux chrétiens : « C’est vous le Temple de Dieu ».

    Nous allons rebâtir la cathédrale. L’émotion mondiale, l’extraordinaire élan de générosité qu’a suscité l’incendie qui l’a en partie détruite, va nous permettre d’envisager son relèvement, nous pourrions parler en ces temps de Pâques de résurrection certaine. Mais il nous faut aussi relever l’Église. Que tous les baptisés qui ont reçu l’onction du Christ, prêtre, prophète et roi, retrouvent la ferveur de leur commencement, revivent de l’extraordinaire grâce qu’ils ont reçue un jour en devenant enfants de Dieu. Il faut aussi que l’onction qu’ils ont reçue à la Confirmation manifeste ce don plénier de l’Esprit-Saint qui est l’expression même de l’amour de Dieu. Elle doit les remplir de joie afin qu’ils construisent autour d’eux la civilisation de l’amour.

    Que les prêtres, dont les mains qui touchent le corps et le sang du Seigneur ont été marquées par une onction sacrée, retrouvent le sens profond de cette suite du Christ auquel ils ont donné leur vie pour, comme lui, servir et non pas être servis. Que le seul pouvoir qu’ils possèdent jamais soit celui-là même du Christ qui donne sa vie pour ceux qu’il aime. Je sais, mes frères prêtres, que c’est ce que vous vivez déjà et que c’est cela qui fait votre joie. Et vous, frères diacres, rappelez-nous toujours par votre vie et le don de vous-mêmes dans ce service que nous sommes tous d’humbles serviteurs, en particulier ceux qui ont pour mission de nous guider en étant configurés au Christ Bon Pasteur, c’est-à-dire nous les évêques. Et vous, chers consacrés, soyez les prophètes du monde à venir.

    Ensemble, frères et sœurs, avec le don de l’Esprit-Saint qui nous vient du Père par le Fils, nous rebâtirons notre Église. Confions-nous aussi à Notre Dame qui est toujours debout, même au pied de la Croix, où son fils nous l’a confiée et nous a confiés à elle, la Sainte Vierge Marie, la toute belle : Oui, Notre-Dame de Paris, priez pour nous. »

    Mgr Michel Aupetit
    archevêque de Paris
    17 avril 2019 – Mercredi saint
    Homélie de la Messe chrismale à Saint-Sulpice (Paris 6)


    - Voir le compte-rendu.
    - Is 61, 1-3a.6a.8b-9 ; Ps 88,20-22.25.27.29 ; Ap 1,5-8 ; Lc 4,16-21 
    - Jeudi 18 avril 2019 – Mercredi saint – Année C

     

  • Faire silence pour écouter - Prière de la Fraternité Eucharistique (catholique) des Artisans de Paix

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    Artisans de Paix

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    Réunion interreligieuse de prière

    Maison Soufie – Saint-Ouen                                                                   Mardi 20 novembre 2018

    Faire silence pour écouter


    Préalable à la lecture de l’Évangile (Jean 8, 1-12)

    Comme le préconise Ignace de Loyola pour la lecture priée d’un passage de l’Écriture sainte, je vous invite à vous représenter la scène que nous allons lire : figurez-vous la saynète, voyez mentalement les personnages dans l’espace décrit. Attachez-vous aux gestes de Jésus, à ses regards ou absence de regard… et à ceux qui l’entourent.

    Situation du passage de l’Évangile

    Les gardes, que les chefs des prêtres et les pharisiens, bien décidés à le faire mourir, avaient envoyés arrêter Jésus, reviennent bredouilles. Ayant entendu Jésus parler, les gardes, édifiés, n’ont pas osé l’arrêter : « Jamais un homme n’a parlé comme cet homme ! » disent-ils à ceux qui les interrogent à leur retour. — Ils se voient répondre par les pharisiens, vexés et en colère : « Alors, vous aussi, vous vous êtes laissé égarés ? » — Mais, parmi les pharisiens, Nicodème, qui était allé trouver Jésus de nuit pour lui parler, leur dit : « Est-ce que notre Loi permet de condamner un homme sans l’entendre d’abord pour savoir ce qu’il a fait ? » — Dépités, les chefs des prêtres et les pharisiens retournent chez eux. Chacun retourne chez soi en cette fin de journée. — Quant à Jésus, il s’en alla au mont des Oliviers où il passe la nuit, qui est le lieu de silence et de solitude, propice à la prière, au colloque intérieur avec Dieu le Père.


    ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRIST SELON SAINT JEAN (8,1-12)

    01 Quant à Jésus, il s’en alla au mont des Oliviers.

    02 Dès l’aurore, il retourna au Temple. Comme tout le peuple venait à lui,
    il s’assit et se mit à enseigner.

    03 Les scribes et les pharisiens lui amènent une femme qu’on avait surprise en situation d’adultère. Ils la mettent au milieu,

    04 et disent à Jésus : « Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère.

    05 Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, que dis-tu ? »

    06 Ils parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus s’était baissé et, du doigt, il écrivait sur la terre.

    07 Comme on persistait à l’interroger, il se redressa et leur dit : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. »

    08 Il se baissa de nouveau et il écrivait sur la terre.

    09 Eux, après avoir entendu cela, s’en allaient un par un, en commençant par les plus âgés. Jésus resta seul avec la femme toujours là au milieu.

    10 Il se redressa et lui demanda : « Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ? »

    11 Elle répondit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »


    Faire silence pour écouter
    est une attitude de paix dont use Jésus dans ce passage de l’Évangile de Jean, déjà préconisé dans l’Ancien Testament :

    Isaïe 33

    15 Celui qui va selon la justice et parle avec droiture, qui méprise un gain frauduleux, détourne sa main d’un profit malhonnête, qui ferme son oreille aux propos sanguinaires et baisse les yeux pour ne pas voir le mal,

    16 celui-là habitera les hauteurs, hors d’atteinte, à l’abri des rochers. Le pain lui sera donné ; les eaux lui seront assurées. »

     

    « Faire silence pour écouter » & sainte Jeanne de France

    Sainte Jeanne de France (1464 -1505)

                Née en 1464, à Nogent-le-Roi (28 - Eure-et-Loir, à 80 km à l’ouest de Paris entre Dreux & Chartres), Jeanne est la fille du roi Louis XI et de la reine Charlotte de Savoie.

                De 5 ans à 19 ans, elle réside au château de Lignières-en-Berry, où elle vit retirée de la cour, en exil forcé à cause de son handicap dû à une maladie osseuse. En effet, elle est voutée et sera surnommée ‘Jeanne la boiteuse’.

                À 7 ans, dans l’oratoire de Lignières, elle reçoit en elle l’intuition spirituelle qu’un jour elle fondera un Ordre religieux dédié à la Vierge Marie. Les années vont passer.

                À 12 ans, elle est imposée en mariage par son père à Louis d’Orléans, de deux ans son aîné, qui jamais n’accepta ce mariage forcé. Vont suivre 22 ans de vie conjugale difficile.

                Elle a 34 ans en 1498, quand son frère le roi Charles VIII meurt accidentellement. Louis d’Orléans devient alors roi de France (Louis XII) et Jeanna devient de ce fait reine de France. Il fera alors reconnaître par Rome la nullité du sacrement du mariage avec Jeanne pour épouser Anne de Bretagne qu’il convoitait depuis longtemps, qui de veuve de Charles VIII, deviendra alors reine de France à la place de Jeanne. Jeanne, elle, devient duchesse du Berry.

                En 1502, elle concrétise alors l’intuition reçue en sa jeunesse : elle fonde à Bourges l’Ordre de la Vierge Marie, l’Annonciade, avec l’aide de son père spirituel et confesseur franciscain, le bienheureux Gabriel-Maria. 

                Elle meurt trois ans plus tard, le 4 février 1505.

                Béatifiée en 1742, Jeanne de France est canonisée par Pie XII en 1950.

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                L’Annonciade, cet Ordre de la Vierge Marie, tire son nom de l’Annonciation.
    L’Annonciation est ce moment où Marie a reçu l’Esprit Saint qui lui fit concevoir la vie de Jésus, Fils de Dieu, le Verbe fait chair, en elle. Annonciade est un néologisme qui résume l’attitude d’écoute et d’accueil de la Vierge Marie de faire la volonté de Dieu, au moment de l’Annonciation, quand l’archange Gabriel lui révèle le dessein de Dieu sur elle. Elle répond à l’ange : « Je suis la servante du Seigneur. Qu’il me soit fait selon ta parole ». Dieu a choisi la Vierge Marie pour être la mère de Jésus pour ses qualités d’accueil, d’écoute, d’humilité, d’obéissance. Parce que Marie est avant tout une femme de prière attentive à la Parole de Dieu. Telle est la spiritualité de sainte Jeanne de France : vivre l’Évangile en se conformant aux attitudes intérieures de la Vierge Marie, décrites dans les Évangiles de Luc et de Jean.
     

    « Faire silence pour écouter » dans la vie de Jeanne de France

    stPJEymard portrait rosé.jpgPermettez-moi de citer un autre saint que j’affectionne tout particulièrement pour vous montrer comment Dieu s’adresse à une âme qu’il a choisie. Saint Pierre-Julien Eymard dans une prédication sur le recueillement écrit ceci : « Il (Dieu) commence par (l’)isoler (l’âme) du monde afin de l’avoir plus à lui – c’est l’époux qui veut avoir à lui seul son épouse ». Ailleurs, à propos de la vie intérieure : « La vie intérieure est le sanctuaire du Saint Esprit dans lequel il forme l’âme fidèle à l’esprit et à la vie de Jésus. Elle est le tabernacle où Dieu rend ses oracles, fait entendre à l’âme sa douce et aimable voix, lui révèle sa vérité, l’attire à sa charité, la remplit des dons de sa bonté. Elle est le règne de Dieu dans une âme. »

                Et enfin, dans un Traité (sur la prière) d’oraison : « On peut dire que le fruit le plus précieux et le plus parfait de l’oraison, c’est de mettre l’âme dans un plus grand recueillement. C’est la condition et la preuve divine et sensible de l’opération de la grâce d’union avec Dieu. Voilà pourquoi quand Dieu veut faire quelques grandes faveurs à une âme, il commence toujours par la recueillir. Heureux silence ! qui laisse Dieu parler, et l’écoute avec amour ! »

                Grâce à son handicap qui la conduira à être rejetée de la cour immédiate de son père le roi Louis XI, Jeanne va être isolée au château de Lignières et au cœur de ce château c’est dans l’oratoire que Dieu lui parlera par l’intermédiaire de la Vierge Marie. En effet, à l’âge de 7 ans Jeanne priait Marie de tout son cœur dans l’oratoire et eut alors le sentiment que la Vierge lui disait (toute les citations et textes sur Jeanne de France sont tirées du site de l'Annonciade https://www.annonciade.info) :

                           « Il y a trois choses qui me plaisent par dessus tout, c’est d’écouter mon Fils, ses paroles et ses enseignements  […], c’est de méditer sur ses blessures, sur sa croix et sa Passion et (enfin) c’est le très Saint Sacrement de l’autel ou la messe […]  Tu chercheras aussi à établir la paix là où tu habites… Fais ceci et tu vivras ». (Chronique de l’Annonciade dans Les Sources). Jeanne vivra donc de ces choses qui plaisent à Marie, pour plaire à Jésus son Fils et à Dieu.

                Jeanne est une femme de foi dont le seul désir est de plaire à Dieu, à l’exemple de la Vierge Marie, la première croyante. Marie est la première à avoir accueilli la parole de Dieu par la bouche de l’archange Gabriel. Marie est la femme qui a accueilli le Verbe fait chair en elle. Elle est la première à avoir obéi à Dieu par son fiat (« Qu’il me soit fait selon ta parole »). L’exemple de la Vierge a été déterminant chez Jeanne. En méditant l’Évangile, avec Marie et comme Marie, Jeanne a appris ces trois choses dont la mise en pratique a contribué à la construire, à la faire tenir bon dans la prière et la charité et, de ce fait, à vivre la charité en acte, notamment auprès des pauvres de Bourges, après l’incendie qui avait ravagé la ville.

                La première chose : lire la Parole de Dieu. Comme « Marie conservait toutes ces choses, les méditant dans son cœur » (Luc, 2, 19.51), Jeanne s’est attachée aux vérités de l’Évangile. Elle l’a médité, particulièrement les passages où il est question de la Vierge, y découvrant ce qui pouvait l’aider dans sa vie quotidienne à elle. Ainsi, elle a découvert dix attitudes du cœur de la Vierge qu’elle pouvait faire siennes. C’est l’héritage spirituel marial qu’elle lègue à ses filles de l’Annonciade : le dizain des dix ‘Ave Maria’. Le regard de son esprit s’est alors posé sur Marie pure, Marie prudente, Marie humble, Marie croyante, Marie priante, Marie obéissante, Marie pauvre, Marie patiente, Marie charitable et Marie compatissante. Ce regard prolongé sur la Vierge a nourri ses pensées, inspiré ses paroles et orienté ses actions, les pénétrant de bonté.

                La seconde chose : méditer la Passion du Christ. « Debout, Marie sa Mère se tenait au pied de la Croix » (Jn, 19,25). À l’exemple de la Vierge du Stabat, Jeanne a contemplé longuement le Crucifié, comprenant que, sur la Croix, Jésus a voulu nous « séduire par son amour » (Bx Duns Scot), par sa vie donnée, sa vie livrée. Cette méditation prolongée l’a conduite à faire de sa vie un service d’amour. Si chaque année, Jeanne lavait les pieds de treize pauvres afin de commémorer le geste du Christ lavant les pieds de ses apôtres, on peut dire que c’est toute l’année qu’elle les leur lavait par ses œuvres bonnes. La méditation de la Passion a contribué aussi à faire de Jeanne un être de bonté.

                La troisième chose : recourir souvent à l’Eucharistie. « Les apôtres, avec quelques femmes, dont Marie la mère de Jésus, étaient assidus à la prière et à la fraction du pain » (Ac, 2,42). À l’exemple de Marie, Jeanne est une femme de prière ; l’eucharistie est pour elle un moment d’intense union avec Celui qu’elle reçoit. Elle communiait souvent. De communion en communion, elle est entrée toujours plus profondément dans l’intelligence de ce mystère, non pas d’une manière intellectuelle, mais existentielle : comme la Vierge, elle a porté en elle la Présence et l’a donnée au monde, là encore, par sa bonté, ses œuvres bonnes.

                Ainsi, ces trois choses que Jeanne appris en regardant la Vierge de l’Évangile l’a fait sortir de chez elle, c’est-à-dire, d’elle-même ; cela l’a conduite à avancer toujours plus avant sur les chemins de la prière et du véritable amour.

                La prière et la charité ont éclairé toute sa vie, toute son existence. C’est à cette lumière qu’elle a pu découvrir le sens des événements qui ont jalonné sa vie. La lumière de la foi, une foi réfléchie et vécue, ainsi qu’une intense vie de prière et de charité, ont constitué cette écoute intérieure lui permettant de lire au cœur des événements de sa vie le sens dont ils étaient porteurs.

     

    Jeanne et la paix

                La paix est bien un des fruits de l’eucharistie (action de grâce). À chaque messe nous recevons la Paix du Christ. À ceux et celles qui étaient proches de l’Annonciade, l’ordre religieux qu’elle fonda à la fin de sa vie, elle demandait d’êtres des artisans de paix dans leur milieu de vie. Elle-même en a donné l’exemple. 

                Le souci de la paix, le souci de construire un climat de paix, habite le cœur de sainte Jeanne. Pour elle, le moindre petit geste de paix, de charité, sert la vie. Dans ce qui est infime, fragile, dans l’insignifiant elle reconnait le don de Dieu. De plus, elle désire que tous aient ce souci de la paix. Voilà pourquoi, elle « recommandait, dit la Chronique de l’Annonciade, d’être patients dans l’adversité et pacifiques envers le prochain, de n’être ni des mécontents, ni des détracteurs ».

    Ce souci de maintenir la paix là où elle vit, Jeanne l’a reçu de la Vierge elle-même. Nous le savons grâce à son confesseur, le père Gabriel-Maria (franciscain) qui rapporte, dans un de ses écrits, les paroles de la Vierge à Jeanne :

    Ste Jeanne de France & 10 vertus.jpg« Tu chercheras à établir la paix entre tous ceux au milieu desquels tu habites. Tu ne diras rien d’autre que des paroles de paix, soucieuse du salut des âmes. Tu n’écouteras pas les paroles médisantes, lui avait dit la Vierge, et dès que tu verras quelques pécheurs, tu diras dans ton cœur : il faut sauver ces pauvres gens. Car Dieu a permis qu’ils pèchent en ta présence pour voir, Lui, Dieu, comment tu voudrais prier pour eux et quel labeur tu entreprendrais pour les sauver. Excuse-les auprès de Dieu afin d’être comme je te l’ai dit l’avocat et le défenseur de tous. »  

    Voilà pourquoi elle recommande à ses filles de garder la paix entre elles :

    « Le Christ a établi son « Tabernacle dans la paix ». Que les sœurs fassent donc tous les jours le « sermon de la paix », c’est-à-dire, qu’elles établissent toujours la paix entre les sœurs, réconciliant celles qui seraient en contestation, les excusant toutes et se faisant toujours les avocates de la paix ».

    Pourquoi cela ?

    « Parce que, répond le père Gabriel-Maria, le Christ est l’auteur de la paix, c’est Lui qui l’a donnée et Lui qui l’a prêchée. » En effet : « c’est ma paix que je vous donne » dit plusieurs fois Jésus dans l’Évangile : au Cénacle, avant sa Passion ; et après sa Résurrection.

    Pour Jeanne comme pour le père Gabriel-Maria, nos paroles doivent construire un climat de paix, et non de division. Dans un sermon sur les vertus de la Vierge Marie, il écrit :

    « Se garder d’entendre mal parler ou de critiquer quoi que ce soit car ce serait contre la vertu de vérité. Bien souvent ces paroles de critique ne sont pas vraies. Il nous faut fuir de telles paroles… Que nos paroles soient nécessaires pour le prochain ! Si la parole est de nul profit, nous perdons notre temps… » Ainsi : « Que toutes paroles ne soient qu’amour et charité. Avoir toujours paix en son cœur : ce qui est le vrai repos de l’âme. »

    (Sources : Jeanne et la paix | L'Annonciade : https://www.annonciade.info/2018/01/jeanne-et-la-paix/)

     

    Humblement, dans le silence de mon cœur…

    T : Bhx Marie-Eugène de l’Enfant Jésus
    M : Fr. Jean-Baptiste de la Sainte Famille, ocd

    R : Humblement, dans le silence de mon cœur,
    je me donne à toi, mon Seigneur. 

    1. Par ton amour, fais-moi demeurer humble et petit devant toi. 
    2. Enseigne-moi ta sagesse, Ô Dieu, viens habiter mon silence.
    3. Entre tes mains, je remets ma vie, ma volonté, tout mon être. 
    4. Je porte en moi ce besoin d'amour, de me donner, de me livrer, sans retour.
    5. Vierge Marie, garde mon chemin dans l'abandon, la confiance de l'amour.

     

     

    La prière de bénédiction de saint François d’Assise

    François écrivit des Louanges de Dieu et la bénédiction à fr. Léon pour chasser une tentation qui assaillait frère Léon. On peut dater cet écrit de septembre 1224. 

    Prière Bénédiction St François d'Assise.jpg

    Bénédiction 

    1 Que le Seigneur te bénisse et te garde ; que le Seigneur te découvre sa Face et te prenne en pitié ! 2 Qu’il tourne vers toi son Visage et te donne la paix ! 3 Que le Seigneur, frère T Léon, te bénisse !

    Signature de François, le signe Tau, en forme de T majuscule, traverse le prénom de Léon en témoignage de bénédiction.

    Septembre 1224 – Traduction : Damien Vorreux (1996)

    (Sources : http://ecole-franciscaine-de-paris.fr/louanges-de-dieu-et-benediction-a-fr-leon/)

     

    Sandrine Treuillard
    Chargée de mission pour la Fraternité Eucharistique (catholique)
    de l'association œcuménique & interreligieuse Artisans de Paix : http://www.artisans-de-paix.org/

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    Artisans de Paix - ou le désir de rencontrer l'(A)autre

  • Audition (PMA/AMP) de La Manif Pour Tous à l'Assemblée Nationale - 24/10/2018 : Texte intégral de l'exposé

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    Vidéo sur Périscope : Audition de La Manif Pour Tous à l'Assemblée Nationale - 24/10/2018

     

    Texte intégral de l’exposé

    1 – La question qui nous est posée

    Toutes les 40 secondes en moyenne, un bébé vient au monde en France. Même lorsqu’il naît d’un couple homme-femme uni au moment de la naissance, nul ne sait si quelques mois ou quelques années plus tard, il ne vivra pas, par exemple, avec un seul de ses parents ou l’un de ses parents et un autre conjoint, de sexe différent ou de même sexe.

    Depuis toujours en effet, des enfants ont été élevés par leur mère seule ou par l’un de leur parent et un « beau-parent », ce qu’on appelle aujourd’hui des familles monoparentales, recomposée ou homoparentale.

    Ce sont là des faits, qui n’ont rien de nouveau : une réalité, que nul ne peut contester.

    Nous commençons par là pour souligner un point essentiel : la question qui nous est posée aujourd’hui sur l’éventuelle extension de l’assistance médicale à la procréation aux femmes seules et aux couples de femmes n’a rien à voir avec cela. Il ne s’agit pas de parler des familles monoparentales, recomposées ou homoparentales. La question n’est pas celle-ci. Et d’ailleurs nombre de déclarations politiques et médiatiques sont trop souvent à côté de la question en jeu. Il ne faut pas se tromper de sujet !

    La question qui nous est posée, la seule, c’est de déterminer si nous pouvons – en termes d’égalité, de justice, d’éthique – décider de priver délibérément, sciemment, des enfants de père dès avant leur conception :

    Est-il envisageable qu’une société décide de créer volontairement les conditions qui feront que des enfants naissent de père inconnu ? des enfants qui seront privés de père toute leur vie !

    Autrement dit peut-on dire qu’avoir – ou ne pas avoir – de père est sans importance, indifférent dans la vie d’un enfant ?

    Alors que tous les enfants ont un père et une mère – qu’ils connaissent leur père ou non, qu’ils vivent avec lui ou non – peut-on considérer que les enfants nés de AMP, eux,pourraient être volontairement privés de père ?

    Pour le dire autrement, les enfants nés de PMA n’auraient-ils pas les mêmes droits que tous les enfants ?

    Peut-on aller, en somme, à l’encontre de l’article 1 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen selon lequel « les hommes naissent libres et égaux en droits » ?

     

    2 – Que représente le fait de naître de père inconnu ?

    Pour chercher des réponses objectives à cette question, nous avons deux possibilités :

    La première serait de s’appuyer sur des études scientifiques. Malheureusement, le CCNE nous dit lui-même, dans son avis n°126, que « les études sur le vécu des enfants nés ou non d’IAD dans des familles homo- et monoparentales a fait l’objet d’études récentes, mais souvent entachées d’erreurs méthodologiques et dénuées de pouvoir statistique ».

    Cette absence d’études fiables devrait au moins nous inciter à appliquer le principe de précaution, c’est-à-dire à ne pas avancer en l’absence de certitudes étant donné le risque d’injustice pour l’enfant.

    Il y a cependant une seconde possibilité, qui est de nous appuyer sur l’expérience humaine.

    Nous pensons d’abord aux enfants adoptés. S’ils ont été adoptés, c’est parce qu’ils ont d’abord été orphelins. Parce qu’ils sont nés à l’étranger dans des contextes difficiles, ou parce qu’ils sont nés sous X en France, un certain nombre ne savent rien de leurs parents d’origine. Or, nous constatons que nombre d’entre eux, alors qu’ils ont été adoptés par des familles aimantes, recherchent leurs origines.

    Cette quête peut envahir toute leur vie, parfois même jusqu’à l’âge adulte. Je me souviens de Lucas, un homme de 65 ans, né et adopté en France, qui avait pu compter chaque jour de sa vie sur l’amour de ses parents adoptifs, et qui me racontait, les larmes aux yeux, le vide qu’il ressentait en lui-même, le fait qu’il ne pouvait se rattacher à rien ni personne, qu’il ne pouvait se connaître vraiment. De fait, le CCNE indique que la connaissance de ses origines est « un élément structurant de l’identité des personnes ».

    D’autres cas, plus proches encore de la question qui nous intéresse, sont ceux des enfants nés d’une insémination avec donneur.

    Les premiers enfants nés à l’issue d’une IAD ont aujourd’hui plus de trente ans. Nous avons donc du recul à ce sujet. Et le fait est que nous savons que c’est une source de souffrance pour un certain nombre d’entre eux, au point qu’ils ont constitué des associations pour mettre fin à l’anonymat des donneurs, pour qu’il n’y ait plus d’enfants qui, par décision de la société, naissent d’un inconnu.

    Leurs nombreux témoignages sont éloquents. Ils emploient souvent les termes d’ « abîme », « flottement », « exclusion », « solitude », « torture psychologique », etc.

    Nous ne pouvons donc prétendre qu’être né d’un inconnu est indifférent.

    Reconnaissons-le, nous tous présents dans la salle ou suivant nos débats en vidéo, personne ne peut souhaiter à quelqu’un de naître de naître d’un inconnu.

    Alors, pourquoi provoquer volontairement de telles situations ?

     

    3 – L’absence de père est-elle sans importance pour l’enfant ?

    Cependant, les enfants nés d’une AMP avec IAD, jusqu’à présent, ont bien toujours un père qui les élève, un père « social » comme on dit, puisque l’encadrement de l’AMP la réserve depuis la 1e loi de bioéthique de 1994 aux couples homme-femme.

    Mais si l’assistance médicale à la procréation était ouverte aux femmes seules et aux couples de femmes, les enfants concernés vivraient en outre une absence totale de père : pas de présence paternelle, pas d’amour paternel, pas de père du tout.

    Certes, nous comprenons tous la puissance du désir d’enfant. Et nous sommes convaincus qu’une femme seule ou un couple de femmes apporteront de l’amour à l’enfant, qu’il sera choyé. Mais l’amour répond-il à tous les besoins d’un enfant ?

    La réponse est négative puisque, déjà, nous venons de voir que même élevés par des parents aimants, les enfants nés d’un don anonyme se posent des questions existentielles, parfois même envahissantes.

    Mais allons un peu plus loin :

    Se pose en effet la question du père : est-il important pour l’enfant ? Compte-t-il dans la vie d’un enfant ? Ou peut-on dire qu’un père peut être remplacé par une mère – ou deux mères ? Suffit-il d’aimer un enfant pour remplacer son père ?

    Ces questions nous renvoient en fait à la différence père-mère et donc à la différence homme-femme, c’est-à-dire à la différence des sexes et même, pour creuser un peu plus la question, à l’identité sexuelle. Est-elle importante, pour nous-mêmes ? pour notre entourage, pour nos enfants, pour leur construction psychique ?

    Le sexe, nous le savons bien, est une dimension fondamentale de notre être. Il n’est pas possible de balayer d’un revers de la main l’importance de l’identité sexuelle, et par suite l’importance incontournable de la différence des sexes.

    Et c’est bien pourquoi père et mère diffère l’un de l’autre, non d’une simple altérité, mais bien d’une altérité sexuelle.

    La paternité et la maternité sont différentes, et elles sont complémentaires l’une de l’autre.

    Un père, évidemment, peut remplir les mêmes tâches qu’une mère, et réciproquement. Mais ce n’est pas le sujet.

    La véritable question est beaucoup plus profonde que cela et il est clair que la manière d’être à l’enfant, d’être en relation avec l’enfant, diffère entre la mère et le père. Cela explique aussi que l’enfant a éminemment besoin de chacun de ses parents : il a non seulement besoin de connaître ceux dont il est né, mais aussi d’être en relations avec eux,proches d’eux, autant que faire se peut.

    Il est d’ailleurs des réalités sur lesquelles il est bien difficile de mettre des mots, et parler de ce qu’est un père, ou une mère, en fait partie. Mais cela n’empêche pas de vivre cette réalité au plus profond de son cœur et de reconnaître que, s’il est difficile de définir ce que représente un père pour chacun d’entre nous, il nous est plus aisé de savoir qu’il est le plus souvent irremplaçable.

    Alors nous entendons dire, parfois, qu’un grand père, par exemple, pourra tenir le rôle de « référent masculin » auprès de l’enfant.

    Ce besoin de proximité avec des personnes des deux sexes est donc bien identifié par tous.

    Cependant, cette idée d’un référent masculin ne tient pas, d’abord parce qu’un « référent masculin » ne fait pas un père : un grand-père, un oncle, un ami a sa propre vie, ses responsabilités, sa famille, etc.

    D’autre part, si l’on étend l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules, il y aura donc des familles dans lesquelles, au bout de quelques années, il n’y aura pas de grand père.

    C’est en somme une réflexion de court terme de dire qu’un « référent masculin » tiendra la place du père.

    Et j’ajoute que la proximité et la légitimité d’un père sont particulières auprès de l’enfant. Quelle légitimité a un ami, par exemple, au moment de l’adolescence, période de contestations et remises en cause parfois très vives ?

    Un « référent masculin », n’est-ce pas une illusion ?

    Nous nous félicitons d’ailleurs, aujourd’hui, et à juste titre, de voir que des pères s’occupent beaucoup plus qu’auparavant de leur enfant. Ces « nouveaux pères » sont une bonne nouvelle pour les enfants, comme pour les mères et l’ensemble de la société.

    Or notre réaction commune, très positive à ce phénomène nouveau dit bien que nous savons, profondément et intuitivement, toute l’importance des pères.

    A contrario, la Cour de cassation, dans un arrêt du 14 décembre 2017, tout récent donc, a jugé qu’être privé de père est un « préjudice d’affection ». Elle soulignait que l’enfant concerné dans l’affaire, dont le père était mort d’un accident pendant la grossesse de sa mère, « souffre à l’évidence de l’absence définitive de son père ». Et encore, dans ce cas, l’enfant sait au moins qui était son père, connaît sa filiation et sa famille paternelle !

    De fait, nous constatons combien l’absence de père pose problème. La magistrate Dominique Marcilhacy indique, par exemple, que 80% des mineurs qui passent au tribunal en comparution immédiate n’ont pas ou plus de lien avec leur père.

    Quant au phénomène de délinquance grandissante des mineurs – bien connu des services de police et de justice et qui a défrayé la chronique ces derniers temps, n’est-il pas,justement, à mettre en relation avec l’absence, la démission ou l’impossibilité de nombre de pères d’assumer leur rôle – pour diverses raisons ?

     

    4 – Peut-on éviter la commercialisation des gamètes si on étend la AMP ?

    Nous souhaitons maintenant aborder la question des gamètes.

    Nous savons tous que la France manque de gamètes disponibles pour l’assistance médicale à la procréation : la France plafonne à 300 donneurs par an. Cette insuffisance est telle que les 3,9% de couples ayant besoin d’un don de sperme dans le cadre d’une AMP peuvent attendre jusqu’à 2 ans pour en bénéficier, alors que l’âge est un facteur clé du point de vue de la fécondité. Quant aux campagnes de communication sur ce sujet, dont la dernière en 2017, on sait qu’elles ont peu d’impact.

    Or il est évident qu’étendre l’AMP aux femmes seules et aux couples de femmes nécessitera beaucoup plus de gamètes puisque, au contraire du couple homme-femme pour lequel c’est exceptionnel, 100% d’entre elles auront besoin d’apport de gamètes. La situation changerait donc radicalement au regard des besoins en gamètes masculines.

    Alors comment ferions-nous ?

    Le CCNE met pour condition à l’extension de l’AMP, la diffusion, je cite, « de campagnes énergiques, répétées dans le temps ». Qu’est-ce que cela signifie ? Que les campagnes deviendraient tout à coup 10 ou 20 fois plus efficaces ? Qu’on va mettre la pression sur les hommes ? Qu’on va les culpabiliser de ne pas avoir envie de donner leur sperme ?

    Ce n’est ni sérieux, ni crédible !

    Alors comment font les autres pays, les quelques-uns qui ont étendu l’AMP aux femmes seules et aux couples de femmes ?

    Hélas, le fait est qu’aucun Etat n’a pu maintenir la gratuité des gamètes en ayant étendu l’AMP. En effet, soit les Etats ont rendu les gamètes payants, comme l’Espagne et le Danemark ; soit ils achètent à l’étranger, dans des pays où les gamètes sont rémunérés.

    La Grande-Bretagne a ainsi publiquement expliqué, le 31 août dernier, que si les accords sur le Brexit n’incluaient pas aussi l’assistance médicale à la procréation, elle serait confrontée à une pénurie de gamètes parce qu’elle ne pourrait pas continuer à en acheter à d’autres pays. Au passage, elle a précisé qu’elle achetait près de 50% de ses échantillons de sperme au Danemark. Il en est de même pour la Belgique. Nous avons apporté des documents à ce sujet, qui ont été déposés sur vos bureaux.

    Etendre l’AMP, c’est démultiplier le besoin en apport de sperme, ce qui conduit au commerce des gamètes.

    Or le CCNE souligne lui-même qu’ « une fois le principe de la gratuité rompu sur les gamètes, on voit mal ce qui empêcherait de faire la même chose pour les autres produits et éléments du corps humain, y compris les organes (…) Il existe, comme le montre le marché international du sang et de ses dérivés, des gamètes, ou des mères porteuses, un immense vivier de personnes qui, en raison de leurs difficultés économiques, acceptent de vendre les éléments de leur corps. »

    Et le CCNE souligne que ce point « ne peut être ni évacué, ni minimisé ».

    Ce point est fondamental et il impose de ne pas être naïfs : si elle étend l’AMP à des femmes fécondes mais ayant besoin d’apport de sperme, la France participera au commerce international des gamètes. Et comme le dit le CCNE, ce seront ensuite les autres éléments du corps humain qui seront concernés.

    Voulons-nous de la marchandisation de l’humain ?

    Est-ce conforme à nos principes bioéthiques ?

    Est-ce conforme à nos valeurs républicaines ?

     

    5 – L’encadrement actuel de l’AMP ne pose pas de problème au regard de l’égalité

    Le temps nous manque pour développer d’autres points pourtant essentiels pour les générations à venir. Nous pensons à la finalité de la médecine comme à la finalité de notresystème de santé et de l’assurance maladie, lequel est d’ailleurs en difficulté.

    Nous préférons insister sur les conséquences de l’extension de l’AMP sur la pratique de l’AMP elle-même :

    Les couples homme-femme ne peuvent eux-mêmes recourir à l’AMP qu’à des conditions médicale précises : autrement dit, en l’absence d’une pathologie de la fertilité ou d’une maladie d’une particulière gravité susceptible d’être transmise à l’enfant ou au conjoint, les couples homme-femme ne peuvent accéder à l’AMP.

    Il arrive par exemple que des femmes dont le conjoint est décédé, mais dont le sperme a été conservé, réclament ce qu’on appelle une AMP post mortem. Elle n’est pas autorisée à ce jour, justement pour ne pas faire naître sciemment un enfant orphelin de père.

    Mais si l’AMP est étendue aux femmes seules, obligera-t-on des femmes veuves à détruire le sperme de leur mari alors qu’elles pourront faire ensuite une AMP seule avec un apport de sperme anonyme ? Non, évidemment.

    On voit bien, avec ce seul exemple, que sortir du motif médical pour justifier l’accès à l’acte médical qu’est l’AMP serait un engrenage, lequel rapprocherait d’ailleurs la médecine d’une « prestation de service » suivant l’expression employé par le Conseil d’Etat dans son étude « Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ? »

    A propos du Conseil d’Etat, nous voulions aussi rappeler qu’il souligne, dans son étude précitée et encore dans un arrêt du 28 septembre dernier, que l’encadrement actuel de l’AMP n’est pas contraire au principe d’égalité et qu’il ne pose pas de problème de discrimination. En effet, écrit-il, « les couples formés d’un homme et d’une femme sont, au regard de la procréation, dans une situation différente de celle des couples de personnes de même sexe (…) La différence de traitement (…) entre les couples formés d’un homme et d’une femme et les couples de personnes de même sexe est en lien direct avec l’objet de la loi qui l’établit et n’est, ainsi, pas contraire au principe d’égalité. »

    L’extension de l’AMP, en revanche, créerait des inégalités nouvelles :

    –          Entre enfants, les uns ayant un père et une mère, les autres ayant été privés de père par la société

    –          Entre femmes et hommes, les unes ayant accès à un mode de procréation qui leur permettrait d’avoir un enfant, les autres non, la gestation pour autrui étant à ce jour interdite en France.

     

    6 – La consultation publique et officielle a montré que les Français ne souhaitent pas cette extension

    Avant de conclure, nous souhaitons rappeler l’engagement pris par le Président de la République.

    Contrairement à ce que nous entendons souvent, pas un mot n’était dit de l’AMP dans la profession de foi d’Emmanuel Macron en vue de la présidentielle : l’extension de l’AMP ne figurait pas dans son programme.

    En revanche, dans la dernière ligne droite de sa campagne, puis après son élection, Emmanuel Macron a effectivement exprimé son opinion favorable, mais il a systématiquement précisé qu’il s’agissait de son opinion « personnelle ». Et il a toujours posé plusieurs conditions, dont celle d’un débat favorable. Il disait ainsi, à Têtu, dans une interview du 24 avril 2017 : « Je souhaite qu’il y ait un vrai débat dans la société. Si un tel débat aboutit favorablement, je légaliserai la PMA, mais je ne le porterai pas comme un combat identitaire ».

    Or il est de notoriété publique que la consultation légale, publique et officielle des Etats généraux de la bioéthique a montré qu’ « il n’y a pas de consensus », comme l’a souligné à plusieurs reprises le Pr Delfraissy, président du CCNE.

    Dans le détail, les Etats généraux de la bioéthique, dans les réunions publiques qui ont eu lieu partout en France, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, dans les auditions (en prenant en compte la représentativité des organismes auditionnés), comme sur le site internet de consultation en ligne, ont montré que seule une minorité est favorable à l’extension de l’AMP.

    Et en ce qui concerne les sondages, si nous les prenons tous, sans écarter ceux qui ne nous conviendraient pas, nous voyons tout de suite que les Français sont certesspontanément favorables à l’ouverture d’un nouveau « droit », mais quand on leur pose la question concrètement, en incluant l’enfant – premier concerné par l’AMP -, les réponses sont à l’opposé : ainsi, mi-septembre 2018, d’après un sondage IFOP, 82% des Français estiment que « l’Etat doit garantir à l’enfant né par PMA le droit d’avoir un père et une mère ».

    Nous avons apporté des documents à ce sujet, qui ont été déposés sur vos bureaux.

     

    Conclusion

    Toutes les instances publiques qui ont réfléchi sur l’éventuelle extension de l’AMP constatent l’ampleur de ses implications et de ses risques.

    Leurs préoccupations, qui rejoignent les nôtres, portent sur des questions essentielles, sans réponses à ce jour. Cela explique, naturellement, qu’aucune institution n’ait déclaré que l’extension de l’AMP est une nécessité et encore moins qu’il y aurait urgence à la légaliser.

    En outre, comme l’a déclaré le président du CCNE, « il n’y a pas de consensus » sur ce sujet. Il n’existe même dans aucun secteur de la société. Là aussi, nous avons apporté des documents à ce sujet, qui ont été déposés sur vos bureaux.

    Au contraire, la consultation publique et officielle, d’une ampleur inédite, a montré la volonté massive de respecter les droits de l’enfant, la finalité de la médecine et la protection du principe de gratuité des éléments du corps humain.

    J’ajoute que nous qui vivons, pour l’immense majorité, le confort de connaître nos origines paternelles et maternelles, nous avons sans doute un devoir de courage pour protéger les enfants d’un projet qui priverait délibérément, sciemment, volontairement certains d’entre eux de père.

    La société ne peut pas dire, d’une part, que les femmes ne peuvent pas se passer d’enfant et, d’autre part, que les enfants peuvent se passer de père !

    En effet, les enfants nés par PMA ont les mêmes droits que tous les enfants.

    Il semble donc raisonnable de reporter toute initiative qui remettrait en cause l’encadrement de l’accès à l’assistance médicale à la procréation.

    Un renvoi du débat sur la PMA en l’absence de père pour l’enfant permettra de poursuivre sereinement, et à l’abris de toutes polémiques, les échanges sur les nombreuses implications soulevées et soulignées par toutes les parties prenantes ; ce report donnerait en outre le temps au gouvernement de poser des actes forts attestant d’une opposition réelle et d’une lutte effective contre la pratique des mères porteuses.

    Au-delà des différents avis sur la PMA en l’absence de père, nous partageons tous la crainte de l’engrenage qui conduirait de la PMA sans père à la GPA, celle-ci étant même déjà présente sur la scène pubique.

    On nous dit que la PMA sans père n’entraînerait pas la GPA. Avant toute chose, des actes sont attendus.

    Merci de votre attention.

    Ludovine de La Rochère, présidente de La Manif Pour Tous

     

  • Message eucharistique de Notre-Dame de la Salette : Larmes & Lumière

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    Mercredi 27 décembre 2017, en la fête de la saint Jean apôtre & évangéliste, pendant une heure d’adoration à l’oratoire saint Pierre-Julien Eymard, sanctuaire Notre-Dame de la Salette, veille de mon départ, ai vu, lors du dernier quart d’heure, la réminiscence de l’Eucharistie à la blancheur rayonnante se superposer à la croix sur la poitrine de la Vierge de la Salette, de l’ensemble des trois statuettes posées au sol, debout, à droite du thabor ou trône d’exposition du Saint Sacrement. Ce fut le point de départ d’une méditation sur le message eucharistique de la Salette, que voici.

     

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    Les larmes de la Vierge ne se transforment-elles pas en perles de lumière lorsqu’elles atteignent le crucifix sur sa poitrine ? Ces larmes de lumière n’enveloppaient-elles pas tout le Christ en croix et n’en rayonnait-il pas lui-même de plus belle ? La lumière jaillissant du crucifix sur la poitrine de la Vierge n’indique-t-elle pas cette merveilleuse transfiguration de la souffrance chrétienne en gloire de la résurrection ? Cette croix glorieuse sur le cœur de la Mère de Dieu est-elle autre chose que le Mystère pascal révélé dans l’Eucharistie ? L’indifférence des hommes devant Jésus en croix sur laquelle pleure la Vierge n’est-elle pas transmuée en grâce d’amour pour ces mêmes hommes lors de cette apparition à Mélanie et Maximin ?

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    Cette réminiscence visuelle de la blancheur rayonnante de l’Eucharistie sur la poitrine, le Cœur Immaculé de Marie, fut l’image qui a condensé le mystère eucharistique qui unit Marie à son Fils Jésus sacrifié. Ensemble, ils communient à la souffrance devant l’indifférence des hommes pour l’amour que Dieu veut leur communiquer par leurs saintes personnes. Ensemble, ils communient dans la souffrance en une immense prière eucharistique, le don de leur vie et de leur personne, la Mère de Dieu et le Fils de Dieu communient et s’offrent pour le salut des hommes, ce qui attise l’amour divin entre eux et provoque la miséricorde divine pour les hommes.  

     

    Cette apparition de La Salette est une merveilleuse machine d’amour divin. Sur le crucifix, lieu-même du supplice, summum de la souffrance offerte, l’Esprit Saint rebondit, la lumière divine s’écoule, mêlée aux larmes, transfigurant toute tristesse et ténèbres à qui reçoit le message de l’apparition jusqu’au bout, dans son intégralité. La joie d’être lavé de tout péché, le sentiment incommensurable de reconnaissance, la joie de communier à la vie divine du Christ ressuscité, celle de contempler Dieu dans sa gloire sur le cœur de Notre Mère la Vierge, emportée au Ciel.


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    La Belle Dame les quitta.

    Mélanie et Maximin, le visage tourné vers le ciel, rayonnaient.

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    De dessous la pierre d’ardoise où Marie était assise et pleurait, une fontaine a issi.

     

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    Sandrine Treuillard (texte & photos)

    Engagée dans la Fraternité Eucharistique (de 2015 à 2018), branche laïque de la Congrégation du Saint-Sacrement fondée par saint Pierre-Julien Eymard, Chapelle Corpus Christi, Paris 8. 

    Texte initialement publié dans les Annales de La Salette Mai-juin 2018

    Voir aussi : Le Secret de La Salette

     

    Notre-Dame de La Salette, eucharistie, st pierre-julien eymard, adoration eucharistique, adoration,  

  • Le 'chant' du P. Eymard - Sa dernière retraite, son testament spirituel

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    Retranscription d'après l'enregistrement
    des Bénédictines du Sacré-Cœur de Montmartre

    P André Guitton sss.jpgLe p. André Guitton, sss (Père du Saint-Sacrement, communauté au 23 avenue de Friedland, Paris 8, Chapelle Corpus Christi) ouvre sa conférence par un Notre Père avec l’assemblée présente, salle Saint Ephrem, Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, ce matin du 21 avril 2018. Il nous confie à l’intercession de Notre-Dame du Saint-Sacrement, saint Joseph, saint Pierre-Julien Eymard et tous les « saints et saintes de Dieu ». 

     

    Petite histoire des éditions des Œuvres complètes de S. P-J. Eymard

    Bannière Chapelle Corpus Christi.jpgBonjour à tous, je suis très heureux d’être parmi vous. Je ne sais pas pourquoi je suis venu, mais j’ai été invité et j’ai eu la simplicité d’accepter cette invitation, comme une grâce. Et puis j’ai rencontré le père Nicolas Buttet, tôt ce matin, pour harmoniser nos interventions orales. Je ne connaissais pas le thème de la conférence qu’il va nous donner tout à l’heure, et j’ai pensé, puisqu’il est question cette année du 150ème anniversaire de la mort de saint Pierre-Julien Eymard, vous présenter sa vie, non pas comme un récit biographique – il y a des livres pour cela, et même si on a évoqué quelques points de sa vie, tout à l’heure, à l’instant… - mais à partir d’une de ses retraites, la dernière qu’il a faite comme retraite personnelle.

                Comme on l’a noté tout à l’heure, le Père Eymard n’est pas un écrivain, en ce sens qu’il n’a pas publié, sinon simplement les livres des Constitutions des Pères du Saint-Sacrement, des Servantes du Saint-Sacrement et une petite revue qui a duré deux ans. Mais il a laissé beaucoup d’écrits. Et à sa mort tous ses textes ont été collationnés, recueillis, conservés, transmis. Ça a été aussi le point de départ d’une édition que l’on a faite pour la piété des fidèles dans les années 1870-76, sous le titre de La divine Eucharistie, en 4 séries, mais qui ne sont pas des éditions qui correspondent aux normes actuelles de l’édition ; qui sont arrangées, reconstruites. Et il a fallu attendre l’ère électronique pour pouvoir saisir, organiser, puis éditer d’abord de façon électronique (sur internet), et ensuite en édition imprimée grâce au frère Poswick de l’abbaye de Maredsous et de son équipe qui ont collationné cette immense masse de documents. Il y avait dans les archives 70 000 pages qui ont été numérisées en 43 000 photos, et là-dedans, une vingtaine de milles pages ont servi de base à l’édition électronique. On a travaillé, pendant 3 ans, d’arrache-pied. On avait un terme. Parce qu’on était en 2002, et on leur a dit : « En 2006, c’est le 150ème anniversaire de la fondation. Ce serait bien que ce soit terminé le 13 mai 2006… » Alors le frère Poswick a dit : « Bon d’accord, on se met au travail. Je vous enverrai tous les mois 300 pages à vérifier, à corriger, à annoter, à traduire, à préparer pour l’édition. Vous me les remettez dans les deux mois qui suivent, moyennant quoi, en l’espace de 2 ans et 1/2 nous pourrons balayer tout l’ensemble. Ce sera fait. » Et ça a été un énorme travail de va et vient dans les petites équipes que nous étions. Et effectivement, le 13 mai 2006, nous avons présenté à l’avenue de Friedland, une première édition, une première partie. Et au mois de décembre de la même année à la Grégorienne, à Rome, nous avons présenté l’édition électronique en ligne, devant les supérieurs majeurs des congrégations religieuses. Et c’était vraiment un événement. Puis, après, on a procédé à l’édition imprimée. On s’est aperçu que l’édition électronique pouvait avoir bien des fautes… et ça passait. Mais l’édition imprimée, ça ne passe pas ! On a tout repris à zéro, on a tout corrigé, on a tout complété, on a tout harmonisé en faisant de chaque document, à ce moment-là, numéroté, et avec sa côte authentifiée. Il y en a plus de 16 000. Et le tirage a été fait : il y a eu 17 volumes, en partenariat avec les éditions Centro Eucharistico di Ponteranica en Italie, l’édition de nos pères (du Saint-Sacrement) italiens et avec Nouvelle Cité de Bruyères-le-Châtel, en France. Ceci, en guise d’introduction.

     

    La dernière retraite personnelle du P. Eymard à Saint-Maurice : son testament spirituel

                En réfléchissant à ce que je pourrais vous dire aujourd’hui, j’ai pensé prendre dans ses retraites, précisément. Deux volumes de l’édition intégrale sont ses Retraites et notes personnelles. Le 5ème volume contient toutes ses retraites personnelles. Il faut vous dire que le P. Eymard écrivait beaucoup et conservait tout. Si bien que nous avons sa première retraite - qui est celle de sa première communion à La Mure en date du 15 février 1823 -, jusqu’à sa dernière retraite qu’il va faire à Saint-Maurice, près de Paris, dans le noviciat de la communauté, au mois d’avril-mai 1868. Et nous avons ses notes de retraites de séminariste, de jeune prêtre, de prêtre de paroisse, de mariste, de père du Saint-Sacrement. C’est extraordinaire parce que ce n’était vraiment pas fait pour être édité. Mais évidemment, nous avions tous les droits et nous l’avons fait.

                Sa dernière retraite de Saint-Maurice, du 27 avril au 2 mai 1868, est vraiment comme son testament spirituel. Si vous voulez retrouver les grands repères, vous les trouverez dans les feuillets qu’on vous a remis. Né à La Mure d’Isère le 4 février 1811, baptisé le lendemain, dans une famille nombreuse. Son père avait eu 6 enfants du premier mariage. Devenu veuf, il eut 4 autres enfants de son second mariage. Beaucoup de décès. Restent à sa naissance simplement 2 du premier mariage encore survivants. Dont sa marraine et son parrain. Famille très chrétienne, laborieuse : le père a un petit commerce dans la petite cité de La Mure. Et puis, désir religieux, profondément. Puis le désir d’être prêtre qui sera contrarié par son père. Néanmoins, malgré les difficultés, après la mort de son père, qui finalement va accepter, en 1831 il entre au Grand Séminaire de Grenoble. Il est ordonné prêtre le 20 juillet 1834. Il sera prêtre du diocèse de Grenoble pendant 5 ans. D’abord 3 ans à Chatte, près de Saint-Marcellin, dans la vallée de l’Isère, et puis 2 ans comme curé à Monteynard, près de La Mure. Puis, désir de la vie religieuse : il rentre chez les maristes en 1839, heureux d’avoir la vie de communauté qui était mariale, et missionnaire. Mais il ne part pas en mission, sa santé ne le lui permet pas. Il est directeur spirituel au collège de Belley. Appelé par le père Colin, le fondateur, comme assistant général, tout jeune qu’il soit. Puis visiteur général, directeur du Tiers-ordre de Marie, à Lyon. Puis directeur, puis supérieur du collège de La Seyne s/ Mer : les maristes sont des éducateurs.

    Eymard Jeune Mariste ?.png            Dans cet itinéraire il va recevoir des grâces, que l’on dira grâces de vocation, qui vont l’orienter vers un choix qui sera décisif, pour lui aussi, de quitter la société de Marie pour fonder à Paris la Société du Saint-Sacrement, avec Mgr Sibour, l’archevêque. Il fonde à Paris, dans un milieu de pauvreté et il va développer sa congrégation. L’archevêque lui avait dit, en le recevant, après sa retraite : « Je ne suis pas pour ces choses-là, c’est purement contemplatif ! » Il pensait que c’était simplement une société d’adorateurs du saint Sacrement. Et le Père Eymard avait sursauté intérieurement, mais très calme, quand même, il dit : « Nous voulons adorer et faire adorer. Et en premier lieu créer l’œuvre de la première communion des jeunes ouvriers. » Paris, en 1856, est en plein chantier, en pleine effervescence de la révolution industrielle qui canalisait de toute la province des jeunes qui venaient à Paris pour travailler, mais dans la banlieue dont plus personnes ne s’occupait. Et lui va mettre sur pied une œuvre pour catéchiser ces jeunes : les rencontrer, les former, les discipliner, les former humainement, bien sûr. Et puis, le 15 août 1859, il a la joie d’avoir les douze premiers communiants, des jeunes, dans sa chapelle de la rue du Faubourg Saint-Jacques qui sont les prémices de 800 jeunes, des garçons, qu’il va catéchiser. Sans compter les filles lorsque Marguerite Guillot va le rejoindre pour former le noyau de la congrégation des Servantes du Saint-Sacrement. C’est à Marseille, sa deuxième fondation, que sera créée l’Agrégation du Saint-Sacrement, qui elle, se situe davantage dans le culte de l’Eucharistie, dans l’aide pour participer à l’adoration dans ces centres pour l’adoration qu’il crée. Troisième communauté à Angers. L’approbation du Saint Siège en 1863 : l’occasion d’une première retraite de fondateur.

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                En 1864, il imagine qu’il peut fonder une communauté du Saint-Sacrement, non seulement à Jérusalem, mais dans le Cénacle. Rien que ça ! Ça revient aux pères du Saint-Sacrement, c’est évident pour lui ! Et il ne soupçonne pas, évidemment, les difficultés énormes que cela pourrait soulever. Avec beaucoup de candeur et avec une opiniâtreté qui était digne de sa vocation, il va se heurter à des fins de non-recevoir. Il part à Rome pour défendre sa cause (auprès de Pie IX qui l’a en grande estime. Mais Pie IX ne peut rien : il convoque une commission de cardinaux qui étudient. Et puis il y a Noël, l’Épiphanie… ”l’épiphanat” : à ce moment-là, il n’y a plus personne qui travaille au Vatican. Alors, c’est renvoyé. Et le Père Eymard quitte le séminaire français où il est hébergé pour aller chez les rédemptoristes et faire à ce moment-là une retraite, jusqu’à ce que la décision soit prise. Le ”jusqu’à-ce-que” va durer 65 jours. Et le Père Eymard, chaque jour : trois méditations dans l’édition impressionnante où il va s’examiner lui-même. « J’ai l’impression d’avoir fait beaucoup de choses mais n’avoir pas fait l’essentiel », qui était sa propre sanctification. Il est venu pour le Cénacle, et puis tout d’un coup, il perçoit que peut-être, au fond, ce n’était pas l’essentiel, le Cénacle à Jérusalem, mais le cénacle en lui. Et à travers cet approfondissement sous l’action de la grâce, le 21 mars 1865, il va faire le don de sa personnalité, de son moi, une grâce qu’il reçoit durant son action de grâces et dont vous avez le texte ici, dans le dépliant, en dessous de la photo de la châsse. « Rien pour moi, personne. » Rien pour moi, comme personne. Ça ne veut pas dire rien pour moi, ni personne. Mais Rien pour moi comme personne. « Rien par moi. Modèle : Incarnation du Verbe. » Et dès lors, il va être tout comme dépouillé de lui-même, comme centre, et, par ailleurs, « tout revêtu de Jésus-Christ ». Il termine ainsi : « Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga. 2,20). Dès lors, le Père Eymard entre dans la nuit de l’Esprit. Dorénavant c’est un état mystique, comme les grands mystiques l’on connu. Comme Thérèse de Lisieux après son acte d’offrande à l’Amour miséricordieux. Dans la foi pure, sans aucune consolation, il va poursuivre et au milieu de nombreuses tribulations. Il va continuer, mais la requête à Jérusalem, comme vous le devinez, a été négative. Il s’est abandonné totalement au Seigneur mais avec le cénacle en lui. Et c’est extraordinaire, parce que nous soupçonnons à peine ce que cela représente. Et dès lors, effectivement, les tribulations, les difficultés vont survenir.

      

    Trois méditations de la Retraite de Saint-Maurice, du 28 avril 1868

    St Pierre-Julien Eymard malade.jpg            Alors, je pensais vous remettre cette feuille double qui est tirée de sa dernière retraite du 28 avril 1868, qui doit être lue [— et on vous le communiquera d’une façon ou d’une autre : voir sur ce lien (qui comporte l’introduction à cet enseignement) —] à la lumière de l’état dans lequel vit S. Pierre-Julien Eymard. Tout dépouillé de lui-même et tout entier donné au Christ, donné à sa mission, donné à ses frères. Et c’est merveilleux parce que dans cette retraite qu’il commence en disant Je suis venu pour prier, il a conscience qu’il est usé, mais il continue à prêcher l’Eucharistie et à vivre. C’est un moment de grâce qu’il vit dans une propriété qui est à Saint-Maurice, Montcouronne - je ne sais pas si vous voyez dans la région parisienne où cela se trouve, du côté de Dourdan, du côté de Saint-Gomez-la-Ville, qui reste d’ailleurs presque telle quelle aujourd’hui… Une belle maison bourgeoise de la fin du XVIIIème siècle, avec 4 hectares d’enclos, où il avait installé son noviciat. Tranquille, heureux ! Il disait : « Ce sera la maison… On ouvrira les portes de la chapelle et les oiseaux viendront chanter leur Créateur ! » On croirait entendre François, n’est-ce pas ? Et il était là, vraiment heureux. Ça a été un moment pour lui de réconfort. Ce 28 avril a été un moment merveilleux parce qu’il fait comme l’anamnèse, la mémoire de ce qu’il a vécu. Mais pensons que c’est un homme qui est dans cet état dépouillé de lui-même et entièrement donné. Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christi qui vit en moi.

                La première méditation de ce 28 avril, c’est d’abord à la Très-Sainte Vierge. On ne va pas le relire en entier, mais…


    NR 45,2 [mardi 28 avril 1868] 2e jour

    de 6 h à 7 h

    1re méditation – À la très Sainte Vierge

    Grâces

    Que de grâces Dieu m’a faites jusqu’à ce jour !

    Comme il m’a aimé ! – À l’excès.

    Que m’a-t-il refusé ? – Rien.

    Que ne me donne-t-il pas à présent !

    Je l’aime peu, et il m’aime tendrement.

    Je le déshonore par ma vie, et il m’honore encore plus par ses dons et […].

    Je le sers si mal, et il me garde à son service, comme si j’étais un bon serviteur.

    Je suis si lâche et si infidèle à mes devoirs, à l’honneur de sa gloire, et il me laisse l’honneur et la puissance.

    Il m’a confié la gloire de sa Société. Hélas ! Je la vole, je la vends, cette gloire. Et il ne reste à mon Maître qu’un serviteur infidèle et un ministre paresseux.

    Qui de nous deux va se lasser ? Sera-ce moi ?

    Quelle a été la source de mon peu de correspondance à la grâce ?

    Je ne me suis jamais donné absolument, exclusivement.

    J’ai servi Dieu par gloire propre.

     

                Impressionnant de la part d’un homme qui est au sommet de la sainteté à laquelle Dieu l’appelle, mais qui se trouve tellement décalé par rapport à l’appel qu’il reçoit, en lui.
     

    J’ai servi Dieu pour mon amour-propre.

    Je n’ai jamais embrassé résolument et constamment la pratique de l’humilité de Jésus. J’ai voulu être quelque chose avec Lui, par Lui. Voilà le dernier mot du vieil homme en moi. 


                Mais, comme c’est sous la protection de la Vierge Marie, il dit tout simplement… Mais il est dans la nuit de l’esprit. Si je vous ai parlé de la Grande Retraite de Rome (1865), c’est qu’on ne peut pas comprendre ce texte si on ne sait pas dans quel état spirituel il se trouve. Il doit être entièrement réinterprété à la lumière de ces états.

     

    Ô Marie ! Qui m’avez conduit et donné à Jésus, il faut maintenant me reconduire, me redonner à Jésus que j’ai perdu !

     

                Parce que c’est par elle qu’il a vraiment cheminé. Cet abîme d’indignité et cet élan extraordinaire vers un plus comme impossible. 


                La deuxième méditation nous fait relire la vie du Père Eymard, par le Père Eymard, donc, trois mois avant son départ pour le Ciel. Elle est intitulée Foi eucharistique. C’est vraiment très beau. C’est très beau parce qu’on a le Père Eymard dans sa limpidité, dans la clarté de son âme et avec son cheminement, les grâces qu’il a reçu. Il nous y donne la clef d’interprétation de toute sa vie, à travers ces notes qu’il écrit pour lui-même. Ce n’est pas pour nous, ça ne nous concerne pas du tout ! Mais nous sommes-là par-dessus et nous voyons le Père Eymard qui écrit ces choses-là.

                La plus grande grâce de ma vie a été une foi vive au très Saint Sacrement, dès mon enfance. Le Père Fiorenzo Salvi, qui a préfacé l’édition intégrale des écrits du Père Eymard, cite ceci comme le fil rouge qui nous permet de comprendre le P. Eymard dans tout son cheminement. Parce qu’il a un cheminement extraordinaire. Et alors de reprendre à ce moment-là les grandes étapes de sa vie. Mais sous l’angle, précisément, de cette foi vive au très Saint Sacrement. Les grands repères pour lui. Il a dit : dès mon enfance.

     

    NR 45,3

    2e jour – de 10 h à 11 h

    2e méditation – Foi eucharistique

    La plus grande grâce de ma vie a été une foi vive au très Saint Sacrement, dès mon enfance :

    – grâce de communion : le désir de ma 8e année : tout vers elle.

     

                Il a 8 ans, il désire communier profondément : mais on est en 1823, le jansénisme marquait très profondément la piété chrétienne, même après la Révolution, et à ce moment-là on attend 12 ans pour communier. Il faut dire que jusqu’au décret libérateur de S. Pie X, en 1910, c’était la norme : 12 ans pour communier. Et lui, à 8 ans, il est tout vers la communion et dit à sa sœur et marraine : « Que tu es heureuse, toi… » (il doit dire ‘vous’ à Marianne, d’ailleurs, parce qu’en famille, à cette époque-là…) : Que vous êtes heureuse de pouvoir communier et communiez pour moi. Et il se penchait vers elle, Jésus est présent en toi, et moi… Et lui se sentait… C’est quand même très beau, parce que… Grâce de communion. Ensuite :
     

    – grâce de dévotion : visite journalière au très Saint Sacrement.


                Figurez-vous que dans ses notes de l’époque - parce qu’on en a aussi -, il a retrouvé dans Les Visites au Saint Sacrement de S. Alphonse de Liguori - qui n’était pas encore saint en ce temps-là -, l’histoire du frère (je ne sais pas si c’est Élie ou autre chose), où il dit : un ami ne pourrait pas passer devant la porte de son ami sans aller lui rendre visite. Quand vous passez devant une église, allez visiter votre ami, Jésus ! Il reprend ces choses-là.
     

    – grâce de vocation : à Fourvière : Notre Seigneur est au très Saint Sacrement, seul, sans un corps religieux qui le garde, l’honore, le fasse glorifier ! Pourquoi ne pas établir quelque chose, un Tiers-Ordre, etc. à La Seyne (saint Joseph), grâce de donation, de fusion, de bonheur, et qui a duré jusqu’à l’approbation apostolique, si douce.

     
                Grâce de vocation. Il passe par-dessus : il est ordonné prêtre, mais là il n’en dit rien : grâce de vocation : à Fourvière. Là, nous sommes en 1851, le P. Eymard est mariste. En 1845 il y a eu quand même un événement. Il y a des grâces qui jalonnent la vie du P. Eymard. Comme jeune vicaire, en 1836-37, au calvaire de Saint-Romans - dans l’Isère, près de Saint-Marcellin -, il a la révélation que le mystère de la Croix n’est pas simplement le mystère des souffrances de Jésus mais de son amour infini et pour chacun. Donc, pour lui, personnellement. Alors qu’il a vécu jusque-là dans une piété assez rigoureuse et rigoriste. Et pénitentielle, à faire des sacrifices… Mais il va s’ouvrir à cette dimension de l’Amour. En 1845, il va prêcher l’Eucharistie : Jésus, Jésus-Christ et Jésus-Christ Eucharistie, reprenant, parodiant, pourrait-on dire, la parole de Saint Paul. À Fourvière, c’est le 21 janvier 1851 qu’il passe dans la petite chapelle de Fourvière - la grande basilique n’existe pas à ce moment-là, c’est la petite chapelle qui est sur le côté -, c’est le début de l’après-midi et il est absorbé par une pensée qu’il note et cite telle quelle : Notre Seigneur est au très Saint Sacrement, seul, sans un corps religieux qui le garde, l’honore, le fasse glorifier ! Pourquoi ne pas établir quelque chose, un Tiers-Ordre, etc. Quand Pierre-Julien dit Notre Seigneur est au très Saint Sacrement, seul ce n’est pas dans le sens romantique du divin prisonnier qui a cours aussi à cette époque-là. Jésus, tout seul… Non. Comme il le dit lui-même un peu après, c’est que l’Eucharistie ne produit pas dans l’Église les fruits qu’elle devrait produire. Donc, un corps religieux, quelque chose, et c’est une pensée. Il n’y a pas de vision, mais simplement une pensée qui lui vient, une parole intérieure.     

    – grâce de vocation : à Fourvière : Notre Seigneur est au très Saint Sacrement, seul, sans un corps religieux qui le garde, l’honore, le fasse glorifier ! Pourquoi ne pas établir quelque chose, un Tiers-Ordre, etc. à La Seyne (saint Joseph), grâce de donation, de fusion, de bonheur, et qui a duré jusqu’à l’approbation apostolique, si douce.

     
                À la Seyne s/ Mer (saint Joseph) : il s’agit du 18 avril 1853, après la messe, d’ailleurs aussi, en action de grâces : grâce de donation, de fusion, de bonheur, et qui a duré jusqu’à l’approbation apostolique, si douce. À la Seyne il reçoit une grâce dans la même ligne de fondation, de force, pour entreprendre tout ce qui sera nécessaire, quelques soient les difficultés, mais de les dépasser, et ça ne lui coûte pas. C’est une grâce de douceur, 'fortiter' & 'suaviter' ("Elle déploie sa vigueur d’un bout du monde à l’autre, elle gouverne l’univers avec bonté." Sg 8,1) ‘suaviter’ : c’est vraiment la douceur de l’Esprit Saint, la puissance de l’Esprit Saint qui lui est donnée. Et Dieu sait s’il y a… lorsque viendra ce moment, par exemple, où il devra renoncer à son état de mariste, ce n’était pas de gaîté de cœur… Il avait confié à son supérieur général, le p. Favre, qui était allé à Rome pour les affaires de la congrégation, en 1856, au mois de février-mars, il lui avait confier le souci de demander au saint Père ce qu’il fallait faire : s’il devait quitter ou s’il ne devait pas quitter la congrégation mariste. C’est beau, parce qu’avec le saint Père on avait le dernier mot, il n’y avait plus de recours, mais… par chance, ou par grâce, quand le p. Favre est revenu et que le P. Eymard l’a retrouvé près de Mâcon, à Chaintré, au noviciat des maristes, et lui a demandé : « Mais le Pape, qu’est-ce qu’il a dit ? », le p. Favre alors lui dit : « Mon pauvre ami, figure-toi, j’ai complètement oublié ! » Alors, on revenait à la case départ ! Et lui qui mettait toute sa confiance ! Il y avait quelque chose d’une simplicité : « Si le Pape dit oui, il n’y a pas de problème, c’est que le p. Favre dira oui, parce qu’il ne peut pas aller (contre l’avis du Pape). » Mais il y a quand même des médiations humaines. Elles existent et elles ont leur sens aussi. Et c’est alors que le P. Eymard dit : « Mais quoi qu’en pensent les autres secrétaires, les monsignori à Rome sur toutes ces affaires-là… » C’est alors que le p. Favre, qui faisait aussi part de son autorité, de cette vérification de la grâce qui est quand même singulière, parce que le Père Eymard était un religieux profès perpétuel qui avait exercé des charges très importantes dans la congrégation, alors le p. Favre lui pose la question : « Quel signe avez-vous de votre vocation ? » Et c’est à ce moment-là qu’il dit : « Je n’ai rien d’extraordinaire, ni vision, ni apparition, ni quoi que ce soit d’extraordinaire » - même s’il a eu des grâces singulières - « mais depuis quatre ans j’éprouve un attrait de plus en plus fort pour me consacrer à cette œuvre. » Le p. Favre lui dira : « Mais je ne peux pas. Je ne fais pas de visite… » « Ah, mais je vais demander à l’évêque ! » « Mais l’évêque… » « Si, si, l’évêque peut me relever de mes vœux… » Et quand le p. Favre a perçu à ce moment-là, la solidité, l’appel, la présence d’un appel qui vraiment venait d’ailleurs, sur le champ, il l’a relevé de ses vœux. Sur le champ ! Alors que normalement c’est le pouvoir du supérieur général avec l’avis de son Conseil. Mais c’était tellement un événement que sur le champ il l’a relevé de ses vœux. Sauf qu’il fallait bien, après, une formulation canonique et en référer au Conseil. Le P. Eymard a aussi été convoqué au Conseil général et il a été très humilié, lorsque d’aucun lui ont reproché… Enfin, peu importe… On ne faisait pas de cadeau, j’allais dire, d’une certaine façon. Et à ce moment-là il a demandé au p. Favre : « Vous suspendez la décision que vous avez prise. Je pars, je quitte Lyon, je quitte la Société, je pars dans un endroit où je ne connais personne. Je confierai à des hommes expérimentés la décision et leur décision sera définitive. » C’était le 22 avril 1856. Il quitte Lyon le 30 avril, il vient à Paris où il était venu jadis comme visiteur général pour visiter la communauté mariste de Paris. Il demande l’hospitalité pour faire sa retraite à la Mère Thérèse Dubouché de l’Adoration réparatrice. Et le 1er mai, c’était le jour de l’Ascension en 1856, il va célébrer à Notre-Dame-des-Victoires à 6h du matin. Puis il revient… Et à ce moment-là, la Mère Dubouché, dira : « Désolé, mais monsieur Gaume, le supérieur ecclésiastique, ne m’a pas permis de… » Elle le regardait embarrassée… « Il faut chercher ailleurs… » Et le P. Eymard va trouver, finalement, au 114 rue d’Enfer, là où sont actuellement les Sœurs aveugles de Saint Paul, qui est le 88 de l’avenue Denfert-Rochereau, juste à côté de l’infirmerie Marie-Thérèse, des prêtres du diocèse, une maison qui appartenait au diocèse, qui était la maison d’un grand homme… Oui, d’un grand homme : Chateaubriand. Le Pavillon Chateaubriand. Mme de Chateaubriand avait acheté l’infirmerie Marie-Thérèse pour les prêtres âgés du diocèse, en 1822, comme œuvre d’assistance, la première du genre, et comme la propriété qui était à côté… il devait y avoir je ne sais quelle chose qui devait s’installer… plus ou moins… ce n’était pas le Moulin Rouge mais c’était quand même assez divertissant… et ça pouvait troubler la tranquillité des prêtres… À ce moment-là, le vicomte avait acheté la propriété et il avait construit son pavillon où il a vécu pendant une dizaine d’années. Mais comme il était criblé de dettes, dix ans après il la cédait à l’archevêché, ce qui a soldé les dettes, et cela a appartenu à l’archevêché. C’est une maison qui était un peu à l’abandon. Et le Père Eymard va faire sa retraite là. Il va rencontrer Monseigneur Sibour qui le confiera à son auxiliaire Léon Sibour (qui était aussi le cousin de l’archevêque), qui va le suivre durant ces quelques jours de retraite entre Ascension et Pentecôte 1856. Et lorsque le mardi de la Pentecôte, le 13 mai, il va rencontrer l’archevêque, alors qu’il cherchait à rencontrer l’auxiliaire, l’archevêque lui dira : « Mais, vous êtes ces prêtres… » Le P. Eymard : « Oui… » L’archevêque : « Ah, non, c’est purement contemplatif, je ne suis pas pour ces choses là… Non, non ! » C’est à ce moment-là qu’il va dire : Nous adorons sans doute, mais nous voulons aussi faire adorer. Nous devons nous occuper de la première communion des adultes. Nous voulons mettre le feu aux quatre coins de la France, et d’abord au quatre coins de Paris, qui en a tant besoin.[1] Et il va créer l’œuvre de la première communion. Il va débuter, sans relation, sans connaissance, à Paris, dans un monde inconnu, sans ressource. Et avec sa seule foi. Comme lui-même le dira ailleurs : Dieu le veut. Et l’homme, plus rien, les moyens viendront. Mais Dieu le veut. D’abord, les vocations se font attendre. Il fera la première exposition du saint Sacrement le 6 janvier 1857, dans la première communauté du Saint-Sacrement.  
     

    – grâce d’apostolat : foi en Jésus. Jésus est là. Donc à Lui, pour [ou par] Lui, en Lui.

     
    Jésus est là mais c’est le mouvement même de la doxologie de la célébration. À lui, pour lui, en lui. Ce dynamisme de l’Eucharistie.

    Renouvellement

    J’ai bien demandé à Notre Seigneur de me renouveler dans cette grâce première. Jésus est là, seul, oublié des siens – stérile en son Sacrement.

     
    Stérile en son Sacrement, voilà le sens de ‘seul’.
     

    J’ai bien demandé la résurrection de cette grâce – de mon état si peiné, si triste, si désolé depuis trois ans.

    Oui, mon cœur a toujours aimé Jésus Hostie. Personne ne l’a eu ce cœur. Mais mon esprit, mais ma vie extérieure, mais mes rapports trop naturels, trop expansifs, voulant me faire louer de ma vocation, me consoler dans les âmes qui semblaient l’aimer, qui pouvaient le glorifier en moi : voilà le tombeau de cette grâce première.

     
    Il va demander à ce moment-là, précisément :

    Oh ! Jésus ! Des profondeurs, je crie vers toi. [Ps 129,1]. – Ressuscite en moi la grâce première. [Reprends ta conduite première] [Cf. 2Tm 1,6 – Ap 2,4].

     
    Le texte de l’Apocalypse. 


                Nous voici à la troisième méditation, pour aller très rapidement, mais c’est toute la vie du Père Eymard qui est évoquée.

     

    NR 45,4

    2e jour – de 3h à 4h

    3e méditation – Vocation eucharistique

    1° Notre Seigneur m’a appelé à son service eucharistique malgré mon indignité.

    Il m’a choisi pour travailler à sa Société malgré mon incapacité et mon infirmité.

    Il m’a conduit de la mort, et par la mort, à la vie de la Société.

     
    Le mystère pascal.

    Tout ce qu’on disait impossible est arrivé facilement, et à l’heure de Dieu.

     
    Et Dieu sait s’il y a eu des choses impossibles dans la vie du P. Eymard !
     

    À Dieu seul, amour et gloire !

    2° Preuves de grâces :

    – Dieu m’a conduit par degrés à sa Société. Il m’en montrait par fractions les sacrifices. Enfin, à La Seyne, il me les a tous demandés, jusqu’à la séparation [de la Société de Marie], – jusqu’à la croix, – jusqu’à l’abandon.

    Or, avec quel bonheur j’ai dit oui à tout, après cette bienheureuse messe ! Et Dieu a tout agréé, et conduit à bonne fin.

     
    C’est donc le 18 avril 1853, à la Seyne s/ Mer, l’épisode qu’on a évoqué plus haut.
     

    – La douceur si grande, qui a duré tant d’années, et toujours croissante par l’Eucharistie, me dit le oui de Dieu.

     
    C’est au milieu des épreuves. Il y a des épreuves, des souffrances. Il y a aussi des grâces de consolation. Recevoir à travers les événements le ‘oui’ de Dieu.
     

    La force qui en sortait, comme le fruit de sa fleur, m’assure le cœur de Dieu.

     
    Je pense que c’est d’une beauté merveilleuse… Puis… Alors-là, c’est… Nous avons dit que la nuit de l’esprit c’est la nuit de l’épreuve.


    – les sacrifices de mort à la pensée de l’œuvre, lors de Rome (P. Favre)3.
    – La mort à la Société de Marie, si pénible.
    – La mort à la réception de l’Archevêque de Paris, après treize jours d’agonie4.

     
    Je ne suis pas pour ces choses là - Pourtant Mgr D. Sibour était un homme très pieux. Et très soucieux. Il est le premier archevêque de Paris à avoir pris conscience du fait de la banlieue qui commence à entourer Paris avec le développement industriel. Et soucieux de la pastorale qui était celle de la paroisse à l’intérieur des murs et qui débordait à ce moment-là les murs de la capitale.


    – La mort au personnel quand, abandonné, tout seul.

     
    Son premier compagnon c’était un capitaine de vaisseau, le commandant de Cuers. Au début, c’était tellement difficile, qu’un beau jour le Père de Cuers l’a laissé, tout seul. Alors lui est allé au prie-Dieu et s’est mis à l’adorer. Et le Père de Cuers est revenu le lendemain.  


    – La mort à Paris, quand le Cardinal voulait nous renvoyer (sainte Thérèse)5.
    – La mort par les sujets.
    – La mort à Rome, lors du Décret6.
    – La mort la plus sensible (séparation du premier [compagnon])7.
    – La mort à l’estime des Évêques par Nemours8.

     
    La communauté des Servantes du Saint-Sacrement qui se termine lamentablement.


    – des miens par…
    – de moi par les plus pénibles épreuves depuis le… au…

    Et cependant la vie suit la mort. C’est la voie de la Société et la mienne.


    3 La rencontre à Chaintré le 22 avril 1856 avec le P. Favre, Supérieur général.

    4 La rencontre avec Mgr D. Sibour le 13 mai 1856.

    5 Le 15 octobre 1857, convocation du cardinal François Morlot qui lui demande les titres de l'approbation de l'institut.

    6 Au mois de mai 1863, à Rome où une accusation calomnieuse l'atteint.

    7 Le départ du P. de Cuers pour fonder son œuvre, en juin 1867.

    8 La fermeture de la communauté des Servantes de Nemours au mois de mai 1867.

     

    Voilà, le P. Eymard tel qu’en lui-même il se révèle. Et si nous prenions alors un peu plus loin, dans cette même retraite qui est très courte, nous verrions la profondeur de sa souffrance lorsqu’il évoque les difficultés, les épreuves qu’il connaît, qui nous laisse entrevoir combien il…
     

    Amour propre (…) 

    Il faut que l’amour de Jésus ait bien décru en moi, si j’en juge par l’état de ma vie : depuis deux [ans] et demi.

    - Jadis, mon esprit vivait de la vérité, du travail pour Jésus, des sacrifices pour sa gloire. Il était libre et fort, joyeux. La peine n'entrait pas dans son état intérieur. Et maintenant, il vit de ses peines en soi-même. Il souffre du prochain au fond de son être. C'est une tentation presque continuelle. L'amour-propre de l'esprit est froissé, est humilié, est dépité. Ce qui ne serait pas, si Jésus était sa vie. Donc…

    - Mon cœur est occupé, tenté, des consolations humaines, – et faible dans les témoignages d'estime et de dévouement. Il est trop faible quand sa vanité ou sa petite vertu est flattée.

    + x Ah! quand Jésus le remplissait, il n'avait même pas la pensée de dire ses peines. Rien ne transpirait sur ses traits. Il n'y avait de place que pour Jésus.

    Quand les épreuves venaient du dehors ou du dedans, un quart d'heure devant le très Saint Sacrement me fortifiait, me rassérénait. Et aujourd'hui, des heures me laissent le cœur brisé.

    Puis j'ai de la peine à me recueillir, à entrer dans l'intérieur des vérités, de Jésus, de moi. Je suis comme un malade qui ne sait parler que de ses douleurs ou de ses déceptions. Je suis dans le négatif.

    Aussi le sentiment intérieur est-il mort dans mes adorations. Mon âme est glacée. Jésus ne fait plus luire son bon soleil. Quel galérien je suis ! 

    (NR 45,11 – 4ème jour, 3ème méditation)


    Il va quand même retrouver une grâce, un peu plus loin, où il dira :


    Oh ! que j'aurais besoin de cette oraison de repos, aux pieds du Maître : 
    Venez à l'écart dans un lieu désert, et reposez-vous un peu [Mc 6,31] ; – de ce repos aux pieds de Jésus, repos qui aspire vers sa grâce, sa bonté, sa miséricorde – un regard d'amour.

    C'est le calme et la paix de tout soi-même, sommeil affectueux et réparateur.

    J'ai eu un petit moment ce repos.

    Oh ! que je désire l'autre oraison dont parle le Sauveur. Je la conduirai au désert, et je parlerai à son cœur [Os 2,16]. 

    (NR 45,14 – 5ème jour, 3ème méditation)

     

    [1] Citation reprise dans la biographie Saint Pierre-Julien Eymard - L’Apôtre de l’Eucharistie, André Guitton, éditions Nouvelle Cité, p. 110. L’épisode y est décrit de façon très complète.


    Lien aux Œuvres complètes en ligne de S. Pierre-Julien Eymard
    :
    http://www.msv3.org/Main.aspx?BASEID=EYM2014

    Bannière Chapelle Corpus Christi.jpgConférence donnée dans le cadre du Jubilé de S. P-J. Eymard que vous retrouverez à la page enrichie sur ce lien : Fraternité Eucharistique Corpus Christi #JubiléPJEymard2018

  • Le miracle, c'est la prière ! Appel aux Priants des Campagnes - Église rurale

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    L e  m i r a c l e,   c ' e s t   l a   p r i è r e  !

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    Écoute de l'émission sur Radio Notre Dame

    Ecclesia Magazine invite Priants des Campagnes

     

     

    20GénéraleChapelleSCJésusCroix20.jpg

    adoration saint martin,eucharistie,sacré cœur,la france,foi,christianisme,priants des campagnes,philippe de la mettrieNous assistons avec tristesse à la disparition de lieux de cultes, parcelles ostentatoires de notre patrimoine cultuel et culturel : ici, une église est désaffectée ; là, transformée en musée ; là encore, abandonnée aux ravages des intempéries, quand ce n’est pas la pelle du bulldozer qui la met à bas. Ne sommes-nous pas, nous catholiques, en particulier ceux résidant dans nos campagnes et nos petites villes, responsables de la disparition des églises ? Ne condamnons pas trop vite les élus qui refusent de les entretenir, quand elles ne sont ouvertes qu’une fois par an, devenant le reste de l’année les tombeaux poussiéreux d’une foi populaire morte. Je rêve alors que ces églises retrouvent leur vocation de Lieu de prière (« La maison de mon Père est une maison de prière »). Elles retrouveront cette vocation par l’audace, le courage de quelques-uns, convaincus que la prière en commun est un des piliers de la demande d’intercession ou de louange avec la prière personnelle. N’est-il pas possible de voir filtrer pendant quelques minutes, une fois par semaine, la lumière à travers leurs vitraux, de faire entendre, à celui qui passerait sous leurs murs, les intonations priantes ou les paroles d’un « Je vous salue Marie » ? En outre, quelques tintements de cloches ne pourraient-ils pas porter aux alentours le message suivant : « Des catholiques prient dans leur église » ? Dans tel ou tel village de 200 habitants, n’y aurait-il un matin ou un soir que 20 priants dans l’église, cela suffirait pour faire entendre nos prières. Y en aurait-il que 10, ce serait assez pour témoigner de notre foi. Y en aurait-il que 5, c’est encore assez. Y en aurait-il que 2, fidèles parmi les fidèles, cela suffirait à Dieu, car « Là où deux ou trois sont assemblés en Mon nom, Je suis au milieu d’eux ». C’est assez pour redonner vie, aux yeux du monde, à cette maison de prière et témoigner qu’elle est un lieu privilégié de rencontre et de dialogue avec Dieu. Point n’est besoin de clercs pour rouvrir nos églises ; le laïc y entre de plein droit. Personne ne nous en chasse. C’est nous, catholiques, qui la désertons, par notre tiédeur, notre manque de courage, la peur de nous montrer, et par l’alibi, parfois justifié, des contraintes de la vie quotidienne. Oui, je rêve de voir nos églises de campagne devenir les multiples chapelles dispersées d’un monastère immense, sans clôture, celui des hommes et des femmes de toutes conditions qui y prieront quelques minutes par jour ou par semaine. Cette démarche de foi d’un petit nombre, véritable levain dans la pâte, vaudra sans doute témoignage plus fécond que la grand’messe annuelle, dédiée au Saint de la contrée. Alors, si nos églises sont habitées, je dirais même éclairées, fréquemment par la prière, alors seulement nous pourrons dire à nos élus : « Ne touchez pas à mon église, nous ne pouvons vivre sans elle, car c’est en ce lieu que monte notre prière commune à Celui qui est venu pour le salut de tous les peuples ». Quant à l’argent nécessaire pour leur entretien, j’ose dire qu’il nous sera donné par surcroît. Non pas qu’il tombera du ciel, mais que la nécessité d’une participation financière des catholiques de notre pays à la conservation de lieux de cultes s’imposera. Les modes de collecte associatifs, développés ici et là avec succès, apportent la preuve que les chrétiens savent et sauront réserver à cette grande cause de sauvegarde de notre patrimoine religieux une part de leurs biens matériels. Catholiques fervents des campagnes, osez ouvrir vos églises pour y prier, soyez les visibles Priants des campagnes ; votre témoignage touchera les cœurs, parfois même les plus endurcis, et votre présence fréquente et priante en ces lieux sera la cause première de la sauvegarde de nos églises. Une église où l’on prie est une lumière qui brille dans les ténèbres du monde.

    adoration saint martin,eucharistie,sacré cœur,la france,foi,christianisme,priants des campagnes,philippe de la mettriePhilippe de La Mettrie
    Novembre 2013
    www.priantsdescampagnes.org

    Si vous voulez rejoindre l'association, écrivez à :
    priantsdescampagnes@gmail.com : nom, prénom, département, paroisse

    À diffuser largement car notre nombre peut être déterminant pour la sauvegarde d’une église ou chapelle.

    Téléchargez, Imprimez, Photocopiez & Déposez dans votre église :
    l'
    Appel aux Priants des Campagnes & le Bulletin d'Adhésion à l'association,
    ici : 1 page A4 horizontale
    .

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    Les 2 photographies : Saint-Martin de Sury-ès-Bois (18)

    Exemple d'église fermée pendant 10 ans pour travaux 
    et réhabilitée au culte, en avril 2014, par l'archevêque de Bourges,
    par la célébration eucharistique.



     

    Retrouvez cet article dans la sous-page de la page enrichie :
    Adoration Saint Martin

  • Le prêtre n’a de raison d’être que l’enfantement des âmes à Dieu : Ordinations sacerdotales de Didier & Johannes par Monseigneur Rey

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    dominique rey,eucharistie,didier bertod,johannes de hasbourg,prêtre,foi,fraternité eucharistein,miséricorde divine,la france,christianismeEn cette fête des deux Apôtres, piliers de l'Église, saint Pierre et saint Paul, La Vaillante relaie le très beau texte de Monseigneur Dominique Rey sur le prêtre, l'Eucharistie, la vie donnée au Christ & à l'Église.

    Le 16 juin 2018, cette homélie a été prononcée à l’occasion des ordinations sacerdotales de
    Johannes de Habsbourg et Didier Berthod, membres de la Fraternité Eucharistein — & fils spirituels du P. Nicolas Buttet, le fondateur — au Champs des Martyrs, à Vérolliez, Saint-Maurice (Suisse). 

     

     

     

     

     

     

    dominique rey,eucharistie,didier bertod,johannes de hasbourg,prêtre,foi,fraternité eucharistein,miséricorde divine,la france,christianismeOrdination presbytérale de Johannes de Hasbourg et Didier Berthod

    Toute ordination sacerdotale est l’occasion d’une action de grâce. Cette action de grâce est le fruit d’abord d’un émerveillement devant l’appel de Dieu. Appel déroutant qui dépasse les programmes de vie que l’on s’était fixés, qui bouscule nos agendas. Appel mystérieux qui se fraie un chemin à travers des rencontres parfois impromptues, au fil de prises de conscience, au gré des aléas de la vie… Une conviction, au départ subjective, va devenir peu à peu une certitude consistante lorsqu’elle est confirmée, confortée par l’Église.

    dominique rey,eucharistie,didier bertod,johannes de hasbourg,prêtre,foi,fraternité eucharistein,miséricorde divine,la france,christianismeCet appel au sacerdoce, au fur et à mesure qu’il s’affiche, nous dépasse et nous plonge dans la démesure de la miséricorde de Dieu à notre égard. Qui sommes-nous pour recevoir une telle mission, devenir ministres du Seigneur, pour le représenter ? «  Oh, que le prêtre est quelque chose de grand ! S’il se comprenait, il mourrait », disait le curé d’Ars. Un prêtre aîné me répétait il y a quelque temps : « Les prêtres sont de moins en moins nombreux. Il va falloir qu’ils ressemblent de plus en plus à Jésus-Christ  ».

    Notre action de grâce en ce jour est aussi portée par la générosité de la réponse à cet appel du Seigneur. Dans quelques instants, Johannes et Didier vont se prostrer sur le sol de tout leur long, dans une posture qui signifie le don radical de soi, jusqu’à la mort à soi-même. Par cette prostration, Johannes et Didier exprimeront ainsi qu’ils épousent cette terre qui devient le lieu de leur mission, jusqu’à la déposition de leur corps sur elle, en elle. La seule réponse qui vaille face à l’appel de Dieu est un oui sans restriction et sans retour en arrière, jusqu’à la mort. 

    dominique rey,eucharistie,didier bertod,johannes de hasbourg,prêtre,foi,fraternité eucharistein,miséricorde divine,la france,christianismeLe « oui » que Johannes et Didier vont prononcer sera pour vous et pour l’Église, source de salut et de bénédiction. Ce « oui » les projette dans une nouvelle dimension de leur existence. De fils, de frère, d’ami… ils deviennent désormais vos pères. Pères pour vous engendrer à la foi. Radicalement au service de votre sainteté et de la croissance de l’Église notre Mère.

    dominique rey,eucharistie,didier bertod,johannes de hasbourg,prêtre,foi,fraternité eucharistein,miséricorde divine,la france,christianismeCette cérémonie est action de grâce, mais aussi elle va transformer la vie de Johannes et de Didier qui vont recevoir le sacrement de l’Ordre. Ils vont devenir des médiateurs de la grâce de Dieu en étant configurés au Christ Bon Pasteur, pour agir in persona Christi, c’est-à-dire en la personne du Christ afin de le rendre présent. Désormais ils ne s’appartiennent plus. Le centre de gravité de leur existence se déplace en direction de la mission que le Christ leur confie. Leur existence devient pastorale, c’est-à-dire qu’elle ne se comprend qu’à partir de la mission que Dieu leur confie. Le prêtre n’a de raison d’être que l’enfantement des âmes à Dieu. Il fait naître l’homme, tout homme à la vie de Dieu. Il donne Dieu. Il donne le goût de Dieu et fait grandir le Corps du Christ qu’est l’Église.
     
    La joie du prêtre est de susciter autour de lui le bonheur de croire en Dieu. Son combat c’est de vaincre les résistances et les refus que suscite cette annonce dans le cœur de l’homme. Le combat commence par lui-même, en ce qui en lui freine ou interdit l’action du Seigneur. Souvent la joie de la mission se cueille, non seulement après, mais aussi au cœur de la bataille. Comme en témoignent les Actes des Apôtres, « ceux-ci étaient tout heureux d’avoir été trouvé dignes de subir des outrages pour le nom de Jésus  ».


    eucharistie,didier bertod,johannes de hasbourg,prêtre,foi,fraternité eucharistein,dominique rey,miséricorde divine,la france,christianismeAu cœur de la vie du prêtre, il y a l’eucharistie. Jamais le prêtre n’est autant prêtre qu’à la messe lorsqu’il prononce en la personne du Christ les paroles qui convertissent le pain et le vin en Corps et Sang du Christ. Moment d’intimité avec Dieu qui nous rejoint au plus intime de notre cœur. Moment de communion avec l’Eglise qui comme Corps du Christ, se construit à partir de l’eucharistie. Moment de sanctification du peuple chrétien, mais aussi de transformation du monde puisque celle-ci commence à partir de l’eucharistie. «  On ne comprendra le bonheur qu’il y a à dire la messe, que dans le ciel  », disait encore le curé d’Ars, qui ajoutait : « Voyez la puissance du prêtre : la langue du prêtre, d’un morceau de pain fait advenir Dieu. C’est plus que de créer…. » 

    Si l’efficacité du sacrement ne dépend pas de la sainteté du prêtre (Pastores dabo Vobis), l’Église souligne par contre que la sainteté du prêtre rend fructueux son ministère. Le prêtre est appelé à propager dans tous les compartiments de sa vie ce qu’il célèbre dans le sacrement de l’eucharistie. Sa vie entière se comprend, s’unifie, se perfectionne à partir de l’eucharistie. Comme le disait le pape Jean-Paul II « l’eucharistie, c’est ma vie. »

    dominique rey,eucharistie,didier bertod,johannes de hasbourg,prêtre,foi,fraternité eucharistein,miséricorde divine,la france,christianismeLa qualité de la vie pastorale du prêtre dépend essentiellement de l’eucharistie. C’était encore Jean-Paul II qui disait : « l’eucharistie est le sacrement le plus efficace pour l’évangélisation  » Nos initiatives aussi géniales soient-elles, resteront toujours des œuvres humaines. L’eucharistie elle, est l’œuvre de Dieu. Je peux parler beaucoup sur Dieu, à propos de Dieu, mais la vertu de l’eucharistie est de Le rendre personnellement et substantiellement présent. Le prêtre célèbre dans l’eucharistie « source et sommet de la vie chrétienne » (Lumen Gentium n° 11), l’abaissement de Dieu, l’actualité de la Croix du Christ qui offre sa vie pour nous. Chaque messe accompagne notre marche vers la Patrie céleste. De messe en messe, nous marchons avec Dieu, vers Dieu. Le prêtre fait mémoire du Seigneur pour le faire vivre aujourd’hui en nos cœurs. Le prêtre signifie l’aujourd’hui de Dieu pour marcher ensemble sous sa conduite, vers un avenir qu’il a ouvert au matin de Pâques. 

    Par l’eucharistie, le prêtre nous apprend à discerner la présence de Dieu dans le pain et le vin offert. Tout Dieu dans la modicité de la parcelle d’hostie. L’infini dans l’infime. Tout le sacrifice du Christ dans une goutte de vin qui devient une larme de son Sang. La miséricorde divine s’exprime par ce geste inouï du Christ qui a voulu nous rejoindre au-dedans de nous-mêmes lorsque nous le recevons comme une nourriture. La miséricorde de Dieu s’exprime par sa descente jusque dans nos intestins, jusque dans nos entrailles. 

    dominique rey,eucharistie,didier bertod,johannes de hasbourg,prêtre,foi,fraternité eucharistein,miséricorde divine,la france,christianismeMinistre de l’eucharistie, le prêtre est serviteur de la Miséricorde divine. Face au mal le plus profond qui afflige notre humanité, qui blesse le cœur de chacun d’entre nous, la seule réponse qui permet à l’homme de ne pas désespérer de lui-même et des autres et même de Dieu, c’est la miséricorde qu’il nous révèle en son Fils. Il en est l’humble instrument. En raison de la miséricorde divine révélée par le Christ, l’homme ne peut tomber qu’en Dieu, aussi basse que soit sa chute. Par son ministère de la confession et en accordant le pardon de Dieu, mais aussi par son regard paternel, son attention à chacun et aux plus petits, par sa prévenance à l’égard des plus fragiles, le prêtre est homme de miséricorde. 

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    Johannes et Didier, il vous faudra toujours revenir à cette infinie miséricorde de Dieu qui vous a choisis, appelés, bénis en ce jour consacré pour être ses ministres. Dans votre ministère de prêtre, vous aurez à vivre de pardon, en le donnant aux autres et aussi en le recevant pour vous-mêmes. Il vous faudra « recoudre », comme le disait Blanche de Castille qui s’adressait à son fils Louis IX, le futur saint Louis, à propos de la France blessée par tant de divisions. Oui, Johannes et Didier, vous serez des « couturiers de la grâce ». Recoudre, telle sera votre mission. Recoudre le fil rompu avec Dieu, avec les autres, avec son propre passé. Ce ministère de réconciliation sera votre joie mais aussi votre croix, en « complétant en votre chair ce qui manque à la Passion du Christ  ». 

    Johannes et Didier, le meilleur que l’on puisse souhaiter pour vous en ce jour de votre ordination presbytérale, c’est la fidélité. La fidélité dans la sainteté. La fidélité à travers vos pauvretés et parfois grâce à elles. En paraphrasant Bernanos dans son journal du curé de campagne : « La grâce des grâces est de s’aimer humblement soi-même.  »

     
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    Abbaye de Saint-Maurice (Suisse) 
    16 juin 2018 

     

     

     

     

     

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  • Que le règne eucharistique du Christ arrive ! Conférence du P. Nicolas Buttet - SC Montmartre

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    À l'occasion de la Nuit d'Adoration au Sacré-Cœur de Montmartre du 20-21 avril 2018 : Conférence du Père Nicolas Buttet, fondateur de la Fraternité Eucharistein — du samedi 21 avril 2018 — invité par Gino Testa du Groupe de prière Padre Pio de Paris — à la suite de celle (Le 'chant' de st P-J. Eymard) du Père André Guitton, sss (Congrégation du Saint-Sacrement), biographe de st Pierre-Julien Eymard, de la communauté des Pères du Saint-Sacrement, Chapelle Corpus Christi - 23 av. de Friedland - Paris 8.
    En voici la 'vidéo'-audio enregistrée par les soins des Bénédictines du Sacré-Cœur de Montmartre.

     

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Il est bien là, ouvert sur la Croix, toute la dévotion se trouve là, il y a des textes merveilleux, comme ça… Mais finalement c'est au XIIème XIIIème siècle avec sainte Gertrude d’Helfta, sainte Metchilde de Hackeborn, sainte Metchilde de Magdebourg, Hildegarde de Bingen, où tout d’un coup le Sacré Cœur prend une première… Il y a une scène très belle où Hildegarde de Bingen voit le Sacré Cœur de Jésus, repose sur le Sacré Cœur de Jésus, et elle voit saint Jean. Et elle dit à saint Jean : « Tu es un petit cachotier ! Je suis sûre que quand tu as posé ta tête sur le Sacré Cœur de Jésus tu as dû sentir l’amour fou qu’il y avait dans son Cœur, et tu ne nous as rien dit ! Tu es un petit cachotier ! » Alors, saint Jean lui dit : « Effectivement, j’ai senti cet amour fou dans le Cœur de Jésus, mais Dieu m’a confié la mission d’annoncer le Verbe fait chair. Quant aux secrets insondables de son Cœur, ils sont réservés aux temps où la charité se refroidira sur la terre. » Et donc, ça va être Marguerite-Marie Alacoque, qui va recevoir cette dévotion au Sacré Cœur. Et puis on va voir que cette dévotion va se concentrer, se cristalliser, s’incarner, si j'ose dire, autour du Christ Eucharistique. Puisque c’est le Cœur Eucharistique de Jésus qui va être la grande dévotion de la fi du XIXème siècle mais un peu brève, malgré tout. Et saint Pierre-Julien Eymard fait partie, avec tous ses amis, avec Émilie Tamisier, avec le Père Antoine Chevrier, avec le Curé d’Ars… Ils étaient tous copains, c’est incroyable, il y avait une collection de saints qui se côtoyaient et qui priaient ensemble qui était absolument extraordinaire, hein ! C’était les potes de Jésus qui s’étaient rassemblés et ils voulaient annoncer. Ça, c’est important, c’est une belle leçon, parce que dans des moments de tiédeur et de froideur, Dieu veut vraiment rassembler ses amis pour nous donner le feu et nous donner la grâce d’évangéliser. Et puis tout d’un coup, on va voir que quand on va plus profondément dans ce Cœur de Jésus, on a la Miséricorde et c’est sainte Faustine. Finalement, toute la révélation de sainte Faustine se joue autour de Jésus Eucharistie. Et je vous disais, hier soir, cette phrase qui me touche beaucoup : « Dis bien au monde entier qu’il n’y aura pas de paix sur la terre si l’on ne vient pas à ma Miséricorde. Et le trône de ma Miséricorde c’est le Saint Sacrement. » Donc : « Dis bien au monde entier qu’il n’y aura pas de paix si l’on ne vient pas au Saint Sacrement. » Et donc, les prophéties du Père Pierre-Julien Eymard sur la conversion de la France, de l’Europe, sur la nécessité absolue de l’adoration, sur la grâce de l’adoration pour transformer le monde qui est pris dans la tiédeur et dont les âmes se croient ferventes et qu’elles ne le sont pas, parce qu’elles n’ont pas établi leur trône en Jésus Eucharistie… eh bien !, c’est vraiment maintenant que ce temps est là. Il nous est donné maintenant. Et avec cette Miséricorde qui jaillit du Cœur de Jésus. Et pour moi, cette prophétie de Faustine et cette prophétie de saint Pierre-Julien Eymard, est aussi importante que celle de Fatima, voyez-vous. Quand Marie dit, en 1917, que si on ne va pas se convertir, une guerre plus grave encore éclatera sous le pontificat de Pie XI… On est encore à l’époque du pape Benoît XV, Pie XII arrivera en 1922 sur le siège de Pierre, il mourra en 1938 et c’est vrai que la guerre éclate sous le pontificat de Pie XI, juste avant son décès. Marie annonce cela en 1917, et donc, à part Marie et le Ciel, personne ne peut savoir le nom du prochain pape, et elle l’annonce clairement, avec un signe aussi cosmique, qui aura lieu au début de l’année 1938, une lueur dans le ciel qui se verra de manière assez extraordinaire dans le monde, un peu partout. Parce qu’on n’aura pas écouté Marie, on aura cette tragédie, voyez-vous. Toute prophétie est conditionnelle, soumise à la liberté des hommes. Ninive se convertit, l’Europe ne se convertit pas. Voilà. Et aujourd’hui, le pape François a beaucoup insisté sur le lien entre Fatima et Akita, et donc, c’est quelque chose d’assez important, ce lien entre Fatima et Akita. Notre-Dame d’Akita a été reconnu par l’Église en 1984 et 1988 par le cardinal Ratzinger à Rome, c’est chez les Servantes Eucharistique du Sacré-Cœur, en montrant qu’il faut prier Jésus Eucharistie. Donc, au cœur du renouveau du monde, au cœur du renouveau de notre vie personnelle, au cœur de la guérison du monde, il y a Jésus Eucharistie. Il fallait être fou de la part de Jésus, de se rendre présent dans cette vulnérabilité-là, vous voyez… Bien sûr, c’est Dieu transcendant qui est là, mais c’est le bébé de Marie, c’est le vrai corps que Marie a porté dans ses bras, c’est ce Jésus qu’elle a touché, qu’elle a caressé, qu’elle a pris, et Joseph, et le vieillard Siméon : « Oh qu’il est chou ce petit bébé ! » Et c’est l’émerveillement des bergers à la crèche, voyez-vous… C’est ça ! l’Eucharistie. Alors on a tellement pris de la distance avec l’Eucharistie… On ne dérangeait pas le ‘Divin Prisonnier’. « Interdiction… » Un prêtre a écrit à son évêque : « Interdiction de déranger le Divin Prisonnier. » À un moment donné on interdisait de le toucher avec les dents. Or, comme je l’ai dit hier, le mot ‘trogein’ en grec, c’est ‘broyer avec les dents en faisant du bruit’. Et on est arrivé à dire que c’est un péché mortel de toucher avec les dents l’Eucharistie. Mais comment a-t-on pu vouloir tenir à distance ce Dieu qui se fait si proche, jusqu’à se faire manger et « descendre dans les latrines de notre corps »[1]  ? (suite à retranscrire…)       

     

    [1] Voici le texte de Benoît XVI, citant S. Bonaventure : « Laissons-nous remplir à nouveau de cette joie : Où y a-t-il un peuple à qui Dieu est aussi proche que notre Dieu est proche de nous ? Si proche qu'il est l'un de nous, au point de nous toucher de l'intérieur. Oui, d'entrer en moi dans la Sainte Eucharistie. Une pensée qui peut être déconcertante. Sur ce processus, saint Bonaventure a utilisé, une seule fois, dans ses prières de Communion, une formulation qui secoue, qui effraie presque. Il a dit : "Mon Seigneur, comment a-t-il pu te venir à l'esprit d'entrer dans les latrines sales de mon corps ?". Oui, Il entre dans notre misère, il le fait avec conscience et il le fait pour nous pénétrer, pour nous nettoyer et pour nous renouveler, afin que, grâce à nous, en nous, la vérité soit dans le monde et le salut se réalise. »

     

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    P. Nicolas Buttet
    Fondateur de la Fraternité Eucharistein

  • Au terme de sa vie, le 'chant' de S. Pierre-Julien Eymard

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    À l’occasion d’une nuit d’adoration le vendredi 20 avril 2018 en la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre à Paris, organisée par M. Gino TESTA, du Groupe de prière de Padre Pio et animée par le P. Nicolas BUTTET, fondateur de la Fraternité Eucharistein, il m’a été demandé de participer le samedi 21 à une matinée studieuse où j’évoquerais la vie et la mission de S. Pierre-Julien EYMARD, en ce 150e anniversaire de sa mort.


    Plutôt que de reprendre un exposé biographique, j’ai pensé offrir aux participants le texte des trois méditations du 28 avril 1868 – 3 mois avant sa mort – de sa Retraite dite de Saint-Maurice (Essonne) du 27 avril – 2 mai 1868.

    Eymard Jeune Mariste ?.pngIl s’agit de notes personnelles : dans un texte concis il évoque, sous le signe de l’action de grâce, les grandes étapes de sa vie, de prêtre, de mariste, de fondateur. Sa vie singulièrement mouvementée – ‘J’ai été un peu comme Jacob, toujours en chemin, notait-il en 1865 – apparaît unifiée. D’emblée, il note la plus grande grâce de sa vie. Et comment les différents événements qu’il rappelle le conduisent à sa vocation d’adorateur et d’apôtre de l’Eucharistie. Toujours le Saint Sacrement a dominé, note-t-il également dans un autre texte.

    Non seulement le P. Eymard est au terme de sa vie, mais depuis le 21 mars 1865, date à laquelle il s’est engagé par vœu à faire le don de sa personnalité au Seigneur, il vit dans la nuit de l’esprit, sans consolation intérieure, aux prises avec de nombreuses difficultés, dans un abandon total au bon vouloir de Dieu. Les notes qu’il transcrit sont lourdes de cette ultime expérience spirituelle.

    St Pierre-Julien Eymard malade.jpgNous en devinons à mi-mots la profondeur. Il écrit ainsi le 30 avril : Quand les épreuves venaient du dehors ou du dedans, un quart d’heure devant le très Saint Sacrement me fortifiait, me rassérénait. Et aujourd’hui, des heures me laissent le cœur brisé. Au terme de sa retraite, à travers les orientations qu’il prend, il n’entend être tout simplement que le journalier de Dieu.

    La conférence a été enregistrée, ainsi que celle du P. Nicolas Buttet qui a suivi, par les soins des Bénédictines du Sacré-Cœur de Montmartre. La vidéo-Audio est sur ce lien et ci-dessus. La retranscription intégrale de l'enseignement du P. André Guitton est lisible sur ce lien : Le 'chant' du P. Eymard - Sa dernière retraite, son testament spirituel.

    Voici le texte des 3 méditations du 28 avril, tel que le P. Eymard l’a rédigé et tel qu’il est édité dans l’édition de ses Œuvres complètes.

     

    NR 45,2 [mardi 28 avril 1868] 2e jour

    de 6 h à 7 h

    1re méditation – À la très Sainte Vierge

    Grâces

    Que de grâces Dieu m’a faites jusqu’à ce jour !

    Comme il m’a aimé ! – À l’excès.

    Que m’a-t-il refusé ? – Rien.

    Que ne me donne-t-il pas à présent !

    Je l’aime peu, et il m’aime tendrement.

    Je le déshonore par ma vie, et il m’honore encore plus par ses dons et […].

    Je le sers si mal, et il me garde à son service, comme si j’étais un bon serviteur.

    Je suis si lâche et si infidèle à mes devoirs, à l’honneur de sa gloire, et il me laisse l’honneur et la puissance.

    Il m’a confié la gloire de sa Société. Hélas ! Je la vole, je la vends, cette gloire. Et il ne reste à mon Maître qu’un serviteur infidèle et un ministre paresseux.

    Qui de nous deux va se lasser ? Sera-ce moi ?

    Quelle a été la source de mon peu de correspondance à la grâce ?

    Je ne me suis jamais donné absolument, exclusivement.

    J’ai servi Dieu par gloire propre.

    J’ai servi Dieu pour mon amour-propre.

    Je n’ai jamais embrassé résolument et constamment la pratique de l’humilité de Jésus. J’ai voulu être quelque chose avec Lui, par Lui. Voilà le dernier mot du vieil homme en moi.

    Ô Marie ! Qui m’avez conduit et donné à Jésus, il faut maintenant me reconduire, me redonner à Jésus que j’ai perdu !

     

    NR 45,3

    2e jour – de 10 h à 11 h

    2e méditation – Foi eucharistique

    La plus grande grâce de ma vie a été une foi vive au très Saint Sacrement, dès mon enfance :

    – grâce de communion : le désir de ma 8e [année] : tout vers elle.

    – grâce de dévotion : visite journalière au très Saint Sacrement.

    – grâce de vocation : à Fourvière : Notre Seigneur est au très Saint Sacrement, seul, sans un corps religieux qui le garde, l’honore, le fasse glorifier ! Pourquoi ne pas établir quelque chose, un Tiers-Ordre, etc. à La Seyne (saint Joseph), grâce de donation, de fusion, de bonheur, et qui a duré jusqu’à l’approbation apostolique, si douce.

    – grâce d’apostolat : foi en Jésus. Jésus est là. Donc à Lui, pour [ou par] Lui, en Lui.

    Renouvellement

    J’ai bien demandé à Notre Seigneur de me renouveler dans cette grâce première. Jésus est là, seul, oublié des siens – stérile en son Sacrement.

    J’ai bien demandé la résurrection de cette grâce – de mon état si peiné, si triste, si désolé depuis trois ans.

    Oui, mon cœur a toujours aimé Jésus Hostie. Personne ne l’a eu ce cœur. Mais mon esprit, mais ma vie extérieure, mais mes rapports trop naturels, trop expansifs, voulant me faire louer de ma vocation, me consoler dans les âmes qui semblaient l’aimer, qui pouvaient le glorifier en moi : voilà le tombeau de cette grâce première.

    Oh ! Jésus ! Des profondeurs, je crie vers toi. [Ps 129,1]. – Ressuscite en moi la grâce première. [Reprends ta conduite première] [Cf. 2Tm 1,6 – Ap 2,4].

     

    NR 45,4

    2e jour – de 3h à 4h

    3e méditation – Vocation eucharistique

     

    Notre Seigneur m’a appelé à son service eucharistique malgré mon indignité.

    Il m’a choisi pour travailler à sa Société malgré mon incapacité et mon infirmité.

    Il m’a conduit de la mort, et par la mort, à la vie de la Société.

    Tout ce qu’on disait impossible est arrivé facilement, et à l’heure de Dieu.

    À Dieu seul, amour et gloire !

    2° Preuves de grâces :

    Dieu m’a conduit par degrés à sa Société. Il m’en montrait par fractions les sacrifices. Enfin, à La Seyne, il me les a tous demandés, jusqu’à la séparation [de la Société de Marie], – jusqu’à la croix, – jusqu’à l’abandon.

    Or, avec quel bonheur j’ai dit oui à tout, après cette bienheureuse messe ! Et Dieu a tout agréé, et conduit à bonne fin.

    – La douceur si grande, qui a duré tant d’années, et toujours croissante par l’Eucharistie, me dit le oui de Dieu.

    La force qui en sortait, comme le fruit de sa fleur, m’assure le cœur de Dieu.

    Puis :
    – les sacrifices de mort à la pensée de l’œuvre, lors de Rome (P. Favre)
    3.
    – La mort à la Société de Marie, si pénible.
    – La mort à la réception de l’Archevêque de Paris, après treize jours d’agonie
    4.
    – La mort au personnel quand, abandonné, tout seul.
    – La mort à Paris, quand le Cardinal voulait nous renvoyer (sainte Thérèse)
    5.
    – La mort par les sujets.
    – La mort à Rome, lors du Décret
    6.
    – La mort la plus sensible (séparation du premier [compagnon])
    7.
    – La mort à l’estime des Évêques par Nemours
    8.
    – des miens par…
    – de moi par les plus pénibles épreuves depuis le… au…

    Et cependant la vie suit la mort. C’est la voie de la Société et la mienne.

     

    NR 45,4.3 La rencontre à Chaintré le 22 avril 1856 avec le P. Favre, Supérieur général.

    NR 45,4.4 La rencontre avec Mgr D. Sibour le 13 mai 1856.

    NR 45,4.5 Le 15 octobre 1857, convocation du cardinal François Morlot qui lui demande les titres de l’approbation de l’institut.

    NR 45,4.6 Au mois de mai 1863, à Rome où une accusation calomnieuse l’atteint.

    NR 45,4.7 Le départ du P. de Cuers pour fonder son œuvre, en juin 1867.

    NR 45,4.8 La fermeture de la communauté des Servantes de Nemours au mois de mai 1867.

     

    [Extrait de La Retraite de Saint-Maurice – 27 avril – 2 mai 1868 – Œuvres complètes, vol. V, NR 45 , p. 391]

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    André Guitton, sss
    Chapelle Corpus Christi
    23 av. de Friedland - Paris 8

     

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  • Grâce d'attrait au saint Sacrement de Catherine de Sienne - par le Père Eymard

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    catherine de sienne, eucharistie, saint pierre-julien eymard, #jubilépjeymard2018, foi, christianisme« Prenons un autre attrait, il n'y a pas dans les âmes un attrait véritable si cet attrait n'est pas intérieur. Sainte Catherine de Sienne avait une dévotion au saint Sacrement comme il est rare de la trouver même dans les saints, au milieu de ses tribulations et dans ses oraisons. Quand on lit sa Vie et ses Dialogues, on voit que toutes ses lumières venaient de là ; c'est à elle qu'a été donnée la comparaison du soleil1, c'était sa grâce, sa vertu. C'est avec cette grâce qu'elle a converti toute l'Italie et une partie de l'Europe, qu'elle a ramené le pape, d'Avignon à Rome, remettant ainsi à l'Italie sa gloire : le pape se servait d'elle comme d'un ambassadeur auprès des rois. Où prenait-elle les grâces ? Dans le saint Sacrement, c'était sa grâce d'attrait, et elle lui a donné la force et les triomphes.

    Mais moi, quel est mon attrait ? Jamais un attrait n'est contraire à la vocation, Dieu ne se contredit pas. »

    catherine de sienne,eucharistie,saint pierre-julien eymard,#jubilépjeymard2018,foi,christianisme,transmission,sacré cœur,la franceSaint Pierre-Julien Eymard PS 185,3 (L'attrait intérieur de recueillement, de vocation, de perfection, de direction – Prédication aux Servantes du Saint-Sacrement, octobre 1959)
    Voir les catéchèses en ligne sur l'Eucharistie : #JubiléPJEymard2018


    Le P. Eymard utilise fréquemment la comparaison du soleil. Il convient donc de donner ici sa source : sainte Catherine de Sienne. Parlant du corps et du sang du Christ, Dieu le Père disait à cette mystique :

    “Ce corps [de mon Fils] est un soleil puisqu'il ne fait qu'un avec moi, vrai soleil. Il est tellement uni que l'un ne peut être séparé ni coupé de l'autre, comme dans le soleil on ne peut séparer ni la chaleur de sa lumière ni la lumière de sa couleur, tant est grande la perfection de cette union. [] Je suis ce soleil, Dieu éternel, d'où ont procédé le Fils et le Saint-Esprit.”

    Voir le texte complet dans Le livre des Dialogues, Sainte Catherine de Sienne, Seuil, 1953, chap. 110, p. 351.

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    Photo : Chapelle des Dominicaines, Carcassonne (11)

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  • Le Don de soi - à la suite de S. Pierre-Julien EYMARD

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    Le Don de soi - Vœu + portrait.jpg

     

    #jubilépjeymard2018,chapellecorpuschristiparis8,andré guiton,eucharistie,adoration eucharistique,adoration,la france,st pierre-julien eymard,foi,christianisme,transmission,sacré cœur,Écologie humaine,vulnérabilitéIntroduction : Le Père Eymard est un passionné, épris de perfection et de sainteté. Sa retraite de première communion s’achève par cette assertion, Mon Dieu et mon tout. Dans sa retraite d’ordination sacerdotale, il est prêt à tout faire et à tout sacrifier pour Dieu. Novice mariste, il aspire à la sainteté et au martyre.

    Mais c’est comme fondateur qu’il découvre, en son cheminement personnel, la réalité du Don de soi. Nous en percevons la trace et le développement dans ses retraites de fondateur, de 1863, 1865 et 1868.

    C’est dans sa première retraite de Rome en 1863 qu’apparaît une réalité nouvelle. Il est allé à Rome pour présenter à Pie IX la demande d’approbation de son Institut. Il a remis ses documents à la Congrégation des Évêques et Réguliers, et tout va pour le mieux. Et puis il y a eu cette dénonciation calomnieuse concernant la communauté de Paris – comme si Religieux et Servantes cohabitaient ! – et il a fallu attendre quelque peu. Le P. Eymard profite de ce délai pour faire une retraite, du 17 au 24 mai, chez les Passionistes à Saints-Jean-et-Paul sur le Caelius, près du Colisée. En cette retraite, le P. Eymard est moins soucieux de sa Société que de lui-même. Je viens faire cette retraite, note-t-il, pour devenir un saint. Le gros travail de la Société est fait. Reste l’intérieur et ce sera le plus difficile – Je n’ai été qu’un homme extérieur. Au terme, il écrit : J’ai demandé le Saint-Esprit, non plus pour les autres, mais en moi. - J’ai compris enfin que Dieu aime mieux un acte de mon cœur, le don de ma personne, que tout ce que je puis faire au-dehors ; qu’un acte intérieur lui est plus glorieux et aimable que tout l’apostolat de l’univers. Et il conclut par cette singulière connaissance qu’il a reçue de lui-même : Hier, Notre Seigneur m’a montré une incroyable vérité, c’est que mon amour pour lui et la Société a été un amour de vanité. Depuis 1856, le P. Eymard s’est beaucoup dépensé pour fonder la Société du Saint-Sacrement, préparer les premières Servantes avec Marguerite Guillot, organiser l’œuvre de la Première communion des adultes à Paris, puis l’Agrégation du Saint-Sacrement à Marseille, établir une troisième communauté à Angers. Avec l’approbation des Religieux du Saint-Sacrement, son œuvre est établie de façon stable et durable. C’est l’extérieur. Reste l’intérieur, note-t-il, et ce sera le plus difficile.

    Cette première retraite de Rome est un prélude à la Grande retraite de Rome en 1865, où il recevra la grâce suprême du don de soi. 

     

    C H E M I N E M E N T   D’U N E   E X P É R I E N C E

    stPJEymard CoucConseils rouges.jpgContexte –
    Il importe de situer la Grande retraite de Rome dans son contexte. Brièvement. Après l’approbation de son Institut par Pie IX le 8 mai 1863, le P. Eymard se retire au mois d’octobre au château de Saint-Bonnet, près de Lyon, chez son ami M. Blanc de Saint-Bonnet. Là, il travaille, libre de toute autre activité extérieure, à la rédaction des Constitutions de ses Instituts religieux. Vers la fin de son séjour, il confie au P. de Cuers son projet d’établir une communauté au Cénacle à Jérusalem. Et il s’emploie sans tarder à le réaliser : premier envoi du P. de Cuers accompagné du Fr. Albert Tesnière à Jérusalem comme éclaireur au mois de janvier – mai 1864. Difficultés diplomatiques et autres. Second envoi du P. de Cuers au cours de l’été. Mais sans succès. Dès lors, il décide de se rendre lui-même à Rome pour suivre les démarches auprès du Saint-Siège. Alors qu’il pensait la chose aisée à régler, il perçoit dès son arrivée à Rome le 10 novembre 1864 que ce sera difficile. À plusieurs reprises, le cardinal Préfet lui répète : ‘On aurait dû commencer par acheter’ Il avait l’air de dire le fait accompli. [À de Cuers, 22 novembre 1864, CO 1486 ; IV,133]. Deux mois après son arrivée, les choses traînant, il entre en retraite chez les Rédemptoristes le 25 janvier 1865, en la fête de la Conversion de saint Paul.

    La Grande retraite de Rome est à situer dans ce contexte historique : une affaire à suivre en cour de Rome et une démarche personnelle qui l’engage personnellement.

    1- L’objet de sa retraite - Le P. Eymard ouvre sa retraite avec la question de l’Apôtre : Que veux-tu que je fasse ? L’objet de la question n’est pas le Cénacle, mais lui-même : Ne travailler qu’à ma sanctification personnelle, par exclusion absolue de toutes personnes et choses – Être tout entier à la grâce du moment et à elle seule. – La retraite constitue une extraordinaire quête de lui-même, sous l’action de l’Esprit Saint. Il se met dans une disponibilité totale à l’action de Dieu en lui. Il n’y a pas de plan préconçu. Les thèmes surgiront selon les temps liturgiques et les inspirations du moment.

    Ce thème de la recherche de la volonté de Dieu est développé dans la 3e méditation du 2e jour. On peut noter l’expression qui revient en de multiples occasions : J’ai vu – dans une grande ET lumineuse vérité, qui révèle que c’est sous l’action de l’Esprit Saint qu’il se découvre lui-même. Voici ce texte :

    J'ai vu dans ma méditation souffrante de corps et d'âme, une grande et lumineuse vérité, qui est la clé de ma vie, que j'avais aperçue quelquefois, mais en courant et comme en en ayant peur. C'est que je n'ai dit le Domine quid me vis facere [Ac 9,6] que pour la grandeur, la gloire du service de Dieu, que pour l'amour de gloire de Notre Seigneur, que pour son triomphe par le zèle, par le succès de son culte. - Pour mieux dire ma pensée, j'ai aimé Notre Seigneur et son service comme le serviteur d'un grand roi, […] un amour de Dieu de vanité. – […] Le moi s'est glissé en tout, est devenu mon langage, mon sentiment délicat jusque dans le soin des âmes, dans les œuvres de Dieu [NR 44, 4 : V,253].

    Telle est l’ouverture de la retraite, comme le prélude, qui va se développer avec une grande liberté.

    2- Le fil rouge : se donner – Très rapidement, apparaît le thème qui va se développer tout au long de sa recherche. Le 29 janvier, il choisit comme thème de sa méditation : Comment je me suis donné à Notre Seigneur. Il découvre qu’il ne s’est donné au service du Seigneur que par vanité. Et il se demande : 

    Qu'est-ce qu'il me faut ? Me donner à Jésus-Christ, et le servir par le don, l'holocauste de moi-même. C’est toi que je veux, et non tes dons [cf. Im 4, 8: 3]. Notre Seigneur m'a fait comprendre qu'il préfère le don de mon cœur à tous les dons extérieurs que je pourrais lui faire, quand [bien] même je lui donnerais les cœurs de tous les hommes, sans lui donner le mien. Mon fils donne-moi ton cœur [Pr 23,26] [NR 44,8 ; V,226]. 

    Voilà une méditation qu’il juge fondamentale.

    3- Un jalon sur la route du Cénacle : Le jour anniversaire de son baptême, le 5 février, il médite sur la grâce reçue en ce jour béni – une recréation en Notre Seigneur, en Jésus Christ, mais en Jésus Christ crucifié. Sa 3e méditation sur La chair, ennemie de l’Esprit Saint s’achève par cette réflexion : 

    Ce qui m'a fait du bien, c'est de comprendre qu'un acte de mépris sur moi rendrait plus de gloire à Dieu que le succès de la Société par moi, ou même du Cénacle, parce que ce serait le cénacle en moi, et la gloire de Dieu en moi – ce que Dieu préfère à tous les hommages que je lui ferais sans moi, en dehors de moi. Voilà une royale vérité [NR 44, 23 ; V,271].

    Il ne s’agit plus de faire quelque chose – même à la limite de transformer le Cénacle en sanctuaire d’adoration – mais bien de devenir comme un cénacle, d’être.

    4- Le Don en sa totalité – Dare totum pro toto – À bien des reprises, le Père Eymard renouvelle le don qu’il a fait de lui-même au Seigneur, mais, semble-t-il, de façon fragmentaire. Le 16 février, après une nuit difficile - Pauvre et triste nuit. Ai-je souffert ! note-t-il, il écrit :

    En me réveillant ce matin, plusieurs fois cette pensée de l'Imitation m'est venue : Il est étrange [Mirum] que vous ne vous abandonniez pas à moi du fond du cœur, avec tout ce que vous pouvez désirer ou posséder. - En me levant, je me suis prosterné jusqu'à terre et ai demandé lumière et grâce. Notre Seigneur m'a bien récompensé de m'être levé plus tôt, et malgré la fatigue de la nuit. - J'ai cherché le chapitre de ce mirum ! C'est le 27e du 3e livre [Im 3, 27: 7]. J'y ai lu : Il faut mon fils, que vous vous donniez tout entier pour posséder tout, et que rien ne soit à vous-même. […] Nul lieu n'est un sûr refuge (retraite Salaise), si l'on manque de l'esprit de ferveur ; et cette paix qu'on cherche au-dehors ne durera guère, si le cœur est privé de son véritable appui, c'est-à-dire si vous ne vous appuyez pas sur moi. Vous changerez, et vous ne serez pas mieux. – Soutenez-moi, Seigneur, par la grâce de l'Esprit Saint. Fortifiez-moi intérieurement de votre vertu […]. – Donnez-moi, Seigneur, la sagesse céleste, afin que j'apprenne à vous chercher et à vous trouver, à vous goûter et à vous aimer par-dessus tout […] Voilà tout le secret trouvé ! - Donner à Notre Seigneur mon moi sans condition. Je l'ai donné, je l'ai juré devant le très saint Sacrement à la consécration. […] Renouveler mon don du moi, comme ma respiration. [..] Totus tuus – Vous êtes tout à moi, et je suis tout à vous [Im 3, 5: 24] [NR 44, 42 ; V,288].

    Le P. Eymard franchit une nouvelle étape dans sa découverte du ‘Don’ : c’est la notion de ‘totalité’ : à la suite du Christ qui s’est donné sans réserve, le Père se consacre totalement à lui lors de la célébration de l’Eucharistie à la consécration.

    5- Sois à moi dans mon SacrementLe 21 février, il médite sur son ‘Service eucharistique’,

    Il perçoit une double exigence : personnelle, faire son devoir d’adorateur, comme tout autre religieux, et concernant sa communauté, rendre ses frères de bons religieux, de bons adorateurs. Au terme de l’examen qu’il fait sur sa conduite, il reçoit une nouvelle lumière. Il note :

    À la fin de ma méditation, une très belle pensée m'est venue, assurément de la miséricorde de Notre Seigneur. Je lui demandais comment il me voulait à son service. Et alors, il me semble entendre cette parole : “Sois à moi, dans mon sacrement, comme j'ai été à mon Père dans mon incarnation et ma vie mortelle.” Cette pensée m'a vivement frappé. J'en ai remercié ce bon Maître. Et je me suis donné de nouveau à lui, pour être tout à lui comme il était à son Père. Mais comment Jésus est-il à son Père dans sa vie divine de Verbe, comment était-il à son Père dans sa vie mortelle, comment est-il à son Père en sa vie sacramentelle, voilà ce que je dois examiner, répéter en moi.

    Oh ! quelle belle pensée ! Je dois être à Jésus ce que Jésus est à son Père : Moi en eux et toi en moi [Jn 17,23]. – Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez en mon amour [Jn 15,9]. C'est le [Ce n’est plus moi qui vis,] mais le Christ qui vit en moi [Ga 2,20] de saint Paul.

    Mais prions pour voir cette vérité, et nous y livrer corps et biens [NR 44, 57 ; V,304].

    Un mois avant la grâce du don de la personnalité, la pensée du P. Eymard s’oriente vers le mystère de l’incarnation du Christ et la situation concrète du Père dans sa vocation eucharistique.

    6- Dans un temps d’épreuves extrêmes

    St Pierre-Julien Eymard malade.jpgLa Grande retraite de Rome constitue un temps d’épreuve.

    D’abord, du fait du long délai qui lui est imposé dans l’attente d’une réponse à sa question. Le P. Eymard savait d’expérience qu’à Rome les choses trainent en longueur. Un moment, il avait pensé à regagner Paris. Mais il s’était repris. Si à Rome on ne pousse pas, si on n‘est pas là, c’est long, avait-il écrit au P. de Cuers le 2 décembre 1864 [CO 1490 ; IV,139] et il était resté. Les autres activités attendraient.

    Du fait surtout de ses relations avec le P. de Cuers, de plus en plus tendues. Nous ignorons les reproches qu’il reçoit de son premier compagnon, mais le 9 mars, dans sa 3e méditation sous le titre Tempêtes, il ne peut s’empêcher d’exhaler sa souffrance :

    Oh Dieu ! quelle tempête m'a assailli pendant une heure ! Que n'a pas pensé mon imagination, mon esprit agité, sévère ! Ma volonté en était presque fiévreuse. Mon cœur, cependant, est resté sans aigreur, sans idée de vengeance, ou plutôt de mesure de rigueur contre ce que je croyais de contraire à l'esprit de soumission + + +, et un faux principe en ce cher confrère, qui n'y voit pas plus loin que ses vieilles idées [NR 44,91 ; V,336].

    Cet état de souffrance durera plusieurs jours avant qu’il n’acquiesce le 20 mars, dans sa 3e méditation, Croix :

    J'ai offert les trois croix d'aujourd'hui, qui étouffaient mon cœur et brisaient mon âme. Pour la première fois, j'ai accepté, je me suis mis à la disposition du silence, de la patience, de l'abandon entre les mains de Dieu. […] Il faut prier, patienter, bénir Dieu et voilà tout. – Voir surtout le bien, le juste, le vrai de la croix ! [NR 44, 117 ; V,368].

    Le lendemain, dans sa 1e méditation sous le titre de Croix des saints, il poursuit sa méditation sur le même thème en évoquant l’exemple des saints, apôtres et fondateurs notamment :

    Il n'y a pas de saint qui n'ait été crucifié par le monde, – qui ne se soit crucifié, – que Dieu n'ait crucifié d'une manière admirable. - Ce sont surtout les saints Apôtres, les fondateurs des familles religieuses qui ont le plus souffert. - Fonder, c'est creuser la terre de son cœur, tailler des pierres, les marteler, les cimenter, les unir, leur ôter leur état brut, les polir, leur ôter leur liberté et même leur forme. [Nr 44, V ; 118,369].

    À l’image de la construction onéreuse, - il faut creuser la terre de son cœur -, il joint celle d’un accouchement douloureux, d’une naissance nouvelle, à la suite de s. Paul - Mes petits enfants, vous que j’enfante à nouveau dans la douleur. Dans cet état de déréliction, il s’abandonne à Dieu :

    Mon Dieu ! me voici, avec Jésus au jardin des Olives. Voulez-vous que tous m'abandonnent ? que tous me renient ? que personne ne me reconnaisse plus ? que je sois comme une charge, un embarras et une humiliation ? - Me voici, Seigneur. Brûle, taille-moi, dépouille-moi, humilie-moi. Donne-moi seulement aujourd'hui ton amour avec ta grâce, et demain la croix avec l'épreuve. Mais que je sois ton escabeau à toi, qui es présent dans la sainte hostie [NR 44,118 ; V,370].

     

    7- Le don de sa personnalité


    C’est alors qu’il reçoit, durant l’action de grâce de sa messe, comme une réponse à sa longue attente, le don de la personnalité. C’est un texte que nous ne cesserons jamais de méditer :

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    Action de grâces

    À la fin, j'ai fait le vœu perpétuel de ma personnalité à Notre Seigneur Jésus-Christ, entre les mains de la très sainte Vierge et de saint Joseph, sous le patronage de saint Benoît (sa fête) : rien pour moi, personne, et demandant la grâce essentielle, rien par moi. Modèle : Incarnation du Verbe.

    Or, comme par le mystère de l'Incarnation, l'humanité sainte de Notre Seigneur a été anéantie en sa propre personne, de sorte qu'elle ne se cherchait plus, elle n'avait plus d'intérêt particulier, elle n'agissait plus pour soi, ayant en soi une autre personne substituée, [à] savoir celle du Fils de Dieu, qui recherchait seulement l'intérêt de son Père, qu'il regardait toujours et en toutes choses ; de même, je dois être anéanti à tout propre désir, à tout propre intérêt et n'avoir plus que ceux de Jésus-Christ qui est en moi afin d'y vivre pour son Père. Et c'est pour être ainsi en moi qu'il se donne dans la sainte communion. De même que le Père qui est vivant m’a envoyé, moi aussi je vis par le Père, et celui qui me mange vivra lui aussi par moi [Jn 6,57].

    C'est comme si le Sauveur disait : en m'envoyant par l'Incarnation, le Père m'a coupé toute racine de recherche de moi-même, en ne me donnant pas la personne humaine, mais en m'unissant à une personne divine, afin de me faire vivre pour lui ; ainsi, par la communion, tu vivras pour moi, car je serai vivant en toi. Je remplirai ton âme de mes désirs et de ma vie qui consumera et anéantira en toi tout ce qui est propre. Tellement que ce sera moi qui vivrai et désirerai tout en toi, au lieu de toi. Et ainsi, tu seras tout revêtu de moi. Tu seras le corps de mon cœur ; ton âme, les facultés actives de mon âme ; ton cœur, le réceptacle, le mouvement de mon cœur. Je serai la personne de ta personnalité, et ta personnalité sera la vie de la mienne en toi. – Je vis, mais ce n’est plus moi. C’est le Christ qui vit en moi [Ga 2,20] [NR 44, 120 ; V,371].

    Le premier paragraphe relate l’événement de façon précise et sobre. Il est suivi d’une citation tirée du Catéchisme de la vie intérieure de Monsieur Olier, qui en explicite le contenu.

    Le lendemain, en sa 1ère méditation, il développe le contenu de ce don dans sa méditation sur L’union de Notre Seigneur :

    J'ai médité sur l'union de Notre Seigneur avec nous, union qui doit être la vie de mon vœu de personnalité. – Absque sui proprio [sans rien qui lui appartienne].

    Pourquoi Notre Seigneur désire-t-il tant cette union ? Pourquoi la demande-t-il ? Car [?] cette union est[-elle] possible, convenable et utile à Notre Seigneur ?

    Notre Seigneur désire cette union pour mieux glorifier son Père sur la terre, en s'incarnant en quelque sorte dans chaque chrétien, afin d'en devenir comme la personnalité divine et continuer sur ce chrétien uni ce que sa personne divine fit sur les actions de sa propre nature humaine, – de les élever par la dignité divine de sa personne et par la force et la puissance de cette union jusqu'au mérite divin, jusqu'à les rendre des actions divines.

    C'est donc Notre Seigneur qui veut revivre en nous, et continuer par nous la glorification de son Père comme en ses membres, afin que le Père céleste ait pour agréables toutes nos actions propres, – que, les voyant et les recevant de son divin Fils notre Sauveur, il y trouve ses complaisances et qu'ainsi il vive et règne en chacun des hommes, comme en autant de membres de Jésus-Christ, – et par cette vie et ce règne soit paralysé et détruit le règne du démon son ennemi, – qu'il reçoive de toutes les créatures et de la création, le fruit d'honneur et de gloire qui lui est dû [NR 44, 121 ; V,372].

    8 – En conclusion

    Le 29 mars, le P. Eymard apprend que sa demande concernant le Cénacle est rejetée. Il s’était préparé à cette éventualité dans une méditation la veille sur l’Abandon : Comme acte d’abandon, je me suis bien abandonné à la sante volonté de Dieu pour la décision à recevoir demain… Je me suis bien mis dans le bon plaisir de Dieu [NR 44, 135 ; V,386].

    Il acquiesça en silence et demanda la grâce, le don, la vertu de force - Force qui vient de l’amour – L’amour est fort comme la mort - . Mais cet amour pur, qui fut celui de l’incarnation par le sacrifice du moi humain en Notre Seigneur [R 44, 138 ; V,389].

    Ainsi s’achève la Grande retraite de Rome. Humainement, c’est l’échec. Mais le P. Eymard quitte Rome avec une réalité autre, qu’il avait entrevue le 5 février 1865, le cénacle en moi, et la gloire de Dieu en moi ce que Dieu préfère à tous les hommages que je lui ferais sans moi, en dehors de moi. Voilà une royale vérité [NR 44, 23 ; V,271].

     

    QUELQUES REMARQUES

    1- Le Don de soi, tel que l’a vécu – et le propose – le P. Eymard est l’épanouissement de la grâce baptismale, en sa dimension plénière. Il en va de même pour l’Eucharistie, célébrée et vécue en sa plénitude, réalisant ainsi la parole qu’il avait reçue le 21 février : “Sois à moi, dans mon sacrement, comme j'ai été à mon Père dans mon incarnation et ma vie mortelle.

    2- Dans la tradition de l’École française de spiritualité du 17e s. le point de départ est l’Incarnation du Verbe et sa vie mortelle. En réalité, c’est dans le mystère pascal que le Christ réalise pleinement le don de lui-même à son Père, comme il l’exprime dans la prière ‘sacerdotale’ du chap. 17 de l’évangile de s. Jean : Pour eux, je me consacre moi-même, afin qu’ils soient consacrés par la vérité. (Jn 17, 19). Aussi bien est-ce en cette eucharistie du 21 mars que le P. Eymard reçoit cette grâce et fait le vœu de vivre dans cette dépendance entière du Christ ressuscité, avec le double aspect d’anéantissement à son moi égoïste, de dépouillement du vieil homme – ce n’est plus le moi – et de revêtement du Christ à la gloire du Père – c’est le Christ qui vit en moi. C’est la communion eucharistique qui signifie de la façon la plus expressive cette ‘union de société’ selon le terme du P. Eymard, et la réalise. Entre Incarnation et Communion, il y a le mystère de la Croix glorieuse.

    3- Cette grâce ne saurait se mériter : elle est pur don de Dieu. Il s’agit d’une grâce transformante qui opère souverainement en celui qui la reçoit et l’introduit dans la vie unitive des mystiques. Dans son acte d’abandon du 29 mars, le P. Eymard s’est mis dans le bon plaisir de Dieu. Sur le chemin qui le ramène à sa communauté de Paris, il fera une halte à Lyon et partagera, les seules sans doute, avec Mme Natalie Jordan et sa fille Mathilde quelque chose de son expérience romaine. Par la suite, il donnera à ses communautés, tant des religieux que des Servantes, un enseignement sur le don de la personnalité, en soulignant sa spécificité – peu l’ont enseigné leur dira-t-il, - et son lien avec une vie pleinement eucharistique, Retraites aux Servantes à Nemours au mois de novembre 1866, - aux Religieux de Paris au mois d’août 1867.

    4- Le P. Eymard a vécu cette dernière période de sa vie au milieu de mille difficultés, qu’il énumère en sa dernière retraite à Saint-Maurice. Il vit alors dans la foi pure, sans aucune consolation, avec la seule certitude de sa foi et de son amour.

    Dans son exhortation apostolique La joie et l’allégresse sur la sainteté, qui vient de paraître, le pape François conclut son exposé avec cette double attitude de l’écoute et du don. Nous pouvons penser à Pierre-Julien enfant, caché derrière le tabernacle de l’autel à La Mure : Je suis près de Jésus et je l’écoute. Puis au fondateur, au sommet de son ascension spirituelle à Rome, dans ce don total de lui-même : Rien pour moi, personne. Rien par moi.- « Lui [Dieu] qui demande tout donne également tout et il ne veut pas entrer en nous pour mutiler ou affaiblir mais pour porter à la plénitude », selon les termes du pape François (n° 175).

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    André Guitton, sss
    14 avril 2018
    Chapelle Corpus Christi, Paris 8

     

    Retrouvez ici cet article avec toutes les catéchèses de la Fraternité Eucharistique
    du #JubiléPJEymard2018
    Comprendre l’Eucharistie dans sa totalité avec St Pierre-Julien Eymard         

    #jubilépjeymard2018,chapellecorpuschristiparis8,andré guiton,eucharistie,adoration eucharistique,adoration,la france,st pierre-julien eymard,foi,christianisme,transmission,sacré cœur,Écologie humaine,vulnérabilitéProchaine catéchèse le 12 mai :
    Adorateurs en esprit & en vérité avec Notre-Dame du Saint-Sacrement.
    Depuis enfant, la Vierge Marie occupe une place importante dans la vie de Pierre-Julien.
    À 13 ans, il fait son second pèlerinage, seul et à pied (80km) à Notre-Dame du Laus.
    Elle le guidera fortement dans sa vocation sacerdotale, puis de religieux Mariste.
    Il choisira le vocable "Notre-Dame du Saint-Sacrement" pour la fête de la fondation de la Congrégation (13 mai 1856).
    Jusqu'à ses derniers instants elle sera là : Notre-Dame de La Salette à son agonie.
    En cette 5ème et avant-dernière catéchèse nous nous attacherons à son parcours saint avec la Vierge.
    L'adoration eucharistique qui suivra prendra la forme d'une méditation dévoilant l'intitulé de la catéchèse.

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    Neuvaine à Notre-Dame du Saint-Sacrement avec le P. Eymard
    26 mai - 3 juin (Solennité du St-Sacrement)

    Avec Hozana et la communauté de prière Saint-Pierre-Julien Eymard — Chapelle Corpus Christi Paris 8

     

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  • Repartir du Cénacle — Rallumer la passion pour notre Mission Eucharistique

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    REPARTIR DU CÉNACLE

    RALLUMER LA PASSION POUR NOTRE MISSION EUCHARISTIQUE

    La Mure, été 1865 et 2014Logo sss NEUF.jpg
    Statue P. Eymard génuflexion.jpg

    L’été à La Mure nous réserve toujours des surprises. Une surprise inattendue mais désirée est l’arrivée du père Eymard, ”lou paourou de Dieu” (”le pauvre de Dieu”), comme les gens l’appellent ici en patois. Sa parole attire, tout le monde aime l’écouter et le rencontrer parce qu’il est resté simple et proche de tous. Cette année il me semble plus fatigué que d’habitude. C’est pour cela que dans un premier moment je n’ai pas osé l’approcher. Mais une lumière particulière, qui brillait dans ses yeux, a vaincu la crainte de le déranger. Je lui ai proposé une petite ballade. Nous avons gardé longtemps le silence. Finalement un mot est sorti de ses lèvres et cela a permis le dialogue.

     

    Pierre-Julien : Oh, le Cénacle !

    Manuel Barbiero : Le Cénacle ?

    P.J. : Oui, le Cénacle… c’est un mot qui me fait toujours rêver, plein de suggestions, il me parle d’un lieu aimé et désiré.

    M.B. : Tout le monde sait que l’année dernière, au mois de novembre, tu es parti à Rome pour traiter la grande affaire du cénacle de Jérusalem, et que malheureusement la question n’a pas eu un grand succès.

    P.J. : En effet je rêvais de fonder une communauté à Jérusalem, dans le cénacle même, si cela était possible. Mais pour moi le Cénacle ce n’est pas seulement celui de Jérusalem.

    M.B. : Ton idée a traversé les siècles. Aujourd’hui, notre Congrégation a pris comme slogan « repartir du Cénacle ».

    P-J. EYMARD Portrait n&b.jpegP.J.
    : J’ai entendu cela. Mais je ne voudrais pas qu’on se trompe au sujet du Cénacle. Pour moi le Cénacle, ce « cher Cénacle », a représenté un véritable appel, une vocation. Le Cénacle est le lieu où Jésus a institué l’Eucharistie et révélé les richesses de son amour pour nous ; c’est le lieu de la foi et de l’amour. Il est aussi le lieu où les disciples, réunis avec Marie, priaient attendant l’Esprit Saint, qui est descendu avec puissance. C’est le lieu où, après la Pentecôte, les premiers disciples se réunissaient assidus à l’enseignement des apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières. Du Cénacle les apôtres, craintifs et renfermés, sont sortis, avec un courage nouveau, pour convertir le monde. À partir de ce moment-là le feu de la Pentecôte, ne s’est plus éteint. Il a donné aux apôtres la puissance de leur mission.

    Père Manuel Barbiero.jpgM.B. : Ce que tu viens de dire me rappelle ce que notre Pape François a dit lors de son pèlerinage en Terre Sainte, le mois de mai dernier (2014), quand il a célébré la messe dans la salle du Cénacle à Jérusalem. Lui aussi a parlé du Cénacle comme le lieu de la dernière Cène et de la descente de l’Esprit Saint sur Marie et sur les disciples. Le Cénacle, a dit le Pape, nous rappelle le service, le lavement des pieds que Jésus a accompli, comme exemple pour ses disciples ; il nous rappelle, avec l’Eucharistie, le sacrifice. Dans chaque célébration eucharistique, Jésus s’offre pour nous tous au Père, pour que nous aussi nous puissions nous unir à Lui, en offrant à Dieu notre vie, notre travail, nos joies et nos peines. Le Cénacle nous rappelle l’amitié, le partage, la fraternité, l’harmonie, la paix entre nous. Le Cénacle enfin nous rappelle la naissance de la nouvelle famille, l’Église. À cette grande famille sont invités tous les enfants de Dieu de tout peuple et de toute langue, car tous frères et enfants de l’unique Père qui est dans les cieux.

    #jubilépjeymard2018,chapellecorpuschristiparis8,manuel barbiero,eucharistie,adoration eucharistique,adoration,la france,st pierre-julien eymard,foi,christianisme,transmission,sacré cœur,Écologie humaine,vulnérabilitéP.J. : J’aime fort bien ce que le Pape a dit au sujet du Cénacle. Mais il y a un aspect qui me tient à cœur. Moi, je rêvais de pouvoir célébrer la messe dans le Cénacle, d’y exposer le Saint Sacrement, mais Dieu avait d’autres projets pour moi. À Rome, lors de cette grande affaire qui, comme tu le disais tout à l’heure, n’a pas aboutie, j’ai fait une grande découverte.

    M.B. : Peux-tu me raconter ce que tu as vécu à Rome ?

    P.J. : Je ne pensais pas que mon affaire aurait trainé si longuement. J’ai alors décidé de faire une retraite. Elle a duré 65 jours. Pendant cette retraite j’ai eu la grâce de comprendre ce que Dieu voulait vraiment de moi : le don de ma personnalité. J’ai compris, et cela grâce à un don de Dieu et à l’action de l’Esprit Saint, qu’on peut donner à Dieu tous les cœurs de tous les hommes de la terre, qu’on peut faire des grandes choses, mais si on garde pour soi son propre cœur, si on ne le donne pas totalement à Dieu, on n’a rien fait. Dieu m’a révélé un autre cénacle, le Cénacle intérieur. Comprends-tu cela ?

    M.B. : Qu’est-ce que c’est plus précisément ce Cénacle intérieur ?

    P.J. : C’est le Christ qui a envahi totalement ma vie ; il voulait vivre en moi, se former en moi, grandir en moi, pour me faire partager jusqu’au bout son mystère pascal, mystère d’abaissement et de gloire infinis. Il voulait me faire partager son amour pour son Père et pour tous les hommes. Au fur et à mesure que le Christ prenait progressivement forme en moi, je me suis rendu compte que ce n’était plus moi qui vivait, mais lui, le Christ vivait en moi. Il était devenu mon conseiller, ma force, ma consolation, mon centre d’amour.

    M.B. : Pendant que le père Eymard parlait, je retenais mon souffle, tellement ce qu’il disait était fort et beau. Finalement j’ai osé un mot : comment y arriver ?

    P-J. EYMARD Portrait n&b.jpegP.J. : Il faut un amour de noble passion, qui enlève tout d’un coup, qui donne tout d’un trait, un amour fort comme la mort. J’ai découvert, comme à nouveau et d’une manière plus profonde, que Dieu m’aime, moi, personnellement, d’un amour de bienveillance, d’un amour infini et éternel. Et l’amour veut l’union, il ne veut pas être heureux seul, l’amour fait l’identité de vie. L’amour, en effet, désire devenir une seule chose avec la personne aimée, sans séparation ni distinction, sans perdre pour autant sa propre identité. J’ai accepté de demeurer dans cet amour, en toute simplicité, comme un enfant. Le Cénacle intérieur est aussi le fait de demeurer en Jésus Christ, dans son amour, dans l’intimité, cœur à cœur avec lui. Le Cénacle intérieur est le Règne de Dieu en nous. Je me suis mis et remis entièrement sous l’action de l’Esprit Saint, afin de me laisser conduire par lui, façonner par lui. C’est l’Esprit Saint qui m’a conduit à faire ce don. Le même Esprit qui a opéré l’incarnation de Jésus Christ en Marie, qui rend présent le Christ sur l’autel et qui le vivifie en chacun de nous. C’est l’Esprit qui fait que nous devenons « Celui que nous avons reçu ».

    M.B. : Tu me sembles fatigué, mais je vois une grande lumière briller dans tes yeux et une force extraordinaire habite tes paroles.

    P.J. : Mon cher ami, je vois bien aujourd’hui : Donnes tout pour trouver tout. Donnes jusqu’à la mort, à la gloire du Christ. Une parole de saint Ignace martyr m’a saisi : Je suis le froment du Christ ; et j’ai ajouté : Que je sois moulu par la mortification, que je sois cuit au feu de l’amour, pour que je devienne un pain pur.

    M.B. : Mais finalement est-ce que tu peux me dire en quoi ta vie a changé ? qu’est-ce qui s’est produit ?

    P.J. : Rien d’extraordinaire extérieurement, si tu veux ; mais à partir du moment où j’ai fait le vœu de ma personnalité, j’ai senti que toute ma personne devenait comme un pain nouveau pour mes frères. Ce que Jésus avait annoncé dans l’évangile de St Jean - qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui, et il vivra pour moi - se réalisait vraiment.

    M.B. : Est-ce que tu peux m’expliquer un peu mieux ce que cela veut dire pour toi ?

    #jubilépjeymard2018,chapellecorpuschristiparis8,manuel barbiero,eucharistie,adoration eucharistique,adoration,la france,st pierre-julien eymard,foi,christianisme,transmission,sacré cœur,Écologie humaine,vulnérabilitéP.J. : Je ne sais pas si j’arrive à me faire comprendre, mais je me suis trouvé comme établi dans une relation nouvelle avec Jésus Christ, dans une relation stable, une union d’amour et d’amitié tellement forte que par cette union mes actions devenaient en quelque sorte les actions de Jésus Christ. La vie de Jésus, ses pensées, ses sentiments, ses désirs, sa manière d’agir me pénétraient et devenaient mes pensées, mes sentiments, mes désirs. À Rome, pendant l’action de grâces de ce jour béni (le 21 mars 1865), j’ai comme entendu Jésus me dire : « Tu seras le corps de mon cœur ; ton âme, les facultés actives de mon âme ; ton cœur, le réceptacle, le mouvement de mon cœur ». Donc, Jésus Christ vivait et agissait en moi, tout à la gloire de son Père.

    M.B. : Jésus vit et agit en toi ! Peut-il vivre en chacun de nous ?

    P.J. : Est-ce que tu arrives à comprendre le fait que le Christ est en nous, vit en nous ; que nous devenons un autre Jésus Christ ? que par nos actions, nos paroles, nos comportements c’est le Christ qui transparait et se communique ?

    M.B. : Ce que je comprends c’est que Jésus Christ, pour toi, est devenu vraiment le centre de ta vie, le tout de ton existence.

    P.J. : Oui, tu as compris l’essentiel. Jésus Christ m’attire sans cesse vers cette vie d’union, Il veut être toute ma vie, Il veut me sanctifier et me faire vivre de sa vie. C’est pour cela que j’ai pris la décision de lui laisser le gouvernement de mon existence, de me mettre sous sa conduite, pour vivre de son esprit. En lui je trouve tout : la vie, le mouvement et l’être ; Jésus Christ est mon maître intérieur, l’hôte de mon âme et de mon corps, mon guide, mon modèle. En un mot : le Dieu de mon cœur. Je l’aime et je veux lui ressembler en tout, avoir les mêmes sentiments que lui, m’identifier à lui.

    M.B. : Pierre-Julien, et notre personnalité, qu’est-ce qu’elle devient ?

    St Pierre-Julien Eymard malade.jpgP.J. : Ce vœu de la personnalité, pour moi est le plus grand, le plus saint de tous les autres, c’est le vœu du moi, et du moi libre de se redonner toujours. Il ne faut pas avoir peur de se donner. Tu as vraiment ce que tu donnes, c’est une loi évangélique, c’est le mystère pascal, le passage de mort et de résurrection qui s’actualise en nous. Je ne perds rien, mais tout ce qui constitue mon humanité - pensées et sentiments, paroles et actes -, tout devient plus noble, plus beau, plus divin. L’union avec notre Seigneur fait notre dignité, nous devenons quelque chose de sacré, de saint. Jésus valorise toute notre humanité, il la divinise. En Jésus Christ je me sens bien à l’aise, comme chez moi. En lui je trouve la grâce, la liberté, la paix, la vie, l’union à Dieu. Celui qui se confie librement au Christ ne perd pas son identité mais devient homme au plein sens du terme.

    M.B. : Ce que tu vis me semble correspondre à ce qui a été affirmé par le Concile Vatican II : quiconque suit le Christ devient lui-même plus homme ; l’homme ne peut pleinement se trouver que par le don désintéressé de lui-même.

    P.J. : C’est bien cela. C’est l’Eucharistie qui rend possible, jour après jour, notre transfiguration progressive, nous sommes appelés par grâce à être à l’image de Jésus Christ. Toute notre vie devient une extension de la vie du Christ ; et ma vie, grâce à l’Eucharistie, trouve la forme appropriée pour être une vie vécue en plénitude. À travers le don de nous-mêmes le Christ est glorifié en nous ; nous devenons la vraie gloire que le Père désire, l’homme nouveau recréé dans le Christ.

    Père Manuel Barbiero.jpgM.B. : Ce que tu dis fait jaillir en moi comme un fleuve de pensées. Je comprends que quand je reçois ou je contemple Jésus le Pain de la Vie, je suis devant la source de la bonté, de l’humilité, et que grâce à l’amour qui désire ressembler à la personne aimée, cette même bonté et humilité entrent en moi. Le Pape Benoît XVI a dit, une fois, aux jeunes : « En participant régulièrement et avec dévotion à la Messe, en prenant de longs temps d’adoration en présence de Jésus Eucharistie, il est plus facile de comprendre la longueur, la largeur, la hauteur, la profondeur de son amour, qui surpasse toute connaissance. En partageant le pain eucharistique avec nos frères de la communauté ecclésiale, nous sommes poussés à concrétiser en hâte l’amour du Christ dans un généreux service envers nos frères ». J’ai une question. Ce que tu as vécu, est-ce que moi aussi je peux le vivre ? est-ce que ton expérience est réservée à une catégorie privilégiée de personnes ou d’autres peuvent-elles la vivre ?

    P.J. : Le vœu de la personnalité, le don de soi, pour moi représente la grâce de la sainteté par l’Eucharistie, la clé de notre vie, une voie nouvelle, la vertu caractéristique que je veux proposer à tous ceux qui partagent mon idéal de vie. Je te fais une confidence. Quand je suis rentré en France, c’est avec la famille Jordan que j’ai partagé ce que j’avais vécu à Rome. Mme Nathalie et sa fille Mathilde ont bien compris et bien accueilli la grâce que Dieu m’avait faite ; elles y ont adhéré de tout leur cœur.

    M.B. : Qu’est-ce qu’elles ont compris ? ça m’intéresse.

    P.J. : Tout d’abord deux paroles de l’Écriture ont résonné en elles. « Ce n’est plus moi qui vis, c’est Jésus-Christ qui vit en moi » [Ga 2,20] ; et « Il faut que Jésus-Christ croisse en nous jusqu’à l’état d’homme parfait » [cf. Ep 4,13]. Elles ont compris cette vie d’union avec Jésus Christ, le fait que le Christ habite en nous, qu’il a en chacun une naissance et une croissance spirituelle, parce qu’il veut glorifier son Père en chacun de nous. Pour vivre cette vie d’union il faut donner tout : cœur, esprit, intelligence, jugement, pensée ; travailler en société avec Dieu, devenir intérieur, demeurer en lui, comme lui demeure en nous, vivre dans l’action de grâce, être heureux en lui.

    M.B. : « Donner », « se donner », « le don ». Combien de fois je t’ai entendu répéter ces mots ? Ils sont bien importants pour toi, comme un fil conducteur.

    Logo sss NEUF.jpgP.J. : L’Eucharistie, mon ami ! Pour moi l’Eucharistie est le don par excellence, car il est le don de Jésus Christ lui-même. L’Eucharistie est un don gratuit, sans réserves, sans calculs. Jésus ne regarde pas si les personnes, auxquelles il se donne, sont dignes ou pas, quelle est leur situation morale ou leur capacité intellectuelle et de compréhension. L’Eucharistie est un don concret, incarné. Jésus donne son être, sa vie, lui-même, son existence concrète. Le don de son corps et de son sang exprime la profondeur de l’amour, qui ne garde rien pour lui et accepte tout pour la personne aimée. L’Eucharistie est un don total et éternel, complet et permanent. Elle est un don toujours disponible. L’Eucharistie est un don qui nous donne la vie, qui nous prend totalement et pleinement, qui nous fait entrer dans une vie nouvelle au-delà de la mort. L’Eucharistie est un don qui s’offre comme nourriture, qui construit des relations, tous peuvent apprendre à donner et à recevoir. L’Eucharistie, qui nous fait devenir « un seul corps », contient comme un dynamisme profond d’amour réciproque, de communion intime et profonde. J’ai tout simplement répondu au « Don de Dieu » par le don de moi-même. L’amour est dans l’échange.

    Nous sommes restés silencieux. Puis le p. Eymard a repris la parole.

    P.J. : J’ai un rêve !

    M.B. : Un autre rêve encore ?

    Logo Agrégation sss.jpgP.J. : En regardant la société je constate qu’elle se meurt parce qu’elle n’a plus de centre de vérité et de charité, plus de vie de famille. Chacun s’isole, se concentre, veut se suffire. J’ai l’impression comme d’une dissolution imminente. C’est pour cela que je voudrais voir mes religieux, les servantes aussi mettre le feu aux quatre coins du monde. Comme je le disais à l’archevêque de Paris, je ne voulais pas me borner à Paris, je voulais mettre le feu aux quatre coins du monde. Je voudrais voir les laïcs, qui partagent notre charisme, constituer comme des cénacles de vie eucharistique dans le monde entier. Je voudrais les voir tous sortir, aller, sans aucune crainte. Quitter, comme Abraham a quitté sa terre… en ayant dans le cœur un seul, unique grand amour : le Christ eucharistique.

    M.B. : Le Pape François aujourd’hui nous parle d’une Église en sortie. À Jérusalem il a dit que l’Église est née dans le Cénacle et elle est née en sortie. Du Cénacle elle est partie avec le Pain rompu entre les mains, les plaies de Jésus dans les yeux, et l’Esprit d’amour dans le cœur pour renouveler la terre.

    P.J. : Je pense que le Pape François et moi, nous sommes faits pour nous entendre. Jésus a dit qu’il était venu apporter un feu sur la terre ; il avait désiré avec tant d’ardeur le voir s’allumer partout. Ce feu c’est l’amour divin, car Dieu est amour. Ce foyer de l’amour, c’est l’Eucharistie, c’est là que l’amour de Jésus Christ nous pénètre et nous enflamme.

    M.B. : Tu parles de feu… ce feu je le sens brûler en toi ; il y a une passion qui t’habite et que j’aimerais partager avec toi.

    P.J. : L’Eucharistie est la Pentecôte continuée, dans le Cénacle, avec des langues de feu. C’est Jésus qui, par l’Eucharistie, dépose dans nos corps une grâce d’amour ; il y vient lui-même, il met en nous le foyer de l’incendie : il l’allume, il l’entretient par ses fréquentes venues, il fait l’expansion de cette flamme dévorante. Il est vraiment un charbon qui nous enflamme. C’est un feu ardent qui ne s’éteindra pas si nous le voulons, car son foyer n’est pas de nous mais de Jésus Christ, et c’est lui qui lui donne sa force et son action.

    M.B. : La famille que tu inspires - aujourd’hui on parle de la « famille eymardienne »-, est présente sur les cinq continents, elle affronte de nouveaux défis. Quelle est sa mission ?

    P.J. : Je pense à notre mission ouverte sur le monde. Mais parfois on a peur… on a peur même de changer de communauté. Je viens d’écrire à un religieux, que j’ai envoyé de Paris à Marseille, qu’un religieux du Très Saint-Sacrement n’est d’aucun pays, d’aucune maison, il forme la cour du grand Roi et le suit partout. Je vois la terre-même comme un immense cénacle, et à quelque endroit de la planète que nous nous trouvions, nous sommes dans ce cénacle, nous pouvons toujours être dans ce cénacle, en désirant, en adorant par le cœur.

    M.B. : Mais que faut-il faire ?

    Statue P. Eymard génuflexion.jpgP.J. : Il faut oublier notre individualité, notre petite personne, pour porter Dieu au monde et le monde à Dieu. Je lance à tous une invitation : « Soyez adorateurs ardents de la sainte Eucharistie. Un cœur catholique doit être grand comme Dieu ! Évitez donc cette petite piété, cette petite vertu qui rétrécit l’âme ; la piété, au contraire, est un soleil fécondant qui dilate le cœur qui en est embrasé ! Soyez grands dans vos vues, grands dans vos désirs, grands dans votre amour! ». J’ai écrit au père Leroyer : « Que le règne eucharistique de Notre-Seigneur arrive et que nous en soyons les premiers disciples et les ardents apôtres ; plus de questions personnelles, plus de travaux perdus en dehors de notre grande mission ». Il faut se centrer uniquement sur l’Eucharistie.

    M.B. : Comment imagines-tu ce Cénacle-Monde dont tu parles ?

    Logo Agrégation sss.jpgP.J.
    : L’Eucharistie est le règne de Jésus Christ dans le monde et surtout dans les cœurs de ses enfants : voilà notre belle et aimable mission. Il faut porter le monde à la connaissance de l’amour de Dieu. C’est par l’amour divin qu’il faut ramener les peuples à la vertu, à la religion, à la foi. Il n’y a pas un moyen plus efficace ; c’est peut-être même le seul qui nous reste pour combattre l’indifférence qui règne dans le monde, et qui gagne même le cœur des fidèles. L’Eucharistie est le lien fraternel des peuples entre eux ; il n’y a que des frères au banquet sacré, au pied de l’autel. C’est ce message qu’il faut faire passer. Jésus est venu faire de tous les hommes une seule famille, l’Eucharistie est le pain, le mets commun, le trait d’union de tous les enfants ; elle détruit toute jalousie et distinction, on participe à la même table et on boit à la même coupe ; on a le même Père qui est dans les cieux. Un même esprit de charité unit tous ceux qui mangent le même pain eucharistique. Jésus Christ est alors tout en tous, et l’Eucharistie est la joyeuse fête de la vraie fraternité, que nous pouvons faire durer toujours. Il faut collaborer avec tous ceux qui s’engagent pour construire et réaliser cette fraternité qui a sa source dans l’Eucharistie. C’est seulement alors, que la société renaîtra pleine de vigueur quand tous ses membres viendront se réunir autour de notre Emmanuel. Les rapports d’esprit se reformeront tout naturellement sous une vérité commune ; les liens de l’amitié vraie et forte se renoueront sous l’action d’un même amour ; ce sera le retour des beaux jours du Cénacle.
     

    Conclusion : Nous sommes restés en silence, ainsi comme nous avions commencé. J’ai fermé les yeux pour savourer tout ce que j’avais entendu et les imprégner du rêve du p. Eymard. Les pieds bien sur terre, « repartir du Cénacle » le cœur empli d’une grande passion pour l’Eucharistie.


    Père Manuel Barbiero.jpgManuel Barbiero, sss
    Responsable du Centre Eucharistique
    La Mure, le 8 septembre 2014
    Logo sss NEUF.jpg

     

     

     

     

    Retrouvez ce texte dans la sous-page enrichie 
    Fraternité Eucharistique Corpus Christi #JubiléPJEymard2018

    et la page consacrée à Pierre-Julien Eymard – Prophète de l'Eucharistie – Un saint d'avenir

    Communauté de prière en ligne Hozana St Pierre-Julien Eymard – Prophète de l'Eucharistie

     

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  • Le renoncement inacceptable du combat sociétal pour les valeurs anthropologiques : Camel Bechikh

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    camel bechikh,la france,laïcité,Écologie humaine,économie,politique,vulnérabilité,foi,christianisme,islam,conscienceL’actualité nous amène à parler du rassemblement annuel de l’UOIF auquel vous avez participé. Pouvez-vous nous dire quelques mots de votre participation ?

    Camel Bechikh : Le rassemblement annuel de l’UOIF a lieu depuis 34 ans. J’y suis invité en tant que représentant de Fils de France depuis 2012. Cette année est particulière puisque nous sommes en pleine élection présidentielle. Et je me suis autorisé à, succinctement, exposer que le vote pour Emmanuel Macron était une ineptie pour l’avenir de notre pays. Et le paradoxe a voulu qu’entre les deux tours cette organisation appelle, elle, à voter pour Emmanuel Macron. Pas uniquement elle, d’ailleurs, le CFCM aussi et la Grande mosquée de Paris. Ce qui est pour moi extrêmement dérangeant puisque considérer l’intérêt supérieur de la France c’est évidemment ne pas voter pour Emmanuel Macron, qui plus est lorsque ce dernier appelle à la légalisation de la PMA (Procréation Médicalement Assistée), lorsqu’il appelle à plus de libéralisme, à plus d’immigration, ce qui signifie en fait plus d’esclavagisme moderne. Comment est-ce qu’on délocalise des capitaux, des marchandises et maintenant des êtres humains. Le rêve d’Adam Smith, en somme. Je pense que tout cela, éthiquement, n’est pas acceptable et j’aurais préféré que les associations religieuses restent dans le domaine religieux plutôt que de donner un avis sur une élection aussi politique.

     

    On a vu lors des résultats du premier tour que la plupart des gens qui avaient participé à la Manif pour tous ont voté pour François Fillon. En tant qu’ancien porte-parole de la Manif pour tous, qu’en pensez-vous ?

    camel bechikh,la france,laïcité,Écologie humaine,économie,politique,vulnérabilité,foi,christianisme,islam,conscienceCamel Bechikh : Alors… il faut faire un peu d’histoire. En 1999 lorsque le Pacs a été voté à l’Assemblée Nationale, même des socialistes et des députés de gauche se sont opposé au Pacs. En 2017, le candidat Fillon que l’on présentait comme un conservateur non seulement n’abroge pas le Mariage pour tous, dit Loi Taubira, mais en plus autorise l’adoption simple. Et je trouve un immense paradoxe du fait que des gens qui s’étaient autant engagés contre ce projet de loi se résignent à voter pour un candidat qui validait cette loi. Il faut être conscient de la dégringolade, quand on pense, et je le répète, qu’en 99 des députés de gauche s’étaient opposés au simple Pacs et qu’aujourd’hui le candidat de la droite dite conservatrice valide le mariage homosexuel et que ce dernier appelle à voter pour Emmanuel Macron qui prévoit la Procréation Médicalement Assistée (PMA) et prévoit aussi de reconnaître les enfants nés de GPA à l’étranger. En terme de renoncement du combat sociétal pour les valeurs anthropologiques, que l’on soit croyant ou pas, et là, en l’occurrence, il s’agit quand même majoritairement de public catholique, eh bien il y a un renoncement qui est inacceptable. Et aujourd’hui ce serait trahir l’engagement de ceux qui ont dit ”on ne lâche rien !” que de voter Emmanuel Macron.

     

    En même temps il y a dans le socle de l’église catholique la notion de l’accueil de l’étranger qu’a défendu dernièrement le Pape. Comment pensez-vous que les gens se positionnent vis-à-vis de ces valeurs ?

    Camel Bechikh : L’argument que l’on entend beaucoup parmi les gens qui ont milité à la Manif pour tous et qui sont prêts à voter Macron ou à s’abstenir, c’est l’accueil de l’étranger. Sauf qu’il ne s’agit pas dans le projet néo-libéral d’Emmanuel Macron de la générosité, de la charité à laquelle enjoint, engage l’Évangile. Il s’agit simplement de délocaliser des individus pour pouvoir mieux les exploiter et réhabiliter une forme d’esclavagisme moderne. On n’est pas du tout dans la charité, on est dans l’exploitation, dans l’humiliation même de ces populations que l’on fera venir ici pour faire les travaux les plus dégradants. Sachant que dans le même temps on vide les pays en question des forces vives qui peuvent assurer la prospérité de ces pays. Je pense au Maghreb, à l’Afrique subsaharienne où aujourd’hui la croissance est réelle, en terme de prospérité, en terme de richesse nationale. Il faut donc au contraire permettre à ces populations de pouvoir rester enracinées dans leurs cultures, dans leurs coutumes et participer à l’effort national pour accéder à la prospérité qui pointe son nez, aujourd’hui, dans ces pays-là.

    Je reviens sur cette idée de charité : le néo-libéralisme de Macron, ce n’est pas la charité. C’est l’exploitation de l’homme par l’homme.

     

    À quelle charité appellerait alors Fils de France ? Une charité tournée vers la communauté nationale ?

    Camel Bechikh : Une charité déjà tournée vers la communauté nationale. Une charité de partage de l’identité, de la culture, de 2000 ans d’histoire. 2000 ans d’histoire qui d’ailleurs n’existent pas pour Emmanuel Macron puisque pour lui la France n’a pas de culture et la seule culture qu’il propose est mondialisée, en fait une culture américanisée, uniformisée dans laquelle les coutumes, les traditions, les religions sont ramenées uniquement à la logique d’un grand centre commercial. Il faut donc être extrêmement lucide sur un Emmanuel Macron qui prétend être au-delà des clivages gauche/droite — c’est ce qu’il est, en vérité, mais en prenant le pire de la gauche et le pire de la droite. Qu’est-ce que le pire de la droite ? C’est le néo-libéralisme sauvage. C’est la domination de la finance. Et qu’est-ce qui est le pire de la gauche ? C’est ce progressisme-égalitarisme aveugle qui détruit l’anthropologie humaine et qui rejoint, finalement, le libéralisme financier en permettant que l’on vende et que l’on achète la vie, donc les enfants par le biais de la PMA & de la GPA.

     

    On vient de le dire : Fils de France appelle à ne pas voter Emmanuel Macron. Pourquoi n’appelez-vous pas, dans ce cas-là, à voter pour Marine Le Pen ?  

    Camel Bechikh : Parce que nous nous tenons à l’écart de la vie politique, autant que faire ce peut, et nous tenons à notre indépendance. En revanche, aujourd’hui, si Emmanuel Macron passait, ce serait, quasiment, du fait de l’accélération de l’histoire, du fait de la mondialisation, du mondialisme, du fait du sans-frontièrisme, ce serait la mise à mort de 2000 ans d’histoire pour le quinquennat qui arrive. C’est toujours moins de frontières, toujours plus d’immigration, toujours plus de lois dites progressistes, et finalement le triomphe du marché.

     

    Faisons un peu de prospective et plaçons-nous après le second tour. Quels sont vos espoirs pour les cinq années à venir, pour le peuple français ?

    Camel Bechikh : Comme je le disais la dernière fois : l’espoir de retrouver des frontières géographiques ; le fait de retrouver une souveraineté nationale ; que notre pays ne trouve pas les rennes de son destin à Bruxelles qui est vassalisée à la logique américaine, via le néo-libéralisme ; que nous retrouvions des frontières morales ; que nous cessions d’obéir aux minorités constituées en lobbies. Je pense évidemment à la Loi Taubira, à la Procréation Médicalement Assistée, à la GPA. Que nous remettions plus d’humanité même dans notre agriculture, en étant moins poussés à la surproductivité par les pesticides mais que nous revenions à une consommation plus locale et plus saine. Puisque l’on sait aujourd’hui que le traitement abusif de notre agriculture produit un certain nombre de maladies graves qui doivent être traitées en terme de santé publique. Comme l’on combat aujourd’hui le tabac, on devrait aussi combattre l’utilisation abusive des pesticides. Que nous revenions à une mémoire historique qui ne soit pas uniquement culpabilisante et au contraire qui soit un objet de fierté pour l’ensemble des français quelques soient leurs origines, quelques soient leurs religions, mais que nous revenions à ce qu’a apporté la France au monde dans le passé et que nous puissions la projeter dans le futur. En résumé, si j’étais américain, je voterais pour Emmanuel Macron. Mais je suis français.

     

    Une dernière question, toujours en terme de prospective, concernant Fils de France et plus globalement les musulmans de France. Quels espoirs pour eux ?

    Camel Bechikh : L’espoir qu’ils retrouvent de manière très naturelle la communauté nationale. C’est déjà le cas pour beaucoup, évidemment. Et que les associations dites victimaires soient effacées du paysage associatif par uniquement le bon sens retrouvé par les français de confession musulmane. Et que nous ne soyons plus l’objet de l’instrumentalisation politique, soit par la détestation, soit par la flatterie, qui dans un cas ou dans l’autre ne sert que les bas intérêts de la politique immédiate au dépend du socle national.

     

    Merci Camel Bechikh.

    Camel Bechikh : Avec plaisir.  

     

    Retrouvez cet entretien sur la page enrichie consacrée à Fils de France sur La Vaillante
    Une raison d'espérance        

      

     

          

  • Ma priorité c’est la France : défendre l’intégrité de notre pays et de notre civilisation

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    Chers amis,

    C'est avec très grand plaisir que je vous fais suivre, avec son autorisation, la belle lettre que mon ami Yves Meaudre a adressée à ses enfants.

    Jusqu'à l'été dernier, Yves Meaudre était le directeur général d'Enfants du Mékong, ONG auquel il aura consacré sa vie pour sauver de jeunes asiatiques de la mort et/ou de la misère et leur offrir un avenir digne de ce nom.

    Sans doute, un certain nombre d’entre vous ont-ils répondu à ses appels à la générosité.

    Ce texte élevé constitue un bel appel à l'amour de la patrie, la nôtre, la France. On aurait aimé entendre plus de candidats s'exprimer avec cette hauteur de vue.

    Bonne lecture

    Antoine

     

    Mes chers enfants,

    Je vous confie mes réflexions à la suite d’un dîner d’il y a quelques jours avec des amis à qui je porte une réelle estime mais ceux-ci m’ont profondément troublé. Appartenant sans doute aux familles dont les noms sont les plus prestigieux de France, dont la fortune encore aujourd’hui reste relativement considérable avec un niveau d’étude pour certains au plus haut niveau, ils m’ont déstabilisé. Toutes ces facilités n’excluant pas leurs drames intimes et profonds que le siècle provoque dans leurs propres familles. Nul ne peut se targuer d’être imperméable aux assauts d’un monde très offensif à l’encontre de nos convictions les plus profondes.

    Le sujet du dîner était politique et les choix très ”marqués” avec des positions qui interdisaient tout désir de comprendre la raison pour laquelle tel ou tel adhérait à telle option. Certains sont mondains (parisiens), d’autres plus dans la réflexion affective, mais la plupart assez conditionnés et peu autonomes. Insister aurait risqué de rendre à l’avenir les relations pénibles. Sans trahir ce qui m’habite : l’amour profond de mon pays et de sa grandeur. Avec une certaine peine je constatais que ces petits fils de ”morts héroïques” pour la France avaient une vision ”sentimentale et mondaine” de la chose politique. Lieu grave parce que c’est un lieu de guerre. Comme nous les aimons bien nous n’avons pas voulu poursuivre. Comment se positionner en face d’arguments ”définitifs” ? Aussi ai-je réfléchi à ceux qui m’ont beaucoup marqué.

    politique, yves meaudre, la france,  Je me souviens de la démarche intellectuelle des deux derniers papes, Jean Paul II et Benoit XVI. Tous les deux professeurs d’université qui, voyant un élève adhérer à des positions inverses de celles qu’ils développaient, se taisaient et se mettaient avec une acuité accrue à l’écoute profonde et sincère de ”leur adversaire”. Ils cherchaient en celui-ci les raisons justes qui l’avaient amené à cette position. Non pas pour les réfuter systématiquement mais pour dégager la vérité profonde qui pouvait sortir des éléments passionnels ou idéologiques. Cette position fût celle du Cal Ratzinger avec ”son ami” Hans Küng, ou Wojtyla proposant les conférences au journal Znack avec des personnalités comme Martin Frybes ou Adam Michnick ”marxiste anti communiste !! ”. C’est grâce à cette logique du principe des recoupements que le régime de fer communiste est tombé. Le diable diabolos effaçant toute possibilité de raisonnement pour ne retenir que la peur et la colère qui sont les lieux où il se complait en insistant sur ce qui divise les personnes, même les plus proches.

    Le principe des recoupements est l’attitude d’un Tugdual Derville. Il a su en réunissant des personnes idéologiquement très lointaines voire opposées, les faire adhérer à des principes fondamentaux sur lesquels ils étaient en accord. Il a fait tomber des forteresses d’incompréhension sur son combat et a provoqué les manifestations monstres de 2013. Aussi est-il devenu l’objet de véritables violences depuis.

    politique, yves meaudre, la france,  Mon temps polonais pour moi a beaucoup construit mon jugement. Une violence d’état interdisant tout débat sur le fond, comme aujourd’hui en France, nécessitait une intelligence de comportement dans les positions politiques. Les professeurs Tischner et Wojniakowski rappelaient à tous la priorité du combat au-delà de toute attache partisane : Défendre l’identité polonaise, l’apport de la culture polonaise dans la construction de l’unité de la patrie et rassembler autour de ces principes simples la nation polonaise. Les héroïques professeurs de l’université Jagelon, comme le Pr Wojniakovski soutenus par l’archevêque de Cracovie Mgr Wojtyla, maintenaient le fil.


    Jerzy Popieluszko Issy.jpgÀ l’exemple de cet immense pape, sans renier notre personnalité ni nos convictions, définissons paisiblement dans nos positions politiques nos priorités : l’identité de ma patrie et la culture propre de ma civilisation. Le Père Popiełuzsko, dans ses sermons pour la patrie, touchait là les fondements de l’autorité morale de l’Etat communiste. Celui-ci avait bien compris que cette catéchèse mettait à jour l’incohérence de son système et la contradiction brutale de l’idéologie marxiste avec l’âme polonaise. On connaît sa réponse à celui dont la cause de canonisation est en route. La mort. Comme Jean Paul II, sera l’objet d’un attentat. Tout le travail de résistance de ce dernier s’est centré sur ce ”combat”. Abattre le marxisme pour lui passait par la construction de l’âme polonaise comme Soljenitsyne fera un immense travail de reconstruction culturelle de l’âme russe. On en trouve la synthèse dans son dernier petit livre : Comment reconstruire notre Russie. C’est un peu la réponse à son fameux discours de Harvard qui dénonçait la mort de l’âme de nos nations, ce qui pour nous est d’une cruelle actualité.

    politique, yves meaudre, la france,  Il faut prendre acte que l’autre, en raison des innombrables couches sédimentaires qui ont construit son raisonnement et sa psychologie, ne peut pas en un dîner adhérer à tout ce qui nous a structurés parfois de façon privilégiée. Présentons à l’exemple de Ste Bernadette ce que nous savons de notre patrie mais avec la conscience que nous ne savons pas si notre interlocuteur le croira. « Nous ne sommes pas là pour vous le faire croire mais pour vous le dire » ! Or Bernadette Soubirous est venu au moment où les loges prenaient une grande ampleur sur les consciences en France.

    Le dire est justement ce que déjà le système veut interdire. D’où la loi ahurissante et anticonstitutionnelle du « délai d’entrave ». La campagne électorale est la démonstration la plus claire du déni de démocratie.

    Le démon joue avec un brio extraordinaire sur les affectivités blessées, les éducations très marquées socialement, les expériences personnelles. L’embrigadement intellectuel de l’école primaire à l’université, les mass media interdisent pratiquement toute autonomie intellectuelle. Raison pour laquelle le principe démocratique semble complètement cironné (vermoulu). La campagne électorale atteint un niveau de non raisonnement abyssal révélant par-là que le combat se fera dans l’éducation des âmes et des cœurs sur le long terme. Comme les fils des officiers de Katyn ont su reprendre le cours de l’histoire en permettant à Solidarnosk (non pas limité au seul mouvement ouvrier de Walesa) d’émerger et de chasser les assassins de leurs pères par la volonté des consciences.

    politique, yves meaudre, la france,  Contingentement et sans passion :

    Pour le court terme je m’en tiens à la pertinente position maurassienne. La politique est l’art du possible ; aujourd’hui elle n’est ni du domaine de la morale ni de celui du religieux, c’est du pragmatisme pur ou entre deux maux on choisit le moins pernicieux. Cela n’a pas une valeur morale propre. Les démocrates-chrétiens se sont, à la suite de Marc Sangnier du Sillon, toujours fourvoyés dans une vision irénique. Ils ont toujours exigé des hommes politiques des positions de dames d’œuvres. Les évêques ont souvent sur ces questions-là des jugements qui confondent le jugement moral sur la personne d’avec le jugement sur l’efficacité d’une politique. Si le ”saint” Louis XIII avait lu Sangnier il n’aurait jamais pu à 14 ans (!) faire assassiner sous ses yeux le redoutable Concini ! Si jeune il a su trancher pour le salut du royaume. Quelle leçon politique ! Si Louis XVI, très marqué par la vision sentimentale de l’abbé Soldini, avait fait le roi à la demande de sa très sainte sœur Madame Elizabeth il nous aurait épargné vingt-cinq ans d’hémorragie sanglante et le drame d’une lutte des classes endémique que nous vivons encore aujourd’hui. Faire le roi consistait à la façon de Bonaparte à monter sur son cheval et charger les révolutionnaires pour galvaniser ses troupes.

    Vous voyez où j’en viens :

    Que m’importe que Fillon ait abusé de sa position pour favoriser ”légalement” sa famille, s’il décide de défendre notre patrie, ce qui est pérenne et assure la continuité de notre culture et de notre rayonnement, que m’importe les outrances et les provocations d’une Marine Le Pen et ses positions économiques qu’elle adaptera sûrement à la situation qu’elle trouvera si elle était élue... cela ne me fait pas bouger de mes intentions de vote.

    Ma priorité c’est la France. C’est de défendre mon pays actuellement en situation d’être submergé par une culture et une religion ou par la négation de nos racines spirituelles (ces deux logiques s’alimentant). Le fait d’aimer la France dans les termes que de Gaulle développait, le fait de désigner la mondialisation comme le moteur de désubtanciation de notre peuple appellent mon soutien. Que j’eusse de la sympathie pour l’un ou pour l’autre n’a aucun intérêt, je n’en ai ni pour l’une ni pour l’autre ! Je soutiens simplement le fait qu’il me semble impossible qu’un futur chef d’état devant les ennemis de son pays - et chez eux - insulte sa propre patrie en l’accusant de génocide. Pour moi cette déclaration - s’il venait à devenir chef d’état - est passible de la haute cour. Qu’il y ait un vice dans la construction intellectuelle et morale de ce garçon jouet de la grande finance et des libertaires les plus enragés est une chose, mais insulter les innombrables morts de nos propres familles est tout simplement impossible. Que Macron - puisque c’est lui que j’évoque - soit soutenu par les personnages les plus malsains qu’une société engendre, Xavier Niel pourvoyeur des sites pornographiques et du minitel rose, d’une Taubira chef d’un parti qui voulait mettre la France dehors de la Guyane, d’un Bergé qui a tweeté que si une bombe explosait au milieu de la Manif pour tous ce n’est pas lui qui allait pleurer, etc. le définit pour moi comme l’ennemi à qui il faut tout faire pour l’empêcher d’accéder au pouvoir. Mon choix obéit à une question d’âme.

    J’ai fait le choix de donner la priorité à ceux qui aiment et disent vouloir défendre l’intégrité de notre pays et de notre civilisation. Que ce soit de l’opportunisme, du calcul peu importe, ils le disent et les paroles engagent. Ma prise de position justifiera pour les ennemis de notre pays les douze balles dans la peau qu’ils m’infligeront. Pour moi il est impossible de mettre sur un même plan ce personnage sans substance et otage des forces internationales les plus sulfureuses d’avec une fille sans doute outrancière mais se disant convaincue ”en termes sommaires” de son attachement à sa patrie.

    Je ne veux en aucun cas des socialistes qui haïssent la France et tout ce qui est le fondement même de notre être : ils se sont attaqués à l’âme de nous-même. Le quinquennat terrifiant qui se prolongera avec son héritier est résumé dans un document qu’a sorti Tugdual Derville. Celui-ci est effrayant : 36 décisions politiques sociétales, le mariage pour tous est le plus connu, mais la suppression de la clause de conscience, le contournement de la PMA/GPA que Macron et l’inquiétant Mélenchon légiféreront, l’absolutisation de l’avortement, le divorce à l’amiable, la promotion du genre à l’école primaire, la diminution des prestations familiales font un document de 27 pages ! Une descente aux enfers.

    politique, yves meaudre, la france,  Ma priorité est de bloquer au premier tour toute possibilité à ce monde délétère d’être présent. C’est mon choix pour Fillon. Si malgré cela Macron devait passer au premier tour je voterai sans hésiter pour une fille qui dit vouloir défendre la France, refuser tout compromis avec la GPA et la PMA et proclame haut et fort que la France a une longue histoire fondée sur ses racines chrétiennes. Je n’ai aucune sympathie et pour l’un et pour l’autre et je comprends qu’on puisse ne pas en avoir ; ceux qui m’ont développé leur opposition à celle-ci ont des arguments. Mais je reste Maurrassien (toujours) ; j’estime que dans une guerre il faut faire des choix, les non choix sont des choix par défaut qui profitent à l’ennemi ; ici ils donnent du terrain à celui qu’on a défini comme le plus dangereux pour notre âme. Toujours Maurras : la politique du pire n’est jamais la meilleure. Pie XII a officiellement soutenu ceux qui prêchaient l’alliance avec l’URSS en 1942 pour abattre le nazisme. De Gaulle n’a eu aucun état d’âme à employer les communistes qui, six mois plus tôt étaient les alliés des allemands ! dans sa lutte contre les nazis. Sans vouloir accabler la pauvre Marine d’une telle comparaison j’ai conscience que l’alternative proposée est pire pour notre âme avec Macron qu’avec celle-ci. C’est la position cohérente de Villiers, même si celui-ci fait l’erreur de laisser entendre qu’il soutiendrait celle-ci dès le premier tour, ce qui n’est pas tactiquement judicieux. Mais ses raisons tiennent pour lui à des règlements de compte personnels à assouvir.

     

    politique, yves meaudre, la france,  Dans tous les cas nous devrons travailler à l’exemple de Soljenystsine pour la Russie, de Jean Paul II pour la Pologne, à la reconstruction des intelligences de nos enfants.

    Christ est bientôt ressuscité !

    Votre père.

    Yves Meaudre

    Avril 2017

  • Les électeurs voulant protéger la famille face à un dilemme : voter blanc ou voter Le Pen

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    anne schaub-thomas,pma,gpa,politique,lmpt,conscience,transmission,la france,Écologie humaine,théorie du genreChère Anne,
     
    Ce qui est dans le document que vous pointez est exact. Macron est officiellement contre la GPA mais pour la filiation "artificielle" des enfants issus de GPA à l'étranger dans l'état-civil Français.
    Cette position est incohérente à mon avis, et va permettre d'arriver à la légalisation de la GPA en France en deux étapes :
    1. Le business de la GPA peut se faire à l'étranger, on ferme les yeux sur ce que cela signifie réellement, et les habitudes sont prises.
    2. Puisque cela se fait à l'étranger, pourquoi ne pas le faire aussi en France avec un "encadrement" législatif d'une GPA "éthique" qui "respecterait la dignité des femmes" (c'est légal, donc la dignité des femmes est respecté !).
    Il faut aussi prendre en compte la lettre ouverte de Macron concernant les LGBTI disponible ici. Quand il écrit "ma priorité sera une lutte implacable contre les anti-LGBTI dans toutes leurs dimensions", je comprends qu'il luttera contre tous ceux qui contestent les revendications de la communauté LGBTI, en particulier sur la question du mariage homosexuel, de l'adoption par des couples homosexuels, de la PMA et GPA pour les homosexuels, et plus généralement, ceux qui contestent l'idéologie du genre sur laquelle se base toute la théorie LGBTI. Ainsi, la promesse de Macron peut être comprise comme une déclaration de guerre contre La Manif Pour Tous qui conteste pacifiquement ces revendications des LGBTI et qui dénonce de façon argumentée cette idéologie du genre. Ceci est très inquiétant dans une démocratie.

    D'autre part, la situation électorale actuelle est inédite. Constater que les grands partis traditionnels de droite (Les Républicains, ex UMP) et de gauche (PS) ne sont pas présents au second tour est une première depuis plus de 50 ans. Cela montre le délabrement de la vie politique en France. Il faut donc analyser la situation de façon précise et voir toutes les solutions possibles.

    D'abord, on peut analyser les programmes des deux candidats restant en lice. Pour cela, je vous renvoie à l'excellent site WEB Boomerang qui analyse et compare les programmes des deux candidats sur les question "sociétales". Le résultat est sans appel : Macron ne peut être sélectionné, et Marine Le Pen s'en sort relativement bien. Il reste les questions économiques pour lesquelles il est beaucoup plus difficile de trancher entre les deux. La priorité à donner entre les deux analyses revient à se demander si les problèmes actuels de notre société viennent de dérives économiques ou de dérives morales, l'un entrainant l'autre. Pour ma part, je pense qu'il s'agit, avant tout, de dérives morales qui provoquent ensuite des dérives économiques.

    Il faut aussi bien comprendre ce que sont réellement les deux mouvements politiques restant en lice.

    D'une part, on a le Front National. Il faut se garder de plaquer la même analyse qu'il y a 30 ans sur le parti de Jean-Marie Le Pen. Sa fille a pris ses distances avec son père, et cela a fait des vagues (c'est le moins que l'on puisse dire !). La bataille a été sanglante, et c'est la fille qui a gagné. Le fait que ce parti n'ait pas été interdit montre qu'il n'est pas antisémite ou fasciste, comme certains voudraient le faire croire pour pouvoir le diaboliser. En travaillant régulièrement au Parlement Européen et au contact de tous les courants politiques européens, je peux confirmer cela. Je n'ai jamais constaté ou même senti la moindre tendance antisémite, raciste ou fasciste au FN. Néanmoins, les positions de Florian Philippot, N°2 de ce parti, sont souvent inquiétantes, en particulier sur sa tendance à vouloir augmenter le contrôle de l'état sur le pays. Cela se traduit, entre autres, par une position sur l'école qui mettrait les écoles "libres" sous contrôle étatique. Or la liberté d'enseignement est une des libertés sur laquelle je ne transige pas. Notez également que sur ce point, le programme de Macron n'est pas meilleur...

    D'autre part, on a le nouveau mouvement En Marche. Ce mouvement politique est une création nouvelle qui a été appuyée ouvertement par les médias dominants en France. Dans son livre "Un Président ne devrait pas dire cela", Hollande explique fin 2015 que lorsque l'on est bloqué par des partenaires politiques qui refusent d'aller dans la même direction que le PS, il faut créer une nouvelle formation politique sur la base de l'ancienne formation (le PS), procéder par élargissement et non par alliance, et le faire dans la perspective d'une élection présidentielle de préférence. (voir cet extrait ici). Vu les divers ralliements à En Marche, on voit bien qu'ils sont en majorité issus de l'aile libérale/libertaire du PS. Tout porte à croire que En Marche est la nouvelle version du PS sous "fausse bannière" apparente, et créée par François Hollande. Ce n'est pas bon signe...

    Pour le second tour de l'élection présidentielle, nous avons 4 possibilités :
    • L’abstention, 
    • Le vote blanc,
    • Le vote Macron,
    • Le vote Le Pen.
     
    L’abstention n'est normalement pas admissible en politique. Cela revient à abandonner le droit de vote. C'est, dans une certaine manière, abandonner la démocratie.
    Le vote blanc ne sert à rien en France, et c'est un grave problème de démocratie. Si on avait la possibilité de dire que s'il y a plus de 50% de votes blancs, tous les candidats du 1er et du second tour sont éliminés définitivement et que l'on recommence l'élection à zéro, on pourrait utiliser cette solution pour relancer cette élection sur de nouvelles bases. Mais ce n'est malheureusement pas le cas. Le vote blanc est maintenant comptabilisé dans les statistiques, mais, comme pour l'abstention, c'est une attitude qui conduit à laisser à d'autres le droit de décider à votre place.
    Le votre Macron revient à approuver son programme anti-famille et libertaire. C'est accepter de continuer sur la voie tracée par François Hollande, et je ne peux m'y résoudre.
    Le vote Le Pen reste difficile à faire vu l'histoire de ce parti et certaines orientations politiques (étatisme).

    Donc, en disant "NON A MACRON !" comme l'a décidé La Manif Pour Tous, on laisse le choix à tout le monde de décider en son âme et conscience entre le vote Le Pen et l'abstention ce qui est le mieux pour la France. C'est, de mon point de vue, la meilleure façon de respecter les personnes, en respectant leur choix, un choix qui n'est pas facile.

    Mais il faut aussi replacer cette élection dans la perspective des autres élections. Nous aurons dans un mois les élections législatives, et ce sont elles qui décideront réellement des orientations politiques du pays. Un président sans une majorité à la chambre ne peut pratiquement rien ; c'est la cohabitation. D'habitude, les élections législatives donnent au président élu un parlement qui lui est acquis, mais ce n'est pas une règle. En particulier, si le président est élu avec une faible majorité, il est moins probable que les élections législatives lui donnent également une majorité, plus encore dans le contexte actuel. Certaines personnes font ce calcul politique, et vont voter pour le candidat le moins bien placé dans les intentions de vote pour affaiblir au maximum celui qui est donné vainqueur dans tous les sondages. Dans le cas présent, ils voteront Marine Le Pen au second tour par calcul électoral et non par adhésion aux idées du Front National, sachant que Marine Le Pen n'a pratiquement aucune chance d'être élue selon les sondages. Ce raisonnement peut sembler absurde à première vue, mais il est parfaitement justifiable. D'autres voteront blanc pour montrer leur désapprobation des deux candidats. C'est aussi parfaitement justifiable, mais cela signifie également qu'ils laissent aux autres le choix de décider à leur place.

    D'autre part, appeler à voter Macron ou Le Pen au second tour des élections présidentielles n'est pas sans conséquences sur les élections législatives. Appeler à voter pour un des deux partis maintenant et appeler à voter pour un autre parti dans un mois est incohérent et décrédibilise ceux qui diront cela. Ils passeront pour des girouettes, et on n'a pas besoin de girouettes en politique. Ces politiciens de droite qui appellent actuellement à voter Macron et qui vont ensuite appeler à voter contre Macron vont se ridiculiser. Peut-être espèrent-ils sauver ainsi leur prébendes ?

    Bref, les électeurs français qui veulent protéger la famille sont face à un dilemme : voter blanc ou voter Le Pen. Cela se traduit dans tous les cas par "Non à Macron !". À eux de choisir la voie qui leur semble préférable.

    Je mets également en pièce jointe à ce message une autre analyse d'Yves Meaudre, un grand chrétien qui était, jusqu'à l'été dernier, le directeur général d'Enfants du Mékong, ONG auquel il aura consacré sa vie pour sauver de jeunes asiatiques de la mort et/ou de la misère et leur offrir un avenir digne de ce nom. Il parle de cette élection présidentielle de façon très intéressante, en constatant combien de personnes réagissaient de façon affective mais irraisonnée sur ces sujets politiques. Je vous laisse lire cette belle lettre.

    Bien cordialement.
    Antoine

  • Produire l’idée d’une France asséchée de transcendance, de spiritualité et de sacré, c’est présenter une sous-France

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             Comment vivre ensemble entre personnes de culture ou de religion différentes ? Comment appréhender l’acculturation des populations issues de l’immigration ? La laïcité constitue-t-elle une réponse ? Maire de Montfermeil (Seine-Saint-Denis) depuis 2002, Xavier Lemoine a accepté, pour Permanences, de se livrer à un dialogue en profondeur et sans langue de bois avec Camel Bechikh, français musulman, président de Fils de France, mouvement patriotique qui s’adresse principalement aux musulmans.

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    Permanences
    - Xavier Lemoine, comment la population, notamment musulmane, de Montfermeil et vos élus ont-ils perçu les événements du 7 janvier puis du 11 janvier 2015 ?
     

     

    Capture d’écran 2016-02-05 à 12.38.53.png         Xavier Lemoine : Vous faites bien de relier les événements du 7 et du 11 janvier parce qu’il y a une continuité entre eux, qui a consacré une forme de fracture.

             La tuerie de Charlie Hebdo, a été vécue de manière très différente par la communauté musulmane. Il y avait une réprobation envers les journalistes de Charlie Hebdo. Le sentiment était, qu’en gros, « ils l’ont un peu cherché ». Il fallait une discussion de personne à personne pour faire évoluer les choses, mais on sentait une réserve, une blessure.

             Ensuite, il y a eu cette montée en puissance - dramatique et dangereuse - du slogan ”Je suis Charlie”. Il y a eu une impossibilité - je l’ai vécue au sein de mon conseil municipal - de pouvoir communier avec les 4 millions de personnes qui ont marché le 11 janvier.

             Nous en avons parlé et mes élus de culture ou de confession musulmane ont été soulagés et m’ont dit : « Merci de nous comprendre et de nous donner la possibilité de pouvoir vous rejoindre dans cette indignation, sans être sur le front ”Je suis Charlie”, car nous ne pouvons pas être Charlie ». Dès lors que l’on fait bien la distinction entre l’esprit du journal et les hommes qui ont perdu la vie, il est possible de revenir à une indignation partagée par le plus grand nombre.

             C’est un travail à faire à l’échelle d’une commune, parce qu’il y a une relation de confiance avec des personnes. C’est à nous de reprendre tranquillement ces événements pour pouvoir rapprocher les points de vue.

     

    P - Camel, vous sillonnez la France, vous parlez dans des mosquées. Qu’avez-vous observé à cet égard ?

     

    Capture d’écran 2016-02-05 à 12.41.50.png         Camel Bechikh - Évidemment, quand Charlie publie un dessin où l’on voit la Vierge Marie copuler avec le Christ, je ne peux pas y souscrire, pas davantage que je ne souscris aux caricatures liées à l’islam.

             En revanche, face à la tuerie, à l’esprit de communion nationale et de deuil national, j’ai vu évidemment une solidarité, mais qui doit être, comme le disait très justement Xavier Lemoine, stratifiée. On ne peut pas adhérer à tout ”Je suis Charlie”, mais à une partie de ”Je suis Charlie”. C’est exactement ce que j’ai rencontré à la suite du 7 janvier.

             Par ailleurs, il y a une chose que l’on ne perçoit pas forcément sans être à l’intérieur de la communauté musulmane, c’est la grande peur d’être assimilé ou soupçonné de sympathie à l’endroit des tueurs. Il y a une tension. Par ailleurs, j’ai reçu beaucoup de messages de sympathie d’amis catholiques me disant de ne pas faire d’amalgame, au sens où tous les Français ne sont pas dupes de l'agressivité de Charlie Hebdo dans ses caricatures. Le ”pas d’amalgame” fonctionne donc dans les deux sens.

     

    Capture d’écran 2016-02-05 à 12.39.48.png         X.L. - La question du ”pas d’amalgame” est très importante. Ce mot d’ordre est dangereux dans ce contexte de méfiance envers la communauté musulmane, notamment parce que l’on ne peut déconnecter l’épisode Charlie de ce qui se passe en Syrie, en Irak, ou encore au Nigéria.

             Là-bas il y a des chrétiens qui sont directement victimes de mouvements politiques qui se réclament, qu’on le veuille ou non, de l’islam. Vouloir dire à tout prix ”surtout pas d’amalgame” peut produire l’effet inverse de celui recherché, car le sentiment que l’on nous ment peut mener certains à se dire que tous les musulmans sont comme cela.

             Je pense donc qu’il est préférable, même si le débat n’est pas facile, de pouvoir dire que s’il s’agit de ne pas faire d’amalgame, il s’agit peut-être aussi de vouloir interroger l’islam sur son rapport avec la violence.

             Que l’on puisse accepter que dans la lecture du Coran et des hadiths, qui sont prescriptifs en terme de droit, on puisse reconnaître qu’il y a des lectures bellicistes, même si beaucoup de musulmans en font une lecture plus pacifique.  


    Capture d’écran 2016-02-06 à 13.57.45.png         C.B.
    - Au moment des persécutions des chrétiens d’Irak, 120 théologiens musulmans se sont réunis sur une déclaration commune pour affirmer, en s’appuyant sur les textes religieux, l’antinomie avec la violence. Mais on peut retrouver ce rapport aux textes dans l’ensemble des religions et des idéologies.

             Lorsque, au cours de l’Histoire, l’Église catholique, pour des raisons souvent très politiques, cautionne une certaine violence, par exemple vis-à-vis des protestants, il y a une lecture des textes qui n’est pas pacifique. Je crois donc que l’on peut resituer les violences commises au nom de l’islam dans une anthropologie politique plus globale.

     

    Capture d’écran 2016-02-05 à 12.39.57.png         X.L. - À la différence que, pour la religion catholique, il y a un clergé, une doctrine et le cas échéant l’excommunication, qui n’est pas un vain mot. Il y a un rappel à l’ordre et une sortie de la communauté dès lors que les actes ne sont plus en conformité.

             Je ne conteste en rien la parfaite honnêteté intellectuelle des 120 théologiens qui se sont réunis, mais ils ne peuvent pas interdire à un musulman de faire la lecture qu’il souhaite, parce qu’il n’y a pas d’ordination ni d’agrément.

             C’est toute la difficulté : ces personnes n’engagent qu’elles et pas l’ensemble de la communauté.

             Il y a un autre facteur important, qui est le poids de la communauté sur l’ensemble des fidèles. Nous voyons bien, dans nos quartiers, comment certaines personnes, qui souhaitaient avoir des comportements personnels vestimentaires ou alimentaires qui leur convenaient, en sont venues à adopter d’autres comportements sous le poids de la communauté, pour retrouver une tranquillité.

     

    Capture d’écran 2016-02-06 à 13.57.50.png         C.B. - Quand nous parlons de communauté, il faut peut-être cerner le mot. Souvent, cette communauté n’est pas déterminée uniquement par son appartenance à une spiritualité qui peut avoir plusieurs lectures.

             Il y a aussi une communauté, une forme de solidarité, par strates sociales, par quartiers où l’on est dans la même pauvreté, à l’écart du monde qui fonctionne, qui tourne, qui consomme, etc.

             La communauté musulmane est malheureusement souvent perçue à travers la strate sociale à laquelle appartiennent beaucoup de musulmans aujourd’hui en France.

             Mais entre un émir du Qatar et le jeune désœuvré du quartier de Montfermeil, tous deux accèdent à une spiritualité qui s’appelle en effet l’islam, mais avec des parcours sociologiques et une compréhension des textes religieux sensiblement différentes.

             Plus les zones sont paupérisées, plus l’islam devient un marqueur identitaire coupé d’une certaine spiritualité.

     

             X.L. - C’était vrai il y a peut-être cinq ou dix ans, mais ça l’est beaucoup moins maintenant…

     

    Capture d’écran 2016-02-06 à 13.57.55.png         C.B. - J’observe que plus on se grime, plus on donne d’importance à l’aspect exotérique de la pratique religieuse par une grande barbe, une djellaba ou le fait de se voiler en noir pour les femmes, moins on a une construction, un capital de connaissance religieuse important.

             Comment une jeune fille qui a été socialisée dans l’école républicaine - avec Dorothée, avec Patrick Sabatier à la télévision - en arrive quasiment à se déguiser dans l’espace public ?

             L’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales a mené une étude sur les filles du salafisme qui montre, d’une part un refus catégorique de transiger sur la tenue vestimentaire, et d’autre part des actes de dévotion - par exemple les cinq prières par jour ou la lecture quotidienne du Coran – qui ne sont pas nécessairement accomplis.

             Les actes de spiritualité dans l’intimité, dans le secret, dans la relation à la transcendance, dans la verticalité, sont extrêmement faibles. En revanche, tout ce qui permet d’être un marqueur dans l’espace public en tant qu’identité est extrêmement rigide et fort. Les habits ne font pas forcément les moines. Vous avez des dealers qui vendent de l’héroïne, qui n’ont pas de pratique religieuse orthodoxe, mais qui se montrent d’un dogmatisme absolu sur la viande halal. C’est une inversion des valeurs. Le fait de manger halal devient un marqueur identitaire structurant pour des personnalités qui sont souvent extrêmement déstructurées.

     

    P - Xavier Lemoine, comment appréhendez-vous cette complexité en termes de politiques publiques ?

    Capture d’écran 2016-02-05 à 12.39.58 1.png         X.L. - Un maire fait quarante métiers différents, ce qui rend la chose passionnante. Nous avons des politiques sectorielles, par exemple le renouvellement urbain, qui consiste à redonner de la dignité et de la fierté aux habitants.

             C’est une condition nécessaire et indispensable avant de pouvoir parler de politique sociale. Mais la clé de voûte de toutes ces politiques sectorielles, c’est la politique culturelle.

             L’enjeu dans les banlieues n’est ni d’abord social, économique ou urbain, mais culturel. Il y a des dysfonctionnements sociaux, économiques et urbains, il faut des politiques de rattrapage sur ces domaines, mais si nous ne faisons que cela, en pensant que ces dysfonctionnements ne sont que des causes et non des conséquences, nous nous trompons.

             Pour moi, la cause réelle, ultime, est culturelle. Ma première priorité est la maîtrise de la langue française. À ce jour, sur 27 000 habitants de Montfermeil, 90 mamans apprennent le français. Il s’agit de remettre une certaine exigence et de susciter une certaine curiosité. L’apprentissage de la langue, c’est aussi l’apprentissage des us, coutumes et codes de fonctionnements de notre société, qui permettent de se mouvoir dans la société française et de comprendre comment elle fonctionne. Il faut aussi aborder la dimension historique et culturelle.

             Ces programmes recueillent un taux d’assiduité de quasiment 100 %. Et là, je vois des familles, des femmes qui s’éveillent, qui entrent dans un parcours de relation avec leur entourage, d’autonomie professionnelle, d’autonomie dans la culture.

             L’aide à la parentalité constitue la seconde priorité. Des systèmes éducatifs qui ont toute leur pertinence dans les pays d’origine produisent de parfaites catastrophes lorsqu’ils sont transposés en l’état dans notre pays. Par exemple, en Afrique subsaharienne, tout adulte se sent dépositaire de l’autorité parentale. Imaginer qu’en France, au 8ème étage d’une tour, c’est le voisin d’à côté qui va prendre pour partie en charge l’éducation de votre gamin, relève de l’utopie. D’autant que c’est plus vraisemblablement le dealer du rez-de-chaussée qui va récupérer la mise… Il faut expliquer aux parents qu’ils ont une relation quasi-exclusive de responsabilité vis-à-vis de leurs enfants et que le voisin de palier ne va pas forcément se préoccuper de l’éducation de leur gamin. Il est très important de redonner aux pères et aux mères la conscience de leurs rôles respectifs.

             Ma troisième priorité est culturelle. Profitant du fait que Montfermeil est à 15 kilomètres de Paris, nous avons pour objectif la connaissance et la fréquentation des grandes œuvres culturelles françaises, qui s’adressent à toutes les générations et subventionnons, des sorties culturelles comme Versailles, le Louvre, ou d’autres musées, monuments ou lieux de culture forts. C’est autre chose que du tourisme ou de la consommation. Il y a une préparation avec des personnes qui ont fait de l’histoire de l’art et qui apprennent aux autres à lire un vitrail, un tableau, une statue, etc. Pour aimer, il faut connaître, pour respecter il faut aimer. Tout est là : connaître - aimer - respecter. Cela vient tout simplement et ce n’est en rien agressif vis-à-vis de la culture d’origine.

     

    P - Camel, vous êtes français, de confession musulmane, vous êtes berrichon, vous aimez la France, son histoire et sa culture. Pour vous, ce que vient de décrire Xavier Lemoine représente-t-il un processus d’acculturation ?

     

    Capture d’écran 2016-02-06 à 13.57.58.png         C.B. - Oui, tout à fait, Xavier Lemoine évoque des choses qui sont absolument centrales dans la démarche de Fils de France. Le thème de notre dernière université de Printemps était Connaître et aimer son pays, basé sur un livre de Bernard Peyrous [1]. On peut difficilement aimer la France sans la connaître.

             Xavier Lemoine met la culture avant le social. Personnellement, je pense que la mixité sociale est la principale matrice du processus d’acculturation, qui fait que l’on passe de la culture des parents à la culture française.

             Lorsque l’on a une commune relativement homogène, géographiquement très proche de Paris, mais sociologiquement extrêmement éloignée, où s’ajoutent chaque année des populations arrivées de l’étranger, le processus d’acculturation, d’appropriation des codes culturels, des us et coutumes est quasiment impossible.

             La mixité sociale suppose que les primo-migrants minoritaires puissent se retrouver dans des ensembles où les anciens français sont majoritaires.

             Une école où le Français devient quasiment une langue étrangère, où les enfants ne parlent que le Turc, l’Arabe ou le Berbère, dispense un capital linguistique extrêmement affaibli.

             Faire sa scolarité dans une école aux capitaux culturels et linguistiques faibles débouche sur un diplôme faible, lequel aboutira à un travail faible et à un logement qui vous resituera dans une zone paupérisée, séparée des territoires de la grande France.

             À mon sens l’amorce de l’acculturation, c’est l’intégration ou l’assimilation sociale car elle permet de sortir du cycle infernal de la ghettoïsation. Si vous êtes minoritaire parmi une majorité, vous êtes irrigué par les codes de la majorité et votre processus d’identification via l’islam – lié à l’appartenance à des quartiers, des cités - s’en retrouve complètement arrêté.

             Vous passez dans un cycle vertueux, vos enfants iront dans une école où ils seront ethniquement ou religieusement minoritaires, mais dans un ensemble majoritaire partageant les us, les codes, les coutumes du pays.

             Depuis trente ans, l’identité française, dont le socle est le catholicisme, est bafouée. Le catholicisme a façonné ce pays. Il y a 40 000 lieux de culte dans notre pays et les crucifix ornent nos villes et nos campagnes.

             Le déni d’identité, qui fait naître la France en 1789, coupe les populations nouvellement venues - qui ont besoin de culture et de culture sacrée -, de la grande Histoire de France. Si vous produisez des éléments identitaires liés uniquement à la laïcisation, si vous parlez de réformes sociétales comme le mariage pour tous, si vous faites des traditions françaises la ringardise absolue, vous empêchez ces populations fraîchement françaises de s’approprier l’habitus historique né du baptême de Clovis. Je le dis dans les mosquées : ”Liberté, égalité, fraternité” n’est rien d’autre que la version sécularisé de la doctrine sociale de l’Église.

             Les immigrés s’installent dans un pays qui s’est construit sur une identité religieuse forte, sur des identités régionales fortes. Malgré la mondialisation, nous devrions permettre à ces personnes fraîchement françaises d’envisager la France au-delà du Mac Donald, du kebab, de H&M et de Nike…

     

    P - Xavier Lemoine, aimeriez-vous qu’un musulman vienne à Montfermeil dire de telles choses à ses coreligionnaires ?

     

    Capture d’écran 2016-02-05 à 12.40.00.png         X.L. - Moi, je suis preneur, mais je ne peux pas me substituer à l’accueil ou à l’invitation que pourrait faire telle ou telle association ou lieu de culte, mais sur le principe je souscris pleinement. Je voudrais revenir sur la mixité sociale. Ce que Camel Bechikh souhaite n’a pas été fait. Et je crains aujourd’hui, au regard des logiques démographiques qui sont en place, que ce ne soit trop tard. Quand bien même ces personnes primo-arrivantes pourraient vivre dans un endroit où elles seraient minoritaires, les structures associatives et communautaires sont suffisamment fortes pour les ”récupérer” de suite. Sans compter que les pays d’origine ne veulent pas perdre la main sur leurs ressortissants.

             D’autant plus que ces primo-arrivants se trouvent en face d’un État qui défigure l’identité de la France au travers d’une laïcité qui est un laïcisme, un athéisme déguisé. Ce rejet de la transcendance arme la violence dont nous sommes collectivement victimes aujourd’hui.

             Montfermeil fait aujourd’hui l’expérience d’une école hors contrat qui se définit comme non-confessionnelle. Elle considère cependant que l’enfant n’est pas obligé de laisser au portail de l’école sa transcendance et sa religion. Mais il lui est demandé, s’il peut venir avec, d’accepter que l’autre vienne avec la sienne, et de l’écouter, d’échanger avec lui. C’est une tout autre attitude que celle de l’école laïque, car l’enfant est respecté dans son identité profonde, dont le fait religieux et le rapport à la transcendance font partie. L’école a un grand respect de l’enfant et des familles. Nous nous adressons ainsi à des identités qui ne sont pas amputées dans le cadre scolaire. Alors que les enfants de l’école dite laïque ont beaucoup de mal à appréhender les matières qu’on leur enseigne puisqu’ils savent qu’une partie d’eux-mêmes est restée dehors.

     

    - Vous parlez ici des cours Alexandre Dumas à Montfermeil. C’est une expérience qui dure depuis trois ans. Il y a là une piste intéressante, un prototype…

    Capture d’écran 2016-02-06 à 13.58.18.png         C.B. - Le cours Alexandre Dumas est l’idéal en termes d’accélération ou d’accompagnement du processus d’acculturation. Si l’école est le lieu de capitalisation de la langue, des savoirs, de l’identité du pays, on a d’un seul coup une machine qui propulse le fils ou petit-fils de migrant vers l’identité française sans renier une part de son identité, qui est son identité religieuse.

             Parce que l’individu est composé de plusieurs identités. Il y a évidemment l’identité sexuelle, même si on tente de la nier aujourd’hui avec la théorie du genre ; une identité ethnique, qui fait que si je suis d’origine algérienne, il y a aussi des basques, des bretons… On doit pouvoir accepter cela. Il y a l’identité spirituelle et l’identité sociale. Le fait d’être notaire dans le centre de Chartres, ce n’est pas comme être agriculteur dans le sud de la France…

             L’ensemble de ces caractéristiques produit des individus originaux. L’altérité dans l’ethnicité est envisageable sans la nier parce que la France s’est construite sur une hétérogénéité ethnique.

             Au Ve siècle, des peuples se rencontrent sur le territoire français - Celtes, Latins, Germains, etc. - qui produisent une hétérogénéité ethnique, à l’échelle européenne. Dans la postmodernité, dans un monde qui devient village, il reste envisageable pour la France d’être fidèle à ses valeurs d’altérité ethnique, mais dans des proportions gardées.

             C’est pour cela que je pense qu’il est extrêmement important de stopper l’immigration.

             Elle pénalise l’ensemble des français, et doublement les français issus de l’immigration. La venue de nouveaux migrants dans les quartiers empêche le processus d’acculturation. Or il y a des limites si l’on veut éviter en France une déliquescence de l’identité qui produise un ressentiment globalisé.

             Vous avez des rues qui ont complètement changé parce que les charcutiers ont déménagé et ont été remplacés par des boucheries hallal avec des écritures en Arabe ! Et les habitants de ces communes sont exaspérés. Mais ils n’ont pas le droit de dire leur exaspération ; et de ce fait deviennent potentiellement ceux qui demain, en cas de paupérisation avancée de notre pays, pourraient passer à autre chose que du discours. Il faut avoir le courage de dire que si l’on veut retrouver un peuple solidaire, un peuple français dans la liberté, dans l’égalité, la fraternité, l’arrivée de 250.000 personnes supplémentaire chaque année en France rend ce désir irréalisable.

     

    P - Xavier Lemoine, faut-il revoir la politique migratoire au niveau français, européen ?

     

    Capture d’écran 2016-02-06 à 14.35.24.png         X.L. - Oui, cela fait des années que je le dis. D’autant qu’au regard des déséquilibres Nord/Sud, je ne suis pas sûr que les 250 000 personnes accueillies annuellement résolvent beaucoup la problématique en question. Elle se situe à un autre niveau bien évidemment, sur des bascules démographiques et donc culturelles sans précédent dans notre histoire, sauf si on revient au Ve siècle, période de grande instabilité et de violence.

     

    P - En guise de conclusion, Camel, pouvez-vous nous dire ce qui, dans la culture française, dans l’Histoire de France, est le plus aimable pour quelqu’un qui vient d’une autre culture ?

     

    Capture d’écran 2016-02-06 à 13.57.47 1.png         C.B. - Je crois que c’est l’ambition naturelle de la France d’exportation de ses principes. La France, née du baptême de Clovis, a donné à l’Église son plus grand nombre de saints ; elle a participé à exporter l’idée d’une foi universelle qui est le catholicisme.

             Si l’on arrive à faire émerger l’idée que la France s’est construite sur du sacré et que ce sacré n’a été que ré-habillé d’un champ lexical au moment de la République, si l’on parvient à faire ressentir que la France n’est pas un ensemble matériel ou une construction de la philosophie des Lumières, mais qu’elle est dans la transcendance qui s’imbrique parfaitement avec les valeurs fondamentales de la religion musulmane, nous avons un trait d’union extrêmement fort.

             Produire l’idée d’une France asséchée de transcendance, de spiritualité et de sacré, c’est présenter une sous-France - une souffrance - en un mot et en deux mots.

     

    Capture d’écran 2016-02-06 à 14.35.25.png         X.L. - Dans ce qui vient d’être dit, le mot identité a été souvent prononcé. Et je commence à m’en méfier. L’expérience qui avait été menée sous la présidence de Nicolas Sarkozy m’a convaincu que c’était un mot dangereux. Le général de Gaulle disait : « Comment voulez-vous gouverner un pays avec 365 fromages différents ? ». J’ai peur que nous ayons aujourd’hui 65 millions d’identités différentes.

             C’est pourquoi je préfère le mot ”vocation” pour la France. Et je pense que c’est dans la continuité de ce que vient de dire Camel : une vocation se reçoit et on se met au service de la vocation. On ne renonce à rien de ce que l’on est, de son originalité. Et au regard de nos talents, qui peuvent aider justement à la réalisation de cette vocation, cela rassemble tout le monde.

             Et si, en reprenant la vigoureuse interpellation de Jean-Paul II – « France, fille aînée de l’Eglise, éducatrice des peuples » -, on se mettait, chacun avec ses talents, au service de cette vocation, de cette mission universelle de la France ? C’est dans les gènes et la nature de la France de faire converger les énergies plutôt que les faire se combattre comme elles se combattent aujourd’hui.

     

             C.B. - Absolument !

     

     
    Logo Ichtus.jpgPropos recueillis par Guillaume de Prémare (@g2premare)

    Entretien initialement publié dans la revue Permanences 528-529 (Le défi de l'unité française) de janvier-février 2015 sous le titre 65 millions d’identités différentes

     

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    [1] Connaître et aimer son pays, Père Bernard Peyrous,
    Ed. de L’Emmanuel, 22 €. En vente sur le site : www.ichtus.fr

     

     

    Retrouvez cet entretien sur la page enrichie consacrée à Fils de France :
    Une raison d'espérance

     


  • L'Eucharistie comme politique

    Lien permanent

    Introduction

    W.CavanaughFINAL.jpg         Dans la banlieue de Manille aux Philippines, il y a une communauté de gens qui vivent à côté d’une décharge et qui gagnent leur vie en récupérant tout ce qui peut être vendu parmi les choses dont d’autres personnes se sont débarrassé. Quand le Père Danny Pilario célèbre la messe pour les gens de cette communauté, il dit que le signe de la croix qu’il fait au-dessus des Saintes Espèces a deux objectifs : consacrer le pain et le vin, et chasser les mouches du calice…

             Comme il existe ici un lien étroit entre le sacré et le profane, le Père Pilario voit un lien étroit entre l’Eucharistie qu’il célèbre avec la communauté et le travail politique qu’ils font ensemble pour améliorer la vie des personnes qui vivent là.

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             Pour parler de l’Eucharistie et de la politique nous devons rapprocher deux choses qui sont généralement maintenues bien séparées dans l’imaginaire social de l’état moderne. Dans un état à la laïcité militante comme celui de la France contemporaine, ces deux termes se retrouvent de part et d’autre du mur infranchissable qui sépare une série de notions binaires : l’église et l’état, le public et le privé, la religion et la politique, et ainsi de suite. Le mur semble infranchissable, comme s’il était fait de brique et de mortier, un endroit qu’on peut venir voir, devant lequel on peut faire un selfie, et en poster la photo sur Facebook. Mais le mur entre l’église et l’état, la religion et la politique n’existe pas en soi ; il existe dans l’imaginaire social, c’est-à-dire dans la manière dont nous percevons les choses. Le mur, bien sûr, a des effets réels, tangibles dans la vie sociale de la nation ; il est enchâssé dans des lois de toutes sortes, par exemple. Mais nous avons tendance à considérer que ces éléments binaires sont tout simplement dans la nature des choses, comme si religion et politique, par exemple, étaient deux substances comparables au potassium et à l’eau, qui sont non seulement bien distinctes, mais qui explosent quand on les mélange. En réalité, cependant, les catégories de religion et de politique sont imaginées, et la frontière qui les sépare, le fruit de l’imagination humaine. Ce soir, je veux parler d’une autre sorte d’imagination, l’imagination de Dieu, telle qu’elle s’exprime dans l’Eucharistie. L’Eucharistie est une manière de construire un monde différent, un monde sauvé. L’Eucharistie n’est pas foncièrement différente de la politique ; c’est plutôt une sorte de politique, une manière d’ordonner le monde, qui introduit le monde dans la vie même de la Trinité par le corps du Christ.

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             L’imagination liée à ces éléments binaires produit toute une série de défis pour l’Église Catholique dans une société laïque. Le plus évident est que les catholiques sont censés garder leurs convictions pour eux et s’interdire de les manifester dans leur vie publique, que ce soit au travail ou dans la vie politique. L’origine de cette exigence, que la foi reste une affaire privée, c’est l’idée laïque que la religion est une source fondamentale de division et de violence. Au-delà des inquiétudes récentes liées à la violence de certaines formes islamistes militantes, il y a une conviction laïque plus fondamentale que tous les types de religion sont par essence enclins à la violence parce qu’il est impossible que la raison puisse arbitrer entre des croyances essentiellement irrationnelles. Encore plus essentielle est la crainte laïque que l’on ne peut pas être en désaccord, sur des points fondamentaux, sans s’entretuer.

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             On raconte que les gens étaient autrefois d’accord sur les points fondamentaux, avant que la Réforme Protestante n’introduise des désaccords et la violence dans la société européenne. La solution pour empêcher les catholiques et les protestants de s’entretuer était de privatiser la religion et d’unir les gens dans la sphère publique autour de leur dévotion envers l’état-nation. J’ai fait une critique de ce mythe en me fondant sur des raisons historiques dans mon livre Le mythe de la violence religieuse, soulignant, par exemple, le fait que de nombreux catholiques ont tué des catholiques et que des protestants ont tué des protestants au cours des prétendues "guerres de religion", et que l’essor de la dévotion envers l’état-nation était une cause – et non la solution – des guerres en question. Le problème, cependant, n’est pas seulement dans la manière dont nous racontons l’histoire, mais la manière dont nous imaginons l’état de la société actuelle. Nous pensons ne pas pouvoir être fondamentalement en désaccord sur les questions religieuses en public sans violence, si bien que nous faisons de l’état-nation notre nouvelle religion. Nous considérons que notre nationalité est notre identité première et notre catholicisme passe au second plan, quelque chose qui est relégué au domaine privé, comme un passe-temps. Nous sommes prêts à tuer et à mourir pour notre pays, mais souffrir pour sa foi est considéré comme fanatique. Les objecteurs de conscience sur le lieu de travail sont considérés comme de mauvais citoyens. On nous incite à laisser notre foi au vestiaire quand nous entrons dans le domaine public du travail ou de la politique. Il n’y a apparemment aucun lien entre l’Eucharistie et la politique, par exemple, et ceci produit une fracture supplémentaire entre différents types de catholiques : il y a ces catholiques qui sont engagés pour la justice sociale et ces catholiques qui s’investissent dans l’adoration eucharistique et d’autres formes de vie dévotionnelle, mais il est trop rare de trouver des catholiques qui sont engagés dans les deux actions simultanément. Certains catholiques voient le Christ dans l’hostie au cours de l’Eucharistie, d’autres voient le Christ dans le réfugié du Moyen Orient, mais les deux semblent parfois vivre dans des églises parallèles.


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             Est-il possible de faire Eucharistie et faire de la politique en même temps ? Est-il possible d’imaginer un monde dans lequel les gens peuvent être différents et en désaccord sans violence ? Est-il possible de faire sortir des églises l’imagination de Dieu, l’Eucharistie, pour qu’elle accède au domaine public ? Je commencerai par analyser le mot ”politique”, et ensuite, j’examinerai l’Eucharistie comme source de la présence salvatrice de Dieu dans le monde.


    Qu’est-ce que la politique ?

             Quand nous utilisons le terme ”politique” aujourd’hui, nous avons tendance à faire référence aux élections et à la possibilité d’influencer ceux qui ont déjà été élus. Max Weber en a donné une définition moderne dans son célèbre discours La Politique comme Vocation quand il dit « Nous entendrons par politique uniquement la direction, ou la possibilité d’influencer la direction, d’un ensemble politique, c’est-à-dire aujourd’hui, d’un état ». Il a défini l’état, ensuite, comme « une communauté humaine qui revendique (et obtient) le monopole de l’utilisation légitime de la force physique dans un territoire donné. » Ce n’est cependant pas la seule manière de définir la politique. Aristote définit la politique en fonction de ses fins ou de son but : « La préoccupation principale de la politique est d’engendrer un certain état d’esprit chez les citoyens et de les rendre bons et disposés à accomplir de nobles actions. » (Ethique, 1099b30) Livre I ch 9. La politique est ici définie, non comme un monopole de la force utilisée pour protéger les individus les uns des autres, mais comme une pratique qui rend les gens meilleurs. La politique, de plus, n’envisage pas l’individu comme son unité de base ; Aristote parle d’un « corps politique ». La relation d’un individu à la cité ou polis, origine de notre mot ”politique”, est comme la relation d’une main au corps entier. Le membre individuel reçoit la vie en participant au corps entier : » Si le tout [du corps] est détruit il n’y aura ni pied ni main ». (Politique 1253a20).

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             Si ceci paraît familier, c’est peut-être parce que vous pensez à la première lettre de St Paul au Corinthiens, dans laquelle Paul utilise l’image grecque du corps politique pour décrire l’Église comme étant le corps du Christ. « Le corps ne fait qu’un, il a pourtant plusieurs membres. L’œil ne peut pas dire à la main : « Je n’ai pas besoin de toi » ; la tête ne peut pas dire aux pieds : « Je n’ai pas besoin de vous » (I Cor. 12:20-1). Pour Paul, l’Église est une sorte de politique au sens aristotélicien d’une communauté ayant un but commun et des biens communs et qui donne vie aux membres individuels. Pour Aristote, cependant, l’analogie du corps exigeait – comme la tête gouverne le corps – qu’une classe restreinte de gens gouverne. Le statut de citoyen était limité à la classe des hommes possédants ; les femmes, les enfants, les esclaves, les étrangers résidents (métèques), et de nombreux travailleurs manuels étaient exclus. Paul, d’autre part, imagine un nouveau type de corps dans lequel tous sont appelés à participer. « Il n’y a plus ni Juif, ni Grec, il n’y a plus d’esclave ou d’homme libre, il n’y a plus d’homme et de femme ; car tous vous êtes Un en Jésus Christ » (Gal. 3:28). Non seulement les membres les plus faibles ne sont pas exclus de la citoyenneté ou d’appartenance au corps, mais il y a une option préférentielle pour les plus faibles dans le corps : « Les membres du corps qui paraissent plus faibles sont indispensables, et ces membres du corps que nous estimons les moins honorables, nous les entourons de plus d’honneur » (I Cor. 12:22-23). Paul pousse l’analogie du corps encore plus loin en impliquant qu’une sorte de système nerveux relie tous les membres, car « Si un membre souffre, tous souffrent ensemble ; si un membre est à l’honneur, tous se réjouissent avec lui » (I Cor 12:16). Le but commun qui maintient l’unité du corps est l’amour de Dieu.

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             S’il vous paraît excessif d’appeler cela un corps politique, considérez le terme que Paul et l’Église primitive plus généralement ont choisi pour nommer l’Église : ekklesia en grec. Le mot est emprunté au discours politique grec, dans lequel l’ekklesia était le rassemblement de tous ceux qui jouissaient des droits de citoyens dans la cité-état. L’Église n’a pas utilisé le terme koinon, qui faisait référence à une association ou un club privés. Pourquoi ne l’a-t-elle pas fait ? Parce que l’Église affirmait être un rassemblement totalement ”public” qui concernait tous les aspects de la vie. En même temps, elle était plus large qu’une polis terrestre ; elle était une anticipation du rassemblement eschatologique du peuple de Dieu. Comme le dit N.T. Wright, spécialiste des Écritures, le travail missionnaire de Paul, « implique une ecclésiologie haute et forte dans laquelle les cellules dispersées et souvent confuses formées par les femmes, les hommes et les enfants loyaux envers Jésus comme Seigneur forment des avant-postes coloniaux de l’empire à venir : des petits groupes subversifs du point de vue de César, mais vus de manière juive, un avant-goût du temps où la terre sera remplie de la gloire du Dieu d’Abraham et où les nations se joindront à Israël pour chanter la louange de Dieu (cf Rom. 15:7-13). De ce point de vue, par conséquent, ce contre-empire ne peut jamais se contenter d’être seulement critique, ni se contenter d’être seulement subversif. Il prétend être la réalité dont l’empire de César est une parodie ; il prétend modeler l’authentique humanité, au premier rang de laquelle sont la justice et la paix, et l’unité qui transcende les barrières culturelles et raciales traditionnelles, dont l’empire de César se vantait. »

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             L’essentiel est que les premiers Chrétiens considéraient l’Église comme une sorte de corps politique, différent de la polis ou cité grecque, mais comme une anticipation d’une cité d’un genre différent, la Cité de Dieu, comme allait l’écrire St Augustin. L’Église était censée être une anticipation de la cité céleste qui descend sur terre au dernier chapitre de l’Apocalypse. La préoccupation première de l’Église n’est pas de donner aux gens un billet pour l’au-delà mais de transformer ce monde, un ciel nouveau et une terre nouvelle, dont l’anticipation est un corps formé de gens qui ordonnent la vie matérielle d’une manière nouvelle.


    L’Eucharistie comme politique      

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             Si politique peut se comprendre ainsi plus largement, alors nous pouvons commencer à voir comment l’Eucharistie peut se comprendre comme politique. L’Eucharistie, c’est l’incorporation d’une personne dans un nouveau genre de corps politique par un acte de consommation par le corps. Dans un mouvement qui a dû paraître aux Grecs excessivement étrange et pervers, le corps du Christ était identifié à la fois à la personne globale de l’église et à la nourriture dont se nourrissaient les membres de l’église. « La coupe d’actions de grâce que nous bénissons, n’est-elle pas communion au sang du Christ ? Le pain que nous rompons n’est-il pas communion au corps du Christ ? Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps car nous avons tous part à un seul pain » (I Cor 10:16-17). En mangeant le corps du Seigneur, nous sommes assimilés au corps du Seigneur, consommé par ce que nous consommons.

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             Pour Paul, cette assimilation a des effets sociaux directs. Dans le chapitre suivant de la Première lettre aux Corinthiens, il réprimande la communauté chrétienne pour la manière dont les riches mangent bien mais les pauvres sont affamés quand ils viennent ensemble pour célébrer l’Eucharistie. Paul appelle cela un échec à « discerner le corps », faisant référence au corps du Christ à la fois dans le pain consacré et dans la communauté ecclésiale. Il dit que dans leurs célébrations eucharistiques, il se peut qu’« ils mangent et boivent leur propre condamnation », il suggère même que l’Eucharistie peut tuer certains d’entre eux ! (I Cor. 11:27-34). Pour Paul, le type de personne collective que le corps du Christ a appelé à l’existence était clairement un défi lancé à la stratification politique, économique et sociale existante.

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             Le grand théologien catholique français Henri de Lubac a écrit que, pour l’Église primitive, l’Eucharistie était « plus de l’ordre de l’action qu’une chose ». Par ceci, il ne voulait certainement pas dire que l’Église primitive niait la présence réelle du Christ dans le pain et le vin. Mais la présence du Christ était vue comme quelque chose de dynamique plutôt que statique, essentiellement exprimée dans l’action de rassembler les corps dans le corps du Christ. Pour cette raison, l’Église était connue comme le ”corpus verum”, le ”corps véritable” du Christ, dans l’Église primitive. Le corps véritable était le résultat de l’action sacramentelle : « L’Eucharistie fait l’Église » selon la formule célèbre de de Lubac. L’Eucharistie est le signe efficace de l’union de la paix et de la charité à laquelle vise l’humanité. Mais selon de Lubac, cette réalité s’est obscurcie à partir du Bas Moyen Age, lorsque l’Eucharistie a commencé à être perçue plus comme une chose qu’une action. Les Saintes Espèces furent alors vues comme le ”corpus verum”, et la piété eucharistique se focalisa sur le miracle qui se produisait à l’autel. L’Église se cléricalisa de plus en plus, et les laïcs évitèrent de communier fréquemment, en partie parce qu’ils se sentaient indignes d’un tel miracle.

             Tout ceci est démontré très en détail dans le livre de de Lubac Corpus Mysticum, publié en 1944 au cours de la Seconde Guerre Mondiale. Il peut paraître frivole que de Lubac ait travaillé sur l’histoire de certains concepts théologiques médiévaux tandis que le monde était en proie aux flammes autour de lui. Mais les preuves abondent qu’il avait l’intention de faire de ce livre une contribution à l’effort de résistance à l’occupation nazie. De Lubac refusa de rejoindre les FFI contre le régime de Vichy parce qu’il redoutait l’implication directe de l’Église dans la politique de l’état-nation. En revanche, il a bien aidé à la publication d’un journal clandestin qui montrait l’incompatibilité de l’idéologie nazie avec la pensée chrétienne. « Il est clair maintenant » écrit David Grumett, « que le contexte, la motivation et les implications de la théologie de de Lubac sont profondément politiques. » Ceci est vrai si l’on entend ”politique” dans un sens plus large que la poursuite du pouvoir dans l’appareil d’état.

             De Lubac menait un combat sur deux fronts. D’une part, il voulait résister à la cooptation de l’Église Catholique qui soutiendrait une politique nationaliste, comme ce fut le cas de l’Action Française, qui reçut le soutien de nombreux catholiques avant sa condamnation par le Pape Pie XI en 1926. Il ne voulait pas « abaisser [l’Église]… au rang des puissances de ce monde. » D’autre part, il voulait résister à la privatisation du catholicisme, la réduction de l’Eucharistie à une piété individualiste, qui, pensait-il, permettait aux catholiques de collaborer avec le régime de Vichy parce qu’ils séparaient leur foi de leur politique. Il a écrit que « en réalité, le catholicisme est essentiellement social, » et il rejetait la privatisation de la foi dans les termes suivants : « Puisque le surnaturel n’est pas séparé de la nature, et le spirituel est toujours mêlé au temporel, l’Église a éminemment autorité – toujours en proportion de l’élément spirituel qui est présent – sur tout, sans être obligée de sortir de son rôle. » L’œuvre de de Lubac sur l’Eucharistie au cœur de la guerre était une tentative de trouver une troisième voie entre la poursuite du pouvoir et l’influence sur la politique de l’état-nation, d’une part, et la privatisation et l’absence de pertinence politique de la foi catholique d’autre part.

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             Je pense que l’œuvre de de Lubac est utile pour nous aider à envisager de faire sortir l’Eucharistie des églises, et manifester le corps du Christ dans le monde, sous la forme de communautés qui anticipent le Royaume de Dieu. Comme le pape Jean-Paul II l’a écrit dans son encyclique Ecclesia de Eucharistia, l’Eucharistie  « est d’une certaine manière toujours célébrée sur l’autel du monde. Elle unit le ciel et la terre. Elle embrasse et imprègne toute création. » Ainsi l’Eucharistie, « augmente, plutôt qu’elle ne diminue, notre sens des responsabilités pour le monde d’aujourd’hui. » Ici Jean-Paul II se fait l’écho d’un thème majeur du mouvement liturgique du vingtième siècle : l’adoration devrait continuer dans la rue et sur la place publique, au travail et à la maison. La vie chrétienne a pour vocation d’être un acte d’adoration. Plus récemment, le Pape François a dit à aux participants des JMJ à Rio « Je veux que l’ Église sorte dans la rue, je veux que nous résistions à tout ce qui est mondanité, immobilisme, confort, tout ce qui est lié au cléricalisme, tout ce qui pourrait nous refermer sur nous-mêmes. » Mais le Pape François a clairement précisé en même temps que l’Église a quelque chose d’unique à apporter quand elle sort ; ce n’est pas un service social ou un parti politique de plus. « Les paroisses, les écoles, les institutions sont faites pour sortir… Si elles ne sortent pas, elles deviennent une ONG, et l’Église n’est pas une ONG. » Ce que l’Église a à offrir au monde, c’est le corps du Christ.

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             En pratique, à quoi ressemble cette vision de l’Eucharistie dans la rue ? Je donnerai deux exemples tirés de contextes différents. Comme je l’ai décrit dans mon livre Torture et Eucharistie, le régime militaire du Chili – où j’ai vécu dans un bidonville dans les années 80 –, était décidé à réprimer tous les corps sociaux qui se dressaient entre l’individu et l’état : partis politiques, syndicats, coopératives de paysans et, enfin et surtout, les mouvements d’église. Ils utilisaient la torture comme moyen pour disperser les gens, et pour qu’ils aient trop peur pour se rassembler. L’Église a répondu en excommuniant les tortionnaires et toute personne coupable de torture, les excluant de l’Eucharistie parce qu’ils attaquaient le corps du Christ, à la fois les corps individuels et les corps sociaux. Le Vicariat de la Solidarité, organe de l’Église, parrainait des corps sociaux, des associations placées sous la protection de l’Église: des dispensaires, des centres d’aide juridique, des soupes populaires, des coopératives d’achat, des projets immobiliers, des groupes pour les femmes, des ateliers indépendants, des ateliers de confection, et de nombreux espaces permettant de se réunir. Un groupe appelé le Mouvement Sebastian Acevedo a également commencé à célébrer des liturgies de rue. Au signal convenu à l’avance, des membres du groupe – essentiellement des prêtres, des religieuses, et des laïcs catholiques, mais qui incluaient aussi des non croyants – se rassemblaient, distribuaient des brochures, déroulaient des bannières, chantaient, et psalmodiaient des litanies dénonçant la torture à l’endroit même où elle se pratiquait. Ces liturgies avaient pour but de célébrer le corps du Christ dans des espaces publics d’où le corps du Christ avait disparu. Des membres du groupe ont souffert dans leur corps la violence du régime, car ils étaient généralement battus et arrêtés. Comme l’a dit un observateur, « leurs corps sont transformés en une puissante chair pour le sacrifice par lequel ils reçoivent avec amour l’Eucharistie avec ceux qui souffrent. » En un sens, ils devenaient Eucharistie en unissant leur corps en sacrifice avec le corps du Christ.

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             Un deuxième exemple vient d’Afrique, où Maggy Barankitse a rassemblé des enfants devenus orphelins suite au génocide rwandais – des Hutu aussi bien que des Tutsi – et elle les élève pour qu’ils n’attachent pas d’importance à leur origine ethnique et qu’ils considèrent que leur identité, c’est de faire partie d’une seule famille, celle de Dieu. Voilà un acte profondément politique. La Maison Shalom de Barankitse se préoccupe de monter des entreprises et de fournir une éducation, mais elle est centrée sur l’Eucharistie, que Barankitse appelle « une spiritualité qui englobe tout ». En 2008, Barankitse s’est adressée au 49ème Congrès Eucharistique au Québec et a invité les évêques et d’autres délégués présents à « avoir le courage de perdre la tête dans l’Eucharistie, » ce qui signifie retrouver notre véritable identité de réconciliés. Comme l’a écrit le théologien ougandais Emmanuel Katongole, « le sang de l’Eucharistie est plus épais que le sang du tribalisme… » Peut-il y avoir une illustration plus claire de l’affirmation de de Lubac que l’Eucharistie est action et que l’Eucharistie est politique, que celle de la Maison Shalom de Maggy ?

    Politique eucharistique en France

             Ces exemples sont sources d’inspiration, mais ils soulèvent la question de savoir comment l’affirmation de de Lubac sur l’Eucharistie pourrait être illustrée ici en France, son pays natal. Je ne suis pas un expert du contexte français, mais j’offre ici les pensées d’un observateur extérieur.

             Les catholiques ont, bien sûr, un rôle important à jouer dans la vie politique de l’état-nation. Des catholiques qui se présentent à des postes publics ou soutiennent divers candidats dans le but d’influencer les politiques de l’état peuvent avoir un rôle de levain et même un rôle prophétique à jouer dans la politique nationale. La situation est peut être difficile en France à cause d’une sorte de laïcité militante qui pousse la foi religieuse traditionnelle à rester en marge. Mais la France n’est pas seule à cet égard. Comme le Pape Benoit XVI l’a écrit dans son encyclique Caritas in Veritate, ni l’état moderne ni le marché ne répondent aux principes de gratuité et d’amour qui devraient caractériser non seulement les « micro-relations » en famille et entre amis mais les « macro-relations » au niveau plus large, tant économique, politique que social. Benoît suggère que nous réagissions en pensant à la politique en termes plus larges que l’état-nation. Il recommande ce qu’il appelle une « autorité politique dispersée », « le développement d’autres acteurs politiques, d’une nature religieuse territoriale, sociale ou culturelle, parallèlement à l’État, » et l'« articulation de l’autorité politique au niveau international, national et local. » Nous pouvons créer des espaces communs alternatifs où l’imagination de Dieu peut créer un nouveau genre de politique, une politique Eucharistique.

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             Les papes récents nous ont demandé de penser à des niveaux qui soient au-dessus et en-dessous de l’état-nation. Penser au-dessus de l’état, c’est à dire au niveau international, c’est voir que le corps du Christ dépasse les frontières nationales, et reconnaître que l’Église est appelée à être véritablement catholique, embrassant tous les peuples. L’appel du Pape François demandant à chaque paroisse d’Europe d’accueillir une famille de réfugiés du Moyen Orient est un des exemples de la manière dont une imagination véritablement catholique du corps du Christ peut mettre en pratique la charité qui dépasse l’intérêt national. Penser en-dessous de l’état, c’est à dire au niveau local, c’est de voir que le corps du Christ consiste à rencontrer en face à face des personnes en qui nous voyons le visage de Jésus Christ. Nous ne pouvons pas nous contenter de déléguer l’attention portée à nos voisins dans le besoin à un état providence bureaucratique. Quelque nécessaire qu’un filet de sécurité puisse être, ce n’est pas le Royaume de Dieu. Nous devons nous occuper les uns des autres directement, et ne pas laisser les autres à la merci de ce que le pape Benoit appelle le modèle exclusivement binaire de l’État et du marché » dans lequel il n’est question que « de donner afin d’acquérir (logique de l’échange) et de donner par devoir (logique de l’obligation publique, imposée par la loi de l’État). » Benoit recommande une participation au niveau local, de s’occuper des pauvres directement, par la microfinance et d’autres modèles économiques – tels que Commerce Équitable, la Coopérative de Mondragon, l’Économie de Communion des Focolari, (et le café Simone !) et d’autres – qui placent l’être humain au-dessus du profit. Benoît dit clairement qu’il ne veut pas simplement créer des créneaux de charité, mais imprégner le système économique, politique et social tout entier, de l’amour de Dieu. La cité terrestre, écrit-il, peut être « dans une certaine mesure une anticipation et une préfiguration de la cité de Dieu indivise. »

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             La vision globale, donc, est une vision dans laquelle la définition de ”politique” est élargie pour inclure toutes sortes d’espaces collectifs alternatifs où une imagination Eucharistique du monde peut devenir une réalité concrète. Si l’on ne sort pas de la contrainte des binaires comme public/privé, religion/politique, religieux/laïc, et Église/État, cependant, cette vision peut facilement faire l’objet d’un malentendu : nous pensons que, soit nous devons imposer cette vision au reste de la nation par les mécanismes de l’état, soit nous pensons que créer des espaces collectifs alternatifs signifie se désengager de la société. L’un est une forme dépassée de théocratie, l’autre un acte de désespoir. Aux États-Unis aujourd’hui, beaucoup de chrétiens discutent de ce que l’on appelle ”l’Option de Benoît”, en référence à St Benoît de Nursie. Le philosophe catholique Alasdair MacIntyre conclut son célèbre livre Après la vertu en appelant de ses vœux « un nouveau St Benoît, nouveau et indubitablement différent. » Certains catholiques ont conclu qu’il voulait dire que nous étions dans un nouvel Age Sombre et que nous devons nous retirer de la société, comme l’ont fait les moines du Moyen Age, pour former des enclaves de gens ayant les mêmes idées, afin de préserver ce qui reste de culture catholique. Ils oublient cependant que les monastères devinrent les nouveaux centres de civilisation dans ce prétendu Age Sombre du Moyen Age. Et, comme le théologien catholique Gerald Schlabach l’a récemment affirmé, le vœu de stabilité que St Benoît exigeait de tout moine va à l’encontre du besoin actuel de fuir la compagnie de ceux avec lesquels nous sommes en désaccord.

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             Aujourd’hui, le besoin de se mettre en retrait de la société pour former des enclaves de gens ayant les mêmes idées, n’est pas une contreculture mais c’est en fait une tendance dominante dans la culture occidentale. Avec tant de sources d’informations à notre disposition maintenant, nous avons tendance à n’écouter que les informations et les commentaires avec lesquels nous sommes déjà d’accord. Nous recherchons la compagnie de ceux qui sont d’accord avec nos opinions politiques ou ceux qui partagent déjà nos engagements dans la foi, et nous diabolisons ceux avec lesquels nous sommes en désaccord partiel ou total ; nous restons à distance en nous contentant de leur crier des slogans. Nous évitons le vrai dialogue et le désaccord respectueux, parce que nous craignons l’autre, et parce que nous craignons de ne pas pouvoir véritablement et fondamentalement être en désaccord sans violence. Une autre sorte d'”Option de Benoît” prendrait au sérieux le vœu de stabilité, et refuserait de fuir devant ceux qui sont différents et susceptibles de ne pas être d’accord avec nous. Maintenir sa position, écouter, apprendre des autres tout en témoignant de notre foi – c’est cela qui est requis maintenant. Et ceci nécessite de briser ces termes binaires que sont : public/privé, religieux/laïc, religion/politique, parce qu’il faut que nous soyons prêts à parler de notre foi en Jésus Christ en public, même si nous savons que d’autres ne partagent pas nos convictions. Plutôt que de réserver l’Évangile et l’Eucharistie pour les dimanches et de n’utiliser qu’un langage laïc du lundi au samedi, nous sommes invités à faire sortir notre foi de son isolement et à la faire dialoguer avec ceux qui ne sont pas d’accord. C’est en partie ce que le Pape François veut dire par faire sortir l’Église dans les rues.

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             Cependant, afin d’être des témoins fidèles, nous devons être attirants pour les autres. Nous ne serons pas le levain du Royaume de Dieu simplement en nous plaignant des contraintes de la société laïque, ou en condamnant la culture de mort, ou en exigeant que l’état mette en place notre vision de l’amour, ou en essayant d’être de meilleurs débatteurs que nos adversaires. Il nous faut créer des communautés de gens qui vivent des vies joyeuses, comme si Dieu, en fait, avait déjà sauvé le monde, parce que nous sommes convaincus que Dieu a déjà sauvé le monde. Il nous faut créer des communautés qui vivent la réconciliation et la miséricorde, où la souffrance matérielle est soulagée et les péchés pardonnés. Il nous faut créer des espaces économiques où ce sont les gens, et non le profit, qui sont prioritaires. Il faut qu’il soit évident que nous faisons ce que nous faisons dans le monde parce que nous avons été incorporés par l’Eucharistie au corps du Christ, où tous souffrent ensemble et où tous se réjouissent ensemble. Nous mettons parfois tellement l’accent sur la vérité et la bonté que nous en oublions le troisième élément transcendantal, la beauté. Il nous faut créer des vies qui sont belles pour attirer les autres. Gerhard Lohfink, spécialiste des Écritures, dit que c’est en attirant à la beauté que Dieu change le monde sans violence. Les révolutionnaires humains sont pressés par le temps et veulent changer le monde en renversant les puissants par de spectaculaires actes de violence. Dieu, quant à lui, change le monde par la patience et la non-violence, en établissant une communauté de gens qui vivent des vies réconciliées. Dieu invite alors les gens à venir voir et rejoindre ce beau mouvement. L’Église catholique en France est à certains égards idéalement placée en équilibre, entre un athéisme militant d’une part et un fondamentalisme islamiste militant d’autre part, pour manifester une belle manière de vivre qui dit « oui » aux dons de Dieu sans fonder notre identité en disant « non » aux autres.

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             Créer des communautés eucharistiques ne consiste pas à créer des enclaves par des Catholiques et pour des Catholiques uniquement. Tous les humains, comme Dorothy Day aimait le rappeler au Mouvement Catholique des Travailleurs, font déjà partie ou font potentiellement partie du corps du Christ, ce qui a une véritable dimension cosmique. En vérité, le corps du Christ n’a pas son pareil pour brouiller notre notion préconçue de l’identité, car le Christ dans l’Eucharistie est à la fois le don, celui qui donne et celui qui reçoit. Nous mangeons le corps du Christ, et nous sommes alors transformés en corps du Christ ; l’acte de consommer est complètement renversé, de telle manière que, comme St Augustin entend le Christ le dire, « je suis la nourriture des forts ; grandis et tu te nourriras de moi. Et tu ne me transmueras pas en toi, comme la nourriture que mange ta chair, mais c’est toi qui seras transmué en moi. » Mais cela signifie aussi qu’à notre tour, nous devenons nourriture pour les autres ; nous nous offrons comme nourriture pour un monde affamé. Ainsi nous imitons l’acte de kénose de Dieu, c’est-à-dire se dépouiller de soi-même, accompli en Jésus-Christ qui, comme Paul le dit aux Philippiens, n’a pas jugé bon de revendiquer l’égalité avec Dieu comme un dû, mais a pris la condition de l’esclave (Phil. 2:6-7).

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             Mais le tableau que Jésus brosse du jugement dernier dans Matthieu 25 rend les contours du Corps du Christ encore plus paradoxaux. Jésus offre le salut à ceux qui, quand il avait faim, lui ont donné à manger, quand il avait soif, lui ont donné à boire, et quand il était en prison, l’ont visité et ainsi de suite. Nous avons tendance à lire ce passage en reconnaissant que nous devons servir les pauvres afin de devenir semblables au Christ. Mais ici le Christ ne s’identifie pas à ceux qui servent mais plutôt à ceux qui ont faim, qui sont malades, nus et en prison. Ici le corps du Christ est identifié à tous ceux qui souffrent. L’essentiel c’est que les contours du corps du Christ ne sont pas fixes et immuables, et ne s’identifient pas simplement aux contours de l’Église visible. L’Eucharistie est le cœur battant de l’Église, mais plutôt que de nous inciter à dessiner des frontières autour de l’Église et à nous replier sur nous-mêmes, elle devrait nous encourager à nous ouvrir aux autres, comme le Pape François nous invite à le faire. Dans l’Eucharistie, nous devenons le Christ qui devient à la fois nourriture pour les pauvres et devient le pauvre. Nous ne sommes le corps du Christ que dans la mesure où nous nous faisons mendiants pour obtenir le pain quotidien que le Christ donne.

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             La vision de l’imagination de Dieu signifie que nous n’avons pas besoin de dessiner des frontières hermétiques autour de l’Église ; nous devons nous ouvrir aux autres et collaborer avec les gens de toute confession ou ceux qui n’en ont aucune, afin de témoigner d’un monde sauvé. Mais ceci ne signifie pas que, ce faisant, nous devions réduire l’importance de notre foi, ou cesser de rendre raison de la foi qui est en nous. Dorothy Day a bien compris cela il y a des années quand elle écrivait « si nous perdons la vision, nous devenons de simple philanthropes qui distribuent des palliatifs. » Elle était convaincue qu’on ne pourrait éradiquer les maux de la société moderne que lorsque les gens croiraient qu’ils sont vraiment membres du même corps. Elle a travaillé inlassablement contre la guerre, pour la dignité des travailleurs, contre le racisme, et en faveur des coopératives, des banques coopératives, des communautés de fermiers et des foyers d’accueil pour les sans-abri. Et pour elle, tout ceci découlait de la vision du corps du Christ. Elle a écrit « notre travail en vue d’un ciel nouveau et d’une terre nouvelle montre la corrélation entre le matériel et le spirituel, et bien sûr, reconnaît la primauté du spirituel. La nourriture pour le corps, ce n’est pas suffisant. Il faut de la nourriture pour l’âme. À partir de là, ceux qui ont la responsabilité du travail, et tous ceux que nous pouvons inciter à se joindre à nous, doivent aller chaque jour à la Messe, pour recevoir la nourriture de l’âme. Et au fur et à mesure que notre perception est avivée, et que nous prions pour que notre foi augmente, nous verrons le Christ en chacun de nous, et nous ne perdrons pas confiance en ceux qui nous entourent, quelque chancelant que soit leur cheminement. » Dorothy Day savait que l’activisme des catholiques doit se nourrir de l’Eucharistie sinon il s’épuise rapidement, lorsque les gens s’usent au travail et se découragent à cause des énormes injustices dans le monde.

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             Dorothy Day savait également que si Dieu ne change pas le monde, le monde ne changera pas. Notre espoir est en Dieu, non dans nos efforts. « Ce que nous faisons est peu de choses. Mais c’est comme le petit garçon qui avait quelques pains et quelques poissons. Le Christ a pris ce peu et l’a augmenté. Il fera le reste… Notre travail, c’est semer. Une autre génération moissonnera. » La violence vient de l’effrayante illusion qu’il n’y a pas de Dieu, et que nous devons prendre l’histoire en charge et faire en sorte qu’elle finisse bien. Mais pour ceux d’entre nous qui croient au Dieu de Jésus-Christ, nous pouvons prendre les choses tranquillement, pour accéder, pleins d’espoir, à l’amour que Dieu nous a promis. Dieu s’occupe de l’histoire. Nous ne sommes pas invités à sauver le monde, mais à être fidèles à la manière dont Dieu sauve le monde. Dans l’Eucharistie, Dieu prend « le fruit de la vigne et du travail des hommes » et le transforme en lui-même, le corps même du Christ. C’est suffisant. Dans l’Eucharistie, Dieu imagine une terre nouvelle sur laquelle tous en viennent à voir qu’ils sont membres du corps même du Christ, et partagent les joies et les peines des uns des autres. Nous sommes invités à vivre dans l’imagination de Dieu, à en être nourris, et à offrir cette nourriture à un monde affamé.

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    PortraitCavanaugh.jpgWilliam T. Cavanaugh

    LesGrandesConférences.jpgBasilique Notre-Dame de Fourvière, Lyon, le 9 Novembre 2016
    Théologien, directeur d’un centre de recherche à DePaul University, Chicago, USA
    Traduction de l’anglais par Henri Brenders

    Ce texte est initialement paru sur le site Les Grandes Conférences de Fourvière

     

     

    The Eucharist as Politics - William Cavanaugh

     

     

  • Versez dans le sein et le cœur de Marie tous vos trésors... St L-M. Grignion de Montfort

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  • Du micro en chaire ou comment s'incarner père aujourd'hui : Fabrice Hadjadj

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    fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceJ’avais le choix entre parler avec un micro ou parler en chaire. J’ai préféré parler en chaire. J’espère que vous allez m’entendre jusqu'au bout… Ça va ? Voyez-vous, c’était fait pour ça. La chaire que nous n’employons plus était justement une manière de surélever celui qui parlait, parce que comme le son tend à retomber, tout le monde l’entendait. En revanche, si vous faites un sermon depuis l’autel, finalement les gens vous entendent moins. J’ai fait deux conférences aujourd’hui avec un micro, dans une église, vous êtes les quatrièmes, et là je me suis dit que ce serait bien de le faire sans micro. On ne réfléchit jamais à ce que fait le micro. Le micro se propose comme un instrument, technique, qui vient simplement nous aider, de telle sorte que la voix est amplifiée. Donc ça, comme un petit plus. Mais en réalité l’introduction de cette technique, de cette technologie, qui apparaissait juste comme un instrument, vous voyez, a transformé les usages liturgiques. Avant, on proclamait l’Evangile. On était obligé de projeter sa voix. Quand vous lisez l’Évangile en projetant votre voix, forcément, vous ne pouvez pas entrer dans de la petite psychologie, de l’intimisme, parler de ‘Jésus’. Ce côté qui est lié à une sorte d’“efféminement”, un peu, on pourrait dire, de la pratique liturgique. Autrefois, vous étiez là-bas, vous étiez obligé de projeter votre voix, et c’était justement une messe solennelle, avec une vraie proclamation. Mais ce qui s’est passé, c’est que quand on a introduit le micro, on a changé le style de la célébration qui devenait intimiste, gentillet, entre nous, sentimental. Et puis, surtout, il n’y avait plus de messe solennelle : on n’a fait qu’amplifier des messes basses. Tout devenait dans le style, de l’ordre de la messe basse. Alors, vous savez qu’il y a des querelles liturgiques sur la forme ordinaire, extraordinaire, les rubriques à suivre ou pas. Mais il y a très peu de réflexion sur l’introduction de certaine technologie qui ont transformé nos usages liturgiques. La lumière électrique : est-ce qu’une église est faite pour être éclairée avec un éclairage électrique ? Autrefois, il y avait des bougies. Les flammes faisaient danser les couleurs des statues. Le micro fait que l’espace d’une église qui était comme une caisse de résonnance est devenu un problème. Parce que dès que vous commencez à mettre un micro, vous devez sonoriser ; mais quand vous sonorisez, vous êtes obligé de compenser les problèmes de réverbérations de l’église ; vous devez donc acheter des enceintes très spécifiques, allongées, pour que le son passe mieux… Et même, on va dire : « On va condamner la chaire. » Vous voyez, cette chaire, normalement on ne l’utilise plus depuis quelques décennies. De telle sorte que l’église devient un problème : il vaudrait mieux une salle de concert, ou une salle de cours. Parce qu’elle résonne trop, tout d’un coup. Pourquoi est-ce que je commence par cela ? D’abord parce que je dois tout le temps parler sur le même thème mais je ne supporte pas de dire la même chose, donc j’ai pris un autre point de départ. J’ai changé les conditions de la conférence pour vous parler autrement que je ne l’ai fait dans les autres conférences. J’ai prévu pour la dernière conférence que je dois faire à 21h30 de boire plusieurs bières, comme ça je serai dans un état différent.

    fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceMais ce que je veux vous dire c'est que nous touchons à un problème très contemporain, qui est le fait que la technologie se présente comme une aide, comme un petit plus, alors qu’en fait elle transforme notre condition. Vous voyez, comme j’ai dit : l’introduction du micro transforme l’espace liturgique, transforme le style de célébration. On va vous dire qu’il y a de petites choses qu’on va vous apporter qui vont vous aider par la technologie, mais qui en fait vont transformer vos modes de vie. Quand on a inventé la voiture, on a dit, la voiture est un moyen qui vous permet d’aller plus rapidement d’un point à un autre. C’est magnifique. C’est hyper efficace. Et en réalité, ce qui s’est passé, c’est qu’on a transformé les villes, on a transformé les paysages, pour les adapter à la circulation des voitures. Et qu’on a transformé nos modes de vie, puisqu’on s’est mis à travailler plus loin, de telle sorte qu’on passe toujours autant de temps dans les transports, voire même plus aujourd’hui, qu’autrefois.


    fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceAlors le sujet qu’on m’a proposé de traiter, c’est : devenir homme, devenir père. Vous allez me dire : Quel est le rapport ? Mais justement, devenir homme, devenir père, à l’âge de la technologie, c’est là qu’est le problème. Les conditions de notre vie ont été modifiées par notre environnement technologique. Je vois plusieurs Iphones branchés. Vous n’êtes pas forcément en train de jouer à PokemonGo dans cette église… Ne serait-ce que ça, vous voyez j’ai quand même un micro devant moi, qui ne me sert pas mais qui sert à un enregistrement, d’autres personnes sont en train d’enregistrer… C’est vachement bien, en fait, la chaire, parce que vous êtes surveillé, quoi ! C’est beaucoup mieux, maintenant je comprends ! C’était très intelligent. Ce n’est pas que des questions acoustiques, c’était une question optique aussi. On pouvait voir tout le monde, et de haut. Déjà, par exemple, cet enregistreur fait que je ne m’adresse pas, ou plus, qu’à vous. Si je n’étais seulement qu’avec vous, je n’adresserais des choses qu’à vous et maintenant que je sais que c’est enregistré, il y a des choses que je ne pourrai pas dire. Et de fait, car il y a des choses qui ne peuvent pas sortir de cette enceinte. Si par exemple je critique l’islam, en disant, comme le disait Michel Houellebecq, que « c’est la religion la plus con », je m’expose à une fatwa si c’est communiqué, vous voyez, quelqu’un qui enlève l’enregistreur. Si je commence à dire quelque chose pour vous à cet instant… Parce que je m’adresse à vous comme routiers. Si c’est enregistré, c’est d’autres qui vont entendre et ça ne va pas forcément les concerner, ils ne sont pas forcément de la route. Donc, vous comprenez, déjà, cet instrument modifie mon comportement. Et aujourd’hui, les conditions de l’existence technologiques modifient nos comportements. Et modifient, en fait, le rapport à la vie humaine et à la famille. Vous savez que le pape François a écrit une encyclique, LaudatoSi, sur l’écologie intégrale, mais surtout, une encyclique qui parle de quelque chose de très particulier. Il dit que notre monde est infecté par ce qu’il appelle un paradigme technologique, ou un paradigme techno-économique. Ce paradigme n’est pas simplement le fait qu’il y a des objets technologiques mais que désormais nous vivons sous l’influence de ces objets. Alors même que nous n’utiliserions pas ces objets, le mode de fonctionnement de ces objets devient notre manière d’être. Quand, autrefois, on était dans une époque de culture, c’est-à-dire où le rapport de base au monde était l’agriculture, nos représentations étaient profondément liées à l’agriculture. De telle sorte qu’on savait que pour que quelque chose soit efficace il fallait respecter un végétal, son mode de croissance ; il fallait respecter les saisons ; on savait qu’il y avait une incertitude, ça prenait du temps ; on ne pouvait pas faire pousser de l’herbe en tirant dessus. Maintenant, nous sommes dans une société où le modèle est celui de l’informatique et où notre rapport au monde est lié à ce que j’appelle une ‘push-button-attitude’. Nous appuyons sur des boutons, nous avons un effet immédiat. De telle sorte que notre rapport au monde va changer. Si vous êtes dans un monde agricole et que je vous parle d’obéissance, comment est-ce que vous allez penser l’obéissance ? L’obéissance dans cet imaginaire agricole est quelque chose qui prend du temps. C’est la pousse d’un végétal. Alors que si vous êtes dans le modèle techno-économique, l’obéissance ça doit être immédiat. Et vous allez penser à l’obéissance sous cette forme-là. Obéir c’est : j’appuie sur un bouton, j’ai un résultat. Regardez quand le Christ parle de l’obéissance dans la parabole du semeur, ce qui pousse trop vite n’est pas bon. La vitesse n’est pas un gage de fidélité, de persévérance. Et donc, de véritable obéissance. En revanche, ce qui va pousser lentement, disons à la bonne vitesse, plus lentement qu’un escargot, là il y aurait la véritable obéissance.

    fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceLes rythmes de nos vies ont changé, notre rapport au monde a changé : nous voulons une efficacité immédiate. Nous avons perdu le sens du temps long. Et, avec cette modification qui vient de la technologie, ce qui est changé, c’est notre humanité-même, qui de plus en plus veut passer par ce rapport immédiat au monde. Avec le désir où j’ai des résultats immédiats, mais ça veut dire aussi : je trouve rapidement le bien-être, je vais trouver… je ne sais pas moi, des implants cérébraux qui vont me permettre de vivre dans une sorte d’orgasme permanent. Imaginez… C’est un projet déjà en place, hein ! Il y a donc quelque chose qui s’est modifié de notre humanité. Et notre technologie va en plus modifier notre rapport au don de la vie. Parce que pourquoi dans ces conditions-là même continuer à être père ? D’une part, on va se représenter notre vie, dans cette impatience-là, comme une vie qui n’a pas forcément à enfanter, parce qu’enfanter c’est entrer dans le temps de la maturation, dans un temps long. Mais en plus, si on met au monde des enfants, mieux vaut les mettre au monde par le biais de la technologie.

    fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceDes technologies se sont présentées comme thérapeutiques. On présente des avancées comme des choses thérapeutiques mais qui en fait ont changé radicalement notre rapport à l’enfantement. Ça a été le grand drame de quelqu’un que vous connaissez peut-être, le professeur Lejeune dont la cause est en béatification. Le professeur Lejeune a inventé le diagnostic prénatal. C’est une chose incroyable, le diagnostic prénatal. C’est savoir le code génétique d’un enfant avant même de le voir. Avant même qu’il soit né. Imaginez qu’on ait inventé ça avant la Nativité, ce qu’on aurait célébré, c’est le diagnostic prénatal du Christ, parce que c’était son entrée dans une sorte de visibilité humaine, génétique, on aurait eu un code. S’il y avait eu l’échographie, on aurait célébré la première échographie du Christ. La fête de la Nativité c’est l’entrée de Jésus dans la visibilité. Mais à partir du moment où vous avez cette technologie-là, vous avez un truc qui fait qu’on anticipe sur la naissance. La naissance n’est plus l’événement qu’on croyait. Le professeur Lejeune a inventé ce diagnostic, bien sûr, pour pouvoir soigner les personnes trisomiques. Pour qu’on puisse notamment… C’est lui qui avait découvert que ce qu’on appelait le mongolisme autrefois, relevait d’un chromosome, le chromosome 21. Et c’est lui qui a découvert que ça n’était pas une régression de la race blanche vers la race jaune, comme certains le pensaient, notamment Down ; ça n’était pas non plus dû à des mauvais comportements des parents. C’était quelque chose qui pouvait advenir, génétiquement, aléatoirement. Et il invente donc ce test.

    fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceAujourd’hui, ce test est employé pour éliminer les populations trisomiques. C’est-à-dire qu’il a inventé quelque chose en disant : « On va bien s’en servir. C’est une technologie, il suffit d’en faire bon usage. » Mais en réalité la technologie va induire un type de comportement où on pratique, en France vous le savez bien, déjà, ce qu’on appelle un eugénisme. Non pas positif, mais négatif, c’est-à-dire où on élimine tout ce qui ne nous paraît pas être conforme à une bonne vie humaine. Mais il va falloir aller plus loin. Á partir du moment où vous avez la possibilité par exemple de modifier génétiquement votre enfant pour être sûr qu’il n’aura pas tel ou tel cancer, ou qu’il l’aura très tard. Modifier génétiquement votre enfant pour être sûr qu’il aura les capacités cognitives très développées, de telle sorte qu’il pourra entrer à l’Ecole Normale Supérieure, à Polytechnique ou à HEC. Á partir du moment où vous êtes sûr même qu’on pourra lui assurer une longévité plus grande. Voire même lui assurer l’immortalité. Qu’est-ce que vous allez faire ? Vous allez dire que vous voulez le bien de votre enfant, vous allez dire : « Fabriquez-le. Je ne veux pas être père, je veux me tourner vers des ingénieurs, des experts qui eux vont fabriquer une vie meilleure. »

    fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceNous sommes dans cette situation-là. Une situation où l’homme disparaît au profit d’une sorte de cyborg performant et où le père doit laisser la place à l’expert. C’est la situation généralisée de notre société. De telle sorte que se posent pour nous des questions absolument neuves. Á partir du moment où on peut modifier l’être humain, la question se pose de savoir pourquoi rester humain. Non seulement devenir humain, mais à la limite pourquoi le rester ? Et puis, une autre question fondamentale : pourquoi donner la vie ? Non seulement pourquoi la donner, pourquoi continuer avec l’humanité dont on sait qu’elle est finie, limitée, etc., mais même aussi pourquoi la donner par cette voie qui est celle ancestrale de la transmission de père en fils par la voie sexuelle ? Est-ce qu’il ne faudrait pas déléguer cela à des gens qui feront des enfants absolument compétents, adaptés, résistants aux conditions nouvelles du monde techno-industriel ? Vous savez que dès lors si vous dites : « Non il faut continuer à être humains, et donc renoncer à certains phénomènes technologiques ; il faut continuer à avoir des enfants sur le mode sexuel, c’est-à-dire aléatoire, avec des risques ; il faut continuer à être des pères et des mères plutôt que des experts en pédagogie… » … On va dire que vous êtes cruels. On va dire que vous êtes réactionnaires. Et c’est ce qui se passe aujourd’hui.

    fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceLe grand paradoxe de notre époque est que les chrétiens qui sont normalement les témoins de la charité, de la compassion, apparaissent comme des personnes cruelles. Elles sont contre l’euthanasie. C’est la compassion, l’euthanasie ! Elles sont contre le fait qu’on puisse, par exemple, modifier le génome pour faire des êtres immortels. Imaginez, vous avez un gamin, il est né, vous l’avez eu comme ça. Il a ses copains à l’école qui ont été modifiés génétiquement, et puis vous allez lui dire : « Nous on est chrétiens, mon chéri tu dois crever ! ». C’est normal. On en est là. Alors, qu’est-ce qui nous pousse, nous, à vouloir rester humains et à vouloir continuer d’essayer de le devenir ? D’abord, vous faites cette expérience dans le scoutisme de ce qu’est une vie simplement humaine. D’abord, et surtout les routiers, vous marchez. C’est un truc incroyable de marcher aujourd’hui ! Vous marchez. Je ne parle pas des machines qui marchent, parce qu’elles marchent aussi. Nous, nous ne marchons plus. Je ne parle pas non plus de faire dix milles pas par jour selon les recommandations de l’OMS. Ça c’est encore la logique du calcul, ce n’est pas la marche. Vous, vous vivez la marche comme une expérience humaine de proximité, de parole, de rencontre. Mais ça n’existe quasiment plus ! Aujourd’hui, il faut croire en Dieu pour marcher ! Regardez, si ce n’est pas pour le fitness. On est dans une société où les gens ne marchent quasiment plus. Ils prennent la voiture, ils ont des trucs… Pour mener une vie simplement humaine, il va falloir croire en Dieu, pour continuer à avoir des enfants selon la loi naturelle, avec un père et une mère. Et même, il va falloir croire en Dieu, pour dire moi je ne veux pas être de l’humanité 2.0 augmentée par la technologie. Et même pas n’importe quel Dieu : il faudra croire au Dieu qui s’est fait homme. Et qui nous garantit qu’être humain, que c’est en étant humain que l’on devient vraiment divin. Non pas en sortant de l’humanité.

    fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceLe Christ a mené une vie d’homme. Il a mené une vie de charpentier. Trente ans à Nazareth, de charpente, et après, trois années de marche et de prédication. Quand vous marchez, vous renouez aussi avec la vie apostolique. Les apôtres qui marchaient, qui faisaient des kilomètres et qui parlaient aux gens qu’ils rencontraient. Qui leur parlaient du Royaume. Tout proche. « Le Royaume est proche de vous. » Le Royaume en fait se joue dans cette proximité humaine. Voilà ce qu’était la vie du Christ. Or, on sait que c’est la vie de l’homme parfait. 0n sait qu’on ne peut pas aller plus loin que cette vie-là. On sait même que mourir à trente-trois ans, ça peut être la chose la plus extraordinaire, la plus merveilleuse qui se fait dans l’Histoire. C’est quand même difficile à accepter, hein ! Mais on le sait. La grâce divine nous fait accepter notre condition humaine sur elle : mortelle. La grâce divine nous fait plus entrer dans cette condition-là et nous rappelle que le travail manuel, le travail du charpentier, peut être un travail divin. Parce que c’est ce rapport avec la nature, avec le monde tel qu’il est donné par Dieu. Ce rapport de culture et pas ce simple rapport d’ingénierie.

    fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceVous comprenez maintenant ce qui se joue aujourd’hui. Mon but n’est pas de condamner toute forme de technique, puisqu’au contraire je fais l’éloge de la technique comme savoir-faire, de la technique qui était encore une culture, qui accompagnait la nature, qui était encore humaine. Je critique certains types de technologie qui, d’une certaine façon, vont contre la technique. Parce que ce qui est en train de se passer, c’est que le progrès technologique est une régression de la technique. Le projet technologique entraîne une disparition des savoir-faire humains. Humain, ça veut dire avec les mains. Ça veut dire l’artisanat, ça veut dire les arts, ça veut dire… toutes ces choses-là. La réalité de notre existence aujourd’hui, qui nous fait rêver d’être des cyborgs. Nous rêvons d’être des cyborgs parce que nous avons créé une société qui nous empêche de déployer nos vraies potentialités humaines. En fait, c’est quand vous n’avez pas commencé à être humain que vous rêvé d’être un surhomme. Mais quand vous voyez ce que c’est qu’être humain et tout ce qu’on peut déployer en étant humain, à ce moment-là vous n’avez pas du tout envie de devenir un cyborg. Si vous savez jouer d’un instrument de musique, si vous savez vous servir d’une feuille et d’un stylo, pourquoi auriez-vous besoin de la dernière version de GTA ? Dante a écrit La Divine Comédie avec du papier et un stylo, hein ! Léonard de Vinci ou Mozart de quoi ont-ils eu besoin ? Ils ont déployé des choses dont on peut dire qu’elles sont divines, dans leur beauté. Mais ils n’ont pas besoin d’avoir une super technologie. Simplement c’était leurs mains, et leurs mains animées par leur esprit et par leur cœur avec une contemplation du réel. Qui était une contemplation amoureuse, attentive, que nous avons perdue.

    Donc, en réalité, le progrès technologique aboutit à une régression technique, et c’est parce qu’on a perdu les savoir-faire d’autrefois, parce que, finalement, nous ne pouvons plus être Charles Ingalls que nous rêvons d’être Robocop. Mais Charles Ingalls, c’est la vie humaine, simple. La famille, la paternité. On coupe du bois, on retape la maison. On va chez la vieille grand-mère qui est toute seule à côté. On fait des fêtes de village, on joue du violon. On connaît des danses folkloriques, on sait chanter ensemble autour d’une table. On sait faire la cuisine. Une vie de hobbit, quoi. Bien sûr, vous savez bien que c’est le thème fondamental du Seigneur des anneaux ! Cette critique de la logique d’une puissance toujours plus grande et un combat, finalement, pour pouvoir mener la vie simple de la comté. Avec cette idée qu’une graine qui pousse c’est même plus grand que toute la magie. Une phrase qu’on trouve chez Tolkien. Le fait de manger des aliments qu’on a cultivé soi-même, à partir du don de la semence et de la pousse des plantes, c’est quelque chose finalement de plus extraordinaire que d’avoir des super pouvoirs. Et pourquoi ? Parce que ça vous met en communication avec le cosmos. Parce que ça vous fait célébrer le Dieu créateur. Parce que ça vous fait chanter les bontés qui viennent d’au-delà de vous. Alors que quand vous êtes tout-puissant, que vous êtes l’œil de Sauron, qui regarde tout, qui contrôle tout, qui surveille tout, en fait, vous avez perdu la possibilité de l’action de grâce.

    fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceDonc, régression liée au développement technologique, régression technique et même régression morale. Parce que, je ne sais pas si vous avez remarqué, plus se développe la technologie, plus les objets se raffinent, plus nous devenons primaires. Je ne sais pas si vous avez remarqué ce truc-là ? Et… en fait je découvre qu’il y a une sorte de chaise, en plus ils s’asseyaient, ils faisaient semblant d’être debout. Mes chers frères… Vous voyez, c’est ça, c’est toute cette science-là qu’on a perdue… ! Je ne sais pas si vous avez remarqué… les appareils technologiques qui nous poussent à vivre dans un monde où on appuie sur un bouton et où on a des effets extraordinaires cultivent en nous l’impatience. Cette mécanique de la ‘push-button-attitude’ où on veut des résultats immédiats fait qu’on est devenus de plus en plus impatients. Regardez ! : Dès que votre ordinateur rame un peu… Vous avez des types, pourtant qui avaient l’air à peu près intelligents, ils se mettent à parler à leur machine et à l’insulter. Et même ces gens qui disent « eh, moi, je ne prie pas Dieu et tout ça… » sont devant l’ordinateur et disent : « Allez, s’te plaît, marche, s’te plaît… » Ils font des prières. Á leur écran. Parce qu’ils n’en peuvent plus. Parce qu’en réalité, cette technologie qui ne nous donne pas la patience du travail des mains, la patience d’un apprentissage, d’un savoir-faire, la patience de la culture, de l’agriculture, de l’élevage… parce qu’on n’a plus cette patience-là, nous entrons dans un domaine qui est de plus en plus pulsionnel. Et d’ailleurs, pulsionnel, c’est la pulsion, c’est appuyer sur des boutons. Ça veut dire ça. Donc, nous avons largement régressé, nous avons grandi en impatience.

    fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceVous avez un auteur très intéressant, un auteur anglais qui s’appelle G.J. Ballard, auteur notamment d’un roman assez célèbre qui s’intitule Crash. David Cronenberg a fait un film à partir de ce roman, un film assez trash, d’ailleurs… Il a fait aussi d’autres romans comme Immeuble de grande hauteur, etc. Je crois qu’il y a un film avec Jeremy Irons qui est sorti là-dessus… où il montre que c’est une sorte d’immeuble immense où il y a mille appartements, où tout est organisé, il y a des jacuzzis, des piscines à certains étages, des supermarchés à l’intérieur. Mais voilà que des ascenseurs se détraquent. Et à partir de ce détraquage de l’ascenseur les gens sont dans une sorte d’impatience, d’hystérie, et on voit que petit à petit, à cause du détraquement des machines, comme les gens n’ont pas appris à se maîtriser devant le réel, mais à croire qu’ils dominaient le réel parce qu’ils étaient face à du virtuel, en fait, dans cette domination qu’ils avaient dans le monde virtuel, quand ils sont confrontés à du réel, à une panne.. ils perdent les pédales. Et alors tous les gens bourgeois qui vivaient dans cet immeuble, des ingénieurs, des cinéastes… commencent à devenir fous, et la vie de l’immeuble se change en une vie de plus en plus primitive. Ils vont faire des razzias sur les étages inférieurs, des clans vont se créer entre ceux qui sont en haut, ceux qui sont en bas… Parce que justement la technologie a développé leur côté pulsionnel.

    fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceL’enjeu à être humain c’est donc de retrouver cette vie simple. Qui est aussi la vraie vie spirituelle. Regardez la vie monastique : c’est une vie déconnectée. C’est une vie souvent liée à la terre, liée au travail manuel : ora et labora dit la devise bénédictine. On se rend donc compte que si Jésus était charpentier ce n’était pas un hasard. C’est qu’il y a un lien entre cette vie simple, entre le travail de nos mains et l’élévation de notre esprit. C’est souvent cela qu’on a perdu. Et vous, en réapprenant le travail des mains, par des installations, au scoutisme, peut-être qu’un jour, aussi, le scoutisme s’intéressera au travail de la terre… en marchant, en vivant cette vie de proximité, vous êtes des défenseurs de l’humanité. Et vous êtes les êtres les plus spirituels à une époque où tout se dissipe dans le virtuel. Ce que vous faites là est d’une importance majeure pour devenir humain.

    fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceMaintenant, qu’en est-il de la paternité ? Il faut bien que j’en dise quelques mots. Qu’est-ce que ça veut dire être père ? Pourquoi est-ce que c’est l’autre dimension du déploiement de l’humanité ? Je voudrais juste d’abord vous faire une remarque : vous ne pouvez pas être pères si vous êtes seulement entre routiers. Il faut qu’intervienne cet être complètement inattendu dans ce lieu, même si on en trouve quelques spécimens intrus, ici-même, il faut qu’il y ait la rencontre avec la femme. La rencontre avec une femme va vous faire sortir de la logique de la planification technologique. L’homme croise une femme, il avait des tas de projets, tout d’un coup, non, c’est fini. Il est dépassé. Et ce n’est pas parce qu’il a des affinités simplement avec elle. Ce n’est pas comme un bon copain, une femme. Bon copain : on partage les mêmes sujets de discussion, on a les mêmes préoccupations. Non. Une femme, on l’aime d’abord parce que c’est une femme. On ne l’aime pas parce qu’elle nous ressemble, mais parce qu’elle est autre. C’est très mystérieux. Déjà, ce n’est pas être dans la logique de la réalisation de soi à travers un projet où je maîtrise tout. Et la relation érotique, la relation homme-femme est déjà une relation qui échappe au règne de la technologie. Si vous regardez dans 1984, ce grand roman contre des utopies technologiques, c’est précisément la rencontre d’une femme qui va faire que Wilson, le héros, va s’extraire tout d’un coup du monde totalitaire dans lequel il est.


    fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceParce que la rencontre d’une femme, c’est une relation primitive. Ça existe depuis l’origine des temps, c’est l’aventure de base. Vous marchez ensemble, entre hommes, et je vous ai dit, c’est déjà défendre l’humanité. Mais il y a cet autre aspect de l’humanité qui est la rencontre avec l’autre sexe et qui est vraiment un événement absolu. Je vous rappelle que... Je ne sais pas si vous connaissez cette histoire que racontait Alfred Hitchcock, le grand réalisateur. C’est l’histoire d’un scénariste qui, pendant la nuit, a l’idée d’un scénario absolument incroyable, auquel personne n’avait vraiment pensé. Il se dit, c’est génial, avec ça, à Hollywood, je vais avoir un succès fou, les gens vont dire c’est ce qu’on attendait… Et il se recouche et quand il se lève le lendemain matin, il a complètement oublié. Alors, il se dit, bon, si ça me revient, il faut vraiment que je m’en souvienne. Alors au milieu de la nuit il se souvient encore de ce super scénario, il dit là, maintenant, je vais m’en souvenir. Il se recouche, le lendemain matin il a encore oublié. Alors il dit, bon, là, il faut absolument que je prenne un cahier et je vais noter mon idée si elle me revient pendant la nuit ! Et dans la nuit, l’idée lui revient, il la note dans le cahier : l’argument, le scénario absolument génial et puis… il laisse le cahier. Il dit : « demain matin je pourrai relire ça à tête reposée. » Il se lève le lendemain matin, avec grande joie il ouvre son cahier, et qu’est-ce qu’il voit comme scénario extraordinaire ? Un homme tombe amoureux d’une femme. C’est tout.

    fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceAlors vous comprenez pourquoi il croyait l’avoir oublié quand il était réveillé ! Mais, parce qu’effectivement, c’est la base, c’est l’exclamation d’Adam au départ. Les animaux, il arrive à les nommer, il est encore debout, il n’a pas encore perdu toute contenance, mais quand la femme est devant lui, il dit : « Ah ! ». Il est dans une exclamation, il entre dans un cantique, il est dépassé. Et déjà, vous voyez, accepter cette aventure où l’on est dépassé. Mais être dépassé, ça veut dire aussi entrer dans cette aventure. C’est donc ne pas réduire la femme à un objet de jouissance. Sinon, vous n’entrez pas dans cette aventure. Vous en faites un lieu de soulagement, de délassement physiologique, mais ce n’est pas la véritable aventure de la rencontre avec une femme. Et cela vous entraîne, en plus, dans un autre truc : la paternité. Alors, le truc complètement fou, parce que quand vous réfléchissez bien... Moi, quand je vais vers ma femme, je pense à ma femme… J’aime ma femme et puis tout d’un coup elle m’apprend qu’on va avoir un enfant. Quel rapport ? Non mais, franchement, quel rapport ? Parce que dans l’étreinte, je ne pense pas aux enfants, sinon je serais un pervers. Je pense pas aux enfants, je pense pas à ça, enfin, c’est pas à ça qu’on pense ! On est dans quelque chose qui est l’amour. L’homme se tourne vers sa femme, ce n’est pas avec le projet d’avoir des enfants. Simplement s’il laisse faire l’amour tel qu’il est tout d’un coup apparaît cette surabondance à laquelle il n’est donc pas préparé.

    fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceVous avez un enfant, vous n’avez pas pris des cours pour en avoir. Vous vous rendez compte. On vous fait passer des permis pour conduire une voiture, on ne vous fait pas passer des permis pour être père. Alors que c’est beaucoup plus dangereux. Pour la vie des autres. Pour la vie de l’enfant. Alors certains pourraient dire : « Vous devriez passer des permis. » Et c’est ça que veulent vous dire les experts. Les experts vont vous dire : « Il faut passer des permis parce que c’est seulement si vous avez passé des permis que tout va bien se passer. Il y aura un code de l’enfantement, comme il y a un code de la route. » Mais pourquoi ce n’est pas cela, la paternité ? Parce que la paternité c’est précisément l’aventure des aventures.

    fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceVous savez que c’est une phrase de Charles Péguy qui dit que le père de famille est l’aventurier des temps modernes. Ce n’est pas une phrase comme ça, sentimentale, pour faire l’éloge du père de famille dans un monde qui méprise les pères et qui vénèrent les experts. C’est parce que c’est vrai ! Regardez toutes les grandes aventures que vous connaissez sont souvent des histoires de rapport au père, et où le héros lui-même va devoir avoir un enfant. Je parle d’aventures récentes qui ont dépassé la figure du héros comme ‘lone some cow-boy’, vous voyez. Qui n’a pas de parents, pas d’enfants. Regardez Harry Potter. C’est vraiment la question de la paternité qui est en jeu. Et le dernier opus, d’ailleurs, le montre spécialement. Est-ce que vous vous rendez compte que dans le dernier opus, que le grand combat de Harry Potter, le grand défi de Harry Potter, la grande aventure pour lui, ce n’est pas de réussir ses examens à Poudlard, ce n’est pas de gagner la coupe de feu, ce n’est pas d’avoir vaincu Valdemort : c’est d’avoir à élever ses fils et filles. Et notamment, il a des difficultés avec son fils Albus. C’est la première fois qu’on parle de Harry Potter dans cette église, et surtout qu’on parle de Harry Potter en chaire… Ce que je veux vous dire ici, c’est que c’est une question… J’aurais pu parler de Star Wars aussi. Ce sont des histoires de paternité qui sont en jeu, tout le temps. La grande aventure de Dark Vador c’est la question de sa paternité. Et dans la suite, c’est encore des histoires de paternités qui vont être en jeu.

    fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceDonc, pourquoi est-ce la grande aventure ? Pourquoi êtes-vous un véritable aventurier quand vous devenez père ? Eh bien, parce que, d’une part, vous entrez dans quelque chose qui dépasse vos compétences. Il n’y a pas d’experts en éducation. Ce n’est pas possible. C’est une contradiction dans les termes. Ou alors c’est réduire l’éducation à une technique. Pourquoi ne peut-il pas y avoir d’experts dans ce domaine-là ? Parce que l’enjeu c’est de transmettre la vie. Et de dire qu’il est bon d’être vivant. Ce n’est pas de devenir compétent dans tel ou tel domaine, ce n’est pas simplement d’aider votre fils à être bon en math, ou à réussir les concours des grandes écoles. On s’en fou de ça. Le plus important, qui dépasse les compétences techniques et qui ne relève pas d’une compétence mais que le père peut faire c’est, voilà : « J’ai consenti à la vie, je t’ai accueilli, j’ai accueilli la vie, et à ce moment-là, dans ma responsabilité, je suis le témoin que la vie est bonne. Alors même que je n’y comprends rien. Alors même que je suis nul. Alors même que je commets des tas d’erreurs. » Et l’essentiel, ce n’est pas le fait de développer les compétences de l’enfant, mais de passer du temps avec lui, de montrer qu’il est bon qu’il soit là. Et dès lors, on reconnaît quelque chose qui dépasse nos programmes, qui dépasse nos plans, qui est l’aventure même d’une vie qui nous échappe. Qui est un évènement permanent qui se renouvelle de génération en génération.

    fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceC’est aussi s’ouvrir à la vie au sens où l’on reconnaît qu’on n’est pas le père. Un père est toujours un fils. C’est même parfois pendant très longtemps, un gamin. Vous avez fait l’expérience… Bon, moi, je suis père de sept enfants, j’ai quarante-cinq ans, et au fond de moi je vois tout ce qui reste de l’adolescent que j’ai été. Je n’en suis pas complètement débarrassé. Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que nous sommes des pères, mais aucun d’entre nous n’est le Père. Et c’est ça ce qui se passe. C’est que dans notre incompétence, dans nos défaillances, à travers ces défaillances quelque chose va se jouer. On aura donné une torgnole trop forte à notre enfant, on aura crié abusivement, on aura commis des tas d’erreurs. Mais on ira vers notre enfant en lui disant : « Ce n’est pas moi le maître de la vie. Moi-même je suis un fils, moi-même je suis un pécheur, je te demande pardon. Et à travers mes défaillances je peux me tourner avec toi vers le Père des Miséricordes. » Et qu’est-ce que vous pouvez donner de plus grand à un enfant ?


    fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceVous connaissez ce passage du recouvrement au temple. Jésus dit : « Je dois être aux œuvres de mon Père. » Mais en, fait, tout père a pour tâche première de donner l’amour de la vie à son enfant, avant telle ou telle compétence. Parce que lui, il a accueilli la vie et donc il l’engage à le faire aussi. Mais aussi, il doit le tourner vers celui qui est le Père. De telle sorte que son fils, désormais, ce n’est pas sa chose. Ce n’est pas un être qui s’inscrit simplement dans un planning familial. Dans un désir ou dans un droit à avoir un enfant pour compenser les frustrations qu’on a eu nous-mêmes, par exemple, en projetant sur lui une réussite qu’on n’a pas eue. Ce n’est pas ça. C’est reconnaître qu’avec cet enfant s’ouvre un à venir. Le mot avenir c’est le mot qui constitue aventure : ce qui advient. Que tout d’un coup l’avenir se ré-ouvre à travers cet enfantement. Et on va être pris dans une aventure qu’on n’avait pas prévue, avec des enfants qui vont nous entraîner dans des tas d’histoires dramatiques qu’on n’avait pas envisagées. Mais c’est ça l’aventure de la vie. L’aventure première.

    Et c’est pour cette aventure-là que l’on devient aussi un combattant, qu’on devient un vrai guerrier. Parce qu’un vrai guerrier ce n’est pas simplement d’avoir des muscles, hein ! C’est d’avoir une femme et des enfants à défendre. C’est à partir de cette aventure-là que se pose la question de l’avenir, aussi, d’une société. Et c’est comme ça aussi qu’on s’engage vraiment en politique. C’est à partir de cette ouverture à une vie qui nous dépasse, à un temps qui ne sera plus le nôtre mais celui de nos enfants que l’on peut aussi être prêt à mourir.

    Il y a une chose qui m’a toujours frappée : j’ai toujours eu assez peur de la mort. Je ne m’imaginais pas de m’offrir en sacrifice. Je suis même assez douillet, quand je saigne je tourne un peu de l’œil, etc. Mais à partir du moment où j’ai eu un enfant, moi qui suis si faible, à la limite… tout d’un coup j’étais prêt à mourir pour quelqu’un d’autre. Vous voyez, c’est très étonnant, hein. Tout d’un coup c’est là qu’une force m’était donnée et que tout d’un coup je devenais un homme. Avec sa virilité, avec sa force de combat, avec son désir aussi de vivre des choses simples. Parce qu’on redécouvre là que la chose merveilleuse c’est de se retrouver autour d’une table avec sa famille, ses amis, à pouvoir manger ensemble, ou à pouvoir chanter ensemble. Et c’est ça la vie simplement humaine.


    fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceC’est la vie que garantit le Christ. C’est la vie qu’il garantit sur cette terre, déjà, au centuple. N’oubliez pas qu’il y a des promesses pour le temps, pas simplement pour l’éternité. Mais aussi pour l’éternité. Parce que le Christ ressuscité, que fait-il ? Est-ce qu’il fait des trucs de superman, des trucs de super technologie ? Est-ce qu’il fait de grands sons et lumière ? Il se retrouve au milieu de ses disciples. Et il mange avec eux. Et il leur lit les Écritures comme il l’avait fait autrefois. Il parle avec eux. Il mène cette vie simple que le scoutisme essaie de réintroduire dans une vie de plus en plus technologisée et virtualisée.

    Alors continuez toujours ainsi ! Ultreïa ! Merci.

    fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceFabrice Hadjadj
    29 octobre 2016
    Conférence donnée en l'église de Givry (89),
    au pied de la Colline éternelle de Vézelay,
    devant les Routiers Scouts d'Europe en pèlerinage.
     
                                                

                                                                

     

    Peintures
    Saint Vincent de Paul prêchant - Noël Hallé (1711-1781), Cathédrale Saint-Louis, Versailles.
    Hortus Deliciarum (détail) - Jérome Bosch, XVIIe, Musée du Prado.
    L'enfant retrouvé dans le temple - Philippe de Champaigne, 1663, Musée des Beaux-Arts d'Angers.
    Les Pèlerins d'Emmaüs - Mathieu Le Nain, XVIIe siècle, Musée du Louvre, Paris.

     

  • Avant d’être ailleurs, les solutions sont en nous

    Lien permanent

    La liberté des enfants de Dieu

    basilique-sainte-clotilde.jpgDans notre appréciation de la place des religions au cœur de notre vie sociale, nous sommes souvent sensibles aux signes extérieurs et à leur conformité avec les mœurs communes que nous érigeons facilement en loi impérative et sans exception possible. C’est dire combien la conversation entre Jésus et son hôte pharisien peut nous dérouter. Elle oblige à chercher d’autres repères que les obligations formelles de la loi.

    151464365_08ee92e9ae_m.jpgEn effet, ce que le Christ est venu annoncer, c’est plus qu’une obéissance formelle à des prescriptions qui se sont accumulées avec le temps, c’est une vigilance sur ce qui habite nos cœurs et qui exprime notre vérité personnelle. Le déplacement proposé est important pour ce pharisien qui est tout entier concentré sur l’observance des préceptes matériels de la loi, au détriment de la droiture morale personnelle.

    Comme Paul l’explique aux Galates, leur rencontre avec le Christ a radicalement changé l’exercice de leur religion. Par cette rencontre, ils ont accédé à une religion de liberté et non de soumission. Le pur et l’impur, le bien et le mal, ne peuvent plus être définis par un extérieur de nous-mêmes. C’est en nous que se mène le combat et c’est sur nous-mêmes que nous devons travailler. C’est un réflexe de païen que de juger les hommes d’après l’extérieur et les apparences.

    294px-Basilica_of_Saint_Clotilde_Sanctuary,_Paris,_France_-_Diliff.jpgNotre culture, de plus en plus médiatique et instantanée nous conduit à privilégier ce qui se voit au mépris de ce qui ne se voit pas. Et qu’en dire en période électorale où le souci de l’image et de la formule peut dépasser la préoccupation de l’expression d’un projet collectif dont tous disent qu’il serait nécessaire ! La captation médiatique de la campagne électorale s’accompagne de sa réduction à un « combat des chefs » où les facteurs personnels priment sur la présentation des programmes. Les candidats éventuels sont réduits dans leurs prestations publiques à prendre position sur telle ou telle affirmation des autres candidats, comme si leur seul apport spécifique était de se démarquer des autres. Comment toucher l’intelligence et la raison des électeurs ? Il est de la responsabilité de tous les électeurs de ne pas se contenter de l’effervescence médiatique mais d’encourager et de répondre à l’effort de pédagogie des candidats.

     

    Un moment de vérité ?

    70733131.jpgMais, finalement, les réactions nombreuses de nos concitoyens nous alertent sur le soupçon qui guette tout le discours politique. À force de se laisser séduire par le buzz, on pourrait ne plus accepter l’écart entre l’apparence et les convictions et nourrir une réaction de rejet des discours politiques et, surtout, de celles et de ceux qui les proposent.

    Cette aversion pour les hommes et les femmes qui se donnent au service de la société est injuste et suicidaire pour le gouvernement du pays. Mieux que moi, vous savez combien les engagements politiques expriment des convictions personnelles fortes. Notre liberté démocratique doit rester protégée d’une tutelle médiatique. Quels combats faudra-t-il mener pour faire échapper les convictions les meilleures au sortilège de la médiatisation artificielle ?

    Beaucoup de nos contemporains se révèlent atteints par le scepticisme ou le cynisme : à quoi bon proposer et choisir des solutions, s’il n’y a rien à faire… Á quoi bon choisir des hommes et des femmes pour conduire les affaires du pays, puisque, en tout état de cause, cela ne changera rien… Dans ce contexte, c’est la grandeur et le mérite de celles et de ceux qui se proposent à nos suffrages que de relever les défis du temps présent et de s’employer à proposer des remèdes.

    Comment vont-ils briguer les suffrages pour convaincre ? Vont-ils promettre à chaque catégorie de Français une assistance plus généreuse qu’auront à payer les générations suivantes ? Ou vont-ils s’efforcer d’exprimer une vision du bien commun qui mobilise les énergies ? Où vont-ils puiser l’inspiration nécessaire pour avoir le courage de dire les choses telles qu’elles sont et non pas telles qu’on les rêve ? Comment rendre confiance en l’avenir sans exprimer une certaine vision de notre vivre ensemble et des tâches auxquelles notre pays doit faire face ?

    338px-Paris_-_Basilique_Sainte-Clotilde_-_003.jpgIl me semble que ce courage de la vérité qui seule peut rendre l’espérance demande une lucidité et un désintéressement particuliers. Seul ce courage permet d’échapper à la démagogie et d’affronter les problèmes réels sans les contourner. Beaucoup des élus de la nation sont convaincus de la nécessité de ce courage. Beaucoup s’efforcent de le vivre. Beaucoup s’y réfèrent dans les dialogues particuliers. Je vous invite à prier pour que cette lucidité et cette vigueur ne s’effritent pas dans la chaleur des campagnes électorales.

    Ce serait mépriser la raison des électeurs que croire qu’ils se déterminent principalement sur des critères de publicité médiatique ou en fonction de leurs seuls intérêts particuliers. Ce serait mépriser les électeurs que de les juger inaccessibles aux intérêts généraux du pays et incapables de comprendre et d’accepter les réformes nécessaires. Ce serait mépriser les électeurs que croire que la masse d’informations dont ils disposent ne peut pas faire évoluer leur perception du monde et des enjeux internationaux.

    4136100370_0503a5b238.jpgAu contraire, une période électorale intensive peut être une occasion de développer chez beaucoup le sens du bien commun et de l’intérêt général. Est-il permis, en outre, de suggérer que les candidats qui assument cette dimension pédagogique de l’élection font un bon calcul car ils développent déjà les moyens préalables à l’exécution d’une politique responsable et courageuse ?

    Nous ne le savons que trop, notre pays vit une période difficile. Les effets de la crise économique s’ajoutent aux menaces d’attentat pour rendre plus incertain l’avenir. Dans une telle situation, il est toujours tentant de chercher des explications dans les facteurs extérieurs. Mais les facteurs extérieurs n’expliquent pas tout et, en tout cas, ne fournissent pas des solutions durables. Nous devons aussi prendre en compte des causes internes. Croire que la cause du mal vient toujours d’ailleurs est aussi une façon de reculer devant les questions que nous devons collectivement nous poser sur l’équilibre de notre société. On peut compter sur la solidarité européenne, mais elle ne nous épargnera pas les sacrifices économiques que nous devons consentir. Nous pouvons espérer vaincre militairement Daesh, mais cela ne nous évitera pas de nous poser des questions sur la dérive de jeunes qui sont nés chez nous et y ont été éduqués. Avant d’être ailleurs, les solutions sont en nous. C’est au prix de cette confrontation à la vérité que nous pouvons retrouver une véritable solidarité qui soit le ciment de notre société.


    clotilde1.jpgAyons le courage de reconnaître et d’avouer que la situation du monde ne devient meilleure que si l’homme lui-même devient meilleur. Cette œuvre de sanctification est celle de l’Esprit-Saint. C’est la mission de l’Église que de l’invoquer pour chacun de vous. Qu’il nous donne à tous le courage d’affronter les réalités et de servir l’unité de notre nation.

    Notre société résoudra donc la question de la place des religions à condition qu’elles témoignent de leur capacité de contribuer au bien commun, à ouvrir un chemin vers un monde meilleur, un chemin qui passe par la réforme de chaque personne. Ce chemin est aussi pour nous un appel personnel à devenir meilleur, un appel auquel chacun répond librement et par amour de ses frères et de ses sœurs. Amen.

    1380893684445248951.jpg

    + André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris

    Mardi 11 octobre 2016 - Basilique Sainte-Clotilde (Paris VIIe)
    Homélie - Messe pour les responsables politiques
    et les parlementaires

    Lectures : Ga 5,1-6 ; Ps 118, 41.43-45.47-48 ; Lc 11, 37-41