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  • La pentecôte eucharistique commence à la Croix

    Couv 1 pensée par jour PJ Eymard.JPGLe terme pentecôte eucharistique vient de saint Pierre-Julien Eymard qui l'emploie deux fois dans tous ses écrits, sans en préciser le sens. Sœur Suzanne Aylwin, Servante du Saint-Sacrement de la communauté de Sherbrooke (Canada), auteur de Une pensée par jour avec saint Pierre-Julien Eymard (éditions Médiaspaul, 2010), relève cet extrait où l'"on comprend ce qu’il entend par Pentecôte eucharistique" : 

    « L'archange ne dit pas seulement à Marie : “Le Saint-Esprit viendra en vous”, mais il ajoute : “Il vous couvrira de son ombre” [Lc 1,35]. Dieu est un feu consumant [Dt 4,24]. Quand Dieu vient en nous, il y vient avec sa nature divine et si le Saint-Esprit n'était en nous comme un voile, nous serions à l'instant consumés. Qu'est-ce qu'une paille au milieu d'un grand feu ? Que sommes-nous dans la divinité ? Le Saint-Esprit, comme une nuée, tempère ces ardeurs, n'en laisse transpirer que ce qu'il faut. Il fait comme au mont Sinaï. Il nous est nécessaire dans nos rapports avec Notre Seigneur. Notre Seigneur est homme, je le sais, mais il est Dieu aussi et nous avons besoin du Saint-Esprit pour recevoir Dieu. » (PP 32,2) 

    Pour ma part, je poursuis ma recherche pour rejoindre la pensée du Saint Esprit qu'avait le Père Eymard en méditant ce terme de Pentecôte eucharistique. Voici :

    « En cette fête de saint Maximilien-Marie Kolbe,
    nous nous souvenons du repas où le Roi des martyrs offrit sa vie pour nous
    et de la croix où il remet son esprit à son Père. »

    Sur la Croix, Jésus expire son Esprit entre les mains de Dieu le Père : son Âme monte au Ciel dans la kénose, et dans le même temps, quand le soldat romain transperce son Côté, le Sang et l’Eau s’écoulent de son Cœur pour la Terre et tous ses habitants.

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    Jésus-Christ est le médiateur sur l’ostensoir de la Croix. Cette Croix si visible sur le mont Golgotha a fait le vide autour d’elle pour ne laisser que Jean, Marie, les soldats et les deux autres larrons à son pied. Il est visible sur sa Croix mais personne ne le voit que Marie-Madeleine et quelques femmes avec Jean et Marie. Á la fois exposé aux yeux de ceux qui osent voir son supplice, et si humble. Je ne parviens pas à exprimer ce contraste que je perçois de l’humilité du Christ sur la Croix exposée. Ce qui attire à Lui tous les hommes, c’est son humilité qui est tout intérieure, dans la prière en union avec son Père. Je perçois l’amour dans cette humilité, je perçois le retrait de la prière sur la Croix. Il est là, dans le monde, avec nous et pour nous, mais Il n’est pas du monde. Il est en union avec Dieu le Père et c’est ce qui nous attire à Lui. C’est le lieu même de son retrait en Dieu qui nous attire à sa Croix. Ce n’est pas le supplice, ni même sa souffrance qui attire notre regard sur Jésus à la Croix. C’est la communion avec le Père qui nous attire. C’est cet amour que nous percevons à la Croix qui nous attire. Et c’est cet amour qui jaillit de la Croix que nous recevons. Cet amour sur la Croix nous le recevons dans la kénose du Christ quand son souffle le quitte pour le Père et que son Sang nous éclabousse de grâce. L’Eau aussi lors de la kénose de Jésus-Christ nous inonde de la lumière de son Esprit. Et nous recevons aussi son Âme quand Il rend l’Esprit, en expirant. Son Âme est répandue avec le souffle de l’Esprit dans son Sang et l’Eau issie de son Cœur sur nous. L’Esprit de vie qui planait sur les eaux au Commencement, c’est aussi l’Esprit de Jésus. Sur la Croix, l’Esprit Saint de toujours devient une personne de la Trinité, par la Vie du Christ qu’Il remet, rend à son Père et nous donne. La pentecôte eucharistique commence à la Croix. C’est quand la Terre reçoit le dernier souffle à la fois humain et divin du Christ. Á son dernier souffle, tout est accompli. Il se vide de Lui-même dans le don total. Sur la Croix, la communion trinitaire est parfaite, quand Jésus expire. Il nous distribue ses grâces en même temps qu’Il expire. Il rend à Dieu ce qui appartient à Dieu. Son Âme. Et de son Corps mutilé Il est donné tout entier aux hommes dans la merveille eucharistique de sa kénose où le don de son Sang et de l’Eau baigne dans la lumière de son Esprit. Son Âme est auprès du Père et pourtant, son Âme est partout depuis cette pentecôte eucharistique de la Croix. Elle rayonne depuis la Croix. Depuis la Croix nous pouvons la recevoir si nous levons les yeux vers elle. Son Corps saint ne cesse de nous inonder de sa grâce, de sa lumière d’amour. Lors de l’adoration eucharistique, nous adorons sa Croix. Nous ne cessons pas de recevoir son Esprit depuis la Croix, depuis ce moment de la Croix chaque fois que nous tournons notre visage vers Lui, Jésus Eucharistie.

    Jehanne Sandrine du SC & de la SE.jpgSandrine Treuillard  —  Sury-ès-Bois, le 14 août 2017

    Engagée dans la Fraternité Eucharistique, de 2015 à 2018,
    branche laïque de la Congrégation du Saint Sacrement (sss),
    rattachée à la Chapelle Corpus Christi, 23 avenue de Friedland, Paris 8.

     

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    Saint Pierre-Julien Eymard, Prophète de l'Eucharistie, un saint d'avenir

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    Prier avec Hozana & la Communauté St Pierre-Julien Eymard - Prophète de l'Eucharistie 

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  • Le 'chant' du P. Eymard - Sa dernière retraite, son testament spirituel

    Retranscription d'après l'enregistrement
    des Bénédictines du Sacré-Cœur de Montmartre

    P André Guitton sss.jpgLe p. André Guitton, sss (Père du Saint-Sacrement, communauté au 23 avenue de Friedland, Paris 8, Chapelle Corpus Christi) ouvre sa conférence par un Notre Père avec l’assemblée présente, salle Saint Ephrem, Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, ce matin du 21 avril 2018. Il nous confie à l’intercession de Notre-Dame du Saint-Sacrement, saint Joseph, saint Pierre-Julien Eymard et tous les « saints et saintes de Dieu ». 

     

    Petite histoire des éditions des Œuvres complètes de S. P-J. Eymard

    Bannière Chapelle Corpus Christi.jpgBonjour à tous, je suis très heureux d’être parmi vous. Je ne sais pas pourquoi je suis venu, mais j’ai été invité et j’ai eu la simplicité d’accepter cette invitation, comme une grâce. Et puis j’ai rencontré le père Nicolas Buttet, tôt ce matin, pour harmoniser nos interventions orales. Je ne connaissais pas le thème de la conférence qu’il va nous donner tout à l’heure, et j’ai pensé, puisqu’il est question cette année du 150ème anniversaire de la mort de saint Pierre-Julien Eymard, vous présenter sa vie, non pas comme un récit biographique – il y a des livres pour cela, et même si on a évoqué quelques points de sa vie, tout à l’heure, à l’instant… - mais à partir d’une de ses retraites, la dernière qu’il a faite comme retraite personnelle.

                Comme on l’a noté tout à l’heure, le Père Eymard n’est pas un écrivain, en ce sens qu’il n’a pas publié, sinon simplement les livres des Constitutions des Pères du Saint-Sacrement, des Servantes du Saint-Sacrement et une petite revue qui a duré deux ans. Mais il a laissé beaucoup d’écrits. Et à sa mort tous ses textes ont été collationnés, recueillis, conservés, transmis. Ça a été aussi le point de départ d’une édition que l’on a faite pour la piété des fidèles dans les années 1870-76, sous le titre de La divine Eucharistie, en 4 séries, mais qui ne sont pas des éditions qui correspondent aux normes actuelles de l’édition ; qui sont arrangées, reconstruites. Et il a fallu attendre l’ère électronique pour pouvoir saisir, organiser, puis éditer d’abord de façon électronique (sur internet), et ensuite en édition imprimée grâce au frère Poswick de l’abbaye de Maredsous et de son équipe qui ont collationné cette immense masse de documents. Il y avait dans les archives 70 000 pages qui ont été numérisées en 43 000 photos, et là-dedans, une vingtaine de milles pages ont servi de base à l’édition électronique. On a travaillé, pendant 3 ans, d’arrache-pied. On avait un terme. Parce qu’on était en 2002, et on leur a dit : « En 2006, c’est le 150ème anniversaire de la fondation. Ce serait bien que ce soit terminé le 13 mai 2006… » Alors le frère Poswick a dit : « Bon d’accord, on se met au travail. Je vous enverrai tous les mois 300 pages à vérifier, à corriger, à annoter, à traduire, à préparer pour l’édition. Vous me les remettez dans les deux mois qui suivent, moyennant quoi, en l’espace de 2 ans et 1/2 nous pourrons balayer tout l’ensemble. Ce sera fait. » Et ça a été un énorme travail de va et vient dans les petites équipes que nous étions. Et effectivement, le 13 mai 2006, nous avons présenté à l’avenue de Friedland, une première édition, une première partie. Et au mois de décembre de la même année à la Grégorienne, à Rome, nous avons présenté l’édition électronique en ligne, devant les supérieurs majeurs des congrégations religieuses. Et c’était vraiment un événement. Puis, après, on a procédé à l’édition imprimée. On s’est aperçu que l’édition électronique pouvait avoir bien des fautes… et ça passait. Mais l’édition imprimée, ça ne passe pas ! On a tout repris à zéro, on a tout corrigé, on a tout complété, on a tout harmonisé en faisant de chaque document, à ce moment-là, numéroté, et avec sa côte authentifiée. Il y en a plus de 16 000. Et le tirage a été fait : il y a eu 17 volumes, en partenariat avec les éditions Centro Eucharistico di Ponteranica en Italie, l’édition de nos pères (du Saint-Sacrement) italiens et avec Nouvelle Cité de Bruyères-le-Châtel, en France. Ceci, en guise d’introduction.

     

    La dernière retraite personnelle du P. Eymard à Saint-Maurice : son testament spirituel

                En réfléchissant à ce que je pourrais vous dire aujourd’hui, j’ai pensé prendre dans ses retraites, précisément. Deux volumes de l’édition intégrale sont ses Retraites et notes personnelles. Le 5ème volume contient toutes ses retraites personnelles. Il faut vous dire que le P. Eymard écrivait beaucoup et conservait tout. Si bien que nous avons sa première retraite - qui est celle de sa première communion à La Mure en date du 15 février 1823 -, jusqu’à sa dernière retraite qu’il va faire à Saint-Maurice, près de Paris, dans le noviciat de la communauté, au mois d’avril-mai 1868. Et nous avons ses notes de retraites de séminariste, de jeune prêtre, de prêtre de paroisse, de mariste, de père du Saint-Sacrement. C’est extraordinaire parce que ce n’était vraiment pas fait pour être édité. Mais évidemment, nous avions tous les droits et nous l’avons fait.

                Sa dernière retraite de Saint-Maurice, du 27 avril au 2 mai 1868, est vraiment comme son testament spirituel. Si vous voulez retrouver les grands repères, vous les trouverez dans les feuillets qu’on vous a remis. Né à La Mure d’Isère le 4 février 1811, baptisé le lendemain, dans une famille nombreuse. Son père avait eu 6 enfants du premier mariage. Devenu veuf, il eut 4 autres enfants de son second mariage. Beaucoup de décès. Restent à sa naissance simplement 2 du premier mariage encore survivants. Dont sa marraine et son parrain. Famille très chrétienne, laborieuse : le père a un petit commerce dans la petite cité de La Mure. Et puis, désir religieux, profondément. Puis le désir d’être prêtre qui sera contrarié par son père. Néanmoins, malgré les difficultés, après la mort de son père, qui finalement va accepter, en 1831 il entre au Grand Séminaire de Grenoble. Il est ordonné prêtre le 20 juillet 1834. Il sera prêtre du diocèse de Grenoble pendant 5 ans. D’abord 3 ans à Chatte, près de Saint-Marcellin, dans la vallée de l’Isère, et puis 2 ans comme curé à Monteynard, près de La Mure. Puis, désir de la vie religieuse : il rentre chez les maristes en 1839, heureux d’avoir la vie de communauté qui était mariale, et missionnaire. Mais il ne part pas en mission, sa santé ne le lui permet pas. Il est directeur spirituel au collège de Belley. Appelé par le père Colin, le fondateur, comme assistant général, tout jeune qu’il soit. Puis visiteur général, directeur du Tiers-ordre de Marie, à Lyon. Puis directeur, puis supérieur du collège de La Seyne s/ Mer : les maristes sont des éducateurs.

    Eymard Jeune Mariste ?.png            Dans cet itinéraire il va recevoir des grâces, que l’on dira grâces de vocation, qui vont l’orienter vers un choix qui sera décisif, pour lui aussi, de quitter la société de Marie pour fonder à Paris la Société du Saint-Sacrement, avec Mgr Sibour, l’archevêque. Il fonde à Paris, dans un milieu de pauvreté et il va développer sa congrégation. L’archevêque lui avait dit, en le recevant, après sa retraite : « Je ne suis pas pour ces choses-là, c’est purement contemplatif ! » Il pensait que c’était simplement une société d’adorateurs du saint Sacrement. Et le Père Eymard avait sursauté intérieurement, mais très calme, quand même, il dit : « Nous voulons adorer et faire adorer. Et en premier lieu créer l’œuvre de la première communion des jeunes ouvriers. » Paris, en 1856, est en plein chantier, en pleine effervescence de la révolution industrielle qui canalisait de toute la province des jeunes qui venaient à Paris pour travailler, mais dans la banlieue dont plus personnes ne s’occupait. Et lui va mettre sur pied une œuvre pour catéchiser ces jeunes : les rencontrer, les former, les discipliner, les former humainement, bien sûr. Et puis, le 15 août 1859, il a la joie d’avoir les douze premiers communiants, des jeunes, dans sa chapelle de la rue du Faubourg Saint-Jacques qui sont les prémices de 800 jeunes, des garçons, qu’il va catéchiser. Sans compter les filles lorsque Marguerite Guillot va le rejoindre pour former le noyau de la congrégation des Servantes du Saint-Sacrement. C’est à Marseille, sa deuxième fondation, que sera créée l’Agrégation du Saint-Sacrement, qui elle, se situe davantage dans le culte de l’Eucharistie, dans l’aide pour participer à l’adoration dans ces centres pour l’adoration qu’il crée. Troisième communauté à Angers. L’approbation du Saint Siège en 1863 : l’occasion d’une première retraite de fondateur.

    Le Don de soi - Vœu + portrait.jpg


                En 1864, il imagine qu’il peut fonder une communauté du Saint-Sacrement, non seulement à Jérusalem, mais dans le Cénacle. Rien que ça ! Ça revient aux pères du Saint-Sacrement, c’est évident pour lui ! Et il ne soupçonne pas, évidemment, les difficultés énormes que cela pourrait soulever. Avec beaucoup de candeur et avec une opiniâtreté qui était digne de sa vocation, il va se heurter à des fins de non-recevoir. Il part à Rome pour défendre sa cause (auprès de Pie IX qui l’a en grande estime. Mais Pie IX ne peut rien : il convoque une commission de cardinaux qui étudient. Et puis il y a Noël, l’Épiphanie… ”l’épiphanat” : à ce moment-là, il n’y a plus personne qui travaille au Vatican. Alors, c’est renvoyé. Et le Père Eymard quitte le séminaire français où il est hébergé pour aller chez les rédemptoristes et faire à ce moment-là une retraite, jusqu’à ce que la décision soit prise. Le ”jusqu’à-ce-que” va durer 65 jours. Et le Père Eymard, chaque jour : trois méditations dans l’édition impressionnante où il va s’examiner lui-même. « J’ai l’impression d’avoir fait beaucoup de choses mais n’avoir pas fait l’essentiel », qui était sa propre sanctification. Il est venu pour le Cénacle, et puis tout d’un coup, il perçoit que peut-être, au fond, ce n’était pas l’essentiel, le Cénacle à Jérusalem, mais le cénacle en lui. Et à travers cet approfondissement sous l’action de la grâce, le 21 mars 1865, il va faire le don de sa personnalité, de son moi, une grâce qu’il reçoit durant son action de grâces et dont vous avez le texte ici, dans le dépliant, en dessous de la photo de la châsse. « Rien pour moi, personne. » Rien pour moi, comme personne. Ça ne veut pas dire rien pour moi, ni personne. Mais Rien pour moi comme personne. « Rien par moi. Modèle : Incarnation du Verbe. » Et dès lors, il va être tout comme dépouillé de lui-même, comme centre, et, par ailleurs, « tout revêtu de Jésus-Christ ». Il termine ainsi : « Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga. 2,20). Dès lors, le Père Eymard entre dans la nuit de l’Esprit. Dorénavant c’est un état mystique, comme les grands mystiques l’on connu. Comme Thérèse de Lisieux après son acte d’offrande à l’Amour miséricordieux. Dans la foi pure, sans aucune consolation, il va poursuivre et au milieu de nombreuses tribulations. Il va continuer, mais la requête à Jérusalem, comme vous le devinez, a été négative. Il s’est abandonné totalement au Seigneur mais avec le cénacle en lui. Et c’est extraordinaire, parce que nous soupçonnons à peine ce que cela représente. Et dès lors, effectivement, les tribulations, les difficultés vont survenir.

      

    Trois méditations de la Retraite de Saint-Maurice, du 28 avril 1868

    St Pierre-Julien Eymard malade.jpg            Alors, je pensais vous remettre cette feuille double qui est tirée de sa dernière retraite du 28 avril 1868, qui doit être lue [— et on vous le communiquera d’une façon ou d’une autre : voir sur ce lien (qui comporte l’introduction à cet enseignement) —] à la lumière de l’état dans lequel vit S. Pierre-Julien Eymard. Tout dépouillé de lui-même et tout entier donné au Christ, donné à sa mission, donné à ses frères. Et c’est merveilleux parce que dans cette retraite qu’il commence en disant Je suis venu pour prier, il a conscience qu’il est usé, mais il continue à prêcher l’Eucharistie et à vivre. C’est un moment de grâce qu’il vit dans une propriété qui est à Saint-Maurice, Montcouronne - je ne sais pas si vous voyez dans la région parisienne où cela se trouve, du côté de Dourdan, du côté de Saint-Gomez-la-Ville, qui reste d’ailleurs presque telle quelle aujourd’hui… Une belle maison bourgeoise de la fin du XVIIIème siècle, avec 4 hectares d’enclos, où il avait installé son noviciat. Tranquille, heureux ! Il disait : « Ce sera la maison… On ouvrira les portes de la chapelle et les oiseaux viendront chanter leur Créateur ! » On croirait entendre François, n’est-ce pas ? Et il était là, vraiment heureux. Ça a été un moment pour lui de réconfort. Ce 28 avril a été un moment merveilleux parce qu’il fait comme l’anamnèse, la mémoire de ce qu’il a vécu. Mais pensons que c’est un homme qui est dans cet état dépouillé de lui-même et entièrement donné. Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christi qui vit en moi.

                La première méditation de ce 28 avril, c’est d’abord à la Très-Sainte Vierge. On ne va pas le relire en entier, mais…


    NR 45,2 [mardi 28 avril 1868] 2e jour

    de 6 h à 7 h

    1re méditation – À la très Sainte Vierge

    Grâces

    Que de grâces Dieu m’a faites jusqu’à ce jour !

    Comme il m’a aimé ! – À l’excès.

    Que m’a-t-il refusé ? – Rien.

    Que ne me donne-t-il pas à présent !

    Je l’aime peu, et il m’aime tendrement.

    Je le déshonore par ma vie, et il m’honore encore plus par ses dons et […].

    Je le sers si mal, et il me garde à son service, comme si j’étais un bon serviteur.

    Je suis si lâche et si infidèle à mes devoirs, à l’honneur de sa gloire, et il me laisse l’honneur et la puissance.

    Il m’a confié la gloire de sa Société. Hélas ! Je la vole, je la vends, cette gloire. Et il ne reste à mon Maître qu’un serviteur infidèle et un ministre paresseux.

    Qui de nous deux va se lasser ? Sera-ce moi ?

    Quelle a été la source de mon peu de correspondance à la grâce ?

    Je ne me suis jamais donné absolument, exclusivement.

    J’ai servi Dieu par gloire propre.

     

                Impressionnant de la part d’un homme qui est au sommet de la sainteté à laquelle Dieu l’appelle, mais qui se trouve tellement décalé par rapport à l’appel qu’il reçoit, en lui.
     

    J’ai servi Dieu pour mon amour-propre.

    Je n’ai jamais embrassé résolument et constamment la pratique de l’humilité de Jésus. J’ai voulu être quelque chose avec Lui, par Lui. Voilà le dernier mot du vieil homme en moi. 


                Mais, comme c’est sous la protection de la Vierge Marie, il dit tout simplement… Mais il est dans la nuit de l’esprit. Si je vous ai parlé de la Grande Retraite de Rome (1865), c’est qu’on ne peut pas comprendre ce texte si on ne sait pas dans quel état spirituel il se trouve. Il doit être entièrement réinterprété à la lumière de ces états.

     

    Ô Marie ! Qui m’avez conduit et donné à Jésus, il faut maintenant me reconduire, me redonner à Jésus que j’ai perdu !

     

                Parce que c’est par elle qu’il a vraiment cheminé. Cet abîme d’indignité et cet élan extraordinaire vers un plus comme impossible. 


                La deuxième méditation nous fait relire la vie du Père Eymard, par le Père Eymard, donc, trois mois avant son départ pour le Ciel. Elle est intitulée Foi eucharistique. C’est vraiment très beau. C’est très beau parce qu’on a le Père Eymard dans sa limpidité, dans la clarté de son âme et avec son cheminement, les grâces qu’il a reçu. Il nous y donne la clef d’interprétation de toute sa vie, à travers ces notes qu’il écrit pour lui-même. Ce n’est pas pour nous, ça ne nous concerne pas du tout ! Mais nous sommes-là par-dessus et nous voyons le Père Eymard qui écrit ces choses-là.

                La plus grande grâce de ma vie a été une foi vive au très Saint Sacrement, dès mon enfance. Le Père Fiorenzo Salvi, qui a préfacé l’édition intégrale des écrits du Père Eymard, cite ceci comme le fil rouge qui nous permet de comprendre le P. Eymard dans tout son cheminement. Parce qu’il a un cheminement extraordinaire. Et alors de reprendre à ce moment-là les grandes étapes de sa vie. Mais sous l’angle, précisément, de cette foi vive au très Saint Sacrement. Les grands repères pour lui. Il a dit : dès mon enfance.

     

    NR 45,3

    2e jour – de 10 h à 11 h

    2e méditation – Foi eucharistique

    La plus grande grâce de ma vie a été une foi vive au très Saint Sacrement, dès mon enfance :

    – grâce de communion : le désir de ma 8e année : tout vers elle.

     

                Il a 8 ans, il désire communier profondément : mais on est en 1823, le jansénisme marquait très profondément la piété chrétienne, même après la Révolution, et à ce moment-là on attend 12 ans pour communier. Il faut dire que jusqu’au décret libérateur de S. Pie X, en 1910, c’était la norme : 12 ans pour communier. Et lui, à 8 ans, il est tout vers la communion et dit à sa sœur et marraine : « Que tu es heureuse, toi… » (il doit dire ‘vous’ à Marianne, d’ailleurs, parce qu’en famille, à cette époque-là…) : Que vous êtes heureuse de pouvoir communier et communiez pour moi. Et il se penchait vers elle, Jésus est présent en toi, et moi… Et lui se sentait… C’est quand même très beau, parce que… Grâce de communion. Ensuite :
     

    – grâce de dévotion : visite journalière au très Saint Sacrement.


                Figurez-vous que dans ses notes de l’époque - parce qu’on en a aussi -, il a retrouvé dans Les Visites au Saint Sacrement de S. Alphonse de Liguori - qui n’était pas encore saint en ce temps-là -, l’histoire du frère (je ne sais pas si c’est Élie ou autre chose), où il dit : un ami ne pourrait pas passer devant la porte de son ami sans aller lui rendre visite. Quand vous passez devant une église, allez visiter votre ami, Jésus ! Il reprend ces choses-là.
     

    – grâce de vocation : à Fourvière : Notre Seigneur est au très Saint Sacrement, seul, sans un corps religieux qui le garde, l’honore, le fasse glorifier ! Pourquoi ne pas établir quelque chose, un Tiers-Ordre, etc. à La Seyne (saint Joseph), grâce de donation, de fusion, de bonheur, et qui a duré jusqu’à l’approbation apostolique, si douce.

     
                Grâce de vocation. Il passe par-dessus : il est ordonné prêtre, mais là il n’en dit rien : grâce de vocation : à Fourvière. Là, nous sommes en 1851, le P. Eymard est mariste. En 1845 il y a eu quand même un événement. Il y a des grâces qui jalonnent la vie du P. Eymard. Comme jeune vicaire, en 1836-37, au calvaire de Saint-Romans - dans l’Isère, près de Saint-Marcellin -, il a la révélation que le mystère de la Croix n’est pas simplement le mystère des souffrances de Jésus mais de son amour infini et pour chacun. Donc, pour lui, personnellement. Alors qu’il a vécu jusque-là dans une piété assez rigoureuse et rigoriste. Et pénitentielle, à faire des sacrifices… Mais il va s’ouvrir à cette dimension de l’Amour. En 1845, il va prêcher l’Eucharistie : Jésus, Jésus-Christ et Jésus-Christ Eucharistie, reprenant, parodiant, pourrait-on dire, la parole de Saint Paul. À Fourvière, c’est le 21 janvier 1851 qu’il passe dans la petite chapelle de Fourvière - la grande basilique n’existe pas à ce moment-là, c’est la petite chapelle qui est sur le côté -, c’est le début de l’après-midi et il est absorbé par une pensée qu’il note et cite telle quelle : Notre Seigneur est au très Saint Sacrement, seul, sans un corps religieux qui le garde, l’honore, le fasse glorifier ! Pourquoi ne pas établir quelque chose, un Tiers-Ordre, etc. Quand Pierre-Julien dit Notre Seigneur est au très Saint Sacrement, seul ce n’est pas dans le sens romantique du divin prisonnier qui a cours aussi à cette époque-là. Jésus, tout seul… Non. Comme il le dit lui-même un peu après, c’est que l’Eucharistie ne produit pas dans l’Église les fruits qu’elle devrait produire. Donc, un corps religieux, quelque chose, et c’est une pensée. Il n’y a pas de vision, mais simplement une pensée qui lui vient, une parole intérieure.     

    – grâce de vocation : à Fourvière : Notre Seigneur est au très Saint Sacrement, seul, sans un corps religieux qui le garde, l’honore, le fasse glorifier ! Pourquoi ne pas établir quelque chose, un Tiers-Ordre, etc. à La Seyne (saint Joseph), grâce de donation, de fusion, de bonheur, et qui a duré jusqu’à l’approbation apostolique, si douce.

     
                À la Seyne s/ Mer (saint Joseph) : il s’agit du 18 avril 1853, après la messe, d’ailleurs aussi, en action de grâces : grâce de donation, de fusion, de bonheur, et qui a duré jusqu’à l’approbation apostolique, si douce. À la Seyne il reçoit une grâce dans la même ligne de fondation, de force, pour entreprendre tout ce qui sera nécessaire, quelques soient les difficultés, mais de les dépasser, et ça ne lui coûte pas. C’est une grâce de douceur, 'fortiter' & 'suaviter' ("Elle déploie sa vigueur d’un bout du monde à l’autre, elle gouverne l’univers avec bonté." Sg 8,1) ‘suaviter’ : c’est vraiment la douceur de l’Esprit Saint, la puissance de l’Esprit Saint qui lui est donnée. Et Dieu sait s’il y a… lorsque viendra ce moment, par exemple, où il devra renoncer à son état de mariste, ce n’était pas de gaîté de cœur… Il avait confié à son supérieur général, le p. Favre, qui était allé à Rome pour les affaires de la congrégation, en 1856, au mois de février-mars, il lui avait confier le souci de demander au saint Père ce qu’il fallait faire : s’il devait quitter ou s’il ne devait pas quitter la congrégation mariste. C’est beau, parce qu’avec le saint Père on avait le dernier mot, il n’y avait plus de recours, mais… par chance, ou par grâce, quand le p. Favre est revenu et que le P. Eymard l’a retrouvé près de Mâcon, à Chaintré, au noviciat des maristes, et lui a demandé : « Mais le Pape, qu’est-ce qu’il a dit ? », le p. Favre alors lui dit : « Mon pauvre ami, figure-toi, j’ai complètement oublié ! » Alors, on revenait à la case départ ! Et lui qui mettait toute sa confiance ! Il y avait quelque chose d’une simplicité : « Si le Pape dit oui, il n’y a pas de problème, c’est que le p. Favre dira oui, parce qu’il ne peut pas aller (contre l’avis du Pape). » Mais il y a quand même des médiations humaines. Elles existent et elles ont leur sens aussi. Et c’est alors que le P. Eymard dit : « Mais quoi qu’en pensent les autres secrétaires, les monsignori à Rome sur toutes ces affaires-là… » C’est alors que le p. Favre, qui faisait aussi part de son autorité, de cette vérification de la grâce qui est quand même singulière, parce que le Père Eymard était un religieux profès perpétuel qui avait exercé des charges très importantes dans la congrégation, alors le p. Favre lui pose la question : « Quel signe avez-vous de votre vocation ? » Et c’est à ce moment-là qu’il dit : « Je n’ai rien d’extraordinaire, ni vision, ni apparition, ni quoi que ce soit d’extraordinaire » - même s’il a eu des grâces singulières - « mais depuis quatre ans j’éprouve un attrait de plus en plus fort pour me consacrer à cette œuvre. » Le p. Favre lui dira : « Mais je ne peux pas. Je ne fais pas de visite… » « Ah, mais je vais demander à l’évêque ! » « Mais l’évêque… » « Si, si, l’évêque peut me relever de mes vœux… » Et quand le p. Favre a perçu à ce moment-là, la solidité, l’appel, la présence d’un appel qui vraiment venait d’ailleurs, sur le champ, il l’a relevé de ses vœux. Sur le champ ! Alors que normalement c’est le pouvoir du supérieur général avec l’avis de son Conseil. Mais c’était tellement un événement que sur le champ il l’a relevé de ses vœux. Sauf qu’il fallait bien, après, une formulation canonique et en référer au Conseil. Le P. Eymard a aussi été convoqué au Conseil général et il a été très humilié, lorsque d’aucun lui ont reproché… Enfin, peu importe… On ne faisait pas de cadeau, j’allais dire, d’une certaine façon. Et à ce moment-là il a demandé au p. Favre : « Vous suspendez la décision que vous avez prise. Je pars, je quitte Lyon, je quitte la Société, je pars dans un endroit où je ne connais personne. Je confierai à des hommes expérimentés la décision et leur décision sera définitive. » C’était le 22 avril 1856. Il quitte Lyon le 30 avril, il vient à Paris où il était venu jadis comme visiteur général pour visiter la communauté mariste de Paris. Il demande l’hospitalité pour faire sa retraite à la Mère Thérèse Dubouché de l’Adoration réparatrice. Et le 1er mai, c’était le jour de l’Ascension en 1856, il va célébrer à Notre-Dame-des-Victoires à 6h du matin. Puis il revient… Et à ce moment-là, la Mère Dubouché, dira : « Désolé, mais monsieur Gaume, le supérieur ecclésiastique, ne m’a pas permis de… » Elle le regardait embarrassée… « Il faut chercher ailleurs… » Et le P. Eymard va trouver, finalement, au 114 rue d’Enfer, là où sont actuellement les Sœurs aveugles de Saint Paul, qui est le 88 de l’avenue Denfert-Rochereau, juste à côté de l’infirmerie Marie-Thérèse, des prêtres du diocèse, une maison qui appartenait au diocèse, qui était la maison d’un grand homme… Oui, d’un grand homme : Chateaubriand. Le Pavillon Chateaubriand. Mme de Chateaubriand avait acheté l’infirmerie Marie-Thérèse pour les prêtres âgés du diocèse, en 1822, comme œuvre d’assistance, la première du genre, et comme la propriété qui était à côté… il devait y avoir je ne sais quelle chose qui devait s’installer… plus ou moins… ce n’était pas le Moulin Rouge mais c’était quand même assez divertissant… et ça pouvait troubler la tranquillité des prêtres… À ce moment-là, le vicomte avait acheté la propriété et il avait construit son pavillon où il a vécu pendant une dizaine d’années. Mais comme il était criblé de dettes, dix ans après il la cédait à l’archevêché, ce qui a soldé les dettes, et cela a appartenu à l’archevêché. C’est une maison qui était un peu à l’abandon. Et le Père Eymard va faire sa retraite là. Il va rencontrer Monseigneur Sibour qui le confiera à son auxiliaire Léon Sibour (qui était aussi le cousin de l’archevêque), qui va le suivre durant ces quelques jours de retraite entre Ascension et Pentecôte 1856. Et lorsque le mardi de la Pentecôte, le 13 mai, il va rencontrer l’archevêque, alors qu’il cherchait à rencontrer l’auxiliaire, l’archevêque lui dira : « Mais, vous êtes ces prêtres… » Le P. Eymard : « Oui… » L’archevêque : « Ah, non, c’est purement contemplatif, je ne suis pas pour ces choses là… Non, non ! » C’est à ce moment-là qu’il va dire : Nous adorons sans doute, mais nous voulons aussi faire adorer. Nous devons nous occuper de la première communion des adultes. Nous voulons mettre le feu aux quatre coins de la France, et d’abord au quatre coins de Paris, qui en a tant besoin.[1] Et il va créer l’œuvre de la première communion. Il va débuter, sans relation, sans connaissance, à Paris, dans un monde inconnu, sans ressource. Et avec sa seule foi. Comme lui-même le dira ailleurs : Dieu le veut. Et l’homme, plus rien, les moyens viendront. Mais Dieu le veut. D’abord, les vocations se font attendre. Il fera la première exposition du saint Sacrement le 6 janvier 1857, dans la première communauté du Saint-Sacrement.  
     

    – grâce d’apostolat : foi en Jésus. Jésus est là. Donc à Lui, pour [ou par] Lui, en Lui.

     
    Jésus est là mais c’est le mouvement même de la doxologie de la célébration. À lui, pour lui, en lui. Ce dynamisme de l’Eucharistie.

    Renouvellement

    J’ai bien demandé à Notre Seigneur de me renouveler dans cette grâce première. Jésus est là, seul, oublié des siens – stérile en son Sacrement.

     
    Stérile en son Sacrement, voilà le sens de ‘seul’.
     

    J’ai bien demandé la résurrection de cette grâce – de mon état si peiné, si triste, si désolé depuis trois ans.

    Oui, mon cœur a toujours aimé Jésus Hostie. Personne ne l’a eu ce cœur. Mais mon esprit, mais ma vie extérieure, mais mes rapports trop naturels, trop expansifs, voulant me faire louer de ma vocation, me consoler dans les âmes qui semblaient l’aimer, qui pouvaient le glorifier en moi : voilà le tombeau de cette grâce première.

     
    Il va demander à ce moment-là, précisément :

    Oh ! Jésus ! Des profondeurs, je crie vers toi. [Ps 129,1]. – Ressuscite en moi la grâce première. [Reprends ta conduite première] [Cf. 2Tm 1,6 – Ap 2,4].

     
    Le texte de l’Apocalypse. 


                Nous voici à la troisième méditation, pour aller très rapidement, mais c’est toute la vie du Père Eymard qui est évoquée.

     

    NR 45,4

    2e jour – de 3h à 4h

    3e méditation – Vocation eucharistique

    1° Notre Seigneur m’a appelé à son service eucharistique malgré mon indignité.

    Il m’a choisi pour travailler à sa Société malgré mon incapacité et mon infirmité.

    Il m’a conduit de la mort, et par la mort, à la vie de la Société.

     
    Le mystère pascal.

    Tout ce qu’on disait impossible est arrivé facilement, et à l’heure de Dieu.

     
    Et Dieu sait s’il y a eu des choses impossibles dans la vie du P. Eymard !
     

    À Dieu seul, amour et gloire !

    2° Preuves de grâces :

    – Dieu m’a conduit par degrés à sa Société. Il m’en montrait par fractions les sacrifices. Enfin, à La Seyne, il me les a tous demandés, jusqu’à la séparation [de la Société de Marie], – jusqu’à la croix, – jusqu’à l’abandon.

    Or, avec quel bonheur j’ai dit oui à tout, après cette bienheureuse messe ! Et Dieu a tout agréé, et conduit à bonne fin.

     
    C’est donc le 18 avril 1853, à la Seyne s/ Mer, l’épisode qu’on a évoqué plus haut.
     

    – La douceur si grande, qui a duré tant d’années, et toujours croissante par l’Eucharistie, me dit le oui de Dieu.

     
    C’est au milieu des épreuves. Il y a des épreuves, des souffrances. Il y a aussi des grâces de consolation. Recevoir à travers les événements le ‘oui’ de Dieu.
     

    La force qui en sortait, comme le fruit de sa fleur, m’assure le cœur de Dieu.

     
    Je pense que c’est d’une beauté merveilleuse… Puis… Alors-là, c’est… Nous avons dit que la nuit de l’esprit c’est la nuit de l’épreuve.


    – les sacrifices de mort à la pensée de l’œuvre, lors de Rome (P. Favre)3.
    – La mort à la Société de Marie, si pénible.
    – La mort à la réception de l’Archevêque de Paris, après treize jours d’agonie4.

     
    Je ne suis pas pour ces choses là - Pourtant Mgr D. Sibour était un homme très pieux. Et très soucieux. Il est le premier archevêque de Paris à avoir pris conscience du fait de la banlieue qui commence à entourer Paris avec le développement industriel. Et soucieux de la pastorale qui était celle de la paroisse à l’intérieur des murs et qui débordait à ce moment-là les murs de la capitale.


    – La mort au personnel quand, abandonné, tout seul.

     
    Son premier compagnon c’était un capitaine de vaisseau, le commandant de Cuers. Au début, c’était tellement difficile, qu’un beau jour le Père de Cuers l’a laissé, tout seul. Alors lui est allé au prie-Dieu et s’est mis à l’adorer. Et le Père de Cuers est revenu le lendemain.  


    – La mort à Paris, quand le Cardinal voulait nous renvoyer (sainte Thérèse)5.
    – La mort par les sujets.
    – La mort à Rome, lors du Décret6.
    – La mort la plus sensible (séparation du premier [compagnon])7.
    – La mort à l’estime des Évêques par Nemours8.

     
    La communauté des Servantes du Saint-Sacrement qui se termine lamentablement.


    – des miens par…
    – de moi par les plus pénibles épreuves depuis le… au…

    Et cependant la vie suit la mort. C’est la voie de la Société et la mienne.


    3 La rencontre à Chaintré le 22 avril 1856 avec le P. Favre, Supérieur général.

    4 La rencontre avec Mgr D. Sibour le 13 mai 1856.

    5 Le 15 octobre 1857, convocation du cardinal François Morlot qui lui demande les titres de l'approbation de l'institut.

    6 Au mois de mai 1863, à Rome où une accusation calomnieuse l'atteint.

    7 Le départ du P. de Cuers pour fonder son œuvre, en juin 1867.

    8 La fermeture de la communauté des Servantes de Nemours au mois de mai 1867.

     

    Voilà, le P. Eymard tel qu’en lui-même il se révèle. Et si nous prenions alors un peu plus loin, dans cette même retraite qui est très courte, nous verrions la profondeur de sa souffrance lorsqu’il évoque les difficultés, les épreuves qu’il connaît, qui nous laisse entrevoir combien il…
     

    Amour propre (…) 

    Il faut que l’amour de Jésus ait bien décru en moi, si j’en juge par l’état de ma vie : depuis deux [ans] et demi.

    - Jadis, mon esprit vivait de la vérité, du travail pour Jésus, des sacrifices pour sa gloire. Il était libre et fort, joyeux. La peine n'entrait pas dans son état intérieur. Et maintenant, il vit de ses peines en soi-même. Il souffre du prochain au fond de son être. C'est une tentation presque continuelle. L'amour-propre de l'esprit est froissé, est humilié, est dépité. Ce qui ne serait pas, si Jésus était sa vie. Donc…

    - Mon cœur est occupé, tenté, des consolations humaines, – et faible dans les témoignages d'estime et de dévouement. Il est trop faible quand sa vanité ou sa petite vertu est flattée.

    + x Ah! quand Jésus le remplissait, il n'avait même pas la pensée de dire ses peines. Rien ne transpirait sur ses traits. Il n'y avait de place que pour Jésus.

    Quand les épreuves venaient du dehors ou du dedans, un quart d'heure devant le très Saint Sacrement me fortifiait, me rassérénait. Et aujourd'hui, des heures me laissent le cœur brisé.

    Puis j'ai de la peine à me recueillir, à entrer dans l'intérieur des vérités, de Jésus, de moi. Je suis comme un malade qui ne sait parler que de ses douleurs ou de ses déceptions. Je suis dans le négatif.

    Aussi le sentiment intérieur est-il mort dans mes adorations. Mon âme est glacée. Jésus ne fait plus luire son bon soleil. Quel galérien je suis ! 

    (NR 45,11 – 4ème jour, 3ème méditation)


    Il va quand même retrouver une grâce, un peu plus loin, où il dira :


    Oh ! que j'aurais besoin de cette oraison de repos, aux pieds du Maître : 
    Venez à l'écart dans un lieu désert, et reposez-vous un peu [Mc 6,31] ; – de ce repos aux pieds de Jésus, repos qui aspire vers sa grâce, sa bonté, sa miséricorde – un regard d'amour.

    C'est le calme et la paix de tout soi-même, sommeil affectueux et réparateur.

    J'ai eu un petit moment ce repos.

    Oh ! que je désire l'autre oraison dont parle le Sauveur. Je la conduirai au désert, et je parlerai à son cœur [Os 2,16]. 

    (NR 45,14 – 5ème jour, 3ème méditation)

     

    [1] Citation reprise dans la biographie Saint Pierre-Julien Eymard - L’Apôtre de l’Eucharistie, André Guitton, éditions Nouvelle Cité, p. 110. L’épisode y est décrit de façon très complète.


    Lien aux Œuvres complètes en ligne de S. Pierre-Julien Eymard
    :
    http://www.msv3.org/Main.aspx?BASEID=EYM2014

    Bannière Chapelle Corpus Christi.jpgConférence donnée dans le cadre du Jubilé de S. P-J. Eymard que vous retrouverez à la page enrichie sur ce lien : Fraternité Eucharistique Corpus Christi #JubiléPJEymard2018

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  • S. P-J. Eymard : Honorer le Christ dans le Saint Sacrement

    EN LA FÊTE DE S. PIERRE-JULIEN EYMARD : 2 août

    Eymard Jeune Mariste ?.pngLe Père Eymard est un homme habité par Dieu et qui ne veut qu’accomplir la volonté de Dieu. C’est « la pensée eucharistique » qui le guide. Il a un amour passionné pour le Saint Sacrement. Il vit tout en rapport avec cet amour de Jésus qu’il découvre dans l’Eucharistie. Pour lui l’Eucharistie, c’est la communion, mais c’est aussi cette présence du Christ dans le Saint Sacrement à laquelle il veut vouer toute sa vie. Son désir est de rendre gloire au Christ présent, de le manifester, de l’adorer. Cette foi en la présence de Jésus dans l’hostie est impressionnante. De plus, il ne veut pas garder cette foi pour lui. Il veut la manifester, la répandre, la prêcher pour la faire naître dans le cœur de beaucoup. Toujours dans ce but, il fonde une société, une congrégation qui essentiellement se donnera le but d’honorer le Christ dans le Saint Sacrement.

    Le Père Eymard est sensible au fait de la tiédeur dans l’Église, dans le monde. Et il considère que l’Eucharistie est le moyen très efficace pour réveiller la foi, pour « mettre le feu » sur la terre, comme il le dit.

    Cet amour du Christ dans l’Eucharistie entraîne une spiritualité dont le Père Eymard est un vivant témoin. L’état de Jésus dans l’Eucharistie inspire sa propre attitude intérieure. Par l’Eucharistie, c’est le Christ qui vit en lui. « Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi » (Gal.2,20), citation de saint Paul fréquente chez le Père Eymard. Il est sensible à l’état d’anéantissement du Christ dans l’Eucharistie. Il y voit le prolongement de l’Incarnation du Verbe dans l’homme Jésus. Cette Incarnation de Jésus a été vécue par Jésus comme un accomplissement d’amour envers son Père. Le Père Eymard se dit qu’il doit être envers Jésus eucharistique dans une semblable volonté d’amour. On peut remarquer que par ce moyen le Père Eymard se met avec Jésus sous l’influence de l’amour du Père, amour qui comporte un va-et-vient du Père au Fils et du Fils au Père, amour qui s’appelle l’Esprit.

    Comment suivre aujourd’hui le Père Eymard ?

    Reconnaître comme lui la merveilleuse présence du Christ dans l’Eucharistie… bien sûr, en vivant au maximum la liturgie eucharistique qui conduit à la communion. Mais aussi reconnaître cette présence dans l’adoration. Comme il faudrait que cette adoration soit respectueuse, pleine en même temps de don de soi et d’amour !

    La spiritualité eucharistique est aussi appelée à inspirer toute la vie. Comment ?

    En accomplissant la volonté de Dieu, en union avec Jésus, « l’union de société ». À un endroit, le Père Eymard écrit que la vertu souveraine de l’adorateur est la modestie (La Grande Retraite de Rome – NR 44). Comment comprendre ce mot « modestie » ?... Le lendemain il écrit : « Je cherche Dieu, et ne le trouve pas dans les vertus, dans la prière même, dans les saints » (NR,44 - 14 février). Mais 2 jours après : « Voilà tout le secret trouvé. Donner à Notre Seigneur mon moi sans condition. Je l’ai donné, je l’ai jeté devant le Saint Sacrement à la consécration. Mes larmes l’ont sanctionné. J’ai mis mon cœur dans le ciboire de la communion, qui se donnait pour être un ciboire… »

    Il semble que la spiritualité du Père Eymard va dans le sens d’un dépouillement pour être tourné vers Jésus : « C’est Jésus qui veut être mon Raphaël, mon moyen, mon centre : « in me manet (Il demeure en moi) Vos… qui permansistis mecum (Vous qui demeurez avec moi) » (Jn6, 56, Lc.22, 28). Il semble que pour lui tout part de Jésus … et ainsi son attitude envers les autres a sa source en Jésus et en Jésus dans l’Eucharistie… De même sa façon de vivre, d’être… se laisser guider par l’Esprit de Jésus eucharistique. Cela suppose évidemment une union intime avec Jésus-Christ. Cela dépasse une attitude philosophique ou même pré-chrétienne. Au fond de soi il y a cette Présence qui inspire tout, être comme un « ciboire » pour laisser en soi jaillir le feu de l’amour eucharistique, pour laisser la mort et la résurrection du Christ informer toute la vie. L’Eucharistie « mémorial » de la mort et de la Résurrection du Christ.

    Logo sss NEUF.jpgPaul Mougin, sss
    supérieur de la communauté des Pères du Saint-Sacrement

    Chapelle Corpus Christi
    23 avenue de Friedland, Paris 8

    ChasseEymardLivretsss -Luminosité.jpg

    Traditionnellement, et ce depuis 1876,
    la chapelle Corpus Christi - 23 avenue de Friedland, Paris 8
    est le lieu du 'tombeau' du P. Eymard.
    On y vénère ses reliques
    sous le gisant de cire qui repose dans la châsse qui fut celle du S. Curé d'Ars.

    Retrouvez ce texte dans la sous-page enrichie 
    Fraternité Eucharistique Corpus Christi #JubiléPJEymard2018

    et la page consacrée à Pierre-Julien Eymard, Apôtre de l'Eucharistie - Un saint d'avenir

    Communauté de prière Hozana St Pierre-Julien Eymard — Chapelle Corpus Christi

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  • La naissance au Ciel du Père Eymard - Ses derniers jours…

    Fraternité Eucharistique
    23 - 06 - 2018

    La Naissance au Ciel
    de S. Pierre-Julien Eymard

    Centre vitrail dernière messe au P Eymard& bas.jpg

     

    Notre Seigneur exige de moi tant de délicatesse
    que ce doit être bientôt la fin.


                Cette citation du Père Eymard est rapportée par le frère Albert Tesnière. Elle date du printemps 1868, quelques mois avant sa mort. Le frère Albert était le disciple et le confident du Père Eymard, et sans doute a-t-il reçu cette phrase de la bouche du Père à Paris, au sein de la communauté des religieux du Saint-Sacrement. Cette citation est inscrite sur le vitrail de la chapelle dédiée à S. Pierre-Julien Eymard, à La Mure d’Isère. Le vitrail représente le Père Eymard alité qui va recevoir la communion du P. Chanuet, célébrant sa dernière messe pour lui dans sa chambre à La Mure, rue du Breuil. Au pied du lit, une de ses sœurs de profil, Marianne ou Annette, est agenouillée, le visage dans les mains.


    Notre Seigneur exige de moi tant de délicatesse
    que ce doit être bientôt la fin.

                Dans cette phrase confiée au jeune frère et confident du Père Eymard, Albert Tesnière, nous percevons la profondeur du lien qui les unissait. En cette année ultime de sa vie, le Père Eymard demandait au frère Albert de l’accompagner dans ses déplacements, pour aller donner des enseignements, par exemple, parce qu’il était très fatigué et avait besoin d’assistance. C’est ainsi que le frère Albert a pris les notes de la prédication avec laquelle nous adorerons Jésus Eucharistie, tout à l’heure. 

                Pour cette dernière rencontre, avant la coupure estivale de la Fraternité Eucharistique jubilaire, nous nous penchons donc sur la fin de vie de saint Pierre-Julien. Si tout au long de sa vie nous pouvons lire les moments et les attitudes eucharistiques du Père Eymard, dans ses lettres, ses notes de retraites personnelles, nous percevons cette attitude eucharistique d’autant plus à l’approche de son enciellement, sous le regard du frère Tesnière et le témoignage de ceux qui l’ont assisté jusqu’à son agonie et son dernier souffle.

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                Avant de vous emmener quelques mois avant la mort de Pierre-Julien, permettez-moi de vous faire part de ce message reçu jeudi dernier, alors que je préparais cet exposé. C’est une amie carmélite à Nevers qui m’a envoyé ce mail, dont j’extrais ces mots pour éclairer ce que signifie ‘être un homme ou une femme eucharistique’ en fin de vie. 

    Enciellement sr Louise-Marie Carmel Nevers.jpg 

                Nous lirons tout à l’heure le passage où le frère Albert nous fait part du témoignage de Mlle Thomas, la garde malade qui accompagna le Père Eymard dans ses derniers instants.


    Les derniers mois du Père Eymard

    (Tout au long de cet exposé je m’appuie sur la biographie du P. André Guitton, sss,
    Saint Pierre-Julien Eymard - L’Apôtre de l’Eucharistie)

    CouvLl'ApôtreDeL'Eucharistie.jpg            Pierre-Julien Eymard était né à la Mure d’Isère le 4 février 1811, et il retourna y mourir le 1er août 1868, à l’âge de 57 ans.

                Avant la lecture proprement dite des morceaux choisis dans le livret Les derniers jours de S. Pierre-Julien Eymard — écrit en 1869 par le frère Albert Tesnière qui fut son disciple, son confident et témoin direct de ses derniers jours — nous allons revenir à ses dernières activités de prédicateurs.

                Début mai 1868, sans doute le 2, le Père Eymard revient d’une retraite qu’il a prêchée au noviciat de la Congrégation du Saint-Sacrement, à Saint-Maurice, en Essonne. C’est là qu’il donna le titre de « Notre-Dame du Saint-Sacrement » à la Vierge. [J’ouvre ici une parenthèse pour préciser que ce titre à pour origine celui que le P. Jules Chevrier donna à Notre-Dame du Sacré-Cœur. Le P. Eymard avait vu des imprimés avec ce titre Notre-Dame du Sacré-Cœur, envoyés par les pères du Sacré-Cœur d’Issoudun, pour en répandre la dévotion. C’est le frère Paul Maréchal, alors novice à Saint-Maurice et qui avait suivi la dernière retraite du Père Eymard, qui en rapporta le témoignage. Ce frère conclut dans sa déposition au Procès ordinaire de Paris dans la somme (Summarium) pour l’introduction de la cause de béatification du Père : « Le Père Eymard mourut deux mois après. »]

                De retour de Saint-Maurice où il a prêché cette retraite, le Père en commence une autre, du 4 au 9 mai, à Vaugirard, pour les Frères de Saint-Vincent de Paul. Il était tenu par une promesse faite au supérieur général de prêcher cette retraite annuelle. Le Père étant fatigué demanda au jeune frère Albert Tesnière (22 ans) de l’accompagner. Celui-ci pris les notes de cette retraite (PA 10, 1-24), la dernière que le P. Eymard prêcha à des religieux. Durant les 5 jours de cette retraite il donnait trois instructions par jour, plus un sermon de professions le 6ème jour, le samedi matin.

    St Pierre-Julien Eymard malade.jpg            À cheval sur cette retraite, le Père Eymard accepta de donner le soir, du 6 au 8 mai, le triduum de l’Adoration perpétuelle dans la chapelle des Bénédictines du Saint-Sacrement, rue Monsieur. « Prédication lumineuse et fervente » selon les mots du P. André Guitton dans la biographie du Saint. « Le frère Tesnière qui l’accompagnait rapporte qu’il revenait exténué à sa communauté », au 112 boulevard Montparnasse, tout près de Notre-Dame des Champs.

                À Paris, il profite de ce temps pour mettre à jour sa correspondance. Par deux fois en mai il se rend à Saint-Maurice pour se reposer.

         Il donne une instruction sur le sacerdoce le jour de la première messe d’un prêtre, le 7 juin. Le 11 juin, en la Fête-Dieu, le sermon aux Vêpres à Notre-Dame-des-Victoires. Les 26 et 27 juin il préparait 37 jeunes à leur première communion. Le dimanche 28 juin il préside cette célébration, mais, à cause de la fatigue, il dut céder la place à un confrère.

                Le lendemain, 29 juin, il part pour Angers pour la bénédiction de la première pierre de la chapelle de la Congrégation du Saint-Sacrement. La célébration eut lieu le 30 juin, présidée par Mgr Angebault. Malgré sa fatigue extrême le P. Eymard voulut rendre visite à ses filles, les Servantes du Saint-Sacrement d’Angers. Il leur donna une dernière exhortation (PS 642,6), et se rendit à la chapelle pour donner la bénédiction du Saint Sacrement. Puis il rentra à Paris.

    Pierre Fourier Peint:Cuivre Musée Lorrain.jpg            Épuisé, « il subit une attaque qui paralysa presque entièrement son bras gauche. Mais il avait promis aux religieuses de la Congrégation de Notre-Dame de s’associer à la fête de leur fondateur, le bienheureux Pierre Fourier. Le 7 juillet, avec l’aide du frère Tesnière, il se rendit à l’Abbaye-aux-bois » et donna cette prédication, dont nous méditerons le texte tout à l’heure, pendant l’heure d’adoration. « Pendant une heure, il tint son auditoire sous le charme de sa parole de feu » (André Guitton). Et vous verrez qu’on pense immanquablement au Père Eymard lui-même quand il évoque la sainteté du Bienheureux Pierre Fourier ! « Ce fut la dernière prédication qu’il donna en dehors de sa communauté. »

                Le 9 juillet, il parla sur la foi et en fit l’application à l’Eucharistie, au sein de sa communauté pour le sermon du jeudi soir (Croire à l’Eucharistie, PP 66,3).           

                Le 16 juillet 1868 fut son ultime instruction : La foi à l’Eucharistie (PP 67,3), où il poursuivit sa méditation sur le chapitre 6 de l’Évangile de saint Jean, dont il portait toujours un exemplaire sur son cœur. 

                Le 17 juillet au matin, au bord de l’épuisement et sous les conseils de son médecin qui le décida à partir se reposer en famille, il partit pour la Mure. Le Père Eymard pensait aussi retourner au Laus, tranquillement, reprendre des forces. Il avait même autorisé le frère Albert à venir le rejoindre dans ce sanctuaire béni. Il était conscient de sa faiblesse et de l’imminence de sa mort. « Notre Seigneur exige de moi tant de délicatesse que ce doit être bientôt la fin » avait-il dit au printemps de 1868, propos rapporté par le frère Albert.

    Marguerite Guillot.jpg            Mais il n’alla pas directement à la Mure. Il passa rendre visite à Marguerite Guillot, la supérieure des Servantes du Saint-Sacrement d’Angers, qui était en cure thermale à Vichy. Il était question de créer une communauté féminine à Lyon, et il voulait s’en entretenir avec elle. Il resta 2 jours avec elle, jusqu’à sa fête le 20 juillet. Il était rendu à Lyon le soir même, dans un hôtel près de Perrache.

                Le lendemain matin il prit le premier train pour Grenoble où il arriva vers 9 heures. Il était encore à jeun et n’avait pas encore dit sa messe. Avec son ami l’abbé Bard, avec lequel il allait rejoindre La Mure dans l’après-midi, ils allèrent réserver leur voiture. Puis, le P. Eymard se rendit à la chapelle de l’Adoration, tenue par les missionnaires de La Salette. Il était près de 11 heures. Il demanda à célébrer la messe. Visiblement si fatigué, le Père missionnaire voulu l’en dissuader. Mais le P. Eymard insista et le missionnaire resta pour l’accompagner. Ce fut sa dernière messe. Le P. Archier raconta par la suite : « Je le reçus presque dans mes bras lorsqu’il quitta le saint autel. Je lui donnai un peu de chartreuse. »
    (P . Archier, récit dans R. Ullens, Devant la mort, le bienheureux Pierre-Julien Eymard, Montréal 1950, p.20)

                De la biographie du P. André Guitton :

      Le P. Eymard dut renoncer à son rendez-vous au restaurant : il était si faible qu’il pouvait à peine se tenir debout. Il ne voulut rien prendre, il se reposa en attendant le départ de la diligence. Le P. Archier tenta de le dissuader de prendre la route et l’invita à demeurer quelques jours. Mais en vain. Vers 1 heure et demie, le Père se leva. À peine accepta-t-il un peu de nourriture et il rejoignit l’abbé Bard à la Porte de Bonne, lieu de départ de la voiture de La Mure. Avec son compagnon, il prit le coupé à l’avant et dans la chaleur étouffante de la canicule, il quitta Grenoble pour La Mure. Le voyage fut harassant. Selon le témoignage de son compagnon, « le Père devenait taciturne, ne répondait que par des monosyllabes. À chaque relais cependant il descendait, prenait un peu l’air, quelques rafraîchissements et remontait seul en voiture avec assez de vigueur » (Tesnière, AGRSS, Rome, 0 1, PP. 337-374). L’abbé Bard le quitta à Villard, non sans recommander au cocher de veiller sur le Père Julien. Vers 8 heures du soir, la diligence arrivait chez Pelloux à La Mure. Personne ne l’attendait.

        « Quand je serai à Grenoble, avait-il écrit de Vichy à ses sœurs, je vous enverrai une dépêche pour vous annoncer mon arrivée à La Mure » (À Marianne Eymard, 19 juillet 1868, CO 2209). Ses sœurs n’avaient rien reçu. Alertées, elles arrivèrent immédiatement, Annette Bernard d’abord. Le Père l’embrassa, mais il ne dit pas un mot, il oubliait même son chapeau dans la voiture. Puis survint Marianne. Pas un mot non plus. Arrivés à la maison, toute proche, il rédigea avec peine un télégramme à l’adresse de la communauté de Paris sans doute, mais dont seules la date et la signature sont lisibles. On le conduisit dans sa chambre au second étage et il se mit au lit. On était loin de soupçonner la gravité de son état, et lui-même ne pouvait rien demander. « Nous pensions que ce serait une fatigue comme il en avait tant éprouvé de fois », devait confesser naïvement par la suite Annette. En réalité, il avait été victime d’une congestion cérébrale. Le voyage et la chaleur n’avaient pu qu’aggraver son état : il était aphasique.

     
    Les derniers jours de S. Pierre-Julien Eymard

    (Édition du Centre de spiritualité "Eymard", La Mure d'Isère, 2018)

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    Mercredi 29 juillet 1868

    Le matin avant d’aller à la Messe je dis au Père : « Oh ! ce qui vous manque, mon Père, c’est N. Seigneur. Je vais écrire à Monseigneur de permettre à un des prêtres habitués de La Mure de venir vous dire la Messe. » Il sourit mais fit un signe négatif. Peut-être prévoyait-il l’arrivée du père Chanuet.

    Le Père se leva encore pour faire son lit. Il voulut changer de linge tout seul et pour cela resta debout sur son tapis. Je ne pouvais le laisser ainsi. Je craignais qu’il ne tombât. Il se changea donc et comme je jetais un rapide regard pour voir s’il ne faisait pas signe de l’aider, j’acquis de visu la certitude de ses macérations sanglantes.

    Dans la matinée le Père fut plus gai. Il parlait un peu plus facilement. Nous nous mîmes à table. Il nous fit signe de mettre son couvert et un fauteuil à sa place et pendant que nous mangions il arriva bravement, s’assit et mangea un petit peu de poisson et de raisin. Il nous regardait manger en souriant. Il resta à table un quart d’heure à peu près. Le Père avait pris un peu de pain, il en mangea un peu. Il lui en restait une bouchée dans la main. Sa sœur voulut la lui prendre. Il refusa et me la laissa prendre. C’est la dernière fois que l’enfant reçut le pain des mains du Père de famille.

    Le reste de la journée fut très calme. Le Père put traiter quelques affaires. Je lui lisais des lettres, il me disait la réponse en quelques mots.

    Nemours revint le poursuivre. Il reçut aussi une lettre pénible de f… Mais dit-il, il n’y a rien à faire.

    Ainsi la tribulation l’attaquait encore à son lit de mort. Il reçut une dépêche du père de Cuers demandant s’il fallait venir. Non, me répondit le Père à deux fois. D’autres, les jours suivants, firent la même demande et reçurent la même réponse. Le Père voulait mourir simplement et faire cette action avec la simplicité d’un acte de service Eucharistique comme les autres.

    Le soir le Père fut plus agité. Le père Chanuet arriva avec Mlle Thomas qui a soigné le Père sans le quitter et a reçu son dernier soupir. 

    Le Père était trop fatigué pour parler. Ce n’est que le lendemain qu’il adresse la parole eu père Chanuet.

    Je veillai le Père jusqu’à une heure. La nuit fut très pénible. À un moment le Père eut un râle effrayant à entendre, et plus effrayant à moi. Sa poitrine se soulevait bruyamment. Il respirait avec effort et par saccades. Il était étendu sur le dos pâle comme un mort. Les narines s’étaient retirées et contractées. La bouche était violemment serrée. La sueur ruisselait sur son visage, cela dura plus d’une demi-heure (je crois). Je m’approchai. Je ne savais quel parti prendre, je priai. Enfin le bruit cessa et le Père resta assoupi jusqu’à l’heure où je le quittai pour aller reposer. 

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    Jeudi 30 juillet

    P Chanuet célèbre dernière messe au P Eymard.jpegDès le matin on installa dans la chambre tout ce qu’il fallait pour dire la Messe. Le père Chanuet n’avait pu obtenir de Monseigneur de Grenoble la permission que pour une fois la semaine. L’autel était dressé sur la commode en vue du Père qui put suivre la Messe, quelques personnes y assistèrent. Le Père communia. Pendant l’action de grâce il me fit signe de lui donner à boire le vin qui restait dans la burette avec l’eau du sacrifice. Sa figure était radieuse de paix et de calme. Je m’approchai et l’embrassai. C’était la première fois depuis mon arrivée. Après l’action de grâces le père Chanuet vint au pied du lit et le Père lui dit assez distinctement : « Vous êtes bien drôles d’être venus. Pour quoi faire ? - Eh bien, mon Père, ne le méritez-vous pas. - Ah ! bah ! dit le Père ! » Et le père Chanuet de reprendre : « Vous alliez bien voir les autres, vous mon Père ! » Le Père se tut, content de cette raison.

    Il parla quelques minutes avec Mlle Thomas, lui demanda des détails minutieux sur les affaires d’une succession qui l’embarrassaient. Ce qui prouve sa grande présence d’esprit.

    Vers neuf heures je lui demandais de lui passer autour du corps une ceinture de soie qui avait servi à revêtir sa chère Notre-Dame du Laus. Il voulut bien et me dit : « C’est pour elle (ou à elle) que je l’offre (ou que je souffre) ». La difficulté que le Père avait de s’exprimer m’empêcha de saisir laquelle des deux phrases il prononça, mais leur sens est identique. (Il mourut avec cette ceinture autour du corps. N.-Dame du Laus avait été son premier désir, son premier amour. Elle vint occuper sa dernière pensée. Je l’avais passée moi-même. Après la mort, Mlle Thomas la prit et me la donna). Je lui demandai alors s’il ne voulait pas que j’allasse demander sa guérison à Notre-Dame de La Salette. Une neuvaine de messes s’y terminait le lendemain. Il me dit : « Oui, je veux bien ». – J’obtiendrai votre guérison, mon Père. – « Je veux bien ». Au moment de partir vers onze heures il me dit : « Restez demain, samedi et dimanche ». – C’est trop, lui dis-je, je veux vous revoir avant. « Eh bien ! revenez samedi ». Je me mis à genoux. Le Père me bénit. Il me fit sur le front avec sa main une croix. Et je partis croyant bien le revoir plein de santé – hélas !

    Pour montrer comment le Père pensait à tout il voulut que je prisse son parapluie. Il ne put venir à bout de dire ce mot. Il me montrait du doigt le fond de sa chambre et me disait : Prenez mon… mon… Et moi qui ne pouvais, par le beau temps qu’il faisait, songer à un parapluie, je désignai tous les objets. Le Père disait : non, avec un petit air aimable et agacé. Il souriait de son impuissance. Mais pour nous quelle souffrance de voir muette cette bouche toujours ouverte pour annoncer Notre Seigneur ! ou pour dire une parole d’affection ou de bienveillance.

    Je partis. Depuis ce temps jusqu’à sa mort il s’est écoulé 50 heures. Je serais revenu plus tôt de La Salette. Mais j’attendais une personne qui devait y arriver le vendredi soir à 2 heures et me donner des nouvelles du Père. Elle n’arriva pas, je résolus de l’attendre. Au fond du cœur je croyais invinciblement que le Père guérirait vite et bien. Je le croyais et ma conscience me faisait verser d’avance des larmes de reconnaissance. Hélas ! Notre Seigneur ne l’a pas voulu ! J’ai toujours regardé cette absence comme une punition de mes péchés. Oui, Seigneur, vous jugez toutes choses avec équité. Je vous remercie de la faveur inestimable d’avoir vu mon Père dans ses derniers jours, de l’avoir soigné, d’avoir vu un saint sous le coup de la douleur, laissant une œuvre à peine établie, sans regrets, sans récriminations, mourant parce que vous jugiez à propos qu’il mourut, ne se croyant pas nécessaire une minute de plus que vous le vouliez, allant à la mort comme à l’adoration, ne voulant rien dire pour plus tard afin de vous laisser à vous, seul maître, seule personnalité dans la Société, votre pleine liberté de direction, votre autocratie ! O ! quel spectacle. Et peut-être aussi, Seigneur, que vous m’avez éloigné de peur que je ne forçasse, par mes instances toujours écoutées dans ces matières-là, notre Père à parler. Tout ce que vous avez fait est bien, et mieux que tout ce qui aurait pu être.

    Les deux lettres ci-jointes donnent les détails sur les deux derniers jours Jeudi et Vendredi. La dernière a été écrite vendredi vers trois ou quatre heures. On y remarquera cette annonce de sa mort faite par le Père à une personne de La Salette. Elle m’a été confirmée en ces termes par la personne elle-même : « Le Père m’a dit : Eh ! bien c’est la fin ». Je ne veux pas juger de l’autorité de cette personne à se faire croire. Ce n’est que plus tard que l’on pourra obtenir là-dessus des données certaines.

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    Vendredi 31 et Samedi 1er août

    Alcove P Eymard.jpegLa lettre de Mlle Thomas indique que la nuit a été assez calme. Mais que l’affaiblissement augmen-te et que là est le grand danger. En effet le Père ne pouvait plus, usé comme il l’était, lutter contre la maladie.

    Le père Chanuet dit la messe le matin.

    Deux fois dans la journée il lui parla de l’extrême-onction. Le Père dit : non, pas maintenant.

    Le Père se lève pour laisser faire son lit. La nuit on lui a posé un emplâtre sur le cou. Le soir Mlle Thomas veille sur le Père. Vers minuit elle était dans la chambre. Les rideaux du lit placé dans une alcôve étaient entr’ouverts. Une petite veilleuse placée sur la cheminée éclairait l’appartement. Mlle Thomas, regardant le Père, le voit fixer attentivement les yeux vers le pied de son lit du côté du mur. Il souriait, ses yeux s’animaient. Il paraissait singulièrement heureux. Elle regarde et aperçoit dans un nimbe d’une lumière douce comme la lumière de la lune, des plis de robe. Comme elle est loin d’être portée au merveilleux, elle prend la lampe, la change de place, la cache afin de bien s’assurer que ce n’est pas une réfraction de sa lumière : le nimbe lumineux persiste. Le Père regardait toujours, toujours plus souriant. Il avait l’air de remercier. Ces plis, m’a dit Mlle Thomas, étaient ceux d’une robe pendante. Ils pouvaient avoir un mètre de haut. Et le nimbe entier tenait depuis le lit jusqu’au plafond. Elle n’a pas vu de traits, pas de figure. Elle m’a attesté cela. Et tous ceux qui ont connu son instruction, son caractère énergique, son cœur viril, savent qu’elle n’était pas portée aux visions. 

    Elle croyait intimement que c’était la Ste Vierge qui venait avertir le Père. Cette croyance, loin de s’éteindre, n’a fait jusqu’à sa mort qu’augmenter chez elle. Mlle Thomas envoie aussitôt chercher le père Chanuet qui logeait dans une maison voisine. Le Père accepte volontiers cette fois d’être administré. Le père Chanuet lui apporte les Saintes Huiles. Le Père s’unit à toutes les prières, suit toutes les cérémonies. Il était 2 heures du matin.

    La faiblesse allait toujours croissant. Les idées toujours parfaitement claires. À sept heures le père Chanuet dit au Père qu’il allait lui chercher la Communion. Le Père ne sembla pas content. Il aurait voulu la Messe. Le père Chanuet craignit d’aller contre sa conscience et le Père se soumit à ce nouveau sacrifice. Il reçut son viatique. C’était sept heures avant de partir !

    Après la Communion, le Père se leva encore pour laisser faire son lit. À dix heures, il embrassa sa sœur et lui dit : « Eh bien sœur, adieu c’est la fin ! » Vers onze heures, les sinapismes appliqués et promenés sur les jambes ne prenaient déjà plus. La vie s’en allait peu à peu. Le sang se réfugiait des extrémités vers le cœur. Chez le Père surtout, et plus peut-être qu’en aucun autre, le cœur avait été la vie. La vie s’y réfugiait à ce moment suprême comme dans un dernier retranchement.

    À midi, on crut que tout était fini. Une syncope fit craindre la mort. Elle dura quelques minutes. Le père Chanuet récita alors au Père des prières des mourants. Le Père s’y unissait.

    Tous ceux qui étaient présents vinrent s’agenouiller au pied du lit. Le Père les bénit les uns après les autres. Quand il eut fini, il cherchait encore quelqu’un, il regardait de côté et d’autre et semblait appeler. Puis il rentra dans le repos. – Mlle Thomas a cru toujours que c’était moi que le Père cherchait. Il me croyait sans doute de retour, ou ne se souvenait plus de m’avoir envoyé à La Salette.

    Vers deux heures, le père Chanuet alla au télégraphe. Quelques signes de plus grand abattement ne trompèrent pas Mlle Thomas. Elle fit courir après elle le père Chanuet. Le Père voulut expectorer une glaire. Mlle Thomas le souleva un peu sur l’oreiller. La respiration lui manqua. C’était fini. Il retomba sans vie ou plutôt il s’endormit doucement. De sa main il cherchait l’envers de son mouchoir afin de cracher. Ses yeux étaient demeurés fixés sur un tableau du crucifiement. Le père Chanuet était arrivé quelques secondes avant et avait eu le temps de donner au Père, de la porte de la chambre, la dernière bénédiction in articulo mortis. Il était environ deux heures et demie. J’ai oublié de dire que vers midi, quand on récitait au Père les prières des mourants, il avait paru un peu fatigué. Mlle Thomas lui montra alors une image du Sacré-Cœur avec les litanies lui demandant s’il voulait qu’on les récitât. Oui, fit le Père et il suivit toutes les invocations avec un intérêt et une piété soutenus. Ce fut sa dernière prière ici-bas. – Un jour le Père m’avait dit : « Ah ! la dévotion au Sacré-Cœur je lui dois tout, elle m’a sauvé ». Et Jésus venait offrir la vue de son Cœur à ce cher mourant pour lui faciliter le passage et le lui faire faire dans cette nacelle assurée contre le naufrage ! C’est le samedi 1er août à 2 heures 1/2 que le Père s’est éteint dans le Seigneur. C’était la fête de St Pierre-ès-liens son patron et l’heure des premières Vêpres de Notre-Dame des Anges.

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    Après le premier moment de la douleur, on songea à exposer le Père et à le revêtir. Ce fut Mlle Thomas et Mme Gras qui se chargèrent de ce douloureux office. 

    Le Père fut revêtu de sa soutane, de l’aube, du cordon et de l’étole noire. Il avait aux pieds ses bas et ses souliers à boucles. On l’étendit ainsi sur son lit et, le bruit s’étant répandu dans la ville, la chambre commença à se remplir de visiteurs, les larmes aux yeux, qui venaient contempler ce Père vénéré et moins prier pour lui que se recommander à ses prières.

    Mais puisque ces souvenirs sont surtout faits pour moi, je vais y noter quelques faits sans importance mais dont j’ai été frappé après l’événement.

    De la messe qui termina la neuvaine à La Salette, je crus très certainement que le Père guérirait. Je faisais l’action de grâces à Marie plus que je ne lui demandais la faveur tant souhaitée. 

    Il y avait, à La Salette, un vénérable pèlerin dans le genre du Benoît Labre en universelle vénération. Je lui demandais la guérison du Père sans lui dire la gravité exacte de sa maladie. Sa réponse fut celle-ci : « Ah ! Monsieur, quand le bon Dieu a résolu de rappeler quelqu’un à Lui, les prières n’y font plus rien ». Mais, lui dis-je, c’est un saint dont Notre Seigneur a besoin, l’Église et la Société aussi. « Dans ce cas, me répondit le vieillard comme pour me consoler, Dieu le conservera peut-être ». – Je ne fis pas grande attention à ces paroles. Le soir à l’instruction du vendredi, le père Pons prêchant sur St Pierre-ès-liens dit : « St Pierre paraissait bien nécessaire à l’Église naissante et cependant Dieu le tenait en prison. C’est que personne n’est nécessaire à Dieu ». Enfin le samedi, inquiet de ne voir personne venir de la Mure, j’étais hésitant si je devais rester ou repartir. Vers 1 heure et demie on arriva. Le Père, me dit-on, n’est pas mieux, repartez. – Je ne le croyais pas. Peut-être, me dis-je, quand la personne a quitté la Mure cela était vrai, mais depuis, Marie a certainement guéri le Père. Je le crois sans hésitation, ceci n’est qu’une épreuve de ma foi.

    Statuette ND Salette P Eymard.jpegCependant je me décidai à partir. Vers deux heures j’allais dire adieu à Notre Seigneur. Je fis un acte de soumission à Notre Seigneur dont je ne me rendis pas compte, mais qui m’arracha un cri assez fort avec une douleur profonde. De la chapelle, je vais au lieu de l’apparition. Là, je ne me sens nullement porté à demander la guérison du Père. Mais saisi d’une paix suave, douce, d’un calme incroyable regardant les cieux, je dis dans mon cœur, sans prononcer extérieurement une seule parole : « Eh ! bien, quand vous partiriez, Père, cela ne vous vaudrait-il pas mieux ? N’avez-vous pas assez souffert ! Ah ! que vous seriez heureux d’être uni à votre Jésus ». Ce sentiment me remplit de joie intérieure et je partis sans y attacher d’importance. Il était deux heures passées à l’horloge de l’église. À quelques minutes de là, le Père se mourait. Tout le long du chemin je ruminais ce que je devais demander au Père, car j’étais persuadé que je le reverrais. Je portais des croix à indulgencier pour 16 francs. Cependant le ciel me paraissait plus beau qu’à l’ordinaire. Je ne suis pas poète, ni rêveur. Je le regardais et me disais : Mais que se passe-t-il donc au Ciel ? Quel triomphe y a-t-il donc ! que le Ciel est beau, puis pensant de nouveau au Père je songeais à ce que je lui dirais, aux moyens de le sauver, etc.

    Ste Chantal savait la maladie de St François. Elle était à Grenoble. Le St se mourait à Lyon. Notre Seigneur lui dit dans l’oraison : « Ma fille, ton père ne vit plus dans ce monde » et la Sainte de répondre : « Oh non, mon Dieu, je sais qu’il est si mortifié que tout est mort pour lui et qu’il ne vit plus que pour vous ». Ce fait, que j’ai lu après, m’a expliqué comment, malgré tous ces avertissements intérieurs, je croyais toujours le Père en vie. 

    Cependant j’avais pris un express. Une heure avant d’arriver à la Mure, à Pont-Haut, un homme m’arrête et me dit : « Le Père Julien est mort tantôt !!!! »

    Quand j’arrivai près du Père, il était neuf heures du soir. Le Docteur Douillard était venu, mais trop tard, de Paris.

    Je me précipitai sur mon Père et l’embrassai avec frénésie. Eh ! quoi, Père, vous êtes mort sans m’appeler pour recueillir une dernière bénédiction !

    Je ne cessai d’embrasser ce visage vénéré. Les yeux étaient ouverts et aussi animés qu’aux plus beaux jours des fêtes de Notre Seigneur.

    Pendant sa vie, même quand le Père était content, son regard conservait toujours un certain voile de mélancolie. Ici, plus rien. La paix, la paix souriante. Ses lèvres souriaient. Il me regardait au point que par deux ou trois fois je lui dis : « Mais riez donc, parlez donc, Père, vous n’êtes pas mort, ce n’est pas possible ! » Ce regard limpide, souriant et animé, dura jusque vers minuit. À cette heure le Père prit la figure qu’il a conservée jusqu’à sa sépulture. Son regard était toujours calme, ses yeux doucement ouverts, mais sans cette vie qui avait tant frappé les assistants durant les premières heures. Ce qui faisait le caractère de sa physionomie, c’était le calme, la paix, paix d’en haut que rien ne trouble plus.

    Je passai la nuit au pied du lit de mon Père. Dieu sait quelles recommandations je lui fis. Je n’oubliai aucun de mes frères. Je sentais quel sacrifice N. S. demandait d’eux.

    Les pénitents disaient l’office des morts. 

     

    Stèle P Eymard.jpegLa journée du 2 août est ensuite relatée, avec la foule des gens affluant pour voir le Saint de La Mure avant ses funérailles, rue du Breuil. Je vous invite à le lire par vous-mêmes dans le livret (disponible au 23 avenue de Friedland, Paris 8, Chapelle Corpus Christi, Église du Saint-Sacrement, et au Centre Spirituel "Eymard" de La Mure). 

    Nous pouvons maintenant partager sur ce que signifie ‘être un homme, une femme eucharistique’ à la lumière de l’exemple du P. Eymard.

    Nous ferons une pause avant de reprendre à 16h l’adoration eucharistique animée avec un texte du Père Eymard : la prédication sur la sainteté qu’il donna trois semaines plus tôt et qui est comme, en creux, entre les lignes du texte, un autoportrait de sa vie de fondateur.

     

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    Le tombeau du Père est traditionnellement situé à Paris, au 23 avenue de Friedland (8ème). Son gisant de cire occupe la châsse qui fut celle du bienheureux Curé d'Ars, que la Congrégation du Saint-Sacrement a rachetée au pris de 1000 francs de l'époque, en 1925, quand Jean-Marie Vianney a été canonisé et le P. Eymard déclaré bienheureux. On peut toujours vénérer ses reliques sises sous la châsse.

     

    Logo sss NEUF.jpgSandrine Treuillard

    Engagée dans la Fraternité Eucharistique
    rattachée à la Chapelle Corpus Christi, Paris 8

    23 juin 2018

     

     

    Adorons Jésus Eucharistie avec la dernière prédication
    sur la sainteté du P. Eymard : PDF

    Adorons Jésus Eucharistie.jpg

    Les trois photographies de la catéchèse, Chapelle Corpus Christi,
    23 avenue de Friedland, samedi 23 juin 2018 : ©Anthony Loi


    Retrouvez l'ensemble de la catéchèse eucharistique du semestre sur ce lien :
    Fraternité Eucharistique Corpus Christi #JubiléPJEymard2018
    L’IDEAL DU CÉNACLE Comprendre l’Eucharistie dans sa totalité
    avec st Pierre-Julien Eymard

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  • Adorateurs en esprit & vérité avec Notre-Dame du Saint-Sacrement - #JubiléPJEymard2018

    Fraternité Eucharistique
    12 - 05 - 2018
    Adorateurs en esprit & vérité 12 mai.jpg

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    L’influence de la Vierge Marie
    dans la vie de S. Pierre-Julien Eymard
     

                Saint Pierre-Julien Eymard (1811-1868) a été ordonné prêtre en 1834, à Grenoble, à l’âge de 23 ans. Après avoir été prêtre diocésain et curé à Monteynard, il devient religieux Mariste, à Lyon, à l’âge de 28 ans.

    st pierre-julien eymard,eucharistie,chapellecorpuschristiparis8,fraternité eucharistique,#jubilépjeymard2018,foi,adoration,adoration eucharistique,transmission,sandrine treuillard,étienne parrocelDepuis son enfance, la Vierge Marie tient une place importante de Conseillère dans sa vocation sacerdotale & religieuse, et dans son cheminement jusqu’à fonder une Congré-gation centrée sur l’Eucharistie.

    Il fréquente le sanc-tuaire de Notre-Dame du Laus dès ses 11 ans où il parcourt les 80 km depuis La Mure d’Isère, seul, à pied, mendiant son pain. Il y retournera à ses 13 ans où il fera sa première confession et rencontrera le P. Touche qui l’encouragera à suivre sa vocation sacerdotale, à apprendre le latin, et à communier chaque dimanche.

                À 17 ans, Pierre-Julien apprend par hasard la mort de sa mère, survenue le 5 août 1828. Il est alors pendant une année volontaire à l’hospice Saint-Robert, près de Grenoble, afin d’aider l’aumônier, en échange de leçons de latin, pour devenir prêtre.

                À 18 ans, Pierre-Julien commence son noviciat chez les Oblats missionnaires de Marie Immaculée, à Marseille. Mais il contracte une pleurésie, on le ‘rapatrie’ à La Mure chez son père. On va jusqu’à sonner la cloche des agonisants… Mais il revient à la vie et sa convalescence durera une année.

                Quand il a 20 ans, le père de Pierre-Julien décède. Il peut alors entrer au Grand Séminaire de Grenoble introduit par Eugène de Mazenod le fondateur des Oblats de Marie Immaculée.

                Contemporain de la vision de Maximin et Mélanie à Notre-Dame de La Salette, le 19 septembre 1846, il sera un défenseur de l’authenticité de la vision et un visiteur assidu du sanctuaire. Il accompagnera aussi Maximin jusqu’à le confier à une famille amie, les Jordan, dans les Yvelines.

    st pierre-julien eymard,eucharistie,chapellecorpuschristiparis8,fraternité eucharistique,#jubilépjeymard2018,foi,adoration,adoration eucharistique,transmission,sandrine treuillard,étienne parrocelÀ chaque étape de sa vie, il a su reconnaître l’influ-ence de Marie. C’est seulement en 1858, après avoir fondé en 1856 les Religieux du Saint-Sacrement, et en fondant les Servan-tes du Saint-Sacre-ment, qu’il encoura-ge et approuve le culte que ses fils rendent à Marie, sous le vocable : Notre-Dame du Saint-Sacrement.

    L’année de sa mort, en 1868, il ouvre ainsi le mois de Marie dans le premier noviciat de la Congrégation, à Saint-Maurice, dans l’Essonne :

    « Eh bien ! nous honorerons Marie sous le vocable de
    Notre-Dame du Très Saint Sacrement,
    Mère et Modèle des adorateurs,
    priez pour nous qui avons recours à vous. »
    (PS 317,2)

                Il célèbrera sa dernière messe à Grenoble, dans la chapelle des Missionnaires de La Salette. Et, à La Mure d’Isère, son village natal, pendant son agonie, suite à un accident cérébral et épuisé, il quittera ce monde avec une vision de la Vierge Immaculée, une statuette de Notre-Dame de La Salette entre les mains.


                Dans La Grande Retraite de Rome, en 1865, trois ans avant sa mort, il médite à plusieurs reprises sur les Mystères de l’Incarnation et la Vie de Marie en l’Incarnation, les attitudes intérieures de Marie tout au long de la vie de son Fils, jusqu’à Marie adoratrice du Verbe incarné en l’Incarnation, avec 4 actes d’adoration : l’humilité, la joyeuse reconnaissance, le dévouement et la compassion. Ce sera l’objet de la Neuvaine à Notre-Dame du Saint-Sacrement qui se déroulera avec le réseau social Hozana, du 26 mai au 3 juin prochain, jour de la Solennité du Saint Sacrement.

                On le comprend donc, la présence de Marie est fondamentale dans toute la vie du Père Eymard. Elle a le rôle qu’elle tient déjà dans les Évangiles :

    Servante du Seigneur, elle s’offre elle-même en le servant, en accueillant le Verbe fait chair en elle ;

    — Elle indique son Fils, aux noces de Cana, pour qu’il manifeste la puissance de Dieu dont il est investi ;

    Médiatrice, elle portera dans la prière les enfants de Dieu à son Fils, Mère de l’Église dont elle reçoit la tâche au pied de la croix.

    — Rôle de co-rédemptrice aussi, même si ce n’est pas le mot que le P. Eymard emploie pour désigner la part active qu’à la Vierge dans l’économie du Salut ;

    — Et surtout, Reine du Cénacle, qui reçoit l’Esprit Saint à la Pentecôte avec les disciples, Adoratrice du Christ ressuscité présent au saint Sacrement.

    st pierre-julien eymard,eucharistie,chapellecorpuschristiparis8,fraternité eucharistique,#jubilépjeymard2018,foi,adoration,adoration eucharistique,transmission,sandrine treuillard,étienne parrocel            Voilà pour l’introduction à Notre-Dame du Saint-Sacrement que la congrégation fête demain, le 13 mai. C’est le jour anniversaire où le Père Eymard, en compagnie de son premier compagnon, le P. Raymond de Cuers, a reçu de l’archevêque de Paris d’alors, Mgr Dominique Sibour, la bénédiction pour fonder la première communauté des Religieux du Saint-Sacrement. La mission première de la congrégation est d’adorer et de faire adorer le Saint Sacrement, avec l’œuvre de la première communion des adultes et des enfants en milieux ouvriers dans les faubourgs pauvres de la capitale (Faubourg Saint-Jacques).
     

     

                Mais que signifie « adorer et faire adorer le saint Sacrement » ? Pour répondre, entrons dans le Mystère de l’Incarnation du Verbe, par cette citation du prologue de l’Évangile de saint Jean :

    Jean 1,14 (Prologue)

    14 Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire,
    la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité.
     


                L’angelus est une prière en l’honneur de l’incarnation du Christ, que je vous invite à prier ensemble pour se mettre en présence de Marie & de Jésus son Fils :

    V/. L’Ange du Seigneur apporta l’annonce à Marie,
    R/. Et elle conçu du saint-Esprit.
    Je vous salue Marie ...

    V/. Voici la servante du Seigneur,
    R/. qu’il me soit fait selon votre parole.
    Je vous salue Marie ...

    V/. Et le Verbe s’est fait chair,
    R/. et il a habité parmi nous.
    Je vous salue Marie ...

    V/. Priez pour nous, sainte mère de Dieu,
    R/. Afin que nous soyons rendu dignes des promesses de notre Seigneur Jésus-Christ.

    PRIONS : Que ta grâce Seigneur notre Père se répande en nos cœurs : par le message de l’ange, tu nous as fait connaître l’incarnation de ton Fils bien-aimé, conduis-nous par sa passion et par sa croix jusqu’à la gloire de la résurrection. Par Jésus-Christ, Notre Seigneur, qui vit et règne avec toi, dans l’unité du Saint Esprit maintenant et dans les siècles des siècles. Amen

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                Nous allons donc développer au cours de cet exposé ce que signifie « adorer en esprit & vérité ». Permettez-moi, tout d’abord, de baliser ce que j’ai à vous dévoiler par trois courts extraits du Projet de Vie de la Fraternité Eucharistique — l’Agrégation du Saint-Sacrement, la branche laïque de la Congrégation — à laquelle j’appartiens, ayant fait ma Promesse d’engagement il y a bientôt 2 ans (le 3 juin 2016).

    1 — À l’article Avec Marie, il est écrit :st pierre-julien eymard,eucharistie,chapellecorpuschristiparis8,fraternité eucharistique,#jubilépjeymard2018,foi,adoration,adoration eucharistique,transmission,sandrine treuillard

    Avec Marie

    La Vierge Marie
    Mère de Jésus et Mère de l’Église,
    est le modèle irremplaçable
    de la vie eucharistique.
    Elle a partagé la vie des disciples
    en prière au Cénacle
    et en chemin sur les voies du monde.

    Comme elle,
    nous nous laissons guider par l’Esprit
    pour que, dociles à son action,
    nous contribuions efficacement
    à la venue du Royaume.

    D’ailleurs, nous l’honorons et l’invoquons
    sous le titre de :
    Notre-Dame du Saint-Sacrement.

    (PdV – II, 11)

    2 — À l’article La prière de contem-
    plation et d’adoration …
    est écrit :

    La prière de contemplation et d’adoration

    Dans la prière
    de contemplation et d’adoration
    au Christ présent dans l’Eucharistie
    solennellement exposé ou dans le tabernacle,
    nous prolongeons
    la grâce du mystère célébré,
    et intensifions notre union au Christ
    pour devenir avec lui et comme lui
    pain rompu pour un monde nouveau.

    (PdV – II, 8)

    3 — Et, enfin, à l’article La célébration eucharistique, nous lisons :st pierre-julien eymard,eucharistie,chapellecorpuschristiparis8,fraternité eucharistique,#jubilépjeymard2018,foi,adoration,adoration eucharistique,transmission,sandrine treuillard,étienne parrocel

    La célébration eucharistique

    La célébration du Mémorial du Seigneur
    est le point de départ
    de notre compréhension de l’Eucharistie
    et inspire notre prière et notre engagement.

    Appelés à témoigner
    de la forme eucharistique de l’existence,
    par toute notre vie nous devenons
    les ‘adorateurs en esprit et en vérité
    que le Père cherche’ (Jn 4,23).

    (PdV – II, 7)

     



    Appelés à témoigner de la forme eucharistique de l’existence, par toute notre vie nous devenons 
    les ‘adorateurs en esprit et en vérité que le Père cherche’ (Jn 4,23).

    Et c’est le titre de cet exposé que nous allons approfondir en lisant l’Évangile de saint Jean, chapitre 4, versets 1 à 28.

     

    Appelés à témoigner de la forme eucharistique
    de l’existence, par toute notre vie nous devenons les
    adorateurs en esprit et en vérité que le Père cherche

    ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRIST
    SELON SAINT JEAN

    Chapitre 4

    1 Les pharisiens avaient entendu dire que Jésus faisait plus de disciples que Jean et qu’il en baptisait davantage. Jésus lui-même en eut connaissance.
    2 – À vrai dire, ce n’était pas Jésus en personne qui baptisait, mais ses disciples.

    3 Quand Jésus appris cela, il quitta la Judée pour retourner en Galilée, 4 il devait donc traverser la Samarie.5 Il arrive ainsi à une ville de Samarie, appelée Sykar, près du terrain que Jacob avait donné à son fils Joseph, 6 et où se trouve le puits de Jacob. Jésus, fatigué par la route, s’était assis là, au bord du puits. C’était la sixième heure, environ midi.

    7 Arrive une femme de Samarie, qui venait puiser de l’eau. Jésus lui dit : « Donne-moi à boire. » 8 – En effet, ses disciples étaient partis à la ville pour acheter de quoi manger. 9 La Samaritaine lui dit : « Comment ! Toi qui es Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine ? » – En effet, les Juifs ne veulent rien avoir en commun avec les Samaritains.

    10 Jésus lui répondit : « Si tu savais le don de Dieu, si tu connaissais celui qui te dit : “Donne-moi à boire”, c’est toi qui lui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive. » 11 Elle lui dit : « Seigneur, tu n’as rien pour puiser, et le puits est profond. D’où as-tu donc cette eau vive ? 12 Serais-tu plus grand que notre père Jacob qui nous a donné ce puits, et qui en a bu lui-même, avec ses fils et ses bêtes ? » 13 Jésus lui répondit : « Tout homme qui boit de cette eau aura encore soif ; 14 mais celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source jaillissante pour la vie éternelle. » 15 La femme lui dit : « Seigneur, donne-moi de cette eau, que je n’aie plus soif, et que je n’aie plus à venir ici pour puiser. »

    16 Jésus lui dit : « Va, appelle ton mari, et reviens. » 17 La femme répliqua : « Je n’ai pas de mari. » Jésus reprit : « Tu as raison de dire que tu n’as pas de mari : 18 des maris, tu en as eu cinq, et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari ; là, tu dis vrai. » 19 La femme lui dit : « Seigneur, je vois que tu es un prophète !... Alors, explique-moi :

    20 Nos pères ont adoré Dieu sur la montagne qui est là, et vous, les Juifs, vous dites que le lieu où il faut l’adorer est à Jérusalem. » 21 Jésus lui dit : « Femme, crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père. 22 Vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous adorons, nous, celui que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. 23 Mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité : tels sont les adorateurs que recherche le Père. 24 Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer. » 25 La femme lui dit : « Je sais qu’il vient, le Messie, celui qu’on appelle Christ. Quand il viendra, c’est lui qui nous fera connaître toutes choses. » 26 Jésus lui dit : « Je le suis, moi qui te parle. »

    27 À ce moment-là, ses disciples arrivèrent ; ils étaient surpris de le voir parler avec une femme. Pourtant, aucun ne lui dit : « Que cherches-tu ? » ou bien : « Pourquoi parles-tu avec elle ? » 28 La femme, laissant là sa cruche, revint à la ville. (…)


    st pierre-julien eymard,eucharistie,chapellecorpuschristiparis8,fraternité eucharistique,#jubilépjeymard2018,foi,adoration,adoration eucharistique,transmission,sandrine treuillard,étienne parrocelJ’aimerais que nous voyions cette rencontre de Jésus avec la Samaritaine comme le paradigme de notre rencontre avec Jésus Eucharistie. Abordons cette scène comme le modèle d’une rencontre avec la personne divine de Jésus présent au saint Sacrement. Rencontre de Jésus Eucharistie comme quand nous sommes en adoration ou même lorsque nous communions à son Corps et à son Sang à la messe, quand nous prenons part au banquet des Noces de l’Agneau.

                Dès le début de ce chapitre 4, il est dit que Jésus attire à lui les gens et baptise plus que Jean, qu’il fait plus de disciples que Jean le Baptiste. Pour cette raison, les pharisiens veulent rejoindre Jésus pour lui demander des comptes. Ils s’en offusquent et s’interrogent sur le pourquoi de ce succès de Jésus. Ce succès vient de ce que Dieu habite pleinement en Jésus, qu’il est rendu capable par le Père de donner l’Esprit et la Vie sans mesure à celui qui croit en lui et reçoit le baptême en son nom. C’est parce que Jésus baptise dans l’Esprit, qu’il est lui même cet Esprit, cette Vie, que les gens viennent à lui et se font baptiser.

                Jésus connaît très bien le cœur des pharisiens, c’est pourquoi il les fuit, veut retourner en Galilée et doit pour cela traverser la Samarie. Pays que les Juifs mettent à distance. Les Juifs ne veulent aucun commerce avec les Samaritains, qu’ils considèrent comme impurs : rien à voir avec leurs règles sociales, culturelles et religieuses.

                Traversant donc cette région désertique, Jésus se retrouve au mythique puits de Jacob. Lieu essentiel, vital et stratégique, aussi bien dans le passé que pour maintenant dans la scène que Jésus s’apprête à nous donner à voir. Rendu vulnérable comme tout homme par la chaleur et la fatigue de la marche, Jésus a soif et s’assoit sur la margelle du puits. C’est la sixième heure, c’est-à-dire qu’il est environ midi. Je me suis demandée pourquoi ce détail de l’horaire précis. Et je me suis souvenue que dans saint Jean, ailleurs, à environ midi, la sixième heure, un autre événement a lieu… Aux abords de la Passion, avec Pilate qui cherche à relâcher Jésus. Voici le passage en Jean 19, 12-14 :                                                  

    Mais les Juifs se mirent à crier : « Si tu le relâches, tu n’es pas ami de l’empereur. Quiconque se fait roi s’oppose à l’empereur. » 13 En entendant ces paroles, Pilate amena Jésus au-dehors ; il le fit asseoir sur une estrade à l’endroit qu’on appelle le Dallage (en hébreu : Gabbatha). 14 C’était un vendredi, la veille de la Pâque, vers midi. Pilate dit aux Juifs : « Voici votre roi. »  

                Deux choses me frappent dans ces deux passages de l’Évangile :

                Dans un cas c’est la fatigue de la route qui fait s’asseoir Jésus au bord du puits. Dans l’autre cas, c’est Pilate qui fait asseoir Jésus sur une estrade, pour montrer à ceux qui veulent sa mort qu’il est inoffensif et innocent. Il vient d’être flagellé, moqué, il est en sang et porte la couronne d’épines, le roseau et le vêtement pourpre.

                Au bord du puits, Jésus, au contact de la samaritaine, est, librement, dans l’abnégation de sa personne humaine : il met son besoin individuel de boire au second plan, privilégiant le dialogue pour amener la femme à reconnaître qu’il est l’envoyé de Dieu, le Messie. Il lui révèlera sa personne divine, plus loin, au verset 26 : « Moi qui te parle, je le suis ».

                Finalement, Pilate ne fait pas autre chose que révéler la personne divine du Christ quand il le désigne aux Juifs comme étant leur roi. Mais Pilate ne connaît pas la portée de sa déclaration. Il ignore aussi que c’est librement que Jésus s’offre à toutes les tortures qui l’attendent encore.

                Dans les deux cas, la sixième heure, vers midi, désigne le moment crucial où s’opère la révélation de la personne divine de Jésus. La samaritaine reçoit cette révélation. Les juifs au moment de l’Ecce Homo la rejettent.

                Revenons à notre puits. Jésus est donc assis au bord. Il a soif. Et quand la samaritaine s’approche, il ne lui dit pas, comme sur la croix, dépouillé et à l’article de la mort : « J’ai soif ! ». Là, il lui demande : « Donne-moi à boire. » Il est en position de faiblesse par rapport à cette femme, puisqu’il n’a rien pour puiser et qu’elle en a les moyens : elle porte sa cruche. Mais il ne met pas en avant son besoin à lui, vital et humain. Il est très respectueux dans sa demande, tout en étant direct. Il demande avec autorité, mais il ose demander à une femme, qui plus est, étrangère. N fait, il se préoccupe de son besoin spirituel, à elle qui n’accède pas à sa demande. Elle ne se précipite pas au bord du puits pour y descendre sa cruche et la remonter pleine de l’eau fraîche qui lui ferait tant de bien physique ! C’est pourtant elle qui a la clef pour répondre à sa demande matérielle. C’est elle qui a le seau ou la cruche pour puiser. Au lieu de cela, immédiatement, le dialogue est enclenché sur le mode spirituel. La demande de Jésus « donne-moi à boire » contient la clef, la réponse à la question spirituelle que la samaritaine soulève par sa remarque spontanée : « Toi, un Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine ? » Toi, un Juif : Il est question immédiatement de la personne de Jésus dans la bouche de la samaritaine, mais elle ne le sait pas encore. C’est bien la personne de Jésus qui est le seau, la cruche, la clef à la question du don de l’Esprit, ce don de l’eau vive.

                Le sens pragmatique de la samaritaine lui montre que Jésus n’a rien pour puiser l’eau matérielle et cette remarque l’adoucit. C’est comme si elle s’asseyait à son tour à son côté, sur la margelle du puits, songeuse : « Tu n’as rien pour puiser (…) avec quoi prendrais-tu l’eau vive ? » Et Jésus l’amène sur son terrain, petit à petit, ne détachant pas son regard de ses yeux à elle qui se sont abaissés et qui se pose la question : « Serais-tu plus grand que notre père Jacob qui nous a donné ce puits, et qui en a bu lui-même, avec ses fils et ses bêtes ? ». Question qui pèse le poids de l’héritage de ses ancêtres, contenant toute l’histoire du premier Testament d’où elle parle encore. Mais Jésus la fait aborder la source véritable, l’Alliance Nouvelle qu’il lui propose en sa personne : « Celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source jaillissante pour la vie éternelle. » À ces paroles de Jésus, la samaritaine est conquise : elle relève les yeux vers son visage et c’est elle qui lui demande à boire de cette eau spirituelle.

     
    st pierre-julien eymard,eucharistie,chapellecorpuschristiparis8,fraternité eucharistique,#jubilépjeymard2018,foi,adoration,adoration eucharistique,transmission,sandrine treuillard,étienne parrocelJésus la gagne. Elle se laisse toucher et il avance, en lui demandant d’appeler son mari et de venir avec lui, pour profiter de ce don de l’Esprit, de sa propre personne, qu’il veut lui faire. Il connaît très bien sa vie : les cinq maris de son passé et l’homme qu’elle a actuellement et qui n’est pas son mari. Le chiffre parfait étant le sept, sans se proposer à elle directement comme Époux spirituel, elle déclare d’elle-même qu’il est prophète, qu’elle le voit bien puisqu’il lit sa vie comme en un livre ouvert. Alors elle laisse jaillir la question qui lui brûle les lèvres et l’âme de savoir où il faut adorer Dieu. Sur la montagne qui est là, en Samarie, où à Jérusalem comme le prétendent les Juifs ?

                Là, Jésus lui répond en l’appelant ‘femme’ : « Femme, crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père. » Comme quand Marie, sa mère, s’adresse à lui pour lui signaler que les invités aux noces de Cana n’ont plus de vin. Il lui répond : «  Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue. » Dans les deux cas il est fait allusion à l’heure de sa mort sur la croix où aura lieu le don suprême de Dieu dans l’Esprit Saint, dans le sang et l’eau. Si la sixième heure, vers midi, correspondait à la révélation de la personne divine de Jésus, la neuvième heure, à quinze heure (15h), sera le moment de la kénose, de la remise entre les mains du Père de son souffle, et du don de l’Esprit saint quand le coup de lance transpercera son Cœur.

                « L’heure vient », dit Jésus, « – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité ». Oui, l’heure vient où Jésus donnera son Esprit, par sa mort, le remettant au Père sur la croix. Déjà, à la croix, il nous donne son Esprit. Et quand il ressuscitera il enverra son Esprit sur la terre. C’est ce Jésus Eucharistie-là que nous adorons au saint Sacrement, en esprit et vérité. La circulation de l’amour entre les trois personnes divines, la Trinité, Dieu Trine, Père, Fils et Saint Esprit est ce don que Jésus nous fait par son sacrifice et sa résurrection. Nous recevons cette vérité, qui est le dynamisme de l’amour divin, quand nous adorons Jésus au Saint Sacrement. Cette vérité nous rend libre. C’est le règne de Dieu en soi. C’est l’authentique culte d’adoration de Dieu que nous recevons de la Nouvelle Alliance en Jésus Christ. Nous recevons le nouveau principe de vie, l’Esprit de Jésus, qui nous fait, nous crée « enfants de Dieu » [Jean 1,12-13 (Prologue) : Tous ceux qui l’ont reçu, ceux qui croient en son nom, il leur a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu. Ils ne sont pas nés de la chair et du sang, ni d’une volonté charnelle, ni d’une volonté d’homme : ils sont nés de Dieu. (Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité.)]

                Et la samaritaine acquiesce : « Je sais qu’il vient, le Messie, celui qu’on appelle Christ. Quand il viendra, c’est lui qui nous fera connaître toutes choses. » Quand elle dit cela, je la vois encore songeuse et la tête baissée, attentive à ce qui se passe en son propre cœur, en elle-même, à l’écoute de son intériorité. Et elle en sait des choses ! Elle est déjà habitée, éclairée par l’Esprit de Jésus. Ses paroles sont de l’Esprit de vie contracté au toucher de Jésus. Et lui, de répondre : « Moi qui te parle, je le suis ». Paf ! un éclair intérieur, comment ne pas être tourneboulée… ? Comme du buisson ardent Dieu répondit à Moïse : « Je suis ». Oui, Jésus est bien le buisson ardent de la Nouvelle Alliance. Il est bien ce feu de l’amour qui consume toute sa personne sans qu’elle ne l’anéantisse. Il en rayonne par sa parole qui touche le cœur et nous met en mouvement. Un mouvement vertueux.

                En effet, la samaritaine a à peine le temps de réaliser ce que Jésus lui révèle, qu’un mouvement de personnes se fait autour d’eux, et brise leur cercle intime. L’effet de la parole de Jésus révélant sa divinité à la samaritaine est tel qu’elle se met en mouvement aussitôt, elle aussi. Elle lâche la cruche, le seau, sans avoir servi le Messie, pleine qu’elle est de l’Esprit que vient de lui infuser Jésus, et elle part, retourne au village annoncer qu’elle a trouvé le Messie. Comme Marie qui vient de vivre l’Annonciation, pleine de l’Esprit saint — qui la couvrit de son ombre et insuffla la vie de Jésus en son sein­ —, partant sur les chemins, gravissant les montagnes à la rencontre de sa cousine Élisabeth —, de même la samaritaine n’a pas le loisir de savourer pour elle-même la rencontre avec Jésus : elle part annoncer la Bonne Nouvelle de la venue du Messie en la personne de Jésus. Elle devient illico-presto évangélisatrice. Les disciples reviennent avec les provisions qu’ils étaient partis quérir en ville. Ils les proposent à Jésus, pour qu’il se sustente, mais finalement, pas plus que sa soif, sa faim n’est matérielle. L’occasion pour Jésus de poursuivre sa catéchèse auprès des disciples pour leur montrer le Père, d’une autre manière qu’avec la samaritaine fraîchement convertie.

               [Mais là, c’est une autre histoire : de pain, de semeur et de moissonneur qui pourrait faire l’objet d’une prochaine rencontre avec la Fraternité Eucharistique…].


    Logo sss NEUF.jpgSandrine Treuillard

    Engagée dans la Fraternité Eucharistique
    Chapelle Corpus Christi
    23 av. de Friedland - Paris 8


    Bannière 13 mai ND st Sacrement.jpgAnimation de l'Adoration Eucharistique du 12 mai 2018 Chapelle Corpus Christi - avec la petite histoire de Notre-Dame du Saint-Sacrement

     

     

    Retrouvez cet article avec les 4 précédents et le suivant du #JubiléPJEymard2018
    Catéchèse Eucharistique L'idéal du Cénacle Comprendre l'Eucharistie dans sa totalité
    avec S.Pierre-Julien Eymard

     

    st pierre-julien eymard,eucharistie,chapellecorpuschristiparis8,fraternité eucharistique,#jubilépjeymard2018,foi,adoration,adoration eucharistique,transmission,sandrine treuillard

    Jésus et la Samaritaine

    Étienne Parrocel (dit le Romain) - Huile sur toile, XVIIIè s.
    Palais Fesch - Musée des Beaux-Arts, Ajaccio

     

    Iconographies, plus haut

    Notre-Dame du Saint-Sacrement - Vitrail, Oratoire de la Maison Généralice -
    Congrégation du Saint-Sacrement, Rome.

    La Vierge à l'hostie - Jean-Dominique Ingres, Musée du Louvre.
    La Sainte Cène - Vitrail oculus, Chapelle Corpus Christi Paris 8.

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  • Que le règne eucharistique du Christ arrive ! Conférence du P. Nicolas Buttet - SC Montmartre

    À l'occasion de la Nuit d'Adoration au Sacré-Cœur de Montmartre du 20-21 avril 2018 : Conférence du Père Nicolas Buttet, fondateur de la Fraternité Eucharistein — du samedi 21 avril 2018 — invité par Gino Testa du Groupe de prière Padre Pio de Paris — à la suite de celle (Le 'chant' de st P-J. Eymard) du Père André Guitton, sss (Congrégation du Saint-Sacrement), biographe de st Pierre-Julien Eymard, de la communauté des Pères du Saint-Sacrement, Chapelle Corpus Christi - 23 av. de Friedland - Paris 8.
    En voici la 'vidéo'-audio enregistrée par les soins des Bénédictines du Sacré-Cœur de Montmartre.

     

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Il est bien là, ouvert sur la Croix, toute la dévotion se trouve là, il y a des textes merveilleux, comme ça… Mais finalement c'est au XIIème XIIIème siècle avec sainte Gertrude d’Helfta, sainte Metchilde de Hackeborn, sainte Metchilde de Magdebourg, Hildegarde de Bingen, où tout d’un coup le Sacré Cœur prend une première… Il y a une scène très belle où Hildegarde de Bingen voit le Sacré Cœur de Jésus, repose sur le Sacré Cœur de Jésus, et elle voit saint Jean. Et elle dit à saint Jean : « Tu es un petit cachotier ! Je suis sûre que quand tu as posé ta tête sur le Sacré Cœur de Jésus tu as dû sentir l’amour fou qu’il y avait dans son Cœur, et tu ne nous as rien dit ! Tu es un petit cachotier ! » Alors, saint Jean lui dit : « Effectivement, j’ai senti cet amour fou dans le Cœur de Jésus, mais Dieu m’a confié la mission d’annoncer le Verbe fait chair. Quant aux secrets insondables de son Cœur, ils sont réservés aux temps où la charité se refroidira sur la terre. » Et donc, ça va être Marguerite-Marie Alacoque, qui va recevoir cette dévotion au Sacré Cœur. Et puis on va voir que cette dévotion va se concentrer, se cristalliser, s’incarner, si j'ose dire, autour du Christ Eucharistique. Puisque c’est le Cœur Eucharistique de Jésus qui va être la grande dévotion de la fi du XIXème siècle mais un peu brève, malgré tout. Et saint Pierre-Julien Eymard fait partie, avec tous ses amis, avec Émilie Tamisier, avec le Père Antoine Chevrier, avec le Curé d’Ars… Ils étaient tous copains, c’est incroyable, il y avait une collection de saints qui se côtoyaient et qui priaient ensemble qui était absolument extraordinaire, hein ! C’était les potes de Jésus qui s’étaient rassemblés et ils voulaient annoncer. Ça, c’est important, c’est une belle leçon, parce que dans des moments de tiédeur et de froideur, Dieu veut vraiment rassembler ses amis pour nous donner le feu et nous donner la grâce d’évangéliser. Et puis tout d’un coup, on va voir que quand on va plus profondément dans ce Cœur de Jésus, on a la Miséricorde et c’est sainte Faustine. Finalement, toute la révélation de sainte Faustine se joue autour de Jésus Eucharistie. Et je vous disais, hier soir, cette phrase qui me touche beaucoup : « Dis bien au monde entier qu’il n’y aura pas de paix sur la terre si l’on ne vient pas à ma Miséricorde. Et le trône de ma Miséricorde c’est le Saint Sacrement. » Donc : « Dis bien au monde entier qu’il n’y aura pas de paix si l’on ne vient pas au Saint Sacrement. » Et donc, les prophéties du Père Pierre-Julien Eymard sur la conversion de la France, de l’Europe, sur la nécessité absolue de l’adoration, sur la grâce de l’adoration pour transformer le monde qui est pris dans la tiédeur et dont les âmes se croient ferventes et qu’elles ne le sont pas, parce qu’elles n’ont pas établi leur trône en Jésus Eucharistie… eh bien !, c’est vraiment maintenant que ce temps est là. Il nous est donné maintenant. Et avec cette Miséricorde qui jaillit du Cœur de Jésus. Et pour moi, cette prophétie de Faustine et cette prophétie de saint Pierre-Julien Eymard, est aussi importante que celle de Fatima, voyez-vous. Quand Marie dit, en 1917, que si on ne va pas se convertir, une guerre plus grave encore éclatera sous le pontificat de Pie XI… On est encore à l’époque du pape Benoît XV, Pie XII arrivera en 1922 sur le siège de Pierre, il mourra en 1938 et c’est vrai que la guerre éclate sous le pontificat de Pie XI, juste avant son décès. Marie annonce cela en 1917, et donc, à part Marie et le Ciel, personne ne peut savoir le nom du prochain pape, et elle l’annonce clairement, avec un signe aussi cosmique, qui aura lieu au début de l’année 1938, une lueur dans le ciel qui se verra de manière assez extraordinaire dans le monde, un peu partout. Parce qu’on n’aura pas écouté Marie, on aura cette tragédie, voyez-vous. Toute prophétie est conditionnelle, soumise à la liberté des hommes. Ninive se convertit, l’Europe ne se convertit pas. Voilà. Et aujourd’hui, le pape François a beaucoup insisté sur le lien entre Fatima et Akita, et donc, c’est quelque chose d’assez important, ce lien entre Fatima et Akita. Notre-Dame d’Akita a été reconnu par l’Église en 1984 et 1988 par le cardinal Ratzinger à Rome, c’est chez les Servantes Eucharistique du Sacré-Cœur, en montrant qu’il faut prier Jésus Eucharistie. Donc, au cœur du renouveau du monde, au cœur du renouveau de notre vie personnelle, au cœur de la guérison du monde, il y a Jésus Eucharistie. Il fallait être fou de la part de Jésus, de se rendre présent dans cette vulnérabilité-là, vous voyez… Bien sûr, c’est Dieu transcendant qui est là, mais c’est le bébé de Marie, c’est le vrai corps que Marie a porté dans ses bras, c’est ce Jésus qu’elle a touché, qu’elle a caressé, qu’elle a pris, et Joseph, et le vieillard Siméon : « Oh qu’il est chou ce petit bébé ! » Et c’est l’émerveillement des bergers à la crèche, voyez-vous… C’est ça ! l’Eucharistie. Alors on a tellement pris de la distance avec l’Eucharistie… On ne dérangeait pas le ‘Divin Prisonnier’. « Interdiction… » Un prêtre a écrit à son évêque : « Interdiction de déranger le Divin Prisonnier. » À un moment donné on interdisait de le toucher avec les dents. Or, comme je l’ai dit hier, le mot ‘trogein’ en grec, c’est ‘broyer avec les dents en faisant du bruit’. Et on est arrivé à dire que c’est un péché mortel de toucher avec les dents l’Eucharistie. Mais comment a-t-on pu vouloir tenir à distance ce Dieu qui se fait si proche, jusqu’à se faire manger et « descendre dans les latrines de notre corps »[1]  ? (suite à retranscrire…)       

     

    [1] Voici le texte de Benoît XVI, citant S. Bonaventure : « Laissons-nous remplir à nouveau de cette joie : Où y a-t-il un peuple à qui Dieu est aussi proche que notre Dieu est proche de nous ? Si proche qu'il est l'un de nous, au point de nous toucher de l'intérieur. Oui, d'entrer en moi dans la Sainte Eucharistie. Une pensée qui peut être déconcertante. Sur ce processus, saint Bonaventure a utilisé, une seule fois, dans ses prières de Communion, une formulation qui secoue, qui effraie presque. Il a dit : "Mon Seigneur, comment a-t-il pu te venir à l'esprit d'entrer dans les latrines sales de mon corps ?". Oui, Il entre dans notre misère, il le fait avec conscience et il le fait pour nous pénétrer, pour nous nettoyer et pour nous renouveler, afin que, grâce à nous, en nous, la vérité soit dans le monde et le salut se réalise. »

     

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    P. Nicolas Buttet
    Fondateur de la Fraternité Eucharistein

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  • Au terme de sa vie, le 'chant' de S. Pierre-Julien Eymard

    À l’occasion d’une nuit d’adoration le vendredi 20 avril 2018 en la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre à Paris, organisée par M. Gino TESTA, du Groupe de prière de Padre Pio et animée par le P. Nicolas BUTTET, fondateur de la Fraternité Eucharistein, il m’a été demandé de participer le samedi 21 à une matinée studieuse où j’évoquerais la vie et la mission de S. Pierre-Julien EYMARD, en ce 150e anniversaire de sa mort.


    Plutôt que de reprendre un exposé biographique, j’ai pensé offrir aux participants le texte des trois méditations du 28 avril 1868 – 3 mois avant sa mort – de sa Retraite dite de Saint-Maurice (Essonne) du 27 avril – 2 mai 1868.

    Eymard Jeune Mariste ?.pngIl s’agit de notes personnelles : dans un texte concis il évoque, sous le signe de l’action de grâce, les grandes étapes de sa vie, de prêtre, de mariste, de fondateur. Sa vie singulièrement mouvementée – ‘J’ai été un peu comme Jacob, toujours en chemin, notait-il en 1865 – apparaît unifiée. D’emblée, il note la plus grande grâce de sa vie. Et comment les différents événements qu’il rappelle le conduisent à sa vocation d’adorateur et d’apôtre de l’Eucharistie. Toujours le Saint Sacrement a dominé, note-t-il également dans un autre texte.

    Non seulement le P. Eymard est au terme de sa vie, mais depuis le 21 mars 1865, date à laquelle il s’est engagé par vœu à faire le don de sa personnalité au Seigneur, il vit dans la nuit de l’esprit, sans consolation intérieure, aux prises avec de nombreuses difficultés, dans un abandon total au bon vouloir de Dieu. Les notes qu’il transcrit sont lourdes de cette ultime expérience spirituelle.

    St Pierre-Julien Eymard malade.jpgNous en devinons à mi-mots la profondeur. Il écrit ainsi le 30 avril : Quand les épreuves venaient du dehors ou du dedans, un quart d’heure devant le très Saint Sacrement me fortifiait, me rassérénait. Et aujourd’hui, des heures me laissent le cœur brisé. Au terme de sa retraite, à travers les orientations qu’il prend, il n’entend être tout simplement que le journalier de Dieu.

    La conférence a été enregistrée, ainsi que celle du P. Nicolas Buttet qui a suivi, par les soins des Bénédictines du Sacré-Cœur de Montmartre. La vidéo-Audio est sur ce lien et ci-dessus. La retranscription intégrale de l'enseignement du P. André Guitton est lisible sur ce lien : Le 'chant' du P. Eymard - Sa dernière retraite, son testament spirituel.

    Voici le texte des 3 méditations du 28 avril, tel que le P. Eymard l’a rédigé et tel qu’il est édité dans l’édition de ses Œuvres complètes.

     

    NR 45,2 [mardi 28 avril 1868] 2e jour

    de 6 h à 7 h

    1re méditation – À la très Sainte Vierge

    Grâces

    Que de grâces Dieu m’a faites jusqu’à ce jour !

    Comme il m’a aimé ! – À l’excès.

    Que m’a-t-il refusé ? – Rien.

    Que ne me donne-t-il pas à présent !

    Je l’aime peu, et il m’aime tendrement.

    Je le déshonore par ma vie, et il m’honore encore plus par ses dons et […].

    Je le sers si mal, et il me garde à son service, comme si j’étais un bon serviteur.

    Je suis si lâche et si infidèle à mes devoirs, à l’honneur de sa gloire, et il me laisse l’honneur et la puissance.

    Il m’a confié la gloire de sa Société. Hélas ! Je la vole, je la vends, cette gloire. Et il ne reste à mon Maître qu’un serviteur infidèle et un ministre paresseux.

    Qui de nous deux va se lasser ? Sera-ce moi ?

    Quelle a été la source de mon peu de correspondance à la grâce ?

    Je ne me suis jamais donné absolument, exclusivement.

    J’ai servi Dieu par gloire propre.

    J’ai servi Dieu pour mon amour-propre.

    Je n’ai jamais embrassé résolument et constamment la pratique de l’humilité de Jésus. J’ai voulu être quelque chose avec Lui, par Lui. Voilà le dernier mot du vieil homme en moi.

    Ô Marie ! Qui m’avez conduit et donné à Jésus, il faut maintenant me reconduire, me redonner à Jésus que j’ai perdu !

     

    NR 45,3

    2e jour – de 10 h à 11 h

    2e méditation – Foi eucharistique

    La plus grande grâce de ma vie a été une foi vive au très Saint Sacrement, dès mon enfance :

    – grâce de communion : le désir de ma 8e [année] : tout vers elle.

    – grâce de dévotion : visite journalière au très Saint Sacrement.

    – grâce de vocation : à Fourvière : Notre Seigneur est au très Saint Sacrement, seul, sans un corps religieux qui le garde, l’honore, le fasse glorifier ! Pourquoi ne pas établir quelque chose, un Tiers-Ordre, etc. à La Seyne (saint Joseph), grâce de donation, de fusion, de bonheur, et qui a duré jusqu’à l’approbation apostolique, si douce.

    – grâce d’apostolat : foi en Jésus. Jésus est là. Donc à Lui, pour [ou par] Lui, en Lui.

    Renouvellement

    J’ai bien demandé à Notre Seigneur de me renouveler dans cette grâce première. Jésus est là, seul, oublié des siens – stérile en son Sacrement.

    J’ai bien demandé la résurrection de cette grâce – de mon état si peiné, si triste, si désolé depuis trois ans.

    Oui, mon cœur a toujours aimé Jésus Hostie. Personne ne l’a eu ce cœur. Mais mon esprit, mais ma vie extérieure, mais mes rapports trop naturels, trop expansifs, voulant me faire louer de ma vocation, me consoler dans les âmes qui semblaient l’aimer, qui pouvaient le glorifier en moi : voilà le tombeau de cette grâce première.

    Oh ! Jésus ! Des profondeurs, je crie vers toi. [Ps 129,1]. – Ressuscite en moi la grâce première. [Reprends ta conduite première] [Cf. 2Tm 1,6 – Ap 2,4].

     

    NR 45,4

    2e jour – de 3h à 4h

    3e méditation – Vocation eucharistique

     

    Notre Seigneur m’a appelé à son service eucharistique malgré mon indignité.

    Il m’a choisi pour travailler à sa Société malgré mon incapacité et mon infirmité.

    Il m’a conduit de la mort, et par la mort, à la vie de la Société.

    Tout ce qu’on disait impossible est arrivé facilement, et à l’heure de Dieu.

    À Dieu seul, amour et gloire !

    2° Preuves de grâces :

    Dieu m’a conduit par degrés à sa Société. Il m’en montrait par fractions les sacrifices. Enfin, à La Seyne, il me les a tous demandés, jusqu’à la séparation [de la Société de Marie], – jusqu’à la croix, – jusqu’à l’abandon.

    Or, avec quel bonheur j’ai dit oui à tout, après cette bienheureuse messe ! Et Dieu a tout agréé, et conduit à bonne fin.

    – La douceur si grande, qui a duré tant d’années, et toujours croissante par l’Eucharistie, me dit le oui de Dieu.

    La force qui en sortait, comme le fruit de sa fleur, m’assure le cœur de Dieu.

    Puis :
    – les sacrifices de mort à la pensée de l’œuvre, lors de Rome (P. Favre)
    3.
    – La mort à la Société de Marie, si pénible.
    – La mort à la réception de l’Archevêque de Paris, après treize jours d’agonie
    4.
    – La mort au personnel quand, abandonné, tout seul.
    – La mort à Paris, quand le Cardinal voulait nous renvoyer (sainte Thérèse)
    5.
    – La mort par les sujets.
    – La mort à Rome, lors du Décret
    6.
    – La mort la plus sensible (séparation du premier [compagnon])
    7.
    – La mort à l’estime des Évêques par Nemours
    8.
    – des miens par…
    – de moi par les plus pénibles épreuves depuis le… au…

    Et cependant la vie suit la mort. C’est la voie de la Société et la mienne.

     

    NR 45,4.3 La rencontre à Chaintré le 22 avril 1856 avec le P. Favre, Supérieur général.

    NR 45,4.4 La rencontre avec Mgr D. Sibour le 13 mai 1856.

    NR 45,4.5 Le 15 octobre 1857, convocation du cardinal François Morlot qui lui demande les titres de l’approbation de l’institut.

    NR 45,4.6 Au mois de mai 1863, à Rome où une accusation calomnieuse l’atteint.

    NR 45,4.7 Le départ du P. de Cuers pour fonder son œuvre, en juin 1867.

    NR 45,4.8 La fermeture de la communauté des Servantes de Nemours au mois de mai 1867.

     

    [Extrait de La Retraite de Saint-Maurice – 27 avril – 2 mai 1868 – Œuvres complètes, vol. V, NR 45 , p. 391]

    Logo sss NEUF.jpg

     

    André Guitton, sss
    Chapelle Corpus Christi
    23 av. de Friedland - Paris 8

     

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  • Le Don de soi - à la suite de S. Pierre-Julien EYMARD

    Le Don de soi - Vœu + portrait.jpg

     

    #jubilépjeymard2018,chapellecorpuschristiparis8,andré guiton,eucharistie,adoration eucharistique,adoration,la france,st pierre-julien eymard,foi,christianisme,transmission,sacré cœur,Écologie humaine,vulnérabilitéIntroduction : Le Père Eymard est un passionné, épris de perfection et de sainteté. Sa retraite de première communion s’achève par cette assertion, Mon Dieu et mon tout. Dans sa retraite d’ordination sacerdotale, il est prêt à tout faire et à tout sacrifier pour Dieu. Novice mariste, il aspire à la sainteté et au martyre.

    Mais c’est comme fondateur qu’il découvre, en son cheminement personnel, la réalité du Don de soi. Nous en percevons la trace et le développement dans ses retraites de fondateur, de 1863, 1865 et 1868.

    C’est dans sa première retraite de Rome en 1863 qu’apparaît une réalité nouvelle. Il est allé à Rome pour présenter à Pie IX la demande d’approbation de son Institut. Il a remis ses documents à la Congrégation des Évêques et Réguliers, et tout va pour le mieux. Et puis il y a eu cette dénonciation calomnieuse concernant la communauté de Paris – comme si Religieux et Servantes cohabitaient ! – et il a fallu attendre quelque peu. Le P. Eymard profite de ce délai pour faire une retraite, du 17 au 24 mai, chez les Passionistes à Saints-Jean-et-Paul sur le Caelius, près du Colisée. En cette retraite, le P. Eymard est moins soucieux de sa Société que de lui-même. Je viens faire cette retraite, note-t-il, pour devenir un saint. Le gros travail de la Société est fait. Reste l’intérieur et ce sera le plus difficile – Je n’ai été qu’un homme extérieur. Au terme, il écrit : J’ai demandé le Saint-Esprit, non plus pour les autres, mais en moi. - J’ai compris enfin que Dieu aime mieux un acte de mon cœur, le don de ma personne, que tout ce que je puis faire au-dehors ; qu’un acte intérieur lui est plus glorieux et aimable que tout l’apostolat de l’univers. Et il conclut par cette singulière connaissance qu’il a reçue de lui-même : Hier, Notre Seigneur m’a montré une incroyable vérité, c’est que mon amour pour lui et la Société a été un amour de vanité. Depuis 1856, le P. Eymard s’est beaucoup dépensé pour fonder la Société du Saint-Sacrement, préparer les premières Servantes avec Marguerite Guillot, organiser l’œuvre de la Première communion des adultes à Paris, puis l’Agrégation du Saint-Sacrement à Marseille, établir une troisième communauté à Angers. Avec l’approbation des Religieux du Saint-Sacrement, son œuvre est établie de façon stable et durable. C’est l’extérieur. Reste l’intérieur, note-t-il, et ce sera le plus difficile.

    Cette première retraite de Rome est un prélude à la Grande retraite de Rome en 1865, où il recevra la grâce suprême du don de soi. 

     

    C H E M I N E M E N T   D’U N E   E X P É R I E N C E

    stPJEymard CoucConseils rouges.jpgContexte –
    Il importe de situer la Grande retraite de Rome dans son contexte. Brièvement. Après l’approbation de son Institut par Pie IX le 8 mai 1863, le P. Eymard se retire au mois d’octobre au château de Saint-Bonnet, près de Lyon, chez son ami M. Blanc de Saint-Bonnet. Là, il travaille, libre de toute autre activité extérieure, à la rédaction des Constitutions de ses Instituts religieux. Vers la fin de son séjour, il confie au P. de Cuers son projet d’établir une communauté au Cénacle à Jérusalem. Et il s’emploie sans tarder à le réaliser : premier envoi du P. de Cuers accompagné du Fr. Albert Tesnière à Jérusalem comme éclaireur au mois de janvier – mai 1864. Difficultés diplomatiques et autres. Second envoi du P. de Cuers au cours de l’été. Mais sans succès. Dès lors, il décide de se rendre lui-même à Rome pour suivre les démarches auprès du Saint-Siège. Alors qu’il pensait la chose aisée à régler, il perçoit dès son arrivée à Rome le 10 novembre 1864 que ce sera difficile. À plusieurs reprises, le cardinal Préfet lui répète : ‘On aurait dû commencer par acheter’ Il avait l’air de dire le fait accompli. [À de Cuers, 22 novembre 1864, CO 1486 ; IV,133]. Deux mois après son arrivée, les choses traînant, il entre en retraite chez les Rédemptoristes le 25 janvier 1865, en la fête de la Conversion de saint Paul.

    La Grande retraite de Rome est à situer dans ce contexte historique : une affaire à suivre en cour de Rome et une démarche personnelle qui l’engage personnellement.

    1- L’objet de sa retraite - Le P. Eymard ouvre sa retraite avec la question de l’Apôtre : Que veux-tu que je fasse ? L’objet de la question n’est pas le Cénacle, mais lui-même : Ne travailler qu’à ma sanctification personnelle, par exclusion absolue de toutes personnes et choses – Être tout entier à la grâce du moment et à elle seule. – La retraite constitue une extraordinaire quête de lui-même, sous l’action de l’Esprit Saint. Il se met dans une disponibilité totale à l’action de Dieu en lui. Il n’y a pas de plan préconçu. Les thèmes surgiront selon les temps liturgiques et les inspirations du moment.

    Ce thème de la recherche de la volonté de Dieu est développé dans la 3e méditation du 2e jour. On peut noter l’expression qui revient en de multiples occasions : J’ai vu – dans une grande ET lumineuse vérité, qui révèle que c’est sous l’action de l’Esprit Saint qu’il se découvre lui-même. Voici ce texte :

    J'ai vu dans ma méditation souffrante de corps et d'âme, une grande et lumineuse vérité, qui est la clé de ma vie, que j'avais aperçue quelquefois, mais en courant et comme en en ayant peur. C'est que je n'ai dit le Domine quid me vis facere [Ac 9,6] que pour la grandeur, la gloire du service de Dieu, que pour l'amour de gloire de Notre Seigneur, que pour son triomphe par le zèle, par le succès de son culte. - Pour mieux dire ma pensée, j'ai aimé Notre Seigneur et son service comme le serviteur d'un grand roi, […] un amour de Dieu de vanité. – […] Le moi s'est glissé en tout, est devenu mon langage, mon sentiment délicat jusque dans le soin des âmes, dans les œuvres de Dieu [NR 44, 4 : V,253].

    Telle est l’ouverture de la retraite, comme le prélude, qui va se développer avec une grande liberté.

    2- Le fil rouge : se donner – Très rapidement, apparaît le thème qui va se développer tout au long de sa recherche. Le 29 janvier, il choisit comme thème de sa méditation : Comment je me suis donné à Notre Seigneur. Il découvre qu’il ne s’est donné au service du Seigneur que par vanité. Et il se demande : 

    Qu'est-ce qu'il me faut ? Me donner à Jésus-Christ, et le servir par le don, l'holocauste de moi-même. C’est toi que je veux, et non tes dons [cf. Im 4, 8: 3]. Notre Seigneur m'a fait comprendre qu'il préfère le don de mon cœur à tous les dons extérieurs que je pourrais lui faire, quand [bien] même je lui donnerais les cœurs de tous les hommes, sans lui donner le mien. Mon fils donne-moi ton cœur [Pr 23,26] [NR 44,8 ; V,226]. 

    Voilà une méditation qu’il juge fondamentale.

    3- Un jalon sur la route du Cénacle : Le jour anniversaire de son baptême, le 5 février, il médite sur la grâce reçue en ce jour béni – une recréation en Notre Seigneur, en Jésus Christ, mais en Jésus Christ crucifié. Sa 3e méditation sur La chair, ennemie de l’Esprit Saint s’achève par cette réflexion : 

    Ce qui m'a fait du bien, c'est de comprendre qu'un acte de mépris sur moi rendrait plus de gloire à Dieu que le succès de la Société par moi, ou même du Cénacle, parce que ce serait le cénacle en moi, et la gloire de Dieu en moi – ce que Dieu préfère à tous les hommages que je lui ferais sans moi, en dehors de moi. Voilà une royale vérité [NR 44, 23 ; V,271].

    Il ne s’agit plus de faire quelque chose – même à la limite de transformer le Cénacle en sanctuaire d’adoration – mais bien de devenir comme un cénacle, d’être.

    4- Le Don en sa totalité – Dare totum pro toto – À bien des reprises, le Père Eymard renouvelle le don qu’il a fait de lui-même au Seigneur, mais, semble-t-il, de façon fragmentaire. Le 16 février, après une nuit difficile - Pauvre et triste nuit. Ai-je souffert ! note-t-il, il écrit :

    En me réveillant ce matin, plusieurs fois cette pensée de l'Imitation m'est venue : Il est étrange [Mirum] que vous ne vous abandonniez pas à moi du fond du cœur, avec tout ce que vous pouvez désirer ou posséder. - En me levant, je me suis prosterné jusqu'à terre et ai demandé lumière et grâce. Notre Seigneur m'a bien récompensé de m'être levé plus tôt, et malgré la fatigue de la nuit. - J'ai cherché le chapitre de ce mirum ! C'est le 27e du 3e livre [Im 3, 27: 7]. J'y ai lu : Il faut mon fils, que vous vous donniez tout entier pour posséder tout, et que rien ne soit à vous-même. […] Nul lieu n'est un sûr refuge (retraite Salaise), si l'on manque de l'esprit de ferveur ; et cette paix qu'on cherche au-dehors ne durera guère, si le cœur est privé de son véritable appui, c'est-à-dire si vous ne vous appuyez pas sur moi. Vous changerez, et vous ne serez pas mieux. – Soutenez-moi, Seigneur, par la grâce de l'Esprit Saint. Fortifiez-moi intérieurement de votre vertu […]. – Donnez-moi, Seigneur, la sagesse céleste, afin que j'apprenne à vous chercher et à vous trouver, à vous goûter et à vous aimer par-dessus tout […] Voilà tout le secret trouvé ! - Donner à Notre Seigneur mon moi sans condition. Je l'ai donné, je l'ai juré devant le très saint Sacrement à la consécration. […] Renouveler mon don du moi, comme ma respiration. [..] Totus tuus – Vous êtes tout à moi, et je suis tout à vous [Im 3, 5: 24] [NR 44, 42 ; V,288].

    Le P. Eymard franchit une nouvelle étape dans sa découverte du ‘Don’ : c’est la notion de ‘totalité’ : à la suite du Christ qui s’est donné sans réserve, le Père se consacre totalement à lui lors de la célébration de l’Eucharistie à la consécration.

    5- Sois à moi dans mon SacrementLe 21 février, il médite sur son ‘Service eucharistique’,

    Il perçoit une double exigence : personnelle, faire son devoir d’adorateur, comme tout autre religieux, et concernant sa communauté, rendre ses frères de bons religieux, de bons adorateurs. Au terme de l’examen qu’il fait sur sa conduite, il reçoit une nouvelle lumière. Il note :

    À la fin de ma méditation, une très belle pensée m'est venue, assurément de la miséricorde de Notre Seigneur. Je lui demandais comment il me voulait à son service. Et alors, il me semble entendre cette parole : “Sois à moi, dans mon sacrement, comme j'ai été à mon Père dans mon incarnation et ma vie mortelle.” Cette pensée m'a vivement frappé. J'en ai remercié ce bon Maître. Et je me suis donné de nouveau à lui, pour être tout à lui comme il était à son Père. Mais comment Jésus est-il à son Père dans sa vie divine de Verbe, comment était-il à son Père dans sa vie mortelle, comment est-il à son Père en sa vie sacramentelle, voilà ce que je dois examiner, répéter en moi.

    Oh ! quelle belle pensée ! Je dois être à Jésus ce que Jésus est à son Père : Moi en eux et toi en moi [Jn 17,23]. – Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez en mon amour [Jn 15,9]. C'est le [Ce n’est plus moi qui vis,] mais le Christ qui vit en moi [Ga 2,20] de saint Paul.

    Mais prions pour voir cette vérité, et nous y livrer corps et biens [NR 44, 57 ; V,304].

    Un mois avant la grâce du don de la personnalité, la pensée du P. Eymard s’oriente vers le mystère de l’incarnation du Christ et la situation concrète du Père dans sa vocation eucharistique.

    6- Dans un temps d’épreuves extrêmes

    St Pierre-Julien Eymard malade.jpgLa Grande retraite de Rome constitue un temps d’épreuve.

    D’abord, du fait du long délai qui lui est imposé dans l’attente d’une réponse à sa question. Le P. Eymard savait d’expérience qu’à Rome les choses trainent en longueur. Un moment, il avait pensé à regagner Paris. Mais il s’était repris. Si à Rome on ne pousse pas, si on n‘est pas là, c’est long, avait-il écrit au P. de Cuers le 2 décembre 1864 [CO 1490 ; IV,139] et il était resté. Les autres activités attendraient.

    Du fait surtout de ses relations avec le P. de Cuers, de plus en plus tendues. Nous ignorons les reproches qu’il reçoit de son premier compagnon, mais le 9 mars, dans sa 3e méditation sous le titre Tempêtes, il ne peut s’empêcher d’exhaler sa souffrance :

    Oh Dieu ! quelle tempête m'a assailli pendant une heure ! Que n'a pas pensé mon imagination, mon esprit agité, sévère ! Ma volonté en était presque fiévreuse. Mon cœur, cependant, est resté sans aigreur, sans idée de vengeance, ou plutôt de mesure de rigueur contre ce que je croyais de contraire à l'esprit de soumission + + +, et un faux principe en ce cher confrère, qui n'y voit pas plus loin que ses vieilles idées [NR 44,91 ; V,336].

    Cet état de souffrance durera plusieurs jours avant qu’il n’acquiesce le 20 mars, dans sa 3e méditation, Croix :

    J'ai offert les trois croix d'aujourd'hui, qui étouffaient mon cœur et brisaient mon âme. Pour la première fois, j'ai accepté, je me suis mis à la disposition du silence, de la patience, de l'abandon entre les mains de Dieu. […] Il faut prier, patienter, bénir Dieu et voilà tout. – Voir surtout le bien, le juste, le vrai de la croix ! [NR 44, 117 ; V,368].

    Le lendemain, dans sa 1e méditation sous le titre de Croix des saints, il poursuit sa méditation sur le même thème en évoquant l’exemple des saints, apôtres et fondateurs notamment :

    Il n'y a pas de saint qui n'ait été crucifié par le monde, – qui ne se soit crucifié, – que Dieu n'ait crucifié d'une manière admirable. - Ce sont surtout les saints Apôtres, les fondateurs des familles religieuses qui ont le plus souffert. - Fonder, c'est creuser la terre de son cœur, tailler des pierres, les marteler, les cimenter, les unir, leur ôter leur état brut, les polir, leur ôter leur liberté et même leur forme. [Nr 44, V ; 118,369].

    À l’image de la construction onéreuse, - il faut creuser la terre de son cœur -, il joint celle d’un accouchement douloureux, d’une naissance nouvelle, à la suite de s. Paul - Mes petits enfants, vous que j’enfante à nouveau dans la douleur. Dans cet état de déréliction, il s’abandonne à Dieu :

    Mon Dieu ! me voici, avec Jésus au jardin des Olives. Voulez-vous que tous m'abandonnent ? que tous me renient ? que personne ne me reconnaisse plus ? que je sois comme une charge, un embarras et une humiliation ? - Me voici, Seigneur. Brûle, taille-moi, dépouille-moi, humilie-moi. Donne-moi seulement aujourd'hui ton amour avec ta grâce, et demain la croix avec l'épreuve. Mais que je sois ton escabeau à toi, qui es présent dans la sainte hostie [NR 44,118 ; V,370].

     

    7- Le don de sa personnalité


    C’est alors qu’il reçoit, durant l’action de grâce de sa messe, comme une réponse à sa longue attente, le don de la personnalité. C’est un texte que nous ne cesserons jamais de méditer :

    Le Don de soi - Vœu + portrait.jpg
    Action de grâces

    À la fin, j'ai fait le vœu perpétuel de ma personnalité à Notre Seigneur Jésus-Christ, entre les mains de la très sainte Vierge et de saint Joseph, sous le patronage de saint Benoît (sa fête) : rien pour moi, personne, et demandant la grâce essentielle, rien par moi. Modèle : Incarnation du Verbe.

    Or, comme par le mystère de l'Incarnation, l'humanité sainte de Notre Seigneur a été anéantie en sa propre personne, de sorte qu'elle ne se cherchait plus, elle n'avait plus d'intérêt particulier, elle n'agissait plus pour soi, ayant en soi une autre personne substituée, [à] savoir celle du Fils de Dieu, qui recherchait seulement l'intérêt de son Père, qu'il regardait toujours et en toutes choses ; de même, je dois être anéanti à tout propre désir, à tout propre intérêt et n'avoir plus que ceux de Jésus-Christ qui est en moi afin d'y vivre pour son Père. Et c'est pour être ainsi en moi qu'il se donne dans la sainte communion. De même que le Père qui est vivant m’a envoyé, moi aussi je vis par le Père, et celui qui me mange vivra lui aussi par moi [Jn 6,57].

    C'est comme si le Sauveur disait : en m'envoyant par l'Incarnation, le Père m'a coupé toute racine de recherche de moi-même, en ne me donnant pas la personne humaine, mais en m'unissant à une personne divine, afin de me faire vivre pour lui ; ainsi, par la communion, tu vivras pour moi, car je serai vivant en toi. Je remplirai ton âme de mes désirs et de ma vie qui consumera et anéantira en toi tout ce qui est propre. Tellement que ce sera moi qui vivrai et désirerai tout en toi, au lieu de toi. Et ainsi, tu seras tout revêtu de moi. Tu seras le corps de mon cœur ; ton âme, les facultés actives de mon âme ; ton cœur, le réceptacle, le mouvement de mon cœur. Je serai la personne de ta personnalité, et ta personnalité sera la vie de la mienne en toi. – Je vis, mais ce n’est plus moi. C’est le Christ qui vit en moi [Ga 2,20] [NR 44, 120 ; V,371].

    Le premier paragraphe relate l’événement de façon précise et sobre. Il est suivi d’une citation tirée du Catéchisme de la vie intérieure de Monsieur Olier, qui en explicite le contenu.

    Le lendemain, en sa 1ère méditation, il développe le contenu de ce don dans sa méditation sur L’union de Notre Seigneur :

    J'ai médité sur l'union de Notre Seigneur avec nous, union qui doit être la vie de mon vœu de personnalité. – Absque sui proprio [sans rien qui lui appartienne].

    Pourquoi Notre Seigneur désire-t-il tant cette union ? Pourquoi la demande-t-il ? Car [?] cette union est[-elle] possible, convenable et utile à Notre Seigneur ?

    Notre Seigneur désire cette union pour mieux glorifier son Père sur la terre, en s'incarnant en quelque sorte dans chaque chrétien, afin d'en devenir comme la personnalité divine et continuer sur ce chrétien uni ce que sa personne divine fit sur les actions de sa propre nature humaine, – de les élever par la dignité divine de sa personne et par la force et la puissance de cette union jusqu'au mérite divin, jusqu'à les rendre des actions divines.

    C'est donc Notre Seigneur qui veut revivre en nous, et continuer par nous la glorification de son Père comme en ses membres, afin que le Père céleste ait pour agréables toutes nos actions propres, – que, les voyant et les recevant de son divin Fils notre Sauveur, il y trouve ses complaisances et qu'ainsi il vive et règne en chacun des hommes, comme en autant de membres de Jésus-Christ, – et par cette vie et ce règne soit paralysé et détruit le règne du démon son ennemi, – qu'il reçoive de toutes les créatures et de la création, le fruit d'honneur et de gloire qui lui est dû [NR 44, 121 ; V,372].

    8 – En conclusion

    Le 29 mars, le P. Eymard apprend que sa demande concernant le Cénacle est rejetée. Il s’était préparé à cette éventualité dans une méditation la veille sur l’Abandon : Comme acte d’abandon, je me suis bien abandonné à la sante volonté de Dieu pour la décision à recevoir demain… Je me suis bien mis dans le bon plaisir de Dieu [NR 44, 135 ; V,386].

    Il acquiesça en silence et demanda la grâce, le don, la vertu de force - Force qui vient de l’amour – L’amour est fort comme la mort - . Mais cet amour pur, qui fut celui de l’incarnation par le sacrifice du moi humain en Notre Seigneur [R 44, 138 ; V,389].

    Ainsi s’achève la Grande retraite de Rome. Humainement, c’est l’échec. Mais le P. Eymard quitte Rome avec une réalité autre, qu’il avait entrevue le 5 février 1865, le cénacle en moi, et la gloire de Dieu en moi ce que Dieu préfère à tous les hommages que je lui ferais sans moi, en dehors de moi. Voilà une royale vérité [NR 44, 23 ; V,271].

     

    QUELQUES REMARQUES

    1- Le Don de soi, tel que l’a vécu – et le propose – le P. Eymard est l’épanouissement de la grâce baptismale, en sa dimension plénière. Il en va de même pour l’Eucharistie, célébrée et vécue en sa plénitude, réalisant ainsi la parole qu’il avait reçue le 21 février : “Sois à moi, dans mon sacrement, comme j'ai été à mon Père dans mon incarnation et ma vie mortelle.

    2- Dans la tradition de l’École française de spiritualité du 17e s. le point de départ est l’Incarnation du Verbe et sa vie mortelle. En réalité, c’est dans le mystère pascal que le Christ réalise pleinement le don de lui-même à son Père, comme il l’exprime dans la prière ‘sacerdotale’ du chap. 17 de l’évangile de s. Jean : Pour eux, je me consacre moi-même, afin qu’ils soient consacrés par la vérité. (Jn 17, 19). Aussi bien est-ce en cette eucharistie du 21 mars que le P. Eymard reçoit cette grâce et fait le vœu de vivre dans cette dépendance entière du Christ ressuscité, avec le double aspect d’anéantissement à son moi égoïste, de dépouillement du vieil homme – ce n’est plus le moi – et de revêtement du Christ à la gloire du Père – c’est le Christ qui vit en moi. C’est la communion eucharistique qui signifie de la façon la plus expressive cette ‘union de société’ selon le terme du P. Eymard, et la réalise. Entre Incarnation et Communion, il y a le mystère de la Croix glorieuse.

    3- Cette grâce ne saurait se mériter : elle est pur don de Dieu. Il s’agit d’une grâce transformante qui opère souverainement en celui qui la reçoit et l’introduit dans la vie unitive des mystiques. Dans son acte d’abandon du 29 mars, le P. Eymard s’est mis dans le bon plaisir de Dieu. Sur le chemin qui le ramène à sa communauté de Paris, il fera une halte à Lyon et partagera, les seules sans doute, avec Mme Natalie Jordan et sa fille Mathilde quelque chose de son expérience romaine. Par la suite, il donnera à ses communautés, tant des religieux que des Servantes, un enseignement sur le don de la personnalité, en soulignant sa spécificité – peu l’ont enseigné leur dira-t-il, - et son lien avec une vie pleinement eucharistique, Retraites aux Servantes à Nemours au mois de novembre 1866, - aux Religieux de Paris au mois d’août 1867.

    4- Le P. Eymard a vécu cette dernière période de sa vie au milieu de mille difficultés, qu’il énumère en sa dernière retraite à Saint-Maurice. Il vit alors dans la foi pure, sans aucune consolation, avec la seule certitude de sa foi et de son amour.

    Dans son exhortation apostolique La joie et l’allégresse sur la sainteté, qui vient de paraître, le pape François conclut son exposé avec cette double attitude de l’écoute et du don. Nous pouvons penser à Pierre-Julien enfant, caché derrière le tabernacle de l’autel à La Mure : Je suis près de Jésus et je l’écoute. Puis au fondateur, au sommet de son ascension spirituelle à Rome, dans ce don total de lui-même : Rien pour moi, personne. Rien par moi.- « Lui [Dieu] qui demande tout donne également tout et il ne veut pas entrer en nous pour mutiler ou affaiblir mais pour porter à la plénitude », selon les termes du pape François (n° 175).

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    André Guitton, sss
    14 avril 2018
    Chapelle Corpus Christi, Paris 8

     

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    du #JubiléPJEymard2018
    Comprendre l’Eucharistie dans sa totalité avec St Pierre-Julien Eymard         

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    Adorateurs en esprit & en vérité avec Notre-Dame du Saint-Sacrement.
    Depuis enfant, la Vierge Marie occupe une place importante dans la vie de Pierre-Julien.
    À 13 ans, il fait son second pèlerinage, seul et à pied (80km) à Notre-Dame du Laus.
    Elle le guidera fortement dans sa vocation sacerdotale, puis de religieux Mariste.
    Il choisira le vocable "Notre-Dame du Saint-Sacrement" pour la fête de la fondation de la Congrégation (13 mai 1856).
    Jusqu'à ses derniers instants elle sera là : Notre-Dame de La Salette à son agonie.
    En cette 5ème et avant-dernière catéchèse nous nous attacherons à son parcours saint avec la Vierge.
    L'adoration eucharistique qui suivra prendra la forme d'une méditation dévoilant l'intitulé de la catéchèse.

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    Neuvaine à Notre-Dame du Saint-Sacrement avec le P. Eymard
    26 mai - 3 juin (Solennité du St-Sacrement)

    Avec Hozana et la communauté de prière Saint-Pierre-Julien Eymard — Chapelle Corpus Christi Paris 8

     

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  • Repartir du Cénacle — Rallumer la passion pour notre Mission Eucharistique

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    REPARTIR DU CÉNACLE

    RALLUMER LA PASSION POUR NOTRE MISSION EUCHARISTIQUE

    La Mure, été 1865 et 2014Logo sss NEUF.jpg
    Statue P. Eymard génuflexion.jpg

    L’été à La Mure nous réserve toujours des surprises. Une surprise inattendue mais désirée est l’arrivée du père Eymard, ”lou paourou de Dieu” (”le pauvre de Dieu”), comme les gens l’appellent ici en patois. Sa parole attire, tout le monde aime l’écouter et le rencontrer parce qu’il est resté simple et proche de tous. Cette année il me semble plus fatigué que d’habitude. C’est pour cela que dans un premier moment je n’ai pas osé l’approcher. Mais une lumière particulière, qui brillait dans ses yeux, a vaincu la crainte de le déranger. Je lui ai proposé une petite ballade. Nous avons gardé longtemps le silence. Finalement un mot est sorti de ses lèvres et cela a permis le dialogue.

     

    Pierre-Julien : Oh, le Cénacle !

    Manuel Barbiero : Le Cénacle ?

    P.J. : Oui, le Cénacle… c’est un mot qui me fait toujours rêver, plein de suggestions, il me parle d’un lieu aimé et désiré.

    M.B. : Tout le monde sait que l’année dernière, au mois de novembre, tu es parti à Rome pour traiter la grande affaire du cénacle de Jérusalem, et que malheureusement la question n’a pas eu un grand succès.

    P.J. : En effet je rêvais de fonder une communauté à Jérusalem, dans le cénacle même, si cela était possible. Mais pour moi le Cénacle ce n’est pas seulement celui de Jérusalem.

    M.B. : Ton idée a traversé les siècles. Aujourd’hui, notre Congrégation a pris comme slogan « repartir du Cénacle ».

    P-J. EYMARD Portrait n&b.jpegP.J.
    : J’ai entendu cela. Mais je ne voudrais pas qu’on se trompe au sujet du Cénacle. Pour moi le Cénacle, ce « cher Cénacle », a représenté un véritable appel, une vocation. Le Cénacle est le lieu où Jésus a institué l’Eucharistie et révélé les richesses de son amour pour nous ; c’est le lieu de la foi et de l’amour. Il est aussi le lieu où les disciples, réunis avec Marie, priaient attendant l’Esprit Saint, qui est descendu avec puissance. C’est le lieu où, après la Pentecôte, les premiers disciples se réunissaient assidus à l’enseignement des apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières. Du Cénacle les apôtres, craintifs et renfermés, sont sortis, avec un courage nouveau, pour convertir le monde. À partir de ce moment-là le feu de la Pentecôte, ne s’est plus éteint. Il a donné aux apôtres la puissance de leur mission.

    Père Manuel Barbiero.jpgM.B. : Ce que tu viens de dire me rappelle ce que notre Pape François a dit lors de son pèlerinage en Terre Sainte, le mois de mai dernier (2014), quand il a célébré la messe dans la salle du Cénacle à Jérusalem. Lui aussi a parlé du Cénacle comme le lieu de la dernière Cène et de la descente de l’Esprit Saint sur Marie et sur les disciples. Le Cénacle, a dit le Pape, nous rappelle le service, le lavement des pieds que Jésus a accompli, comme exemple pour ses disciples ; il nous rappelle, avec l’Eucharistie, le sacrifice. Dans chaque célébration eucharistique, Jésus s’offre pour nous tous au Père, pour que nous aussi nous puissions nous unir à Lui, en offrant à Dieu notre vie, notre travail, nos joies et nos peines. Le Cénacle nous rappelle l’amitié, le partage, la fraternité, l’harmonie, la paix entre nous. Le Cénacle enfin nous rappelle la naissance de la nouvelle famille, l’Église. À cette grande famille sont invités tous les enfants de Dieu de tout peuple et de toute langue, car tous frères et enfants de l’unique Père qui est dans les cieux.

    #jubilépjeymard2018,chapellecorpuschristiparis8,manuel barbiero,eucharistie,adoration eucharistique,adoration,la france,st pierre-julien eymard,foi,christianisme,transmission,sacré cœur,Écologie humaine,vulnérabilitéP.J. : J’aime fort bien ce que le Pape a dit au sujet du Cénacle. Mais il y a un aspect qui me tient à cœur. Moi, je rêvais de pouvoir célébrer la messe dans le Cénacle, d’y exposer le Saint Sacrement, mais Dieu avait d’autres projets pour moi. À Rome, lors de cette grande affaire qui, comme tu le disais tout à l’heure, n’a pas aboutie, j’ai fait une grande découverte.

    M.B. : Peux-tu me raconter ce que tu as vécu à Rome ?

    P.J. : Je ne pensais pas que mon affaire aurait trainé si longuement. J’ai alors décidé de faire une retraite. Elle a duré 65 jours. Pendant cette retraite j’ai eu la grâce de comprendre ce que Dieu voulait vraiment de moi : le don de ma personnalité. J’ai compris, et cela grâce à un don de Dieu et à l’action de l’Esprit Saint, qu’on peut donner à Dieu tous les cœurs de tous les hommes de la terre, qu’on peut faire des grandes choses, mais si on garde pour soi son propre cœur, si on ne le donne pas totalement à Dieu, on n’a rien fait. Dieu m’a révélé un autre cénacle, le Cénacle intérieur. Comprends-tu cela ?

    M.B. : Qu’est-ce que c’est plus précisément ce Cénacle intérieur ?

    P.J. : C’est le Christ qui a envahi totalement ma vie ; il voulait vivre en moi, se former en moi, grandir en moi, pour me faire partager jusqu’au bout son mystère pascal, mystère d’abaissement et de gloire infinis. Il voulait me faire partager son amour pour son Père et pour tous les hommes. Au fur et à mesure que le Christ prenait progressivement forme en moi, je me suis rendu compte que ce n’était plus moi qui vivait, mais lui, le Christ vivait en moi. Il était devenu mon conseiller, ma force, ma consolation, mon centre d’amour.

    M.B. : Pendant que le père Eymard parlait, je retenais mon souffle, tellement ce qu’il disait était fort et beau. Finalement j’ai osé un mot : comment y arriver ?

    P-J. EYMARD Portrait n&b.jpegP.J. : Il faut un amour de noble passion, qui enlève tout d’un coup, qui donne tout d’un trait, un amour fort comme la mort. J’ai découvert, comme à nouveau et d’une manière plus profonde, que Dieu m’aime, moi, personnellement, d’un amour de bienveillance, d’un amour infini et éternel. Et l’amour veut l’union, il ne veut pas être heureux seul, l’amour fait l’identité de vie. L’amour, en effet, désire devenir une seule chose avec la personne aimée, sans séparation ni distinction, sans perdre pour autant sa propre identité. J’ai accepté de demeurer dans cet amour, en toute simplicité, comme un enfant. Le Cénacle intérieur est aussi le fait de demeurer en Jésus Christ, dans son amour, dans l’intimité, cœur à cœur avec lui. Le Cénacle intérieur est le Règne de Dieu en nous. Je me suis mis et remis entièrement sous l’action de l’Esprit Saint, afin de me laisser conduire par lui, façonner par lui. C’est l’Esprit Saint qui m’a conduit à faire ce don. Le même Esprit qui a opéré l’incarnation de Jésus Christ en Marie, qui rend présent le Christ sur l’autel et qui le vivifie en chacun de nous. C’est l’Esprit qui fait que nous devenons « Celui que nous avons reçu ».

    M.B. : Tu me sembles fatigué, mais je vois une grande lumière briller dans tes yeux et une force extraordinaire habite tes paroles.

    P.J. : Mon cher ami, je vois bien aujourd’hui : Donnes tout pour trouver tout. Donnes jusqu’à la mort, à la gloire du Christ. Une parole de saint Ignace martyr m’a saisi : Je suis le froment du Christ ; et j’ai ajouté : Que je sois moulu par la mortification, que je sois cuit au feu de l’amour, pour que je devienne un pain pur.

    M.B. : Mais finalement est-ce que tu peux me dire en quoi ta vie a changé ? qu’est-ce qui s’est produit ?

    P.J. : Rien d’extraordinaire extérieurement, si tu veux ; mais à partir du moment où j’ai fait le vœu de ma personnalité, j’ai senti que toute ma personne devenait comme un pain nouveau pour mes frères. Ce que Jésus avait annoncé dans l’évangile de St Jean - qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui, et il vivra pour moi - se réalisait vraiment.

    M.B. : Est-ce que tu peux m’expliquer un peu mieux ce que cela veut dire pour toi ?

    #jubilépjeymard2018,chapellecorpuschristiparis8,manuel barbiero,eucharistie,adoration eucharistique,adoration,la france,st pierre-julien eymard,foi,christianisme,transmission,sacré cœur,Écologie humaine,vulnérabilitéP.J. : Je ne sais pas si j’arrive à me faire comprendre, mais je me suis trouvé comme établi dans une relation nouvelle avec Jésus Christ, dans une relation stable, une union d’amour et d’amitié tellement forte que par cette union mes actions devenaient en quelque sorte les actions de Jésus Christ. La vie de Jésus, ses pensées, ses sentiments, ses désirs, sa manière d’agir me pénétraient et devenaient mes pensées, mes sentiments, mes désirs. À Rome, pendant l’action de grâces de ce jour béni (le 21 mars 1865), j’ai comme entendu Jésus me dire : « Tu seras le corps de mon cœur ; ton âme, les facultés actives de mon âme ; ton cœur, le réceptacle, le mouvement de mon cœur ». Donc, Jésus Christ vivait et agissait en moi, tout à la gloire de son Père.

    M.B. : Jésus vit et agit en toi ! Peut-il vivre en chacun de nous ?

    P.J. : Est-ce que tu arrives à comprendre le fait que le Christ est en nous, vit en nous ; que nous devenons un autre Jésus Christ ? que par nos actions, nos paroles, nos comportements c’est le Christ qui transparait et se communique ?

    M.B. : Ce que je comprends c’est que Jésus Christ, pour toi, est devenu vraiment le centre de ta vie, le tout de ton existence.

    P.J. : Oui, tu as compris l’essentiel. Jésus Christ m’attire sans cesse vers cette vie d’union, Il veut être toute ma vie, Il veut me sanctifier et me faire vivre de sa vie. C’est pour cela que j’ai pris la décision de lui laisser le gouvernement de mon existence, de me mettre sous sa conduite, pour vivre de son esprit. En lui je trouve tout : la vie, le mouvement et l’être ; Jésus Christ est mon maître intérieur, l’hôte de mon âme et de mon corps, mon guide, mon modèle. En un mot : le Dieu de mon cœur. Je l’aime et je veux lui ressembler en tout, avoir les mêmes sentiments que lui, m’identifier à lui.

    M.B. : Pierre-Julien, et notre personnalité, qu’est-ce qu’elle devient ?

    St Pierre-Julien Eymard malade.jpgP.J. : Ce vœu de la personnalité, pour moi est le plus grand, le plus saint de tous les autres, c’est le vœu du moi, et du moi libre de se redonner toujours. Il ne faut pas avoir peur de se donner. Tu as vraiment ce que tu donnes, c’est une loi évangélique, c’est le mystère pascal, le passage de mort et de résurrection qui s’actualise en nous. Je ne perds rien, mais tout ce qui constitue mon humanité - pensées et sentiments, paroles et actes -, tout devient plus noble, plus beau, plus divin. L’union avec notre Seigneur fait notre dignité, nous devenons quelque chose de sacré, de saint. Jésus valorise toute notre humanité, il la divinise. En Jésus Christ je me sens bien à l’aise, comme chez moi. En lui je trouve la grâce, la liberté, la paix, la vie, l’union à Dieu. Celui qui se confie librement au Christ ne perd pas son identité mais devient homme au plein sens du terme.

    M.B. : Ce que tu vis me semble correspondre à ce qui a été affirmé par le Concile Vatican II : quiconque suit le Christ devient lui-même plus homme ; l’homme ne peut pleinement se trouver que par le don désintéressé de lui-même.

    P.J. : C’est bien cela. C’est l’Eucharistie qui rend possible, jour après jour, notre transfiguration progressive, nous sommes appelés par grâce à être à l’image de Jésus Christ. Toute notre vie devient une extension de la vie du Christ ; et ma vie, grâce à l’Eucharistie, trouve la forme appropriée pour être une vie vécue en plénitude. À travers le don de nous-mêmes le Christ est glorifié en nous ; nous devenons la vraie gloire que le Père désire, l’homme nouveau recréé dans le Christ.

    Père Manuel Barbiero.jpgM.B. : Ce que tu dis fait jaillir en moi comme un fleuve de pensées. Je comprends que quand je reçois ou je contemple Jésus le Pain de la Vie, je suis devant la source de la bonté, de l’humilité, et que grâce à l’amour qui désire ressembler à la personne aimée, cette même bonté et humilité entrent en moi. Le Pape Benoît XVI a dit, une fois, aux jeunes : « En participant régulièrement et avec dévotion à la Messe, en prenant de longs temps d’adoration en présence de Jésus Eucharistie, il est plus facile de comprendre la longueur, la largeur, la hauteur, la profondeur de son amour, qui surpasse toute connaissance. En partageant le pain eucharistique avec nos frères de la communauté ecclésiale, nous sommes poussés à concrétiser en hâte l’amour du Christ dans un généreux service envers nos frères ». J’ai une question. Ce que tu as vécu, est-ce que moi aussi je peux le vivre ? est-ce que ton expérience est réservée à une catégorie privilégiée de personnes ou d’autres peuvent-elles la vivre ?

    P.J. : Le vœu de la personnalité, le don de soi, pour moi représente la grâce de la sainteté par l’Eucharistie, la clé de notre vie, une voie nouvelle, la vertu caractéristique que je veux proposer à tous ceux qui partagent mon idéal de vie. Je te fais une confidence. Quand je suis rentré en France, c’est avec la famille Jordan que j’ai partagé ce que j’avais vécu à Rome. Mme Nathalie et sa fille Mathilde ont bien compris et bien accueilli la grâce que Dieu m’avait faite ; elles y ont adhéré de tout leur cœur.

    M.B. : Qu’est-ce qu’elles ont compris ? ça m’intéresse.

    P.J. : Tout d’abord deux paroles de l’Écriture ont résonné en elles. « Ce n’est plus moi qui vis, c’est Jésus-Christ qui vit en moi » [Ga 2,20] ; et « Il faut que Jésus-Christ croisse en nous jusqu’à l’état d’homme parfait » [cf. Ep 4,13]. Elles ont compris cette vie d’union avec Jésus Christ, le fait que le Christ habite en nous, qu’il a en chacun une naissance et une croissance spirituelle, parce qu’il veut glorifier son Père en chacun de nous. Pour vivre cette vie d’union il faut donner tout : cœur, esprit, intelligence, jugement, pensée ; travailler en société avec Dieu, devenir intérieur, demeurer en lui, comme lui demeure en nous, vivre dans l’action de grâce, être heureux en lui.

    M.B. : « Donner », « se donner », « le don ». Combien de fois je t’ai entendu répéter ces mots ? Ils sont bien importants pour toi, comme un fil conducteur.

    Logo sss NEUF.jpgP.J. : L’Eucharistie, mon ami ! Pour moi l’Eucharistie est le don par excellence, car il est le don de Jésus Christ lui-même. L’Eucharistie est un don gratuit, sans réserves, sans calculs. Jésus ne regarde pas si les personnes, auxquelles il se donne, sont dignes ou pas, quelle est leur situation morale ou leur capacité intellectuelle et de compréhension. L’Eucharistie est un don concret, incarné. Jésus donne son être, sa vie, lui-même, son existence concrète. Le don de son corps et de son sang exprime la profondeur de l’amour, qui ne garde rien pour lui et accepte tout pour la personne aimée. L’Eucharistie est un don total et éternel, complet et permanent. Elle est un don toujours disponible. L’Eucharistie est un don qui nous donne la vie, qui nous prend totalement et pleinement, qui nous fait entrer dans une vie nouvelle au-delà de la mort. L’Eucharistie est un don qui s’offre comme nourriture, qui construit des relations, tous peuvent apprendre à donner et à recevoir. L’Eucharistie, qui nous fait devenir « un seul corps », contient comme un dynamisme profond d’amour réciproque, de communion intime et profonde. J’ai tout simplement répondu au « Don de Dieu » par le don de moi-même. L’amour est dans l’échange.

    Nous sommes restés silencieux. Puis le p. Eymard a repris la parole.

    P.J. : J’ai un rêve !

    M.B. : Un autre rêve encore ?

    Logo Agrégation sss.jpgP.J. : En regardant la société je constate qu’elle se meurt parce qu’elle n’a plus de centre de vérité et de charité, plus de vie de famille. Chacun s’isole, se concentre, veut se suffire. J’ai l’impression comme d’une dissolution imminente. C’est pour cela que je voudrais voir mes religieux, les servantes aussi mettre le feu aux quatre coins du monde. Comme je le disais à l’archevêque de Paris, je ne voulais pas me borner à Paris, je voulais mettre le feu aux quatre coins du monde. Je voudrais voir les laïcs, qui partagent notre charisme, constituer comme des cénacles de vie eucharistique dans le monde entier. Je voudrais les voir tous sortir, aller, sans aucune crainte. Quitter, comme Abraham a quitté sa terre… en ayant dans le cœur un seul, unique grand amour : le Christ eucharistique.

    M.B. : Le Pape François aujourd’hui nous parle d’une Église en sortie. À Jérusalem il a dit que l’Église est née dans le Cénacle et elle est née en sortie. Du Cénacle elle est partie avec le Pain rompu entre les mains, les plaies de Jésus dans les yeux, et l’Esprit d’amour dans le cœur pour renouveler la terre.

    P.J. : Je pense que le Pape François et moi, nous sommes faits pour nous entendre. Jésus a dit qu’il était venu apporter un feu sur la terre ; il avait désiré avec tant d’ardeur le voir s’allumer partout. Ce feu c’est l’amour divin, car Dieu est amour. Ce foyer de l’amour, c’est l’Eucharistie, c’est là que l’amour de Jésus Christ nous pénètre et nous enflamme.

    M.B. : Tu parles de feu… ce feu je le sens brûler en toi ; il y a une passion qui t’habite et que j’aimerais partager avec toi.

    P.J. : L’Eucharistie est la Pentecôte continuée, dans le Cénacle, avec des langues de feu. C’est Jésus qui, par l’Eucharistie, dépose dans nos corps une grâce d’amour ; il y vient lui-même, il met en nous le foyer de l’incendie : il l’allume, il l’entretient par ses fréquentes venues, il fait l’expansion de cette flamme dévorante. Il est vraiment un charbon qui nous enflamme. C’est un feu ardent qui ne s’éteindra pas si nous le voulons, car son foyer n’est pas de nous mais de Jésus Christ, et c’est lui qui lui donne sa force et son action.

    M.B. : La famille que tu inspires - aujourd’hui on parle de la « famille eymardienne »-, est présente sur les cinq continents, elle affronte de nouveaux défis. Quelle est sa mission ?

    P.J. : Je pense à notre mission ouverte sur le monde. Mais parfois on a peur… on a peur même de changer de communauté. Je viens d’écrire à un religieux, que j’ai envoyé de Paris à Marseille, qu’un religieux du Très Saint-Sacrement n’est d’aucun pays, d’aucune maison, il forme la cour du grand Roi et le suit partout. Je vois la terre-même comme un immense cénacle, et à quelque endroit de la planète que nous nous trouvions, nous sommes dans ce cénacle, nous pouvons toujours être dans ce cénacle, en désirant, en adorant par le cœur.

    M.B. : Mais que faut-il faire ?

    Statue P. Eymard génuflexion.jpgP.J. : Il faut oublier notre individualité, notre petite personne, pour porter Dieu au monde et le monde à Dieu. Je lance à tous une invitation : « Soyez adorateurs ardents de la sainte Eucharistie. Un cœur catholique doit être grand comme Dieu ! Évitez donc cette petite piété, cette petite vertu qui rétrécit l’âme ; la piété, au contraire, est un soleil fécondant qui dilate le cœur qui en est embrasé ! Soyez grands dans vos vues, grands dans vos désirs, grands dans votre amour! ». J’ai écrit au père Leroyer : « Que le règne eucharistique de Notre-Seigneur arrive et que nous en soyons les premiers disciples et les ardents apôtres ; plus de questions personnelles, plus de travaux perdus en dehors de notre grande mission ». Il faut se centrer uniquement sur l’Eucharistie.

    M.B. : Comment imagines-tu ce Cénacle-Monde dont tu parles ?

    Logo Agrégation sss.jpgP.J.
    : L’Eucharistie est le règne de Jésus Christ dans le monde et surtout dans les cœurs de ses enfants : voilà notre belle et aimable mission. Il faut porter le monde à la connaissance de l’amour de Dieu. C’est par l’amour divin qu’il faut ramener les peuples à la vertu, à la religion, à la foi. Il n’y a pas un moyen plus efficace ; c’est peut-être même le seul qui nous reste pour combattre l’indifférence qui règne dans le monde, et qui gagne même le cœur des fidèles. L’Eucharistie est le lien fraternel des peuples entre eux ; il n’y a que des frères au banquet sacré, au pied de l’autel. C’est ce message qu’il faut faire passer. Jésus est venu faire de tous les hommes une seule famille, l’Eucharistie est le pain, le mets commun, le trait d’union de tous les enfants ; elle détruit toute jalousie et distinction, on participe à la même table et on boit à la même coupe ; on a le même Père qui est dans les cieux. Un même esprit de charité unit tous ceux qui mangent le même pain eucharistique. Jésus Christ est alors tout en tous, et l’Eucharistie est la joyeuse fête de la vraie fraternité, que nous pouvons faire durer toujours. Il faut collaborer avec tous ceux qui s’engagent pour construire et réaliser cette fraternité qui a sa source dans l’Eucharistie. C’est seulement alors, que la société renaîtra pleine de vigueur quand tous ses membres viendront se réunir autour de notre Emmanuel. Les rapports d’esprit se reformeront tout naturellement sous une vérité commune ; les liens de l’amitié vraie et forte se renoueront sous l’action d’un même amour ; ce sera le retour des beaux jours du Cénacle.
     

    Conclusion : Nous sommes restés en silence, ainsi comme nous avions commencé. J’ai fermé les yeux pour savourer tout ce que j’avais entendu et les imprégner du rêve du p. Eymard. Les pieds bien sur terre, « repartir du Cénacle » le cœur empli d’une grande passion pour l’Eucharistie.


    Père Manuel Barbiero.jpgManuel Barbiero, sss
    Responsable du Centre Eucharistique
    La Mure, le 8 septembre 2014
    Logo sss NEUF.jpg

     

     

     

     

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    Fraternité Eucharistique Corpus Christi #JubiléPJEymard2018

    et la page consacrée à Pierre-Julien Eymard – Prophète de l'Eucharistie – Un saint d'avenir

    Communauté de prière en ligne Hozana St Pierre-Julien Eymard – Prophète de l'Eucharistie

     

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  • « La grâce de mon saint baptême » chez st Pierre-Julien Eymard

    Comprendre l’Eucharistie dans sa totalité avec st Pierre-Julien Eymard

    Cycle #JubiléPJEymard2018

    Fraternité Eucharistique Chapelle Corpus Christi Paris 8 — 10 février 2018

    StPJEymardStRomansVitrailElipse.jpg

    ‘LA GRÂCE DE MON SAINT BAPTÊME’

    chez Saint Pierre-Julien EYMARD

     

    Nous venons de célébrer le 207e anniversaire de la naissance de saint Pierre-Julien à La Mure (4 février 1811). Dans le cadre du Jubilé du 150e anniversaire de sa mort, je vous propose un essai sur le baptême, tel que le P. Eymard nous en a laissé le témoignage à travers ses écrits.

    Brièvement, nous savons combien le P. Eymard a gardé vivant le souvenir de la grâce de son baptême. Régulièrement, lors de ses séjours à La Mure, il rend visite aux fonts baptismaux de la paroisse. Dans ses écrits les dates anniversaires de sa naissance et de son baptême, les 4 et 5 février, sont citées plus de 80 fois, souvent avec la mention de sainte Agathe, fêtée le 5.

    En ce qui concerne ma recherche, je me limite à une sélection de ses écrits : quelques extraits de sa correspondance à ses sœurs, et un parcours sélectif de ses notes de retraites personnelles. Dans son itinéraire spirituel, sur le thème du baptême, je note, de façon schématique à partir des textes que j’ai consultés, deux périodes :

    1 - la période mariste, de 1841 à 1856

    2 - la période du fondateur, de 1856 à 1865.

     

    P. Eymard Profil Ovale.jpg1 - La période mariste (1841-1856)

    Ce que j’appelle la ‘période mariste’ s’étend, en réalité, de sa naissance à la fondation. Je n’ai pas pris en compte le Vade mecum semper, de sa période de vicaire à Chatte, qui aurait pu fournir un éclairage utile. Pas davantage son abondante production des Conférences au Tiers-Ordre de Marie. Je me suis limité à ses retraites personnelles mensuelles à la date du 4 ou 5 février des années 1841 (NR 15, 2) ; 1843 (NR 21, 1) ; 1844 (NR 25, 8) et 1856 (NR 40, 5) Cf : Œuvres complètes de saint Pierre-Julien Eymard en ligne – S’y ajoutent les deux lettres à Marianne, sa marraine de 1841 (CO 17 et de 1846 (CO 60) - (PDF)

    Notons que les retraites mensuelles, dans la tradition de la vie religieuse de l’époque sont « des préparations à la mort ». La mort est une réalité permanente, partout présente ; elle frappe à tout âge ; il faut s’y préparer, se tenir prêt. – De ce fait il est difficile de vouloir tirer de ces notes la pensée exacte du P. Eymard sur le baptême. En 1841, le P. Eymard est âgé de 30 ans et il jouit alors d’une santé relativement bonne. Dans ses notes, il est question du temps qui passe, de la souffrance, de la mort, de l’état de son âme sur la mort. Autant d’approches pessimistes ou négatives.

    Nous retrouvons ces mêmes notes dans les deux lettres de circonstance à sa marraine, au jour anniversaire de son baptême en 1841 et 1846. Au désir de la sainteté, se mêle le désir de la mort pour aller au ciel. Je commence à languir sur la terre. Je vous aime bien toujours, mais ne m’en voulez pas si mon amour pour vous se borne à votre perfection au ciel, écrit-il en 1841. Un amour intemporel, désincarné, non pas envers sa sœur telle qu’elle est, mais selon l’image qu’il s’en fait.

    En 1846, alors qu’il célèbre l’anniversaire de son baptême, comme le plus beau jour de ma vie, note-t-il, il ne peut s’empêcher d’y mêler le regret d’une mort prématurée. C’est un si beau jour pour moi, écrit-il, c’est le plus beau jour de ma vie, c’est aujourd’hui que j’ai eu le bonheur d’être baptisé. Hélas ! si j’étais mort après, je serais maintenant au ciel, mais le bon Dieu ne l’a pas voulu et m’a laissé jusqu’aujourd’hui dans cette vallée d’exil, de larmes et de combats. Et d’évoquer à sa chère marraine que le premier arrivé au ciel, qu’il laisse sur son passage un bâton de soutien, puis, la porte ouverte ; au moins là, il n’y a plus de distance, ni de séparation.

    Du moins, ce qui pouvait réjouir Marianne, ce sont les souvenirs de son enfance : elle a été pour lui comme une grande sœur, de 12 ans son aînée. Il évoque son affection pleine de vigilance, sa piété, son soutien dans les épreuves. Il lui porte une affection profonde, des millions de fois (quelle expression merveilleuse de son amour !) je vous ai appelée de ce doux nom (de marraine). Je vous dois beaucoup, lui écrit-il, surtout de m’avoir retenu dans ma jeunesse loin des occasions de mal, de sorte que je puis dire que c’est en partie à vous que je dois ma vocation à l’état ecclésiastique (1841).

    Cette approche du baptême est l’écho de l’enseignement de l’Église en cette première partie du 19e siècle – et par-delà. Le catéchisme s’attache alors davantage à décrire sa matière et sa forme ainsi que ses effets : il efface le péché originel ainsi que tous les péchés à l’âge adulte, il confère la grâce sanctifiante et prépare à l’héritage du ciel. La prédication est moralisante. Comme les autres sacrements, il est perçu comme un des moyens de sanctification, même s’il est le premier dans l’ordre des sacrements.

    Cette vision correspond assez bien à cette première période de l’itinéraire du P. Eymard, telle que le P. Saint-Pierre l’a décrite dans sa thèse L’Heure du Cénacle et qu’il a intitulée, à partir d’une citation du Père : Pro te moriar ! – Seigneur, que je meure pour toi ! Une période marquée par l’ascèse, la peur du péché, de la mort et du jugement. Avant qu’il ne découvre le vrai sens de sa mission : Pro te vivam ! – Que je vive pour toi !

     

    P-J. EYMARD Portrait n&b.jpeg2 - La période du Fondateur (1856 -1868)

    La seconde période, nous la trouvons, comme condensée, dans la 2e Retraite du Père à Rome, où il séjourne depuis le mois de novembre 1864, au Séminaire français. Il vient régler l’affaire du Cénacle, la fondation d’une communauté du Saint-Sacrement à Jérusalem là où Jésus a institué l’Eucharistie. En face des difficultés multiples et de la lenteur de l’instruction de la cause, il se retire près de Sainte-Marie Majeure chez les rédemptoristes et commence une retraite qui s’achèvera avec la décision, — finalement négative. Durant plus de 9 semaines, il va se consacrer à une retraite personnelle, avec la question initiale : Seigneur, que veux-tu que je fasse ?

    Précisément, au jour anniversaire de son baptême, le 5 février 1865 (PDF), il médite sur la grâce gratuite et toute miséricordieuse du saint baptême que j’ai reçue, avec trois méditations dans la journée. Déjà tout est dit dans cette phrase d’ouverture : J’ai vu ce qu’il est une récréation en Notre Seigneur Jésus-Christ, une seconde vie en Jésus-Christ, mais en Jésus-Christ crucifié. — Il faut noter l’expression : J’ai vu, qui revient 60 fois dans ses retraites personnelles, dont 37 fois en cette Grande retraite de Rome. Il ne s’agit pas seulement d’une perception intellectuelle, mais d’une prise de conscience, d’une expérience spirituelle, d’une motion de la foi sous l’action de l’Esprit Saint.

    Dans cette perspective, le baptême est conçu comme la participation au mystère pascal, à la mort-résurrection de Jésus-Christ, une seconde vie en Jésus-Christ, mais en Jésus crucifié. — Suivent des citations tirées des épîtres de saint Paul, Galates et Romains, et une citation de l’évangile de saint Luc : Baptisés, vous avez revêtu le Christ — Ceux qui appartiennent au Christ ont crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises. — Ensevelis avec le Christ par le baptême dans la mort . — On ne peut être disciple du Christ sans haïr sa propre vie. Le P. Eymard cite ces textes de mémoire : ils se réfèrent à la croix du Christ à laquelle nous sommes associés par le baptême ; — à la mort du Christ avec qui nous sommes ensevelis ; — à sa résurrection, nous avons revêtu le vêtement du Seigneur ressuscité : nous avons revêtu le Christ, son corps de gloire dans notre condition terrestre. De ce mystère célébré comme une immersion dans la mort du Christ, nous avons été tirés de l’eau comme participant à sa résurrection. C’est de ce même mystère que découlent les effets du baptême : renoncement au péché et à ce qui y conduit et surtout dotation singulière des baptisés : filiation divine, incorporation au Christ et à l’Église comme membres vivants, et au terme participation à la gloire du Christ ressuscité. 

    À la lumière du baptême qu’il a reçu, le P. Eymard fait une relecture de sa vie et de la mission qui lui a été confiée : chrétien, prêtre et fondateur. Il prend conscience de la part de péché en sa vie et il pleure. Il s’ouvre également à l’action de grâce pour tant de bienfaits. Une voie nouvelle s’ouvre devant lui, celle qu’il appelle « la partie illuminative » de sa retraite, avec une double et unique orientation : Notre Seigneur, ma loi – c’est l’Évangile – Notre Seigneur sacramentel, ma fin – c’est sa mission de fondateur.

    Il y a là, à partir de son baptême, une vision unifiée de son existence, comme l’a noté le P. Manuel Barbiero. De son baptême, dérivent à la fois sa vocation chrétienne, sa vocation sacerdotale et sa vocation religieuse qui trouve son achèvement en sa vocation de fondateur. C’est une note que l’on retrouve dans le déroulement de sa Grande retraite de Rome (comme de celle de Saint-Maurice en 1868), ­— une vision ‘holistique’ de sa vie dans la diversité de ses états, entièrement unifiée. Témoin sa 1ère méditation du 1er février 1865 : Comme le bon Dieu m’a aimé ! Il m’a conduit par la main jusqu’à la Société du Très Saint-Sacrement. Toutes mes grâces ont été des grâces de préparation. Tous mes états, un noviciat ! Toujours le Très Saint Sacrement a dominé. (NR 44, 14).

    Pour être complet, le 5 février 1865 le P. Eymard poursuit sa recherche avec l’évocation de « la bonté de Dieu depuis mon baptême », et une 3e méditation sur « La chair, ennemie de l’Esprit Saint » — Comme en écho à ce qu’il notait en sa 1ère méditation : Il faut embrasser la voie du dépouillement du vieil homme. Il n’y a que celle-là de vraie. Toute autre est une illusion ou une paresse.


    D’où vient cette ‘conversion’ du P. Eymard ?

    Chapelle Saint-Romans.jpg

    La question vaut d’être posée. Mais la réponse n’est pas simple, car elle suppose une recherche méthodique dans tous les écrits datés du Père. Ce qui dépasse de très loin l’objet de notre rencontre. Qu’il suffise d’évoquer deux grâces particulières qui ont marqué l’itinéraire spirituel du Père.

    Il y a d’abord la grâce reçue au calvaire de Saint-Romans. Le jeune abbé Eymard, vicaire à Chatte, a reçu dans ce modeste sanctuaire une lumière sur le mystère de la Croix. À l’encontre d’une piété doloriste, il fait l’expérience de la tendresse miséricordieuse de Dieu dans le don de son Fils Jésus : celui-ci a donné sa vie par amour pour le salut du monde, et son amour nous atteint de façon personnelle. Le P. Eymard a résumé ainsi quelque chose de cette grâce dans cette recommandation à Mme Natalie Jordan : Voir de prime abord les choses sous le côté de la bonté de Dieu pour l’homme, la raison de cette grâce, ce qu’elle a coûté à Notre Seigneur, son actualité, sa permanence pour nous (27 août 1867, CO 2011). 

    Une seconde étape est franchie avec la Fête-Dieu à Saint-Paul de Lyon, le 25 mai 1845. Au cours de la procession paroissiale qu’il préside — deux heures qui lui ont paru qu’un instant — il a été pénétré de la foi et de l’amour à Jésus dans son divin Sacrement. Dès lors, il s’engage à ne prêcher que Jésus-Christ et Jésus-Christ eucharistique. Enfin, il demande au Seigneur l’esprit des Épîtres de saint Paul, ce grand amant de Jésus-Christ et il s’engage à en lire au moins deux chapitres par jour  (25 mai 1845, NR 27,3). Cette familiarité avec les écrits de l’Apôtre n’est pas sans lien avec les citations qu’il en fait de mémoire dans sa prédication et ses écrits. Le P. Cave a souligné la dimension christocentrique de cette révélation ; elle est tout autant eucharistique : le Christ en son Sacrement est la source de tout amour.

    Il faut ajouter, sans nul doute, sa grâce de fondateur de la Société du Saint-Sacrement (Religieux, Servantes et Agrégés), avec le culte de l’Eucharistie, sa prédication sur l’Eucharistie, l’importance de la communion et de l’adoration, son ministère auprès des jeunes ouvriers avec l’œuvre de la Première communion des adultes où il catéchise des jeunes, laissés pour compte de la pastorale paroissiale, et célèbre occasionnellement des baptêmes d’adultes.

      

    En guise de conclusion

    Le P. Eymard, toujours en chemin, a connu une évolution dans son approche du baptême. Il en a toujours vécu intensément. Au début avec une note plus volontariste, avec la pratique des vertus chrétiennes, le sens du devoir, le souci de la perfection pour acquérir le bonheur du ciel. Une période afflictive par certains aspects, marquée par l’observance des commandements et la pratique de la vertu, très généreuse. Puis il découvre qu’il y a une autre voie que celle du devoir : celle de l’amour. Dès lors, il fait fructifier ‘la grâce de son saint baptême’, qu’il perçoit comme une configuration au Christ mort et ressuscité. S’en suit le ‘dépouillement du vieil homme’, selon la pensée paulinienne, et tout autant le ‘revêtement de l’homme nouveau’. C’est l’Esprit Saint qui agit et transforme sa vie. Une transformation qui trouve son expression la plus haute dans le ‘don de la personnalité’, reçu en cette même retraite de Rome le 21 mars 1865. C’est alors qu’il a reçu, à défaut de la fondation d’une communauté au Cénacle de Jérusalem, le ‘cénacle en moi et la gloire de Dieu en moi’, comme il l’avait pressenti le 5 février dans sa 3e méditation. C’est la synthèse de sa vie baptismale qui s’épanouit dans sa vie eucharistique.

    Faut-il ajouter qu’il réalisait ainsi le ‘renouvellement, sans cesse repris, des vœux de son baptême lors de la préparation à sa première communion le 15 février 1823 : Acte d’offrande : Mon doux Jésus, je me donne à vous, comme vous vous êtes donné tout à moi. – Mon Dieu, mon tout. Julien (NR, 1).

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    André Guitton, sss 
    Paris, le 10 février 2018 

     

     

    Questions :

    • Demande de clarification
    • Où situer la ‘nouveauté’ dans l’approche du baptême chez le P. Eymard ?
    • De quelle façon ma vie chrétienne en est-elle éclairée ?
    • Lien entre baptême et Eucharistie ?

     

    Retrouvez ce texte dans la sous-page enrichie 
    Fraternité Eucharistique Corpus Christi #JubiléPJEymard2018

    et la page consacrée à Pierre-Julien Eymard, Apôtre de l'Eucharistie - Un saint d'avenir

    Communauté de prière en ligne Hozana St Pierre-Julien Eymard — Chapelle Corpus Christi

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  • Notre vocation eucharistique de laïcs avec st Pierre-Julien Eymard

    L’IDEAL DU CÉNACLE

    Comprendre l’Eucharistie dans sa totalité avec st Pierre-Julien Eymard

    Cycle #JubiléPJEymard2018

    Présentation de la Fraternité Eucharistique Chapelle Corpus Christi Paris 8 — 13 janvier 2018

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    Extrait de sa correspondance
    CO 477,1

     À Jésus Eucharistique

    [La Seyne-sur-Mer,]1
    1er Janvier 1855

    Merci de vos vœux et de vos souhaits si bons en Notre Seigneur. Oui, que cette année soit une année eucharistique ! Qu'un cénacle d'amour et de louange s'élève sur cette terre d'ingratitude et d'oubli ! Puissé-je en être le premier adorateur comme la première victime ! Cette pensée eucharistique ne me quitte pas, je la bénis, je l'environne d'épines et de fleurs, j'aime à en faire une couronne de vœux et de désirs. Mais Notre Seigneur le veut-il à présent ? Me fera-t-il l'honneur et le bonheur de m'appeler autour de ce doré tabernacle ? Voilà, ma fille, ce qu'il faut demander à ce Roi de tous les cœurs.

    Mais que deviendra le Nazareth de Jésus et de Marie, me direz-vous ?

    De Nazareth, Jésus alla au Cénacle et Marie y fit sa dernière demeure.

    Je voudrais bien que vous vous missiez aux pieds de Notre Seigneur, afin qu'il daigne vous mettre une parole au cœur pour vous et pour moi.

    Les matériaux se préparent, c'est bien entendu que je vous ai inscrite la première. Je n'ai pas encore commencé les conférences aux T. [Tierçaires] de Toulon, je le ferai sous peu. Ma santé est toujours un peu misérable – que Dieu en soit béni ! cependant la migraine me laisse un peu plus tranquille. Je puis dire la sainte messe : que Dieu est bon !

    Mes souhaits de bonne année à toutes vos sœurs, j'avais commencé une lettre à toutes, mais le temps me manque.

    Je n'ai encore écrit à personne depuis bien longtemps.

    Mes souhaits à ces bonnes sœurs sont tous en Dieu et pour Dieu, tous en l'amour de Jésus et de Marie, en qui je suis

    Tout à vous toutes

    Eymard

    1 Les mots mis entre crochets ne sont pas de la main d'Eymard.

    2 Billets spirituels, tirés au sort. Celui de Noël indiquait pour l'année l'office à remplir à la cour du Roi Jésus. Au jour de l'an, doubles billets : étrennes de l'Enfant Jésus et en retour, étrennes de l'âme à Jésus.



    st pierre-julien eymard,eucharistie,chapellecorpuschristiparis8,fraternité eucharistique,#jubilépjeymard2018,foi,adoration,adoration eucharistique,transmission,sandrine treuillardDans cette lettre adressée le jour de l'an 1855 à Marguerite Guillot, rectrice du Tiers-Ordre de Marie, la branche laïque des Maristes, le Père Eymard présente ses vœux ainsi : Oui, que cette année soit une année eucharistique ! Que signifie ces vœux ”eucharistiques” et la vocation eucharistique pour saint Pierre-Julien Eymard ? C’est ce que nous allons explorer par cette lettre qui nous donne quelques réponses à approfondir…

     

    Des origines de l’engagement du Père Eymard auprès des laïcs avec Marguerite Guillot

    Très tôt, Pierre-Julien Eymard s’est intéressé à l’engagement spirituel des laïcs dans cet ordre tertiaire mariste. Cette vocation pour le bien spirituel des laïcs à part entière a toujours côtoyé sa vocation eucharistique, depuis la rencontre de Marguerite Guillot, 10 ans plus tôt, en 1845.

    Le 1er janvier 1855, date de rédaction de cette lettre, il va avoir 44 ans. À 23 ans il avait été ordonné prêtre à Grenoble et l’appel à la vie religieuse le fit devenir Mariste, 5 ans plus tard, à 28 ans, à Lyon. Après 5 ans, en 1844, il y est nommé provincial.

    En 1855, Mariste depuis 16 ans, le P. Eymard a été écarté de Lyon par le Supérieur général de la société de Marie qui le nomme directeur du collège Sainte-Marie de la Seyne-sur-Mer, à Toulon, et ce dès 1853.

    Pourquoi a-t-il été écarté de Lyon deux ans plus tôt ? Parce qu’il a pris des libertés avec le Tiers-Ordre de Marie vis-à-vis du Supérieur général d’alors, le Père Colin. Il dirige depuis bientôt 10 ans le Tiers-Ordre de Marie qui prospéra si bien dès le début qu’il s’étend aussi aux prêtres : le curé d’Ars y est reçu dès le 8 décembre 1846.

    À qui s’adresse cette lettre ? À Melle Marguerite Guillot. Ils se connaissent depuis 10 ans. Elle est rectrice du Tiers-Ordre de Marie depuis 1853, nommée par le nouveau Supérieur général, le Père Favre, après en avoir été sacristine puis maîtresse des novices, c’est-à-dire chargée des nouvelles venues.

    Marguerite Guillot et le Père Eymard se sont rencontrés à Lyon lorsqu’il prêcha pour le Carême en 1845 et auquel elle alla se confesser. Le P. Eymard deviendra vite le directeur spirituel de Marguerite Guillot alors en recherche pour répondre à sa vocation de consacrée. Sr Suzanne Aylwin écrit dans la petite biographie de Marguerite Guillot :

    « Sous la direction du P.  Eymard, l’âme de Marguerite se sent de plus en plus portée à la vie intérieure. Cette soif de perfection devient si grande que la vie chrétienne ordinaire, même avec la grande perfection que le Père lui fait pratiquer, n’est plus en mesure de lui suffire. Elle sent le besoin d’un milieu entre la vie du monde et la vie du cloître. Elle s’en ouvre au Père qui l’éprouve d’abord en lui répondant qu’elle ne sait pas ce qu’elle dit et ce qu’elle veut, qu’il n’y a point de voie médiane entre la vie du monde et celle du cloître. Mais, quelque temps après, il lui dit qu’à cause d’elle, il a accepté la présidence du Tiers-Ordre de Marie, la branche laïque de la Société de Marie. »

    Nous pouvons relever combien dans leur relation la dirigée suscite la paternité spirituelle de son directeur, combien leur rencontre a fait partie du plan de Dieu, comme la suite nous le révèlera.

    Quel est le contexte de la lettre dans le parcours spirituel du P. Eymard ?

    En 1855, depuis déjà 4 ans au collège de la Seyne-sur-Mer à Toulon, Pierre-Julien Eymard vit une période de crise. Le 13 janvier de la même année il écrira à Marguerite : « Je me dis souvent : mais le Bon Dieu, que fera-t-il de moi tout souffrant et ne valant rien ? Je ne suis plus bon à rien, je suis usé, j'aurais besoin d'aller me cacher aux pieds de Notre Seigneur, j'espère que ce bon Maître me fera cette grâce. » Et : « Voilà près de 20 ans que je suis toujours dans la vie active, il me faut maintenant un peu du Cénacle. » En effet, il est au cœur d’un moment transitoire :

    — En 1845, il avait eu une expérience très forte lors de la procession du Saint Sacrement le jour de la Fête-Dieu, à Saint Paul de Lyon. « Ces deux heures lui parurent un instant ».

    - En 1849, il découvre à Paris les nombreux groupes de dévotion à Jésus-Eucharistie.

    - En 1851, à Notre-Dame de Fourvière, toujours à Lyon, il eut un appel intérieur à fonder un groupe eucharistique.

    - En 1853, à la Seyne-sur-Mer de Toulon où nous nous trouvons à l’étude de cette lettre, comme en exil depuis 2 ans, Raymond de Cuers, qu’il avait rencontré à Paris, lui demande d’être l’aumônier d’un groupe d’adoration nocturne masculine. En prière, après qu’il eût célébré sa messe, il eut l’incitation à fonder un ordre religieux qui n’existe pas encore, consacré exclusivement à Jésus-Eucharistie.

    ­

    Dans la lettre du 25 janvier 1855 à Marguerite Guillot, le P.  Eymard nous révèle que « depuis le 13 janvier, l’œuvre du Très Saint-Sacrement se dépouille et se prépare » et que « Mgr l’évêque de Fréjus Toulon (Mgr Wicart) l’a trouvée belle ». Et plus loin : « Moi, je n'ai encore rien exposé au T.R.P. Favre [le nouveau supérieur général des Maristes], pour lui exposer mes pensées, je prie et j'attends encore ».

    — Il quittera donc les Maristes en 1856 pour fonder l’ordre des Religieux du Très Saint-Sacrement (sss), reconnu par Mgr Sibour archevêque de Paris, le 13 mai 1856.

    - Une fois la branche masculine de la Congrégation du Saint-Sacrement fondée, Marguerite Guillot deviendra, en 1858, à Paris, la première supérieure de la branche féminine de la Congrégation qui portera le nom de Servantes du Saint-Sacrement.

    — Fort de son expérience au Tiers-Ordre de Marie, dès 1857 le Père Eymard rédige un mémoire où il mentionne les Agrégés à la Congrégation du Saint-Sacrement : L’Agrégation sacerdotale (des prêtres) et l’Agrégation séculière. Cette dernière branche laïque du Saint-Sacrement sera désignée sous le vocable : Agrégation du Saint Sacrement. Elle est « composée des fidèles vivant dans le monde et qui désireraient s’unir à la Société par un lien fraternelle et s’associer à sa fin. » (in L’Apôtre de l’Eucharistie, biographie du saint par André Guitton, sss). Nous verrons plus loin quelle est cette fin.

     

    Qu’est-ce que le Cénacle ?

    La Sainte Cène Corpus Christi Légéndé.jpgPour répondre à cette question lisons l’Évangile de Luc, au chapitre 22 (tiré des Évangiles synoptiques, ouvrage de Lucien Deiss).

    Luc 22, 7-14        Préparatifs du repas pascal


    07
     Or arriva le jour des Azymes, où l’on devait immoler la Pâque.

    08 Et Jésus envoya Pierre et Jean, disant : « Allez nous préparer la Pâque,

    pour que nous la mangions. »

    09 Or ceux-ci lui dirent : « Où veux-tu que nous fassions les préparatifs ? »

    10 Et il leur dit : « Voici : à votre entrée dans la ville, viendra à votre rencontre

    un homme portant une cruche d’eau. Suivez-le dans la maison dans laquelle il entre.

    11 Et vous direz au maître de la maison : “Le maître te dit :

    Où est la salle où je pourrai, avec mes disciples, manger la Pâque ?

    12 Et celui-ci vous montrera une salle à l’étage, grande, garnie de divans.

    Là, faites les préparatifs. »

    13 Or, s’en étant allés, ils trouvèrent tout comme il leur avait dit.

    Et ils préparèrent la Pâque.

    14 Et lorsque l’heure fut venue, il se mit à table.

    Et les Apôtres étaient avec lui. 

     

    — Le Cénacle est donc ce lieu réservé, secret, indiqué par le Christ de façon discrètement prophétique, et empreint de sacralité. C’est là où Jésus et les douze vont fêter la Pâque.

    — Mais au Cénacle, en ce Jeudi saint, Jésus entouré des Douze va plus loin que de fêter la traditionnelle Pâque juive. Il instaure la Nouvelle Alliance : c’est l’offrande totale de lui-même pour le salut de tout homme.

    Poursuivons la lecture de saint Luc du Repas pascal & institution de l’Eucharistie :

     

    15 Et il leur dit : « J’ai désiré d’un grand désir

    manger cette Pâque avec vous avant de souffrir !

    16 Car je vous dis : Désormais je ne la mangerai plus,

    jusqu’à ce qu’elle soit accomplie dans le Royaume de Dieu. »

     

    17 Et ayant reçu une coupe, ayant rendu grâce, il dit :

    « Prenez ceci et partagez entre vous.

    18 Car je vous dis : Je ne boirai plus à partir de maintenant du fruit de la vigne,

    jusqu’à ce que soit venu le Royaume de Dieu. »

     

    19 Et ayant pris du pain, ayant rendu grâce,

    il le rompit, et il le leur donna,

    20 et il dit : « Ceci est mon corps qui est donné pour vous.

    Ceci faites-le en mémoire de moi. »

    [Ici nous ne lisons pas la trahison de Judas.]

    24 De même aussi la coupe, après le dîner, disant :

    « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang.

    25  Ceci, faites-le chaque fois que vous la boirez,

    en mémoire de moi. »

     

    26 Car chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez la coupe,

    vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne.

     

    Le Christ annonce l’offrande totale de lui-même et se livre dans les Espèces du pain et du vin. Il se fait Agneau pascal. Le désir du Christ est ardent, brûlant d’amour, il se donne lui-même sans retour et s’offre en partage. L’apôtre Jean, le disciple bien-aimé, a goûté à cet amour, reposant sur son sein. Détail de la Sainte Cène tirée de l’Évangile de Jean, que le P. Eymard portait toujours sur lui.

    Revenons à la lettre du 25 janvier 1855 où le P. Eymard écrit à Marguerite Guillot :

    « Quand saint Jean s'endormit sur la poitrine divine du Sauveur, il y puisa son amour et sa mission divine ; que j'aurais besoin, non d'un si grand honneur, mais d'être aux pieds de Jésus. Voilà près de 20 ans que je suis toujours dans la vie active, il me faut maintenant un peu du Cénacle. » (CO 482,1)

    Dans une prédication à une congrégation religieuse et que j’ai reprise pour la communauté de prière en ligne sur Hozana comme Conseils spirituels pour tous,
    le Père Eymard précise ce qu’est le
    recueillement par la grâce de Dieu :

    « Ce recueillement est bien doux, c'est celui de Madeleine aux pieds de la bonté de Jésus, des apôtres sur le Thabor, du disciple bien-aimé sur la poitrine du Sauveur. C'est celui de tant de saints qui ont goûté Dieu. C'est le vôtre, mes frères, car il est impossible que durant votre vie vous n'ayez pas reçu quelques grâces de ce recueillement divin, de cette paix suave, de cette joie céleste de l'âme, de ce divin repos aux pieds de Dieu – on n'oublie pas ce moment si doux. Oh ! qu'il fait bon sous l'action de ce soleil de bonté. » (PA 95,2)

    Pour le P. Eymard, le Cénacle désignera les maisons d'adoration et toutes les communautés de la congrégation du Saint-Sacrement. Dans le récent ouvrage du P. André Guitton Les religieux du Saint-Sacrement et la Grande Guerre, les religieux au front, dans les tranchées, aumôniers, infirmiers ou soldats évoquent avec douceur et nostalgie leur Cénacle : leur communauté du Saint-Sacrement qu’ils ont dû quitter par devoir national.

    Pour le P. Eymard, le Cénacle est plus qu’une adresse identifiée, à Jérusalem, où il rêvait de fonder une communauté. C’est tout un processus : le processus même de l’Eucharistie qui débute avec la Sainte Cène où le Christ nous révèle les richesses de son amour pour nous. [Dans ce qui suit, je m’aide d’un texte du Père Manuel Barbiero, sss à La Mure, où il invente un entretien entre lui et le Père Eymard, intitulé Repartir du Cénacle – rallumer la passion pour notre Mission Eucharistique (La Mure, été 1865 et 2014)].

    C’est le lieu de l’attente angoissée, juste après la Crucifixion et la mort apparente du Seigneur, où certains des apôtres se réfugiaient, se cachant des Juifs dont ils avaient si peur.

    Le Cénacle où Jésus se montra à eux deux fois, juste après sa Résurrection.

    Lieu de l’attente de la venue de l’Esprit Saint que Jésus promit de leur envoyer et qui descendra sur eux et Marie avec puissance à la Pentecôte, cinquante jours après sa Résurrection.

    Le Cénacle où la première Église se réunissaient, les apôtres reproduisant les gestes enseignés par le Christ de la fraction du pain, dans la communion fraternelle et transmettant aux premiers disciples ce que le Christ leur avait enseigné.

    Lieu d’où tous sortirent, revigorés et pleins du courage donné dans l’Esprit Saint pour annoncer la Bonne Nouvelle du Christ au monde.

     

    Le Cénacle intérieur

    Dans sa lettre du 1er janvier 1855, le Père Eymard s’interroge : « Mais que deviendra le Nazareth de Jésus et de Marie, me direz-vous ? ». Il questionne sa vocation mariste, menant la vie simple et cachée de Nazareth, au regard de ce qui le travaille dans sa vocation à fonder la Congrégation du Saint-Sacrement. Il répond aussitôt : « De Nazareth, Jésus alla au Cénacle et Marie y fit sa dernière demeure. » Pour se donner au monde, le Christ a quitté sa vie cachée, enseignant durant trois ans, pour finalement faire le don suprême de lui-même sur la croix et dans l’Eucharistie qu’Il institua le Jeudi saint au Cénacle. Une fois ressuscité, Jésus revient au Cénacle où les disciples sont cloîtrés dans la peur. Et à la Pentecôte, il y revient sous la forme de l’Esprit Saint. Le Cénacle est devenu le lieu de la manifestation suprême du Christ alors qu’Il quitte ses disciples pour le Père. Mais Il reste avec eux jusqu’à la fin du monde se léguant lui-même, Jésus-Eucharistie. Quant à Marie qui fit sa première demeure au Cénacle, c’est toute l’Église qui y est associée, priant, recevant également l’Esprit Saint, aussi bien à la croix qu’au Cénacle. La vie cachée de Nazareth n’était donc pas une fin en soi, mais une préparation à la Pâque, à l’Eucharistie, et au don de l’Esprit Saint qui en découle.

    Le Cénacle intérieur est cette vie de prière et d’union au Christ, de communion à sa sainte personne que Pierre-Julien Eymard a découverte dans sa plénitude trois ans avant sa mort, lors de la Grande retraite de Rome, alors qu’il attendait la réponse du pape pour fonder à Jérusalem-même une communauté de religieux du Saint-Sacrement, au Cénacle de l’origine. Cette attente d’un rêve fou s’est transformé en une profonde introspection intérieure, une relecture de toute sa vie spirituelle où il touche enfin à l’amour de Dieu pour lui, personnel, et où il reçoit la grâce de s’unir pleinement au Christ en réalisant ce qu’il appelle le vœu de sa personnalité.

    Ces 65 jours sont consignés dans les pages de son journal de retraite du 25 janvier au 30 mars 1865. Il y réalise pleinement sa vocation eucharistique et nous livre, par ce témoignage si précieux, le chemin intérieur par lequel il est passé pour y parvenir.

    Lors de ce semestre de rencontres nous approfondirons l’offrande de lui-même au Christ et à tous que fit saint Pierre-Julien Eymard à la fin de sa vie en communion avec le Christ. Dans la chapelle Corpus Christi, l’extrait de ses notes de la Grande Retraite de Rome reproduit sur le mur à gauche de la châsse où il repose, nous donne le ton de sa découverte d’union totale au Christ, trois ans avant de mourir.


    P-J. EYMARD Portrait n&b.jpegRien pour moi, personne

    rien, par moi.

    Modèle : Incarnation du Verbe.


    C’est comme si le Sauveur me disait :

    par la communion,

    tu vivras pour moi,

    car je serai vivant en toi.

    Tellement que ce sera moi qui vivrai

    et désirerai tout en toi.

    Tu seras tout revêtu de moi.

    Tu seras le corps de mon cœur.

    Ce n’est plus moi qui vis,

    mais le Christ qui vit en moi. (Ga.2,20)

    Saint Pierre-Julien Eymard (1811-1868)
    21 mars 1865 (Grande retraite de Rome)

     

     

    L’idéal du Cénacle pour l’évangélisation contemporaine avec la Fraternité Eucharistique

    logo sss fond blanc.jpgDans l’intitulé général du #JubiléPJEymard2018 pour la catéchèse, nous insistons sur la particularité suivante, développée par le Père Eymard : prendre l’Eucharistie dans sa totalité. C’est rappeler que le culte de la sainte Eucharistie ne se réduit pas à l’adoration de Jésus-Eucharistie. La Présence réelle de Jésus-Christ ceint dans l’ostensoir ne peut être effective que s’il y a eu célébration de la messe, c’est-à-dire transsubstantiation du pain et du vin en Corps et en Sang du Christ par l’opération de l’Esprit Saint. Il nécessite donc toujours l’action du prêtre pour réaliser le geste de la consécration du pain et du vin à l’autel, avant de passer à notre geste d’adoration.

    La spiritualité sacramentine (autre adjectif pour qualifier la spiritualité eymardienne) s’attache à interroger l’expérience eucharistique en sa totalité, le Mystère pascal intégral qui est aussi toute la vie du Christ, sa Personne, le but vers lequel Il tend depuis toute éternité.

    C’est bien ce que la Règle de vie de la Congrégation indique ici : 


    De caractère contemplatif,

    notre Congrégation est centrée sur la Personne du Christ

    dans toute l’ampleur du Mystère eucharistique,

    et se dévoue entièrement à son amour et à sa gloire.

    Nous unissons la contemplation et l’amour apostolique

    dans une vie d’adoration

    et, en harmonie avec celle-ci,

    dans des activités

    toujours inspirées de l’Eucharistie

    et orientées vers ce Mystère de foi.

     

    Ceci est vrai aussi pour les laïcs de la Fraternité Eucharistique. Voici en quoi consiste notre vocation eucharistique à mettre en œuvre dans l’esprit de P-J. Eymard.

    C’est pourquoi lors des rencontres mensuelles dont voici le programme ci-après, nous commencerons par une catéchèse telle que cette présentation d’aujourd’hui ;

    suivie d’un partage qui s’annonce maintenant, avec vous, les personnes présentes à la chapelle, au terme de cet exposé ;

    et ensuite seulement les Pères du Saint-Sacrement de la chapelle Corpus Christi célébreront la messe du jour ;

    Et à la fin, après la célébration, nous garderons le silence pour adorer Jésus au Saint-Sacrement. Aux pieds du Seigneur Il enseignera notre cœur.

     

    Logo Chapelle Corpus Christi.jpg

     

    Sandrine Treuillard

    Engagée dans la Fraternité Eucharistique
    Chapelle Corpus Christi

    23 avenue de Friedland, Paris 8

     

     

    Retrouvez ce texte dans la sous-page enrichie 
    Fraternité Eucharistique Corpus Christi #JubiléPJEymard2018

    et la page consacrée à Pierre-Julien Eymard, Apôtre de l'Eucharistie - Un saint d'avenir

    Communauté de prière Hozana St Pierre-Julien Eymard — Chapelle Corpus Christi

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  • L'adoration : trésor eucharistique

    CouvFacebookSTPJ-EYMARD.jpg

    Suite à des réflexions intitulées Conférence adoration d’un Père du Saint Sacrement qui souhaite rester anonyme, voici mes remarques qui se sont muées en méditation sur la place de l’Esprit Saint dans l’adoration eucharistique.

    Je souhaite d’abord rappeler une évidence de l’adoration que le Christ indique, un devoir premier commun aux juifs et aux chrétiens et que les musulmans appliquent absolument : « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ta force, de toute ton âme. » Objectivement, tout croyant véritable a ce devoir d’adoration. Ce devoir correspond à une nécessité. La nécessité de reconnaître la grandeur de Dieu et de reconnaître notre position d’homme par rapport à Dieu. C’est aussi une nécessité d’action de grâce, dans la reconnaissance du Créateur qui nous donne la vie. Nécessité de reconnaître les choses comme étant à leur place. Le mouvement de l’adoration est aussi nécessairement accompagné d’humilité. Il est même mu par l’humilité. Sans humilité l’homme ne peut entrer en adoration. Au moins, si même l’adoration est perçue comme un mouvement extérieur manifesté par un geste (agenouillement, prosternation), il est au moins accompagné de la volonté de faire ce geste dans l’humilité.

    Ce mouvement de l’adoration n’est pas un simple devoir d’humilité qu’accomplirait l’homme, et encore moins le religieux du Saint Sacrement. C’est un besoin. Adorer est le besoin de se reconnaître homme devant Dieu et donc d’éprouver sa petitesse devant son Créateur. Par ce geste rempli d’humilité l’homme reçoit quelque chose de Dieu. C’est ce qui motive l’adoration. Et pour le religieux du Saint Sacrement, l’adoration eucharistique n’est pas un simple signe qui le distinguerait des autres congrégations.

    StPJEymardStRomansVitrailElipse.jpgJ’en viens donc à ce qui m’a gênée tout au long du développement du Père sss. Il y a un grand absent dans son analyse, qui ne l’est certainement pas pour le Père Eymard. Ce qui m’a permis de déceler cette absence, ce Grand absent, c’est certainement grâce à ce que j’ai appris, ce que j’apprends des communautés nouvelles (L’Emmanuel ; le Père Nicolas Buttet de la Fraternité Eucharistein ; un Raniero Cantalamessa… pour ceux que je côtoie actuellement, dans mes lectures). Ces communautés nouvelles, apparues fin des années soixante en France, vivent bien plus consciemment aujourd’hui de et avec ce Grand absent, qu’à l’époque du Père Eymard. Grâce au Renouveau charismatique, on peut vivre plus consciemment de l’Esprit Saint que Jésus nous a donné sur la Croix, même pendant l’adoration eucharistique.

    Le Père sss écrit justement que « le Père Eymard n’a pas été saisi par la Présence seulement au tabernacle, il a vécu dans l’intimité de cette Présence à la messe, qui conduit à la communion. » Je poursuivrai en ajoutant que cette Présence continue à l’adoration eucharistique et qu’il en a joui aussi sous cette forme !

    Bien sûr, l’adoration découle de la messe. Sans la consécration des Espèces par le Saint Esprit, l’hostie ne porte pas la Vie du Christ. On adore une hostie consacrée à la messe. Pas de messe, pas d’hostie consacrée. Les Prières eucharistiques 2, 3 et 4 dans le geste de la consécration du/des prêtre(s) le disent bien : « Sanctifie ces offrandes en répandant sur elles ton Esprit… » (2). 

    C’est cet Esprit que l’homme riche (qui vivait dans la rectitude de la loi et suivait tous les commandements que Jésus lui rappellera juste après, en Marc 10, 17-19) a reconnu en Jésus, quand il s’est prosterné devant lui, en lui disant qu’il est bon et quand Jésus lui a répondu, presque sous le ton du reproche : « Dieu seul est bon ! ». Cet homme avait reconnu l’Esprit de Dieu en Jésus et l’adorait spontanément comme tel, à ce moment de sa rencontre personnelle, en se jetant aux pieds du Christ.

    Au Saint Sacrement exposé, on reçoit l’Esprit Saint : l’Esprit de Jésus qu’Il donne sur la Croix quand son Cœur est transpercé. Le Christ donne sa Mère à l’Église et confie l’Église à sa Mère. Adorer le Saint Sacrement c’est contempler les mystères de la Passion, certes, mais aussi de la Pentecôte au sein de la Passion, lors de ce don d’amour pour tous les hommes. La Présence réelle englobe tous ces mystères eucharistiques qui sont réactualisés à chaque messe. Nous contemplons ces mystères durant l’adoration eucharistique.

    Á la messe, nous nous offrons avec le Christ. Nous revivons les mystères en nous donnant unis au Christ, de son Incarnation à sa Passion, puis sa Résurrection. Á la communion, nous recevons ce Corps glorieux fait chair qui, par notre acte de foi, se donne à nous et vient agir en nous. Nous pouvons espérer que notre âme fusionne avec celle du Christ lors de la communion. Á l’adoration, nous nous exposons aussi à l’amour de Dieu. Nous apprenons à nous abandonner, à ne plus agir mais à laisser le Seigneur agir en nous. Nous contemplons ces mystères d’amour eucharistique et nous nous laissons travailler par l’action du Seigneur exposé, et auquel nous nous exposons. Ce qui agit alors est la personne trinitaire qu’est le Saint Esprit. L’action de l’Esprit nous dépouille dans ce face à face de l’adoration. Nous nous dénudons devant Lui, qui est glorieux et nu à la fois.

    Pour adorer en esprit et en vérité, il me semble irréfutable que l’humilité soit cruciale. C’est l’humilité qui nous attire au Christ. L’adoration est un geste d’humilité manifesté dans le corps et vécu intérieurement, au moins dans la volonté d’être humble. Se prosterner intérieurement, en esprit et en vérité, pour rejoindre ce Dieu qui a su se rendre présent pour nous, réellement, dans ce morceau de pain consacré par l’Esprit, rejoindre ce Dieu qui a su s’abaisser pour qu’on le touche dans la foi.

    PJEymard OstensoirVitrailCCorpusChristi .jpgEn page 4, le Père sss effleure ”la solution au problème”. L’adoration, comme la messe, est le fruit du mystère de la Trinité. Si un aspect d’une des trois personnes est mis en avant à un moment de la messe, une des deux autres personnes le sera à un autre moment, et encore la troisième à un autre. Et quand le Père sss cite ces paroles du Christ dans saint Jean (et c’est bien saint Jean et pas un autre évangéliste et apôtre qui l’écrit, comme il l’a vécu lors de la Cène jusqu’au pied de la croix !) : « Mon Père et moi, nous sommes un. Je glorifie mon Père et mon Père me glorifie. Père, glorifie-moi de la gloire que j’avais près de toi avant la création du monde. » Cette gloire, cette glorification, cette action provient de la troisième personne de la Trinité : l’Esprit Saint. Glorifier le Christ, sanctifier les offrandes… est le cœur de l’action de la personne du Saint Esprit. Cette personne de l’Esprit Saint est d’ailleurs plus une action qu’une figure personnalisée. Il unifie le Père et le Christ. Il diffuse l’amour du Père et du Fils. Il est cet amour qui agit ces choses. L’amour de Dieu a un nom. C’est même une personne. C’est l’Esprit Saint.  

    Page 5, le Père sss reprend cette idée que « la conception objective (de saint Thomas d'Aquin) à l’avantage de mettre en lumière la relation de l’adoration à la célébration de la Messe. » Comme si l’adoration pouvait remettre en cause la primauté de la messe. L’adoration est un acte de foi. Foi en la Présence réelle au Saint Sacrement. Présence réelle qui ne peut être effective que par la transsubstantiation lors de la consécration à la messe. Cette hostie exposée ne prend sa source effective qu’à la consécration, quand le prêtre invoque l’Esprit Saint pour qu’il sanctifie les offrandes. Pas de messe, pas d’hostie consacrée, pas de Présence réelle. C’est comme si l’Esprit Saint, à chaque messe, lors de la consécration, redonnait à chaque fois naissance au Verbe originel fait chair, et nous rendait le Christ présent sous les Espèces du pain et du vin. Á chaque messe, le Christ renaît sous nos yeux (et ceux de la foi !), et meurt et ressuscite et nous fait le don de son Esprit. Á l’adoration, nous jouissons du don de son Esprit permanent, en permanence. Une fois que l’hostie est consacrée, Christ est vivant par elle, en elle, elle est Présence réelle et agit, donne sa Vie qui est Esprit. Par notre acte de foi qu’est l’adoration eucharistique, nous nous disposons à recevoir son Esprit. En cela, l’adoration eucharistique est la continuité de la messe et de la communion, comme don de l’Esprit et action de l’Esprit en nous.

    P-J. Eymard Portrait 1.jpgDieu fait homme continue de se donner en donnant son Esprit durant l’adoration eucharistique. Le Christ continue de verser ses grâces pendant l’adoration, de nous transmettre son Esprit de vie. Dieu se donne dans l’adoration, et pas moins que lors de la messe et la communion. L’adoration perpétuelle a certainement valeur de signe pour la congrégation du Saint Sacrement, un signe pour le monde, oui. Comme si l’ostensoir ceignant l’Eucharistie était l’étendard de la foi des religieux sss. Mais je ne pense pas que le religieux du Saint Sacrement puisse se passer de cette action d’adorer, que sans exposition il serait toujours dans sa vocation. Recevoir les grâces du Saint Sacrement exposé n’est pas une simple posture. Notre ”travail” est de nous disposer intérieurement à recevoir sa Vie dans le secret de notre être, et même à notre insu et insensiblement, pendant l’adoration eucharistique. Notre acte de foi en la Présence réelle au Saint Sacrement se situe là : nous croyons que pendant l’adoration l’Esprit de Dieu fait homme poursuit son œuvre en nous, après la messe, entre deux communions. En Le contemplant dans la foi, Il nous fait advenir à Lui, en Lui. Sa Présence réelle est alors une action spirituelle qui nous échappe et nous transforme, dans la durée de nos adorations terrestres.

    Vivant au Saint Sacrement, Dieu se donne dans l’adoration. En cela, l’Eucharistie exposée continue d’être une action initiée à la messe. Notre adoration sur terre est un avant-goût du Ciel parce que le Seigneur se donne à nous et agit en nous de façon spirituelle. Il nous fait grandir quand nous adorons en esprit et en vérité, c’est-à-dire dans l’humilité de la foi, qui nous porte à croire que Dieu se donne dans son Saint Sacrement exposé, consacré par son Esprit à la messe. L’action spirituelle du Saint Sacrement est de nous polir, de nous dépouiller, de nous faire goûter aux délices de la rencontre avec l’Esprit du Christ, à sa Paix. La Présence réelle du Saint Sacrement, née à la messe, est aussi Présence agissante spirituellement dans notre acte d’adoration, qui est acte de foi en la Toute-Puissance de Dieu dans cette humilité, cette simplicité, ce dépouillement du Saint Sacrement.


    « L’adoration, c’est le vestibule du Ciel » (saint Pierre-Julien Eymard) parce que nous goûtons déjà au face à face avec Dieu pendant nos adorations terrestres. Nous avons quelque acompte du bénéfice intérieur de la rencontre de Dieu. Comme cette chose qui échappe à force d’exposition, à certains adorateurs : de rayonner de la lumière du Christ.    
                               

    Jehanne Sandrine du SC & de la SE.jpgSandrine Treuillard

    26 juillet 2017, Sury-ès-Bois — 5 octobre 2017, Vanves


    pj eymard,adoration,adoration eucharistique,eucharistie,foi,islamResponsable de la Fraternité Eucharistique,
    Branche laïque de la Congrégation du Saint Sacrement (sss), rattachée à la Chapelle Corpus Christi,
    23 avenue de Friedland, Paris 8.

     

     

     

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    Saint Pierre-Julien Eymard, Apôtre de l'Eucharistie, un saint pour notre temps


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    Les deux détails des vitraux

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    et Chapelle Corpus Christi, Paris 8.

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