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La Vaillante a sélectionné 3 vidéos d'une quinzaine de minutes analysant les enjeux anthropologiques soulevés lors de la cérémonie d'ouverture des JO, par un essayiste docteur en sociologieMathieu Bock-Côté. Venu du Québec, il nous apprend ce qui se réalise déjà en Amérique du Nord.
1 • Les Jeux Olympiques du wokisme
2 • Les drag-queens avec les enfants dans les écoles
3 •Wokisme : Le rituel d'excuses face aux minorités
1 • Tocsin Média a couvert l'actualité de la seconde partie de l'été. Le 12 août 2024, Valentin Schirmer a reçu Sylvain Durain pour traiter de la symbolique explicitement satanique omniprésente dans le spectacle de la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques 2024, qui confirme celui d'ouverture. Avec Sylvain Durain, éditeur, auteur de René Girard, du désir à la violence (éditions du Verbe Haut, livre à paraître).
Élodie : « Place à présent au volet artistique de cette cérémonie avec cettenouvelle œuvre signée par le génial Thomas Jolly. Elle s'intitule Record. C'est parti pour un voyage dans la science-fiction avec l'arrivée du Golden Voyager, un personnage inspiré par Voyager Golden Record, un disque envoyé dans l'espace en 1977, avec la sonde Voyager, qui contient une carte d'identité de l'humanité, des images, des sons, des mesures… bref, un mode d'emploi de comment fonctionne l'humain à destination d'une civilisation extraterrestre. »
Le speaker : « Et voici le Golden Voyager. Il incarne un extraterrestre du futur qui aurait trouvé ce fameux disque. Il vient sur notre planète comme sur un cite archéologique. Il a une mission : exhumer et restaurer les Jeux Olympiques, car nous sommes dans un monde dans lequel ils n’existent plus. »
« Le Relayeur masqué du spectacle de la cérémonie d’ouverture entre en scène et vient déployer le drapeau de la cérémonie d’ouverture des JO 1977. L’hymne et le drapeau grec font écho à l’origine des Jeux nés en Grèce il y a 2800 ans. C’est un hommage à la création des Jeux de l’ère moderne par Pierre de Coubertin, et Thomas Jolly a intégré l’hymne grec, passage obligé d’une cérémonie de clôture, dans sa séquence, dans son spectacle. »
Élodie : « Rencontre entre le Golden Voyager et la déesse de la victoire de la Grèce antique, Nikke, associée aux Jeux Olympiques antiques, sous la forme revisitée de la statue de la Victoire de Samothrace, conservée au Louvre. »
Une voix off(à la manière de la voix off du vaisseau spatial dans Ulysse 31, le manga japonais diffusé en France à partir de 1981)raconte la genèse des Jeux Olympiques : « Les Jeux Olympiques seront des concours internationaux, véritables championnats du monde, dans lesquels tous les sports et exercices physiques pratiqués de nos jours se trouvent représentés tels qu’étaient les Olympiades de la Grèce antique. » (On voit alors des projections en sorte d’ombres chinoises sur le public, d’un char, etc…) « …(inaudible) adopte son modèle des vieux concours d’Olympie avec le double-principe de la fédération et de la périodicité. Ils auront lieu en 1896 à Athènes, en 1900 à Paris, et ensuite tous les quatre ans, dans les différentes capitales de l’univers. Nous retiendrons aussi qu’en vertu d’une loi qui fut toujours conservée avec un religieux scrupule, l’époque des Jeux Olympiques était un temps de trêve sacrée pour tous les grecs. Rapprochant les nations diverses pour les ”cultes” (inaudible) amicales du sport… (inaudible) : Ouvrir leur âme à ce sentiment d’amical respect qui est le premier fondement… (inaudible) ». (Vidéo à 1 heure 22 minutes 20 secondes)
2 • Ce lundi 19 août, La Vaillante découvre un décryptage encore plus poussé des 2 spectacles d'ouverture et, ici, surtout de clôture des Jeux Olympiques Paris 2024 : par une connaisseuse aguerrie des sciences occultes, en mesure de comprendre les symboles et de nous transmettre son interprétation. Je vous mets la vidéo en second. Elle nous décrasse les yeux et la conscience… Elle nous la présente ainsi :
« La cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques 2024 a déclenché une vague d'indignation mondiale avec une représentation controversée de La Cène de Léonard de Vinci, interprétée comme un affront aux symboles chrétiens. Mais ce n'était que le début. Dans cette vidéo, nous explorons comment la cérémonie de clôture a réitéré des symboles énigmatiques aux doubles sens. Était-ce un simple spectacle artistique ? La question semble légitime. Nous analyserons en profondeur les éléments choquants de cette performance, depuis les âmes tourmentées jusqu'à l'inquiétant insecte doré, et découvrirons les significations cachées derrière ces choix. Restez jusqu'à la fin pour voir comment ces symboles s'alignent avec les prophéties bibliques et autres théories controversées ! »
Il est intéressant de noter que cette YouTubeuse nous parle de Las Vegas, avec un accent français du sud, ce qui lui donne un recul certain par rapport aux médias de la Métropole…
Entretien réalisé avant le second tour des législatives anticipées, après la dissolution de l'Assemblée Nationale par le chef de l'État français, en juillet 2024. Au lendemain de l'ouverture des J.O. 2024, à Paris, l'analyse de Bertrand Vergely sur les enjeux anthropologiques dans notre société est une fois encore juste, perspicace et éclairante. Plus de 10 ans après La Manif Pour Tous (devenue Le Syndicat de la Famille) qui alertait sur les changements anthropologiques véhiculées par des idéologies mortifères à l'échelle mondiale, l'analyse de Bertrand Vergely, philosophe orthodoxe, reste d'actualité. C'est pourquoi après la publication Chrétiens de France, Réveillez-vous ! L'Heure du combat spirituel est là – Du blasphème olympique, qui ouvre une 3e Ère à notre blog, La Vaillante a choisi de relayer la parole lumineuse de Bertrand Vergely qui vient éclairer les ténèbres de ce monde.
C’est donc pour obéir à mon Souverain, ma chère Mère, que je tâcherai, lorsqu’il me le permettra, de satisfaire en toute simplicité à la demande que vous nous faites sur la continuation de ses miséricordes et libéralités. Oh ! qu’elles sont grandes, puisque souvent elles ne me laissent d’autre expression sinon de dire : Misericordias Domini in æternum cantabo ! Car, hélas ! que pourrais-je dire autre chose, puisque je m’en trouve tellement remplie que je ne m’en puis exprimer. Je m’en vois environnée de toute part, et je m’y sens abîmée sans pouvoir en sortir. Il me semble être une petite goutte d’eau dans cet océan du Sacré Cœur, qui est un abîme de toutes sortes de biens, une source inépuisable de toutes sortes de délices, et plus on en prend, plus elle est abondante. C’est un trésor caché et infini qui ne demande qu’à se manifester à nous, à se répandre et distribuer pour enrichir notre pauvreté. Je le prise et l’aime plus que tous ses dons, grâces et bienfaits ; je lui laisse faire en moi, de moi et pour moi selon son bon plaisir, sans regarder que lui seul, qui vaut un million de fois plus que tout ce qui est hors de lui-même. Si vous ne m’obligiez de vous en dire quelque chose, je laisserais tout dans lui qui me met dans l’impuissance de m’exprimer qu’avec ceux qu’il lui plaît, dont vous êtes du nombre.
Je vous dirai qu’ayant eu le bonheur de passer tout le jour de la Visitation* devant le saint Sacrement, mon Souverain daigna bien gratifier sa chétive esclave de plusieurs grâces particulières de son Cœur amoureux, lequel, me retirant au-dedans de lui-même, me fit expérimenter ce que je ne puis exprimer. Il me fut représenté un lieu fort éminent, spacieux et admirable en sa beauté, au milieu duquel il y avait un trône de flammes, dans lequel était l’aimable Cœur de Jésus avec sa plaie, laquelle jetait des rayons si ardents et lumineux que tout ce lieu en était éclairé et échauffé. La Sainte Vierge était d’un côté et saint François de Sales de l’autre avec le saint Père de la Colombière ; et les Filles de la Visitation paraissaient en ce lieu avec leurs bons anges à leur côté, qui tenaient chacun un cœur en main, et la Sainte Vierge nous invitant par ces paroles : « Venez mes bien-aimées filles, approchez-vous, car je vous veux rendre comme les dépositaires de ce précieux trésor que le divin Soleil de justice a formé dans la terre virginale de mon cœur, où il a été caché neuf mois, après lesquels il s’est manifesté aux hommes, qui n’en connaissant pas le prix, l’ont méprisé parce qu’ils l’ont vu mêlé et couvert de leur terre, dans laquelle le Père éternel avait jeté toute l’ordure et corruption de nos péchés, lesquels il a fait purifier pendant trente-trois ans dans les ardeurs du feu de sa charité. Mais voyant que les hommes, bien loin de s’enrichir et de se prévaloir d’un si précieux trésor, selon la fin pour laquelle il leur avait été donné, tâchaient au contraire de le mettre à néant et de l’exterminer, s’ils avaient pu, de dessus la terre, le Père éternel, par un excès de sa miséricorde, a fait servir leur malice pour rendre encore plus utile cet or précieux, lequel, par les coups qu’ils lui ont donné en sa Passion, en ont fait une monnaie inappréciable, marquée au coin de la divinité, afin qu’ils en puissent payer leurs dettes et négocier la grande affaire de leur salut éternel. »
[* À l'époque, la Visitation était fêtée le 2 juillet - (ndr La Vaillante)].
Et cette Reine de bonté continuant à parler, dit en leur montrant ce divin Cœur : « Voilà ce précieux trésor qui vous est particulièrement manifesté, par le tendre amour que mon Fils a pour votre institut, qu’il regarde et aime comme son cher Benjamin, et pour cela le veut avantager de cette portion par dessus les autres. Et il faut que non seulement elles s’enrichissent de ce trésor, mais encore qu’elles distribuent cette précieuse monnaie de tout leur pouvoir, avec abondance, en tâchant d’en enrichir tout le monde sans crainte qu’il défaille, car plus elles y en prendront, plus elles en trouveront. »
Ensuite, se tournant vers le bon Père de la Colombière, cette Mère de bonté dit : « Pour vous, fidèle serviteur de mon divin Fils, vous avez grande part à ce précieux trésor ; car s’il est donné aux Filles de la Visitation de le connaître et distribuer aux autres, il est réservé aux Père de votre Compagnie d’en faire voir et connaître l’utilité et la valeur, afin qu’on en profite, en le recevant avec le respect et la reconnaissance dus à un si grand bienfait. Et à mesure qu’ils lui feront ce plaisir, ce divin Cœur, source de bénédictions et de grâces, les répandra si abondamment sur les fonctions de leur ministère, qu’ils produiront des fruits au delà de leurs travaux et de leurs espérances, et même pour le salut et la perfection de chacun d’eux en particulier. »
Notre saint Fondateur, parlant à ses filles, leur dit : « O filles de bonne odeur, venez puiser dans la source de bénédictions les eaux de salut, dont il s’est déjà fait un petit écoulement dans vos âmes, par le ruisseau de vos Constitutions qui en est sorti. C’est dans ce divin Cœur que vous trouverez un moyen facile de vous acquitter parfaitement de ce qui vous est enjoint dans ce premier article de votre Directoire, qui contient en substance toute la perfection de votre Institut : Que toute leur vie et exercices soient pour s’unir avec Dieu. »
Il faut pour cela que ce Cœur sacré soit la vie qui nous anime, son amour notre exercice continuel, qui seul nous peut unir à Dieu, pour aider par prières et bons exemples la sainte Église et le salut du prochain. Et pour cela, nous prierons dans le Cœur et par le Cœur de Jésus, qui se veut rendre derechef médiateur entre Dieu et les hommes. Nos bons exemples seront de vivre conformément aux saintes maximes et vertus de ce divin Cœur de Jésus-Christ dans celui des fidèles, afin que nous soyons la joie et la couronne de cet aimable Cœur.
Après tout cela, tous les bons anges s’approchèrent pour lui présenter ceux qu’ils tenaient, qui ayant touché cette plaie sacrée devenaient beaux et luisants comme des étoiles. Il y en avait d’autres qui n’avaient pas tant d’éclat ; mais il y en eut plusieurs dont les noms demeurèrent écrits en lettres d’or dans le Sacré Cœur, dans lequel quelques uns de ceux dont je parle s’écoulèrent et abîmèrent avec avidité et plaisir de part et d’autre, leur disant : « C’est dans cet abîme d’amour où est votre demeure et repos pour toujours. » Et c’était les cœurs de ceux qui ont le plus travaillé à le faire connaître et aimer, dont il me semble, ma chère Mère, que le vôtre était de ce nombre. Pour les autres, je n’expliquerai pas l’intelligence qui m’en fut donnée, car je suis déjà trop longue en cette lettre, et puis je crois que vous l’entendrez assez. Je vous dirai seulement que ce divin Cœur vous récompensera, non seulement en votre personne, mais aussi en celle de vos proches, qu’il regarde d’un œil de miséricorde, pour les secourir en tous leurs besoins, pourvu qu’ils s’adressent à lui avec confiance, et il aura une éternelle mémoire de tout ce qu’ils font pour sa gloire. J’espère que vous ne me refuserez pas la grâce de procurer quinze messes pour feu M. de la Michaudière, en l’honneur du Sacré Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, après lesquelles il me semble qu’il vous sera un avocat puissant dans le ciel et à toute votre famille proche de ce divin Cœur.
Née en 2008 à l'initiative de jeunes paroissiens, Celebratio est une chorale liturgique d'une trentaine de membres, réunis autour de l'animation de la messe des jeunes le dimanche soir. À ce titre, Celebratio est un engagement spirituel. Ils mettent leurs voix au service du Christ, par des chants de louange et d'adoration qui puisse guider l'assemlée dans sa prière dominicale. Fondée en Christ, leurs répétitions hebdomadaires les élèvent vers Lui, grâce à des enseignements, une prière commune, et une répétition enthousiaste où chacun trouve sa place dans son pupitre. Leurs rencontres s'achèvent par un dîner où la joie de l'engagement rencontre celle des amitiés nouées.
Cet engagement leur demande rigueur, maîtrise et don de soi. Dans le strict respect de la liturgie, ils s'efforcent d'ouvrir leurs voix et leurs cœurs avec justesse, de manière pure et simple. Le chant les interpelle, résonne en eux, exprime leur prière, l'élève puis la dépose au pied de la Croix. Il devient alors un humble support de dialogue entre les fidèles et le Sauveur.
Celebratio évolue au sein de la Chapelle Notre-Dame du Saint-Sacrment, située 20 rue Cortambert, Paris XVI.
Ne crains pas
(P & M : Fr. Jean-Baptiste de la Sainte Famille
Interprétation : Celebratio album Dieu de ma joie – 2012 - Laetitia, un Label Rejoyce Musique
Enregistrement : Chapelle Saint-Jean de Passy, Paris XVI – mars 2011.)
Cette année 2022, Artisans de Paix invite Bertrand Vergely à s'exprimer lors de la Retraite interreligieuse au Centre spirituel des frères carmes de Avon. Le thème proposé est Les sens spirituels. Il en est question à travers l'émission ci-après.
Quand La Vaillante est née, le 16 février 2013, elle avait relayé la parole de Bertrand Vergely : Le mariage gay ou la dictature de la confusion. Dans l'émission suivante de KTO Conversations philosophiques, 7 ans plus tard et à la veille des 10 ans du Mariage Pour Tous, il formule a nouveau sa pensée, très clairement. Elle peut être entendue par chacun, loin de toute idéologie, revenant, au contraire, au bon sens et à la sagesse ordinaires qui savent s'émerveiller devant la vie.
Lucernaire (Hymne à la Lumière) (Rimaud/Bénédictines de Vanves)
1 – Ô Père des lumières, Lumière éternelle Et source de toute lumière, Tu fais briller au seuil de la nuit La lumière de ton visage : Les ténèbres pour toi ne sont pas ténèbres, Pour toi les nuits sont aussi claires que le jour ! R/
R/ Que ma prière devant toi s'élèvent comme un encens et nos mains comme l'offrande du soir !
2 – Ô Père des lumières, Lumière éternelle Et source de toute lumière, Tu fais briller au seuil de la nuit La splendeur du ressuscité : Nous n'avons plus besoin de lune ou de soleil : Nous avançons à la lumière de l'Agneau ! R/
3 – Ô Père des lumières, Lumière éternelle Et source de toute lumière, Tu fais briller au seuil de la nuit La clarté de ton Esprit Saint : Nous tenons allumées nos lampes pour les noces, Et nous allons à la rencontre de l'Époux ! R/
2 – L’ÉVANGILE
Quand Paula m’a dit le thème de ce soir, Prier avec le Souffle, c’était un mercredi. Devant le Saint-Sacrement, pendant l’adoration, j’ai pensé à l’épisode de l’évangile quand Jésus ressuscité souffle sur les disciples. C’est le premier soir de la Résurrection, à peine 3 jours après sa mort sur la croix. Il est apparu toute la journée, depuis l’aube : dans le jardin du tombeau vide à Marie-Madeleine ; aux disciples attristés sur le chemin d’Emmaüs ; à Pierre… Le soir, Jésus apparaît dans la salle du Cénacle où ils sont réunis, complètement désorientés, renfermés à double-tour par crainte des Juifs qui ont tué leur Maître. Jésus souffle sur eux après leur avoir transmis, par deux fois, sa Paix de Ressuscité, la Paix qui l’unit à Dieu le Père.
Évangile selon saint Jean 20, 19-23
19Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! »
20Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur.
21Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »
22Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint.
23À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. »
Puis, je pensais qu’il fallait revenir à la source de ce Souffle de la Résurrection, c’est-à-dire à celui qu’il expira sur la croix, remettant son âme au Père, en l’Évangile de saint Luc :
Évangile de saint Luc 23, 44-48
44Il était déjà presque midi ; l’obscurité se fit dans tout le pays jusqu’à trois heures, 45 car le soleil s’était caché. Le rideau du Temple se déchira par le milieu.
46Alors, Jésus poussa un grand cri : « Père, entre tes mains je remets mon esprit. » Et après avoir dit cela, il expira.
47À la vue de ce qui s’était passé, le centurion rendait gloire à Dieu : « Sûrement, cet homme, c’était un juste. » 48Et tous les gens qui s’étaient rassemblés pour ce spectacle, voyant ce qui était arrivé, s’en retournaient en se frappant la poitrine.
Délicatesse et force du Souffle du Christ : fortiter et suaviter. Force et douceur. Efficacité du Souffle du Verbe fait chair, comme sa parole « est vivante, énergique et plus coupante qu’une épée à double tranchants » (He. 4,12)
Toute parole du Christ est performative, elle opère ce qu’elle énonce, ce qu’elle dit. En ce sens, elle est aussi prière, parce que si la parole de Jésus dit et opère ce qu’elle dit, c’est parce qu’il est sans cesse en lien avec Dieu le Père qui fait tout ce que Jésus, son Fils unique et parfait, lui demande. Leur union divine indéfectible a la Toute-Puissance d’opérer, de réaliser la demande du Fils par le Père, dans l’Esprit Saint. C’est ce qu’on appelle la circumincession de la sainte Trinité : quand le Fils parle et agit, il parle et agit en union avec le Père et l’Esprit.
Quand le Ressuscité ”déboule” au Cénacle, il donne par deux fois la paix aux disciples tétanisés. Dans un premier temps, ça les détend : douceur de la paix du Christ. Puis ça leur procure de la joie : joie de voir Jésus vivant, bien sûr, et que c’est bien lui et pas un fantôme, preuves à l’appui : ses plaies de Crucifié. Mais cette Joie est aussi et surtout un don de l’Esprit en acompte du Don qui va suivre : le Souffle de l’Esprit Saint lui-même qui habite en Jésus et qui « procède du Père et du Fils » (Credo). Jésus souffle l’Esprit Saint sur eux, son haleine de Ressuscité. Ça ne sent pas la mort, mais la vie. Son haleine de Ressuscité leur communique alors un pouvoir particulier que Jésus énonce ainsi : « À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus » (v.23).
J’ai alors perçu un parallèle troublant entre ces deux extraits d’Évangile. Comme une réponse donnée aux hommes par le Souffle du Christ. Vous allez comprendre…
Dans le second extrait d’Évangile, nous sommes plongés dans les ténèbres en plein milieu de l’après-midi ; le rideau du Temple se déchire et le cri de Jésus est associé à ce déchirement et à cette nuit. Mais… « les ténèbres pour toi ne sont pas ténèbres, pour toi les nuits sont aussi claires que le jour ! » comme nous le rappelle le lucernaire chanté au début de cette réunion de prières. Car… Ô Jésus !, tu remets ton esprit entre les mains du Père : « Et après avoir dit cela, il expira ».
Ça y est, il est mort ! Après le supplice, le long chemin du calvaire depuis le jardin de Gethsémani où Judas est venu le cueillir par un baiser… où la puissance des ténèbres a commencé : la corde qui ronge les poignets, les soufflets, gifles, crachats ; la flagellation ; le visage tuméfié sous la couronne d’épines, le roseau moqueur à la main et le vêtement pourpre ; la croix qui lacère les épaules ; les trois clous, l’enfoncement du pied de la croix en terre, le sang qui irrigue le bois et la terre… les 7 paroles du Christ en croix. Ça y est, le supplice a pris fin, « Jésus de Nazareth, le roi des juifs » est enfin mort ! Soulagement. OUF !!!
Mais c’est un baiser que Jésus expire sur la croix : l’Amour FOU de Dieu. Un baiser au Père : tout son corps, son sang, sa vie est un baiser au Père, un oui définitif, une preuve d’amour et d’obéissance dans cet Amour. C’est aussi un baiser à toute l’humanité, le baiser du salut pour tous les hommes.
Au pied de la croix, ce baiser ultime agit immédiatement, bien qu’en secret : d’abord dans le cœur du centurion « qui rendait gloire à Dieu : « Sûrement, cet homme, c’était un juste. » Et dans le cœur de « tous les gens qui s’étaient rassemblés pour ce spectacle », qui, « voyant ce qui était arrivé, s’en retournaient en se frappant la poitrine. » Le baiser d’amour fou de Jésus sur la croix opère la conversion de ceux qui se laissent toucher par sa mort : son Souffle remis et retourné à la Source. Souffle qui est le Don de la Vie de Dieu pour les hommes.
Vous le voyez donc, dans la finale de ces deux extraits d’Évangile, c’est le Souffle de la vie qui a le dernier mot :
1° Le Christ en croix manifestant l’Amour infini de Dieu par son Souffle qui donne sa Grâce à ceux restés au pied de la croix : grâce de la foi, du repentir, de la conversion. De la reconnaissance que Jésus est le juste et le Messie attendu des Juifs.
2° L’haleine que le Ressuscité souffle à ses disciples au Cénacle a le pouvoir de les mouvoir, de se faire engouffrer le vent dans leur voile pour aller apporter sa paix, la Paix du Christ que nous recevons et échangeons à chaque messe. Paix du Christ Jésus reçu depuis l’Eucharistie que nous sommes envoyés, tout comme les disciples, à communiquer au monde, à en être les fidèles témoins.
L’haleine du Ressuscité donne aussi le pouvoir aux disciples de pardonner les péchés ”en son Souffle” – comme on dirait en son nom – ou de ne pas les pardonner. Ce choix qui est laissé aux disciples de pardonner (« remettre les péchés ») ou de ne pas pardonner (« ne pas remettre les péchés ») manifeste la liberté constitutive du don de la vie de Dieu : notre liberté d‘enfants de Dieu. Mais au fond, bien sûr, c’est toujours Dieu qui pardonne : les disciples sont les vecteurs, les véhicules du pardon de Dieu. Liberté leur est laissée d’exercer ce don ou pas. Liberté de se laisser traverser par le « Souffle du Don » de Dieu ou pas. Cette liberté de pardonner ou pas au nom de Dieu est aussi une responsabilité fraternelle. La dynamique du pardon touche à la circumincession des trois personnes de la Trinité qui nous est communiquée par le Souffle de l’Esprit de Jésus. La liberté inclut notre responsabilité d’enfants de Dieu d’annoncer à nos frères et sœurs en humanité le salut du Christ transmis par ce « Souffle du Don » qui nous envoie en nous transfusant sa dynamique.
3 - LE TEXTE DE LA TRADITION CHRÉTIENNE
Quand j’ai mis entre guillemets « le souffle du don », c’était pour annoncer, de façon encore voilée, le titre du Journal de frère Christophe, moine de Tibhirine, qui répond avec éloquence et adéquation au thème de ce soir : Prier avec le Souffle. « le souffle du don » de frère Christophe Lebreton est a été écrit entre le 8 août 1993 et le 19 mars 1996, jour anniversaire de sa consécration à Marie, quelques jours avant l’enlèvement des 7 moines de Tibhirine. Ils ont été béatifiés le 8 décembre 2018, à Oran, avec les 12 autres religieux martyrs d’Algérie.
Dès le 22 août, fr. Christophe écrit dans son « cahier de prière », comme il appelait son Journal : « Assassinats à Alger. Après tant d’autres. Ce cahier ne peut rester à l’abri de cette violence. Elle me traverse ». « Tout au long des mois qui suivront, Christophe se laissera traverser par cette violence »[1]. J’ajoute : Comme le Christ s’est prêté librement aux mains de ses bourreaux. En lisant le Journal de fr. Christophe (qui porte le nom du Christ, comme son Prieur Christian de Chergé…), nous voyons comment il se laisse traverser par la violence et comment sa propre violence se convertit. En lisant, nous voyons le travail de l’Esprit en lui, du Souffle de Jésus Christ qui opère sa conversion pour le préparer au don de lui-même, en conformité avec Lui, jusqu’à verser son sang par amour de l’Algérie, du petit peuple qui souffrait, et que les moines du monastère de l’Atlas se sont refusé à quitter par amour de leurs voisins musulmans, devenus leur famille implicitement choisie par le vœu de stabilité inscrit dans la Règle de Saint Benoît des trappistes.
Le 2e jour fr. Christophe réfléchit à son entreprise d’écriture : « Transcrire un baiser ».
Au 20e jour : « … J’écrirai au désert. Je défendrai ta cause. Si ton Souffle prend ma main : j’obéirai à ton langage. »
Le 15 décembre, il est à la trappe de Fès. À son retour, le 22 décembre : « Il y a eu des choses vécues ici à Tibhirine. / Surtout : le massacre des [12] Croates travaillant à creuser un tunnel et habitant en bas de chez nous. / Apprendre cela à Fès et puis vivre l’événement qui nous touche ici n’est pas identique. / Je retrouve une communauté très marquée, impressionnée : approfondie dans son identité chrétienne, humaine et… contemplative. / Je dois essayer d’intégrer en moi ce qu’ils ont vécus. »
Mais il n’en aura pas le temps. Deux jours plus tard, dans la nuit de Noël, c’est la « visite du Père Noël » (mot de fr. Paul) : Sayah Attia, « le bourreau des Croates », « et l’émir des terroristes de la région centrale »[2], nommés « frères de la montagne » par les moines, déboule en armes avec ses compères au monastère et veut « emprunter » le docteur, fr. Luc, qui tenait le dispensaire et soignait tout homme sans demander de quel bord il était. Le Prieur, fr. Christian, tient tête par trois fois à Sayah Attia qui le menaçait en disant que les moines n’avaient pas le choix. « Si, nous avons le choix ». Fr. Christophe et Philippe, quand ils avaient entendu fr. Célestin crier à l’arrivée des maquisards armés, étaient descendus se cacher dans l’une des grosses cuves à vin désaffectées de la cave. 2 heures dans la cuve où ils ont dû retenir leur souffle… Ils en sont remontés tout étonnés et honteux de voir leurs frères encore là, en vie, chantant l’office de Noël. Le 14 janvier 1994, fr. Christophe note : « À Vigiles, cette nuit, j’ai lu l’histoire du Déluge. / Et puis j’ai lu l’histoire de ta Passion et de ta Glorification. / Le sens de ce Noël 93, tu le dis à Pilate : / Je suis né / et je suis venu dans le monde / pour rendre témoignage à la vérité. / Ton souffle nous compromet : corps et biens / dans ton témoignage, / le témoignage de Jésus, c’est le souffle de la prophétie. / Faut-il faire un effort de communication pour essayer de faire entendre que ce souffle nous a bouleversés, traumatisés dit-on… / et pour ma part, je voudrais ne pas trop m’en distraire, rester branché au lieu d’expiration : ta Croix / ici s’ouvre le Chemin de l’Église / on fait ici stabilité de pèlerin, de passant. » Le 16/01 : « Dans la nuit, j’ai rendu de ta part ce service infini de dire : je te pardonne / Est-ce que je sais mon corps pour toi et toi pour mon corps. / Je ne puis dire si je suis uni à toi, simplement je pleure et supplie de n’être jamais séparé de toi, / temple du Souffle qui est en moi / venant du Père, par toi donné, / et je ne m’appartiens pas : Marie est en moi le garant de ce détachement qui en elle fut total, radical. / Près d’elle : je suis. Alors je pourrai te glorifier par mon corps. / Christian, rencontré longuement ce matin (…). J’en suis venu à parler de ce qui s’est passé le 24 au soir : qui fut vécu comme une fuite, puis une attente, puis une remontée de l’abîme. » Le 17/01, il recopie deux passages de M. Alain Chevalier à propos de l’Évangile de saint Jean :
30Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : « Tout est accompli. » Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit. (Jn 19,30)
« Le fait (Jn 19,30) de transmettre le Souffle à un groupe dont la caractéristique est son approche de la croix dans une attitude de foi et indépendamment de tout autre titre… est bien dans la droite ligne du propos johannique. » Et, au sujet du passage d’évangile que j’ai choisi de vous lire tout à l’heure, en Jean 20 : « Le v. 23 annonce qu’à la suite du Fils et animé par son souffle va se poursuivre dans le monde un ministère de pardon et de condamnation, un ministère de jugement (krisis). Dans la perspective johannique, c’est toute la communauté qui continue dans le monde la démarche du Fils. »
Le 20/01 : « Donne-moi à boire : de toi. La bouche grande ouverte : j’aspire. / Ce que tu me (nous) dit est : souffle de vie. / Je reçois mission de source : c’est Toi en moi, jaillissant en Vie éternelle. / Mission de respiration. » 25/01 : Conversion de saint Paul : « Cet Évangile n’est pas d’inspiration humaine. Dieu m’a appelé par son chérissement à le découvrir en moi pour que je l’annonce. Nul ne vient au Fils que par le Don du Père. Nul ne conçoit le Fils sinon le Père. Le Souffle seul sonde la Relation. / Te découvrir en moi, Jésus Fils du Père, c’est aussi me reconnaître merveille au regard de la Miséricorde. Venez voir, il m’a dit tout ce qui me concerne. / La mission, avant toute annonce, est écoute du Fils, accueil de ton Évangile en moi. L’Église, c’est d’abord un corps évangélisé. Et la maison de ton souffle de vérité : c’est charnel et pas une construction abstraite ou un échafaudage théorique. / Quand le disciple que tu aimes entend : voici ta mère / c’est Révélation en moi / de ton Je. »
Le 1er février : « Nouvelle disposition du chœur. Elle accentue le recueillement, favorise l’écoute en communion. Je suis en vis-à-vis de toi – crucifié qui m’attires en ta vie. L’autel nous relie. J’ai tant besoin de ton Souffle. Ami, pour faire acte de foi, acte de chant – que jamais il ne se hausse plus haut que celui du serviteur. N’en déplaise aux liturges. » Le 2/02 : « Les échanges et les votes communautaires du temps de Noël ont bien manifesté ce nous vivant, survivant. Sa vocation ultime n’est pas la défense d’un temple [le monastère]. Nous avons fait l’expérience d’être ton corps / traversé par un glaive / habité par ton Souffle / c’est Lui qui défend notre identité christique. » Le 8/02 : « Peuple porteur du Nom, notre identité tient à dire Notre Père. La Croix : identité d’inspiration et d’expiration dans le Souffle remis. Absence en moi : de joie, de charité. Ne pas désespérer. Avec les survivants de Sarajevo, avec le peuple des humiliés, tenir entre tes mains = tenus de supplier : vite Notre Père, délivre-moi, délivre-nous du mal. » 56 jours après la « visite du Père Noël », le 19/02 : « À Médéa [ville dont dépend Tibhirine, en bas], l’autre nuit encore, ils ont fait œuvre de mort, ils ont aggravé la ténèbre. Mais il y a ce temps spécial ouvert pour nous, pour moi, dans la Nuit de ta naissance. Et on a dit : jusqu’à Pâques. Au-delà ne doit pas être envisagé, c’est un temps renouvelé, coulant de Source. Mais d’ici là, j’ai une conversion radicale à faire : devenir petit enfant. Puisque né de nouveau ce 24 décembre : tu m’as tiré de la fosse et fait remonter de l’abîme. Pour vivre : par toi, avec toi, à toi et en toi vers le Père. »
Le 1er mars 94 : « Prier. À Jérusalem, au Liban, en Algérie, à Sarajevo… partout, c’est dangereux. Le priant est vulnérable, désarmé. / La prière de l’enfant : ta croix nous y invite. Elle m’attire… à Tibhirine. La prière de qui n’a pas d’autre défenseur que toi : tenu par ton Souffle. » Le 04/03 : « Tu me parles – quand je dis et chante : Pour moi grâce à ton amour, j’accède à ta maison. / Là en moi – si loin, si proche : / En Toi, j’ai accès à mon je, livré à l’amour dont tu es aimé, si quelqu’un m’aime – / et comment dire je t’aime sinon grâce à ton Souffle même / nous viendrons chez lui / moi et mon Père. » Le 6/03 : « Jésus serein ? Le zèle de ta maison me dévorera. Angoissé à mort… ta sérénité est celle du Priant. Levant les yeux au ciel, tu dis : l’heure est venue, Père. / Dans ta Prière, toute l’angoisse humaine est surmontée : par le Don qui investit entièrement ta liberté. / Le port d’attache, c’est ton Corps de Bien-aimé. / Ne me retiens pas car je monte vers mon Père et votre Père. / Dans la nuit du 24-25 décembre [1993], on est passé de la maison au corps. »
Le 13/03 : « Belle eucharistie. Sur ta parole, Jésus, j’ai pris le Don, le Don qui te donne, je l’ai pris comme on prend un baiser : la meilleure part… au vol. Je l’ai saisi et ne le lâcherai pas. Obéir, c’est communier au Don. »
Le 16/03 : « Le Don qui prend au corps – sinon c’est une idée de don. / Perdre ma vie, c’est le Don : à prendre ou à laisser. »
Le 19/03, anniversaire de sa consécration à Marie qu’il aimait tendrement. « Le Souffle du Don » traverse ce jour de la saint Joseph : « Aujourd’hui, j’entends au fond de moi ton bonheur d’être en moi : Toi, l’Aimé de l’Amour. / L’expérience si pauvre – et dérisoire à en pleurer ou à en rire – de cet étudiant tourangeau disant je t’aime sans que nulle réponse ne vienne. / C’est ton je t’aime m’attirant dans la réciprocité du Don. / Ta liberté, Jésus, est liberté d’allure : là où je vais / après / nous y sommes : il s’agit de te suivre. »
Le 06/05 : « Terrible répression : autour de nous. L’épicentre, c’est ta croix où tu te dessaisis de ta vie pour ceux que tu aimes : ici, aujourd’hui. » 8 mai 1994 : « À 14h, au centre de Ben Chnets à la Casbah, Henri Vergès, frère mariste, et Paule-Hélène, petite sœur de l’Assomption, sont assassinés. Nul n’a de plus grand amour que celui qui se dessaisit de sa vie pour ceux qu’il aime. » 10/05 : « Prier devrait conduire toute mon existence – quotidienne – à l’heure de passer de ce monde au Père. / C’est ici que m’attire ce que tu dis. Combien ton Église tient à toi : à ton Souffle de vérité. Tu lui envoies le Défenseur et dans la mort de Paule-Hélène et d’Henri : il démasque le Mensonge. Il fait tenir debout : à ce poste de travail où ton Amour même les tenait : se donnant là jusqu’à l’extrême. Ce témoignage passe par des servantes et serviteurs – amis – il vient de loin – il va et se mêle à l’Eucharistie. »
Le 12 décembre 1995 : « Ma vie offre-t-elle prise à ton Souffle… épris de toi qui viens ? Marie : elle, debout, en plein vent, libre de Toi. »
4 – LA BÉNÉDICTION
Poème tiré de AIME JUSQU’AU BOUT DU FEU – Frère Christophe moine-martyr de Tibhirine – 100 poèmes de vérité et de vie – choisis et présentés par frère Didier, moine à l’abbaye Notre-Dame de Tamié – Éditions Monte-Cristo, Toussaint 1997.
AIME JUSQU’AU BOUT DU FEU est un message d’amour pour le monde entier. C’est pourquoi le poème ICI ET LÀ de Fr. Christophe a été traduit en arabe, latin, italien, allemand, portugais, japonais, anglais, russe, polonais, espagnol, chinois, hébreu, hongrois, langue africaine, grec…
Ici et là
L’offrande de Jésus me passe entre les mains
je sais où va sa vie je pars
pour autant , frères étant donné Amour je demeure
Sandrine Treuillard de la Fraternité eucharistique catholique d’Artisans de Paix
[1] Citation de Dom Armand Veilleux qui préface le Journal. LE SOUFFLE DU DON – Journal de frère Christophe – Tibhirine 1993-1996. 1ère édition Bayard/Centurion, 1999. 2ème édition Bayard 2012, préface de Mgr Henri Teissier en plus de celle de Dom A. Veilleux.
[2] John Kiser PASSION POUR L’ALGÉRIE – LES MOINES DE TIBHIRINE – L’enquête d’un historien américain, Éditions Nouvelle cité, 2006.
PETITE INTRODUCTION À LA 'GÉOMÉTRIE SPIRITUELLE' D'ARTISANS DE PAIX
Le logo d'Artisans de Paix s'inspire du parcours dans le labyrinthe de Chartres où, pour parvenir au centre, le pèlerin ne cesse d'aller et venir en s'éloignant du centre, étant régulièrement renvoyé sur le bord du cercle formant le labyrinthe.
La ménorah juive d'Artisans de Paix est un outil permettant de retracer le chemin spirituel de quiconque. C'est la présidente d'Artisans de Paix, Paula Kasparian, qui est à l'origine de cet outil.
Le pilierde la ménorah, correspondant à la 4e Demeure spirituelle, la Voie illuminative, est aussi la rosace qui aboutit au centre du cercle du labyrinthe de Chartres. Ce qui donne le schéma de la fusion du logo d'Artisans de Paix et de la ménorah vue de haut (cf illustrations plus bas, au cours de la lecture de cet article).
N.B. : Les 7 Demeures sont contemporaines les unes des autres.
LES SAINTS NE SONT PAS ATTEINTS PAR LA MORT,
ILS SE MARIENT
Séminaire de recherche du 20 avril 2021
7e Demeure spirituelle d’Artisans de Paix
Le Bienheureux Père Marie Jean-Joseph Lataste, op
I N T R O D U C T I O N
Dans le culte catholique, le 1er novembre, nous fêtons tous les saints, ceux officiellement canonisés par le Vatican au cours des siècles, et ceux inconnus. Nous fêtons en réalité tous les baptisés, chacun étant appelé à devenir saint. Que signifie être saint pour un chrétien ? La voie de la sainteté chrétienne est le chemin à la suite du Christ. Une voie spirituelle, promesse d’atteinte du bonheur en plénitude dans l’union divine, à l’imitation du Christ. Un saint accompli est celui qui s’est conformé au Christ, à ses préceptes évangéliques, à sa vie, à ses Béatitudes. Heureux est-il ! nous disent-elles. Cette page de l’Évangile, aussi appelée le sermon sur la montagne, est un portrait spirituel du Christ.
Dans le schéma, la ménorahreprésente cette montagne. L’évangile des Béatitudes se situe au niveau du PILIER de la ménorah, correspondant à la VOIE ILLUMINATIVE. Le Verbe fait chair, le Christ, la Parole de Dieu incarnée, profère : Heureux ! Ce texte est une douce tornade qui descend de la bouche de Dieu vers les hommes. Les disciples sont assis en demi-cercle devant Jésus qui regarde chacun dans les yeux, tout en prononçant ces paroles. La douce tornade de la Parole de Jésus balaie les 7 Demeures spirituelles : tous les niveaux de notre être, de notre vie spirituelle. Son mouvement est multiple : de haut en bas, vers tout homme ; horizontalement, à tous les niveaux spirituels : en spirale descendante. Puis, en spirale ascendante elle visite encore chacune de nos demeures : ces paroles cherchent à nous élever à la plénitude de l’union à Dieu. La litanie du mot heureux visite chaque demeure, en spirale descendante, puis en spirale ascendante, puisque le but des Béatitudes est de nous élever à Dieu.
ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRIST SELON SAINT MATTHIEU
1 Voyant les foules, Jésus gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui.
2 Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait. Il disait :
3 « Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux.
4 Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.
5 Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage.
6 Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.
7 Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
8 Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.
9 Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.
10 Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux.
11 Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.
12 Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! C’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés.
Et c’est ainsi que Jésus Christ, le Fils de Dieu, sera lui-même persécuté à cause de son identité divine : flagellé et crucifié, mort sur la croix et ressuscité le 3ème jour. Croix glorieuse qui transfigure tout sur son passage. C’est dans son union à Dieu, à la volonté du Père, que Jésus, le Verbe fait chair et Dieu fait homme a réalisé cette plénitude de vie que sont les Béatitudes et qui, à vue humaine, nous semblent paradoxale. C’est parce que Jésus est sans cesse uni à Dieu le Père qu’il a la force de transfigurer les réalités, les épreuves, les souffrances humaines en béatitudes. Toute la vie du Christ, comprenant sa mort et sa résurrection, est le modèle de l’union totale à Dieu. Les Béatitudes sont une sorte de mode d’emploi pour y parvenir. Voie lumineuse de l’abandon confiant à Dieu(4e Demeure,voie illuminative).
Aujourd’hui, pour vous parler de l’accomplissement spirituel d’un saint dans les noces spirituelles, la 7e et ultime Demeure d’Artisans de Paix, j’ai choisi de vous présenter la vie avec ses petites morts, ses résurrections et son enciellement – la naissance au Ciel, le face à face avec le divin Époux – d’un dominicain du XIXe siècle – le siècle de l’eucharistie comme l’a décrit saint Pierre-Julien Eymard, son aîné et son contemporain : le veux parler du bienheureux père Marie Jean-Joseph LATASTE, apôtre de la Miséricorde divine et des prisons, fondateur des Dominicaines de Béthanie.
1 – PREMIÈRES ANNÉES
Le père Lataste est né en 1832, à Cadillac-sur-Garonne, près de Bordeaux, en Gascogne. Il est baptisé du nom d’Alcide deux jours après sa naissance. Sa sœur Rosy, son aînée de 15 ans, devient sa marraine. Il est le 7e enfant de la fratrie. Nourrisson, on craint déjà sa mort. Première occurrence avec le Christ : à l’image du petit Jésus dans la crèche dont le roi Hérode voulut la mort et entreprit le massacre des Innocents pour l’éliminer. Grâce à la fuite en Égypte de Marie et Joseph, le petit Jésus sera épargné. Pour le petit Alcide Lataste, l’air confiné de la demeure paternelle, mi-habitation, mi-magasin de draperies, déclenche une grave maladie, sans doute respiratoire. Le bébé est alors confié à une nourrice, à la campagne. De longs mois durant on essaye des remèdes, en vain, et le médecin renonce à le soigner, le déclarant perdu. Mais, peu à peu et contre toute attente, la santé de l’enfant s’améliore. La mère de l’enfant, Jeanne Lataste, a beaucoup prié la sainte Vierge. Elle lui attribue cette guérison inespérée[1]. La venue au monde d’Alcide est donc, dès le départ, un combat spirituel contre les forces de la mort. Nous sommes alors dans la seconde Demeure spirituelle d’Artisans de Paix. L’immense désir pour la vie de son enfant a poussé la mère à recourir à la prière mariale, qui correspond à la première Demeure d’Artisans de Paix. La pieuse nourrice n’est pas non plus étrangère au sauvetage de l’enfant. Ni sa sœur ainée de 15 ans, Rosy, d’ailleurs.
Après trois ans à la campagne avec sa nourrice qu’il aime comme sa propre mère, « Alcide revient à Cadillac et fréquente l’école maternelle des Sœurs de la Sagesse[2]. Il a ou va avoir 4 ans. Il est très pieux. Sa mère lui a expliqué le danger auquel il a échappé et la protection divine dont il a manifestement bénéficié. » Sa vie est voulue de Dieu, dont il est aimé.
À l’âge de 7 ans, Alcide « va en classe chez les Frères de Saint-Gabriel ». « Il commence à lire. Sa piété grandit ; il désire devenir prêtre. » Deuxième occurrence avec le Christ : devenir un alter Christus, un autre Christ en désirant être prêtre. Nous sommes dans la première Demeure spirituelle, un immense désir, mais déjà dans la 5e, Demeurede l’élection.
Souvent, sa mère ou sa nourrice « conduit Alcide à l’antiquesanctuaire de Notre-Dame de Verdelais, à deux heures de marche de Cadillac. Un jour, le garçonnet coupe un morceau d’une des robes dont on revêt la statue miraculeuse, l’emporte comme une précieuse relique.
Verdelais est certainement l’un des Hauts-Lieux qui influenceront le plus sa piété mariale. Il y reviendra toujours avec joie et, devenu homme, demandera maintes fois qu’on y prie pour lui la Madone. »
À l’âge de 9 ans, il entre au petit séminaire de Bordeaux où il excellera en version latine. À 10 ans, Alcide « reçoit la sainte Eucharistie pour la première fois ». Un an plus tard, « il reçoit le sacrement de la Confirmation et choisit le nom de Marie. Il se souviendra plus tard avec bonheur de ces deux actes importants de sa vie. L’enfant garde envers la sainte Vierge une grande dévotion et continue à envisager le sacerdoce : « Cependant, écrira-t-il, je n’osais me déclarer, tant la mission de prêtre me paraissait grande et tant je m’en reconnaissais indigne. » »
2 – ADOLESCENCE
Alcide a 14 ans. Il « ne parle plus de son avenir. » Ses parents « s’inquiètent de ce silence, croient à un fléchissement de sa vocation. Ils décident de l’éprouver : leur fils ne retournera pas au petit séminaire. Cependant, « au début de l’année scolaire, Alcide arrive au Collège de Pons, « ayant au dedans de lui la ferme conviction qu’il serait un jour prêtre ». Sous la pression de son père, Alcide va dans la section laïque de ce collège. Alors commencent les épreuves qui feront dire au collégien que « le démon avait mis tout en œuvre pour l’empêcher d’arriver au sacerdoce. » » Il devient léger au contact de ses camarades, mais reste bon.
Nous sommes, à l’entrée en adolescence du futur Père Lataste, dans ce déchirement intérieur entre l’immense désir de la 1ère Demeure et l’Appelde la 5e, celle de l’élection, dans le combat spirituel de la seconde. Ce combat que lui mène le démon est là pour lui empêcher l’accès à la 6e Demeure des fiançailles.
Cercles des 7 Demeures spirituelles d’Artisans de Paix – Ménorah vue de haut : Le pilier central correspond à la 4ème Demeure, lavoie illuminative. Opération en spirale de l’Esprit saint au niveau de toutes les Demeures, à partir de la voie illuminative, la 4ème Demeure. La spirale représente cette opération de l’Esprit appelée plus haut ”la douce tornade des Béatitudes”. (cf schéma en introduction)
Dans ce combat pour l’empêcher d’atteindre la 5e Demeure de l’élection, sa sœur aînée et marraine, Rosy, lui porte secours. Il a 16 ans quand elle en a 31. Rosy est entrée l’année précédente au noviciat des Sœurs de la Sagesse. « En apprenant qu’il quittait le petit séminaire de Bordeaux, sa prière devient plus instante. L’abandon d’un projet qu’elle croit conforme aux desseins de Dieu, la consterne. Elle veut en savoir la raison. Une correspondance s’engage. Le jeune homme lui dit l’état de son âme : depuis longtemps il hésitait devant la grandeur du sacerdoce dont il se sent indigne. Rosy insiste : la vocation d’Alcide ne lui semble pas douteuse. Sentir son indignité est un indice favorable. Un sentiment de peur domine Alcide : il ne peut supporter l’idée d’être prêtre et de n’être pas saint. »
3 – ENTRÉE DANS LA VIE D’ADULTE
À 19 ans, après l’obtention de son baccalauréat, Alcide décide d’entrer dans l’administration des contributions directes, à Bordeaux. Sa fréquentation du formateur à sa profession, un « fervent chrétien », « favorise la victoire décisive du jeune homme sur le démon de son adolescence. » Son ami « le présente à la Conférence Saint-Vincent de Paul où il se trouve d’emblée dans son élément. On organise l’adoration nocturne du saint Sacrement. Alcide et son ami sont des plus fidèles à ces veillées. »
À 20 ans, Alcide, reçu à l’examen d’entrée de l’administration des contributions directes, est nommé en poste à Privas, en Ardèche. Après une période d’ennui il rejoint la Conférence Saint-Vincent de Paul locale. Il s’épanouit dans cette œuvre de charité envers les pauvres. Et c’est à Privas qu’Alcide tombe amoureux de Cécile, Mlle Léonide Cécile de Saint-Germain. Amour partagé. Mais les parents d’Alcide refusent cette union précoce et qui ferait dommage à la jeune femme car la situation matérielle d’Alcide est modeste au regard du rang social de Cécile.
Le père d’Alcide cherche à acquérir « l’assurance que cette affection n’est pas un caprice d’un moment. Il a jugé, à cet effet, convenable de les éloigner pour que cet amour soit éprouvé par l’absence ».
C’est ainsi qu’à 21 ans, trois mois après sa rencontre de Cécile, Alcide est muté à Pau, pour continuer sa profession. « Dans l’épreuve, l’amour pour celle qu’il appelle désormais « ma sœur » se spiritualise, s’avive. Sa piété envers notre Dame devient plus fervente. Il se donne à la sainte Vierge et rédige sonTestamentspirituel : 6e Demeure : les fiançailles spirituelles.
4 – L’APPEL DES ANGES
Un soir, il entre dans une église pour prier. Il fait cette demande au pied de l’autel de la Vierge : « Si vous n’approuvez pas notre union, faites qu’Elle (Cécile) se détache de moi ou donnez-moi quelque autre signe qui me fasse comprendre ce que vous demandez de votre serviteur. »
Deux ans plus tard, il est exaucé, à la manière divine : Il a 23 ans, quand, d’abord :
– 1° : Sa sœur religieuse décède des suites « d’une paralysie. Elle avait offert sa vie pour la vocation de son frère et filleul. » – 2° : Deux jours plus tard, c’est sa nourrice, celle qui « l’avait gardé trois ans auprès d’elle et lui avait sauvé la vie », qui trépasse à son tour. – 3° : Enfin, un mois plus tard, Cécile de Saint-Germain « succombe des suites d’une fièvre typhoïde violente et compliquée de pleurésie », en quinze jours.
Face à ses trois deuils à mener de front, dans un premier temps il passe toute son énergie dans la Conférence Saint-Vincent de Paul et ne désire plus que devenir religieux ou bien se consacrer aux pauvres dans le célibat. Alors qu’il a 24 ans, un vendredi de décembre dans la Neuvaine à l’Immaculée Conception, Alcide « se met à l’étude de sa vocation affermie sur la tombe de Cécile, la sœur des anges, comme il l’appelle désormais, et prie « pour les besoins et les désirs de son âme » à lui.
5 – FRÈRE PRÊCHEUR
À 25 ans, il rédige un acte de renonciation à la vie et entre au noviciat des dominicains, à Flavigny. Il devient frère Jean-Joseph: 6e Demeure, les fiançailles spirituelles.
À 28 ans, novice étudiant au couvent dominicain, un an après la réinstallation des Dominicains par Lacordaire à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, dans le Var, souffrant d’une ostéomyélite à la hanche, le fr. Jean-Joseph a le privilège et la grâce d’embrasser la relique du crâne de Marie-Madeleine, sainte patronne des dominicains, à l’occasion de la translation des reliques dans un nouveau reliquaire, à la basilique. Là, il reçoit l’illumination spirituelle, de la 3e Demeure, et, en quelques mois sera guéri de son mal. Cette infection osseuse de la hanche était un obstacle à la réalisation de son vœu à devenir prêtre.Or, il fait profession solennelle comme frère prêcheur et est enfinordonné prêtre à 30 ans. Il parvient ainsi à la plénitude de la Demeurede l'élection (5e).
Un an plus tard, il prêche sa première retraite aux détenues de la Maison de force de Cadillac(extrait 1 et extrait 2 du Sermon 96, sur Hozana), sa ville natale, à près de 400 femmes détenues. Il renouvelle l’expérience un an plus tard : 4e Demeure, les 3 qualités du Souffle primordial (Création – Rédemption – Participation à l’offrande), ce qui se traduit dans la prédication du Père Lataste par l'approfondissement de ses trois sujets de prédilection : 1 – la Miséricorde 2 – Marie-Madeleine 3 – l'Eucharistie.
Quand le père Lataste a déposé un baiser sur le chef de Sainte Marie-Madeleine, c’est comme une illumination spirituelle qui va irriguer tout le reste de sa vie, de sa prédication et le pousser à fonder. Quand il prêche la Miséricorde divine aux femmes détenues à Cadillac, la figure de la pécheresse pardonnée de l’évangile de Luc 7, 36-48 : Une femme verse du parfum sur les pieds de Jésus suscite un retournement profond en lui. Il les appelle « mes chères sœurs » et les entend en confession avant une nuit d’adoration. Il découvre que certaines sont prêtes à devenir religieuses, vivant déjà dans le grand silence pénitentiel de la prison, le travail forcé, ayant déjà pardonné tout le mal subit et regrettant l’enchaînement malheureux des événements qui les ont poussées à l’avortement, l’infanticide, la prostitution, ou à la mendicité et au crime…
Fusion du labyrinthe de Chartres, logo d’Artisans de Paix, et des Cercles des 7 Demeures spirituelles (ménorah vue de haut, le centre étant le pilier - la voix illuminative - superposé à la rosace au centre du labyrinthe)
6 – FONDATEUR DES DOMINICAINES DE BÉTHANIE
De ces prédications, des rencontres providentielles et avec l’intercession de saint Joseph qui accélère le processus, le Père Lataste fonde l’Ordre des Dominicaines de Béthanie, à l’âge de 34 ans, 3 ans avant sa mort : 6e Demeure, les fiançailles spirituelles. Il ouvre la vocation religieuse à ces femmes issues de prison : restaurées aux yeux de Dieu, elles ont retrouvé leur innocence en expiant leur crime en maison de force. Elles vivront ensemble avec des femmes issues de milieux favorisés dans le même couvent. L’adoration eucharistique quotidienne les rassemble, les guérit, les unit… La fondation des dominicaines de Béthanie est une véritable révolution au sein de l’Église et au sein de la société. Il rédige une brochure à ce sujet : Les Réhabilitées.
7 – ENCIELLEMENT
Le père Marie Jean-Joseph Lataste rend l’âme trois ans plus tard, le 10 mars 1869, pas encore âgé de 37 ans, atteint d’une pleuro-pneumonie et en odeur de sainteté. Durant son agonie, 5 jours avant sa naissance au Ciel, son enciellement, le frère Rolland recueille cette confidence, qui présage de son entrée dans la 7e Demeure, les Noces spirituelles. Ce texte a été lu en ouverture de sa béatification, le 3 juin 2012, à Besançon. On l’intitule généralement UNE ADORATION PERPÉTUELLE. Le voici :
« Autrefois j’avais pour la très sainte Vierge une dévotion toute filiale. Je remettais entre ses mains, pour qu’elle-même en fît l’application selon sa sagesse et sa prédilection, tous les mérites que la grâce de Dieu, mes actes de piété et ma vie religieuse, toute d’obéissance et de charité, pouvaient me faire acquérir. Peu à peu cette dévotion fut un peu éclipsée par une autre plus radieuse et plus féconde. Pendant tout mon noviciat et une partie des années de ministère que Dieu m’a données, l’amour de notre Seigneur alimenta mon âme et la remplit. Maintenant tout s’efface devant une pensée unique qui domine mon âme et s’impose à elle avec force : la pensée de Dieu, de Dieu seul. Je Le vois, je Le sens dans mon âme d’une manière confuse et un peu inconsciente, il est vrai, mais je L’y vois et je L’y sens avec une inébranlable et brûlante certitude. Aussi mon âme se porte vers Lui sans cesse par un acte d’amour continu un peu vague et un peu sourd, il est vrai, mais plus fort que moi-même. Il se fait en moi une adoration perpétuelle de Dieu par un acte simple de mon âme, toujours le même et toujours nouveau, sans commencement, sans milieu, sans fin : c’est comme un reflet, une lueur de l’éternité. Il me semble que Dieu m’abaisse et m’anéantit Lui-même devant Lui pour m’élever ensuite et me fixer en Lui-même par une adhésion intime à Lui seul tout-puissant, tout lumière, tout amour, et par un détachement absolu de tout ce qui n’est pas Lui. Je ne puis plus concevoir de pensée précise sur Lui, plus produire d’actes d’amour déterminés comme autrefois, je n’ai plus qu’une seule pensée qui comprend tout et épuise toutes les forces de mon âme : Dieu, plus qu’un seul acte d’amour si intense et si continu que je ne puis plus, sans un grand effort, ni augmenter son ardeur, ni le cesser pour le recommencer. Il me semble que toute mon âme avec tout ce qui est en elle, est jetée dans le sein de Dieu et qu’il ne reste plus rien en elle que Dieu la pénétrant de toutes parts, la vivifiant, l’illuminant, l’embrasant, la divinisant. »
Dominicaines de Béthanie lors de la béatification du Père Lataste 3 juin 2012 - Besançon
Sandrine Treuillard
Chargée de mission de la Fraternité eucharistique catholique d’Artisans de Paix. Conceptrice, rédactrice en communication, auteur du texte, des schémas et de la mise en page de ce document.
N O T E S
[1]Pour écrire ce texte je m’appuie sur l’ouvrage de Robert et Claude Evers Le Père Lataste – Apôtre des prisons, Imp. de La Presse, 1954, dont les citations sont entre guillemets.
[2]Les Sœurs ou Filles de la Sagesse est l’Ordre issu de la spiritualité mariale de Louis-Marie Grignon de Montfort, alors non encore canonisé. Les Frères de Saint-Gabriel également. Les Sœurs de la Sagesse ont également le soin des detenues de la Maison de force de Cadillac, dont nous reparlerons plus loin.
En ce mois du Sacré Cœur et du Saint Sacrement, avec la solennité de la Trinité de Dimanche prochain, voici ce chant découvert il y a peu L’amour de la Croix – Dans l’auguste mystère :
Interprétation de Celebratio - chorale liturgique de la paroisse Notre-Dame du Saint Sacrement des Servantes du Saint Sacrement (branche féminine fondée par saint Pierre-Julien Eymard) de la rue Cortambert, Paris 16.
Enregistré à la chapelle Saint Jean de Passy, en mars 2011.
En lien avec la prédication de Saint Pierre-Julien Eymard – Prophète de l'Eucharistie, sur la commaunauté de prière Hozana :
Le 2 août 2021, jour de la fête du fondateur de la Congrégation du Saint Sacrement, le Père Eymard, Sandrine Treuillard et moi avons repris contact via la communauté de prière en ligne qu’elle anime, consacrée à Saint Pierre-Julien Eymard sur le réseau social Hozana[1].
Nous nous sommes connues grâce à une série de conférences[2] que Sandrine donnait chez les Pères du Saint Sacrement, avenue de Friedland, il y a trois ans. Nous avons tout naturellement sympathisé et depuis nous nous contactons régulièrement, toujours soutenues par la spiritualité de Saint Pierre-Julien Eymard, notre ami commun du Ciel.
Lorsque Sandrine m'a demandé d'apporter mon témoignage sur ma rencontre spirituelle avec le Père Eymard et comment cela se concrétise dans ma vie actuelle, je fus un peu déroutée, car c'est un exercice auquel je ne me suis jamais adonnée. Mais, poussée par la spontanéité de cet appel, je m'y suis prêtée.
Quels commencements ? Chapelle Corpus Christi – Avenue de Friedland, Paris 8e
Tout débute en 2008, date à laquelle je commence à vivre dans le quartier de la Chapelle du Saint Sacrement, à Paris. Les fenêtres de l'appartement donnent dessus ! Tout naturellement je découvre les lieux, ou plutôt je les découvre à nouveau car, je m'étais souvenue, qu'il y a longtemps, jeune étudiante, je m'y étais déjà rendue....
Au fur et à mesure des messes, des Adorations, des conférences, je m'imprègne de la spiritualité du Père Eymard et surtout du sens du Saint Sacrement dont j'approfondis le mystère.
Tout le temps où je vis dans cette proximité, un renforcement de ma foi s'opère.
Petit à petit, le Seigneur s'occupe du "terreau" de ma foi et agit doucement en me faisant connaître et "appuyer" par un de ses grands serviteurs, le Père Eymard. Souvent, je prie devant la Châsse où son corps intact[3]repose : témoignage de la grâce du Seigneur. Ce temps de proximité, où le Seigneur jette les bases en moi du sens de son Sacrifice et de Sa Présence vivante, est intense.
Saint Léon – Paris 15e
Après un certain temps, je déménage dans un autre quartier où je dois aller découvrir d'autres choses : le quartier de l'église Saint-Léon dans le 15e arrondissement. La vie intense de cette paroisse me fait nouer des contacts amicaux qui perdurent toujours, malgré l'espace et le temps. Des grâces exceptionnelles sont venues illuminer mon cœur : deux voyages à Rome : pour la Canonisation des Saints Jean-Paul II et Jean XXIII ; ainsi que pour l'année Jubilaire de la Miséricorde ont été des étapes fondatrices pour ma foi.
Il y eut ensuite le vendredi 29 juillet 2016. Cette journée était consacrée au jeûne, à la prière pour le monde, en communion autour du Père Jacques Hamel, mort en martyr au pied de l'autel, trois jours plus tôt. Ce soir-là, j'allai à l'Adoration et ce fut pour moi un moment mémorable où je reçus une grâce personnelle qui est toujours vive à mon cœur.
Servantes du Saint Sacrement – Paris 16e
L'année suivante, je déménage à nouveau et la Providence me fait trouver un logement accolé à la Chapelle des Servantes du Saint Sacrement[4] dont le fondateur de la communauté n'est autre que le Père Eymard… Me voici à nouveau en proximité étroite avec notre bon Père Eymard et les Sœurs qui portent sa spiritualité. Je peux entendre de chez moi les chants des offices, et bien sûr ma prière devant le Saint Sacrement s'intensifie et, dès que je le peux, je vais prier puisque le Saint Sacrement est exposé en quasi permanence. Ce rayonnement est exceptionnel pour moi. Je fais l'expérience de la puissance d'amour du Seigneur et de la force du pardon, là, au pied de Jésus-Hostie.
C'est une période d'une intensité extrême où les très durs événements de ma vie sont transformés en grâces spirituelles pratiquement instantanément à la lumière du Saint-Sacrement exposé. Je fais l'expérience que le Seigneur se sert de tout pour ”éduquer ses brebis”.
C'est, forte de ce vécu, que je déménage à nouveau avec un changement de vie total, en banlieue parisienne. Je retrouve le village de mon enfance.
Mézy-sur-Seine
Après des années d'éloignement, je reviens un soir dans l'église de mon village, très émue d'y pénétrer à nouveau, à l’occasion d'une réunion organisée par le nouveau curé du secteur, soucieux de connaître les paroissiens de ce petit village.
Oui, tout est là et en même temps, il y a beaucoup de poussière partout, des toiles d'araignée, des gravas, des traces d'inondation. Tout me paraît sombre, sans entretien, sans vie et pourtant, tout est aussi comme avant. Double impression, mais je suis heureuse de retrouver des visages connus et cette joie à l'air d'être partagée. Cette prise de contact est positive et en même temps mon cœur se serre tristement, car je me suis rendue compte que la petite lumière rouge du Tabernacle est éteinte…
Comment en était-on arrivé là ?
J'avais tellement de souvenirs où, dans cette église, il y avait tant de fidèles. Les gens du village et des environs venaient régulièrement. Les offices étaient magnifiques ; notre curé, le dernier en titre pour Mézy, l'Abbé Marchioni, avait le souci de la beauté, de la solennité de toutes les célébrations. Dans ma tête résonnaient ses paroles : « Rien n'est trop beau pour le Seigneur ». Et mes yeux d'enfants étaient éblouis par les lumières, les fleurs, les ornements, les habits sacerdotaux, les nappes d'autel. Je pouvais sentir l'odeur de l'encens, j'écoutais à nouveau les chants en grégorien qui m’émouvaient. Tous mes sens avaient été touchés par la beauté de ces messes qui ont marqué durablement mon âme d’enfant. Les murs résonnent encore de tout ce passé.
1991-2018 : Presque trente ans se sont écoulés depuis le départ du dernier curé de Mézy… L’église fut ensuite rattachée au secteur de Meulan, composé de 8 clochers. Au début, les messes continuèrent à être assurées tous les dimanches, car deux prêtres à la retraite venaient aider. Ces deux bons pères sont décédés au bout de quelques années et n’ont pas été remplacés. Les messes se sont donc espacées et ont fini par être supprimées. Plus tard, le secteur a subi aussi un grand remaniement, l’Evêque de Versailles ayant regroupé Meulan et Triel et nommé deux prêtres pour l’ensemble. C’est une grande tâche pour eux !
Ré-évangéliser les villages de banlieue
Donc, je reviens dans ce contexte inédit pour moi. Je passe de la vie parisienne où les messes, Adorations, confessions, enseignements, formations etc. sont à volonté, à la vie de banlieue, à 50 km, où c’est pratiquement le désert ! La différence est criante ! Toute cette région que j’ai connue, si vivante il y a quelques années, est à ré-évangéliser !! J’apprends que, dans mon village, il n’y a plus de catéchisme sur place ; pire, il n’y a que deux enfants du village inscrits sur la commune de Meulan qui assure maintenant le catéchisme pour le secteur !
Une peine fécondante
Le Seigneur a dû saisir en moi cette peine car, quelques mois après, j’apprends qu’il y a une Adoration le dimanche soir chez les Sœurs de Saint Paul de Chartres, regroupées maintenant à Vaux‑sur‑Seine. Je m’y rends donc pour la première fois un dimanche soir. En sortant de la chapelle, une jeune Sœur, que je ne connaissais pas, me sollicite et me demande si je peux prendre « au pied-levé » un groupe de première année de catéchisme. Je me souviens de ses paroles : « Je viens de prier le Seigneur à l’Adoration de m’envoyer quelqu’un pour le catéchisme, car il me manque une personne pour débuter l’année. La rentrée a lieu la semaine prochaine et je me fais beaucoup de souci, car je n’ai personne pour ce groupe. Mais, lorsque je vous ai vue, je me suis dis d’aller vous parler… » Je fus très surprise par cette demande spontanée, presque désespérée et évidemment, je n’ai pas pu dire non, malgré mes réticences. Je n’avais jamais enseigné le catéchisme et me demandais comment je pourrais en avoir le temps ! Et bien, le Seigneur a fait en sorte que je puisse lever toutes ces objections et j’ai suivi mon petit groupe d’enfants pendant trois ans jusqu’à leur Première Communion, cette année. Ce fut source de grandes joies !
Le retour du Saint Sacrement au tabernacle
La première chose à laquelle je me suis ”attaquée”, à mon retour aux sources, fut de faire revenir la Présence Vivante de Notre Seigneur dans son Tabernacle. Grâce à la messe de rentrée et du verre de l’amitié, toujours organisé à son issue, j’en fais la demande au Père Mathieu Berger qui me répond alors un magnifique « oui ». Quelle joie ! Immédiatement, j’en fais part au petit groupe et nous nous organisons, à la fois pour assurer une prière hebdomadaire et donc une présence régulière de fidèles devant le Tabernacle, ainsi que la messe solennelle du retour de Jésus-Hostie chez Lui !
Le samedi 1er décembre 2018 fut la date choisie[5] pour cette célébration où, dans notre église pleine, les paroissiens, émus, ont pu à nouveau assister à la messe à Mézy.
Le retour de l’adoration eucharistique
Par la suite est décidé que les 5ème samedis de l’année, une Adoration sera proposée par notre prêtre. Cela correspond à cinq fois par an environ. Le samedi 30 mars 2019 fut la date de la première Adoration et bien sûr les phrases lumineuses du Père Eymard tirées du livre Une pensée par jour (éditions Mediaspaul) guidèrent notre méditation.
La Sainte Cécile
Le groupe de prière était lancé avec, chaque semaine, la présence d’une dizaine de personnes régulièrement. Nous avons la chance aussi d’avoir des musiciens, des chanteurs et notamment Hervé qui, quelques années auparavant a installé un orgue à tuyaux et monté un chœur de musique sacrée. Le 22 novembre 2019, pour la Sainte Cécile, un très beau concert est donné par le Polyphone 1664 dans l’église pleine ! Le verre de l’amitié scelle le moment et nous promettons de donner rendez-vous chaque année aux mélomanes, avec dans l’idée que si nous pouvions récolter un peu d’argent, nous pourrions engager quelques restaurations…
Les travaux d’urgences réalisés
Notre église a besoin de travaux d’urgence : des fuites dans la toiture, gouttières, vitraux… abîment le mobilier, détériorent les plâtres qui en se désagrégeant ont causé la chute de plusieurs stations du chemin de croix, en terre cuite. Nous nous disons qu’il faut nous mobiliser pour intervenir.
Grâce aux élections municipales de 2020, nous avons alerté les candidats sur ces constatations.
Fabrice Zuccarelli a eu une écoute attentive sur le sujet et son goût pour l’art, et spécialement les vitraux, ont débouché sur des engagements concrets. Une fois élu maire du village, il a pris contact avec la Direction régionale du Patrimoine, à Versailles, qui a envoyé des experts sur place afin d’analyser les besoins. Ceux-ci nous ont fait part du processus de sauvegarde du Patrimoine historique qui offre un partenariat aux communes pour la prise en charge des travaux. Le Conseil Municipal a voté à l’unanimité l’engagement de la commune à ce plan de coopération avec le département. D’autre part, le maire a fait réparer le toit et donc, il n’y a plus d’inondation dans l’église à chaque pluie !
Création d’une association
Afin d’être efficaces, nous nous sommes organisés en association. Hervé, qui avait créé le Polyphone 1664, avec les membres de l’ensemble ont bien voulu modifier les statuts afin que naisse l’ASPEM – Association de Sauvegarde du Patrimoine de l’Eglise de Mézy –. Celle-ci a vu le jour le 22 juillet 2021 !
La prière revivifiée
Depuis bientôt trois ans, nous prions toutes les semaines dans notre église alternant les chapelets, les Adorations suivis le plus souvent d’un verre de l’amitié. Nos deux prêtres ont décidé que la messe de la semaine serait célébrée à tour de rôle, dans chaque église du secteur. Nous avons donc la joie d’assister à la messe dans notre église tous les mardis à 18h30, pour un mois dans l’année. Même si ce n’est pas beaucoup, c’est toujours mieux que rien du tout.
Expansion de l’adoration par les laïcs
En revanche, pour les Adorations, il n’était plus possible pour nos prêtres de les assurer. Ce fut un vrai problème pour nous qui fut levé par notre curé : il donna l’autorisation à notre petit groupe de la proposer. Au début, nous étions bien timides devant un tel acte car, jusqu’ici, les prêtres s’en chargeaient mais, petit à petit, nous nous sommes organisés.
L’adoration en temps de pandémie
Finalement, ces temps de prière nous sont devenus de plus en plus indispensables. Le temps de la pandémie arriva, avec ces différents stades pour chacun et pour tous. Nous avons assuré une continuité de prière dès que les différents confinements/couvre-feux ont été levés. Tous les samedis, de décembre 2020 à mai 2021, nous avons prié devant le Saint Sacrement exposé. Et toujours avec les méditations édifiantes du Père Eymard. Nous avions besoin de nous retrouver au pied du Saint Sacrement dans cette période inédite. Ce moment nous fortifiait les uns les autres.
Cette heure avec notre Seigneur est toujours à part dans la vie de chacun. Nous prions dans le silence de notre cœur, puis une méditation du Père Eymard surgit en alternance avec un chant, une louange, une intention de prière… tout cela est spontané et nous porte dans notre vie de baptisés.
Une église ouverte à la prière et au monde
Saint-Germain-de-Paris de Mézy est à nouveau ouverte à la fois à la prière des fidèles, aux célébrations – mariages, obsèques – également à l’attention de nos élus pour la prise en charge de ses travaux. Même si tout cela est balbutiant, notre église reprend petit à petit sa place dans l’esprit de nos concitoyens comme le cœur du village, témoin de son histoire, de l’histoire des habitants et de l’histoire de notre pays.
En Île-de-France, de nombreuses et magnifiques églises de villages sont fermées, en mauvais état. C’est vraiment triste de voir un tel patrimoine s’abîmer. Nous prions pour qu’un nouvel élan saisisse les esprits pour les sauver et sommes prêts à nous engager dans d’autres actions communes. Nous avons l’espoir que notre bon Père Eymard soutienne cette démarche, lui qui a tellement œuvré dans sa vie pour évangéliser dans les zones de grande misère spirituelle et matérielle.
L’Eglise Saint-Germain-de-Paris, à Mézy-sur-Seine, est inscrite au répertoire des monuments historiques – seul édifice du village à recevoir cette distinction – et si vous vous promenez dans cette jolie région, à l’orée du Vexin français, n’hésitez pas à venir découvrir cette jolie église ouverte le samedi de 16H30 à 17h30.
Marie-Claude Antoni Le 16 septembre 2021 Mézy-sur-Seine
[1]Saint Pierre-Julien Eymard – Prophète de l’Eucharistie sur hozana.org
[2] Catéchèse eucharistique à l’occasion du Jubilé du Père Eymard, les 150 ans de son enciellement, de janvier à juin 2018. Conférences données avec le père André Guitton sss, et le père Paul Mougin sss, Chapelle Corpus Christi, avenue de Friedland, Paris 8e.
[3] Il s’agit en fait d’une représentation en cire, le corps du Père Eymard n’ayant pas été conservé intact, par suite d’une erreur lors de l’exhumation. Au début du XXe siècle, on pratiquait beaucoup le culte des reliques. C’est ainsi que des membres de son corps ont été dispersés en plusieurs endroits, et les débris d’os mis sous capsules reliquaires se sont répandues. Actuellement, le chef du Père Eymard est à l’église Saint-Claude à Rome. Une nouvelle châsse a été réalisée pour le jubilé de 2018, à La Mure d’Isère sa ville natale et de décès qui en contient d’autres, rapatriées de Scherbrooke, au Canada. À Paris, avenue de Friedland, sous « la châsse qui fut celle de son saint ami, le Curé d’Ars », une caissette rassemble d’autres reliques. Ce sont les trois points principaux. (sources : les pères Manuel Barbiero sss et André Guitton sss)
Comme en rêve, ivre de chagrin*, désemparée, désorientée dans le jardin, Marie Madeleine ne perçoit pas la présence surnaturelle des deux anges dans le tombeau. Elle se tient elle-même au bord du réel, chancelante à la frontière du surnaturel. Ses sentiments envers le Christ la font être, depuis bien avant ce jour du trépas de son Jésus, dans la dimension au-delà de la simple humanité. Elle a déjà goûté Dieu par son Christ, mais restée simple de cœur, n’en a pas encore obtenu la conscience claire. Marie Madeleine rejoint son Christ de l’autre côté du réel, véritablement, quand Il l’appelle par son prénom. À ce moment précis, cela y est, elle pourra contempler Dieu dans sa splendeur, sans le toucher avec son corps, mais en communion d’Amour, en Esprit, tout en Union avec Jésus.
* Le chagrin de Marie Madeleine au tombeau vide résonne des larmes de Anne (la stérile) ivre de douleur dans le Temple.
Méditation d’après l’Évangile selon saint Jean (20,1.11-18) Sandrine Treuillard 22.VII.2014
Dans le texte qui suit, datant d'une messe au Carmel de Nevers, le 26 juillet 2015 (un an avant le sacrifice eucharistique du Père Jacques Hamel), suite à ma participation à la Fraternité du Cœur Eucharistique de Jésus, à Besançon, j'ai mis en caractère rouge ce qui a trait à l'amour du Cœur Eucharistique de Jésus.
La messe miraculeuse de saint Martin de Tours par Simone Martini XIVème s. Assise, Église San Francesco (détail)
Carmel de Nevers après la messe du dimanche 26 juillet 2015
La proximité du prêtre dans sa façon de célébrer la messe avec les habitants du quartier et dans son homélie, m’a beaucoup touchée. Il m’a donné les larmes aux yeux évoquant son père qui, à la fin de la journée où les enfants revenaient à pieds de l’école à 3km, revenant lui-même du bois où il préparait les bûches de chauffage pour l’année, rapportait dans son sac un pain qui avait un peu séché durant la journée, et le partageait avec ses enfants leur disant que c’était le pain d’alouette, un pain d’oiseaux… Ce souvenir lui revenait en résonance avec l’Évangile du jour, en ce dimanche 26 juillet, où Jésus a pitié de la foule nombreuse qui le suit et n’a rien à manger. Il multiplia les cinq pains d’orge et les deux poissons qu’un jeune garçon avait là, fit asseoir la foule sur l’herbe fraîche et les leur fit distribuer. Il se donne comme signe, lui-même, pour leur signifier l’existence de Dieu le Père qui pourvoie avec abondance à leurs besoins, et celui de Ciel dont ils n’ont pas encore conscience. Une fois ce signe divin donné, Jésus retourne sans ses compagnons les disciples, seul, dans la montagne, pour le cœur à cœur avec son Père du Ciel. Ainsi fuyait-il le désir des gens d’en faire leur roi sur la terre, son heure n’étant pas encore venue pour devenir celui du Ciel. Ainsi évitait-il de ”se faire manger” par le commun des mortels de façon précoce et inopportune, ce qui aurait gâché son don de lui-même, qui est tout spirituel et divin, dans le sacrifice de la Croix et jusqu’à la Résurrection.
Ce qui m’a particulièrement touchée dans la parole du prêtre est son souci de l’homme rural et de la reconnaissance de ses besoins spirituels. Ce prêtre se souvient et nous transmet un épisode de la simplicité du monde rural où la bonté originelle s’exprime. Son père avait été élevé chez des ”frères” ; il connaissait bien ”sa” Bible. Ainsi le pain des oiseaux avec ce côté merveilleux du conte n’était pas sans lien avec le Corps du Christ que nous aimons à célébrer à la messe. L’enfant qui a écouté son père et mangé avec les autres enfants ce pain des oiseaux un peu dur est devenu prêtre. C’est très beau !
Hier matin, j’ai pris mon petit déjeuner en compagnie de ce même prêtre après la messe qu’il avait célébrée. Il est originaire de Pouilly-sur-Loire. Je lui ai parlé de mon projet d’Adoration Saint Martin. Ce matin, après la messe, nous sommes venus prendre le petit déjeuner avec Philippe, le monsieur à la grande moustache qui sert la messe et distribue la communion le dimanche.Je lui avais demandé si je pouvais apporter le calice à l’offertoire. Il m’a du coup proposé de donner la communion. Je ne savais pas si j’en étais digne… si cela m’était autorisé. Je ne l’avais jamais fait. Eh bien, aujourd’hui est un grand jour, puisque pour la première fois de ma vie j’ai tendu le calice à chaque paroissien en disant : « Le Sang du Christ ! ». J’ai aussi porté la Paix du Christ aux Sœurs, dans leur clôture. Quelle joie de voir chaque visage souriant m’accueillir et accueillir la Paix du Christ et la partager ensemble ! Le plus beau sourire était celui de sr Marie-Dominique. Mais tous étaient très beaux. J’ai découvert le visage de l’une d’elle, âgée, aux yeux bleus aveugles, voilés de blanc. Sr Christiane aussi a accueilli la Paix du Christ dans un très large sourire, la dernière… Comme si je venais faire partie de leur communauté de carmélites…
Tout à l’heure, je vais proposer à Sr Michèle-Marie, ma bienfaitrice ici, celle qui a su accueillir la première mon récit de vie spirituelle et discerner avec moi l’importance de l’expression artistique dans ma vie et pour l’évangélisation… avec sainte Thérèse Bénédicte de la Croix qu’elle a introduite dans ma vie, Édith Stein… je la bénis, que Dieu bénisse toujours sr Michèle-Marie !, je lui proposerai donc de regarder avant mon départ la vidéo-diaporama « Le sens d'une église : Saint-Martin de Sury-ès-Bois (18) » avec ses sœurs Christiane et Marie-Dominique. Je souhaite leur exposer mon projet d’Adoration Saint Martin pour les campagnes, pour mon village du diocèse de Bourges qui manque tant de prêtre, qui n’a pas un seul séminariste, comprenant pourtant deux départements : le Cher (Bourges) et l’Indre (Issoudun, Châteauroux).
Quand le prêtre a imité le Christ consacrant le pain et le vin, il a évoqué les agriculteurs et les vignerons qui produisent ce pain et ce vin. Cette reconnaissance des agriculteurs au cœur de la messe devrait se faire avec autant de générosité dans toutes les églises de France.
Notre humanité a besoin de reconnaître le besoin spirituel de l’homme, et en particulier de l’homme rural abandonné, oublié et méprisé par le citadin. Ce mépris des autorités citadines pour l’homme rural le rend plus rude qu’il ne l’est. Il faut lever ce mépris qui est méprise et méconnaissance, regagner la confiance en la générosité tapie dans le cœur de l’homme rural, du paysan. Le paysan aime Dieu. Il a un lien privilégié à la Création par son travail au milieu de la nature pervertie par le Plan Marshall, les lois imposées depuis Bruxelles, les décisions bureaucratiques. La distribution mal avisée de subventions étatiques et européennes est un chantage pour maîtriser la production agricole. Elle coupe l’homme, le paysan lui-même qui, à l’origine, connaît et aime sa terre, de la vie même de cette terre. Les subventions éhontées obligent l’agriculteur à pratiquer avec ”sa” terre, avec l’écosystème (ce terme manifeste l’éloignement de la nature de l’homme qui travaillait avec elle : la nature serait devenue un système froid tout comme le système économique ou le système financier, l’homme surplombant la nature sans n’avoir plus de relation essentielle avec elle), des choses qui trop souvent sont contre le bien de la nature, contre le respect de la terre, contre l’éthique écologique et humaine. Et contre le cœur même de l’homme du pays, le paysan. Les autorités payent les agriculteurs qui doivent exécuter des pratiques anti-biologiques. C’est pourquoi il y a le plus de suicide dans cette catégorie de la population française. On apprend aux futurs agriculteurs, dans les écoles, non pas à connaître et aimer son pays, mais on les éloigne de la terre, du travail avec la terre. On éloigne la terre du corps et du cœur du paysan. On lui indique comment booster une terre déjà épuisée en ajoutant des engrais. Ou comment supprimer la vie des insectes par l’ajout d’insecticides qui viennent polluer les sols à long terme et tuer les abeilles. Constater que la terre que l’on est amené à travailler est sans vie est un drame humain pour l’agriculteur qui ne s’appelle plus ainsi d’ailleurs, mais ”exploitant agricole”. Les directives étatiques et européennes ont tellement exploité le travail des hommes dans de mauvais sens qu’il n’y a plus ni terre, ni humanité dans le travail, et que l’homme du pays est devenu l’esclave d’un travail qui n’a plus de sens que mortifère. Des hommes qui étaient en communion avec leur milieu agricole, on a fait d’eux des bureaucrates, des gestionnaires d’entreprise de destruction des ressources naturelles par des pratiques absurdes et artificielles, coupées du bon sens ordinaire, coupées de la perception naturelle de l’homme en harmonie avec son milieu de vie et de travail. L’homme du pays ne travaille plus avec la terre, avec la nature, mais contre la nature pour satisfaire une logique purement économique, abstraite, coupée de la vie. L’homme apprend à déconstruire les chaînes naturelles de la vie biologique sans plus avoir connaissance de l’harmonie naturelle de ces chaînes biologiques. Comment un agriculteur sain ne pourrait-il pas être profondément dégoûté de devoir pratiquer tout cela qu’il devrait faire subir à la terre, aux bêtes, à lui-même enfin !, en conscience ? Ceux qui se suicident montrent jusqu’où va l’absurdité du système : anti-biologique, contre l’homme, contre la vie. Une machine bureaucratique et idéologique devenue folle et meurtrière.
Qu’au sein de la messe le respect et l’amour de la vie par le Don de Dieu du Corps –le pain- et du Sang –le vin- de son Fils Jésus, le Sauveur, au Cœur transpercé qui nous donne la vie en abondance (la Miséricorde), que cela soit le cœur, le centre de la messe, est le plus grand signe d’espérance de la réconciliation possible entre les citadins et les ruraux. Les hommes des campagnes étant les garants de la dernière authenticité du pays, de la terre à aimer, à respecter, de laquelle recevoir tous les plaisirs sensibles mais aussi spirituels. Le cœur de la célébration eucharistique est le plus grand signe d’espérance de l’homme avec sa terre blessée. Cette terre blessée par l’homme devenu un administrateur éloigné de ses origines, coupé de ses racines, le citadin de Paris ou de Bruxelles qui décide de la production, du cours de l’économie, de la finance sans plus aucun lien avec le pays. La terre et le pays sont désaffectés. L’homme ne porte plus d’affection envers eux. Sa sensibilité affective est si émoussée qu’elle s’est réduite à la gestion économique. Ce qui le fait homme, sa subjectivité affective, est anéanti par un système qui le domine. Il est ainsi démuni même du sens de la responsabilité. Abêti et dominé par des règles qui n’ont plus de sens. L’homme rural qui voit le fruit de ces pratiques a le cœur qui saigne. Même la terre qui est devenue si sèche, sans vie, n’a plus de sang pour saigner. Elle souffre brutalement, à sec.Dans une région comme la Bourgogne, il n’y a plus de vie dans la terre. Le sang n’abreuve plus la terre. Elle a soif. Anémiée, elle crie sa sécheresse. Avez-vous entendu le témoignage de ce couple de microbiologistes des sols qui sillonnent avec leurs appareils de mesure les vignes bourguignonnes ? (Voir la page enrichie Le temps des grâces) Les vignes sont anémiées ! La terre n’a plus de ressource pour nourrir les ceps, elle a été épuisée par les engrais, par la surproduction contre nature, par l’atrophie du bon sens. Une terre sans ver ne respire plus et étouffe.
L’actualité du Christ dans la prière eucharistique, le don de Son Corps et de Son Sang est vivante et criante. Le miracle à opérer pour la conversion des cœurs à son Amour, à sa Vie, est là, à chaque messe, à la portée de chacun s’il veut bien ouvrir son cœur à la fraternité de base, au partage de base, à la solidarité humaine de base auquel nous convie Jésus lors de son dernier repas. Ouvrir notre cœur au don que Dieu veut nous faire de sa Vie, qu’il lui tarde de déverser dans nos vies par Jésus, avec abondance.
Il est venu répandre un feu sur la terre, le feu de son amour débordant, un feu de lumière, ce feu est lumière, un fleuve de lumière qui désaltère tout l’être et donne vie à toute chair, à toute terre.
Saint Martin avait perçu et compris le besoin spirituel du paysan dans un temps où son rapport à la nature n’était pas encore si malmené qu’aujourd’hui. Laissons-le revenir nous enseigner la Charité du Christ qu’il a partagée, à l’époque de l’Empire romain, avec les Gaulois que nous sommes toujours, au fond, mais que nous avons oubliés que nous sommes. L’homme est le même, ses besoins, mêmes spirituels, sont les mêmes. Après tout, non : le besoin spirituel de l’homme moderne a tellement été dénigré, renié, méprisé, que, comme l’annonçait Marthe Robin il y a quelques décennies, « la France est tombée encore plus bas ». Le message de la Bonne Nouvelle des bienfaits de Dieu pour l’homme n’a pas changé et est au contraire d’une très grande actualité. Il y a urgence à ce que l’homme considère son besoin de consolation et de direction spirituelle.
Sachons par là recevoir l’exemple de saint Martin de Tours. Écoutons saint Martin nous rappeler la bonté, la compassion de Dieu pour l’homme. Dieu nous veut reliés à lui dans sa grâce. Dieu nous fait miséricorde : gratuitement il nous propose son Amour sans condition. Relisons la vie de ce grand saint, moine puis évêque malgré lui. Écoutons la parole du prêtre. Tout prêtre est un autre Christ qui nous enseigne ce que Jésus lui-même enseigne. Saint Martin est la richesse du christianisme dans notre pays, un trésor d’humanité baigné de la divinité à redécouvrir. Il a eu pitié du pauvre. Il a pris part à la Passion du Christ. C’est cela la compassion, c’est cela « Jésus doux et humble de cœur » : se mettre à son école, écouter le cœur de Dieu battre pour nous.
A M E N
Le diagnostic est facile à poser. Il y a des décennies que l’on peut constater les dommages.
Le remède est cependant là, sous les yeux de qui veut bien le voir. C’est par le bois de la Croix que Dieu a donné le remède. Toute l’espérance est là. Elle coule à flot du Cœur de Jésus, la foi, dans le Sang et l’Eau. Sinon, la Croix ne serait qu’un bâton sec. Être chrétien aujourd’hui, et qui plus est dans le milieu rural, c’est s’abreuver au bois de la Croix, c’est recontacter le sens spirituel du christianisme. C’est puiser le remède à la source, dans le Cœur de Dieu, le Cœur de Jésus transpercé sur le bois de la Croix, du haut de laquelle il nous déverse tout son Amour. Le Cœur de Dieu bat au bois de la Croix. Il est tout espérance et tout amour. La Miséricorde Divine est là, pour vous, qui peinez dans les campagnes, qui souffrez de l’indifférence du pays qui ne voit pas que vous êtes sa vie, son cœur de France. Dieu, lui, le voit, le sait, et il est là pour vous, afin que vous puissiez à son Cœur qui est toute votre espérance. Dans la prière d’adoration du Saint Sacrement vous trouverez le Cœur de Dieu qui brûle d’amour pour vous. À la suite de l’évêque de Tours, avec saint Martin, vous participerez de l’amour de Jésus pour vous et pour vos frères, pour la génération humaine tout entière. Le saint Sacrement dilatera votre cœur au contact du Cœur de Dieu. Car l’Eucharistie est le mystère du Cœur de Dieu. C’est son Cœur incarné. Le Cœur de Dieu fait chair est l’Eucharistie. Laissez son silence œuvrer en vous et vous entendrez ce que personnellement il a à vous dire. Car Dieu vient pour tout homme. Il veut parler au cœur de chacun. Et plus tu es loin de Lui, plus il désire se rapprocher de toi. Le diocèse de Bourges est désert. C’est pourquoi Dieu veut y revenir. Il y est d’ailleurs : toute la vastitude le contient. Seulement, c’est l’humilité qui manque à l’homme qui fait qu’il ne Le rencontre plus. Le berrichon a perdu le lien avec son Dieu par manque de prêtres aussi. La laïcité a fait son œuvre de séparation. Non pas la séparation de l’Église et de l’État. Non. Celle-ci est toujours souhaitable. Mais la séparation de l’homme d’avec son Dieu. La dissuasion distillée au sein de l’éducation d’avoir recours au secours divin dans la difficulté inhérente au fait de vivre. L’esprit laïc mal transmis, et peut-être mal transmis à dessein et de façon renforcée depuis mai 68, a fini par interdire l’expression même du besoin spirituel fondamental de Dieu.
Mais Dieu revient dans les campagnes abandonnées de France. Justement parce qu’elle sont abandonnées, il y est d’autant plus présent. Les autochtones n’osent pas encore trop exprimer leur besoin de Dieu, de liturgie, de pasteurs. Mais Il est là, parmi nous, un reste dans les cœurs, gros comme un grain de moutarde, et qui contient toute son intensité. L’Adoration Saint Martin est une porte pour revenir au Seigneur, un canal qui y conduira à nouveau. Par l’adoration du Saint Sacrement sur l’autel, la sainte Eucharistie sertie dans l’ostensoir, laissons-nous pénétrer des trésors divins. Jésus est un délice. Sa Résurrection n’est pas une fiction, un conte de fée. Le christianisme n’est pas une sucrerie. C’est une réalité qui s’expérimente dans le cœur à cœur avec Dieu. L’adoration de la sainte Eucharistie exposée dans l’ostensoir sur l’autel de chaque église de France est une chance très belle de retrouver la relation au Dieu de la Nouvelle Alliance et éternelle. Buvons au fleuve de sa Miséricorde !
A M E N
Jehanne Sandrine du Sacré Cœur & de la Sainte Eucharistie
le di. 26.VII.2015, Carmel de Nevers, chambre Élisabeth de la Trinité
Sophie Prouvier (1817-1891) écrivit la prière au Cœur Eucharistique de Jésus en 1854, suite à la révélation du 22 janvier, réitérée par Jésus au tabernacle le 1er septembre 1854, dans la chapelle Notre-Dame du Refuge de l’Hôpital Saint-Jacques, à Besançon.
Elle en écrivit les commentaires seulement quatre ans avant sa mort, dans les circonstances suivantes :
En octobre 1886, stimulée par un père supérieur à écrire ses « méditations sur la prière au Cœur Eucharistique de Jésus d’après les lumières et les inspirations de Notre-Seigneur »*, et encouragée à faire retraite par le père Bailly, Sophie Prouvier (Mère Marie de l’Eucharistie dans la Société des Vierges de Marie et de Jésus) « se retira donc dans un petit appartement situé rue Jean de Bologne, près de l’église de Passy.** » Dès le lendemain de son entrée en retraite elle écrit : « Oui, une retraite qui durera 10 jours et ne se terminera pas. Je prendrai note durant cette nouvelle étape de mon existence, des grâces que certainement j’y recevrai et des peines que sans doute j’y endurerai. » « Les unes et les autres furent nombreuses durant ces quelques mois. »
Mère Marie de l’Eucharistie dut rompre sa solitude pour le Chapitre Général de l’Institut et fut réélue à l’unanimité Supérieure Générale de la Société des Vierges de Marie et de Jésus, le 2 août 1887. Juste après, elle reprit le travail des commentaires « qu’elle avait forcément interrompu » consacré aux Élévations sur la prière au Cœur Eucharistique. « Il se fit au milieu d’une souffrance morale intense et de pénitences excessives pour obtenir la lumière d’en-haut. Elle ne put achever et versa, comme elle le dit elle-même, « des larmes bien amères sur le deuil de son cœur. » Exténuée de fatigue et d’impuissances, écrit-elle le 21 décembre 1887, je viens de plier mes papiers et d’ensevelir tout ce qui concerne ces pauvres pages sur la prière au Cœur Eucharistique… Je ne crois pas avoir éprouvé pareille souffrance depuis mon premier travail des Constitutions. » Et dans son humilité elle ajoutait : « Oui, je me suis rendue indigne d’achever cette œuvre… » »
N’empêche que le père dominicain Régis Garrigou-Lagrange en apprécia beaucoup la valeur théologique à tel point qu’il en préfaça la première publication, en 1926. Voyons ce qu'il nous dit de cette prière…
* Les citations entre guillemets proviennent de la préface de la publicationVie de la Révérende Mère Marie de l’Eucharistie (1934), écrite par une religeisue de l'Institut et interne à la famille spirituelle fondée par Mère Marie de l’Eucharistie (Sophie Prouvier).
** Passy a d’abord été un village devenu un quartier du 16e arrondissement de Paris, en 1860.
Extraits de la Préface du Père dominicain Régis Garrigou-Lagrangeaux Élévations sur la prière au Cœur Eucharistique de Jésus de Sophie Prouvier (première publication Éditions de la Vie Spirituelle, Saint-Maximin, 1926. Seconde impression sur laquelle nous nous appuyons : Atelier du Monastère Sainte-Catherine de Langeac, 2018.)
N.B. : Pour des raisons pédagogiques, nous adoptons ici des différenciations typographiques : gras, souligné, italiques…
Sur cette nouvelle page enrichie, nous vous proposons de découvrir la dévotion au Cœur Eucharistique de Jésus (révélation au Tabernacle en 1854) par les Élévations sur la prière au Cœur Eucharistique de Jésus de Sophie Prouvier – Mère Marie de l'Eucharistie – à Besançon.
22 novembre 2021 Zaouïa Naqshabandi de Richarville (91)
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT MARC 7, 31-37
GUÉRISON D’UN SOURD-BÈGUE
Traduction du grec : Lucien Deiss C. S. Sp., 1963 – Synopse des Évangiles, DDB, 1991
31Et étant sorti de nouveau du territoire de Tyr, il vint par Sidon vers la mer de Galilée, en plein territoire de la Décapole.
32Et ils lui amènent un sourd-bègue. Et ils le supplient de lui imposer la main.
33Et l’ayant pris à l’écart de la foule, Il lui mit ses doigts dans les oreilles. Et ayant craché, il toucha sa langue ;
34Et ayant levé les yeux au ciel, il soupira. Et il lui dit : « Ephphata » C’est-à-dire : « Ouvre-toi ! »
35Et ses oreilles s’ouvrirent. Et aussitôt, le lien de sa langue fut délié. Et il parlait correctement.
36Et il leur défendit de le dire à personne. Mais plus il le leur défendait, Bien plus encore eux le proclamaient.
37Et ils étaient au comble de l’étonnement, disant : « Il a bien fait toutes choses ! Et il fait entendre des sourds Et parler des muets ! »
Pour évoquer le corps parlant et priant, j’ai choisi un évangile apophatique : apophase signifie négation. C’est plutôt par le silence que le corps de Jésus parle dans cet évangile. Une seule parole est relevée, celle qui opère la guérison de cet homme sourd-bègue.
Prenons verset par verset :
v. 31 : LONGUE MARCHE DE JÉSUS, après avoir guéri la syro-phénicienne : environ 150 kilomètres parcourus. Si vous prenez une carte, vous voyez la courbe de sa marche qui n’a pas l’air très logique : c’est que Jésus suit la volonté divine, pas à pas. Il ne sait pas à l’avance où il sera envoyé. Il quitte Tyr et remonte en Phénicie jusqu’à Sidon, puis redescend à l’est de la mer de Galilée en plein territoire des Dix Villes, au sud-est du lac de Galilée. La marche de Jésus est UNION À SON PÈRE DU CIEL. Pour Jésus, marcher c’est prier le Père, attention permanente à ce que lui souffle l’Esprit Saint. C’est comme si, en marchant, il accumulait une force, tout en priant, comme si cette marche-prière était une dynamo qui accumulait cette force dont il fera bénéficier le sourd-bègue ensuite. Jésus arrive au cœur de la Décapole[1], en plein territoire non-juif.
v. 32 : Mystérieusement attirés par Jésus, les habitants d’une ville de la Décapole lui amènent un sourd-bègue. Ils savent que Jésus fait des miracles, en ont le souvenir dans celui du gérasénien possédé d’un esprit impur qu’il a libéré à la suite d’une traversée du lac, en Marc 5, 1-20. Jésus, quant à lui, est très discret et NE S’ANNONCE PAS LUI-MÊME LORS DE SES DÉPLACEMENTS. Ces gens lui demandent d’imposer la main sur le sourd-bègue, geste thaumaturge, pour le guérir de son handicap.
v. 33 : Première réaction décisive de Jésus : il emmène cet homme loin des bruits, des yeux, des paroles de la foule. Il cherche à ÉTABLIR UNE INTIMITÉ avec cet homme silencieux et privé d’une parole claire. Ce n’est pas dit dans le texte, mais implicite : pour aller à l’écart de la foule, ils sont donc côte à côte, à marcher en silence. Ce temps-là de la marche silencieuse est déjà une action de Jésus, de relation, très délicate, invisible, tout intérieure et attentive à la personne de l’homme dont il prend soin, dès qu’il lui est confié. Ce TEMPS DE LA MARCHE est celui de la rencontre mutuelle et de l’apprivoisement de la P(p)résence. Ce qui permet à Jésus de poser les GESTES TRÈS INTIMES ET INTRUSIFS de cette guérison : mettre ses propres doigts dans les trous des oreilles ; cracher dans la paume de sa main, prélever sa salive et l’appliquer sur la langue de l’homme, qui voit très bien ses gestes.
LA SALIVE suggère la création d’Adam de la terre : pour faire de la boue il faut ajouter de l’eau à la terre. La salive fait aussi penser au SOIN MATERNEL : avec son petit, quand elle donne les premiers aliments solides, il n’est pas rare que la mère goûte pour voir si ce n’est pas trop chaud, où mâchouille avant de mettre le petit bout de nourriture en la bouche du petit… Enfin, et c’est peut-être le plus important ici, LA SALIVE DU CHRIST, le Verbe fait chair, est CONDUCTRICE DE VIE et de recréation, de restauration.
v. 34 : Ces gestes très charnels et intrusifs de Jésus sont finalement très maternels. C’est d’ailleurs ce qui qualifie la miséricorde divine : des entrailles de mère. Les gestes du Christ Jésus s’accompagnent de sa prière vers le Père du Ciel : tout en levant les yeux au ciel Jésus PRONONCE EN SOUPIRANT un vocable en trois syllabes, une PAROLE ELLE-MÊME PLEINE DU SOUFFLE AVEC LE SON F DOUBLÉS : « Ephphata ». On ne sait pas trop s’il demande au Ciel/au Père de s’ouvrir pour faire descendre le Souffle divin en l’homme, sur l’homme, comme la colombe de l’Esprit Saint au baptême de Jésus ; ou bien s’il demande à la personne sur laquelle il prononce cette parole de s’ouvrir au don de Dieu, de son Esprit. Il s’agit sans doute des deux : étant le médiateur entre la volonté du Père et l’action de l’Esprit Saint, JÉSUS INSUFFLE SA DIVINITÉ.
v. 35 : Ainsi, le Verbe fait chair, Dieu fait homme, Jésus prononce Ouvre-toi ! et sa parole agit ce qu’elle dit, performative. Parole plus efficace qu’une épée à double tranchant, avec ses deux f du Souffle divin ! Et ses oreilles s’ouvrirent. Et aussitôt, le lien de sa langue fut délié. Et il parlait correctement. La guérison qu’opère Jésus rend toute son intégrité de personne à cet homme qui, dorénavant, ne pourra plus être qualifié par son handicap.
v. 35-36 : Entre le verset 35 et le verset 36, Jésus va rendre cet homme à sa communauté. Il n’est pas dit qu’ensemble ils retournent à la ville, mais c’est une évidence. LE COMPAGNONNAGE DE LA MARCHE RECOMMENCE, mais d’une façon inouïe, toute nouvelle pour l’homme qui entend désormais ses pas sur le sable, la terre, les cailloux… et ceux de Jésus, et qui peut exprimer ce qu’il ressent de façon articulée et droite, sans doute avec beaucoup de joie. Tous les deux partagent ce moment exceptionnel et certainement très intense, dans l’intimité de leur marche.
V 36 : De retour au point de départ, dans la ville en plein territoire de la Décapole, la foule qui les attendait est là. Après avoir rendu son intégrité à cet homme, il le rend à sa communauté en leur défendant une chose bien étrange : alors qu’il a rendu la parole à cet ex sourd-bègue, il interdit à tous de clamer la guérison qu’il a opérée ! Il défendit de le dire à personne. Alors qu’une foule est témoin du miracle ! Et LE MIRACLE PARLE DE LUI-MÊME ! Et naturellement : plus il le leur défendait bien plus encore eux le proclamaient. Alors pourquoi Jésus ordonne-t-il le silence sur la guérison qu’il a opérée ? Parce qu’il est MU PAR L’OBÉISSANCE AU PÈRE ET PAR L’HUMILITÉ : toute sa personne est tournée vers le Père et toute ses actions sont faites pour rendre gloire à Dieu, pour nous montrer Dieu le Père, car c’est lui la Source du salut, la Source de toute libération et de toute guérison. JÉSUS SE VEUT L’HUMBLE SERVITEUR DE DIEU. IL S’EFFACE.
v. 37 : Mais la nature humaine est telle que personne ne comprend la nature divine de Jésus au milieu d’eux, qui fait des miracles : ils sont au comble de l’étonnement. Dans l’admiration toute charnelle, ils ne peuvent que publier les œuvres du Seigneur opérées par Jésus.
Jésus, Dieu sauve : pour sauver l’humanité, il est nécessaire que Jésus s’efface, se donne lui-même jusqu’au bout, dans l’humilité, le silence, l’ombre, l’effacement.
Pour finir : LE CORPS DE JÉSUS EST LE CANAL DE L’ESPRIT SAINT. Quand il marche, il est sans cesse relié au Père et en chacun de ses gestes aussi. Comme la nuée au désert, dans le premier Testament, qui descend sur l’arche d’Alliance, manifestant la présence divine qui accompagne les pérégrinations de son peuple, ainsi en va-t-il de la marche et des gestes de Jésus, mais de manière discrète et invisible aux yeux du corps… « que celui qui a des oreilles entende ! ».
CHANT
ABBA PÈRE– Collectif Cieux Ouverts
Un chant de recréation, de restauration et de rappel du lien de l’homme à la divinité, dans l’Esprit et la confiance du tout petit, dans la tendresse du Tout-Puissant.
Bien avant le chant qui créa l'univers Bien avant l'Esprit qui planait sur la Terre Bien avant que tu me formes de la poussière Tu rêvais du jour où Tu pourrais m'aimer
Et bien avant les premiers battements de mon cœur Bien avant que je m'éveille à Ta douceur Bien avant mes doutes, mes joies et mes douleurs Tu rêvais du jour où je pourrais T'aimer (bis) —> Ref
Ref / Abba Père, je suis à Toi Abba Père, je suis à Toi Abba Père, je suis à Toi Abba Père, je suis à Toi
Bien avant que Jésus marche sur la Terre Bien avant le Fils qui nous montre le Père Bien avant que les cieux sur moi soient ouverts Tu rêvais du jour où Tu pourrais m'aimer
Bien avant que mon péché brise Ton cœur Bien avant que coulent le sang et la sueur Bien avant les clous, le froid et la douleur Tu rêvais du jour où je pourrais T'aimer (bis) —> Ref
Abba Père, je suis émerveillé Saisi par l'immensité de Ton amour pour moi Abba Père, si grande est ta tendresse Ton cœur est grand ouvert et je viens plonger dans Tes bras (BIS & Ref)
TEXTE DE LA TRADITION
MADELEINE du Bienheureux Père Marie Jean-Joseph LATASTE (1832-1868)
Né en 1832 à Cadillac-sur-Garonne, près de Bordeaux, les premières années de la vie religieuse dominicaine du Bhx père Marie Jean-Joseph LATASTE, jusqu’à son ordination, sont marquées par la maladie qui l’empêche de suivre normalement la vie dominicaine régulière. Un panaris à la main, mal soigné pendant son noviciat, faillit aboutir à une amputation de l’index, l’empêchant ainsi d’être ordonné prêtre. Plus tard, une ostéomyélite de la hanche gênera toute la période de ses études. La rencontre fondamentale de ces années de formation n’est pas celle de S. Thomas d’Aquin ou de la théologie, mais bien plutôt celle de Marie-Madeleine. À partir de 1859, à 27 ans, dans sa correspondance, il lui est quasiment impossible de parler de l’amour de Dieu, de l’attachement au Christ, du pardon, sans nommer Marie-Madeleine. Il semble fasciné par le travail de la grâce à l’œuvre chez cette femme : « Je ne sais rien de beau comme cette innocence recouvrée dans les larmes et dans l’amour », dit-il dans un Sermon (383 pour le jour de Pâques sur la persévérance, sans date).
Je vais donc vous lire quelques extraits de ce sermon prêché aux détenues. Il décrira la scène de sa rencontre des détenues, 3 ou 4 ans plus tard, ainsi :
« Elles étaient là, près de quatre cents, couvertes de vêtements grossiers, la tête enveloppée d’un mouchoir étroitement serré autour des tempes qui leur donnait une physionomie toute singulière et (il me le parut alors du moins) vraiment repoussante.
Il était quatre heures et demie du matin. Je fus tout d’abord frappé de leur grand nombre et de leur recueillement. Il avait été réglé que, pour ne nuire en rien au travail forcé auquel elles sont soumises et aux habitudes de la prison, les exercices de la retraite seraient pris sur le temps ordinaire de leur sommeil : le matin, la prière, l’instruction, la Sainte Messe ; le soir, l’instruction, la prière et la bénédiction du très Saint Sacrement. Mais ces exercices étaient absolument libres ; c’était le seul point sur lequel on leur avait laissé l’usage de leur liberté, et cependant toutes étaient là, toutes à part deux mauvaises femmes obstinées, aussi quelques protestantes qui se tenaient à la porte, sans oser entrer, mais toutefois le plus près possible des autres. Il en fut ainsi tous les jours. (…) »
Extrait du Sermon 95 du bhx Père Marie Jean Joseph Lataste, prononcé le 3ème soir de la retraite de 4 jours (samedi 17 septembre 1864), aux détenues de la Maison de Force de Cadillac. Retraite d’inauguration et d’introduction à l’Adoration perpétuelle du Saint Sacrement dans la chapelle de cette prison. Maison de force pour femmes tenue par des religieuses.
« Le moyen assuré d’échapper à la damnation et d’êtres admises aux banquets du Ciel, c’est de vous convertir dès la vie, à l’exemple de Marie-Madeleine, de vous convertir résolument et de tout cœur. Et que faut-il pour une conversion complète ? Madeleine va vous l’enseigner. Et quels sont les fruits d’une conversion complète ? Vous l’apprendrez encore par l’histoire de Madeleine.
Il arriva un certain jour qu’un pharisien invita Jésus à manger avec lui. (…)
Or, tandis qu’ils étaient à table, une femme connue dans la ville pour une pécheresse, apprenant que Jésus était là, entra dans la maison du pharisien apportant avec elle un vase et, se tenant humblement par-derrière aux pieds de Jésus, elle commença à les arroser de ses larmes, et elle les essuyait de ses cheveux, et elle les couvrait de baisers, et elle les oignait de son parfum. – Ce que voyant, le pharisien se disait en lui-même : Si cet homme-là était prophète, il saurait bien quelle est cette femme qui le touche et qu’elle est une pécheresse. – Et Jésus, qui lisait dans son cœur, répondant à sa pensée intime [lui dit une parabole. Puis, se tournant vers la femme, Jésus dit à Simon le pharisien :] Tu vois cette femme ? Je suis entré dans ta maison, et tu ne m’as pas donné d’eau pour laver mes pieds ; mais elle, depuis qu’elle est entrée, elle n’a cessé d’arroser mes pieds de ses larmes et de les essuyer de ses cheveux. – Tu ne m’a pas donné le baiser en entrant, mais elle, depuis qu’elle est entrée, n’a pas cessé de baiser mes pieds. – Tu n’as pas embaumé ma tête, mais elle, elle a couvert mes pieds de parfum. – C’est pourquoi je te le dis : Beaucoup de péchés lui sont remis parce qu’elle a beaucoup aimé. Celui a qui il est moins remis, c’est qu’il aime moins. Et se tournant vers Marie-Madeleine, car c’était elle : Vos péchés vous sont remis. Votre confiance vous a sauvée. Allez en paix.
Oh ! la douce et ineffable parole ! Et vous aussi, pauvres âmes, vous pouvez l’entendre, cette parole divine au fond de votre âme aussi pleine et entière que Madeleine ; si vous repentant comme elle vous allez à Dieu avec confiance, si vous faites ensuite ce qu’elle a fait… Trois choses : Braver la honte et l’humiliation publique. – Employer à Dieu ce qu’elle employait au péché. – Vivre pénitente. (…)
Avez-vous remarqué ceci : C’est qu’elle se sert pour exprimer au Sauveur son repentir et son amour des mêmes choses qu’elle employait autrefois au péché, et à témoigner aux misérables créatures ses amours criminelles : ses parfums, ses baisers, ses cheveux… elle les emploie au service du Sauveur ; et les purifie à ce contact sacré. C’est ainsi qu’il faut faire. Il n’est rien de bon qui ne nous vienne de Dieu et qu’il ne nous ait donné pour l’aimer. Ces dons de la libéralité de Dieu, les hommes les emploient bien souvent à des œuvres mauvaises ; vous-mêmes, Dieu vous avait donné bien des facultés, peut-être : la jeunesse, la santé, les avantages extérieurs peut-être, peut-être une âme ardente et capable des grandes et nobles affections, une intelligence ouverte, pénétrante, peut-être, capable de comprendre et de goûter les grandes et solides joies de la piété et de la foi… et tous ces dons de Dieu vous en avez abusé contre Dieu lui-même. Que vous reste-t-il à faire, maintenant que vous êtes résolues à vous convertir à lui ? – Allez-vous essayer de vous dépouiller de toutes ces choses par la raison que vous les avez employées au péché, allez-vous maudire votre jeunesse, votre santé, votre âme ardente, allez-vous essayer de tuer votre cœur et charger de fers votre intelligence… Non, non, mille fois non ; et sans compter que vous n’aboutiriez pas peut-être, ce n’est pas là ce que Dieu demande de vous. – Toutes ces choses c’est lui qui vous les a données, et il veut que vous en usiez pour le bien. Reportez tout cela vers lui, dépensez à l’aimer et à le servir désormais, dépensez à expier vos fautes et à lui faire oublier le passé, toute la force de votre âge, toute l’activité de votre âme, toute la lumière de votre âme, tout l’élan et toutes les tendresses de votre cœur. – Suivez le conseil de l’apôtre : Ne faites pas de vos membres des armes d’iniquité ; mais donnez-vous à Dieu et désormais devenus vivants, de morts que vous étiez, consacrez-lui ces mêmes membres et faites-en, à son service, des armes de justice et de sainteté. Et comme vous avez fait autrefois servir les membres de votre corps à l’impureté et à l’injustice pour commettre l’iniquité, faites-les servir maintenant à la justice pour votre sanctification[2]. (…)
Il y a quelque temps – Saint-Maximin – Procession – Sept Évêques – Deux cents prêtres et moines – vierge – foule, décors. – Qu’est-ce donc ? Est-ce Jésus sous les voiles du pain ?… Non, c’est un crâne, une tête décharnée, une tête de femme… C’est le Chef de Ste Madeleine… Sainte-Baume…
C’est ainsi que la grâce de Dieu peut relever les âmes tombées et d’un monceau de boue, d’un vase de honte et d’ignominie faire un vase de gloire, d’honneur et de sainteté !… »
BÉNÉDICTION
Psaume 132
1 Oui, il est bon, il est doux pour des frères * de vivre ensemble et d'être unis !
2 On dirait un baume précieux, un parfum sur la tête, + qui descend sur la barbe, la barbe d'Aaron, * qui descend sur le bord de son vêtement.
3 On dirait la rosée de l'Hermon * qui descend sur les collines de Sion. C'est là que le Seigneur envoie la bénédiction, * la vie pour toujours.
Sandrine Treuillard Chargée de mission de la Fraternité eucharistique (catholique) d'Artisans de Paix
[1] La Décapole a été créée par le découpage administratif romain. À l’origine, antérieurement à la Pax Romana, ces dix villes occupées par des colons grecs avaient sans doute été regroupées en une ligue, pour des raisons commerciales. Cependant, les dix villes d’origine coloniale grecque ne sont plus celles du découpage administratif romain où se rend Jésus.
10 minutes de présentation aux élèves d’une classe de 3ème au collège Saint-Germain de Charonne - Paris 20ème sur le thème de la fraternité & de l'hospitalité interreligieuse.
Le vendredi 22 octobre 2021
Bonjour, je m’appelle Sandrine. Je suis donc la chrétienne de cette équipe d’Artisans de Paix.
Après la présentation du point de vue juif de Serge, de l’hospitalité d’Abraham, je vais vous présenter un épisode du tout début de l’Évangile écrite par Luc. Le Livre de la Genèse, où est décrit l’hospitalité d’Abraham, est aussi lu et médité par les chrétiens dans la Bible, puisque Jésus Christ étant juif, tout le Premier/Ancien Testament est son héritage et l’héritage de tous les chrétiens.
Les chrétiens ont donc comme recueil de la Parole de Dieu, la Bible. La Bible comprend le Premier ou Ancien Testament des juifs. Un Testament, dans le sens des Écritures saintes, c’est ce qui témoigne de la foi, de l’Alliance de Dieu avec les hommes. C’est la conversation de Dieu avec les hommes, écrite par l’intermédiaire de prophètes. Il y a donc d’abord l’ensemble des Livres du Premier Testament, la parole de Dieu avec le peuple juif. Puis, à partir de l’année zéro de l’ère chrétienne, à partir de la naissance de Jésus Christ, la Bible s’est enrichie du Second ou Nouveau Testament.
C’est la personne de Jésus Christ qui fait de nous des chrétiens. Le nom de chrétien vient de Christ, qui veut dire celui qui est oint avec de l’huile sainte, qui est l’élu de Dieu, choisi par Dieu, consacré à Dieu. Le Second Testament, tout comme le premier, est un ensemble de livres qui caractérise le témoignage chrétien. Ces livres témoignent de la vie de Jésus durant son passage sur la terre, d’avant sa conception jusqu’à ses 33 ans, puisqu’Il a été crucifié à l’âge de 33 ans. 4 personnes ont écrit la vie de Jésus que l’on appelle la Bonne Nouvelle de Jésus Christ ou Évangile. Ces 4 personnes, les évangélistes, qui ont écrit la vie de Jésus se nomment : Matthieu, Marc, Luc et Jean. À ces 4 évangiles s’ajoutent d’autres livres : d’abord Les Actes des Apôtres. Les Actes des Apôtres témoignent de la vie de l’Esprit Saint pour les premiers chrétiens, une fois que Jésus Christ est mort sur la croix et ressuscité. Car la foi du Chrétien réside dans l’expérience vécue dans notre vie de la présence vivante de Dieu qui est l’Esprit de Jésus mort et ressuscité, et donc bien vivant en nous et dans le monde, sous la forme de son Esprit.
Dans le Nouveau Testament, il y a aussi de nombreuses lettres : de Pierre qui a connu Jésus de très près et est devenu le chef de l’Église chrétienne. Il y a aussi de nombreuses lettres de Paul qui a répandu la Bonne Nouvelle dans tout le pourtour de la Méditerranée et jusqu’à Rome. Et d’autres lettres d’autres témoins de la vie de Jésus. Il y a enfin un dernier livre qui conclut toute la Bible et le Second/Nouveau Testament : Le Livre de l’Apocalypse, qui est la Révélation finale de la vie de Jésus Christ ressuscité.
L’épisode lié à l’hospitalité, dont je vais vous parler maintenant, est dans le 3ème livre des Évangiles, la Bonne Nouvelle de Jésus Christ écrite par l’évangéliste Luc. Luc était un médecin. Il commence son récit par l’annonce d’un miracle à un vieux prêtre qui offre de l’encens au Temple. Un ange apparaît à ce prêtre âgé qui s’appelle Zacharie. Ce messager de Dieu, l’ange Gabriel, est debout près de l’autel et révèle à Zacharie que sa femme, Élisabeth, va tomber enceinte alors qu’elle est, elle aussi, âgée. Tous les deux n’avaient pas pu avoir d’enfant durant leur vie de couple. Le miracle qu’annonce l’ange Gabriel est donc celui de la venue d’un enfant pour ce vieux couple stérile : un garçon qui s’appellera Jean.
Ce même messager de Dieu, l’ange Gabriel, va apparaître 6 mois plus tard à une jeune femme, vierge, qui n’a pas connu d’homme charnellement. L’ange rentre chez elle et lui annonce que là, elle va tomber enceinte miraculeusement, de Dieu. Vous imaginez comme Marie, c’est son nom, est bouleversée quand l’ange débarque chez elle et lui dit que Dieu va la couvrir de son ombre, que son fils s’appellera Jésus – ce qui veut dire le Sauveur –, et que cet enfant sera le fils de Dieu lui-même ! Marie interroge l’ange : « Comment cela va-t-il se faire, puisque je n’ai aucune relation charnelle, ni sexuelle avec un homme ? » L’ange lui répond que tout est possible à Dieu et que, la preuve, sa cousine Élisabeth qui était stérile avec son mari Zacharie, eh bien Élisabeth en est déjà à son 6ème mois de grossesse ! Et l’ange la quitte sur cette annonce ! Cet épisode de l’Évangile de Luc s’appelle l’Annonciation.
Marie est donc enceinte. En tous cas, c’est ce que l’ange Gabriel lui a dit. Et elle le croit. Elle est remplie de l’Esprit de Jésus en elle-même. Cet Esprit de Jésus qui n’est encore qu’un tout petit haricot dans ses entrailles de jeune fille, la pousse à aller voir sa cousine Élisabeth qui vit, elle, une grossesse miraculeuse depuis 6 mois ! Le ventre de Marie est encore tout plat. Celui d’Élisabeth déjà bien rond… Alors, Marie se jette sur les chemins, elle traverse les montagnes pour aller rendre visite à sa cousine Élisabeth, qui, à son âge, doit bien peiner à porter un enfant. Il reste encore 3 mois de grossesse pour Élisabeth. On peut imaginer tout ce qui se passe dans la tête de Marie, pendant qu’elle est en chemin vers la maison de Zacharie et Élisabeth. Son excitation, son émerveillement, sa joie… !
Et Marie arrive à la maison du vieux couple. Elle frappe à la porte, elle entre, elle dit : « La paix soit sur cette maison ! ». C’est la salutation habituelle quand on entre chez quelqu’un. Et quand sa voix retentit dans la maison et va jusqu’aux oreilles d’Élisabeth, il se passe quelque chose de très beau et d’extraordinaire dans le ventre d’Élisabeth qui porte le petit Jean : l’enfant bondit de joie dans le ventre de sa mère à la voix de Marie ! Et Élisabeth lui dit ce qu’elle ressent dans son corps, de la vie joyeuse du petit Jean à l’arrivée de Marie dans la maison. En fait, Jean est joyeux parce qu’il rencontre pour la première fois le petit Jésus dans le ventre de Marie. Bien que Jésus ne soit que ”même pas” un petit haricot dans le ventre de Marie, le bébé de 6 mois, Jean, sent l’Esprit, la vie de Jésus, sa présence en Marie.
Cette rencontre de Marie et Élisabeth, toutes les deux enceintes, est bien sûr une rencontre entre les deux femmes elles-mêmes. Mais c’est surtout la rencontre des enfants qui grandissent en elles : à l’ombre des entrailles de Marie, encore dans le secret, pour Marie ; et très visiblement en Élisabeth. Jean bondit d’allégresse à la venue de Jésus. La mission de Jean est et sera toujours joyeuse de montrer Jésus, de l’indiquer, de le faire connaître.
Cet épisode de la Visitation est donc pour nous, ici et maintenant, la figure de toute vraie rencontre. Une rencontre vraie, c’est quand ce qui est précieux en nous est révélé à l’autre que nous rencontrons et quand, réciproquement, nous est révélé ce qui est précieux en lui.
La Visitation nous présente un mystère : quelque chose qui nous dépasse et nous révèle la présence de quelque chose de plus grand que nous, en nous, en l’autre et entre nous. Cette rencontre vraie et profonde nous pousse à la joie du partage, à la confiance et à l’affection fraternelle. En fait, la Visitation c’est l’Esprit Saint en visitation : c’est l’Esprit qui fait jaillir la joie dans la rencontre.
Sandrine Treuillard Chargée de mission de la Fraternité eucharistique catholique d'Artisans de Paix
Après les quatre interventions du juif, de la chrétienne, du musulman et du bouddhiste et le petit échange entre eux, a été proposé l'exercice suivant :
Le logo d'Artisans de Paix résume en lui-même la contemporanéité des 7 Demeures spirituelles. Quand nous pénétrons dans le labyrinthe (de la cathédrale de Chartre), cheminant, nous nous rapprochons et nous éloignons du centre, alternativement, chacun à son rythme. Le centre (aux six lobes) représente le lieu de l'accomplissement. De ce centre jaillit la paix (et tous fruits spirituels), ici symbolisée par le rameau.
Paula Kasparian présente la menorah juive, symbole des 7 Demeures spirituelles d'Artisans de Paix.
1 à 3 : Les Demeures PURIFICATIVES : -1- Un immense désir -2- Le combat spirituel -3- L'illumination spirituelle
La quatrième, pilier de la ménorah, voie ILLUMINATIVE : -4- Les trois qualités du Souffle primordial : La création, la rédemption et la participation à l'offrande
5 à 6 : Les Demeures UNITIVES : -5- L'élection -6- Les fiançailles spirituelles -7- Les noces spirituelles
Pour vous parler de la 6ème Demeure spirituelle d’Artisans de Paix, qui correspond aux fiançailles spirituelles, je ferai appel à deux grands épisodes de la vie de Jésus-Christ : au moment de son Incarnation, d’une part ; et au moment de son eucharistie sur la croix, d’autre part. La Vierge Marie est une présence active et cruciale lors de ces deux événements : elle est à la fois participante et vecteur de l’Esprit de Dieu en Jésus pour les hommes, à l’Annonciation(5e Demeure de l’Élection) et à la Visitation ; et au pied de la croix. Marie représente l’humanité qui acquiesce au dessein du salut de Dieu lors de ces deux extrémités de la vie terrestre de Jésus-Christ.
Dans la Lettre aux Hébreux, après avoir expliqué l’efficacité du sacrifice du ChristJésus qui fut donné en offrande sur la croix par Dieu lui-même pour le pardon des péchés et le salut de tous les hommes (He, 10, 12-18), l’auteur de la lettre aux hébreux écrit ceci :
Lettre aux Hébreux 10, 19-20
19 Ainsi donc, mes frères, nous avons une pleine liberté pour entrer dans le lieu très-saint, grâce au sang du sacrifice de Jésus. 20Il nous en a ouvert le chemin, un chemin nouveau et vivant à travers le rideau du sanctuaire[3], c'est-à-dire à travers son propre corps.
Par le rideau ou le voile du sanctuaire nous pénétrons dans le lieu très-saint, dans la présence même de Dieu : à travers le corps-même de Jésus-Christ.
C’est par-là que je vous convie à entrer dans la 6ème Demeure spirituelle d’Artisans de Paix : par le rideau ou le voile du sanctuaire qui est le corps de Jésus-Christ lui-même, qui nous fait pénétrer dans la présence-même de Dieu. Ce rideau, ce voile du corps du Christ à travers lequel nous passons, ce lieu du passage est la Demeure des fiançailles spirituelles. Avec tout ce que les fiançailles impliquent de respect de l’autre : respect de sa liberté dans ce temps du discernement de l’amour, avant les noces. Respect qu’a Dieu de notre liberté, pour notre engagement dans son Alliance. Dieu se présente à nous, il désire plus que tout au monde notre oui à l’Alliance qu’il nous propose, mais ne le force pas. Il ouvre notre intelligence à ses mystères, avec beaucoup de délicatesse, mais ne viole jamais notre liberté. C’est ainsi qu’il se présente lors de l’Annonciation à la Vierge Marie de Nazareth, par l’ange Gabriel, plein de prévenance et de chasteté.
Dans le passage de Luc, l’annonce faite à Marie de la naissance de Jésus(5ème Demeure : l’Élection), je souligne ce qui a trait à la prévenance de Dieu par son ange et en gras ce qui a trait à la liberté de Mariequi se traduit par des questions qui impliquentl’exercice de son intelligence. Enfin, en caractère romain (standard), je souligne le mouvement du haut vers le bas, la kénose, l’abaissement de Dieu vers l’homme (en l’occurrence, ici, la femme, la Vierge Marie), dans son dessein d’incarnation de son Esprit divin dans la chair humaine :
— par son ange ;
— par l’Esprit Saint (« la puissance du Dieu très-haut »).
Le premier corps charnel où se révèle l’Esprit de Jésus-Christ, Fils de Dieu, est celui de Marie
Ainsi, déjà, dans l’annonce faite à Marie de la naissance de Jésus, nous constatons que le tout premier lieu de passage dans le corps charnel humain où Dieu veut se révéler, se manifester, est celui de la Vierge Marie, la mère de Jésus. Marie est la première prévenance de Dieu envers nous, ses créatures, la première délicatesse, pour ne pas nous heurter dans sa venue divine en notre humanité.
De la Visitation
C’est dans ce corps humain d’une femme fécondée par l’Esprit de Dieu, que l’Esprit de Jésus-Christ va se manifester à travers une autre femme et un autre enfant, son aîné de 6 mois dans les entrailles de Élisabeth, la parente de Marie. À peine insensiblement couverte par l’ombre du Dieu très-haut (« c’est le secret de Dieu », comme l’écrit Christian de Chergé) à l’Annonciation, Marie se jette sur les chemins dans les montagnes pour rejoindre la maison de Zacharie. Elle médite en chemin ce grand bouleversement de la visite de l’ange, mais elle ne perçoit pas pleinement en son corps, en son intelligence, le mystère qui l’habite désormais : le Verbe qui prend chair en tout son être, et lui insuffle son dynamisme, cet enthousiasme à rejoindre son aînée âgée miraculeusement enceinte, elle aussi.
Nous arrivons donc au seuil de la maison de Zacharie, à l’entrée de chez Élisabeth et frappe le mystère de la Visitation. Esprit Saint en Visitation, Marie passe la porte et invoque la paix sur cette maison et ses habitants, sans réaliser qu’elle porte elle-même en son sein le Prince-de-la-Paix. Toute son énergie est pourtant de Dieu, toute spirituelle, Esprit de Jésus en elle qui rayonne, se répand, se communique à Élisabeth, de Jésus, minuscules cellules embryonnaires et puissance d’Esprit et de Vie, à Jean-Baptiste dans les eaux fœtales de sa mère gravide. Le sein d’Élisabeth vibre alors comme la peau d’un tambour, ce ventre devient la caisse de résonnance de l’Esprit de Jésus, c’est-à-dire allégresse et joie de la Vie divine communiquée au petit Jean. Réminiscence de la danse de David devant l’arche d’alliance.
La circulation de l’Esprit de Dieu d’une femme à l’autre, de l’enfant en leur sein, à l’autre ; des paroles qui s’exhalent d’une bouche, celle de Marie, puis de l’autre bouche, celle d’Élisabeth ; ces manifestations de la vie divine qui passe à travers elles et leur(s) enfant(s) à naître, nous enseignent déjà le mystère de l’Eucharistie : don de soi-même se laissant traverser corps, âme et esprit par l’énergie de Dieu pour avancer, bientôt, son grand OUI au nom de toute l’humanité, que sera le chant d’action de grâce de Marie, le Magnificat, qui est entrée dans la septième Demeure spirituelle : les noces, l’union avec Dieu, participant à son Eucharistie, communiant à la vie divine dans le don mutuel de l’Amour : Alliance accomplie. Réminiscence du cantique de Moïse qui a fait périr chevaux et cavaliers dans les eaux de la Mer rouge, que lance devant Dieu la voix de Maryam, la prophétesse, sœur aînée de Moïse et Aaron, ancêtre de notre Marie de Nazareth (cf. Pierre Claverie, Marie la vivante), dans le nouveau cantique de Marie, le Magnificat qu’elle exulte après la salutation d’Élisabeth en réponse à la sienne : ce sera la récapitulation de l’Amour de Dieu dans l’ancienne Alliance hébraïque, accomplie dans la Nouvelle, en Jésus Christ. Ainsi s’incarne, se manifeste et s’esquisse la victoire de Dieu en son Fils Jésus-Christ, au moment de la Visitation.
La Visitation est inscrite comme fiançailles spirituelles, promesse de l’Union à venir. Mystère de l’hospitalité réciproque, de l’apprivoisement de l’autre dans l’ouverture et la joie de s’entre-(re)-connaître.
La pentecôte eucharistique – Effusion de l’Esprit saint à la croix
La 6ème Demeure spirituelle est aussi ce lieu du passage dans le corps du Christ au moment de son eucharistie sur la croix, la pâque ultime qui nous baptise dans le Sang, l’Eau et l’Esprit, ce que j’appelle avec saint Pierre-Julien Eymard la pentecôte eucharistique. La pentecôte eucharistique commence effectivement déjà à la croix. Ce moment, cet événement est une autre économie du don eucharistique dans et de l’Esprit Saint. C’est aussi l’économie de la participation de l’humanité aux grâces divines, aux dons de l’Esprit Saint. Le commerce de la grâce divine n’attend pas cinquante jours après Pâques dans le régime chrétien, événement qui correspond à la Pentecôte hébraïque (Chavouat). Dès le moment où le centurion romain [Longin (ainsi surnommé parce que le terme en grec ancien signifie lance)] plonge le fer de sa lance dans le côté droit du Christ atteignant jusqu’à son cœur, nous bénéficions, nous qui sommes au pied de la croix, du baptême dans l’Esprit, l’Eau et le Sang du Christ. La pentecôte eucharistique est cette aspersion charismatique de l’Eau et du Sang jaillissant du Corps du Christ mort sur la croix, qui vient de remettre son âme entre les mains du Père. Mort, le Christ nous apporte tout le dynamisme de la Vie, sur la Croix. Nous sommes pécheurs, c’est en cela que nous transperçons tous son côté avec le centurion. Et nous confessons notre foi en recevant l’Esprit présent dans les Espèces de l’Eau et du Sang du Corps du Christ en croix. L’eucharistie à la messe n’est pas autre chose.
Et Marie est au pied de la croix à ce moment-là. Avant que le fer de la lance de Longin n’atteigne le cœur de son Fils bien-aimé en croix, ce fer a traversé son âme à elle, longuement, et tout le temps de la marche au Calvaire, de la Passion de son fils, jusque-là. Elle a eu le temps d’être reçue par Jean comme sa mère, chez lui. Jésus en a fait notre mère spirituelle à tous, il nous l’a donnée avant de s’en remettre au Père. Jean la prend alors chez lui et nous la prenons chez nous, avec lui. Ce moment-là aussi représente des fiançailles. Voici ta mère – Voici ton fils. Hospitalité réciproque. C’est Jésus qui fait le lien, encore, Lui, véritable prêtre et victime véridique : qui s’offre librement pour le salut de tous. Cette hospitalité réciproque de Marie et de Jean est le don ultime de Jésus : par-là, il promet pérennité de vie à son Église qui vient. C’est dorénavant par son Esprit, l’Esprit de Jésus qui circulera de la Mère l’Église – Marie – à ses fils, tous nouveaux baptisés chrétiens – représentés ici par Jean – que le don eucharistique du Christ se perpétuera. C’est ce qui se passe au moment de l’épiclèse : l’invocation de l’Esprit Saint sur les Espèces du Pain et du Vin, par le prêtre célébrant la messe, au nom du Christ Jésus.
Le commerce de l’amour, la circulation de la charité, c’est le dynamisme de la croix célébré à chaque Eucharistie. Tous les baptisés se retrouvent au pied de la croix dans la pentecôte eucharistique, pendant la messe.
Libre, tu t’éveilles, premier-né d’entre les morts !R É S U R R E C T I O N
De ton cœur naît l’Église à l’image de Dieu,S A C R É CŒ U R
car toi seul tu baptises dans l’Esprit et le feu. EFFUSION DEL’ESPRIT SAINT
Antienne du Cantique de Zacharie, laudes du samedi, deuxième semaine du temps liturgique ordinaire
Pour finir, une application visuelle de ce que je viens d'avancer pour l'exploration de la 6ème Demeure spirituelle d'Artisans de Paix, par mon blason spirituel.
Sandrine Treuillard
Chargée de mission de la Fraternité eucharistique catholique d'Artisans de Paix 16 mars 2021
Note liminaire Le texte que vous vous apprêtez à lire est le fruit d'une méditation personnelle de la Parole de Dieu qui n'engage que son auteur.
Invocation de l’Esprit Saint – Réception de la Parole de Dieu
Le Christ mesurant le monde entier - Manuscrit allemand du 15e siècle
Vendredi 6 novembre 2020
Au moment de l’oraison, après la psalmodie des Laudes, je me vois poussée à l’invocation de l’Esprit Saint, directement par le parler en langues (sans chant préalable).
Consonances orientales. ”Abba” s’échappe plusieurs fois de ma bouche, dans un souffle, au milieu des syllabes qui me sont étrangères.
Puis, j’ouvre la petite Bible de Jérusalem qui tient dans la main, au hasard. Je place mon index sur la fine page de papier-bible. J’ouvre les yeux. Elle est à l’envers. Je la retourne et lis la phrase qui m’est donnée :
41 Il y avait quatre tables d'un côté et quatre tables de l'autre côté du porche, soit huit tables sur lesquelles on immolait.
Je remonte alors au début du paragraphe et lis :
38 Il y avait une chambre dont l'entrée était dans le vestibule du porche. C'est là qu'on lavait l'holocauste. 39 Et dans le vestibule du porche, il y avait, de chaque côté, deux tables pour y égorger les holocaustes, les sacrifices pour le péché et les sacrifices de réparation. 40 Du côté extérieur, pour qui montait à l'entrée du porche, vers le nord, il y avait deux tables, et de l'autre côté, vers le vestibule, deux tables. 41 Il y avait quatre tables d'un côté et quatre tables de l'autre côté du porche, soit huit tables sur lesquelles on immolait. 42 En outre, il y avait quatre tables en pierre de taille, pour les holocaustes, longues d'une coudée et demie, larges d'une coudée et demie et hautes d'une coudée, sur lesquelles on déposait les instruments avec lesquels on immolait l'holocauste et le sacrifice. 43 Des rigoles, d'un palme de large, étaient aménagées à l'intérieur, tout autour. C'est sur ces tables qu'on mettait la viande des offrandes.[1]
[1] Précision trouvées dans Sondez les Écritures: « Des équipements pour les sacrifices : versets 38-43 :
Près de la porte du nord et au-dedans de l’édifice, se trouveront huit tables destinées à la préparation des sacrifices (verset 41). Quatre tables supplémentaires en pierre taillée serviront à entreposer les couteaux pour égorger les sacrifices qui seront ensuite pendus à des crochets doubles fixés au mur du portique nord (versets 42, 43 a).
Tout cela nous fait penser au sacrifice du Seigneur, jugé sur le “Pavé” (Jean 19. 13), puis pendu au bois de la croix (Actes 5. 30 ; 10. 39 ; Galates 3. 13), hors de la porte (Hébreux 13. 12), pour nous ouvrir l’accès à la présence de Dieu (Hébreux 10. 19). »
Puis, en haut de la page, je lis le nom du livre biblique dans lequel j’ai reçu ce paragraphe : Ézéchiel. Je tourne la page précédente et y découvre le chapitre 40 dans lequel ce passage se situe. La Bible de Jérusalem a placé un intertitre en chapeau : 4. La « Torah » d’Ézéchiel. Puis, avant le numéro du chapitre 40, ce titre, en gras : Le Temple futur. Pour comprendre la situation du passage reçu dans le livre du prophète Ézéchiel, je lis ce premier paragraphe :
1 La vingt-cinquième année de notre captivité, au commencement de l'année, le dix du mois, quatorze ans après que la ville eut été prise, en ce jour même, la main de Yahvé fut sur moi. Il m'emmena là-bas : 2 par des visions divines, il m'emmena au pays d'Israël et me déposa sur une très haute montagne, sur laquelle semblait construite une ville, au midi. 3 Il m'y amena, et voici qu'il y avait un homme dont l'aspect était comme celui de l'airain. Il avait dans la main un cordeau de lin et une canne à mesurer, et il se tenait dans le porche. 4 L'homme me dit : "Fils d'homme, regarde bien, écoute de toutes tes oreilles et fais bien attention à tout ce que je vais te montrer, car c'est pour que je te le montre que tu as été amené ici. Fais connaître à la maison d'Israël tout ce que tu vas voir."
Dans sa vision, Ézéchiel est donc transporté dans une ville et sur les lieux du Temple futur minutieusement montré par cet homme. Après avoir détaillé le mur extérieur au Temple ; le porche oriental ; le parvis extérieur ; le porche septentrional ; le porche méridional ; le parvis intérieur - porche méridional ; le porche oriental ; enfin, le porche septentrional, Ézéchiel découvre les annexes des porches (Ez40, 38) qui correspond au paragraphe où j’ai reçu le verset initial (40, 41). Dans la Bible du Semeur, Ez40, 38 est intituléle parvis intérieur, ce qui est très éclairant sur l’ordonnancement spatial du Nouveau Temple. Les annexes des quatre porches cardinaux donnent donc sur le parvis intérieur. J’y reviendrai plus loin.
Puis, pour comprendre le contexte et les conditions de la prophétie d’Ézéchiel, je suis allée lire l’introduction à ce Livre dans la Bible de Jérusalem. Je la reprends ici-même :
« Ézéchiel. — À la différence du livre de Jérémie, celui d’Ézéchiel se présente comme un tout bien ordonné. Après une introduction 1-3, où le prophète reçoit de Dieu sa mission, le corps du livre se divise clairement en quatre parties :
— les chap. 4-24 contiennent presque uniquement des reproches et des menaces contre les Israélites avant le siège de Jérusalem ;
— les chap. 25-32 sont des oracles contre les nations, où le prophète étend la malédiction divine aux complices et aux provocateurs de la nation infidèle ;
— dans les chap. 33-39, pendant et après le siège, le prophète console son peuple en lui promettant un avenir meilleur ;
— il prévoit enfin, chap. 40-48, le statut politique et religieux de la communauté future, rétablie en Palestine.»
C’est donc au tout début de cette dernière partie que j’ai reçu le passage, ce matin. Ce matin d’un vendredi, en début d’une deuxième vague de Covid 19, à l’automne 2020, plus virulente que la première du printemps dernier. Il est important de contextualiser la réception de cette Parole divine qui m’est donnée aujourd’hui. Elle m’est donnée pour nos contemporains et pas à simple titre individuel. Ce don de la Parole en ce vendredi 6 novembre 2020 délivre son sens dans le contexte actuel où nous la recevons. Voici ce que poursuit l’introduction à ce livre prophétique, de la Bible de Jérusalem :
« Ézéchiel a exercé son activité parmi les exilés de Babylonie entre 593 et 571 (av. J-C.). Ézéchiel est un prêtre. Le Temple est sa préoccupation majeure, qu’il s’agisse du Temple présent, souillé par des rites impurs et que quitte la Gloire de Yahvé, ou du Temple futur, dont il décrit minutieusement le plan et où il voit revenir Dieu. Il a le culte de la Loi et, dans son histoire des infidélités d’Israël, le reproche d’avoir « profané les sabbats » revient comme un refrain. Il a horreur des impuretés légales et un grand souci de séparer le sacré du profane. »
Ce que je souligne en caractère gras me semble entrer en correspondance avec notre époque. Non pas au niveau du Temple, de l’Église en elle-même, mais au niveau de la société dans son ensemble où la question de Dieu semble vouloir être totalement évacuée.
La vision d’Ézechiel
Voici l’éclairage qu’apporte l’introduction de ce même livre d’Ézéchiel dans la Bible du Semeur :
« La prophétie d’Ézéchiel est comme ponctuée par les déplacements de la gloire de l’Éternel, symbole de la grandeur et de la présence de Dieu. Elle apparaît au prophète lors de son appel. Quand la sentence tombe contre Jérusalem et contre son Temple, la gloire de l’Éternel, qui avait envahi le Temple au moment de sa dédicace sous Salomon (1R8, 10-11), se retire du dessus du coffre de l’alliance (9, 3). Elle se dirige alors vers l’entrée du Temple (10, 18-19) puis quitte l’édifice de Jérusalem pour se placer sur le mont des Oliviers, à l’est de la ville (11, 22-23).
Dans sa vision de la nouvelle Jérusalem et du nouveau Temple, situés au sein d’une nouvelle création (chap. 40 à 48), le prophète verra la gloire revenir de l’est (43, 1-3) pour remplir à nouveau le Temple (44, 4).
Jésus-Christ, gloire de l’Éternel (Jn1, 14), se retirera lui aussi sur le mont des Oliviers (Mt 21, 17 ; Lc 21, 37). Mais, un jour, la gloire de Dieu, déjà présente dans l’Église (1Co 3, 16), habitera la Nouvelle Jérusalem (Ap 21, 10-11). »
Notre passage se situe exactement au début de la vision du Temple de Jérusalem, dont il décrit minutieusement le plan et où il verra revenir Dieu, au sein de cette nouvelle création. « Ézéchiel est surtout un visionnaire », nous rappelle la Bible de Jérusalem dans son introduction au livre :
« Ses quatre visions, 1-3 ; 8-11 ; 37 ; 40-48, ouvrent un monde fantastique : (…), un Temple futur dessiné comme sur un plan d’architecte, d’où jaillit un fleuve de rêve dans une géographie utopique. Ce pouvoir d’imaginer s’étend aux tableaux allégoriques que trace le prophète. »
Les rigoles du Temple futur
Dans notre passage est décrit la chambre où on lavait les animaux vivants de l’holocauste, dans le vestibule du porche. Dans ce vestibule du porche, il y avait deux tables pour y égorger les animaux. Une table consacrée aux sacrifices pour le péché, une table consacrée aux sacrifices pour la réparation. Du côté extérieur aussi sont disposées des tables sur lesquelles on immolait. Un système de rigolesétait aménagé à l’intérieur, tout autour, permettant de canaliser l’évacuation du sang des animaux immolés sur les tables prévues à cet usage. Et il y avait quatre tables sur lesquelles on déposait les instruments avec lesquels on immolait l'holocauste et le sacrifice.
La description architecturale de notre passage évoque le sang des holocaustes sans en prononcer le mot. C’est un vendredi, aujourd’hui, que je reçois ce passage. Le vendredi est le jour de la Passion du Christ, Agneau de Dieu immolé sur la Croix pour le rachat de toute l’humanité. Son sang pénètre le bois de la croix, et s’écoule de ses pieds pour féconder la terre. C’est la croix qui canalise le Sang du Dieu fait homme sacrifié pour l’humanité entière. Le passage que nous lisons aujourd’hui doit être lu comme un signe des temps. L’introduction au livre d’Ézéchiel de la Bible de Jérusalem peut encore nous guider vers une interprétation contemporaine du paragraphe reçu ce jour :
« Ézéchiel rompt avec la tradition de la solidarité dans le châtiment et affirme le principe de la rétribution individuelle. Prêtre, si attaché à son Temple, il rompt aussi, comme avait déjà fait Jérémie, avec l’idée que Dieu est lié à son sanctuaire. En lui se marient l’esprit prophétique et l’esprit sacerdotal qui étaient restés souvent opposés : les rites — qui subsistent — sont valorisés par les sentiments qui les inspirent. Toute la doctrine d’Ézéchiel est centrée sur le renouvellement intérieur : il faut se faire un cœur nouveau et un esprit nouveau, ou plutôt Dieu lui-même donnera un « autre » cœur, un cœur « nouveau », et mettra dans l’homme un esprit « nouveau ».
Cette spiritualisation de toutes les données religieuses est le grand apport d’Ézéchiel. Par un autre de ses aspects, Ézéchiel est à l’origine du courant apocalyptique. Ses visions grandioses préludent à celles de Daniel et il n’est pas étonnant que dans l’Apocalypse de saint Jean on retrouve si souvent son influence. »
Un regard dans le rétroviseur : de la littérature de crise
Je ne puis m’empêcher de regarder dans le rétroviseur : pendant le premier confinement, au bout de 12 jours aux Bleineries à Sury-ès-Bois — dans le Cher chez mes parents où je suis restée presque 3 mois —, après la Neuvaine de l’Annonciation invoquant la Vierge pour venir en aide aux soignants et aux malades, le samedi 28 mars 2020, dans ma prière matinale j’avais reçu la Parole de Dieu dans le Lévitique (4, 27-35) (Cf : Des vidéos-prières #Covid19 en offrande du soir à l'Île Saint-Pardoux - Relecture de ce qui est advenu en ce lieu) qui décrivait les sacrifices d’expiation. Là aussi, il était question d’immolation d’animaux et le sang pour expier une faute individuelle était évoqué explicitement.
Puis, plus tard dans ce premier confinement, le vendredi 24 avril, qui correspondait à l’entrée en Ramadân des musulmans, je reçus la Parole de Dieu dans le Livre de l’Apocalypse(10, 1-11) (cf : Le livre de l’Apocalypse et le petit livre Coran). Suite à cela, me fut donné le conseil de lecture suivant : Présences d’Évangile I : Lire les Évangiles et l’Apocalypse en Algérie et ailleurs, du jésuite Christophe Theobald (éditions de l’Atelier, 2011). Dans ce livre, Christophe Theobald précise que l’on peut définir la littérature apocalyptique « comme une littérature de crise :
« Crise » est un terme médical qui désigne, dans l’évolution d’une maladie, l’état critique entre deux états d’équilibre du corps. Ce terme s’applique également aux sociétés. On peut espérer que la crise de la société [algérienne] est le temps de passage entre deux équilibres ; équilibre qui d’ailleurs ne signifie jamais stabilité définitive, ainsi la marche où chaque pas est une rupture d’équilibre. »
L'actualité du Covid vide de son contenu humain et spirituel la question de notre rapport à la maladie et à la mort
Dans le paragraphe d’Ézéchiel de ce matin (40, 38-43), nous n’en sommes pas encore à la manifestation rafraîchissante en temps de crise et qui viendra plus tard dans le récit, du fleuve qui jaillit du côté du Temple.[2]
[2] Ez 47, 1 : Il me ramena à l'entrée du Temple, et voici que de l'eau sortait de dessous le seuil du Temple, vers l'orient, car le Temple était tourné vers l'orient. L'eau descendait de dessous le côté droit du Temple, au sud de l'autel.
Mais, ce que je trouve remarquable, c’est que le mot même de sang ne figure pas dans le passage, où tout est minéral (tables en pierre de taille), stricte description de l’architecture pourtant faite pour recevoir la chair encore fraîche des holocaustes et encore toutes chaudes du sang qui gorgeait leur chair. Seule la description des rigoles aménagées à l’intérieur, tout autour des tables, dans le vestibule du porche évoque la canalisation et l’évacuation des filets du sang animal lors de l’égorgement pour l’immolation.
Ce paragraphe (et les précédents) se borne à décrire l’architecture, l’ordonnancement spatial du Temple et les fonctions du mobilier architectural pour les rites de purification, les sacrifices des animaux offerts en holocaustes (Ez40, 39 : « les sacrifices pour le péché et les sacrifices de réparation »). Cela me renvoie dans notre aujourd'hui à la litanie des chiffres et pourcentages de l'actualité du Covid, qui vide de son contenu humain et spirituel la question de notre rapport à la maladie et à la mort.
Ritualiser le soin, l’accompagnement en fin de vie et la mort
Il me renvoie à la gestion de la crise sanitaire du Coronavirus, d’après un témoignage venu du Québec [vidéo ou Catherine Dorion lit la lettre de Amina Khilaji(sur Facebook)], lors de la première vague de la pandémie, quand les résidences pour personnes âgées étaient saturées (les CHSLD, au Québec) au point de ne pouvoir s’occuper des malades décemment, qui mourraient quasiment dans l’abandon, sans digne accompagnement en leur fin de vie. Cadavres enveloppés dans des sacs plastiques. Pas de dernier adieu, pas de funérailles. Une mort anonyme, sans plus de relation ni familiale et fraternelle, ni au Tout-Autre. Je retrouve le témoignage de cette jeune femme, Amina Khilaji, qui avait perdu sa mère d’un cancer, et dont elle s’était occupée plusieurs années pendant son adolescence. Forte de cette expérience, elle s’est portée volontaire pour aider au soin des malades âgés de la Covid 19 dans les structures québécoises submergées, structures différentes de nos EPHAD français, les CHSLD. Son témoignage poignant nous montre la réalité de la maladie et de la mort en face, et l’état de submersion des structures qu’a engrangé la pandémie. Réalité de la maladie et de la mort que nous nous sommes habitués à éloigner le plus possible de nos yeux, de nos pensées, de nos consciences et qui nous revient comme chargée de la violence d’un boomerang. La souffrance de cette bénévole (qui voulait bien venir en aide à ses ainés en souffrance) prisonnière d’un système depuis longtemps engrangé et dans les circonstances hyper-accentuées de la pandémie relève le besoin, la nécessité criante de ritualiser le soin, l’accompagnement en fin de vie et la mort. De ne pas voir les événements uniquement du point de vue des chiffres impersonnels, du décompte des morts et des infectés du virus, et des probabilités chiffrées de l’avancée de la pandémie. Vision qui est absence de vision et aveu d’impuissance.
Introduire du symbolique pour affronter la maladie et la mort de façon responsable et humaine
Ce que me révèle le paragraphe d’Ézéchiel 40, 38-43 de notre tranche de vie actuelle, c’est cette mise à distance de la réalité physique de la mort, qui est un déni, et donc de l’impossibilité d’introduire du symbolique pour affronter la maladie et la mort de façon responsable et humaine. Le détail des rigoles tout autour de la chambre dont la fonction est de canaliser l’eau du lavage et du sang des animaux égorgés sur les tables et de l’évacuer au dehors, ces canalisations à ciel ouvert, larges d’une paume (8 centimètres) suggèrent sans le nommer ici, lesang, la vie répandue en « sacrifices pour le péchés » et « sacrifices de réparation ». Tout le Temple est bâti pour ritualiser le rapport à la mort, à la vie, à Dieu, rituel dont l’homme a besoin pour vivre en accord avec la Vie qui le dépasse. La pandémie de Covid 19 révèle par sa violence combien nous sommes allés trop loin dans l’absence de symbolisation, de ritualisation de la maladie et de la mort. Le nouveau Temple décrit à Ézéchiel lors de ses visions nous donne un aperçu du remède à la crise pandémique que nous vivons. Nous devons nous pencher sur ce remède, qui est au niveau symbolique et spirituel que nos sociétés occidentales ont mis à mal.
Exilés de notre humanité profonde
Je reprends la suite de la citation de Christophe Theobald :
« La situation est bien évidemment plus grave quand il s’agit de grandes crises où l’on peut se demander : « Jusques à quand cela va durer ? ». Le peuple juif a posé cette question au temps de l’Exil (exil à Babylone, avec Ézéchiel, ici, précisément, nda) ou… de l’Exode. Dans toute la littérature apocalyptique, l’Exode est la figure fondamentale. »
Notre exil ou exode contemporain, en 2020, est celui de notre humanité profonde. Un exil intérieur, une coupure radicale d’avec ce qui nous fait être des êtres humains : déni de la souffrance, de la mort et donc déni de notre capacité à symboliser la souffrance, la maladie, la mort, à les ritualiser, à vivre les passages douloureux de l’existence humaine à l’aide de la spiritualité qui est le cœur de la dignité humaine. « (Mais,) comme dans un fondu enchaîné, la littérature apocalyptique superpose différentes figures. Au premier plan, on voit l’Exode mais un regard exercé découvre derrière cette figure l’événement de l’Exil. Cette technique est le cœur même de la littérature apocalyptique : capacité à superposer des images, à introduire des comparaisons et, ainsi, à suggérer des passages. De cette manière-là, la littérature apocalyptique lit l’histoire juive comme une histoire d’espérance. » Christophe Theobald, quelques lignes plus bas, poursuit :
« Le sentiment d’être en danger de mort est le point de départ de ce genre d’écriture. C’est le moment d’une crise absolue où l’homme se trouve au point le plus bas, sur la terre, « par terre ». Mais quand le peuple crie : « Jusques à quand ? », le visionnaire de la littérature apocalyptique révèle à certains qu’un « monde nouveau » viendra d’en haut, du ciel, « bientôt ».[3]
[3] Présences d’Évangile I : Lire les Évangiles et l’Apocalypse en Algérie et ailleurs, du jésuite Christophe Theobald, éditions de l’Atelier, 2011, pp. 131-132.
Le parvis intérieur du Nouveau Temple
Le passage d’Ézéchiel 40, 38-43 qui nous décrit la chambre consacrée au lavage et à l’égorgement des offrandes animales nous conduit au parvis intérieur du Nouveau Temple. Plus loin, au chapitre 43, le prophète se trouvera à nouveau emmené par l’homme dans ce même lieu du Nouveau Temple, le parvis intérieur, où le Seigneur reviendra (citation de la Bible de Jérusalem) :
1 Il me conduisit vers le porche, le porche qui fait face à l'orient, 2 et voici que la gloire du Dieu d'Israël arrivait du côté de l'orient. Un bruit l'accompagnait, semblable au bruit des eaux abondantes, et la terre resplendissait de sa gloire. 3 Cette vision était semblable à la vision que j'avais eue lorsque j'étais venu pour la destruction de la ville, et aussi à la vision que j'avais eue sur le fleuve Kebar. Alors je tombai la face contre terre.
4 La gloire de Yahvé arriva au Temple par le porche qui fait face à l'orient. 5 L'esprit m'enleva et me fit entrer dans le parvis intérieur, et voici que la gloire de Yahvé emplissait le Temple. 6 J'entendis quelqu'un me parler depuis le Temple, tandis que l'homme se tenait près de moi. 7 On me dit : Fils d'homme, c'est ici le lieu de mon trône, le lieu où je pose la plante de mes pieds. J'y habiterai au milieu des Israélites, à jamais ; et la maison d'Israël, eux et leurs rois ne souilleront plus mon saint nom par leurs prostitutions et par les cadavres de leurs rois, 8 en mettant leur seuil près de mon seuil et leurs montants près de mes montants, en établissant un mur commun entre eux et moi. Ils souillaient mon saint nom par les abominations auxquelles ils se livraient, c'est pourquoi je les ai dévorés dans ma colère. 9 Désormais ils éloigneront de moi leurs prostitutions et les cadavres de leurs rois, et j'habiterai au milieu d'eux, à jamais.
10 Et toi, fils d'homme, décris ce Temple à la maison d'Israël, afin qu'ils rougissent de leurs abominations.[4] (Qu'ils en mesurent le plan.) 11 Et s'ils rougissent de toute leur conduite, enseigne-leur la forme du Temple et son plan, ses issues et ses entrées, sa forme et toutes ses dispositions, toute sa forme et toutes ses lois. Mets tout cela par écrit devant leurs yeux, afin qu'ils observent sa forme et toutes ses dispositions et qu'ils les réalisent. 12 Voici la charte du Temple : au sommet de la montagne, tout le territoire qui l'entoure est un espace très saint. (Telle est la charte du Temple.)
[4] Je trouve cette analyse très éclairante sur le blog « Des trésors cachés dans le sable », article intitulé Ézéchiel et la vision du Temple : chapitres 40 à 48, intertitre èth : l'Aleph et le Tav :
« Au verset 10 du chapitre 43, comme dans de très nombreux passages de l'Écriture, un petit mot, "èth", apparaît à trois reprises. Ce mot est formé de deux lettres : Aleph et Tav, respectivement la première et la dernière lettre de l'Alphabet hébreu (l'AlephBeth). Les rabbins en ont conclu que ce mot symbolisait les Écritures dans leur totalité.D'autres ont cru reconnaître en ce Aleph Tav le Messie en personne. On peut aisément reconnaître que dans un cadre aussi glorieux, la présence du Messie soit plus qu'évidente, lui qui incarne la révélation parfaite de Dieu, rédigée dans les Écritures. Mais ce petit mot "èth" pourrait également être comme un rappel incitant le peuple d'Israël à consulter ces Écritures. Car si cette portion du livre d’Ézéchiel est complète quant à sa description, elle ne peut être observée et comprise que si elle s'inscrit dans un cadre plus large. Celui de l'exil du peuple hébreu d'une part, comme de celui d'un historique à la fois national et religieux auquel le prophète se réfère, d'autre part. Ce cadre étant largement décrit dans les pages de ces Écritures où le livre d’Ézéchiel a pleinement sa place. »
Suivent les dimensions de l’autel, la description d’un fossé qui court autour de sa base, le sommet de l’autel avec son foyer, etc… et les prescriptions concernant l’autel que déclare le Seigneur, l’Éternel, par la bouche de l’homme qui s’adresse à Ézéchiel, le Fils d’homme. Détails du rite d’expiation, des offrandes d’holocauste, d’aspersion du sang d’un jeune taureau… ; détails des jours pour le rite de purification : de quel animal, de qui les officieront et comment… pendant sept jours. Ez43, 27 : « Passé cette période, le huitième jour et les jours suivants, les prêtres offriront sur l'autel vos holocaustes et vos sacrifices de communion. Et je vous serai favorable, oracle du Seigneur Yahvé». Au terme desquels huit jours, le Seigneur les accueillera donc, à nouveau.
Être attentifs à la transformation qui s’annonce au cœur de la crise
« — Comment se produit la transformation qui s’annonce au cœur de la crise ? Une des grandes figures des temps anciens revient : Hénok dont la Genèse dit que « Dieu l’avait enlevé » (Gn 5, 21-24) vient révéler le kairos, chance qui passe et moment de la transformation du monde. Puis, ce sera le tour de Moïse et d’Élie ou encore d’Esdras qui a fait la réforme après le retour de l’exil, d’Adam et du Fils de l’homme de jouer le rôle de révélateur. L’apocalyptique ne parle pas de leur réincarnation mais de leur retour. (…) Dans une situation de crise de société comme celle que l’on traverse ici (en Algérie, nda), on se dit parfois que seul « un homme véritable » pourrait rétablir la situation. »
« — Comment cette révélation parvient-elle jusqu’à l’homme ? Elle passe par l’intermédiaire d’un livre. On en mesure ici (en Algérie, nda) l’enjeu face à l’islam qui donne une importance particulière au Coran. (…) Il y a un premier « livre », et c’est la Création tout entière ; mais pour lire ce « livre » de la vie et de l’histoire, il en faut un second, celui que « l’auteur » reçoit de la main d’un des révélateurs. » [5]
[5] Présences d’Évangile I : Lire les Évangiles et l’Apocalypse en Algérie et ailleurs, du jésuite Christophe Theobald, éditions de l’Atelier, 2011, pp. 132-133. pp. 132-133.
Pour nous ici, l’auteur est le prophète Ézéchiel souvent appelé « fils d’homme » qui reçoit sa vision par l’intermédiaire d’un homme qui l’emmène dans les différents lieux du Temple nouveau.
Nos cœurs brisés, nos esprits humiliés, reçois-les
CRUCIFIXION - Prédelle de la Pala dell’Osservanza, vers1441-1442 ‘Maestro dell’Osservanza’ (Sano di Pietro [Sienne, 1410 – 1481]?) Provenance : Anciennement, Église de San Maurizio (supprimée en 1783, avant d’être détruite) Sienne, Pinacoteca Nazionale.
Cette tache rouge du vêtement de Marie Madeleine répandue au pied de la croix, semble elle-même couler de la croix. Comme si Marie Madeleine éplorée, étreignant les pieds sanglants de son bien-aimé, représentait l'humanité tout entière, repentie et miséricordiée par Dieu. Jésus est devenu le Temple futur, de son côté droit jaillit les fleuves d'eau vive et son précieux Sang rédempteur. L'économie du Salut christique est résumé en cette peinture : vive eucharistie de l'Amour partagé où l'Église reçoit son Dieu fidèle à son Alliance. Le Sang de Dieu abreuve la Terre, Sa promise.
Pour clore cette méditation, je retiendrai le cantique des laudes de ce jour, 10 novembre 2020, qui rejoint ce thème de la repentance :
CANTIQUE D'AZARIAS (DN 3)
26Béni sois-tu, Seigneur, Dieu de nos pères, loué soit ton nom, glorifié pour les siècles !
27Oui, tu es juste pour nous avoir ainsi traités.
29Car nous avons péché ; + quand nous t'avons quitté, nous avons fait le mal : en tout, nous avons failli.
34À cause de ton nom, ne nous quitte pas pour toujours * et ne romps pas ton alliance.
35Ne nous retire pas ton amour, + à cause d'Abraham, ton ami, d'Isaac, ton serviteur, * et d'Israël que tu as consacré.
36Tu as dit que tu rendrais leur descendance aussi nombreuse que les astres du ciel, * que le sable au rivage des mers.
37Et nous voici, Seigneur, le moins nombreux de tous les peuples, * humiliés aujourd'hui sur toute la terre, à cause de nos fautes.
38Il n'est plus, en ce temps, ni prince ni chef ni prophète, + plus d'oblation ni d'holocauste ni d'encens, * plus de lieu où t'offrir nos prémices pour obtenir ton amour.
39Mais, nos cœurs brisés, nos esprits humiliés, reçois-les, * comme un holocauste de béliers, de taureaux, d'agneaux gras par milliers.
40Que notre sacrifice, en ce jour, trouve grâce devant toi, * car il n'est pas de honte pour qui espère en toi.
41Et maintenant, de tout cœur, nous te suivons, nous te craignons et nous cherchons ta face.
Sandrine Treuillard
Jehanne Sandrine du Sacré Cœur & de la Sainte Eucharistie
6-18 novembre 2020, Vanves
Légende de la peinture illustrant le paragraphe intitulé Les rigoles du Temple futur : Crucifixion de Sano di Pietro (Sienne, 1410 – 1481), Samuel H. Kress Collection
Le Père Luc de Bellescizes'interroge sur la pertinence d'ériger Charlie Hebdo en icône de la liberté. « Celui qui piétine l’intimité des cœurs et blesse grossièrement les consciences participe aussi à la violence » a-t-il estimé dans son homélie du dimanche 11 janvier 2015.
Nous revenons d’une semaine de sang et de larmes sur notre sol de France et dans sa capitale. La ville lumière s’est remplie de ténèbres, et Notre-Dame, la sentinelle de pierre dressée au cœur de la cité, a fait sonner son glas, comme une invitation au deuil, comme un appel à l’espérance. Les scènes de guerre n’étaient qu’un souvenir lointain, de vieilles histoires enfouies dans la mémoire des siècles, entrées déjà dans la légende. Nous étions sans doute trop habitués à danser sur un volcan, attachés à un confort sans grande question ni grand drame, entretenus dans l’illusion d’un « vivre ensemble » pétri de bons sentiments et de touchante naïveté, gavés des slogans d’un multiculturalisme infiniment ressassés, et d’une « tolérance » qui se voile la face devant l’urgence d’affronter les vraies questions. Nous avons bercé le fanatisme en notre propre sein, comme on accouche d’un enfant monstrueux qui finit par nous tuer.
« Dieu se rit des hommes, écrivait déjà Bossuet, qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ». Les effets, c’est la mort qui a frappé. Les causes, du moins pour une part, sont spirituelles, car c’est la mystique qui mène l’histoire, même si elle laisse à la politique l’illusion d’apparaître sur la scène du monde. C’est la vacuité spirituelle de l’Occident qui fait le lit du fanatisme, c’est la déconstruction des figures d’autorité, l’éclatement méthodique de la famille, la culpabilisation de la mémoire, le triomphe de la culture de mort, le nivellement du matérialisme et de la jouissance érigés en idoles du bonheur. Nourrir les enfants de pain et de jeux dans des banlieues sordides, les couper des racines de la mémoire et des ailes de l’espérance, ne peut qu’engendrer la violence. L’homme a soif d’idéal, il est assoiffé du sens.
Si on écrase méthodiquement son âme et qu’il n’est pas trop abruti de paradis artificiels, il écoutera n’importe quel fanatique, il prendra les armes, il balaiera le joug d’une société qu’il méprise, il tentera d’arracher par la force un sens à sa vie, d’écrire en lettres de sang une gloire fugace qui le fera sortir de l’oubli.
On dit que ces tueurs sont contre la civilisation, et on a raison sans doute. Mais ne sont-ils pas aussi engendrés par notre manque de civilisation, par la faiblesse de notre civilisation qui marque indéniablement des signes de décadence ? Ces hommes qui prennent les armes, dont je ne veux pas amoindrir la responsabilité, sont aussi le signe du désespoir de vivre, de notre incapacité à les intégrer, à les nourrir, à les faire vivre.
J’entends la voix du grand pape, venu de Pologne : « France, fille aînée de l’Église, qu’as-tu fait de ton baptême ? Es-tu restée fidèle à l’alliance avec la sagesse éternelle ? ». Notre baptême est trop devenu une eau morte. Là où la sagesse est méprisée, la folie triomphe, là où il n’y a plus d’âme, la peur, le vide, la mort règnent.
Faut-il parler, faut-il se taire devant le sang versé ? Certaines paroles doivent se tenir aux confins du silence. Commençons toutes choses par le silence habité de la prière. Que notre Dieu prenne en pitié ceux qui sont morts, particulièrement ceux qui proclamaient leur rejet de toute foi, et aussi ceux qui ont voulu tuer au nom de leur foi, et ont fini leurs jours dans une dernière charge d’orgueil et de désespoir, les mains couvertes de sang, ignorants que Dieu n’est pas celui qui tue, mais qui prend sur lui la mort.
Que le Seigneur Jésus, unique Sauveur du monde, par son sang versé, leur accorde, s’il est possible, la grâce du Salut. Le cardinal, père de notre diocèse et de notre ville, a exprimé sa prière, signe de sa grandeur d’âme, de sa conscience qu’aucune provocation ne justifie un meurtre. Au moment des débats sur le mariage, il avait pourtant été ignoblement caricaturé par Charlie Hebdo, dans un dessin qui insultait la sainte Trinité, le mystère même de notre Dieu.
Certains, même des catholiques, sont tellement habitués au relativisme qu’ils ne voient là rien de choquant. Ils pensent qu’ils doivent réagir en adultes, qu’ils sont capables de distance et de maturité. C’est qu’ils sont sans doute plus endurcis, et il est dramatique de confondre l’endurcissement et l’indifférence avec la maturité de l’adulte. Ils oublient aussi que nous sommes gardiens de la foi des plus fragiles et des plus humbles, et qu’il faut veiller à ne jamais scandaliser un seul de ces petits qui sont les frères du Christ (Mt 18, 6).
Si on crachait sur leur propre mère, ils seraient, j’espère, blessés. Quand on le fait sur leur Dieu, ils trouvent que cela relève de la liberté d’expression… Je trouve cela magnifique qu’un homme comme le cardinal, pourtant évidemment blessé par des caricatures pitoyables, réagisse par la charité, la prudence et la prière. « Aimez vos ennemis, et faites du bien à ceux qui vous persécutent » (Mt 5, 44).
Nous ne répondons pas à la provocation par la violence, mais en faisant sonner le glas. Le glas est la cloche de l’espérance, et l’espérance est un désespoir surmonté. Sa voix est sombre, elle semble jaillir des entrailles de la terre. Le glas est un appel ténébreux au retour de la lumière et de la vie, une voix du Christ jaillie d’outre tombe. Le glas est dans la nuit, mais il aperçoit l’aurore qui se lève. Il « espère contre tout espoir », selon la belle expression de l’apôtre Paul (Rm 4, 18). C’est la grandeur de notre foi chrétienne que de désirer le Salut de tous les hommes, et de « remettre notre épée au fourreau », car « celui qui vivra par l’épée périra par l’épée » (Mt 26, 52).
C’est la splendeur du christianisme que de prier pour ceux qui nous ont régulièrement insultés, ou ceux qui nous donnent la mort. Je l’ai fait moi-même, cela me permet sans doute de dire une parole qui ne soit pas portée par la violence ou le ressentiment. La prière empêche de tomber dans la haine. Elle obtient la sagesse, elle donne de « pleurer avec ceux qui pleurent », comme le dit encore l’apôtre (Rm 12, 15). Elle donne aussi la liberté intérieure, qui fait que les hommes de prière n’ont pas peur de dire ce qui est vrai. Il n’y a pas de paix sans justice, et la justice, c’est l’amour d’une vérité qui rend libre, et qui donne à chacun ce qui lui est dû.
Certains ne seront sans doute pas d’accord avec ce que je vais dire. Je le conçois très bien. La parole est toujours un risque. Qu’ils respectent alors ma « liberté d’expression », puisqu’ils s’en proclament les gardiens. Je crois que ce n’est pas rendre service à la France que de faire de ceux qui travaillaient dans un journal habitué à l’injure et à la provocation gratuite le signe de la liberté. Ils se moquaient régulièrement de la police comme de toute forme d’autorité. J’admire et respecte le policier, sans doute musulman d’ailleurs, qui a donné sa vie pour eux. Son sacrifice fait honneur à l’immense majorité des musulmans de France, qui prient avec droiture d’intention et déplorent le fanatisme. Parmi ceux qui sont morts, les caricaturistes prônaient le libertarisme absolu, le nihilisme éthique et le matérialisme athée. Issus d’une génération « sans Dieu ni maître », ils avaient décidé de repousser toute contrainte – même s’ils restaient en réalité dans les limites des conventions médiatiques, car ils savaient bien qu’on ne peut pas rire de tout en France – et de faire de l’outrage systématique envers la religion leur langage habituel de communication. Condamner ces épouvantables attentats est notre devoir, comme celui de nous unir dans une conscience citoyenne et de prier pour les victimes. Mais est-il permis de ne pas ériger ces hommes en « icônes de la liberté » ? Il n’y a pas de proportion entre l’assassinat d’un homme et son insulte ou son blasphème, mais celui qui piétine l’intimité des cœurs et blesse grossièrement les consciences participe aussi à la violence. C’est une triste liberté que celle de s’arroger le droit d’humilier ce qu’il y a de plus sacré chez les êtres. C’est un risque inconsidéré de fragiliser par son mépris un équilibre social déjà extrêmement perturbé. C’est un douloureux paradoxe pour la France que des provocateurs libertaires qui n’ont cessé de piétiner sa mémoire et ses institutions deviennent les symboles de sa liberté.
Aujourd’hui est un jour de deuil, car le Christ descend au Jourdain et s’ensevelit dans les eaux, comme on descend dans la mort. Aujourd’hui est un jour d’espérance, car le Christ jaillit dans la lumière pour recevoir la vie. Il a voulu s’abaisser aux profondeurs du mal, pour libérer l’homme de tout ce qui l’avilit, l’enlaidit, le méprise, pour le sauver de l’esclavage du péché, pour que puisse sonner le glas, cet appel douloureux à l’espérance, ce désespoir surmonté. L’espérance chrétienne est profonde des profondeurs mêmes du tombeau, et c’est quand il n’y a plus d’espoir que peut advenir l’espérance. Pour qui sonne le glas ? Le poète anglais John Donne écrit ces belles paroles : « La mort de tout homme me diminue parce que je suis membre du genre humain. Aussi n’envoie jamais demander pour qui sonne le glas : il sonne pour toi ».
Qui sont les morts ? Dieu seul les connaît. Nous avons leur nom et leur visage, mais l’homme est toujours plus grand que le théâtre qu’il joue sur la scène du monde, et il est aussi toujours plus grand que son péché. « Mes pensées ne sont pas vos pensées, dit le Seigneur au livre d’Isaïe, et vos chemins ne sont pas mes chemins » (Is 55, 8). Nous remettons les âmes des défunts, et nous remettons notre pays blessé entre les mains du Rédempteur. Nous reprenons la prière que le Christ apprit à Marcel Van dans une apparition, cet enfant d’Indochine qui sera sans doute proclamé saint : « Seigneur Jésus, aie compassion de la France, daigne l’étreindre dans ton amour et lui en montrer toute la tendresse. Fais que, remplie d’amour pour toi, elle contribue à te faire aimer de toutes les nations de la terre ».
« France, fille aînée de l’Église, qu’as-tu fait de ton baptême ? ».
Il est temps d’en retrouver la source, comme on creuse l’espé-rance de nos propres mains, jusqu’à faire jaillir l’eau vive.
Il est temps que cessent le mépris de la mémoire et le piétinement du sacré par ce qu’il y a de plus vulgaire, de plus vil et de plus meurtrier.
Il est temps de retrouver notre âme.
« Le monde moderne a bien besoin d’entendre quelques voix libératrices, écrivait Georges Bernanos. Les voix libératrices ne sont pas les voix apaisantes, les voix rassurantes. Elles ne se contentent pas de nous inviter à attendre l’avenir comme on attend le train. L’avenir est quelque chose qui se surmonte. On ne subit pas l’avenir, on le fait ».
Le général de Gaulle dans ses Mémoires de guerre évoque le grand silence de l’hiver, quand tout s’endort et se tait, quand tout semble mort, et il écrit : « Le destin est-il donc scellé ? Est-ce pour toujours la victoire de la mort ? Non ! Déjà sous un sol inerte un sourd travail s’accomplit. Immobile au fond des ténèbres, je pressens le merveilleux retour de la lumière et de la vie […] Je suis le vieil homme, recru d’épreuves, détaché des entreprises, sentant venir le froid éternel, mais jamais las de guetter, dans l’ombre, la lueur de l’espérance ».
Seigneur Jésus, aie compassion de la France, daigne l’étreindre dans ton amour, et lui en montrer toute la tendresse. Notre Dame de France, vous qui êtes si souvent apparue sur notre terre blessée, souvenez-vous, priez pour nous.
30e Réunion de prières interreligieuse d’Artisans de Paix dans le cadre de la SERIC
16 novembre 2020 – en visioconférence
LA FRATERNITÉ DES CHEMINANTS
Cette rencontre manifestera
L’INTERCONNECTIVITÉ ENTRE L’ESPRIT
ET LE CORPS,
L’HOMME ET LA SOCIÉTE,
LA NATURE ET L’HOMME,
LA NATURE ET LA SURNATURE.
Déroulé et participants de la Réunion de prières interreligieuse pour la paix sur ce pdf.
1 - Un texte du NT qui illustre le thème de la Fraternité entre ceux qui suivent le Christ, les "cheminants", entre eux et avec l'univers.
J’étais tout à fait en phase avec Paula Kasparian, la présidente de l'association, pour lire l’évangile de Jean au premier chapitre, à partir du verset 35 où Jean Baptiste désigne Jésus à ses propres disciples qui, mystérieusement attirés par l’Agneau de Dieu, vont le suivre.
Retable de Montbéliard, 1538 - Musée d'Histoire de l'Art, Vienne
Paula m’indiqua aussi de trouver un texte biblique montrant que l’univers est en nous.
D’abord perplexe, je cherchais dans les psaumes et le Premier Testament sans résultat convainquant.
Le lendemain, j’entendis la rediffusion de l’audience du pape François du mercredi 16 septembre, sur Radio Notre-Dame, à propos de la contemplation dont il disait « qu’elle se fait à partir de l’intérieur en nous reconnaissant comme une partie de la Création. » François ajoutait :
« Chaque créature possède cette capacité iconique ou mystique de nous conduire au Créateur et à la communion avec la Création.
Celui qui contemple éprouve de l’émerveillement non seulement pour ce qu’il voit, mais également parce qu’il se sent faire partie intégrante de cette beauté.
Qui ne sait pas contempler la nature et la Création ne sait pas non plus contempler les personnes. »
J’ai alors relu le passage le l’évangile de Jean, jusqu’au bout. Et j’ai compris que la réponse à la question de l’univers qui est en nous était dans le texte, tout au long du texte de cet évangile et dans la promesse que le Christ fait à ses disciples au dernier verset.
— > Pendant la lecture de l’appel des premiers disciples, qui se déroule sur trois jours, je vous propose de visualiser les différentes rencontres de Jésus et des disciples en contemplant leur visage, les relations qui se tissent de visage à visage. Et d’être attentifs au final de ce chapitre, au dernier verset, qui est la promesse du Christ nous donnant une réponse à la question initiale de "l’univers qui est en nous".
Sandrine Treuillard Chargée de mission de la Fraternité eucharistique catholique d'Artisans de Paix
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT JEAN 1, 35-5
Le lendemain, Jean Baptiste se trouvait de nouveau (là au bord du Jourdain) avec deux de ses disciples. Posant son regard sur Jésus qui allait et venait, il dit : « Voici l’Agneau de Dieu. » Les deux disciples entendirent cette parole, et ils suivirent Jésus. Celui-ci se retourna, vit qu’ils le suivaient, et leur dit : « Que cherchez-vous ? » Ils lui répondirent : « Rabbi – ce qui veut dire : Maître –, où demeures-tu ? » Il leur dit : « Venez, et vous verrez. » Ils l’accompagnèrent, ils virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là. C’était vers la dixième heure (environ quatre heures de l’après-midi).
André, le frère de Simon-Pierre, était l’un des deux disciples qui avaient entendu Jean Baptiste et qui avaient suivi Jésus. Il trouve d’abord son frère Simon et lui dit : « Nous avons trouvé le Messie » – ce qui veut dire : le Christ. André amena son frère à Jésus. Jésus posa son regard sur lui et dit : « Tu es Simon, fils de Jean ; tu t’appelleras Képha » – ce qui veut dire : Pierre.
Le lendemain, Jésus décida de partir pour la Galilée. Il rencontre Philippe, et lui dit : « Suis-moi. » Philippe était de Bethsaïde, le village d’André et de Pierre.
Philippe rencontre Nathanaël et lui dit : « Celui dont parle la loi de Moïse et les Prophètes, nous l’avons trouvé : c’est Jésus fils de Joseph, de Nazareth. » Nathanaël répliqua : « De Nazareth ! Peut-il sortir de là quelque chose de bon ? » Philippe répond : « Viens, et tu verras. »
Lorsque Jésus voit Nathanaël venir à lui, il déclare : « Voici un véritable fils d’Israël, un homme qui ne sait pas mentir. » Nathanaël lui demande : « Comment me connais-tu ? » Jésus lui répond : « Avant que Philippe te parle, quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu. » Nathanaël lui dit : « Rabbi, c’est toi le Fils de Dieu ! C’est toi le roi d’Israël ! » Jésus reprend : « Je te dis que je t’ai vu sous le figuier, et c’est pour cela que tu crois ! Tu verras des choses plus grandes encore. »
Et il ajoute [et c’est la promesse finale, nda] : « Amen, amen, je vous le dis : vous verrez les cieux ouverts, avec les anges de Dieu qui montent et descendent au-dessus du Fils de l’homme. »
Nicolas d'Ypres, Échelle de Jacob (vers 1500), Musée du Petit Palais (Avignon).
2 - Le texte d'un saint illustrant le thème
La danse cosmique de la prière
En réponse à la promesse de Jésus dans l’évangile de Jean 1,51 « Amen, amen, je vous le dis : vous verrez les cieux ouverts, avec les anges de Dieu qui montent et descendent au-dessus du Fils de l’homme », je vous propose un texte que j’ai intitulé la danse cosmique de la prière. En voici l’environnement :
« Une ancienne cave vinicole de la ferme où le monastère s’est implanté était devenue la chapelle des frères. Les carreaux de faïence des grandes cuves avaient été conservées. On priait dans un lieu qui était celui des lentes fermentations. » [i]
C’est ainsi que le Père Blanc Claude Rault, aujourd’hui évêque émérite du Sahara algérien, décrit la chapelle du monastère de Tibhirine, dans les montagnes de l’Atlas, où je vous emmène pour cette danse cosmique de la prière…
La scène décrite par Christian de Chergé, alors frère hôtelier à Tibhirine, eut lieu le dimanche 21 septembre 1975, en plein ramadan, et 11 ans avant l’initiative du pape Jean-Paul II de rassembler les représentants des grandes religions du monde, à Assise, le 25 janvier 1986.
Frère Christian jeta sur le papier ce qui suit, trois jours après cette expérience.
La séquence que je m’apprête à vous lire nous montre d’abord Christian, seul. Puis, il est rejoint par un ami musulman. Enfin, ce duo sera complété par un troisième priant, lui aussi musulman.
La danse cosmique de la prière— Un texte de Christian de Chergé[ii]
Un quart d’heure après Complies, retour à la chapelle… Silence du soir, cette plage au rivage de la Parole où viennent se briser comme vagues tous les mots et les bruits du jour.
Pénombre de la nuit, à l’ombre d’une Présence confiée à la vigilance de la lampe vacillant au sanctuaire.
Prière d’abandon, prosternée, entre l’autel et le tabernacle : « Cherchez le Seigneur tant qu’il se laisse trouver ; invoquez-le tant qu’Il est proche », disait le prophète Isaïe (liturgie de ce jour…).
Et puis cette autre présence qui s’approche doucement, insolite. Tu étais donc là toi aussi, tout contre le même autel, frère à genoux, prosterné. Le silence continue, un long moment. Un murmure s’élève, venu des profondeurs, puis s’amplifie, s’arrachant à quelque abîme, telle une source paisible, et tout à la fois irrésistible : ‘ALLAH ! « Dieu ! » ‘ALLAH ‘AKBAR ! « Le Tout-Grand ! » Soupir. « Dieu ! » À nouveau et encore ce soupir, comme de l’enfant qui se nourrit et qui ne s’arrête un instant que pour reprendre souffle avant d’en redemander ; soupir de celui-là qui sait la prière insatiable, et qui ne se rassasie pas d’être là, tourné, si petit, vers le Tout-Autre.
Silence. Alors tu t’es tourné vers moi : « Priez pour moi. » Un autre silence, ton attente. Nous avions à peine échangé quelques mots depuis ton arrivée, lundi, avec lui, notre ami commun. Tu restes là. Il me faut risquer des mots que j’entendrai à peine : Seigneur Unique et Tout-Puissant, Seigneur qui nous vois, Toi qui unis tout sous ton regard, Seigneur de tendresse et de miséricorde, Dieu qui es nôtre, pleinement. Apprends-nous à prier ensemble, Toi, le seul Maître de la prière, Toi qui attires le Premier ceux qui se tournent vers Toi, Toi, Toi, Toi…
Dès lors, notre prière à deux voix. L’arabe et le français se mélangent, se rejoignent mystérieusement, se répondent, se fondent et se confondent, se complètent et se conjuguent. Le musulman invoque le Christ. Le chrétien se soumet au plan de Dieu sur tous les croyants, et sur l’un d’entre eux qui fut le prophète Muhammad. Puis l’un et l’autre cherchent à pénétrer ensemble dans l’Amour qui dit Dieu. Les voilà tous deux dans la tempête… « Les vagues m’assaillent, ordonne la paix ! » dis-tu. « Seigneur, sauve-nous, nous périssons ! » « Mets ta lumière en mon cœur, illumine ma route », dis-tu. « Mets une lumière en mes yeux, une lumière sur mes lèvres, une lumière dans mes oreilles, une lumière dans mon cœur… Je suis la lumière du monde. Vous êtes la lumière du monde, qu’il ne faut pas cacher car elle doit briller pour moi… »
Le chemin se fait plus étroit, tandis que le silence plus dense encore se fraie la route commune vers l’amour de ce Dieu partagé.
Et c’est toi qui t’élances. J’accueille. « Je ne te demande pas la richesse ; je ne te demande pas la puissance ni les honneurs… je ne te demande que l’Amour qui vient de Toi, car rien n’est aimable en dehors de Toi, et nul ne peut aimer sans Toi. Je veux t’aimer en tout. L’amour est la source, l’œil de la religion. L’amour est la joyeuse consolation de la foi. »
La LOUANGE alors déborde le lieu et le moment. Il nous faut remonter le temps pour déceler toutes les étapes de la longue aventure de Dieu en quête d’humanité, depuis Abraham, l’Ami.
C’est alors qu’il arrive, lui aussi. Il t’attendait, te cherchait, s’étonnait de ne pas te voir arriver au rendez-vous du soir, pour la prière avant la deuxième collation du ramadan qu’il prendrait avec toi. Il venait de s’entretenir longuement avec quelques hôtes, répondant à leurs questions sur la prière « dans l’Esprit ». Dans l’obscurité de la chapelle, il n’a d’abord perçu que le murmure. Intrigué, n’osant trop y croire, il s’est avancé, et nous a trouvés à l’œuvre, ici, ensemble. Sans plus, il s’est joint à nous. D’ailleurs, la Parole nous vient aussitôt : « Là où deux ou trois se rassemblent en mon Nom, JE SUIS au milieu d’eux ! » Que demander de plus ?
La prière se fait plus ample, moins haletante. Une complicité à trois, plus exigeante pour l’oreille intérieure qui se veut disponible au cheminement de chacun, étrange, déconcertant parfois ; l’impression de zigzaguer dans les sables ! Laisser la prière de l’un vous interpeller au tréfonds d’un silence sans autre voix, vous reprendre au vol, puis rebondir vers l’autre chargée d’un écho nouveau. Note après note, la symphonie se construit dans la fusion de ces trois expressions différentes d’une seule et même fidélité, celle de l’esprit qui est en Dieu, qui dit Dieu ! Prière contre les tentations de Satan, « le lapidé » ; puis, ensemble, la « fatihâ », le « Magnificat » (tu le répètes, mot après mot), le PATER (tu le sais par cœur), et, toujours et encore, la louange, l’action de grâces.
Faut-il dire qu’on s’est arrêté ? Il était 23 heures passées ! Depuis 20 heures, nous étions là côte à côte… tout ce temps, un instant, à ne pas y croire ! Joie exubérante, chacun de son côté, chacun à sa façon. Demain, tu diras avoir eu envie de danser, puis avoir fait le tour des bâtiments, quatre fois, en chantant. Et si Dieu lui-même riait du bon tour qu’il vient de jouer à des siècles d’imprécations entre frères appelés à Le prier ? Et lui, il voulait tout de même savoir comment on s’y était pris ! Tu lui as dit : « Quand je l’ai vu là, tout seul, j’ai senti qu’il fallait faire quelque chose. J’avais peur, et puis j’y suis allé… il y avait comme une force en moi qui m’as poussé… »
Avant de nous quitter, ce lundi, nous avons parlé d’autre chose. Un peu comme si cela nous brûlait encore, ne pouvait se dire alors sans se perdre. « Peinture fraîche », on n’y touche pas, sous peine de tout barbouiller. Tu m’as dit : « Tout est simple quand Dieu conduit. » C’est tout.
Notes jetées sur le papier le 24 septembre 1975. À ce jour anniversaire (21 septembre 1976), je n’ai pas revu ce frère d’une seule nuit. Il existe. Il me dit tous les autres.
3 - Le chant — Le Cantique des créatures (extraits)
Interprètes : Chœur Saint-Ambroise / Chœur Amos Album : Oratorio Jacquaire : Le Pèlerin
Ref. Très Haut, puissant, et bon Seigneur à toi louange, gloire, honneur, et toute bénédiction.
Loué sois-tu, mon Seigneur, en toutes tes créatures, spécialement messire frère Soleil, qui nous chauffe et par qui tu nous illumines ; il est beau, et rayonne en toute sa splendeur, et de toi, Ô Très Haut, il montre la grandeur.
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur la Lune et les étoiles dans le ciel : tu les as formées, claires, précieuses et si belles.
Ref.
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour frère Vent, pour l’air et les nuages, et le ciel pur et tous les temps à qui tu gardes en vie toutes tes créatures.
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour l’Eau notre sœur, laquelle est si utile, humble, précieuse et chaste.
Ref.
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour notre sœur la Terre mère, laquelle nous gouverne et nous donne nourriture, et produit tant de fruits, de fleurs multicolores et d’herbes.
Ref.
4 - La prière de bénédiction finale
de st François d’Assise à frère Léon
François écrivit des Louanges de Dieu et la bénédiction à fr. Léon pour chasser une tentation qui assaillait frère Léon. On peut dater cet écrit de septembre 1224.
Bénédiction
1 Que le Seigneur te bénisse et te garde ; que le Seigneur te découvre sa Face et te prenne en pitié ! 2 Qu’il tourne vers toi son Visage et te donne la paix ! 3 Que le Seigneur, frère T Léon, te bénisse !
Signature de François, le signe Tau, en forme de T majuscule, traverse le prénom de Léon en témoignage de bénédiction.
Septembre 1224 – Traduction : Damien Vorreux (1996)
Personnellement, lors de ma rencontre fondatrice avec l’islam de Camel Bechikh, en 2013-2014, je me suis très vite posé la question de la place d’Ismaël dans la Révélation divine à l’échelle de toute l’humanité, et pas seulement judéo-chrétienne. Donc, pour l’Islam, que représente Ismaël, le fils d’Abraham et de sa servante Agar, dont Sarah demande le renvoi de sous sa tente quand elle-même a reçu la vie miraculeuse d’Isaac en son sein, séparant ainsi les deux fils d’Abraham ?
« Par Ismaël, l'Islam vient nous rapporter le Signe de l'alliance, l'Arc perdu dans nos sociétés occidentales. » Grâce à son expérience de méditation des Écritures, Annick de Souzenelle répond ici à une interrogation sur le père de l'Islam qui fait beaucoup sens, pour nous, aujourd'hui.
« Le tout premier contact que j’ai eu avec l’Islam était quand j’habitais le Maroc. Je raconte souvent cette histoire extrêmement puissante qui s’est jouée lorsque j’ai retrouvé la prière, grâce à la prière d’une femme marocaine, dont la fille était mourante. J’étais infirmière, et je ne pouvais rien faire, je ne pouvais pas prendre de décision médicale, et tout d’un coup, je me suis vue prier avec elle. Cette communion de prière, fonde, je crois, non pas ma vie spirituelle, parce qu’elle était très forte étant enfant, mais je l’avais totalement envoyée promener en envoyant promener l’Église romaine, autour de mes vingt ans. C’est ce qui m’a fait revenir à l’essence même, non plus de l’Église, mais de la prière et de la vie spirituelle. C’est au Maroc que cela s’est passé. Donc, j’ai une affection très particulière, très profonde, fine, essentielle, avec ce qui fondait la puissance de foi et d’amour de cette femme. Voilà, c’est un souvenir psycho-spirituel. La suite, évidemment, c’est tout à fait autre chose.
Découverte d’Ismaël, le père fondateur de l’Islam
Maintenant, je vais reprendre la découverte que j’ai faite d’Ismaël, le père fondateur de l’Islam, dans sa qualité de gardien du signe de l’alliance. Lorsque je me suis consacrée à l’étude de la Bible, j’ai été très frappée par la fratrie qui unissait Ismaël — le fils d’Abraham et de sa servante, Agar — ; et de son frère, Isaac —qui va naître de la femme d’Abraham, Sarah.
Il est bien certain que Isaac, ”Is’hac” en hébreu, est le mot qui veut dire « le rire ». Pourquoi ? Parce qu’il est né d’un couple qui avait respectivement quatre vingt dix et cent ans, c’est à dire l’impossible. L’impossible qui se fait possible. ”L’impossible qui se fait possible” est un signe, lointain encore historiquement, de ce qui va se jouer pour les chrétiens, avec cette femme, Marie, qui va mettre au monde un fils sans qu’il y ait l’intervention d’un homme. ”L’impossible qui se fait possible” : on pourrait dire que le Christ est un ”is’hac”, un rire, un rire au delà de tous les rires. Je crois qu’Isaac est le prélude à ce grand rire cosmique de l’impossible qui se fait possible.
Alors qu’Ismaël est un enfant comme vous et moi, qui rit d’une plaisanterie… Un jour, Sarah va exiger d’Abraham que les deux rires soient séparés. Elle ne demande pas que les deux enfants soient séparés, elle demande que les deux rires soient séparés. Ce ne sont pas les mêmes rires. L’un est vraiment le rire du mystère le plus puissant qui dépasse nos intelligences. L’autre est le rire banal que nous connaissons tous. Il semble que Sarah incarne quelqu’un qui sait que ça ne peut pas être confondu. Ça ne peut peut-être pas non plus être séparé, mais essentiellement distingué. Elle demande donc qu’Ismaël soit écarté. C’est ainsi que Ismaël et sa mère vont être abandonnés dans le désert.
Au désert, Agar s'éloigne d'une portée d'arc d'Ismaël
C’est très important, le désert. Il n’y a plus de sécurisation aucune. Il nous est dit que, devant cet abandon total, Agar quitte son fils et se met à une portée d’arc de lui pour ne pas l’entendre mourir. Et puis, ils sont secourus, tous les deux, par les mondes angéliques. Là interviennent les mondes angéliques. Les mondes angéliques, ce sont les mondes de l’Islam. L’Islam est intimement lié aux mondes angéliques. Je crois que c’est beaucoup cela qui m’émeut tant dans cette expression de la foi. Cette femme dont j’ai parlé tout à l’heure, qui était auprès de sa fille mourante, était comme un ange pour moi. Elle a été vraiment un ange qui m’a ramenée à la prière, à l’amour. Il vont donc être sauvé par les mondes angéliques, tous les deux, Agar et Ismaël. ”Ishma’él” qui tient son nom du fait qu’il a été entendu de Dieu. « Shma’ » c’est l’écoute, l’écoute divine, il a été entendu de Dieu, c’est magnifique, ça ! Et la Bible passe très vite sur la vie d’Agar et d’Ismaël, si ce n’est pour nous dire tout à fait à la fin des quelques versets, que Ismaël est tireur d’arc. Le mot ”arc” fait tilt avec cette portée d’arc qui avait séparé Agar de son fils. Qu’est-ce que l’arc vient faire ? Il est évident qu’il vient nous dire quelque chose.
Ismaël, le maître de l'arc
Au lieu de lire ”tireur d’arc”… en hébreu, j’ai déplacé la dernière lettre du mot ‘rove’ sur le mot ‘keshet’. Étant donné que les mots dans la Bible ont été coupé de façon arbitraire, on peut les découper autrement, si l’on veut. Ainsi, au lieu de lire ”rov’e keshet” je lis ”rov’a keshet”. Et tout d’un coup j’ai : il est le maître de l’arc. Et qu’est-ce que c’est que l’arc ”keshet” ? C’est l’arc-en-ciel qui est le signe de l’alliance dressé entre Dieu et Noé à la sortie de l’arche, dans le mythe de Noé.
Voici que je me trouve avec, d'une part, Isaac qui est maître de l'alliance qui a été dressée directement, sans signe intermédiaire, entre Dieu et l'humanité, dans la personne d'Abraham et dont Isaac et tous ses descendants vont être les porteurs. Et d'autre part, Ismaël, qui lui est chargé du SIGNE de l'alliance. Voilà quelque chose qui me touche énormément et qui fait que lorsque j’ai vu arriver l'Islam en Occident, à un moment où les judéo-chrétiens ont perdu l'alliance, l'Islam vient nous rapporter le SIGNE de l'alliance. Il nous l’apporte d’une façon très dure, tragique, parfois, parce que eux-mêmes ne comprennent pas ce dont ils sont chargés. Tout le monde a tout oublié, mais il vient nous rappeler le signe de l'alliance.
C'est en cela qu’aujourd'hui nous avons une union profonde à jouer dans le retour de la fratrie de Ismaël et de Israël, finalement, puisqu'il est devenu le fils d'Isaac. Voilà pourquoi je suis très touchée par l'expérience que nous faisons ensemble d'un touché divin qui nous conduit dans une sorte d'ivresse… Que ce soit Éric Geoffroy, que ce soit moi ou que ce soit d'autres, nous sommes dans une ivresse commune parce que nous sommes dans une fratrie intime qui touche à l'alliance directe entre Dieu et l'homme. Nous sommes dans cet axe du milieu. Comme si toutes les autres traditions venaient en oblique, nous avons la grâce incroyable d'être là tous les deux, dans ce milieu même de l'axe de l'alliance. Que ce soit la Bible ou que ce soit le Coran, nous avons là une information directe.
L'islam et le monde des anges
Le monde de l'Islam étant et restant intimement lié au monde des anges, ce monde de l'Islam, en soi, fait en direct l'expérience de la sortie de tout esclavage à la terre et aux valeurs de la terre, pour être sécurisé par le monde divin. Le monde de l'Islam (en soi, les hommes sont comme nous tous) est un monde qui monte l'échelle directement. Le monde de l'Islam ne perd pas son temps à vivre l'exil, il monte directement à l'échelle. Comme si, pour nous, il n'y avait pas eu l'esclavage en Égypte et que nous vivions directement la Pâque et que nous entrions dans le désert. C'est là où nous nous rejoignons : dans le désert. Où nous rejoignons le monde des anges qui apportent une toute autre sécurité. Qui apporte la grâce divine, qui apporte l'amour divin, l'amour, l'infini. Et tout cela se manifeste d’une façon extrêmement concrète. Ça n’est pas de l’imaginaire, c’est de l’imaginal, pour reprendre le mot de Henri Corbin.
L'art et le monde angélique
C’est vrai que le judéo-christianisme s’est beaucoup éloigné du monde angélique. On retrouve des petits hommes joufflus, infantiles, dans le monde catholique, ce qui est absolument navrant. Il faut vraiment les basiliques romanes pour retrouver des statuaires d’anges qui sont à la dimension de ce dont nous sommes en train de parler. Ces mondes angéliques qui ont présidé à l’ascension de Mahomet qui est entré dans les plus hautes sphères de la Révélation. C’est l’archange Gabriel, qui, pour nous chrétiens, est un peu confondu avec l’Esprit Saint, mais c’est le même esprit qui préside à toute l’œuvre de l’archange Gabriel dans le monde de l’Islam. Ce monde-là nous unit d’une façon extrêmement profonde. Il s’exprime dans le monde chrétien par l’art.
Les artistes sont ceux qui, qu’ils le sachent ou qu’ils ne le sachent pas, sont en communion avec un monde angélique. La plupart du temps ils ne le savent pas. Mais ils sont en communion avec le monde angélique. Parce que l’art, c’est véritablement ce don du ciel qui nous place d’emblée sur l’échelle. L’échelle qu’a vu Jacob (Israël). Il y a là une sensibilité de l’au-delà du réel. Qui est un autre réel, beaucoup plus fin, beaucoup plus profond, de ce réel qui correspond à ce que nos physiciens découvrent aujourd’hui dans le troisième terme, au delà de toute dualité.
Le royaume des Cieux subit la violence, et des violents cherchent à s’en emparer
Tout ce monde de l’art est vécu en Islam, dans le Coran, d’une façon extrêmement précise. Je vais donner un exemple. Dans les Évangiles, le Christ nous dit « le Royaume des cieux appartient aux violents »[1]. C’est envoyé, c’est comme un coup de fusil. Il appartient aux violents. Oui, on sait combien la violence peut détruire : on est étonné de cela. En ce sens l’Évangile est très bref et demande à ce qu’on entre dans quelque chose de beaucoup plus fin. Le Coran l’apporte. Je crois que c’est dans la 33e sourate où nous voyons exactement la même chose, mais dit autrement. Voilà qu’Allah parle et dit : « J’ai voulu confié mon secret aux étoiles, au soleil, aux montagnes, personne n’en a voulu ! Seul l’homme a accepté. C’est un inconscient et un violent. » Voilà, la violence arrive, mais c’est dit dans une poésie étonnante. C’est un inconscient et un violent. Qu’y a-t-il derrière cela ?
Nommer les animaux sauvages qui nous habitent
Une réalité commune ! À savoir que nous sommes tous, l’homme, l’humanité, homme et femme, habités dans l’inconscient par un monde animal d’une violence incroyable. Une violence qui nous amène, lorsque nous en sommes esclaves, à tuer, ou à faire tant de choses regrettables. Ou des choses tellement inconscientes qu’elles détruisent tout, alors que l’on croit bien faire, même. Notre inconscient joue à notre place, c’est ce qui est dit dans la Bible de façon très nette. Si nous travaillons ces éléments, et c’est ce que nous dit le Livre de la Genèse, si nous nommons ces animaux sauvages qui nous habitent. Et que nos ancêtres connaissaient encore lorsqu’ils les représentaient dans le haut des chapiteaux des basiliques romanes : ce sont les animaux de la colère, de l’orgueil, de ces volontés de puissance, de ces jalousies, médisance… Tous ces animaux-là, tout ce bestiaire qui est tellement riche.
Lorsque nous nommons l’animal, que nous le prenons en main, et qu’il ne joue plus à notre place, parce que nous l’avons nommé, parce que nous le voyons vivre et que nous traitons les évènements qui sont adjacents avec amour, au lieu de tout détruire dans la violence, si nous mettons toute cette violence dans une puissance d’amour nouvelle, nous faisons l’expérience que l’énergie, nous n’avons même plus à la tenir en main, elle est saisie. Je peux dire alors ce qui se passe : elle est travaillée par « le divin cuiseur », comme disent les chinois, c’est-à-dire dans cette matrice de feu qu’est le cœur, et là l’énergie donne son information. Il y a toute une alchimie secrète qui se joue en nous, exactement comme lorsque nous manduquons de la nourriture. La nourriture va passer par toute cette alchimie secrète qui va faire qu’elle va donner aussi son information pour venir nourrir nos cellules.
Le Coran peut venir éclairer l’Évangile
C’est exactement ce qui se passe avec l’énergie de ces animaux sauvages à l’intérieur de nous, qui donnent à ce moment-là leur information. Nous construisons alors l’arbre de la connaissance que nous sommes pour en devenir le fruit. C’est nous qui allons devenir le fruit de l’arbre de la connaissance. C’est cette dimension seigneuriale qui demande à naître à l’intérieur de nous, au fur et à mesure que nous faisons ce travail. C’est pour montrer que ce problème de la violence qui est dit d’une façon lapidaire dans les évangiles est saisie dans le Coran, dans une poésie, dans une musique - je ne sais pas comment dire… - qui fait que la chose va être comprise, travaillée et va pouvoir éclairer l’Évangile. Je dirai que le Coran peut venir éclairer l’Évangile : au lieu de se vivre en rapport de force, nous vivons en communion dans une verticalisation de l’être. »
Annick de Souzenelle Entretien réalisé en ligne le 17 septembre 2020 par l'association Conscience Soufie
Retranscription pour La Vaillante de Sandrine Treuillard d'après la vidéo :
[1] Dans Matthieu 11, verset 12, le Christ dit : « Depuis les jours de Iohanân, l’Immergeur, jusqu’à maintenant, le royaume des ciels se force, et les forts s’en emparent. » (Trad. Chouraqui). « Depuis les jours de Jean le Baptiste jusqu’à présent, le royaume des Cieux subit la violence, et des violents cherchent à s’en emparer. » (Trad. AELF) « Depuis le temps de Jean-Baptiste jusqu'à présent, le royaume des cieux est forcé, et ce sont les violents qui s'en emparent. » (Trad. Louis Segond)
Légendes
- Rob Leinweber, Agar et Ismaël dans le désert, Allemagne, premier quart du 20ième siècle, carte postale au Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme, Paris
- Marc Chagall, 1887-1985, Noé et l’arc en ciel, 1961-1966 Musée national Marc Chagall
À Paula Kasparian, présidente d’Artisans de Paix & Béatrice Mauger vierge-ermite au sud-Liban
Lors de ma retraite estivale chez les trappistes de l’abbaye Notre-Dame de Scourmont (Chimay – Belgique), le lendemain de la fête de leur Ordre Cistercien de la Stricte Observance, 15 août – Assomption, l’évangile de ce dimanche nous décrivait la rencontre de la syro-phénicienne avec Jésus. Le père Gérard fit une homélie intitulée Accès des païens et des juifs au salut où il développe de très près le cheminement spirituel intime de cette femme étrangère à la révélation des fils d’Israël, jusqu’à l’union des volontés entre elle et le Christ.
Comme cet évangile est le paradigme de la 5ème Demeure spirituelle d’Artisans de Paix et chaque année au cœur de la célébration de l’Unité plurale des Artisans de Paix en janvier, j’ai souhaité partager ici cette homélie très complète et éclairante.
Sandrine Treuillard
Chargée de mission de la Fraternité eucharistique catholique d’Artisans de Paix
« Tous ceux-là, seront-ils sauvés ? Finiront-ils par connaître Dieu pour parvenir à la vie avec lui ? » Deux textes de la liturgie de ce dimanche parlent du salut des païens, de ceux qui ne sont pas juifs, dans le cadre de l’Ancienne Alliance ; et le troisième texte évoque le salut des juifs dans la Nouvelle Alliance.
La première lecture : le prophète Isaïe
Selon le prophète Isaïe, dans la partie de son livre la plus récente, « les étrangers [non juifs] qui se sont attachés au Seigneur pour l’honorer, pour aimer son nom, pour devenir ses serviteurs [...], je les conduirai à ma montagne sainte. » Après l’Exil, des étrangers s’étaient joints au peuple d’Israël en Palestine ; pouvait-on les intégrer et comment ? Personne n’est exclu a priori du salut, dit le prophète, même ceux qui ne sont pas juifs ; la maison de Dieu est pour tous : « Ma maison s’appellera “Maison de prière pour tous les peuples”. » Toutes les nations sont invitées à chanter le Seigneur ; comme le dit le psaume (66), la bénédiction du Seigneur s’étend à tous sans distinction.
L’évangile
La rencontre de Jésus avec la Cananéenne, dans l’évangile, s’inscrit dans ce contexte : les non-juifs peuvent-ils avoir accès à la table du Royaume ? La femme a commencé à crier de loin : « Prends pitié de moi, Seigneur, fils de David ! Ma fille est tourmentée par un démon. » Très belle prière, entendue par tous ceux qui sont auprès de Jésus ! « Fils de David » est un titre populaire utilisé alors par les Juifs pour désigner leur Messie. Comment cette femme, non juive, a-t-elle fait pour trouver cette prière ? Des amis juifs la lui ont peut-être suggérée : « Si tu veux demander quelque chose à ce Jésus, tu dois le prier ainsi. En effet, peu de temps auparavant, deux aveugles l’ont appelé “Fils de David” et ils ont été guéris (Mt 9, 27-31). » Pourtant, dans la bouche de cette femme, cette prière semble trop formelle : ce n’est pas sa prière. Jésus se tait, car il sent que la femme n’est pas encore prête à accueillir sa parole.
Mais elle, tout en le suivant, continue à crier, sans paroles, et les disciples veulent que Jésus la renvoie. La réponse de Jésus semble presque leur donner raison : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues d’Israël ». Ces paroles, il les a déjà dites à ses apôtres lorsqu’il les a envoyés en mission : « Ne prenez pas le chemin des païens et n’entrez pas dans une ville de Samaritains ; allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël (10, 6). » Jésus est venu d’abord pour le peuple de Dieu, le peuple juif. Ces premières paroles de Jésus, tant en paraissant dures, rendent pourtant possible le début d’un dialogue ; elles ouvrent une porte.
La femme alors s’approche et vient « se prosterner devant lui, en disant : “Seigneur, viens à mon secours”. » Devant tous ces hommes juifs, elle, femme païenne, se prosterne en priant simplement : « Seigneur, viens à mon secours ». Sa prière, accompagnée de son geste, sonne juste maintenant, et Jésus ne peut plus l’ignorer. Pourtant, il ne lui accorde pas tout de suite ce qu’elle demande : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens ». On doit se rappeler que les Juifs appelaient les païens des chiens, et eux se voyaient comme les fils. Et par ailleurs, le pain représente ici tous les biens spirituels. La réponse de Jésus peut donc se comprendre ainsi : les biens spirituels que je suis venu apporter sur la terre sont pour les Juifs ; il ne m’est pas possible de les donner aussi aux païens.
La femme reconnaît alors sa situation par rapport aux Juifs : elle est une païenne, sans avoir le droit d’être à la table comme les fils ; mais elle demande pourtant à recevoir, elle aussi, quelque chose de Dieu ; elle fait partie de ces petits chiens qui prétendent bénéficier, eux aussi, de quelques miettes de la table de leur maître. Elle se trouve ainsi dans une position juste par rapport à celui qu’elle prie. La réponse de Jésus est à lire avec attention : « Ta foi est grande. » Nous savons qu’un miracle est toujours lié à la foi. « Que tout se passe pour toi comme tu le veux. » Jésus ne se plie pas à la volonté de la femme ; Jésus ne capitule pas. Non, il reconnaît que maintenant la volonté de la femme, portée par sa foi, rejoint la sienne propre. Il exauce la femme car elle en est venue à vouloir ce que lui-même veut, ce qui est le meilleur pour elle en ce moment, c’est-à-dire la santé de sa fille. La volonté de la femme et celle de Jésus coïncident en quelque sorte.
Nous savons, par les auteurs spirituels, que cette union des volontés peut advenir dans notre vie spirituelle. Voici un texte de saint Bernard de Clairvaux dans un sermon sur le Cantique :
« Nous croyons que Dieu et l’homme demeurent l’un dans l’autre, [mais] d’une manière bien différente de [l’union du Père et du Fils], parce qu’ils ont des substances et des volontés propres, et qu’ils subsistent séparément l’un de l’autre ; en d’autres termes, nous croyons qu’il n’y a point en eux confusion de substances, mais consentement de volontés ; leur union est une ressemblance de vouloir et une conformité d’amour. Heureuse union lorsqu’on l’éprouve. » (S. Cant., 71, 10)
Puisque la volonté de la femme de l’évangile est unie à la volonté de Jésus, sa prière peut être exaucée.
L’épître de saint Paul
Cet évangile montre donc que Jésus est venu aussi pour les païens. Mais qu’en est-il aujourd’hui pour les Juifs qui n’ont pas voulu reconnaître Jésus comme le Messie, comme le Sauveur de tous les hommes ? Saint Paul en traite longuement dans sa lettre aux Romains. En résumé, nous pourrions dire ceci : c’est par les Juifs que les chrétiens ont obtenu miséricorde, car sans eux, Jésus ne se serait pas incarné. Maintenant, c’est par les chrétiens que les Juifs obtiendront à leur tour miséricorde, puisque le salut apporté par le Christ passe désormais par son Église, et donc par les chrétiens.
Conclusion
« Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Tm 2, 4), écrivait saint Paul à Timothée. Comment se réalisera cette volonté de Dieu ? Comment se réalisera le salut de tous les hommes ? C’est un mystère : les voies de Dieu sont impénétrables (cf. Rm 12, 33). Mais nous savons, depuis l’épisode de la Cananéenne, que les petits chiens – les païens au temps de Jésus ; tous ceux qui sont loin de la foi chrétienne aujourd’hui – peuvent, eux aussi, prétendre au pain destiné aux fils, celui qui donne la vie éternelle.
Venez au festin de Dieu ! Rassasions-nous du pain de sa Parole ! Nourrissons-nous du pain des anges, ce pain qui est son corps donné en nourriture pour la vie éternelle.
Gérard Joyau Frère hôtelier Abbaye Notre-Dame de Scourmont (Chimay – Belgique) 16 août 2020
Le 1er juillet 2020, j’eus une rencontre avec Théophile de Wallensbourg, musulman soufi chiite, dans son lieu de retraite. Nous avons été amenés à évoquer la résurrection du Christ, à laquelle les musulmans de croient pas.
Le soir même, ma lecture au coucher de Sept vies pour Dieu et l’Algérie me fit découvrir, dans son intégralité, l’homélie de Christian de Chergé pour la fête de la Croix glorieuse, en 1993. Relisant le dialogue entre l’ami soufi et frère Christian, mais contextualisé au cœur de l’homélie, je reçus un flot de larmes qui semblait jaillir en moi de la toute petite croix de San Damiano accrochée en hauteur dans ma chambre, devant moi.
C’est dans le troisième paragraphe intitulé En venir aux versets coraniques qui parlent de la mort de Jésus, ci-dessous (comme j’ai intercalé des sous-titres extraits du corps du texte de l’homélie), que frère Christian donne son interprétation des versets du Coran à ce sujet. C’est ce que je partage aujourd’hui et plus particulièrement à l’attention de Théophile, que je quittai, hier, en lui remettant l’autre livre de textes de Christian de Chergé rassemblés par Bruno Chenu : L’invincible espérance[1].
Sandrine Treuillard
La dignité de l’homme est d’être une croix
[Car,] si la croix nous ordonne à la contemplation, c’est bien parce qu’elle est d’abord pour nous, comme pour Jésus, un mystère de vie intérieure ; avant d’être ce signe sur nos poitrines et nos autels, ce symbole dont la gloire dépendrait de notre hardiesse à le brandir en toute circonstance. Ils étaient aussi nos frères, ces moines qui arrivaient en Algérie il y a tout juste 150 ans, et qui pensaient qu’il leur suffirait pour se faire comprendre, et peut-être convertir, d’ajouter la croix à la devise à la devise du colonisateur : ‘Ense et aratro’ (‘par l’épée et la charrue’). Cela devint, sur le blason de Staoueli, ‘Ense, cruce et aratro’ (‘par l’épée, la croix et la charrue’). Non ! La gloire de la croix n’a rien à voir avec celle de l’épée, ni même avec celle de la charrue. L’homme, en effet, n’a pas été créé en forme d’épée, pas davantage en forme de charrue… ni même en forme de poteau comme le serpent qu’on a pu pendre au désert mais pas crucifier. La dignité de l’homme est d’être une croix, comme le constate saint Bernard, car il a bien la forme d’une croix il est cruciforme : « Qu’il étende les mains, dit Bernard, et cela devient plus évident. » Là commence sa gloire. Là commence la croix glorieuse. Dès la création de l’homme à l’image de Dieu.
Et si nous parlions de la croix ?
« Et si nous parlions de la croix ? me demandait récemment l’un de nos amis soufis (dans la voiture qui nous ramenait tous deux du Maroc où il avait voulu faire retraite auprès de nos frères de Fès). Si nous parlions de la croix ?
- Laquelle, lui demandai-je ?
- La croix de Jésus, évidemment.
- Oui, mais laquelle ? Quand tu regardes une image de Jésus en croix, combien vois-tu de croix ?
Il hésitait.
- Peut-être trois... sûrement deux. Il y a celle de devant et celle de derrière.
- Et quelle est celle qui vient de Dieu ?
- Celle de devant... disait-il.
- Et quelle est celle qui vient des hommes ?
- Celle de derrière...
- Et quelle est la plus ancienne ?
- Celle de devant... C’est que les hommes n’ont pu inventer l’autre que parce que Dieu d’abord avait inventé la première.
- Et quel est le sens de cette croix de devant, de cet homme aux mains étendues ?
- Quand j’étends les bras, disait-il, c’est pour embrasser, c’est pour aimer.
- Et l’autre ? C’est l’instrument de l’amour travesti, défiguré, de la haine figeant dans la mort le geste de la vie.
L’ami soufi avait dit : « Peut-être trois ? » Cette troisième croix, n’était-ce pas moi, n’était-ce pas lui, dans cet effort qui nous portait, l’un et l’autre, à nous démarquer de la croix de « derrière », celle du mal et du péché, pour adhérer à celle de « devant », celle de l’amour vainqueur. »
En venir aux versets coraniques qui parlent de la mort de Jésus
Nous pouvions en venir aux versets coraniques (Coran 4,156-159) qui parlent de la mort de Jésus. Ces versets, c’est la croix des exégètes musulmans. « Ils (les juifs) ne l’ont pas tué en certitude… » Cela, c’est clair : par la mort, même la plus infamante, la vie n’est pas ôtée, elle est transformée. « Ils ne l’ont pas crucifié en vérité… » Oui, car c’est librement qu’il étendit les bras à l’heure de sa passion ; c’est l’amour et non les clous, qui le tenait fixé à ce gibet que nous lui avions taillé. Et c’est l’amour encore qui nous attirait vers lui lorsqu’il pardonnait à ses bourreaux.
Cette troisième croix, n’était-ce pas moi, n’était-ce pas lui
L’ami soufi avait dit : « Peut-être trois ? » Cette troisième croix, n’était-ce pas moi, n’était-ce pas lui, dans cet effort qui nous portait, l’un et l’autre, à nous démarquer de la croix de « derrière », celle du mal et du péché, pour adhérer à celle de « devant », celle de l’amour vainqueur. N’est-ce pas aussi bien le juif Yitzhak Rabin et le musulman Yasser Arafat dans cette poignée de main bouleversante qu’ils se sont donnée, hier, avec le désir de renoncer enfin à l’épée et de s’essayer au travail pacifique de la charrue sur un même sol ?
Frères et sœurs, nous savons bien que ce passage de l’une à l’autre croix, c’est bien là notre chemin de croix et aussi notre chemin de gloire, car c’est par là que Jésus nous élève, avec lui, vers le Père qui nous attend tous, bras ouverts.
Christian de Chergé Homélie (extrait) pour la fête de la Croix glorieuse 14 septembre 1993 in Sept vies pour Dieu et l’Algérie [1]
Première image : reproduction de la Croix de San Damiano (celle par laquelle saint François d’Assise avait reçu la vocation de restaurer l’É(é)glise). Seconde : Photographie de Sandrine Treuillard d’un Christ en croix restauré par Sylvain Treuillard, église Saint-Martin de Sury-ès-Bois (Cher-18).
[1] - Sept vies pour Dieu et l’Algérie, textes recueillis et présentés par Bruno Chenu, Bayard Éditions / Centurion, 1996. - L’invincible espérance, textes recueillis et présentés par Bruno Chenu, Bayard Éditions, 2010.
Le 16 mai dernier, jour de mon anniversaire de naissance, j’ai publié ce post (ci-dessous) faisant mémoire de la providence divine dans ma vie, de ma conception à ma naissance. Je m’arrêtai à l’allusion suivante : « Le 25 mai 1975, à un an et 9 jours, je fus baptisée. Cette année-là, ce dimanche était celui de la solennité de la Sainte Trinité. Mais, c’est là une autre histoire que je vous conterai à une autre occasion… »
Des baptêmes… Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit
C’est durant l’été 2019, à la lecture des lettres que Christian de Chergé adressait à celui qui fut son professeur d’islamologie au PISAI, à Rome, le Père Blanc Maurice Boormans, dans sa lettre du dimanche 25 mai 1975, que je découvris que ce dimanche-là, de mon baptême, était la solennité de la Sainte Trinité. Je lisais ces lettres au père Maurice Boormans suite à mes lectures concernant le prieur de Tibhirine et son expérience vécue du dialogue spirituel avec l’Islam. Dans ces différents ouvrages du père Christian Salenson (directeur de l’ISTR de Marseille), j’appris à connaître et à aimer la spiritualité de Christian de Chergé dans son ouverture au dialogue avec les musulmans. Je fus alors conduite tout naturellement à reconnaître la source de cet enjeu existentiel pour frère Christian. D’abord, dans son enfance algérienne, quand sa mère lui apprit le respect des musulmans qui priaient Dieu en se prosternant. Et plus tard, quand il fut tout jeune officier durant la guerre d’Algérie, il noua amitié avec Mohammed, un arabe musulman, père de dix enfants qui lui sauva la vie en le défendant devant l’agressivité de certains de ses frères musulmans. Mohammed, le lendemain de cette altercation, fut retrouvé égorgé près de son puits. Ce n’est que bien des années plus tard que Christian de Chergé commença à s’ouvrir de cet événement-source de son amour pour l’islam et de sa vocation à donner sa vie pour l’Algérie. Dans le sacrifice de sa vie de Mohammed, frère Christian y vit l’offrande du Christ lui-même, mort pour lui (frère Christian). Le meurtre de son ami musulman est en correspondance intime et profonde avec son propre travail au long cours d’offrande de lui-même réalisé au jour le jour, au sein de sa communauté monastique à Notre-Dame de l’Atlas, et en fraternité avec les habitants de Médéa et tous les algériens, qu’il manifeste de façon condensée dans le Testament spirituel qu’il rédigea entre le 1er décembre (fête du bx Charles de Foucauld) 1993 et le 1er janvier 1994 (je souligne ici en caractère gras), un peu plus de deux ans avant sa mort :
« S'il m'arrivait un jour - et ça pourrait être aujourd'hui - d'être victime du terrorisme qui semble vouloir englober maintenant tous les étrangers vivant en Algérie, j'aimerais que ma communauté, mon Église, ma famille, se souviennent que ma vie était DONNÉE à Dieu et à ce pays. Qu'ils acceptent que le Maître Unique de toute vie ne saurait être étranger à ce départ brutal. Qu'ils prient pour moi : comment serais-je trouvé digne d'une telle offrande ? Qu'ils sachent associer cette mort à tant d'autres aussi violentes, laissées dans l'indifférence de l'anonymat.
Ma vie n'a pas plus de prix qu'une autre. Elle n'en a pas moins non plus. En tout cas, elle n'a pas l'innocence de l'enfance. J'ai suffisamment vécu pour me savoir complice du mal qui semble, hélas, prévaloir dans le monde et même de celui-là qui me frapperait aveuglément. J'aimerais, le moment venu avoir ce laps de lucidité qui me permettrait de solliciter le pardon de Dieu et celui de mes frères en humanité, en même temps que de pardonner de tout cœur à qui m'aurait atteint. Je ne saurais souhaiter une telle mort. Il me paraît important de le professer. Je ne vois pas, en effet, comment je pourrais me réjouir que ce peuple que j'aime soit indistinctement accusé de mon meurtre. C'est trop cher payer ce qu'on appellera, peut-être, la « grâce du martyre » que de la devoir à un Algérien, quel qu'il soit, surtout s'il dit agir en fidélité à ce qu'il croit être l'Islam.
Je sais le mépris dont on a pu entourer les Algériens pris globalement. Je sais aussi les caricatures de l'Islam qu'encourage un certain islamisme. Il est trop facile de se donner bonne conscience en identifiant cette voie religieuse avec les intégrismes de ses extrémistes. L'Algérie et l'Islam, pour moi, c'est autre chose, c'est un corps et une âme. Je l'ai assez proclamé, je crois, au vu et au su de ce que j'en ai reçu, y retrouvant si souvent ce droit fil conducteur de l'Évangile appris aux genoux de ma mère, ma toute première Église. Précisément en Algérie, et, déjà, dans le respect des croyants musulmans. Ma mort, évidemment, paraîtra donner raison à ceux qui m'ont rapidement traité de naïf, ou d'idéaliste : « Qu'il dise maintenant ce qu'il en pense ! » Mais ceux-là doivent savoir que sera enfin libérée ma plus lancinante curiosité. Voici que je pourrai, s'il plaît à Dieu, plonger mon regard dans celui du Père pour contempler avec Lui ses enfants de l'Islam tels qu'Il les voit, tout illuminés de la gloire du Christ, fruits de Sa Passion investis par le Don de l'Esprit dont la joie secrète sera toujours d'établir la communion et de rétablir la ressemblance en jouant avec les différences. (…) »
Dans la dernière phrase citée, frère Christian en appelle à la Sainte Trinité pour décrire la façon qu’a Dieu de regarder tous ses enfants les hommes, avec le même amour. Deux événements déclencheurs durant ces années noires en Algérie, correspondant aux deux dates mentionnées en fin du Testament, lui firent écrire ce texte d’une grande beauté spirituelle. En voici l’explication par le père trappiste Armand Veilleux (je souligne par les italiques) :
« La première date (1er décembre 1993) correspond au moment où, après les attentats dans le métro de Paris et la prise d’otage des passagers d’un Airbus français qui s’était terminée dans le sang à l’aéroport de Marseille, le GIA (Groupe islamiste armé) demandait à tous les étrangers de quitter l’Algérie, les menaçant de mort. C’est le jour où Christian rédigea la première mouture de son Testament. Le texte reçut sa forme finale un mois plus tard (1er janvier 1994). Entre-temps, divers événements tragiques étaient survenus. D’abord douze ouvriers Croates chrétiens avaient été égorgés à Tamezguida, à quelques kilomètres du monastère et, durant la soirée du 24 décembre, six islamistes armés s’étaient présentés au monastère en présentant des requêtes et des exigences. Durant les jours suivants les moines avaient longuement réfléchi en communauté sur l’opportunité de rester ou de partir. Ils avaient finalement opté unanimement pour rester. (…)[i] »
Dans certains contextes, l’offrande de soi-même implique l’acceptation d’être confronté à la mort violente. C’est Dieu qui dispose du don que nous faisons de nous-même. Le choix des modalités ne nous appartient pas. Comme frère Christian avait ‘vu’ mourir ce père de famille musulman à sa place, en représailles pour l’avoir défendu la veille, le prieur de Tibhirine et ses frères ont acquiescé par avance à la probabilité de la mort violente. « Le serviteur n’est pas plus grand que son maître », avait prévenu Jésus avant sa Passion (Jn 13,16).
Mais pourquoi vous parlé-je de tout cela ? Le point de départ en était le jour de mon baptême, en la solennité de la Sainte Trinité, le 5 mai 1975, date dont la signification me fut révélée par une lettre de Christian de Chergé. J’ai été amenée à vous faire entrer dans l’acte d’offrande du bienheureux prieur de Tibhirine, d’abord manifesté dans son Testament spirituel « Quand un A-DIEU s’envisage », et qui se réalisa dans les faits par l’enlèvement des 7 moines de l’Atlas (25-26 mars 1996) puis leur assassinat, fin mai 1996. Martyre, baptême de sang, comme le Christ leur Maître. Offrande libre d’eux-mêmes dont ils avaient discernés ensemble la possibilité. Et c’est bien de l’offrande de soi dont je souhaite m’entretenir avec vous. De cette vocation-là. Bien sûr, il ne s’agit pas de comparaison, ici. Mais de communion des saints.
Dans la communion des saints
Car, cette année 1994 fut pour moi marqué par le sceau de l’offrande. Ce sceau de l’offrande, manifesté dans une sculpture, marque ma vie actuelle et explique ma vocation à devenir moniale trappistine, d’une part ; et à poursuivre ma découverte et ma pratique du dialogue spirituel avec les soufis Naqshabandi, initié en région parisienne avec l’association Artisans de Paix, d’autre part. Christian de Chergé m’apparaît être la figure de sainteté que Dieu m’envoie pour ouvrir mon propre chemin, à sa suite. C’est dans un esprit de filiation spirituelle que j’évoque son expérience de vie et d’offrande.
Dans son livre intitulé Présences d’Évangile I – Lire les Évangiles et l’Apocalypse en Algérie et ailleurs, au premier chapitre L’Église « sacrement de la rencontre »… le théologien jésuite Christoph Theobald explique que
« tout homme est appelé à la sainteté, peu importe sa condition sociale, sa religion, etc. (…) En chaque être humain que nous rencontrons sommeille cette possibilité d’une démesure proprement divine, la capacité d’aimer, de se donner concrètement dans telle ou telle situation (comme le Samaritain) et de devenir absolument unique, « sacrement-personne en relation » pour celui qui est en face »[ii]. « L’invitation à « devenir saint comme lui… (le Christ Nda) » (Mt 5,48) n’est nullement un appel à l’héroïsme : paradoxalement, la « démesure de Dieu » est « à la mesure de chacun » ; elle rend chacun unique. (…) L’Esprit Saint conseille chacun le moment venu, sur ce qui est à sa mesure, mais sans jamais passer aussi par le conseil fraternel. Ce point est important à souligner parce qu’il est difficile de sortir du régime de la comparaison et d’accueillir, face à autrui, l’unicité de son propre chemin – l’unicité de l’itinéraire des moines de l’Atlas est à recevoir par chacun de nous dans cet Esprit qui dépasse toute comparaison. »[iii]
C’est d’abord par les homélies du père Armand Veilleux que je fus amenée à acquérir (sans le lire encore) le Prier 15 jours avec Christian de Chergé, de Christian Salenson, en février 2018. Puis, lors de la rencontre de ce père trappiste – le moine Armand Veilleux est abbé émérite de l’abbaye Notre-Dame de Scourmont (Chimay), en Belgique -, présent toute l’année 2018 au siège de l’Alliance InterMonastère - au Conseil duquel il travaille comme représentant l’Ordre Cistercien de la Stricte Observance -, au Prieuré Sainte-Bathilde de Vanves - que je fréquente quotidiennement pour les vêpres et la messe -, juste à son retour d’Oran, de la béatification de ses frères de Tibhirine (dont il était l’ami, en plus du visiteur canonique), nous prîmes rendez-vous pour nous rencontrer le lendemain, le 10 décembre 2018. Ce soir-là, je commençai le Prier 15 jours avec Christian de Chergé dont le 3ème jour me bouleversa, chapitre intitulé par Christian Salenson Chemin de croix :
« Et si nous parlions de la croix ? me demandait récemment l’un de nos amis soufis (dans la voiture qui nous ramenait tous deux du Maroc où il avait voulu faire retraite auprès de nos frères de Fès). Si nous parlions de la croix ?
- Laquelle, lui demandai-je ?
- La croix de Jésus, évidemment.
- Oui, mais laquelle ? Quand tu regardes une image de Jésus en croix, combien vois-tu de croix ?
Il hésitait.
- Peut-être trois... sûrement deux. Il y a celle de devant et celle de derrière.
- Et quelle est celle qui vient de Dieu ?
- Celle de devant... disait-il.
- Et quelle est celle qui vient des hommes ?
- Celle de derrière...
- Et quelle est la plus ancienne ?
- Celle de devant... C’est que les hommes n’ont pu inventer l’autre que parce que Dieu d’abord avait inventé la première.
- Et quel est le sens de cette croix de devant, de cet homme aux mains étendues ?
- Quand j’étends les bras, disait-il, c’est pour embrasser, c’est pour aimer.
- Et l’autre ? C’est l’instrument de l’amour travesti, défiguré, de la haine figeant dans la mort le geste de la vie.
L’ami soufi avait dit : « Peut-être trois ? » Cette troisième croix, n’était-ce pas moi, n’était-ce pas lui, dans cet effort qui nous portait, l’un et l’autre, à nous démarquer de la croix de « derrière », celle du mal et du péché, pour adhérer à celle de « devant », celle de l’amour vainqueur. »[iv]
Saint Bernard, le réformateur cistercien et fondateur de l'abbaye de Clairvaux, était aussi présent ce soir de la veille de ma première rencontre du père Armand Veilleux : par une image qui court de la fin du deuxième Sermon sur l’Avent et tout au long du troisième, où Bernard évoque la fleur qu’est Jésus, au bout de la tige qu’est Marie. Au fond, c’est le Christ Jésus qui est présent à toutes ces rencontres. Nous sommes compris dans un réseau qui n’est autre que la communion des saints, et nous sommes appelés à être « « sacrement-personne en relation » pour autrui », comme le dit Christoph Theobald.
Après ma lecture du Prier 15 jours qui m’introduisit à la spiritualité du bienheureux prieur de Tibhirine, dont le dernier chapitre (15ème jour) développe le mystère de l’hospitalité réciproque et la figure de toute vraie rencontre qu’est la Visitation pour Christian de Chergé, j’ai reçu l’effusion de l’Esprit Saint, appelé aussi baptême dans l’Esprit. C’était le 16 février 2019, lors d’une retraite de guérison (anamnèse) organisée par la Communauté du Chemin Neuf, dans l’ancien couvent des dominicaines de Béthanie (le bienheureux Jean-Joseph Lataste en est le fondateur – et, dans la communion des saints, il participa à ma guérison lors de cette session), à Saint-Sulpice de Favières (Essonne). En recevant l’effusion de l’Esprit, un frère et deux sœurs (de la Communauté du Chemin Neuf) qui priaient sur nous (nous étions deux femmes à recevoir le baptême dans l’Esprit) eurent pour moi deux images, d’une part ; et d’autre part, de la Parole de Dieu, le début d’un psaume et un extrait d’Évangile. C’est cet Évangile en saint Luc, chapitre 1, versets 39 à 45, qui décrit l’épisode de la Visitation. Alors même que cet Évangile m’était lu, à la fin, l’autre partie des retraitants qui était rassemblée devant l’autel de la chapelle se mit à entonner : Magnificat… qui est la prière d’action de grâce qui traverse Marie aux versets suivants de l’Évangile qui m’était lu (Lc 1,46-55). J’étais moi-même au comble de la joie avec Marie à la Visitation exultant son Magnificat.
Avec l’effusion de l’Esprit reçu le 16 février 2019 et l’Évangile de Luc 1, 39-45, ma proximité avec le bienheureux Christian de Chergé fut scellée. Je ne cesse de m’identifier à la Vierge Marie qui reçoit grâce sur grâce de la part de Dieu. La grâce de Dieu qui forme en moi le Verbe, qui incarne en moi le Christ, par son Esprit saint qui nous visite en ces temps qui sont les derniers. La grâce de la Visitation c’est de vivre le Christ en soi, c’est de vivre du Christ et de le reconnaître en l’autre. Mais, au moment des rencontres vraies nous n’avons pas conscience de vivre cela. Nous sommes abandonnés dans la Visitation. Nous ne savons pas à cet instant t que c’est le Christ qui vit en nous. Si nous le savions, nous ne le vivrions pas. C’est cela qui est le secret de Dieu. C’est sa discrétion. C’est seulement ensuite, en relecture de notre vie, que nous pouvons authentifier la présence du Christ en telle ou telle rencontre. C’est par cette sorte d’innocence que la rencontre est vraie, authentique. Une forme d’humilité, de simplicité dans la rencontre, en même temps que ce don généreux de soi dans l’accueil de l’autre, mais à notre insu.[v] L’Offerta – de la vocation à s’altérer soi-même
Revenons-en à l’année 1994. J’avais 20 ans. Ayant terminée ma seconde année aux Beaux-Arts de Bourges, la Providence voulue que je sois invitée par la Commission Européenne pour l’Art et la Culture à représenter la France parmi des étudiants en art venus de différents pays d’Europe, pour réaliser une œuvre (picturale ou sculpturale) avec l’Academia di Belle Arti de Viterbo, donnant lieu à une exposition collective au Palais des Papes de Viterbo à l’issue d’un mois de visites des sites et monuments de la région, le Latium, à 80 km au nord de Rome. Par goût de la découverte, j’acceptai le défi. Pendant deux mois, à l’aide d’une méthode des années 50, je m’initiai à l’italien. On me paya tous les frais en échange de quoi je pris des photographies tout au long de ce mois d’août et fis un diaporama compte-rendu au Rotary-Club de Bourges qui co-finançait le projet. Je consultai un volume sur l’art étrusque, riche en photographies d’urnes cinéraires et de peintures murales des tombes, pour appréhender ce qui soutenait cette civilisation pré-romaine.
Sur place, ce furent deux semaines intenses de visite s’étendant jusqu’au XXè siècle, en passant par l’amphi-théâtre étrusco-romain de Sutri, par le puits San Patrizio à double volutes d’escaliers, à Orvieto ; l’église baroque Santa Chiara de cette même ville ; les jardins baroques de Bomarzo ; le jardin renaissance virtuose en parcours d’eau et fontaines de Bagnaia ; la Villa Farnese à Caprarola dont l’architecture amorce le dessin des rues du village à ses pieds ; une nuit à la belle étoile au lac de Bolsena ; le bain thermal de Bagno Vignoni, de nuit aussi, dédié à sainte Catherine de Sienne (voir le film de Andreï Tarkovski Nostalghia, 1983) ; le lac de Vico ; Tarquinia, la ville étrusque ; Civita di Bagnoregio, une ville du moyen-âge dangereusement perchée sur un pic… jusqu’à la ‘cava di peperino grigio’, la carrière de la pierre ‘tendre’ volcanique locale que j’allais utiliser pour ma ‘sculpture’… à Soriano nel Cimino. Le Palais des Papes où nous allions faire l’exposition collective à la fin de ce mois d’août 1994 est en peperino grigio. Les fontaines indénombrables de Viterbo sont en peperino grigio. Les maisons. Les églises. Les bénitiers… Les énergies telluriques et volcaniques me traversèrent durant ce mois caniculaire. La langue italienne m’était familière. Je giflai un ‘garçon pur souche de Viterbo’ qui s’approcha trop près de moi dans une de ses rues. Et photographiai un groupe d’enfants qui acceptèrent de cesser leurs jeux le temps de la prise de vue.
Pour accompagner le projet dessiné de ma sculpture, - dans le catalogue d’exposition qu’il fallait donner au bout des 15 premiers jours pour l’imprimer avant le vernissage -, je donnai un poème qui résumait bien mon expérience des lieux, traduit en italien, et dont je me souviens des derniers mots : « trasuderebbe le fontane liberate dagli Elfi » ; « les fontaines suinteraient libérées par les Elfes » dans lequel poème j’évoquai le culte de Mithra, la végétation pesante… Une atmosphère spirituelle, les énergies naturelles traversant toute chose là-bas. Ce que je savais du Palais des Papes, c’était la pièce dans laquelle j’allais installer ma sculpture. Je la choisis pour son volume presque carré. Je fis désobstruer la fenêtre qui rendait la pièce obscure. La lumière du soleil et le bruit de l’eau s’y engouffrèrent.
On installa la demi-vasque de pierre volcanique au sol, au pied de la fenêtre, au milieu de la pièce. Les lettres qu’on applique sur les pierres tombales sont bien lisibles sur le côté diamétral du demi-cercle de la vasque, comme sur un mur miniature, le titre de la sculpture : ‘L’offerta’ (L’offrande), MCMXCIV, 1994 en chiffres romains. Sur le carton plume en demi-cercle au sol, complétant le cercle commencé par la demi-vasque, j’épinglai les longues feuilles de laurier rose ramassées au pied-même du Palazzo des Papi. Je mis de l’eau dans la demi-vasque. On monta sur un escabeau, au-dessus de ce petit plan d’eau pour fixer le fil de nylon, de manière à suspendre le citron desséché juste un peu au-dessus de la surface de l’eau. Le vent passant par la fenêtre pouvait légèrement le faire balancer…
C’est dans une peinture de Piero della Francesca, La Conversation sacrée (La Vierge et l'Enfant entourés de saints et d'anges, 1472), que l’on voit un œuf suspendu au niveau du ligament élastique de la coquille Saint-Jacques (ligament qui permet l’articulation des deux coquilles quand la conque est complète). « L’œuf d'oie qui pend au plafond (et qui pointe vers le nombril de Jésus), est le symbole de la perfection ou de la naissance dans la tradition alchimique, des quatre éléments du Monde ou de la Création. Il est accroché à la conque signifiant la fécondité. Toutes les têtes des personnages saints sont sur un même axe horizontal (principe d’isocéphalie), celui-là même de l'horizon perspectif contenant le point de fuite central, confondu avec le regard de la Vierge. L'axe vertical (œuf-nombril du Christ) rééquilibre l'axe horizontal précédent » formant ainsi une croix virtuelle (source wikipédia).
Le lendemain matin de l’installation, quand je retournai auprès de la sculpture installée pour la photographier, quelle ne fut pas ma surprise horrifiée de constater ce que je pris d’abord pour du vandalisme… Me demandant bien qui pouvait m’en vouloir à ce point, ou en vouloir à ma sculpture… Quelle violence ! Les épingles que j’avais plantées à la verticale, dans le carton-plume traversant la fine chair des feuilles de laurier pour les mettre à plat, comme un tapis, ces épingles étaient toutes couchées, sens dessus-dessous… Je me demandais quel courage il fallait avoir eu pour marcher sur des épingles, car c’était dangereux… J’étais à genoux devant ce ‘spectacle’ observant ce chahut, penchée sur le phénomène… Et je compris. Relevant la tête, je compris. Une aile de papillon flottait sur l’eau de la demi-vasque. En une nuit, beaucoup d’eau s’était évaporée sous l’effet de la chaleur caniculaire de ce mois d’août. Pour les feuilles, c’est le même effet d’assèchement qui avait manifesté la force de rétractation du végétal : les feuilles elles-mêmes en se rétractant avaient couché, déplacé les épingles. Personnes n’avait marché dessus…
C’est alors que je compris la véritable nature de cette sculpture-installation. La lumière solaire pénétrant dans la pièce projetait, si je puis dire ainsi, son ‘ombre lumineuse’ sur la sculpture, comme l’ombre d’un cadran solaire, marquant le temps. Le vent et le son, venus de l’extérieur, animaient les éléments naturels constitutifs de la sculpture. L’eau s’évaporait. Les feuilles de lauriers se rétractaient et manifestaient la violence de la nature en couchant la multitude des épingles (élément ‘culturel’, fabriqué industriellement par l’homme). Cette sculpture-installation était en mouvement. C’est la transformation de la matière par la lumière, le vent, la chaleur qui provoquait ce mouvement, qui finalement, ne parle que du temps. Le temps qui passe. « Le temps est supérieur à l’espace » du Pape François dans La Joie de l’Évangile résume bien la nature de cette sculpture installée. Le processus du temps qui modifie les éléments et parle de leur interactions. L’offerta, l’offrande, devenait alors une sorte d’autel du temps. Une offrande en action ; une offrande vivante se donnant. Une offrande s’altérant. Cette sculpture décrit le processus de l’offrande, qui est tout autre chose qu’un objet mort et inanimé qu’on dépose dans le vide. Ces manifestations physiques renvoient à une manifestation métaphysique et spirituelle. Et même religieuse : une offrande est un don à quelqu’un, la manifestation d’une action de grâce au sein d’une relation. Toute la sculpture - qui s’étend à la pièce entière, comme une chambre lumineuse(en regard de la camera oscura, la chambre obscure en photographie) -, son processus de vie est lié au temps, grâce à la lumière solaire et à la chaleur qui interagissent avec l’eau et les feuilles, avec les volumes de la pierre excavée, le courant d’air avec le citron desséché suspendu. Bref, une sorte de cadran solaire qui en fait une sculpture du temps. Une photographie (écriture de la lumière) en mouvement. Le temps est supérieur à l’espace. Et le métaphysique est supérieur au physique. Avec L’offerta les phénomènes physiques renvoient à une seule et même réalité unique. Cette installation devenait le signe d’une réalité invisible. Réalité invisible qui se manifeste dans le temps et les éléments altérés par le temps qui passe en transformant le vivant. Révélation du processus de la vie dans cette boîte fermée - qu’était à l’origine cette pièce d’exposition - par la lumière qui y pénétrait et agissait sur cette sculpture L’offerta.
Lac de Vico
Dans cette période de ma vie (à 20 ans, je me croyais séparée de l’amour du Christ depuis 7 ans, et cela allait durer encore 14 ans, jusqu’en 2008), cette sculpture marque la découverte, ou plutôt la redécouverte autrement, en l’expérimentant à travers la création, d’un temps cultuel. L’évaporation de l’eau et la rétractation des feuilles étaient devenus comme une libation, un holocauste ; la fonction de l’encens qui s’élève des mains de l’homme vers Dieu « en offrande du sacrifice du soir » (office des vêpres, que je ne connaissais pas encore). Prémices de l’offrande de soi. Cette sculpture, à mon corps défendant, est devenue un rituel. Une prière vespérale (quand je l’installai ̶ ce qui prit du temps tout en étant une occasion de silence et de solitude : le temps de planter les épingles dans la chair des feuilles oblongues pour les assembler comme un tapis). Ou des laudes (quand je vins la photographier). Cette sculpture, est, en fait, un autel. Cela se voit tout de suite. La fenêtre, avec sa tâche de lumière rectangulaire et trapézoïdale, a libéré tout le potentiel spirituel de la pièce quand je l’ai faite désobstruer. Par cette sculpture-installation, je recontactais le spirituel archaïque en acte. Le rituel des libations de l’Antiquité. Le sacrifice des holocaustes bibliques. Ce besoin de se donner à plus grand que soi par des voies symboliques, dans une liturgie. Cette sculpture était déjà une prière d’offrande de soi (eucharistie). Là, déposée-là. Offerte au temps. Au soleil, à la chaleur, au vent. S’évaporant. La pierre restant au sol comme un autel.
Après la première contrariété de ma croyance au vandalisme, découvrant la merveille sous mes yeux de la force de vie des éléments naturels, j’acceptai que la sculpture soit altérée. Qu’elle soit transformée, devenue autre. Et c’est cette acceptation, cette adhérence à l’altération de ma volonté ̶ comme je ne l’avais pas voulue, cette altération n’étant pas une chose que j’avais prévue comme dans un scénario ̶ , qu’elle devenait offrande vraie, véridique. Dans la perte de ma propre volonté, dans le don de moi-même, elle devînt authentique. Par la violence des phénomènes naturels je compris que cette offrande me dépassait, que cette sculpture excédait ce que j’avais fait, pensé… qu’elle allait au-delà de ce que j’avais réalisé. J’étais dépossédée par mon ‘œuvre d’art’. Cette dépossession est la marque de la main de Dieu sur elle, en moi. Ce n’était plus/pas une simple œuvre d’art de mains et de pensées humaines. Le doigt de Dieu la transportait dans la dimension spirituelle que je n’avais qu’entrevue en la baptisant « L’offerta ». Dieu en fit un signe, une théophanie, un ‘sacrement de la vie’. Un sacrement de la prière, sur l’autel qu’est cette sorte de bénitier baptisé L’offrande. Processus de ces métamorphoses, transformations de la nature ‘eau’, ‘végétal’, par le souffle du vent. Et le souffle de l’Esprit qui se glisse dans les symboles hissa sans peine la sculpture de simple ‘œuvre d’art’ à un signe quasiment sacramentel, renvoyant à une réalité spirituelle que j’avais perçue durant cette expérience des lieux, des cultures et des époques de la région visitée. L’offerta était devenue une synthèse phénoménologique du spirituel éprouvé, expérimenté dans ma rencontre des lieux et des temps de la région, dans les énergies naturelles, telluriques, volcaniques, végétales, minérales et humaines. Comme à l’amphithéâtre étrusco-romain de Sutri où je perçus la présence passée de la foule des humains, dans ce lieu vaste et vide. Je percevais la présence d’une multitude humaine alors même que ce lieu était vide.
Machina eucharistica
Et c’est bien à une autre Présence que cette sculpture installée dans cette pièce particulière du Palais des Papes de Viterbo renvoyait. Manifestation d’un don de soi à plus grand que soi, à l’Altérité absolue et fondatrice, créatrice et à l’origine de soi. Perception du religieux. Avec le regard de l’âme.
La grâce de l’altération, c’est de devenir un alter Christus. Machina eucharistica signifie ce devenir, ce processus (le temps est supérieur à l’espace du Pape François), cette transformation intérieure, diffusion en nous de l’Esprit du Christ qui nous eucharistie en Lui. Par la communion de toute notre vie à sa Personne, qui est trinitaire, nous devenons « sacrement-personne en relation », nous sommes un autre Christ. Nous prenons ses attitudes, ses gestes, ses pensées grâce à la vigilance intérieure qui nous garde en la présence christique. Nous adoptons alors, jour après jour, « une manière d’être avec autrui » qui est son mode d’être à Lui (« modus conversationis Christi » de saint Thomas d’Aquin)[vi].
Il y a 26 ans, j’avais 20 ans et voilà ce que me dit ce que je produisis alors, dépassée par l’œuvre que je réalisai. Cette année 1994 est aussi l’année où commencèrent les attentats en Algérie et l’assassinat des religieux chrétiens en Algérie. Christian de Chergé avait rédigé son testament spirituel et l’avait comme scellé, mis au secret, demandant à ce qu’on ne le découvre et ne le lise qu’à sa mort. Dans son Testament, il fait l’offrande de lui-même. La décision de s’offrir librement soi-même était posée, déposée dans ce texte le 1er janvier 1994. Son martyre fut consommé deux en plus tard, fin mai 1996.
Quand j’ai découvert, durant l’été 2019, que j’avais reçu le baptême le jour de la solennité de la Sainte Trinité, dans sa lettre du 25 mai 1975 à Maurice Boormans, j’ai su (de la science que donne l’Esprit Saint, le regard de connaissance de la foi), j’ai su que Christian de Chergé était dans ma vie comme un précurseur, comme s’il préparait le chemin que j’allais emprunter derrière lui, à sa suite, dans ma propre offrande de moi-même. C’était 25 ans après son testament spirituel, 25 ans après « L’offerta ». L’offerta était comme les prémices à mon désir, à ma vocation religieuse. Depuis que, par le père Armand Veilleux, j’ai découvert les écrits et la spiritualité de Christian de Chergé, je n’ai eu de cesse de percevoir sa présence providentielle, donnée par Dieu à moi, m’accompagnant sur mon chemin dans le dialogue avec les musulmans, mon désir de lire le Coran, d’une part, et dans l’appel à la vie trappistine, d’autre part.
De la violence – ou des personnes en relation sacramentelle
Christoph Theobald explique comment dans l’histoire de l’humanité et à travers les Écritures, nous rencontrons
« des personnes rendues capables de rayonner par leur simple présence parce qu’en elles, pensées (l’intériorité), paroles et actes concordent dans une sorte de simplicité de conscience que les Évangiles désignent par « le oui qui est oui » et « le non qui est non » (cf. Mt 5, 37 ; 2 Co 1, 17-20 ; Jc 5, 12).
On peut décrire cette même sainteté encore d’une autre manière en se référant à la célèbre règle d’or de Matthieu et Luc : « Tout ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux ! Voilà la loi et les prophètes » (Mt 7,12). Cette règle n’est pas propre au Nouveau Testament ; elle existe dans le judaïsme, dans la culture grecque, chinoise, etc., et, actuellement, elle est utilisée fréquemment dans les grands débats sur la justice et les droits de l’homme, vérifiant ainsi l’orientation universelle de l’Évangile. On peut en effet comprendre cette maxime comme simple indicateur de la réciprocité fondamentale qui régule nos relations humaines les plus élémentaires (…).
Mais discrètement la règle d’or fait appel à une attitude démesurée : la capacité de « se mettre à la place d’autrui » sans quitter sa propre place. La sainteté évangélique consiste précisément dans l’application démesurée de la règle d’or, toujours vécue dans telle ou telle situation concrète :
- Quand il s’agit de « se mettre à la place d’autrui » par sympathie et compassion actives : « Qui est mon prochain ?... Un homme descendit de Jérusalem… qui est mon prochain ? Celui dont je me rends proche » (cf. Lc 10, 25-37). Inversion excessive, nullement exigible mais proposée concrètement dans telle ou telle situation inattendue : « Tout ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux ».
- Quand il s’agit de se mettre à la place d’autrui, au point de prendre sur soi sa violence: « Si tu vas à l’autel et tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi… va d’abord te réconcilier avec lui… » (Mt 5, 23-24). C’est la même inversion (ou capacité de se mettre dans la peau d’autrui) qui conduit ici au courage messianique, nullement exigible, de s’exposer à la violence d’autrui. »[vii]
C’est par la violence de la nature ̶ en réponse à ma volonté première de la contraindre : "crucifier" des feuilles fraîchement cueillies en les épinglant de force afin qu’elles s’aplatissent contre le carton-plume pour en faire un tapis !, avait été ma première violence… Égorger un chevreau en holocauste n’est cependant pas moins violent. Dans cette installation, je fis acte rituel renvoyant au culte biblique du Premier Testament. ̶ C’est par la violence de la nature que j’ai accepté de me déposséder, de me laisser déposséder moi-même par la sculpture-installation que j’avais réalisée.
Allons plus loin… J’évoquais plus haut la foule invisible comme présence humaine appartenant au passé dans l’amphithéâtre étrusco-romain (IIè siècle avant J-C. - Ier siècle) de Sutri. Je perçus véritablement cette foule, à l’aide d’un sens spirituel. Comme si ce sens spirituel me connectait à la mémoire du lieu, contenue dans la pierre de tuf. Cette foule humaine appartenant au passé, je l’ai comme retranscrite dans le tapis des feuilles de laurier fixées une à une, se chevauchant les unes les autres, épinglées ensemble à plat, comme autant de martyrs de premiers chrétiens. L’idée d’holocauste et même de crucifixion était présente, suggérée dans cette foule muette de feuilles épinglées qui se rebellèrent sous l’effet de la chaleur en désordonnant les épingles. Les pierres crieront… (Lc 19,40) :
36 À mesure que Jésus avançait, les gens étendaient leurs manteaux sur le chemin. 37 Alors que déjà Jésus approchait de la descente du mont des Oliviers, toute la foule des disciples, remplie de joie, se mit à louer Dieu à pleine voix pour tous les miracles qu’ils avaient vus, 38 et ils disaient : « Béni soit celui qui vient, le Roi, au nom du Seigneur. Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux ! » 39 Quelques pharisiens, qui se trouvaient dans la foule, dirent à Jésus : « Maître, réprimande tes disciples ! » 40 Mais il prit la parole en disant : « Je vous le dis : si eux se taisent, les pierres crieront. »
J’étais dépassée à plus d’un titre par cette sculpture bien vivante. Elle était devenue une sorte de sacrement, se référant à une réalité invisible plus grande qu’elle-même. Avec L’offerta, j’acceptai de m’offrir moi-même, manifestant mon plus grand désir, religieux. Et je ne le savais pas.
Le testament spirituel de Christian de Chergé est cet acte libre, de la part d’un homme mûr. Acte de remise confiante de soi à la providence divine, par amour. Conscient d’être chrétien, prêtre et moine, frère « priant parmi d’autres priants » en Algérie. Aujourd’hui, je suis consciente et libre d’offrir ma vie en union avec le Christ pour mes contemporains, sachant que d’autres m’ont précédée et préparent la voie que j’emprunte avec ce grand désir d’être offrande, de libérer les fontaines de grâces en moi, de porter du fruit pour les autres, avec les dons que Dieu a déposé en moi.
Le fruit actuel est la lecture du Qur’ân (le Coran), dans la version traduite en français de Maurice Gloton, conseil de lecture de Abd El Hafid Benchouk, le chargé de mission de la Fraternité islamique d’Artisans de Paix. Cette lecture spirituelle du Qur’ân, je l’entreprends à la suite de Christian de Chergé, dans un même esprit de communion spirituelle à une Parole divine révélée, mais dans un autre contexte fraternel : en France, avec des musulmans soufis français, et sans connaître la langue dans laquelle le Qur’ân a été révélé à Muhammad. Mon témoignage de cette expérience spirituelle aura sa propre valeur dans ce contexte et ne se compare pas à l’expérience jusqu’au témoignage du sang des 19 religieux béatifiés d’Algérie. Ce qui me conduit, c’est l’amour qui me fait désirer lire le Qur’ân et l’amour que je reçois faisant cette lecture. C’est sans doute ce même amour qui animait frère Christian pour l’Islam et l’Algérie, jusqu’au don de lui-même.
Dans L’offerta, les forces de la nature en puissance manifestent une force invisible et spirituelle que j’avais éprouvée intensément durant ce mois à la découverte des sites et du patrimoine culturel, religieux et naturel de la région. Je retrouve dans la forme de cette sculpture-installation le cercle et donc mon blason spirituel (dessiné 20 ans plus tard) et le logo d’Artisans de Paix (dessiné en 2018, 24 ans plus tard). C’est le cercle de l’Eucharistie. Offrande de soi. Action de grâce.
Sandrine Treuillard Jehanne Sandrine du Sacré Cœur & de la Sainte Eucharistie En la fête de la Visitation et de la Pentecôte Dimanche 31 mai 2020 Les Bleineries 18260 Sury-ès-Bois
[ii] Christoph Theobald, Présences d’Évangile I – Lire les Évangiles et l’Apocalypse en Algérie et ailleurs, Les Éditions de l’Atelier/Les Éditions Ouvrières, Paris, 2011, premier chapitre L’Église « sacrement de la rencontre »…, L’appel universel à la sainteté, p.46.
[iv]Prier 15 jours avec Christian de Chergé - Prieur des moines de Tibhirine de Christian Salenson, éditions Nouvelle Cité, 2017.
[v]Note du 2 février 2020, 15h, en la fête de la Vie consacrée, Monastère de la Visitation, chambre Saint Jean, Paris 14ème, ajoutée au texte Esprit Saint en Visitation : Méditation sur la Visitation avec Christian de Chergé, du 30 avril-1er mai 2019. Ce texte est en correspondance avec le texte du Bx Christian de Chergé, extrait de la Retraite sur le Cantique des cantiques (présentée et commentée par Christian Salenson, éditions Nouvelle Cité, 2013) qu’il prêcha aux Petites sœurs de Jésus, à Mohammedia, au Maroc, en 1990. Je cite l’extrait de ce texte qui a été l’amorce du mien, avec « d’abord, c’est le secret de Dieu » :
« Profiter de la fête de la Vierge pour revenir sur le mystère de la Visitation. Il est évident que ce mystère de la Visitation, nous devons le privilégier dans l’Église qui est nôtre.
J’imagine assez bien que nous sommes dans cette situation de Marie qui va voir sa cousine Élisabeth et qui porte en elle un secret vivant qui est encore celui que nous pouvons porter nous-mêmes, une Bonne Nouvelle vivante. Elle l’a reçue d’un ange. C’est son secret et c’est aussi le secret de Dieu. Et elle ne doit pas savoir comment s’y prendre pour livrer ce secret. Va-t-elle dire quelque chose à Élisabeth ? Peut-elle le dire ? Comment le dire ? Comment s’y prendre ? Faut-il le cacher ? Et pourtant, tout en elle déborde, mais elle ne sait pas.
D’abord, c’est le secret de Dieu. (…) »
Voir aussi à ce sujet le texte de sœur Bénédicte Avon La visitation ou le mystère de la rencontrein Le Verbe s'est fait frère - Christian de Chergé et le dialogue islamo-chrétien, éditions Bayard (Spiritualité), 2010.
[vi]Cf Christoph Theobald, Présences d’Évangile I –Lire les Évangiles et l’Apocalypse en Algérie et ailleurs, Les Éditions de l’Atelier/Les Éditions Ouvrières, Paris, 2011, troisième chapitre Présence, témoignage, mission, accompagnement, Des différences théologiques, Présence et témoignage p. 102.
[vii] Id., premier chapitre L’Église « sacrement de la rencontre »…, Santé et sainteté, pp.44-45.