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  • La Bête est Là ! – Chrétiens de France, Réveillez-vous ! L'Heure du combat spirituel est là – Du blasphème olympique

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    Blasphémateur olympique - Abbé D. Puga

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  • Merci, Vierge Marie, d’avoir déposé l’Enfant Jésus Christ dans la mangeoire

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  • Le sacrifice eucharistique du Père Jacques Hamel

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    6 ans après, le martyre du Père Jacques Hamel porte du fruit.

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  • La petite lumière rouge du Tabernacle était éteinte… Ré-évangéliser les villages de banlieue

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    Liminaire

    Le 2 août 2021, jour de la fête du fondateur de la Congrégation du Saint Sacrement, le Père Eymard, Sandrine Treuillard et moi avons repris contact via la communauté de prière en ligne qu’elle anime, consacrée à Saint Pierre-Julien Eymard sur le réseau social Hozana[1].

    Nous nous sommes connues grâce à une série de conférences[2] que Sandrine donnait chez les Pères du Saint Sacrement, avenue de Friedland, il y a trois ans. Nous avons tout naturellement sympathisé et depuis nous nous contactons régulièrement, toujours soutenues par la spiritualité de Saint Pierre-Julien Eymard, notre ami commun du Ciel.

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    Lorsque Sandrine m'a demandé d'apporter mon témoignage sur ma rencontre spirituelle avec le Père Eymard et comment cela se concrétise dans ma vie actuelle, je fus un peu déroutée, car c'est un exercice auquel je ne me suis jamais adonnée. Mais, poussée par la spontanéité de cet appel, je m'y suis prêtée.

     

    Quels commencements ?
    Chapelle Corpus Christi – Avenue de Friedland, Paris 8e

    Marie-Claude Antoni, eucharistie, saint pierre-julien eymard, adoration eucharistique, adoration, adoration saint martin, priants des campagnesTout débute en 2008, date à laquelle je commence à vivre dans le quartier de la Chapelle du Saint Sacrement, à Paris. Les fenêtres de l'appartement donnent dessus ! Tout naturellement je découvre les lieux, ou plutôt je les découvre à nouveau car, je m'étais souvenue, qu'il y a longtemps, jeune étudiante, je m'y étais déjà rendue....

    Au fur et à mesure des messes, des Adorations, des conférences, je m'imprègne de la spiritualité du Père Eymard et surtout du sens du Saint Sacrement dont j'approfondis le mystère.

    Tout le temps où je vis dans cette proximité, un renforcement de ma foi s'opère.

    Petit à petit, le Seigneur s'occupe du "terreau" de ma foi et agit doucement en me faisant connaître et "appuyer" par un de ses grands serviteurs, le Père Eymard. Souvent, je prie devant la Châsse où son corps intact[3] repose : témoignage de la grâce du Seigneur. Ce temps de proximité, où le Seigneur jette les bases en moi du sens de son Sacrifice et de Sa Présence vivante, est intense.


    Saint Léon – Paris 15e

    marie-claude antoni,eucharistie,saint pierre-julien eymard,adoration eucharistique,adoration,adoration saint martin,priants des campagnesAprès un certain temps, je déménage dans un autre quartier où je dois aller découvrir d'autres choses : le quartier de l'église Saint-Léon dans le 15e arrondissement. La vie intense de cette paroisse me fait nouer des contacts amicaux qui perdurent toujours, malgré l'espace et le temps. Des grâces exceptionnelles sont venues illuminer mon cœur : deux voyages à Rome : pour la Canonisation des Saints Jean-Paul II et Jean XXIII ; ainsi que pour l'année Jubilaire de la Miséricorde ont été des étapes fondatrices pour ma foi.

    Il y eut ensuite le vendredi 29 juillet 2016. Cette journée était consacrée au jeûne, à la prière pour le monde, en communion autour du Père Jacques Hamel, mort en martyr au pied de l'autel, trois jours plus tôt. Ce soir-là, j'allai à l'Adoration et ce fut pour moi un moment mémorable où je reçus une grâce personnelle qui est toujours vive à mon cœur.

     

    Servantes du Saint Sacrement – Paris 16e

    marie-claude antoni,eucharistie,saint pierre-julien eymard,adoration eucharistique,adoration,adoration saint martin,priants des campagnesL'année suivante, je déménage à nouveau et la Providence me fait trouver un logement accolé à la Chapelle des Servantes du Saint Sacrement[4] dont le fondateur de la communauté n'est autre que le Père Eymard… Me voici à nouveau en proximité étroite avec notre bon Père Eymard et les Sœurs qui portent sa spiritualité. Je peux entendre de chez moi les chants des offices, et bien sûr ma prière devant le Saint Sacrement s'intensifie et, dès que je le peux, je vais prier puisque le Saint Sacrement est exposé en quasi permanence. Ce rayonnement est exceptionnel pour moi. Je fais l'expérience de la puissance d'amour du Seigneur et de la force du pardon, là, au pied de Jésus-Hostie.

    C'est une période d'une intensité extrême où les très durs événements de ma vie sont transformés en grâces spirituelles pratiquement instantanément à la lumière du Saint-Sacrement exposé. Je fais l'expérience que le Seigneur se sert de tout pour ”éduquer ses brebis”.

    C'est, forte de ce vécu, que je déménage à nouveau avec un changement de vie total, en banlieue parisienne. Je retrouve le village de mon enfance.

     

    Mézy-sur-Seine

    marie-claude antoni,eucharistie,saint pierre-julien eymard,adoration eucharistique,adoration,adoration saint martin,priants des campagnesAprès des années d'éloignement, je reviens un soir dans l'église de mon village, très émue d'y pénétrer à nouveau, à l’occasion d'une réunion organisée par le nouveau curé du secteur, soucieux de connaître les paroissiens de ce petit village.

    Oui, tout est là et en même temps, il y a beaucoup de poussière partout, des toiles d'araignée, des gravas, des traces d'inondation. Tout me paraît sombre, sans entretien, sans vie et pourtant, tout est aussi comme avant. Double impression, mais je suis heureuse de retrouver des visages connus et cette joie à l'air d'être partagée. Cette prise de contact est positive et en même temps mon cœur se serre tristement, car je me suis rendue compte que la petite lumière rouge du Tabernacle est éteinte…

     

    Comment en était-on arrivé là ?

    marie-claude antoni,eucharistie,saint pierre-julien eymard,adoration eucharistique,adoration,adoration saint martin,priants des campagnesJ'avais tellement de souvenirs où, dans cette église, il y avait tant de fidèles. Les gens du village et des environs venaient régulièrement. Les offices étaient magnifiques ; notre curé, le dernier en titre pour Mézy, l'Abbé Marchioni, avait le souci de la beauté, de la solennité de toutes les célébrations. Dans ma tête résonnaient ses paroles : « Rien n'est trop beau pour le Seigneur ». Et mes yeux d'enfants étaient éblouis par les lumières, les fleurs, les ornements, les habits sacerdotaux, les nappes d'autel. Je pouvais sentir l'odeur de l'encens, j'écoutais à nouveau les chants en grégorien qui m’émouvaient. Tous mes sens avaient été touchés par la beauté de ces messes qui ont marqué durablement mon âme d’enfant. Les murs résonnent encore de tout ce passé.

    1991-2018 : Presque trente ans se sont écoulés depuis le départ du dernier curé de Mézy… L’église fut ensuite rattachée au secteur de Meulan, composé de 8 clochers. Au début, les messes continuèrent à être assurées tous les dimanches, car deux prêtres à la retraite venaient aider. Ces deux bons pères sont décédés au bout de quelques années et n’ont pas été remplacés. Les messes se sont donc espacées et ont fini par être supprimées. Plus tard, le secteur a subi aussi un grand remaniement, l’Evêque de Versailles ayant regroupé Meulan et Triel et nommé deux prêtres pour l’ensemble. C’est une grande tâche pour eux !

     

    Ré-évangéliser les villages de banlieue

    Donc, je reviens dans ce contexte inédit pour moi. Je passe de la vie parisienne où les messes, Adorations, confessions, enseignements, formations etc. sont à volonté, à la vie de banlieue, à 50 km, où c’est pratiquement le désert ! La différence est criante ! Toute cette région que j’ai connue, si vivante il y a quelques années, est à ré-évangéliser !! J’apprends que, dans mon village, il n’y a plus de catéchisme sur place ; pire, il n’y a que deux enfants du village inscrits sur la commune de Meulan qui assure maintenant le catéchisme pour le secteur !

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    Une peine fécondante

    marie-claude antoni,eucharistie,saint pierre-julien eymard,adoration eucharistique,adoration,adoration saint martin,priants des campagnes,sandrine treuillardLe Seigneur a dû saisir en moi cette peine car, quelques mois après, j’apprends qu’il y a une Adoration le dimanche soir chez les Sœurs de Saint Paul de Chartres, regroupées maintenant à Vaux‑sur‑Seine. Je m’y rends donc pour la première fois un dimanche soir. En sortant de la chapelle, une jeune Sœur, que je ne connaissais pas, me sollicite et me demande si je peux prendre « au pied-levé » un groupe de première année de catéchisme. Je me souviens de ses paroles : « Je viens de prier le Seigneur à l’Adoration de m’envoyer quelqu’un pour le catéchisme, car il me manque une personne pour débuter l’année. La rentrée a lieu la semaine prochaine et je me fais beaucoup de souci, car je n’ai personne pour ce groupe. Mais, lorsque je vous ai vue, je me suis dis d’aller vous parler… » Je fus très surprise par cette demande spontanée, presque désespérée et évidemment, je n’ai pas pu dire non, malgré mes réticences. Je n’avais jamais enseigné le catéchisme et me demandais comment je pourrais en avoir le temps ! Et bien, le Seigneur a fait en sorte que je puisse lever toutes ces objections et j’ai suivi mon petit groupe d’enfants pendant trois ans jusqu’à leur Première Communion, cette année. Ce fut source de grandes joies !

     

    Le retour du Saint Sacrement au tabernacle

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    La première chose à laquelle je me suis ”attaquée”, à mon retour aux sources, fut de faire revenir la Présence Vivante de Notre Seigneur dans son Tabernacle. Grâce à la messe de rentrée et du verre de l’amitié, toujours organisé à son issue, j’en fais la demande au Père Mathieu Berger qui me répond alors un magnifique « oui ». Quelle joie ! Immédiatement, j’en fais part au petit groupe et nous nous organisons, à la fois pour assurer une prière hebdomadaire et donc une présence régulière de fidèles devant le Tabernacle, ainsi que la messe solennelle du retour de Jésus-Hostie chez Lui !

    Le samedi 1er décembre 2018  fut la date choisie[5] pour cette célébration où, dans notre église pleine, les paroissiens, émus, ont pu à nouveau assister à la messe à Mézy.

     

    Le retour de l’adoration eucharistique

    Par la suite est décidé que les 5ème samedis de l’année, une Adoration sera proposée par notre prêtre. Cela correspond à cinq fois par an environ. Le samedi 30 mars 2019 fut la date de la première Adoration et bien sûr les phrases lumineuses du Père Eymard tirées du livre Une pensée par jour (éditions Mediaspaul) guidèrent notre méditation.

     

    La Sainte Cécile

    marie-claude antoni,eucharistie,saint pierre-julien eymard,adoration eucharistique,adoration,adoration saint martin,priants des campagnesLe groupe de prière était lancé avec, chaque semaine, la présence d’une dizaine de personnes régulièrement. Nous avons la chance aussi d’avoir des musiciens, des chanteurs et notamment Hervé qui, quelques années auparavant a installé un orgue à tuyaux et monté un chœur de musique sacrée. Le 22 novembre 2019, pour la Sainte Cécile, un très beau concert est donné par le Polyphone 1664 dans l’église pleine ! Le verre de l’amitié scelle le moment et nous promettons de donner rendez-vous chaque année aux mélomanes, avec dans l’idée que si nous pouvions récolter un peu d’argent, nous pourrions engager quelques restaurations…

     

    Les travaux d’urgences réalisés

    Notre église a besoin de travaux d’urgence : des fuites dans la toiture, gouttières, vitraux… abîment le mobilier, détériorent les plâtres qui en se désagrégeant ont causé la chute de plusieurs stations du chemin de croix, en terre cuite. Nous nous disons qu’il faut nous mobiliser pour intervenir.

    Grâce aux élections municipales de 2020, nous avons alerté les candidats sur ces constatations.

    Fabrice Zuccarelli a eu une écoute attentive sur le sujet et son goût pour l’art, et spécialement les vitraux, ont débouché sur des engagements concrets. Une fois élu maire du village, il a pris contact avec la Direction régionale du Patrimoine, à Versailles, qui a envoyé des experts sur place afin d’analyser les besoins. Ceux-ci nous ont fait part du processus de sauvegarde du Patrimoine historique qui offre un partenariat aux communes pour la prise en charge des travaux. Le Conseil Municipal a voté à l’unanimité l’engagement de la commune à ce plan de coopération avec le département. D’autre part, le maire a fait réparer le toit et donc, il n’y a plus d’inondation dans l’église à chaque pluie !

     

    Création d’une association

    Afin d’être efficaces, nous nous sommes organisés en association. Hervé, qui avait créé le Polyphone 1664, avec les membres de l’ensemble ont bien voulu modifier les statuts afin que naisse l’ASPEM – Association de Sauvegarde du Patrimoine de l’Eglise de Mézy –. Celle-ci a vu le jour le 22 juillet 2021 !

     

    La prière revivifiée

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    Depuis bientôt trois ans, nous prions toutes les semaines dans notre église alternant les chapelets, les Adorations suivis le plus souvent d’un verre de l’amitié. Nos deux prêtres ont décidé que la messe de la semaine serait célébrée à tour de rôle, dans chaque église du secteur. Nous avons donc la joie d’assister à la messe dans notre église tous les mardis à 18h30, pour un mois dans l’année. Même si ce n’est pas beaucoup, c’est toujours mieux que rien du tout.


    Expansion de l’adoration par les laïcs

    En revanche, pour les Adorations, il n’était plus possible pour nos prêtres de les assurer. Ce fut un vrai problème pour nous qui fut levé par notre curé : il donna l’autorisation à notre petit groupe de la proposer. Au début, nous étions bien timides devant un tel acte car, jusqu’ici, les prêtres s’en chargeaient mais, petit à petit, nous nous sommes organisés.

     

    L’adoration en temps de pandémie

    marie-claude antoni,eucharistie,saint pierre-julien eymard,adoration eucharistique,adoration,adoration saint martin,priants des campagnes,sandrine treuillardFinalement, ces temps de prière nous sont devenus de plus en plus indispensables. Le temps de la pandémie arriva, avec ces différents stades pour chacun et pour tous. Nous avons assuré une continuité de prière dès que les différents confinements/couvre-feux ont été levés. Tous les samedis, de décembre 2020 à mai 2021, nous avons prié devant le Saint Sacrement exposé. Et toujours avec les méditations édifiantes du Père Eymard. Nous avions besoin de nous retrouver au pied du Saint Sacrement dans cette période inédite. Ce moment nous fortifiait les uns les autres.

    Cette heure avec notre Seigneur est toujours à part dans la vie de chacun. Nous prions dans le silence de notre cœur, puis une méditation du Père Eymard surgit en alternance avec un chant, une louange, une intention de prière… tout cela est spontané et nous porte dans notre vie de baptisés.

     

    Une église ouverte à la prière et au monde

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    Saint-Germain-de-Paris de Mézy est à nouveau ouverte à la fois à la prière des fidèles, aux célébrations – mariages, obsèques – également à l’attention de nos élus pour la prise en charge de ses travaux. Même si tout cela est balbutiant, notre église reprend petit à petit sa place dans l’esprit de nos concitoyens comme le cœur du village, témoin de son histoire, de l’histoire des habitants et de l’histoire de notre pays.

    En Île-de-France, de nombreuses et magnifiques églises de villages sont fermées, en mauvais état. C’est vraiment triste de voir un tel patrimoine s’abîmer. Nous prions pour qu’un nouvel élan saisisse les esprits pour les sauver et sommes prêts à nous engager dans d’autres actions communes. Nous avons l’espoir que notre bon Père Eymard soutienne cette démarche, lui qui a tellement œuvré dans sa vie pour évangéliser dans les zones de grande misère spirituelle et matérielle.

    L’Eglise Saint-Germain-de-Paris, à Mézy-sur-Seine, est inscrite au répertoire des monuments historiques – seul édifice du village à recevoir cette distinction – et si vous vous promenez dans cette jolie région, à l’orée du Vexin français, n’hésitez pas à venir découvrir cette jolie église ouverte le samedi de 16H30 à 17h30.

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    Marie-Claude Antoni
    Le 16 septembre 2021
    Mézy-sur-Seine

     

    Retrouvez cette article sur les pages enrichies :
    L'Adoration Saint Martin - Ré-évangéliser les campagnes
    & Pierre-Julien Eymard – Prophète de l'Eucharistie - Un saint d'avenir

     

    Images

    Gisant de cire du Père Eymard dans la châsse du Curé d'Ars - Chapelle Corpus Christi Paris 8 - 23 avenue de Friedland - Photo ©Rundolph Fernandez Bayaua, 2 août 2021.

    Logo de l'Adoration Saint Martin - Ré-évangéliser les campagnes
    Design graphique ©Sandrine Treuillard

    Vitrail : sainte Cécile - église Saint-Germain-de-Paris, Mézy-sur-Seine.

    Proposition de bannière pour l'association Priants des Campagnes
    Design graphique ©Sandrine Treuillard 
    Priants des Campagnes : Le miracle, c'est la prière !

     

    NOTES

    [1] Saint Pierre-Julien Eymard – Prophète de l’Eucharistie sur hozana.org

    [2] Catéchèse eucharistique à l’occasion du Jubilé du Père Eymard, les 150 ans de son enciellement, de janvier à juin 2018. Conférences données avec le père André Guitton sss, et le père Paul Mougin sss, Chapelle Corpus Christi, avenue de Friedland, Paris 8e.

    [3] Il s’agit en fait d’une représentation en cire, le corps du Père Eymard n’ayant pas été conservé intact, par suite d’une erreur lors de l’exhumation. Au début du XXe siècle, on pratiquait beaucoup le culte des reliques. C’est ainsi que des membres de son corps ont été dispersés en plusieurs endroits, et les débris d’os mis sous capsules reliquaires se sont répandues. Actuellement, le chef du Père Eymard est à l’église Saint-Claude à Rome. Une nouvelle châsse a été réalisée pour le jubilé de 2018, à La Mure d’Isère sa ville natale et de décès qui en contient d’autres, rapatriées de Scherbrooke, au Canada. À Paris, avenue de Friedland, sous « la châsse qui fut celle de son saint ami, le Curé d’Ars », une caissette rassemble d’autres reliques. Ce sont les trois points principaux. (sources : les pères Manuel Barbiero sss et André Guitton sss)

    [4] Rue Cortambert, Paris 16e

    [5] Jour de la fête du bienheureux Charles de Foucauld, grand amoureux de Jésus-Hostie dans le Sahara algérien, en milieu musulman.

     

  • Quand Marie Madeleine contemple Dieu dans sa splendeur

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    Nole me tangere Fra Angelico.jpgComme en rêve, ivre de chagrin*, désemparée, désorientée dans le jardin, Marie Madeleine ne perçoit pas la présence surnaturelle des deux anges dans le tombeau. Elle se tient elle-même au bord du réel, chancelante à la frontière du surnaturel. Ses sentiments envers le Christ la font être, depuis bien avant ce jour du trépas de son Jésus, dans la dimension au-delà de la simple humanité. Elle a déjà goûté Dieu par son Christ, mais restée simple de cœur, n’en a pas encore obtenu la conscience claire. Marie Madeleine rejoint son Christ de l’autre côté du réel, véritablement, quand Il l’appelle par son prénom. À ce moment précis, cela y est, elle pourra contempler Dieu dans sa splendeur, sans le toucher avec son corps, mais en communion d’Amour, en Esprit, tout en Union avec Jésus.



    * Le chagrin de Marie Madeleine au tombeau vide résonne des larmes de Anne (la stérile) ivre de douleur dans le Temple.


    Méditation d’après
    l’Évangile selon saint Jean (20,1.11-18)
    Sandrine Treuillard
    22.VII.2014

     

  • Cœur Eucharistique de Jésus – Élévations de Sophie Prouvier

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    Bannière Cœur Eucharistique de Jésus.jpg

    Sur cette nouvelle page enrichie, nous vous proposons de découvrir
    la dévotion au Cœur Eucharistique de Jésus
    (révélation au Tabernacle en 1854)
    par les Élévations sur la prière au Cœur Eucharistique de Jésus
    de Sophie ProuvierMère Marie de l'Eucharistie – à Besançon.

    EN LIEN AVEC LA COMMUNAUTÉ DE PRIÈRE SUR HOZANA :
    https://hozana.org/community/10595/coeur-eucharistique-de-jesus-elevations-de-sophie-prouvier

     

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  • L'offrande – ou la vocation à s'altérer soi-même

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    Le 16 mai dernier, jour de mon anniversaire de naissance, j’ai publié ce post (ci-dessous) faisant mémoire de la providence divine dans ma vie, de ma conception à ma naissance. Je m’arrêtai à l’allusion suivante : « Le 25 mai 1975, à un an et 9 jours, je fus baptisée. Cette année-là, ce dimanche était celui de la solennité de la Sainte Trinité. Mais, c’est là une autre histoire que je vous conterai à une autre occasion… »


    Des baptêmes… Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit

    Lettres à un ami fraternel.JPGC’est durant l’été 2019, à la lecture des lettres que Christian de Chergé adressait à celui qui fut son professeur d’islamologie au PISAI, à Rome, le Père Blanc Maurice Boormans, dans sa lettre du dimanche 25 mai 1975, que je découvris que ce dimanche-là, de mon baptême, était la solennité de la Sainte Trinité. Je lisais ces lettres au père Maurice Boormans suite à mes lectures concernant le prieur de Tibhirine et son expérience vécue du dialogue spirituel avec l’Islam. Dans ces différents ouvrages du père Christian Salenson (directeur de l’ISTR de Marseille), j’appris à connaître et à aimer la spiritualité de Christian de Chergé dans son ouverture au dialogue avec les musulmans. Je fus alors conduite tout naturellement à reconnaître la source de cet enjeu existentiel pour frère Christian. D’abord, dans son enfance algérienne, quand sa mère lui apprit le respect des musulmans qui priaient Dieu en se prosternant. Et plus tard, quand il fut tout jeune officier durant la guerre d’Algérie, il noua amitié avec Mohammed, un arabe musulman, père de dix enfants qui lui sauva la vie en le défendant devant l’agressivité de certains de ses frères musulmans. Mohammed, le lendemain de cette altercation, fut retrouvé égorgé près de son puits. Ce n’est que bien des années plus tard que Christian de Chergé commença à s’ouvrir de cet événement-source de son amour pour l’islam et de sa vocation à donner sa vie pour l’Algérie. Dans le sacrifice de sa vie de Mohammed, frère Christian y vit l’offrande du Christ lui-même, mort pour lui (frère Christian). Le meurtre de son ami musulman est en correspondance intime et profonde avec son propre travail au long cours d’offrande de lui-même réalisé au jour le jour, au sein de sa communauté monastique à Notre-Dame de l’Atlas, et en fraternité avec les habitants de Médéa et tous les algériens, qu’il manifeste de façon condensée dans le Testament spirituel qu’il rédigea entre le 1er décembre (fête du bx Charles de Foucauld) 1993 et le 1er janvier 1994 (je souligne ici en caractère gras), un peu plus de deux ans avant sa mort :

    Christian de Chergé.JPG« S'il m'arrivait un jour - et ça pourrait être aujourd'hui - d'être victime du terrorisme qui semble vouloir englober maintenant tous les étrangers vivant en Algérie, j'aimerais que ma communauté, mon Église, ma famille, se souviennent que ma vie était DONNÉE à Dieu et à ce pays. Qu'ils acceptent que le Maître Unique de toute vie ne saurait être étranger à ce départ brutal. Qu'ils prient pour moi : comment serais-je trouvé digne d'une telle offrande ? Qu'ils sachent associer cette mort à tant d'autres aussi violentes, laissées dans l'indifférence de l'anonymat.

    Ma vie n'a pas plus de prix qu'une autre. Elle n'en a pas moins non plus. En tout cas, elle n'a pas l'innocence de l'enfance. J'ai suffisamment vécu pour me savoir complice du mal qui semble, hélas, prévaloir dans le monde et même de celui-là qui me frapperait aveuglément. J'aimerais, le moment venu avoir ce laps de lucidité qui me permettrait de solliciter le pardon de Dieu et celui de mes frères en humanité, en même temps que de pardonner de tout cœur à qui m'aurait atteint. Je ne saurais souhaiter une telle mort. Il me paraît important de le professer. Je ne vois pas, en effet, comment je pourrais me réjouir que ce peuple que j'aime soit indistinctement accusé de mon meurtre. C'est trop cher payer ce qu'on appellera, peut-être, la « grâce du martyre » que de la devoir à un Algérien, quel qu'il soit, surtout s'il dit agir en fidélité à ce qu'il croit être l'Islam.

    Je sais le mépris dont on a pu entourer les Algériens pris globalement. Je sais aussi les caricatures de l'Islam qu'encourage un certain islamisme. Il est trop facile de se donner bonne conscience en identifiant cette voie religieuse avec les intégrismes de ses extrémistes. L'Algérie et l'Islam, pour moi, c'est autre chose, c'est un corps et une âme. Je l'ai assez proclamé, je crois, au vu et au su de ce que j'en ai reçu, y retrouvant si souvent ce droit fil conducteur de l'Évangile appris aux genoux de ma mère, ma toute première Église. Précisément en Algérie, et, déjà, dans le respect des croyants musulmans. Ma mort, évidemment, paraîtra donner raison à ceux qui m'ont rapidement traité de naïf, ou d'idéaliste : « Qu'il dise maintenant ce qu'il en pense ! » Mais ceux-là doivent savoir que sera enfin libérée ma plus lancinante curiosité. Voici que je pourrai, s'il plaît à Dieu, plonger mon regard dans celui du Père pour contempler avec Lui ses enfants de l'Islam tels qu'Il les voit, tout illuminés de la gloire du Christ, fruits de Sa Passion investis par le Don de l'Esprit dont la joie secrète sera toujours d'établir la communion et de rétablir la ressemblance en jouant avec les différences. (…) »

    Dans la dernière phrase citée, frère Christian en appelle à la Sainte Trinité pour décrire la façon qu’a Dieu de regarder tous ses enfants les hommes, avec le même amour. Deux événements déclencheurs durant ces années noires en Algérie, correspondant aux deux dates mentionnées en fin du Testament, lui firent écrire ce texte d’une grande beauté spirituelle. En voici l’explication par le père trappiste Armand Veilleux (je souligne par les italiques) :

    «  La première date (1er décembre 1993) correspond au moment où, après les attentats dans le métro de Paris et la prise d’otage des passagers d’un Airbus français qui s’était terminée dans le sang à l’aéroport de Marseille, le GIA (Groupe islamiste armé) demandait à tous les étrangers de quitter l’Algérie, les menaçant de mort. C’est le jour où Christian rédigea la première mouture de son Testament. Le texte reçut sa forme finale un mois plus tard (1er janvier 1994). Entre-temps, divers événements tragiques étaient survenus. D’abord douze ouvriers Croates chrétiens avaient été égorgés à Tamezguida, à quelques kilomètres du monastère et, durant la soirée du 24 décembre, six islamistes armés s’étaient présentés au monastère en présentant des requêtes et des exigences. Durant les jours suivants les moines avaient longuement réfléchi en communauté sur l’opportunité de rester ou de partir. Ils avaient finalement opté unanimement pour rester. (…)[i] »

    Dans certains contextes, l’offrande de soi-même implique l’acceptation d’être confronté à la mort violente. C’est Dieu qui dispose du don que nous faisons de nous-même. Le choix des modalités ne nous appartient pas. Comme frère Christian avait ‘vu’ mourir ce père de famille musulman à sa place, en représailles pour l’avoir défendu la veille, le prieur de Tibhirine et ses frères ont acquiescé par avance à la probabilité de la mort violente.   « Le serviteur n’est pas plus grand que son maître », avait prévenu Jésus avant sa Passion (Jn 13,16).

    Mais pourquoi vous parlé-je de tout cela ? Le point de départ en était le jour de mon baptême, en la solennité de la Sainte Trinité, le 5 mai 1975, date dont la signification me fut révélée par une lettre de Christian de Chergé. J’ai été amenée à vous faire entrer dans l’acte d’offrande du bienheureux prieur de Tibhirine, d’abord manifesté dans son Testament spirituel « Quand un A-DIEU s’envisage », et qui se réalisa dans les faits par l’enlèvement des 7 moines de l’Atlas (25-26 mars 1996) puis leur assassinat, fin mai 1996. Martyre, baptême de sang, comme le Christ leur Maître. Offrande libre d’eux-mêmes dont ils avaient discernés ensemble la possibilité. Et c’est bien de l’offrande de soi dont je souhaite m’entretenir avec vous. De cette vocation-là. Bien sûr, il ne s’agit pas de comparaison, ici. Mais de communion des saints.

     

    Dans la communion des saints

    Logo Fraternités AdP.jpgCar, cette année 1994 fut pour moi marqué par le sceau de l’offrande. Ce sceau de l’offrande, manifesté dans une sculpture, marque ma vie actuelle et explique ma vocation à devenir moniale trappistine, d’une part ; et à poursuivre ma découverte et ma pratique du dialogue spirituel avec les soufis Naqshabandi, initié en région parisienne avec l’association Artisans de Paix, d’autre part. Christian de Chergé m’apparaît être la figure de sainteté que Dieu m’envoie pour ouvrir mon propre chemin, à sa suite. C’est dans un esprit de filiation spirituelle que j’évoque son expérience de vie et d’offrande.

    Dans son livre intitulé Présences d’Évangile I – Lire les Évangiles et l’Apocalypse en Algérie et ailleurs, au premier chapitre L’Église « sacrement de la rencontre »… le théologien jésuite Christoph Theobald explique que

    « tout homme est appelé à la sainteté, peu importe sa condition sociale, sa religion, etc. (…) En chaque être humain que nous rencontrons sommeille cette possibilité d’une démesure proprement divine, la capacité d’aimer, de se donner concrètement dans telle ou telle situation (comme le Samaritain) et de devenir absolument unique, « sacrement-personne en relation » pour celui qui est en face »[ii]. « L’invitation à « devenir saint comme lui… (le Christ Nda) » (Mt 5,48) n’est nullement un appel à l’héroïsme : paradoxalement, la « démesure de Dieu » est « à la mesure de chacun » ; elle rend chacun unique. (…) L’Esprit Saint conseille chacun le moment venu, sur ce qui est à sa mesure, mais sans jamais passer aussi par le conseil fraternel. Ce point est important à souligner parce qu’il est difficile de sortir du régime de la comparaison et d’accueillir, face à autrui, l’unicité de son propre chemin – l’unicité de l’itinéraire des moines de l’Atlas est à recevoir par chacun de nous dans cet Esprit qui dépasse toute comparaison. »[iii]

    Armand Veilleux Béatificat° Oran 8-XII-2018.jpgC’est d’abord par les homélies du père Armand Veilleux que je fus amenée à acquérir (sans le lire encore) le Prier 15 jours avec Christian de Chergé, de Christian Salenson, en février 2018. Puis, lors de la rencontre de ce père trappiste – le moine Armand Veilleux est abbé émérite de l’abbaye Notre-Dame de Scourmont (Chimay), en Belgique -, présent toute l’année 2018 au siège de l’Alliance InterMonastère - au Conseil duquel il travaille comme représentant l’Ordre Cistercien de la Stricte Observance -, au Prieuré Sainte-Bathilde de Vanves - que je fréquente quotidiennement pour les vêpres et la messe -, juste à son retour d’Oran, de la béatification de ses frères de Tibhirine (dont il était l’ami, en plus du visiteur canonique), nous prîmes rendez-vous pour nous rencontrer le lendemain, le 10 décembre 2018. Ce soir-là, je commençai le Prier 15 jours avec Christian de Chergé dont le 3ème jour me bouleversa, chapitre intitulé par Christian Salenson Chemin de croix :


    Croix ND Dombes recadrée copie.jpg« Et si nous parlions de la croix ? me demandait récemment l’un de nos amis soufis (dans la voiture qui nous ramenait tous deux du Maroc où il avait voulu faire retraite auprès de nos frères de Fès). Si nous parlions de la croix ?

    - Laquelle, lui demandai-je ?

    - La croix de Jésus, évidemment.

    - Oui, mais laquelle ? Quand tu regardes une image de Jésus en croix, combien vois-tu de croix ?

    Il hésitait.

    - Peut-être trois... sûrement deux. Il y a celle de devant et celle de derrière.

    - Et quelle est celle qui vient de Dieu ?

    - Celle de devant... disait-il.

    - Et quelle est celle qui vient des hommes ?

    - Celle de derrière...  

    - Et quelle est la plus ancienne ?

    - Celle de devant... C’est que les hommes n’ont pu inventer l’autre que parce que Dieu d’abord avait inventé la première.

    - Et quel est le sens de cette croix de devant, de cet homme aux mains étendues ?

    - Quand j’étends les bras, disait-il, c’est pour embrasser, c’est pour aimer.

    - Et l’autre ? C’est l’instrument de l’amour travesti, défiguré, de la haine figeant dans la mort le geste de la vie.

    L’ami soufi avait dit : « Peut-être trois ? » Cette troisième croix, n’était-ce pas moi, n’était-ce pas lui, dans cet effort qui nous portait, l’un et l’autre, à nous démarquer de la croix de « derrière », celle du mal et du péché, pour adhérer à celle de « devant », celle de l’amour vainqueur. »[iv] 

    Saint Bernard, le réformateur cistercien et fondateur  de l'abbaye de Clairvaux, était aussi présent ce soir de la veille de ma première rencontre du père Armand Veilleux : par une image qui court de la fin du deuxième Sermon sur l’Avent et tout au long du troisième, où Bernard évoque la fleur qu’est Jésus, au bout de la tige qu’est Marie. Au fond, c’est le Christ Jésus qui est présent à toutes ces rencontres. Nous sommes compris dans un réseau qui n’est autre que la communion des saints, et nous sommes appelés à être « « sacrement-personne en relation » pour autrui », comme le dit Christoph Theobald.

    la visitation,christian de chergé,christian salenson,foi,christianisme,islam,esprit saint,magnificat,sandrine treuillardAprès ma lecture du Prier 15 jours qui m’introduisit à la spiritualité du bienheureux prieur de Tibhirine, dont le dernier chapitre (15ème jour) développe le mystère de l’hospitalité réciproque et la figure de toute vraie rencontre qu’est la Visitation pour Christian de Chergé, j’ai reçu l’effusion de l’Esprit Saint, appelé aussi baptême dans l’Esprit. C’était le 16 février 2019, lors d’une retraite de guérison (anamnèse) organisée par la Communauté du Chemin Neuf, dans l’ancien couvent des dominicaines de Béthanie (le bienheureux Jean-Joseph Lataste en est le fondateur – et, dans la communion des saints, il participa à ma guérison lors de cette session), à Saint-Sulpice de Favières (Essonne). En recevant l’effusion de l’Esprit, un frère et deux sœurs (de la Communauté du Chemin Neuf) qui priaient sur nous (nous étions deux femmes à recevoir le baptême dans l’Esprit) eurent pour moi deux images, d’une part ; et d’autre part, de la Parole de Dieu, le début d’un psaume et un extrait d’Évangile. C’est cet Évangile en saint Luc, chapitre 1, versets 39 à 45, qui décrit l’épisode de la Visitation. Alors même que cet Évangile m’était lu, à la fin, l’autre partie des retraitants qui était rassemblée devant l’autel de la chapelle se mit à entonner : Magnificat… qui est la prière d’action de grâce qui traverse Marie aux versets suivants de l’Évangile qui m’était lu (Lc 1,46-55). J’étais moi-même au comble de la joie avec Marie à la Visitation exultant son Magnificat.

    Avec l’effusion de l’Esprit reçu le 16 février 2019 et l’Évangile de Luc 1, 39-45, ma proximité avec le bienheureux Christian de Chergé fut scellée. Je ne cesse de m’identifier à la Vierge Marie qui reçoit grâce sur grâce de la part de Dieu. La grâce de Dieu qui forme en moi le Verbe, qui incarne en moi le Christ, par son Esprit saint qui nous visite en ces temps qui sont les derniers. La grâce de la Visitation c’est de vivre le Christ en soi, c’est de vivre du Christ et de le reconnaître en l’autre. Mais, au moment des rencontres vraies nous n’avons pas conscience de vivre cela. Nous sommes abandonnés dans la Visitation. Nous ne savons pas à cet instant t que c’est le Christ qui vit en nous. Si nous le savions, nous ne le vivrions pas. C’est cela qui est le secret de Dieu. C’est sa discrétion. C’est seulement ensuite, en relecture de notre vie, que nous pouvons authentifier la présence du Christ en telle ou telle rencontre. C’est par cette sorte d’innocence que la rencontre est vraie, authentique. Une forme d’humilité, de simplicité dans la rencontre, en même temps que ce don généreux de soi dans l’accueil de l’autre, mais à notre insu.[v]

    L’Offerta
    – de la vocation à s’altérer soi-même


    Revenons-en à l’année 1994. J’avais 20 ans. Ayant terminée ma seconde année aux Beaux-Arts de Bourges, la Providence voulue que je sois invitée par la Commission Européenne pour l’Art et la Culture à représenter la France parmi des étudiants en art venus de différents pays d’Europe, pour réaliser une œuvre (picturale ou sculpturale) avec l’Academia di Belle Arti de Viterbo, donnant lieu à une exposition collective au Palais des Papes de Viterbo à l’issue d’un mois de visites des sites et monuments de la région, le Latium, à 80 km au nord de Rome. Par goût de la découverte, j’acceptai le défi. Pendant deux mois, à l’aide d’une méthode des années 50, je m’initiai à l’italien. On me paya tous les frais en échange de quoi je pris des photographies tout au long de ce mois d’août et fis un diaporama compte-rendu au Rotary-Club de Bourges qui co-finançait le projet. Je consultai un volume sur l’art étrusque, riche en photographies d’urnes cinéraires et de peintures murales des tombes, pour appréhender ce qui soutenait cette civilisation pré-romaine.

    Cava Micci 1.JPGSur place, ce furent deux semaines intenses de visite s’étendant jusqu’au XXè siècle, en passant par l’amphi-théâtre étrusco-romain de Sutri, par le puits San Patrizio à double volutes d’escaliers, à Orvieto ; l’église baroque Santa Chiara de cette même ville ; les jardins baroques de Bomarzo ; le jardin renaissance virtuose en parcours d’eau et fontaines de Bagnaia ; la Villa Farnese à Caprarola dont l’architecture amorce le dessin des rues du village à ses pieds ; une nuit à la belle étoile au lac de Bolsena ; le bain thermal de Bagno Vignoni, de nuit aussi, dédié à sainte Catherine de Sienne (voir le film de Andreï Tarkovski Nostalghia, 1983) ; le lac de Vico ; Tarquinia, la ville étrusque ; Civita di Bagnoregio, une ville du moyen-âge dangereusement perchée sur un pic… jusqu’à la ‘cava di peperino grigio’, la carrière de la pierre ‘tendre’ volcanique locale que j’allais utiliser pour ma ‘sculpture’… à Soriano nel Cimino. Le Palais des Papes où nous allions faire l’exposition collective à la fin de ce mois d’août 1994 est en peperino grigio. Les fontaines indénombrables de Viterbo sont en peperino grigio. Les maisons. Les églises. Les bénitiers… Les énergies telluriques et volcaniques me traversèrent durant ce mois caniculaire. La langue italienne m’était familière. Je giflai un ‘garçon pur souche de Viterbo’ qui s’approcha trop près de moi dans une de ses rues. Et photographiai un groupe d’enfants qui acceptèrent de cesser leurs jeux le temps de la prise de vue.

    L'Offerta recadrée.jpgPour accompagner le projet dessiné de ma sculpture, - dans le catalogue d’exposition qu’il fallait donner au bout des 15 premiers jours pour l’imprimer avant le vernissage -, je donnai un poème qui résumait bien mon expérience des lieux, traduit en italien, et dont je me souviens des derniers mots : « trasuderebbe le fontane liberate dagli Elfi » ; « les fontaines suinteraient libérées par les Elfes » dans lequel poème j’évoquai le culte de Mithra, la végétation pesante… Une atmosphère spirituelle, les énergies naturelles traversant toute chose là-bas. Ce que je savais du Palais des Papes, c’était la pièce dans laquelle j’allais installer ma sculpture. Je la choisis pour son volume presque carré. Je fis désobstruer la fenêtre qui rendait la pièce obscure. La lumière du soleil et le bruit de l’eau s’y engouffrèrent.

    On installa la demi-vasque de pierre volcanique au sol, au pied de la fenêtre, au milieu de la pièce. Les lettres qu’on applique sur les pierres tombales sont bien lisibles sur le côté diamétral du demi-cercle de la vasque, comme sur un mur miniature, le titre de la sculpture : ‘L’offerta’ (L’offrande), MCMXCIV, 1994 en chiffres romains.  Sur le carton plume en demi-cercle au sol, complétant le cercle commencé par la demi-vasque, j’épinglai les longues feuilles de laurier rose ramassées au pied-même du Palazzo des Papi. Je mis de l’eau dans la demi-vasque. On monta sur un escabeau, au-dessus de ce petit plan d’eau pour fixer le fil de nylon, de manière à suspendre le citron desséché juste un peu au-dessus de la surface de l’eau. Le vent passant par la fenêtre pouvait légèrement le faire balancer…

    La Conversation sacrée Piero della Francesca.JPGC’est dans une peinture de Piero della Francesca, La Conversation sacrée (La Vierge et l'Enfant entourés de saints et d'anges, 1472), que l’on voit un œuf suspendu au niveau du ligament élastique de la coquille Saint-Jacques (ligament qui permet l’articulation des deux coquilles quand la conque est complète). « L’œuf d'oie qui pend au plafond (et qui pointe vers le nombril de Jésus), est le symbole de la perfection ou de la naissance dans la tradition alchimique, des quatre éléments du Monde ou de la Création. Il est accroché à la conque signifiant la fécondité. Toutes les têtes des personnages saints sont sur un même axe horizontal (principe d’isocéphalie), celui-là même de l'horizon perspectif contenant le point de fuite central, confondu avec le regard de la Vierge. L'axe vertical (œuf-nombril du Christ) rééquilibre l'axe horizontal précédent » formant ainsi une croix virtuelle (source wikipédia).

    Le lendemain matin de l’installation, quand je retournai auprès de la sculpture installée pour la photographier, quelle ne fut pas ma surprise horrifiée de constater ce que je pris d’abord pour du vandalisme… Me demandant bien qui pouvait m’en vouloir à ce point, ou en vouloir à ma sculpture… Quelle violence ! Les épingles que j’avais plantées à la verticale, dans le carton-plume traversant la fine chair des feuilles de laurier pour les mettre à plat, comme un tapis, ces épingles étaient toutes couchées, sens dessus-dessous… Je me demandais quel courage il fallait avoir eu pour marcher sur des épingles, car c’était dangereux… J’étais à genoux devant ce ‘spectacle’ observant ce chahut, penchée sur le phénomène… Et je compris. Relevant la tête, je compris. Une aile de papillon flottait sur l’eau de la demi-vasque. En une nuit, beaucoup d’eau s’était évaporée sous l’effet de la chaleur caniculaire de ce mois d’août. Pour les feuilles, c’est le même effet d’assèchement qui avait manifesté la force de rétractation du végétal : les feuilles elles-mêmes en se rétractant avaient couché, déplacé les épingles. Personnes n’avait marché dessus…

    L'Offerta 1.jpgC’est alors que je compris la véritable nature de cette sculpture-installation. La lumière solaire pénétrant dans la pièce projetait, si je puis dire ainsi, son ‘ombre lumineuse’ sur la sculpture, comme l’ombre d’un cadran solaire, marquant le temps. Le vent et le son, venus de l’extérieur, animaient les éléments naturels constitutifs de la sculpture. L’eau s’évaporait. Les feuilles de lauriers se rétractaient et manifestaient la violence de la nature en couchant la multitude des épingles (élément ‘culturel’, fabriqué industriellement par l’homme). Cette sculpture-installation était en mouvement. C’est la transformation de la matière par la lumière, le vent, la chaleur qui provoquait ce mouvement, qui finalement, ne parle que du temps. Le temps qui passe. « Le temps est supérieur à l’espace » du Pape François dans La Joie de l’Évangile résume bien la nature de cette sculpture installée. Le processus du temps qui modifie les éléments et parle de leur interactions. L’offerta, l’offrande, devenait alors une sorte d’autel du temps. Une offrande en action ; une offrande vivante se donnant. Une offrande s’altérant. Cette sculpture décrit le processus de l’offrande, qui est tout autre chose qu’un objet mort et inanimé qu’on dépose dans le vide. Ces manifestations physiques renvoient à une manifestation métaphysique et spirituelle. Et même religieuse : une offrande est un don à quelqu’un, la manifestation d’une action de grâce au sein d’une relation. Toute la sculpture - qui s’étend à la pièce entière, comme une chambre lumineuse (en regard de la camera oscura, la chambre obscure en photographie) -, son processus de vie est lié au temps, grâce à la lumière solaire et à la chaleur qui interagissent avec l’eau et les feuilles, avec les volumes de la pierre excavée, le courant d’air avec le citron desséché suspendu. Bref, une sorte de cadran solaire qui en fait une sculpture du temps. Une photographie (écriture de la lumière) en mouvement. Le temps est supérieur à l’espace. Et le métaphysique est supérieur au physique. Avec L’offerta les phénomènes physiques renvoient à une seule et même réalité unique. Cette installation devenait le signe d’une réalité invisible. Réalité invisible qui se manifeste dans le temps et les éléments altérés par le temps qui passe en transformant le vivant. Révélation du processus de la vie dans cette boîte fermée - qu’était à l’origine cette pièce d’exposition - par la lumière qui y pénétrait et agissait sur cette sculpture L’offerta.

    Lac de Vico.JPG
    Lac de Vico

    Dans cette période de ma vie (à 20 ans, je me croyais séparée de l’amour du Christ depuis 7 ans, et cela allait durer encore 14 ans, jusqu’en 2008), cette sculpture marque la découverte, ou plutôt la redécouverte autrement, en l’expérimentant à travers la création, d’un temps cultuel. L’évaporation de l’eau et la rétractation des feuilles étaient devenus comme une libation, un holocauste ; la fonction de l’encens qui s’élève des mains de l’homme vers Dieu « en offrande du sacrifice du soir » (office des vêpres, que je ne connaissais pas encore). Prémices de l’offrande de soi. Cette sculpture, à mon corps défendant, est devenue un rituel. Une prière vespérale (quand je l’installai  ̶  ce qui prit du temps tout en étant une occasion de silence et de solitude : le temps de planter les épingles dans la chair des feuilles oblongues pour les assembler comme un tapis). Ou des laudes (quand je vins la photographier). Cette sculpture, est, en fait, un autel. Cela se voit tout de suite. La fenêtre, avec sa tâche de lumière rectangulaire et trapézoïdale, a libéré tout le potentiel spirituel de la pièce quand je l’ai faite désobstruer. Par cette sculpture-installation, je recontactais le spirituel archaïque en acte. Le rituel des libations de l’Antiquité. Le sacrifice des holocaustes bibliques. Ce besoin de se donner à plus grand que soi par des voies symboliques, dans une liturgie. Cette sculpture était déjà une prière d’offrande de soi (eucharistie). Là, déposée-là. Offerte au temps. Au soleil, à la chaleur, au vent. S’évaporant. La pierre restant au sol comme un autel.

    AphiThé Sutri 2.JPGAprès la première contrariété de ma croyance au vandalisme, découvrant la merveille sous mes yeux de la force de vie des éléments naturels, j’acceptai que la sculpture soit altérée. Qu’elle soit transformée, devenue autre. Et c’est cette acceptation, cette adhérence à l’altération de ma volonté  ̶  comme je ne l’avais pas voulue, cette altération n’étant pas une chose que j’avais prévue comme dans un scénario ̶ , qu’elle devenait offrande vraie, véridique. Dans la perte de ma propre volonté, dans le don de moi-même, elle devînt authentique. Par la violence des phénomènes naturels je compris que cette offrande me dépassait, que cette sculpture excédait ce que j’avais fait, pensé… qu’elle allait au-delà de ce que j’avais réalisé. J’étais dépossédée par mon ‘œuvre d’art’. Cette dépossession est la marque de la main de Dieu sur elle, en moi. Ce n’était plus/pas une simple œuvre d’art de mains et de pensées humaines. Le doigt de Dieu la transportait dans la dimension spirituelle que je n’avais qu’entrevue en la baptisant « L’offerta ». Dieu en fit un signe, une théophanie, un ‘sacrement de la vie’. Un sacrement de la prière, sur l’autel qu’est cette sorte de bénitier baptisé L’offrande. Processus de ces métamorphoses, transformations de la nature ‘eau’, ‘végétal’, par le souffle du vent. Et le souffle de l’Esprit qui se glisse dans les symboles hissa sans peine la sculpture de simple ‘œuvre d’art’ à un signe quasiment sacramentel, renvoyant à une réalité spirituelle que j’avais perçue durant cette expérience des lieux, des cultures et des époques de la région visitée. L’offerta était devenue une synthèse phénoménologique du spirituel éprouvé, expérimenté dans ma rencontre des lieux et des temps de la région, dans les énergies naturelles, telluriques, volcaniques, végétales, minérales et humaines. Comme à l’amphithéâtre étrusco-romain de Sutri où je perçus la présence passée de la foule des humains, dans ce lieu vaste et vide. Je percevais la présence d’une multitude humaine alors même que ce lieu était vide. 

    Machina eucharistica

    L'Offerta recadrée.jpgEt c’est bien à une autre Présence que cette sculpture installée dans cette pièce particulière du Palais des Papes de Viterbo renvoyait. Manifestation d’un don de soi à plus grand que soi, à l’Altérité absolue et fondatrice, créatrice et à l’origine de soi. Perception du religieux. Avec le regard de l’âme.

    La grâce de l’altération, c’est de devenir un alter Christus. Machina eucharistica signifie ce devenir, ce processus (le temps est supérieur à l’espace du Pape François), cette transformation intérieure, diffusion en nous de l’Esprit du Christ qui nous eucharistie en Lui. Par la communion de toute notre vie à sa Personne, qui est trinitaire, nous devenons « sacrement-personne en relation », nous sommes un autre Christ. Nous prenons ses attitudes, ses gestes, ses pensées grâce à la vigilance intérieure qui nous garde en la présence christique. Nous adoptons alors, jour après jour, « une manière d’être avec autrui » qui est son mode d’être à Lui (« modus conversationis Christi » de saint Thomas d’Aquin)[vi].

    Il y a 26 ans, j’avais 20 ans et voilà ce que me dit ce que je produisis alors, dépassée par l’œuvre que je réalisai. Cette année 1994 est aussi l’année où commencèrent les attentats en Algérie et l’assassinat des religieux chrétiens en Algérie. Christian de Chergé avait rédigé son testament spirituel et l’avait comme scellé, mis au secret, demandant à ce qu’on ne le découvre et ne le lise qu’à sa mort. Dans son Testament, il fait l’offrande de lui-même. La décision de s’offrir librement soi-même était posée, déposée dans ce texte le 1er janvier 1994. Son martyre fut consommé deux en plus tard, fin mai 1996.

    Quand j’ai découvert, durant l’été 2019, que j’avais reçu le baptême le jour de la solennité de la Sainte Trinité, dans sa lettre du 25 mai 1975 à Maurice Boormans, j’ai su (de la science que donne l’Esprit Saint, le regard de connaissance de la foi), j’ai su que Christian de Chergé était dans ma vie comme un précurseur, comme s’il préparait le chemin que j’allais emprunter derrière lui, à sa suite, dans ma propre offrande de moi-même. C’était 25 ans après son testament spirituel, 25 ans après « L’offerta ». L’offerta était comme les prémices à mon désir, à ma vocation religieuse. Depuis que, par le père Armand Veilleux, j’ai découvert les écrits et la spiritualité de Christian de Chergé, je n’ai eu de cesse de percevoir sa présence providentielle, donnée par Dieu à moi, m’accompagnant sur mon chemin dans le dialogue avec les musulmans, mon désir de lire le Coran, d’une part, et dans l’appel à la vie trappistine, d’autre part.

    De la violence – ou des personnes en relation sacramentelle

    Christoph Theobald explique comment dans l’histoire de l’humanité et à travers les Écritures, nous rencontrons

    « des personnes rendues capables de rayonner par leur simple présence parce qu’en elles, pensées (l’intériorité), paroles et actes concordent dans une sorte de simplicité de conscience que les Évangiles désignent par « le oui qui est oui » et « le non qui est non » (cf. Mt 5, 37 ; 2 Co 1, 17-20 ; Jc 5, 12).

    On peut décrire cette même sainteté encore d’une autre manière en se référant à la célèbre règle d’or de Matthieu et Luc : « Tout ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux ! Voilà la loi et les prophètes » (Mt 7,12). Cette règle n’est pas propre au Nouveau Testament ; elle existe dans le judaïsme, dans la culture grecque, chinoise, etc., et, actuellement, elle est utilisée fréquemment dans les grands débats sur la justice et les droits de l’homme, vérifiant ainsi l’orientation universelle de l’Évangile. On peut en effet comprendre cette maxime comme simple indicateur de la réciprocité fondamentale qui régule nos relations humaines les plus élémentaires (…).

    Mais discrètement la règle d’or fait appel à une attitude démesurée : la capacité de « se mettre à la place d’autrui » sans quitter sa propre place. La sainteté évangélique consiste précisément dans l’application démesurée de la règle d’or, toujours vécue dans telle ou telle situation concrète :

    - Quand il s’agit de « se mettre à la place d’autrui » par sympathie et compassion actives : « Qui est mon prochain ?... Un homme descendit de Jérusalem… qui est mon prochain ? Celui dont je me rends proche » (cf. Lc 10, 25-37). Inversion excessive, nullement exigible mais proposée concrètement dans telle ou telle situation inattendue : « Tout ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux ».

    - Quand il s’agit de se mettre à la place d’autrui, au point de prendre sur soi sa violence: « Si tu vas à l’autel et tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi… va d’abord te réconcilier avec lui… » (Mt 5, 23-24). C’est la même inversion (ou capacité de se mettre dans la peau d’autrui) qui conduit ici au courage messianique, nullement exigible, de s’exposer à la violence d’autrui. »[vii]

    C’est par la violence de la nature  ̶  en réponse à ma volonté première de la contraindre : "crucifier" des feuilles fraîchement cueillies en les épinglant de force afin qu’elles s’aplatissent contre le carton-plume pour en faire un tapis !, avait été ma première violence… Égorger un chevreau en holocauste n’est cependant pas moins violent. Dans cette installation, je fis acte rituel renvoyant au culte biblique du Premier Testament. ̶  C’est par la violence de la nature que j’ai accepté de me déposséder, de me laisser déposséder moi-même par la sculpture-installation que j’avais réalisée.


    AphiThé Sutri 1.JPGAllons plus loin… J’évoquais plus haut la foule invisible comme présence humaine appartenant au passé dans l’amphithéâtre étrusco-romain (IIè siècle avant J-C. - Ier siècle) de Sutri. Je perçus véritablement cette foule, à l’aide d’un sens spirituel. Comme si ce sens spirituel me connectait à la mémoire du lieu, contenue dans la pierre de tuf. Cette foule humaine appartenant au passé, je l’ai comme retranscrite dans le tapis des feuilles de laurier fixées une à une, se chevauchant les unes les autres, épinglées ensemble à plat, comme autant de martyrs de premiers chrétiens. L’idée d’holocauste et même de crucifixion était présente, suggérée dans cette foule muette de feuilles épinglées qui se rebellèrent sous l’effet de la chaleur en désordonnant les épingles. Les pierres crieront… (Lc 19,40) :

    36 À mesure que Jésus avançait, les gens étendaient leurs manteaux sur le chemin. 37 Alors que déjà Jésus approchait de la descente du mont des Oliviers, toute la foule des disciples, remplie de joie, se mit à louer Dieu à pleine voix pour tous les miracles qu’ils avaient vus, 38 et ils disaient : « Béni soit celui qui vient, le Roi, au nom du Seigneur. Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux ! » 39 Quelques pharisiens, qui se trouvaient dans la foule, dirent à Jésus : « Maître, réprimande tes disciples ! » 40 Mais il prit la parole en disant : « Je vous le dis : si eux se taisent, les pierres crieront. »

    J’étais dépassée à plus d’un titre par cette sculpture bien vivante. Elle était devenue une sorte de sacrement, se référant à une réalité invisible plus grande qu’elle-même. Avec L’offerta, j’acceptai de m’offrir moi-même, manifestant mon plus grand désir, religieux. Et je ne le savais pas.

    Le testament spirituel de Christian de Chergé est cet acte libre, de la part d’un homme mûr. Acte de remise confiante de soi à la providence divine, par amour. Conscient d’être chrétien, prêtre et moine, frère « priant parmi d’autres priants » en Algérie. Aujourd’hui, je suis consciente et libre d’offrir ma vie en union avec le Christ pour mes contemporains, sachant que d’autres m’ont précédée et préparent la voie que j’emprunte avec ce grand désir d’être offrande, de libérer les fontaines de grâces en moi, de porter du fruit pour les autres, avec les dons que Dieu a déposé en moi.


    IMG-20200523-02257.jpgLe fruit actuel est la lecture du Qur’ân (le Coran), dans la version traduite en français de Maurice Gloton, conseil de lecture de Abd El Hafid Benchouk, le chargé de mission de la Fraternité islamique d’Artisans de Paix. Cette lecture spirituelle du Qur’ân, je l’entreprends à la suite de Christian de Chergé, dans un même esprit de communion spirituelle à une Parole divine révélée, mais dans un autre contexte fraternel : en France, avec des musulmans soufis français, et sans connaître la langue dans laquelle le Qur’ân a été révélé à Muhammad. Mon témoignage de cette expérience spirituelle aura sa propre valeur dans ce contexte et ne se compare pas à l’expérience jusqu’au témoignage du sang des 19 religieux béatifiés d’Algérie. Ce qui me conduit, c’est l’amour qui me fait désirer lire le Qur’ân et l’amour que je reçois faisant cette lecture. C’est sans doute ce même amour qui animait frère Christian pour l’Islam et l’Algérie, jusqu’au don de lui-même.

    Dans L’offerta, les forces de la nature en puissance manifestent une force invisible et spirituelle que j’avais éprouvée intensément durant ce mois à la découverte des sites et du patrimoine culturel, religieux et naturel de la région. Je retrouve dans la forme de cette sculpture-installation le cercle et donc mon blason spirituel (dessiné 20 ans plus tard) et le logo d’Artisans de Paix (dessiné en 2018, 24 ans plus tard). C’est le cercle de l’Eucharistie. Offrande de soi. Action de grâce.

    Blason spirituel.jpg

     

     

     

    Sandrine Treuillard
    Jehanne Sandrine du Sacré Cœur & de la Sainte Eucharistie
    En la fête de la Visitation et de la Pentecôte
    Dimanche 31 mai 2020
    Les Bleineries 18260 Sury-ès-Bois

     

     

    ---------------------------------------------------------------------

    [i] Retrouvez l’ensemble de la conférence du père Armand Veilleux, moine trappiste et frère des moines de Tibhrine : La rencontre de l’Autre au cœur de la violence : Le message des sept moines de Tibhirine.

    [ii] Christoph Theobald, Présences d’Évangile I – Lire les Évangiles et l’Apocalypse en Algérie et ailleurs, Les Éditions de l’Atelier/Les Éditions Ouvrières, Paris, 2011, premier chapitre L’Église « sacrement de la rencontre »…, L’appel universel à la sainteté, p.46.

    [iii] Id. Santé et sainteté, pp.45-46.

    [iv] Prier 15 jours avec Christian de Chergé - Prieur des moines de Tibhirine de Christian Salenson, éditions Nouvelle Cité, 2017.

    [v] Note du 2 février 2020, 15h, en la fête de la Vie consacrée, Monastère de la Visitation, chambre Saint Jean, Paris 14ème, ajoutée au texte Esprit Saint en Visitation : Méditation sur la Visitation avec Christian de Chergé, du 30 avril-1er mai 2019. Ce texte est en correspondance avec le texte du Bx Christian de Chergé, extrait de la Retraite sur le Cantique des cantiques (présentée et commentée par Christian Salenson, éditions Nouvelle Cité, 2013) qu’il prêcha aux Petites sœurs de Jésus, à Mohammedia, au Maroc, en 1990. Je cite l’extrait de ce texte qui a été l’amorce du mien, avec « d’abord, c’est le secret de Dieu » :

                  « Profiter de la fête de la Vierge pour revenir sur le mystère de la Visitation. Il est évident que ce mystère de la Visitation, nous devons le privilégier dans l’Église qui est nôtre. 

              J’imagine assez bien que nous sommes dans cette situation de Marie qui va voir sa cousine Élisabeth et qui porte en elle un secret vivant qui est encore celui que nous pouvons porter nous-mêmes, une Bonne Nouvelle vivante. Elle l’a reçue d’un ange. C’est son secret et c’est aussi le secret de Dieu. Et elle ne doit pas savoir comment s’y prendre pour livrer ce secret. Va-t-elle dire quelque chose à Élisabeth ? Peut-elle le dire ? Comment le dire ? Comment s’y prendre ? Faut-il le cacher ? Et pourtant, tout en elle déborde, mais elle ne sait pas.

                    D’abord, c’est le secret de Dieu. (…) »

    Voir aussi à ce sujet le texte de sœur Bénédicte Avon La visitation ou le mystère de la rencontre in Le Verbe s'est fait frère - Christian de Chergé et le dialogue islamo-chrétien, éditions Bayard (Spiritualité), 2010.   

    [vi] Cf Christoph Theobald, Présences d’Évangile I –Lire les Évangiles et l’Apocalypse en Algérie et ailleurs, Les Éditions de l’Atelier/Les Éditions Ouvrières, Paris, 2011, troisième chapitre Présence, témoignage, mission, accompagnementDes différences théologiques, Présence et témoignage p. 102.

    [vii] Id., premier chapitre L’Église « sacrement de la rencontre »…, Santé et sainteté, pp.44-45.


    Retrouvez cet article sur la page enrichie :
    Artisans de Paix - ou le désir de rencontrer l'(A)autre

  • Rendue au Christ dans le Cœur de Jésus et le Pain rompu, par le Précurseur

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    En ce Jeudi de l’Ascension, 21 mai 2020, je fais mémoire de ce qui s’est passé il y a un an, lors d’une messe à l’Abbaye de Sablonceaux.
    L’événement spirituel expérimenté
    in situ dans le chœur de l’église abbatiale de Sablonceaux, le jeudi 23 mai 2019, a été rappelé le 26 avril 2020, en plein jeûne eucharistique dû au confinement #Covid19, lors de la retransmission de l’Eucharistie en ligne, à l’abbaye Notre-Dame des Dombes, dans l’Ain, décrite dans mon texte précédent : Du jeûne eucharistique comme communion au sacrifice du Christ - Révélation d'une vocation.
    Ces deux abbayes d’origine cistercienne sont aujourd’hui habitées et animées par la Communauté du Chemin Neuf.

    Je dédie ce texte à sr Rita Kispal, ccn

    Sandrine Treuillard


    Cela fait un an que j’étais à l’Abbaye de Sablonceaux pour la première fois. Une semaine pour partager la vie de la Communauté du Chemin Neuf, à 20 km de Royan, en Charente-Maritime, Nouvelle-Aquitaine.


    Le mercredi 22 mai 2019, avec sœur Rita, la maîtresse de maison, j’avais nettoyé l’église abbatiale pour y célébrer, le lendemain, les laudes et la première messe de la saison, après la période hivernale où l’église est glaciale. Ce fut aussi pour moi la découverte de l’église alors que j’étais là depuis le dimanche soir. Le mercredi, ç’avait été un bonheur de la préparer, passant l’aspirateur sur la moquette rouge au pied du tabernacle, rafraîchissant le bouquet, et échangeant avec Rita sur nos expériences respectives dans nos églises de village (elle en Hongrie), tout en balayant l’allée centrale de la nef. Pendant les laudes du jeudi dans cette petite chapelle sud, chapelle du Saint-Sacrement où la communauté s’est retrouvée, j’avais perçu pour la première fois nos voix réverbérer dans l’immense ventre de la nef, avec un pincement de joie au chœur (cœur !). Cette expérience de la psalmodie et du chant de louange dans l’église abbatiale me renvoya à l’église Saint-Martin de Sury-ès-Bois, dans ce village de mon enfance où j’avais eu mes premiers émois spirituels et la vocation à devenir l’épouse du Christ  ̶  ce que je pensais être déjà lors de ma première communion et profession de foi, en 1986, à 12 ans.


    Chapiteau Sablonceaux.JPGPuis, ce jeudi matin du 23 mai 2019, ce fut le montage du chapiteau, la grande tente bleue pour la Pentecôte, amenée en camion par un autre frère du Chemin Neuf, Ladislas, de l’Abbaye Notre-Dame des Dombes (Ain). Près de 900 personnes se retrouveront sous ce chapiteau, autour de l’évêque, pour les confirmations du diocèse, alors qu’elle ne pouvait en contenir théoriquement que 600. 
    ̶ On avait alors élargi l’espace de la Tente en décrochant les jupes. ̶  Durant le montage de la tente ce jeudi 23 mai 2019  ̶  un travail collectif que je vécus avec bonheur  ̶ je m’étais retrouvée comme à tricoter à l’échelle de mon corps, passant les cordes dans les gros œillets, tirant, laçant, dans un mouvement des bras et des jambes, tractant, poussant du pied l’air s’accumulant entre les œillets tout en montant le long des deux pans de la toile imperméable du chapiteau ainsi reliés, que tous ensemble nous allions ensuite monter, dans l’après-midi. Á l’approche de midi, j’étais exténuée.

    Choeur Sablonceaux.JPGAinsi vidée par un effort physique et collectif grisant, je me suis retrouvée assise dans l’église abbatiale pour la messe de midi. Le chœur et la nef sont baignés de la lumière zénithale. L’architecture cistercienne est un écrin au silence, à la paix. C’est lors de cette eucharistie, la première de la saison dans l’église abbatiale  ̶  et la première tout court pour moi, ici  ̶  qu’à l’élévation de l’hostie consacrée à l’Agnus Dei, la phrase de saint Jean Baptiste prononcée par le père Matthieu : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde », l’hostie se superposa à la poitrine du Christ en Croix derrière le prêtre.

    Blason spirituel.jpgL’union du Sacré Cœur et de la Sainte Eucharistie se produisit sous mes yeux et ce fut la confirmation fulgurante de mon union au Christ, par mon nouveau nom en Lui, qu’Il me donna en novembre 2014 (‘Jehanne de la Sainte Eucharistie’) ; et le 3ème dimanche du Carême, en mars 2015, dans ma lettre à Mgr Michel Dubost où j’esquissais en signature mon blason spirituel complet, après avoir évoqué le Sang jaillit de son Cœur à la Croix qui m’éclaboussa et me baptisa… ‘Sandrine du Sacré Cœur’ avec les trois gouttes de Sang perlant au bas du Cœur, arrosant la terre, la Croix comme un germe, rameau de Jessé jaillissant de ce Cœur fécondant la terre ; ou encore, Croix plantée dans le Cœur de Jésus telle une épée (Parole de Dieu, à double tranchant) ; et encore : lance du centurion qui révèle la pentecôte eucharistique à la mort du Christ. Dans cet instant de l’Agnus Dei, avec l’hostie présentée en hauteur au niveau du Cœur de Jésus en Croix par le célébrant, tout ceci y était présent, en condensé. Mes larmes jaillirent : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir » avec le geste de componction contre mon sternum, « mais dis seulement une parole et je serais guérie », les sanglots étranglant ma voix, aucun son ne put sortir. Á genoux, ne cessant de sentir les larmes sillonner mes joues de façon doucereuse, le visage baissé, Blanche entonna le chant de communion de la Communauté du Chemin Neuf : « Ô Jésus, que j’adore ». J’écoutais, ou plutôt j’étais traversée par l’écoute, ne cessant de pleurer, c’était mon adoration, et plus que cela : les paroles décrivaient ce qui se passait en moi, ou peut-être était-ce la Parole agissante, investissant toute l’acoustique de l’église cistercienne :


    Ô Jésus que j’adore,

    Tu t’offres à contempler,
    Humble et douce présence,
    Tu t’es fait pain et vin.
    Ô ô Jésus, tu t’es fait pain et vin
    Pour nos cœurs en errance.

    Ô Jésus que j’adore,
    Tu t’offres à nos désirs,
    Vers toi courent nos âmes
    En silence et en paix.
    Ô ô Jésus, en silence et en paix
    Pour l’humble face à face.

    Ô Jésus que j’adore,
    Tu t’offres à notre amour,
    Dans l’invisible espace
    De ton cœur transpercé.
    Ô ô Jésus, de ton cœur transpercé
    Où nos peines s’effacent.

    C’est à cette troisième strophe « Ô Jésus que j’adore, tu t’offres à notre amour dans l’invisible espace de ton cœur transpercé » que mes larmes redoublèrent du bonheur de la communion au Christ, en ce moment-même. Et en ce ‘moment-source’ de mon identité spirituelle donnée de toute éternité, déjà donnée sensiblement et traduite en mon blason en novembre 2014 et mars 2015. « Ô ô Jésus, de ton cœur transpercé où nos peines s’effacent », j’étais comblée de bénédiction dans ce flot de larmes. Je ne pus chanter, les larmes avaient investi ma voix depuis l’Agnus Dei, suivant le cours de la rivière issie du Cœur de Jésus et du Pain rompu qui me traversait corps, cœur et âme.


    Ô Jésus que j’adore,
    Tu t’offres à notre temps,
    Au lieu de notre angoisse,
    Tu fermentes en nos vies.
    Ô ô Jésus, tu fermentes en nos vies,
    Préparant le partage.

    Ô Jésus que j’adore,
    Tu t’offres à nos douleurs,
    Tu formes ton image
    Tout au fond de nos cœurs.
    Ô ô Jésus, tout au fond de nos cœurs,
    Tu es notre victoire.

    Clef de voûte chapelle st JB.JPGCe n’est qu’après, en juin et juillet, préparant la visite commentée de l’abbaye de Sablonceaux et la donnant effectivement en août 2019, à l’invitation expresse de Rita, la sœur maîtresse de maison, et de Cyrille, le frère responsable de la communauté, que je découvris et fis le lien entre le moment décrit du jeudi 23 mai 2019 à l’Eucharistie, et le saint Patron de la chapelle du Saint Sacrement : saint Jean Baptiste. Le médaillon de la clef de voûte de cette chapelle représente la parole de Jean le Baptiste désignant Jésus le Christ à ses disciples : ‘Ecce Agnus Dei’, ‘Voici l’Agneau de Dieu’, portant un agneau entre ses bras comme serti dans une mandorle.

    Enfin, c’est un mois plus tard, le 24 juin 2019, jour de la nativité de saint Jean Baptiste, le ‘Noël d’été’, préparant cette visite commentée de l’abbaye de Sablonceaux, que j’obtins le jugement du Tribunal ecclésiastique de Paris reconnaissant la nullité du sacrement du mariage, contracté dix ans plus tôt avec mon ex-mari. Sous le signe de la naissance de saint Jean Baptiste, précurseur du Christ qui désigna une première fois Jésus depuis les entrailles de sa mère, lors de la Visitation de Marie à sa cousine Élisabeth ; sous le signe de Jean-Baptiste désignant toujours l’Agneau de Dieu, je fus ainsi rendue vierge au Christ, pour le Christ. Rendue au Christ.          (10h29)

    Blason spirituel.jpg


    Sandrine Treuillard

    Jehanne Sandrine du Sacré Cœur & de la Sainte Eucharistie
    Jeudi de l’Ascension, 21 mai 2020
    Les Bleineries 18260 Sury-ès-Bois

     

     

     




    Illustrations
    :
    - Photographie du chapiteau devant le clocher de l'Abbaye Notre-Dame de Sablonceaux : Sandrine Treuillard
    - Chœur de l'église abbatiale Notre-Dame de Sablonceaux : arrêt sur image de la vidéo plus haut : Drône océan.
    - Dessin de la clef de voûte de la chapelle saint Jean Baptiste : tiré de l'ouvrage « L'Église abbatiale de Sablonceaux (Charente-Inferieure) », Congrès archéologique de France, LXXIXe session tenue à Angoulême en 1912, Paris / Caen, A. Picard / H. Delesques, (vol. 79-II,‎ p. 287-303) de Eugène Lefèvre-Pontalis, en ligne sur Bibliothèque Nationale de France, Gallica, p.296.
    - Dessin du blason spirituel : Sandrine Treuillard

  • Du jeûne eucharistique comme communion au sacrifice du Christ - Révélation d'une vocation

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    Quand il ouvrit le septième sceau,
    il y eut dans le ciel un silence d'environ une demi-heure.

    Livre de l’Apocalypse 8,1

    Ceci est mon Corps 26 mars ND des Dombes recadrée.jpgDimanche 26 avril 2020

    En ce 26 avril 2020, en plein confinement #Covid19 et connectée à internet, lors de la messe du 3ème dimanche de Pâques célébrée à l’Abbaye Notre-Dame des Dombes[i] par la Communauté du Chemin Neuf, à la consécration du Pain  ̶  "Ceci est mon corps livré pour vous"  ̶  et du Vin  ̶  "Ceci est mon sang livré pour vous" ̶ , quand le prêtre a élevé l’hostie, puis la coupe, mes larmes ont jailli. Pendant l'épiclèse[ii], l'hostie du Pain consacré, puis la coupe du Vin consacré se sont trouvées superposées au Corps du Christ en Croix, à l’endroit même de son Cœur  ̶  et par deux fois, mes larmes ont jailli.

    Plus tard dans la célébration, au moment de la communion à la Table eucharistique, le prêtre a lu la prière de la communion spirituelle composée par la Communauté du Chemin Neuf. J’étais en pleine désolation d’être séparée de la Table eucharistique, de ne pouvoir communier à son Corps et à son Sang, suspendue devant la poitrine christique, le visage en larmes. L’hymne "Lumière enfouie", la 3ème strophe, exprime tout à fait mon sentiment, également dans le ton chanté :

    « Victime offerte à mes bourreaux,
    Mon corps n'est plus rien que blessure !
    Vous n'aurez plus besoin de lune ou de soleil,
    Agneau de Dieu, je suis votre flambeau ;
    Moi seul peux vous combler de joie,
    Ma Joie qui s'ouvre aux cieux nouveaux,
    Puisqu'au calvaire on me torture. »

    Le Christ parle de la joie qui viendra nous combler, au futur.

    Crucifix église lumière vitraux.jpegEn ce 3ème dimanche de Pâques, dans la communion spirituelle à son Eucharistie, je suis entrée dans la blessure du Côté du Christ en Croix, et ce dès les paroles de consécration des saintes Espèces par le prêtre. J'y demeure et y suis triste. Mon âme est triste, réfugiée en son Sacré Cœur comme en le jardin de Gethsémani, la nuit où Il entra en sa Passion : Il prit avec lui Pierre et les deux fils de Zébédée, et il commença à éprouver de la tristesse et des angoisses. Il leur dit alors : Mon âme est triste jusqu'à la mort ; restez ici, et veillez avec moi. Puis, ayant fait quelques pas en avant, il se jeta sur sa face, et pria ainsi : Mon Père, s'il est possible, que cette coupe s'éloigne de moi ! Toutefois, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux (Mat. 26, 37-39).

    C'est aussi le moment sur la Croix du "J'ai soif" qui s'éternise. Á ce désir douloureux, m’est présentée la communion spirituelle, comme on présenta l’éponge gonflée de vinaigre aux lèvres de Jésus assoiffé.

    Je pense que le Seigneur veut que je vive cela, à la mesure de mes forces, en union avec Lui, pour que j’éprouve le manque réel et manifeste de la communion eucharistique sacramentelle.


    Voici, je me tiens à la porte, et je frappe.
    Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte,
    j'entrerai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi.

    Livre de l’Apocalypse 3, 20

    Prière de communion spirituelle ND des Dombes 26 mars recadrée.jpgLundi 27 avril 2020

    Je n'éprouve pas ce manque de Jésus Eucharistie seulement pour moi-même, mais, comme membre du Corps du Christ ; c'est comme si je devais souffrir cela au nom de tous ceux qui sont actuellement séparés de la Table eucharistique. Je prends donc cette privation de la communion eucharistique comme un sacrifice incarné dans ma chair, incarné dans mon désir blessé de la communion sacramentelle. Désir qui s’étend à toute la communauté chrétienne vivant cette même séparation de la Table eucharistique. Cette privation, ce jeûne eucharistique devient sacrifice eucharistique spirituel. C’est l’offrande de moi-même, de mon désir de communier au Verbe fait chair dans l’Eucharistie (Eucharistie à la fois comme Célébration – action de grâce – et Communion – mangeant le Pain, buvant le Vin – et en commune aspiration autour du Christ avec toute la communauté chrétienne) qui devient sacrifice eucharistique spirituel dans l’acquiescement à ce jeûne offert en communion avec tous les autres chrétiens qui en souffrent aussi. Et offert librement, en communion spirituelle avec le sacrifice du Christ en sa Passion.

    IMG-20200416-01501.jpgJe pense le vivre de façon œcuménique, pour l’Unité de tous les chrétiens, même si je suis d’obédience catholique. La dimension communautaire de l’Eucharistie retrouve toute sa nécessité et tout son sens dans ce jeûne imposé. Il est bon que nous en souffrions. Il est sain que nous en souffrions pour contacter à nouveau et de façon plus aiguë, plus profonde, l’essence du Mystère de l’Eucharistie du Seigneur Jésus Christ. Je pressens que le fruit de ce jeûne eucharistique communautaire de tous les chrétiens, dû au confinement #Covid19, nous pousse à contempler le mystère de l’Unité à la Table du Christ. Par la séparation de nos communautés habituelles, nous sommes en quelque sorte rassemblés plus radicalement autour du Christ lui-même, au-delà et au-dessus de nos obédiences. L’essentiel, c’est le Christ lui-même, et que nous soyons autour de Lui, et pas la particularité de nos rites, dans nos églises respectives. Cela nous pousse à devenir une nouvelle Église primitive.

    Bande verticale fleurs.jpgJe souhaite vous faire remonter à l’expérience de communion de ce que je viens d’écrire. Le samedi 18 avril, la veille du second Dimanche de Pâques, le pasteur Alain Joly – chargé de mission de la Fraternité eucharistique luthérienne d’Artisans de Paix – a transmis un message aux deux paroisses où s’exerce son ministère, que la présidente de l’association Artisans de Paix, Paula Kasparian, nous a transmis et que je lus. Ce message, je l’ai pris comme m’étant aussi adressé (les caractères gras sont de l’auteur) :

    « Chers amis,

    En cette veille du deuxième dimanche de Pâques, Quasimodo geniti,
    mes pensées vont particulièrement aux deux églises luthériennes,
    où nous aurions pu nous retrouver, comme prévu avant la crise,
    pour célébrer le Service divin et la sainte Communion.

    Á vous, chers paroissiens de Saint-Luc de Vanves, et de La Rédemption,
    et chers fidèles qui aimez à vous y associer,
    que soit donnée d'accueillir la Paix qui vient de Dieu par Jésus-Christ ! 

    En effet, le Prince de la Paix visite les disciples réunis le soir, une semaine après sa Résurrection, et c'est ce qui fait notre Joie, présente et à venir.

    Si vous le voulez et le pouvez, soyons unis dans l'esprit, à 18 h 30, demain dimanche 19 avril, 
    pour lire l’Évangile de saint Jean, chapitre 20, versets 19 à 31,
    penser les uns aux autres, en nous nommant dans l'intercession,
    et avoir confiance que Dieu exauce ce que nous lui demandons dans la Prière du Seigneur.

    Bande verticale fleurs.jpgOn pourra chanter l'un des chorals de Martin Luther pour la circonstance,
    Christ lag in Todesbanden, ou Nun freut euch, lieben Christen gemein, ou Christ ist
    erstanden, dont des versions françaises se trouvent dans nos recueils de cantiques.

    Ce dimanche,
    je ne célébrerai pas la sainte communion, seul, chez moi,
    comme je l'ai fait les dimanches précédents, en vous demandant de vous y unir par l'esprit.

    La grâce de mon ministère doit aussi demeurer une ouverture à ce que vous vivez :
    je veux vivre avec vous le jeûne eucharistique,
    en creusant le désir d'être à nouveau accueillis ensemble à l'Autel du Seigneur.

    Fidèlement,
    pasteur Alain Joly

    Paris, le 18 avril 2020 »

    Je lus ce message du pasteur le dimanche 19 avril, 3ème de Pâques, jour-même du jeûne eucharistique qu’il décida pour lui-même afin d’être en communion avec ses paroissiens. Dimanche de la Divine Miséricorde pour les catholiques. Je lui répondis aussitôt ceci :

    « Cher pasteur Alain,

    Votre mot adressé aux luthériens que Paula nous a partagé me touche infiniment. C'est votre jeûne eucharistique qui me touche et rejoint le mien en pleine force. Abondance de grâce de communion spirituelle à vous lire. »

     

    Je vis un autre ange qui tenait le sceau du Dieu vivant et il dit :
    Ne faites point de mal à la terre, ni à la mer, ni aux arbres,
    jusqu'à ce que nous ayons marqué du sceau
    le front des serviteurs de notre Dieu.

    Livre de l’Apocalypse 7, 2-3

    IMG-20200416-01450.jpgEn effet, pour les catholiques, le 2ème Dimanche de Pâques est devenu une fête instaurée par saint Jean-Paul II sous l’inspiration de sainte Faustine Kowalska (fête célébrée le 22 avril 2001 pour la première fois par les catholiques du monde entier) : la Divine Miséricorde. Avec les luthériens, nous partageons le même Évangile de Jean 20, 19-31. C’est le même Mystère célébré dans ce dimanche de la fête Quasimodo geniti[iii]. Les catholiques l’approfondissent dans la suite du mystère du Sacré Cœur (révélations de Jésus Christ à sainte Marguerite-Marie Alacoque, à Paray-le-Monial, dans la seconde moitié du XVIIème siècle), source de la Miséricorde divine (révélations de Jésus à sainte Faustine, en Pologne, dans les années 30 du XXème siècle, relatées dans son Petit Journal, § 699). C’est ainsi que pour les catholiques :

    - quand le Christ institue l’Eucharistie le Jeudi saint, avec le disciple bien-aimé qui se penche sur sa poitrine ;

    - quand le Christ expire sur la croix remettant son Esprit entre les mains du Père, et quand son flanc transpercé laisse jaillir le Sang et l’Eau de son Cœur ;

    - enfin, quand il apparaît après sa Résurrection au Cénacle à ses disciples, leur donnant la Paix, soufflant l’Esprit sur eux, et leur montrant ses plaies de crucifié ;

    ces trois moments sont reliés par le même Mystère de l’Amour de Dieu pour ses enfants : Mystère de l’Eucharistie, du don de Dieu en le sacrifice de Jésus Christ, de la Rédemption, de la Divine Miséricorde, du don de l’Esprit Saint. Le mystère du Sacré Cœur est intimement lié et inséparable de l’Eucharistie (je vous invite à lire à ce sujet, de Marguerite-Marie Alacoque, un extrait de son journal lors d’une Retraite de 1684).

    IMG-20200422-01696.jpgRien d’étonnant, alors, peut-être en conviendrez-vous avec moi, que quand l’une manque (l’Eucharistie) on se réfugie dans l’autre (le Cœur de Jésus). Que quand la communion sacramentelle (donc physique) au Corps et au Sang du Christ dans les saintes espèces consacrées manque, on se réfugie dans le Sacré Cœur de Jésus. Cœur de Jésus du Jeudi saint (le disciple bien-aimé qui penche sa tête sur la poitrine de Jésus), et du Vendredi saint (ayant expiré en Croix, son Côté transpercé laisse jaillir le sang et l’eau et donc l’Esprit Saint), avant sa Résurrection  ̶  puisqu’au cours de la célébration de la messe nous faisons mémoire de la Passion du Christ depuis l’institution de l’Eucharistie (Jeudi saint) ; nous traversons sa Croix (Vendredi saint) et sommes emmenés au-delà, jusqu’à sa Résurrection et à l’inhabitation du Christ en nous lors de la communion sacramentelle (dimanche de Pâques). La privation de l’incorporation du Corps du Christ (communion sacramentelle) engendre une douleur dans l’âme qui se réfugie alors dans la plaie de son Cœur à la Croix. La douleur brute de la privation se mue alors, dans le temps, en blessure doucereuse (communion spirituelle) : la lumière du Christ nous visite.

    IMG-20200416-01431.jpgTrois jours après le 2ème dimanche de Pâques Quasimodo / Miséricorde Divine, nous poursuivions la lecture des Actes des Apôtres où l’ange, après avoir délivré Pierre et Jean de la prison, se donne la peine de refermer les portes après les avoir laissé sortir. Avec les visites du Ressuscité aux disciples confinés au cénacle, dans la chambre haute (Évangile de Jean du 2ème dimanche de Pâques Quasimodo), qui Lui, se trouve au milieu d’eux sans avoir ouvert aucune porte, le père trappiste Armand Veilleux a écrit une homélie sur Les portes tournantes de la solitude et de la prière, le 22 avril. Ce jour-là, l’Ordre Cistercien de la Stricte Observance (les trappistes) fêtaient la bienheureuse Maria Gabriella Sagheddu, apôtre de l’Unité, qui s’offrit pour l’unité des chrétiens au cœur de sa vie monastique, en Italie. Elle rendit son âme au Père en quinze mois, suite à la tuberculose qui commença le jour où elle fit son offrande d’elle-même pour l’œcuménisme (détails suite à l’homélie ici). Cette figure de Maria Gabriella, apôtre de l’Unité (béatifiée par Jean Paul II le 25 janvier 1983), me toucha personnellement dans son offrande d’elle-même par ses vœux monastiques en union avec le Christ-Roi ; et par sa prière pour l’Unité, en union avec l’Eucharistie du Christ les quinze derniers mois de sa vie. Elle rendit l’esprit le 23 avril 1939.

    IMG-20200402-01389.jpg

    Dans la simplicité de mon cœur,
    je T'offre tout avec joie, ô Seigneur.

    Tu as daigné m'appeler à Toi,
    et je viens à Tes pieds.

    En ce jour de Ta fête royale,
    Tu veux faire de moi,
    créature misérable, la reine.

    Je Te remercie avec toute l'effusion de l'âme,
    et en prononçant les saints vœux
    je m'abandonne entièrement à Toi.

    Ô Jésus
    fais que je puisse demeurer toujours fidèle à mes promesses
    et que je ne reprenne jamais
    ce que je Te donne en ce jour
    Viens et règne dans mon âme,
    tel un Roi d'amour.

     



    « Sa courte vie monastique (trois ans et demi) se consomma comme une eucharistie. Son abbesse, mère Maria-Pia Gullini, très sensible au mouvement œcuménique, désirait fortement le voir encore s’amplifier et elle avait su communiquer à la communauté ce qui avait été l’âme de sa vie. En face de la déchirure du corps du Christ, Maria-Gabriella perçut la nécessité de s’offrir elle-même. Son corps, retrouvé intact lors de la reconnaissance de 1957, repose actuellement dans une chapelle contiguë au monastère de Vitorchiano, où la communauté de Grottaferrata s’est transférée »
    (source : Croire).

    Or, à mon retour de retraite de la Trappe de Scourmont (Belgique) fin septembre 2019, dans la nuit du 6 octobre (saint Bruno), j’écrivis une lettre de candidature à la vie monastique à l’abbaye des trappistines de Vitorchiano. La sœur hôtelière me répondit le vendredi suivant et me dirigea vers leur abbaye sœur de France, dans le Vaucluse, à Blauvac. J’y suis allée deux fois et je devais y retourner fin mai. Cette 3ème retraite/visite monastique comme candidate est compromise par le prolongement du confinement #covid19.

    Logo Fraternités AdP.jpgLe lendemain de la fête de la bienheureuse Maria Gabriella, apôtre de l’Unité, jeudi 23 avril 2020, dans sa pensée synthétique Paula Kasparian écrivit sa lettre de confinée aux Artisans de Paix confinés, y joignant ma réponse (précitée) au message du pasteur, qu’elle introduisit ainsi :

    « Une nouvelle forme de communion des saints est en train de venir au monde parmi nous. Soyons attentifs à ce qui vient. "Nous vivons un renouvèlement de la réalité de la communion des saints" fut la première réflexion du pasteur Alain Joly, au début du confinement. Et à plusieurs reprises, il nous a donné des rendez-vous de prières, confinés. »

    Son dernier rendez-vous de prière était alors pour partager le jeûne eucharistique du deuxième dimanche de Pâques.

     

    Il n’y aura plus de temps…
    aux jours de la voix du septième ange,
    le mystère de Dieu s’accomplira.

    Livre de l’Apocalypse 10, 6-7

    IMG-20200416-01486.jpgLa communion spirituelle étant déjà une transfiguration du temps séculier en le temps de Dieu, comme une faille, une fêlure dans le temps du siècle, la douleur de la privation de la communion sacramentelle dans la chair (comme l’écharde de saint Paul), deviendra, peut-être, dans la durée, doucereuse à l’âme dans la communion spirituelle. On serait alors confiné dans le Cœur de Jésus, enveloppé de la grâce rafraîchissante qui renouvelle notre esprit comme elle jaillit en même temps que le Sang et l’Eau. De la douleur aiguë dans le jeûne eucharistique, la grâce de l’Esprit de Jésus remis entre les mains du Père nous placerait peut-être dans la douceur du Cœur de Jésus comme dans « la main sûre et tranquille » du Père où « nous reposons comme un oiseau au creux du rocher » (chant de communion -sacramentelle- de la Communauté du Chemin Neuf).

    Le passage suivant de l’Apocalypse, reçu en invoquant l’Esprit Saint le vendredi 24 avril, va dans le sens de ce que je viens d’avancer (en gras dans la citation). Il s’agit du septième ange qui fait la révélation suivante à Jean le visionnaire :

    LIVRE DE L'APOCALYPSE  (Trad. Bible Louis Segond)
    chapitre 10

    1Je vis un autre ange puissant, qui descendait du ciel, enveloppé d'une nuée ; au-dessus de sa tête était l'arc-en-ciel, et son visage était comme le soleil, et ses pieds comme des colonnes de feu. 2Il tenait dans sa main un petit livre ouvert. Il posa son pied droit sur la mer, et son pied gauche sur la terre ; 3et il cria d'une voix forte, comme rugit un lion. Quand il cria, les sept tonnerres firent entendre leurs voix. 4Et quand les sept tonnerres eurent fait entendre leurs voix, j'allais écrire ; et j'entendis du ciel une voix qui disait : Scelle ce qu'ont dit les sept tonnerres, et ne l'écris pas. 5Et l'ange, que je voyais debout sur la mer et sur la terre, leva sa main droite vers le ciel, 6et jura par celui qui vit aux siècles des siècles, qui a créé le ciel et les choses qui y sont, la terre et les choses qui y sont, et la mer et les choses qui y sont, qu'il n'y aurait plus de temps7mais qu'aux jours de la voix du septième ange, quand il sonnerait de la trompette, le mystère de Dieu s'accomplirait, comme il l'a annoncé à ses serviteurs, les prophètes.

    Pissenlit vertical.jpgLe temps dont il est question ici est spirituel. C’est l’instant d’éternité de l’extase, la sortie de soi. L’instant d’éternité renouvelé à chaque mémorial eucharistique, durant chaque célébration de la messe. Le Mystère de Dieu s’accomplit en chaque célébration eucharistique, à la consécration ; à la communion. Ce Mystère eucharistique s’accomplit quand nous vivons nous-mêmes le don de nous-mêmes, dans la prière contemplative aussi bien que dans la vie active, dans nos relations avec autrui. Ce temps où "il n’y a plus de temps" est l’instant d’éternité, c’est le ‘toucher de l’éternel’ vécu dans l’oubli de soi, le don de soi-même ou l’accueil de l’autre ou du tout Autre. C’est tous les jours, par toute la terre, dans la vie des hommes, au cœur du monde, quand le cœur d’un homme s’ouvre à la grâce divine, à l’Amour. Dans la communion sacramentelle, ce « mystère de Dieu s’accomplit » : nous goûtons à la vie éternelle promise par le Christ.

     

    Je te conseille d'acheter de moi de l'or éprouvé par le feu,
    et des vêtements blancs,
    et un collyre pour oindre tes yeux.

    Livre de l’Apocalypse 3, 18

    IMG-20200416-01504.jpgAyant reçu ce passage de l’Apocalypse au chapitre 10 où il s’agit du 7ème et dernier ange se manifestant à la vision de Jean, j’avais repris le Livre de l’Apocalypse depuis le début, où l’Esprit parle aux sept Églises d’Asie. Comme c’était la vision du 7ème ange qui m’avait été donné de lire au chapitre 10, j’ai recherché ce que l’Esprit dit à la 7ème Église d’Asie qui est à Laodicée. Voici, au chapitre 3 :

    14Écris à l'ange de l'Église de Laodicée : Voici ce que dit l'Amen, le témoin fidèle et véritable, le commencement de la création de Dieu :

    15Je connais tes œuvres. Je sais que tu n'es ni froid ni bouillant. Puisses-tu être froid ou bouillant ! 16Ainsi, parce que tu es tiède, et que tu n'es ni froid ni bouillant, je te vomirai de ma bouche. 17Parce que tu dis : Je suis riche, je me suis enrichi, et je n'ai besoin de rien, et parce que tu ne sais pas que tu es malheureux, misérable, pauvre, aveugle et nu, 18je te conseille d'acheter de moi de l'or éprouvé par le feu, afin que tu deviennes riche, et des vêtements blancs, afin que tu sois vêtu et que la honte de ta nudité ne paraisse pas, et un collyre pour oindre tes yeux, afin que tu voies. 19Moi, je reprends et je châtie tous ceux que j'aime. Aie donc du zèle, et repens-toi. 20Voici, je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi. 21Celui qui vaincra, je le ferai asseoir avec moi sur mon trône, comme moi j'ai vaincu et me suis assis avec mon Père sur son trône. 22Que celui qui a des oreilles entende ce que l'Esprit dit aux Eglises !

    IMG-20200416-01481.jpgDans le contexte de la pandémie du Covid-19 qui pousse au confinement, dans la séparation physique d’avec nos frères en humanité, dans l’empêchement de nous rencontrer, nos vulnérabilités humaines, nos interdépendances de toutes sortes sont mises en relief et leur rupture nous font souffrir. J’ai pris ce passage de ce que l’Esprit dit à l’Eglise de Laodicée comme accusant les traits d’orgueil de notre époque : quand nous refusons de considérer la vulnérabilité humaine et notre besoin de lien spirituel aux autres et à Dieu. Une parole qui accuse l’autosuffisance humaine qui nie l’existence de Dieu. Une parole qui respecte la liberté humaine, don de Dieu à sa créature qui s’adresse en vérité à sa conscience, souvent aveuglée. Une parole divine qui dit à nouveau son amour pour sa créature. Dieu, par son Christ, le Nouvel Adam, nous veut restaurés à son image et à sa ressemblance (2ème chapitre de Le Nouvel Homme de Thomas Merton). Par la communion, il veut répandre sa Lumière sur nous, en nous, afin que nous le reconnaissions, goûtions à sa relation, le voyions, et l’aimions en retour.

     

    Mets-moi comme un sceau sur ton cœur,
    comme un sceau sur ton bras.

    Le Cantique des Cantiques 8, 6a

    IMG-20200503-01805.jpgSamedi 2 mai 2020

    Depuis le dimanche 26 avril, le sentiment de déréliction, la tristesse et la torpeur ont été mon lot cette semaine. J’ai trouvé un autre lieu propice au recueillement, moitié moins loin que Saint-Pardoux, de verts pâturages et de petits bois épais où le chant du coucou résonne. J’ai baptisé cet autre lieu de solitude secrète le ‘Vert Sacré Cœur’. C’est là que j’ai lu l’homélie du jour du Père Veilleux, en la mémoire de saint Athanase. Puis, le soir, au moment de la toilette avant le coucher, j’ai dû prendre une feuille de papier A4 et un stylo, pour écrire ce qui perçait dans la boue de mon âme, depuis le dimanche dernier. La souffrance du jeûne eucharistique fut amplifiée par l’annonce du gouvernement du report jusqu’au 2 juin de tous rassemblements cultuels en France, et des célébrations religieuses dans les églises de France : indifférence à la religion (déni/négation/mépris…), à la foi de leurs frères en humanité de nos dirigeants, relevée par Mgr Mathieu Rougé, évêque du diocèse de Nanterre, le 28 avril. J’écrivis :


    Ceci est mon Sang ND des Dombes 26 mars recadrée.jpgConfinée dans la chambre haute de la Croix, le Cœur de Jésus.

    D’abord suspendue, à la consécration du Pain « Ceci est mon corps livré pour vous » comme si j’avais été élevée avec ce Pain devant le Corps du Christ en Croix, et transportée jusqu’à son Cœur. Puis, comme transférée dans sa poitrine en même temps que l’hostie et le vin consacrés furent élevés. J’ai élu domicile dans le cénacle du Cœur de Jésus, depuis la messe du 3ème dimanche de Pâques (26 avril). J’ai été engouffrée dans sa blessure cordiale et j’y souffre avec Lui, de l’indifférence à la foi de nos frères en humanité qui gouvernent le pays et retardent inconsidérément le moment de retourner communier. « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » (Luc 23,34). C’est aussi pour eux que nous souffrons d’être séparés de la Table eucharistique. C’est pour eux et tous nos contemporains indifférents à la vie spirituelle (ou hostiles, méfiants, indécis…) que nous devons offrir notre douleur en union avec le sacrifice du Christ. Aujourd’hui, j’ai lutté, je lutte contre le clivage en moi, la tentation de la colère et du ressentiment, le sentiment d’injustice, l’amertume dus à cet empêchement de la communion sacramentelle déclarée être prolongé après le déconfinement du 11 mai, jusqu’au 2 juin.

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    « Toutefois, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux » (Mat. 26, 39b).  Alors oui, Seigneur,  garde-moi dans la petite prison du Sacré Cœur blessé de ton Fils. Que son Sacré Cœur et sa Sainte Eucharistie soient le sceau sur mon cœur, le sceau sur mon bras. Que la pentecôte eucharistique, qui commence depuis le Sacré Cœur transpercé sur le bois de la croix, donne naissance à une nouvelle Église primitive. En ces temps de confinement pandémie #covid19, que la pentecôte eucharistique à la Croix se répande sur le monde entier, comme un sceau sur la Terre.

    La Chambre haute du Sacré Coeur Texte.jpgSamedi 2 mai, 22h43

    Il y a une heure, j’écrivis la page A4, à l’encre noire, dans la salle de bain, sur la sorte de vision qui a surgi parmi la boue de mon âme, à table, au dîner. C’était que le 26 avril, j’ai été transportée dans la chambre haute du Sacré Cœur de Jésus en Croix, quand le prêtre a élevé l’hostie consacrée : « Ceci est mon corps livré pour vous », puis le vin consacré : « Ceci est mon sang livré pour vous ».

    Mon âme est si douloureuse, depuis dimanche dernier. J’ai dû lutter, aujourd’hui, contre le ressentiment dû au mépris, à l’indifférence de nos gouvernants à la foi de leurs contemporains : aux catholiques mais à tous les chrétiens et à toutes les religions, au fait religieux en général. Ils sont si loin de la spiritualité, de leur intériorité, de la vie plus intime à eux-mêmes qu’eux-mêmes, la vie de Dieu en eux. J’ai donc trouvé ma vocation en écrivant ce texte dans la salle de bain. Ce texte dévoile ma vocation d’intercéder pour nos contemporains indifférents à la foi au Christ. Je suis en union avec le Sacré Cœur de Jésus en Croix, suspendue dans le temps, et c’est ce qui est douloureux ; dans le silence qui dure une demi-heure ; dans le souffle rendu, livré, l’Esprit de Jésus ; dans le Sang et l’Eau qui s’écoulent de son Côté. Je suis confinée dans son Sacré Cœur pendant ce temps-là, je vis tous ces moments à la Croix, dans l’intimité de son Cœur blessé. Á la fois enveloppée dans la chambre haute de son Sacré Cœur, comme au Cénacle. J’offre ma souffrance spirituelle en union avec celle du Christ à la Croix. Avec ses paroles en Croix. Je souffre ses paroles. Je les vis avec Lui. Et ma vocation est d’offrir tout cela en union avec Lui, réfugiée en son Sacré Cœur, pour l’indifférence des hommes et pour que les chrétiens soient rassemblés en une nouvelle Église primitive autour de Lui, à la Sainte Cène, au-delà de nos obédiences humaines, dans la radicalité, la simplicité, la vérité du premier banquet eucharistique autour du Christ qui se donne vrai Pain de Vie pour nous, pour tout homme, et commande à ses disciples de répéter ses gestes en faisant mémoire de son don absolu dans l’Eucharistie.

    IMG-20200416-01461.jpgRelisant cette page écrite dans la salle de bain (l’Esprit m’ayant saisie, c’est dans une position inconfortable, à moitié assise sur le rebord de la baignoire que j’écrivis sur la tablette étroite, sous le vasistas), j’ai vu la résolution de ma vocation dans les lignes qui décrivent l’élévation des espèces consacrées devant le Corps du Christ en Croix, jusqu’à son Sacré Cœur, me sentant moi-même, par la force de mon désir de la communion sacramentelle, transportée dans ce Pain et ce Vin, cette hostie et ce calice, et déposée dans la chambre haute du Sacré Cœur de Jésus. C’est la vision intérieure du 19 novembre 2016, des vigiles du Christ-Roi, qui s’est comme superposée à celle d’aujourd’hui.

    L'Offerta 1-ptite.jpgTout cet état intérieur qui n’a pas cessé de s’amplifier depuis dimanche dernier, comme absorbée dans un abîme intérieur, se révèle être l’écrin à ce qui est né et a été transcrit sur le papier, dans la salle de bain. Douloureux accouchement depuis dimanche. Avec les prémices heureux l’annonçant dès le 22 avril, par la fête de la bienheureuse Maria Gabriella, apôtre de l’Unité, qui mourut en quinze mois de la tuberculose s’offrant pour l’Unité des chrétiens. De laquelle je me sens proche, dans sa consécration monastique prononcée le jour du Christ-Roi, avec sa prière d’offrande si belle. Proche d’elle aussi, par le lieu, l’abbaye et l’abbesse qui était sa mère au moment de son offrande. Grottaferrata, transféré à Vitorchiano, près de Viterbo, région où j’ai moi-même réalisé en 1994, à mes vingt ans, une sculpture « L’offerta » (L’offrande) cristallisant le désir puissant de m’offrir à Dieu moi aussi. J’étais alors loin de l’Église, étudiante aux Beaux-Arts. Mais, lors de ma communion, huit ans plus tôt, je m’étais vécue comme épouse du Christ. Désir absolu de Dieu contrarié dans ma treizième année et quand je reçus le sacrement de la confirmation, le démon avait déjà commencé son maléfice de la séparation d’avec Dieu. Mais le désir de Dieu était en moi et cette sculpture, installée dans une exposition collective au Palais des Papes de Viterbo, en témoignait silencieusement.

    Logo Fraternités AdP.jpgAutres prémices, comme des contractions, fut le vendredi 24 avril : le rêve interreligieux de la remise du petit livre Coran qui m’est remonté à la mémoire après avoir reçu ‘au hasard’ le Livre de l’Apocalypse, chapitre 10 : L’Ange et le petit livre… dont le premier paragraphe annonce ceci : « Il n’y aura plus de temps ». C’est ce temps qui s’éternise sur la Croix, suspendu dans le désir douloureux de la communion sacramentelle, à la Table eucharistique, qui laisse jaillir des larmes, comme le Sang et l’Eau n’en finissent pas de s’écouler du Cœur de Jésus depuis sa mort, depuis qu’Il a livré son Esprit. Je suis dans ce moment-là qui s’éternise, aussi bien que dans certaines paroles qu’Il a prononcées sur la Croix. Quand il vient de remettre son Esprit entre les mains du Père, d’une part ; et d’avoir répandu son Esprit par son Cœur transpercé sur les hommes, sur l’Église, dans la pentecôte eucharistique qui commence à la Croix, d’autre part.


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    IMG-20200415-01418.jpgIl y a aussi une autre trace indélébile de ma communion à la Table de la Sainte Cène : avec des pentecôtistes, lors de la session œcuménique de 2019, La vie dans l’Esprit : une expérience d’unité, organisée par la Communauté du Chemin Neuf à l’abbaye de Hautecombe. Le samedi, j’avais communié au Pain et au Vin et j’avais pleuré abondamment à cette communion, percevant la présence du Christ de façon aiguë. Touchée par la sobriété du geste liturgique de Jean-Daniel Plüss, si proche du réalisme de la Sainte Cène, en comparaison du rite de l’Eucharistie catholique si sophistiqué, liturgiquement parlant, où le célébrant décrit ce qui se passe en même temps que l’Esprit Saint consacre les saintes Espèces. Les pentecôtistes, et même les évangéliques, relisent les paroles ‘texto’ du Christ à la Cène, telles que le Nouveau Testament nous les ont léguées, sans rien retirer, ni rien ajouter. Cette sobriété, ce réalisme a été quelque chose de très fort pour moi en cette fin de mars 2019. J’y avais reçu une onction puissante qui m’a permis de vivre le psaume 132 :

    IMG-20200422-01693.jpg

     

     

    Oui, il est bon,
    il est doux pour des frères *
    de vivre ensemble et d'être unis !

    On dirait un baume précieux,
    un parfum sur la tête, +
    qui descend sur la barbe,
    la barbe d'Aaron, *
    qui descend sur le bord
    de son vêtement.

    On dirait la rosée de l'Hermon *
    qui descend sur les collines de Sion.
    C'est là que le Seigneur envoie
    la bénédiction, *
    la vie pour toujours.

     

     

     


    Les chrétiens devraient pouvoir partager le pain et le vin eucharistiques à toutes les tables des différents rites et se trouver à chaque fois dans la foi en la présence du Christ au milieu d’eux, quelque soit le rite adopté par les différentes obédiences. La Sainte Cène est au-dessus et au-delà de nos différents cultes. « Dieu est plus grand » que nos cultes.  (23h32)

    Blason spirituel.jpg

     

     

     

    Sandrine Treuillard

    Jehanne Sandrine du Sacré Cœur & de la Sainte Eucharistie

    26 avril - 2 mai 2020

    Les Bleineries, 18560 Sury-ès-Bois

     

     

     

     

    Le beau pasteur au 'Vert Sacré Cœur' -
    Homélie du père Armand Veilleux -
    & du jeûne eucharistique

    Photographies :
    Toutes de Sandrine Treuillard, sauf :

    L'élévation de l'hostie et les 3 détails de la messe retransmise du 26 avril 2020 : d'après les arrêts sur images de la vidéo NetForGod filmée à l'Abbaye Notre-Dame des Dombes, Communauté du Chemin Neuf.
    La troisième photographie : Christ en Croix, église Saint-Martin de Suçy-en-Brie : Michel Hilger.

    -----------------------------------------------------

    [i] C’est la trappe où le frère Christophe Lebreton était quand il a reçu l'appel à quitter la France pour l’Algérie, répondant à la vocation de vivre dans la communauté de Tibhirine. Il fait partie des sept moines martyrs de Tibhirine, et des dix-neuf religieux béatifiés à Oran, le 8 décembre 2018.

    [ii] Enseignement de monseigneur Michel Aupetit : L'épiclèse : sandrine treuillard,sacré cœur,eucharistie,christ-roi,christianisme,foi,paula kasparian,artisans de paix,pasteur alain joly,armand veilleux,communauté du chemin neuf,maria gabriella sagheddu,confinement,#covid19,pandémie coronavirus,laïcité,livre de l'apocalypse

    [iii] L'expression quasimodo est formée à partir des premiers mots latins qui commencent l'introït de ce jour : Quasi modo geniti infantes, alleluia : rationabile, sine dolo lac concupiscite...(Comme des enfants nouveau-nés, alleluia : désirez ardemment le pur lait spirituel...), dans la Première épître de Pierre.
    C'est aussi le jour où on lit le récit de l'apôtre Thomas refusant de croire à la Résurrection.
    La fête est encore appelée in Albis (en blanc), car les néophytes (adultes baptisés durant la vigile pascale), entrent à la messe vêtus de leurs habits blancs qu'ils portaient depuis leur baptême et le quittent pendant la cérémonie.
    Cette fête a été instituée de façon officielle pour que les pèlerins venant de loin et arrivés à Rome en retard - pour raison valable - après les fêtes de Pâques, participent à cette messe de la même façon (en latin « quasi modo ») qu'à la messe de Pâques. Ces pèlerins ne recevaient toutefois pas l'indulgence plénière.
    La fête est parfois nommée « Pâques closes » puisque c'est ce jour-là que s'achève l'Octave de Pâques.
    L'expression octave de Pâques désigne en général la période de huit jours qui va du dimanche de Pâques au dimanche suivant inclus. Elle est parfois employée pour indiquer le dernier jour de cette période.

     

  • Les portes tournantes de la solitude - Homélie de Armand Veilleux à Saint-Pardoux

    Lien permanent

    Les portes tournantes de la prière et de la solitude -
    Lecture de l'homélie d'Armand Veilleux à Saint-Pardoux

    Homélie pour le mercredi de la 2ème semaine de Pâques

    IMG-20200422-01718[1].jpg

    22 avril 2020 – Mercredi de la 2ème semaine de Pâques
    Ac 5, 17-26 ; Jn 3, 16-21

    IMG-20200422-01689[1].jpgIl y a quelque chose qui m'a toujours intrigué dans le texte des Actes que nous venons de lire. Pourquoi l'ange s'est-il donné la peine de fermer les portes de la prison après avoir laissé sortir les apôtres ?... En effet, au début du texte, Luc dit que l'ange du Seigneur a ouvert les portes de la prison et a fait sortir les apôtres ; mais quand le gardien du temple arrive le matin, il trouve les portes bien fermées ! Il doit y avoir une signification symbolique dans cette histoire de portes ouvertes et puis verrouillées.

    IMG-20200422-01685[1].jpgIl y avait quelque chose de similaire dans l'Évangile de dimanche dernier, de Jean. Les disciples avaient fermé les portes du lieu où ils étaient assemblés. Cela est sans doute à mettre en relation avec la recommandation de Jésus : "Quand tu veux prier, entre dans ta chambre, ferme la porte à clé, et prie ton père en secret". Ce que Jean semblait dire dans ce récit, c'est que Jésus a manifesté sa présence parmi ses disciples lorsqu'ils étaient assemblés pour prier. Mais alors, que fait-il ? Il souffle son Esprit sur eux et dit « Recevez le Saint-Esprit. Comme mon Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie ». Dans le texte des Actes des Apôtres d'aujourd'hui, l'ange du Seigneur apparaît aux disciples lorsqu'ils sont derrière des portes fermées. Mais l'ange du Seigneur est-il distinct du Seigneur lui-même ? Et que fait-il ? Il leur dit : "Sortez maintenant... et prêchez au peuple au sujet de cette Vie".

    IMG-20200422-01655[1].jpgLes portes de la prière et de la solitude sont des portes tournantes. Elles séparent du monde au sens johannique du terme. Paradoxalement, les portes verrouillées sont une invitation au Seigneur à entrer. Mais, en même temps, il nous invite à sortir de nous-mêmes, vers nos frères et sœurs. Mais si nous sortons en Son nom, pour accomplir les services que nous sommes appelés à remplir, nous sommes toujours à l'intérieur et, en fait, la porte est toujours fermée.

    Dans notre Ordre monastique, nous célébrons aujourd’hui la mémoire de la bienheureuse Gabriella Sagheddu*, une moniale de la Trappe de Vitorchiano, en Italie, morte en 1939. Elle est connue comme l’apôtre de l’Unité des Églises chrétiennes pour laquelle elle donna sa vie.


    Armand Veilleux

    Moine trappiste, Abbaye Notre-Dame de Scourmont, Chimay (Belgique)
    Ses homélies en ligne

     

    Bhse Maria Gabriella Seghaddu.JPG* Maria Sagheddu est née en 1914 à Dorgali, en Sardaigne, dans une famille de bergers. Dès l'enfance, elle fait preuve d'un caractère affirmé. Elle appartient à un milieu catholique fervent. Jeune fille, elle est membre de l'Action catholique et consacre du temps au service des malades et des personnes âgées.

    À vingt-et-un ans, elle décide de s'orienter vers la vie religieuse et choisit d'entrer au monastère de Grottaferrata, de l'Ordre Cistercien de la Stricte Observance (les trappistes), le . Le monastère est alors de fondation récente et pauvre. Maria, qui a reçu comme nom de religion Maria Gabriella, craint de ne pas être admise à la profession (c'est-à-dire l'engagement monastique selon les trois vœux d'obéissance, de conversion de vie et de stabilité). Elle a en effet la critique et l'impatience faciles. Mais elle est acceptée par la communauté. Elle prend l'habit le , émet ses premiers vœux (pour trois ans) le , fête du Christ-Roi.

    L'Offerta 1-ptite.jpgLa communauté de Grottaferrata et son abbesse étaient très sensibles à la cause œcuménique : la réconciliation des chrétiens désunis. Maria Gabriella se sentit appelée à offrir sa vie pour l'unité des chrétiens. S'« offrir » ainsi, pour un chrétien, signifie aimer jusqu'au bout Dieu et ses frères. Le « jusqu'au bout » de Maria Gabriella fut rapide : atteinte de la tuberculose, elle mourut le , après quinze mois de souffrances et de tentatives infructueuses pour la guérir.

    Sœur Maria Gabriella a été béatifiée par Jean-Paul II le . Dans son encyclique Ut unum sint (Qu'ils soient un, pour l'unité des chrétiens) ce même pape dira : J'ai voulu proposer aux fidèles de l'Église catholique un modèle qui me paraît exemplaire, celui d'une sœur trappistine, Maria Gabriella de l'Unité, que j'ai proclamée bienheureuse le 25 janvier 1983. Sœur Maria Gabriella, appelée par sa vocation à être en dehors du monde, a consacré son existence à la méditation et à la prière centrées sur le chapitre 17 de l'Évangile selon saint Jean et elle a offert sa vie pour l'unité des chrétiens. Voilà ce qui est au centre de toute prière : l'offrande totale et sans réserve de la vie au Père, par le Fils, dans l'Esprit Saint. L'exemple de sœur Maria Gabriella nous instruit, il nous fait comprendre qu'il n'y a pas de moments, de situations ou de lieux particuliers pour prier pour l'unité Ut unum sint, §27).

    source: wikipedia


    Méditer
    source : Croire

    La  vie spirituelle de Maria Sagheddu nous enseigne trois choses : la première et la plus évidente, c'est la reconnaissance de la miséricorde que Dieu lui témoignait en lui demandant de lui appartenir totalement. La seconde, c'est son désir de répondre avec toute son énergie à la grâce : que s’achève en elle ce que le Seigneur a commencé. Enfin que s’accomplisse en elle la volonté de Dieu. C'est ainsi, nous rappelle-t-elle, que nous pouvons parvenir à la paix véritable. 


    É
    couter

    Psaume 18 “Ouvre mes yeux à tes merveilles” (Vêpres),
    extrait de Les Voix Cisterciennes (SM)

    saint pardoux,armand veilleux,trappiste,maria gabriella saghedu,sanctuaire naturel saint-pardoux,christ-roi,foi,christianisme,eucharistie,sacré cœur,sandrine treuillardPSAUME 18

    Les cieux proclament la gloire de Dieu,
    le firmament raconte l'ouvrage de ses mains.
    Le jour au jour en livre le récit
    et la nuit à la nuit en donne connaissance.

    Pas de paroles dans ce récit, pas de voix qui s'entende ;
    mais sur toute la terre en paraît le message
    et la nouvelle, aux limites du monde.

    Là, se trouve la demeure du soleil : +
    tel un époux, il paraît hors de sa tente,
    il s'élance en conquérant joyeux.

    Il paraît où commence le ciel, +
    il s'en va jusqu'où le ciel s'achève :
    rien n'échappe à son ardeur.

    La loi du Seigneur est parfaite, qui redonne vie ; *
    la charte du Seigneur est sûre, qui rend sages les simples.
    Les préceptes du Seigneur sont droits, ils réjouissent le cœur ; *
    le commandement du Seigneur est limpide, il clarifie le regard.

    La crainte qu'il inspire est pure, elle est là pour toujours ; *
    les décisions du Seigneur sont justes et vraiment équitables :
    plus désirables que l'or, qu'une masse d'or fin, *
    plus savoureuses que le miel qui coule des rayons.

    saint pardoux,armand veilleux,trappiste,maria gabriella saghedu,sanctuaire naturel saint-pardoux,christ-roi,foi,christianisme,eucharistie,sacré cœur,sandrine treuillardAussi ton serviteur en est illuminé ; +
    à les garder, il trouve son profit. *
    Qui peut discerner ses erreurs ?
    Purifie-moi de celles qui m'échappent.

    Préserve aussi ton serviteur de l'orgueil :
    qu'il n'ait sur moi aucune emprise. *
    Alors je serai sans reproche, pur d'un grand péché.

    Accueille les paroles de ma bouche,
    le murmure de mon cœur ; *
    qu'ils parviennent devant toi, Seigneur,
    mon rocher, mon défenseur !

    Les cieux proclament la gloire de Dieu,
    le firmament raconte l'ouvrage de ses mains.
    Le jour au jour en livre le récit
    et la nuit à la nuit en donne connaissance.

    Pas de paroles dans ce récit, pas de voix qui s'entende ;
    mais sur toute la terre en paraît le message
    et la nouvelle, aux limites du monde.

    Là, se trouve la demeure du soleil : +
    tel un époux, il paraît hors de sa tente,
    il s'élance en conquérant joyeux.

    Il paraît où commence le ciel, +
    il s'en va jusqu'où le ciel s'achève :
    rien n'échappe à son ardeur.

    saint pardoux,armand veilleux,trappiste,maria gabriella saghedu,sanctuaire naturel saint-pardoux,christ-roi,foi,christianisme,eucharistie,sacré cœur,sandrine treuillardLa loi du Seigneur est parfaite, qui redonne vie ; *
    la charte du Seigneur est sûre, qui rend sages les simples.
    Les préceptes du Seigneur sont droits, ils réjouissent le cœur ; *
    le commandement du Seigneur est limpide, il clarifie le regard.

    La crainte qu'il inspire est pure, elle est là pour toujours ; *
    les décisions du Seigneur sont justes et vraiment équitables :
    plus désirables que l'or, qu'une masse d'or fin, *
    plus savoureuses que le miel qui coule des rayons.

    Aussi ton serviteur en est illuminé ; +
    à les garder, il trouve son profit. *
    Qui peut discerner ses erreurs ?
    Purifie-moi de celles qui m'échappent.

    Préserve aussi ton serviteur de l'orgueil :
    qu'il n'ait sur moi aucune emprise. *
    Alors je serai sans reproche,
    pur d'un grand péché.

    Accueille les paroles de ma bouche,
    le murmure de mon cœur ; *
    qu'ils parviennent devant toi, Seigneur,
    mon rocher, mon défenseur !

     


    saint pardoux,armand veilleux,trappiste,maria gabriella saghedu,sanctuaire naturel saint-pardoux,christ-roi,foi,christianisme,eucharistie,sacré cœur,sandrine treuillardPrier
    avec sr Maria Gabriella Sagheddu


    Dans la simplicité de mon cœur,

    je T'offre tout avec joie, ô Seigneur.

    Tu as daigné m'appeler à Toi,
    et je viens à Tes pieds.

    En ce jour de Ta fête royale,
    Tu veux faire de moi,
    créature misérable, la reine.

    Je Te remercie avec toute l'effusion de l'âme,
    et en prononçant les saints vœux
    je m'abandonne entièrement à Toi.

    Ô Jésus
    fais que je puisse demeurer toujours fidèle à mes promesses
    et que je ne reprenne jamais
    ce que je Te donne en ce jour
    Viens et règne dans mon âme,
    tel un Roi d'amour.



    Photographies et vidéo à l'Île Saint-Pardoux, Sury-ès-Bois (Cher) ; "L'Offerta" (sculpture installée au Palazzo dei Papi di Viterbo - Italie, 1994) par Sandrine Treuillard.
    Sauf celle de Maria Gabriella Saghedu

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    Contemplation en Temps pascal - Île Saint-Pardoux

  • Le miroir du 'Merci Jésus' - L'expérience de la rencontre de Jésus - Homélie de Pâques à l'Île Saint-Pardoux

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    L'expérience de la rencontre de Jésus -
    Lecture de l'homélie d'Armand Veilleux à Saint-Pardoux

    Homélie pour le Samedi de l'Octave de Pâques 2020
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    18 avril 2020 – Samedi dans l’Octave de Pâques
    Ac 4, 13-21 ; Mc 16, 9-15

    IMG-20200418-01560.jpgCe passage de l’Évangile de Marc nous donne une description rapide et globale de la première évangélisation chrétienne, dans les jours qui suivent la résurrection de Jésus. Marc trace une distinction très nette entre ceux qui croient et ceux qui ne croient pas, entre ceux qui font une expérience personnelle de Jésus, et ceux pour qui ce qui leur est raconté par d’autres demeure quelque chose d’extérieur.

    Marie-Madeleine est la première à faire une expérience personnelle de la rencontre de Jésus ressuscité le matin de Pâques. Elle va tout de suite le raconter à tous les disciples de Jésus qui se trouvaient à Jérusalem, mais ils refusent de la croire. Puis Jésus se manifeste aux deux voyageurs allant à Emmaüs, qui s’en vont aussi le raconter aux Apôtres à Jérusalem, qui ne croient pas non plus. Enfin Jésus apparaîtra aux Onze, à la fin du récit, il leur reproche d’avoir eu un cœur dur qui n’a pas su croire. Puis il leur commande d’aller porter la bonne nouvelle qu’il est vivant à toute la création.

    IMG-20200418-01561.jpgDe ce passage de l’Évangile de Marc nous pouvons retenir que ceux qui ont fait l’expérience personnelle de la présence de Jésus vivant doivent l’annoncer aux autres. Ce que Jésus reproche ici à ses disciples ce n’est pas de ne pas avoir cru en Lui, mais précisément de ne pas avoir cru en l’expérience de ceux qui l’ont vu. Il y a en cela une leçon très importante concernant la transmission de la foi. La foi se transmet de personne à personne. Si nous avons la foi, c’est que nous l’avons reçue à travers une longue chaîne de témoins, dont chacun a rendu témoignage de son expérience. L’enseignement sur ce que nous appelons les « vérités de la foi » est important, bien sûr. Mais ce n’est pas à travers cet enseignement que se transmet la foi. Elle se transmet à travers le partage d’une expérience vécue.

    IMG-20200418-01564.jpgPar ailleurs il ne suffit pas d’entendre l’annonce de la foi, ou le partage d’une expérience de foi pour croire. Il faut faire en même temps l’expérience personnelle de la rencontre de Jésus. Ce qui empêche de faire cette rencontre, c’est la dureté du cœur, que Jésus reproche à ses disciples d’avoir. Un cœur dur est un cœur qui n’est pas pur, qui est divisé. Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.

    Demandons à Jésus de nous donner toujours un cœur pur qui nous rende possible de croire, c’est-à-dire de percevoir la présence continuelle de Jésus dans nos vies et aussi dans la vie de ceux qui nous entourent, surtout ceux et celles qui nous parlent de leur rencontre avec Jésus.

    Armand Veilleux
    Moine trappiste, Abbaye Notre-Dame de Scourmont, Chimay (Belgique)
    Ses homélies en ligne

     

    Le miroir du Merci Jésus à Saint-Pardoux

     

    Photographies et vidéos de l'Île Saint-Pardoux, Sury-ès-Bois (Cher) par Sandrine Treuillard.

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    Contemplation en Temps pascal - Île Saint-Pardoux

     

  • L’étreinte gravée corps et âme – une eucharistie

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    L’étreinte gravée en mon âme

    9 mai 2019            La tempête de cette nuit et les douleurs du zona m’éveillèrent avant 3h00, sonnée par l’antalgique. J’en repris un autre, et ne pus cependant me rendormir. J’étais traversée par un vent autre que la tempête, pourtant en synchronie avec elle. Si l’insomnie se révèle être une aventure intérieure pour celui qui la vit, il demeure cependant qu’elle nous enveloppe de sa tunique cosmique…

                Dans ce temps de latence de la nuit où la tempête grondait dehors, les gouttes de pluie fouettant le plastique au rebord de la fenêtre, en dedans j’eus d’intenses images et sensations, et dans la semi-veille ou bien le demi-sommeil, je ne sais plus à quel moment, entre deux rêves peut-être, je compris le sens du zona contracté le 1er mai.

     

    JesséDormant seul N-D Paris .jpg

               
    L’empreinte du zona

    Zona 1.jpg1er- 3 mai 2019    Pour ce qui est du zona, j’avais d’abord perçu durant les 3 premières nuits, une hyper-sensibilité de la peau, comme si j’avais eu de la fièvre, mais sans en avoir. Et le vendredi matin du 3 mai, je constatai l’apparition de plaques de boutons en divers endroits sur le haut du ventre, côté gauche, et la douleur plus aigüe au flanc gauche, comme si j’avais eu un point de côté, sous les côtes. Comme si une force venue de l’intérieur de mon corps s’achoppait contre mes côtes provoquant ce point (ou poing) de côté. Un coup permanent perçu de l’intérieur contre les côtes. L’hypersensibilité cutanée s’accrut. Les lésions commencèrent sous le plexus solaire et au-dessus du nombril et il me semble encore que la douleur la plus aigüe part de cette zone. Comme des flammèches à l’intérieur qui lècheraient la peau d’où naissent ces boutons en grappes. Mais, contre tout attente, les douleurs les plus vives ne sont pas perçues là où ont issi les boutons. C’est bien en le flanc gauche, sous les côtes, que la douleur persiste. Comme si les flammèches partaient des zones visiblement affectées, provoquant la douleur plus haut, invisible, au niveau des côtes. Le ruban des rougeurs boutonneuses se dédouble et monte en spirale le long du buste jusque dans le dos, se terminant plus haut, sur la colonne vertébrale.

    Zona 2.jpgQuand je vis le docteur le vendredi 3 mai, elle me demanda si j’avais eu un choc émotionnel, dernièrement. Le virus de la varicelle se manifestant en zona chez l’adulte peut avoir une cause émotionnelle.

     

     

     

    Le labyrinthe de la cathédrale de Chartres

    eucharistie, sacré cœur, sandrine treuillard, prêtre, incendie, notre-dame de paris, cathédrale de chartres, labyrinthe, zona28 avril 2019      Le dimanche précédent le 1er mai était celui de la Divine Miséricorde, second dimanche après Pâques. J’étais allée en pèlerinage à Chartres avec le GAIC (Groupe d’Amitié Islamo-Chrétienne). Nous avons passé une petite heure dans la cathédrale avec Capucine, une guide-conférencière qui nous a parlé du labyrinthe. Le quart inférieur droit avait été découvert des chaises qui, normalement, sont installées sur le dessin au sol. Le labyrinthe est un cheminement initiatique à parcourir dans un but spirituel, intérieur. Tous les vendredis, les pèlerins peuvent expérimenter ce parcours en marchant sur les dalles du labyrinthe. Capucine m’a appris que, si l’on fait tomber virtuellement la grande rosace du portail ouest au sol, le centre de la rosace tombe exactement sur celui du labyrinthe. Et, si l’on faisait tomber le petit vitrail nord aux 6 dons de l’Esprit avec Notre-Dame assise sur un trône, le vitrail tomberait exactement au centre du labyrinthe. Ce que j’ai traduit ainsi : le « squelette » du bâtiment est en rapport exact avec l’intérieur représenté ici au sol, avec le labyrinthe. Et d’intérieur représenté par le labyrinthe, l’association se poursuivit jusqu’à l’intériorité. Le « squelette » de pierre du bâtiment spirituel qu’est la cathédrale Notre-Dame de Chartres est en rapport intime avec l’intériorité de tout visiteur qui la visite, et expérimente la voie du labyrinthe.

     

    L’incendie de Notre-Dame

    Rosace en feu NDP.jpg19-20 avril 2019  Durant la nuit de l’incendie de la cathédrale de Paris, après être restée devant BFMTV depuis 19h30, couchée à minuit et ne parvenant pas à dormir, je me relevai avec l’impérieux et puissant besoin de revenir à l’événement qui marqua profondément mon parcours spirituel, du 21 juin 2015. Je publiai cette nuit du 15 au 16 avril 2019 des Lundi et Mardi saints, les notes de mon journal spirituel affairant à cet événement et j’intitulai ma publication : La sainte Couronne d'épines à Notre-Dame de Paris, le 21 juin 2015 — Lundi saint 2019.

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    Après cette publication nocturne, je fis un tour sur Twitter et écrivis ce tweet avec le lien au texte que je venais de mettre en forme sur mon blog. Vaillamment, j’écrivis : « Ce que nous avons vécu avec/en la cathédrale Notre-Dame de Paris la maintiendra vivante. Nous sommes les pierres vivantes de l'Édifice. Cette expérience contée là est le témoignage d'un tournant sur mon chemin spirituel. » Je dis ‘vaillamment’, car dans la violence de l’incendie je refoulais presqu’immédiatement l’événement si douloureux en ‘le recouvrant’ d’un autre événement passé qui remonta à la surface au point de vouloir le rendre public, grâce à l’incendie de Notre-Dame qui n’était pas encore éteint.


    Entrailles DDP en feu.jpgLe matin du Mardi saint, je reçu un sms de ma sœur Delphine, sous forme de sortes de condoléances, me faisant part de son cœur désolé devant le feu de Notre-Dame. Elle ajouta que mon cœur devait être dans un état pire que le sien. Je n’eus alors la force de lui répondre que ceci : « En charpie… » Mon corps était complètement déglingué et j’eux une forte crise de larmes.

     

     

     

     

     

    La flamme chrétienne 

    VitrauxArbreJessé N-D PAris.jpgJ’eus cependant la conscience, quasi instantanée avec l’incendie, que nous sommes les pierres vivantes de l’édifice qui, lui, brûlait. Et que la mémoire des événements que nous avons vécus dans la cathédrale aurait toujours raison des flammes. En cette Semaine sainte, très vite, le sens de la purification du chemin de Croix, avant le Vendredi saint de la Passion et le dimanche de la Résurrection, sublimait la destruction matérielle. Même si le vitrail relatant, dans ses couleurs flamboyantes, la généalogie du Christ depuis la racine de Jessé aurait/a été détruit (à ce jour, je n’en sais toujours rien…[i]), notre foi vivante de chrétiens continuerait à dresser la racine de Jessé comme un étendard pour les peuples, les nations la chercheront (encore), et la gloire sera (toujours) sa demeure” (Isaïe 1,10). Même sans toiture, la cathédrale reste la demeure de Dieu ! Même abîmée, Notre-Dame reste la Mère de Tendresse, debout au pied de la Croix, dans le chœur de l’Édifice. Même fendues, ses pierres sont habitées du souffle de l’Esprit qui la relève.

                C’est bien ce qui m’arriva cette nuit-là : exhumant les notes de mon journal spirituel du 21 juin 2015, je fis part publiquement de mon témoignage la nuit du Lundi au Mardi saints 2019.

     

    Du baiser à la sainte Plaie au zona

    eucharistie, sacré cœur, sandrine treuillard, prêtre, incendie, notre-dame de paris, cathédrale de chartres, labyrinthe, zona23 avril-1er mai Toutefois, l’émotion foudroyante de l’incendie — dont rend excellemment compte, pour moi, l’image prise par un drone du transept en flammes, la Croix incandescente — se rappela à moi, en mon corps, par le zona qui se localisa plus précisément en mon flanc gauche. Comme si les flammes de la nuit du Lundi au Mardi saints étaient venues, de l’intérieur, lécher mon côté 10 jours plus tard. Ce qu’on appelle une émotion différée… Le symptôme différé d’une émotion passée. Dans un zona, ce sont les terminaisons nerveuses qui sont enflammées, donnant naissance à des irruptions cutanées localisées. À ma mesure, je revivais l’incendie dans mon corps qui se manifesta comme une autre Passion du Christ, ne pouvant pas oublier la plaie du Côté du Christ embrassée le Vendredi saint, au soir où nous célébrions sa Passion et vénérions la sainte Croix. Comme si j’avais aspiré son Esprit transmis par le baiser donné à la sainte Plaie. Comme si son Esprit avait incubé 7 jours en moi (du vendredi 23 avril au 1er mai) où il commença à me brûler de l’intérieur, telle une fièvre en latence contre la peau de mon flanc, qui se manifesta en zona le vendredi 3 mai.

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    Jehanne Sandrine du SC & de la SE.jpg

     

    Sandrine Treuillard
    Jehanne Sandrine du Sacré Cœur & de la Sainte Eucharistie
    en la fête de Notre-Dame du Saint-Sacrement
    le 13 mai 2019
    Vanves

     

     

     

    [i] J’ai appris par la suite que les flammes avaient épargné les vitraux de la nef et du transept. Ils ont été démontés et nettoyés, déposés en lieu sûr.

    Les images :

    - 2 détails du vitrail de la cathédrale Notre-Dame de Paris : L'arbre de Jessé et la baie gothique complète.

    - 2 photos du zona, Sandrine Treuillard

    - Le labyrinthe de la cathédrale de Chartres

    - 2 photos de l'incendie de Notre-Dame de Paris, Nuit du 15-26 avril 2019, et celle du drone.

    - Un vidéogramme de la vidéo Mon âme s'élance, Sandrine Treuillard 

  • Célébration annuelle de “l’unité plurale des artisans de Paix” - dimanche 26 janvier 2020

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    Logo Artisans de Paix.jpgCette célébration de l’unité plurale des Artisans de Paix est le fruit de l’histoire sainte des Artisans de Paix. Elle fait mémoire chaque année, depuis 2003, du retour à Dieu de Madeleine Frapier, la nuit du 25 au 26 janvier 2002, vingt ans jour pour jour après la nuit de feu de Paula Kasparian, du 25 au 26 janvier 1982. Se signifiant ainsi comme un Appel à vivre à la frontière des religions, des sciences et des nations, au lieu de surgissement de la Parole dans le corps de l’homme, de la femme et du cosmos, lieu-dit du « Toucher de l’Esprit » qui rallie aujourd’hui les Artisans de Paix.

    Cette célébration a pris cette forme d’expression symbolique de la Jérusalem céleste après le séminaire 2010-2011 sur La Cité de Paix – Entrer dans les sept demeures spirituelles des Artisans de Paix, lors de la première célébration du 25 janvier 2011, présidée par le Père François Marty sj, dans la communauté jésuite de Vanves.

    Elle s’est enrichie du très beau drame biblique de Jacques Cusset (Père Blanc), Jérusalem – Mère des peuples après le pèlerinage interreligieux des Artisans de Paix à Jérusalem, en 2012. La suite de ces célébrations n’a cessé de mûrir et de s’approfondir d’année en année : Artisans de Paix : Fête de l'Unité plurale

    Cette année, les lectures choisies sont les textes-clés du Livre des Grâces de Paula Kasparian.

    Il se trouve que la date de cette célébration l’inscrit dans l’histoire de l’Église avec la célébration de l’illumination de Saül de Tarse (saint Paul), sur le chemin de Damas, qui clôture tous les ans la semaine de prière des chrétiens pour l’unité ; avec la convocation de Vatican II par saint Jean XXIII, le 25 janvier 1959 ; et avec celle du rassemblement d’Assise par saint Jean-Paul II, le 25 janvier 1986.

    Paula Kasparian, présidente d'Artisans de Paix

    Logo Fraternités AdP.jpg

    Déroulé de la Célébration eucharistique catholique
    organisée par la Fraternité Eucharistique des Artisans de Paix
    En présence d’amis(es) de différentes religions

     Dimanche 26 JANVIER 2020
    15 h 30 – 18 h 30
    ORATOIRE DU COUVENT DOMINICAIN SAINT-JACQUES
    20  rue des Tanneries - 75013 Paris (M° Glacière)

    La célébration sera présidée par le Père Prof. Hon. Jean-Paul Durand op, frère Prêcheur. Tous les Artisans de Paix - Juifs, Chrétiens, Musulmans, Bouddhistes ou autres – sont invités à être présents à ce culte catholique romain, où chacun (e) pourra exprimer des gestes de fraternité et de respect mutuels. 

    Dans la suite de l’hospitalité divine qui s’invite elle-même chez Abraham sous des formes qui lui sont inconnues, cette hospitalité où des catholiques d’Artisans de Paix et le fondateur d’AIDOP accueillent des amis(ies) d’autres traditions religieuses, est un signe de la marche des Artisans de Paix vers la Jérusalem céleste où chacun(e) est appelé(e) à être bénédiction pour autrui. Nous poserons des gestes qui le signifient.

     

    LITURGIE DES ARTISANS DE PAIX DU 26 JANVIER 2020

    - Sont surlignés en jaune, les gestes posés par les invités d’autres religions.
    - En turquoise, ce qui est chanté par notre chantre, Sandrine Treuillard.
    - En vert, la lecture d’Isaïe 62, 6-7 par Richard Zeitoun.
    - En violine, la 2nde lecture proclamée par Geneviève Penchenat.
    - En gris, les prières, la proclamation de l’Évangile et l’homélie donnée par le célébrant, ainsi que différents gestes spécifiques du célébrant.

     

    1/ Chant d’entrée : « À l’Agneau de Dieu »

    Pendant le chant, sur invitation du célébrant, les personnes de différentes traditions qui liront le chapitre 21 de l’Apocalypse de Jean, se placent derrière l’autel. En cette chapelle catholique, le Peuple de Dieu en Jésus Christ accueille d’autres Peuples et des Individualités, qui sont autant de signes de l’amour divin.

    1 - Élevé à la droite de Dieu,
    Couronné de mille couronnes,
    Tu resplendis comme un soleil radieux,
    Les êtres crient autour de ton trône,

    R/ À l’Agneau de Dieu soit la gloire,
    À l’Agneau de Dieu, la victoire,
    À l’Agneau de Dieu soit le règne,
    Pour tous les siècles, Amen.

    2 - L’Esprit-Saint et l’épouse fidèle,
    Disent : “viens”, c’est leur cœur qui appelle ;
    Viens, ô Jésus, toi l’époux bien-aimé,
    Tous tes élus ne cessent de chanter : R/

    3 - Tous les peuples et toutes les nations,
    D’un seul cœur, avec les milliers d’anges,
    Entonneront en l’honneur de son nom,
    Ce chant de gloire avec force et louange : R/

    Prière d’ouverture

    Seigneur, ravive ton Eglise au Souffle de ton Esprit : qu’elle avance dans l’amour de la Vérité, et travaille d’un cœur généreux à l’unité de tous les chrétiens et au rassemblement du monde dans ta Paix/ Par Jésus-Christ notre Seigneur qui vit et règne avec Toi dans l’Unité du Saint Esprit, pour les siècles des siècles. Amen

    2/ Lecture du chapitre 21 de l’Apocalypse :

    Derrière l’autel, en signe de ce qui nous est donné de vivre en tant que rencontre de Peuples, rencontre par la béatitude notamment des Artisans de Paix ; béatitude respectant et transcendant les frontières des peuples et des religions ; béatitude et rencontres avec le soutien desquelles nous nous reconnaissons des frères et des sœurs en humanité :

    Frères et sœurs lecteurs ou lectrices, pour lire, se tiendront successivement face à l’assemblée : Mesdames et Messieurs Paula Kasparian, Richard Zeitoun, Jean-Luc Castel. Geneviève Penchenat, Jean-Claude Gaubert, Karim Ifrak, Sandrine Treuillard. Ils liront Apocalypse 21,1-11. Celui qui parle s’avance vers l’autel où se trouve le Livre, puis laisse la place à un autre.

    Lecture de l’Apocalypse 21, 1-11

    1/ Paula Kasparian : versets 1-2 : 1Alors je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle. Car le premier ciel et la première terre ont disparu et la mer n’est plus. 2Et la Cité Sainte, la Jérusalem nouvelle, je la vis qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu, comme une épouse qui s’est parée pour son époux.

    2/ Richard Zeitoun (juif) : 3Et j’entendis, venant du trône, une voix forte qui disait : Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Il demeurera avec eux. Ils seront ses peuples et Lui sera le Dieu qui est avec eux. 4Il essuiera toute larme de leurs yeux. La mort ne sera plus. Il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni souffrance, car le monde ancien a disparu.

    3/ Jean-Luc Castel (bouddhiste) : 5Et celui qui siège sur le trône dit : Voici que je fais toutes choses nouvelles ! Puis il dit : Écris : Ces paroles sont certaines et véridiques.

    4/ Geneviève Penchenat (catholique) : 6Et il me dit : C’en est fait. Je suis l’Alpha et l’Oméga, le Commencement et la Fin… À celui qui a soif, je donnerai de la source d’eau vive gratuitement. 7Le vainqueur recevra l’héritage, et je serai son Dieu et lui, sera mon fils.

    5/ Jean-Claude Gaubert (bouddhiste) : 8Quant aux lâches, aux infidèles, aux dépravés, aux meurtriers, aux impudiques, aux magiciens, aux idolâtres et à tous les menteurs, leur part se trouve dans l’étang embrasé de feu et de soufre : c’est la seconde mort.

    6/ Karim Ifrak (musulman) : 9Alors, l’un des sept anges qui tenaient les sept coupes pleines des sept derniers fléaux vint m’adresser la parole et me dit : ‘Viens, je te montrerai la fiancée, l’épouse de l’agneau.

    7/ Sandrine Treuillard (catholique): 10Il me transporta en esprit sur une grande et haute montagne, et il me montra la cité sainte qui descendait du ciel d’auprès de Dieu. 11Elle brillait de la gloire même de Dieu.

    3/ Accueil par le prêtre catholique Jean-Paul Durand op et par la Présidente (catholique) d’Artisans de Paix Madame Paula Kasparian qui nous rappellent que cette hospitalité n’est pas de notre propre initiative, mais de l’initiative de Dieu qui s’invite chez nous, en prenant des formes inédites pour nous.

    Notre initiative propre est seulement d’ASPIRER au don de Dieu. C’est cette ASPIRATION propre à la vie du SOUFFLE qui nous ouvre à Sa PRÉSENCE, celle du SOUFFLE qui n’est pas notre souffle mais le devient au jour le jour, au fur et à mesure que nous lui donnons corps avec les encouragements des FRATERNITÉS ARTISANS DE PAIX. Mystère de l’inaccompli en marche vers l’accomplissement (la sanctification), en s’appuyant les uns sur les autres avec la diversité des traditions religieuses représentées parmi nous.

    Cette année, la date de la célébration de « l’Unité Plurale des Artisans de Paix » coïncide avec la solennité du « Dimanche de la Parole de Dieu » instituée par le Pape François. Nous marquerons cette coïncidence en choisissant des Lectures de la Parole de Dieu qui annoncent, de fait, cette Unité Plurale attestée par le Chemin des Artisans de Paix tel qu’il prend corps parmi nous, aujourd’hui.

    4/ Prière pénitentielle Kyrie Eleison (Messe de Saint Boniface)

    5/ Gloria (Messe de saint Vincent de Paul, musique de Cambourian)

    6/ Lecture du Prophète Isaïe 55,10-11, proclamée par Elzbieta Amsler en hébreu et Richard Zeitoun en français.

    Isaïe 55,10-11

    La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer, donnant la semence au semeur et le pain à celui qui doit manger ; ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce qui me plaît, sans avoir accompli sa mission.

    7/ Psaume 84 (85) psalmodié

    Psaume fondateur pour les Artisans de Paix : il énonce la conjonction de l’amour et de la vérité, de la justice et de la paix, qui lorsqu’elle se présente dans un cœur humain, fait venir au monde des Artisans de Paix, quelle que soit leur religion - Rapport Moral 2016 :

    « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent ;
    La vérité germera de la terre et du ciel se penchera la justice.
    Le Seigneur donnera ses bienfaits, et notre terre donnera son fruit.
    La justice marchera devant lui, et ses pas traceront le chemin. »

    Psaume 84.jpg 

     

     

     

    R/ Fais-nous voir, Seigneur, ton amour,
    Que nous soit donné ton salut




    Tu as aimé, Seigneur, cette terre,
    Tu as fait revenir les déportés de Jacob ;
    Tu as ôté le péché de ton peuple,
    Tu as couvert toute sa faute ;
    Tu as mis fin à toutes tes colères,
    Tu es revenu de ta grande fureur.   R
    /

                                 *

    Fais-nous revenir, Dieu, notre salut,
    Oublie ton ressentiment contre nous.
    Seras-tu toujours irrité contre nous,
    Maintiendras-tu ta colère d'âge en âge ?

    N'est-ce pas toi qui reviendras nous faire vivre
    Et qui seras la joie de ton peuple ?
    Fais-nous voir, Seigneur, ton amour,
    Et donne-nous ton salut.   R/

                                 *

    J'écoute : que dira le Seigneur Dieu ?
    Ce qu'il dit, c'est la paix pour son peuple.
    Son salut est proche de ceux qui le craignent,
    Et la gloire habitera notre terre.

    Amour et vérité se rencontrent,
    Justice et paix s'embrassent ;
    La vérité germera de la terre
    Et du ciel se penchera la justice.

    Le Seigneur donnera ses bienfaits,
    Et notre terre donnera son fruit.
    La justice marchera devant lui,
    Et ses pas traceront le chemin.   R/

                                 *

    8/ Actes des Apôtres 25,26-27 et 26,1-21, lecture proclamée par Geneviève Penchenat.

    Nous lisons chaque année un récit de l’illumination de Saül de Tarse (saint Paul) sur le chemin de Damas, choisi dans les Actes des Apôtres : Actes 9,1-22 ; 21,37-40 et 22,1-24 ; 25,26-27 et 26,1-21.

    Nous choisissons cette année le 3ème récit où Paul parle devant Agrippa : il fait paraître en même temps que l’élection irrévocable d’Israël, le chemin de fructification de cette élection pour l’humanité entière.

    Sur le chemin de Damas, Saül de Tarse est ébloui par une lumière venant du ciel et s’adressant à lui en langue hébraïque. C’est la pédagogie de Dieu (que l’on retrouve dans l’Evangile de la Cananéenne lorsque Jésus dit : « Je n’ai été envoyé (d’abord) qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël ») : la manifestation du salut de Dieu commence par l’élection d’Israël à travers laquelle tous reconnaîtront la puissance salvatrice de Dieu. C’est le même principe que ce qui est dit dans le chapitre 12 de la Genèse : par Abraham se béniront toutes les nations de la terre.

    Sur le chemin de Damas, Saül de Tarse réalise que l’élection du peuple issu d’Israël se récapitule en l’homme Jésus, et en lui, chacun de nous issu des nations. Ce qu’il réalise, c’est l’unicité de Dieu qui se manifeste par un acte unique d’élection destiné à tous, chacun occupant la place unique qui est la sienne.

    La Parole de Dieu au peuple hébreu (l’élection) ne retournera pas au Lieu dont elle provient sans avoir porté ses fruits (cf. Is 55,10-11) ; les fruits passeront par le partage du don de Dieu avec les nations, dans l’unité plurale des Artisans de Paix ; il en est de même pour nous, Chrétiens, et pour chacun de nous, artisan de paix, quelle que soit notre confession.

    Actes des Apôtres 25,26-27 et 26,1-21

    « Je n’ai rien de précis à écrire sur son compte au seigneur l’empereur ; c’est pourquoi je l’ai fait comparaître devant vous, et surtout devant toi, roi Agrippa, afin qu’après cette audience j’aie quelque chose à écrire. En effet, il ne me semble pas raisonnable d’envoyer un prisonnier sans signifier les charges retenues contre lui. »

    Alors Agrippa s’adressa à Paul : « Tu es autorisé à plaider ta cause. » Après avoir levé la main, Paul présenta sa défense :

    « Sur tous les points dont je suis accusé par les Juifs, je m’estime heureux, roi Agrippa, d’avoir à présenter ma défense aujourd’hui devant toi, d’autant plus que tu es un connaisseur de toutes les coutumes des Juifs et de tous leurs débats. Voilà pourquoi je te prie de m’écouter avec patience.

    Ce qu’a été ma vie depuis ma jeunesse, comment dès le début j’ai vécu parmi mon peuple et à Jérusalem, cela, tous les Juifs le savent. Ils me connaissent depuis longtemps, et ils témoigneront, s’ils le veulent bien, que j’ai vécu en pharisien, c’est-à-dire dans le groupe le plus strict quant à notre pratique religieuse.

    Et maintenant, si je suis là en jugement, c’est parce que je mets mon espérance en la promesse faite par Dieu à nos pères, promesse dont nos douze tribus espèrent l’accomplissement, elles qui rendent un culte à Dieu jour et nuit avec persévérance. C’est pour cette espérance, ô roi, que je suis accusé par les Juifs.

    Pourquoi, chez vous, juge-t-on incroyable que Dieu ressuscite les morts ?

    Pour moi, j’ai pensé qu’il fallait combattre très activement le nom de Jésus le Nazaréen. C’est ce que j’ai fait à Jérusalem : j’ai moi-même emprisonné beaucoup de fidèles, en vertu des pouvoirs reçus des grands prêtres ; et quand on les mettait à mort, j’avais apporté mon suffrage. Souvent, je passais de synagogue en synagogue et je les forçais à blasphémer en leur faisant subir des sévices ; au comble de la fureur, je les persécutais jusque dans les villes hors de Judée.

    C’est ainsi que j’allais à Damas muni d’un pouvoir et d’une procuration des grands prêtres ; en plein midi, sur la route, ô roi, j’ai vu, venant du ciel, une lumière plus éclatante que le soleil, qui m’enveloppa, moi et ceux qui m’accompagnaient. Tous, nous sommes tombés à terre, et j’ai entendu une voix qui me disait en araméen : “Saul, Saul, pourquoi me persécuter ? Il est dur pour toi de résister à l’aiguillon.” Et moi je dis : “Qui es-tu, Seigneur ?” Le Seigneur répondit : “Je suis Jésus, celui que tu persécutes. Mais relève-toi, et tiens-toi debout ; voici pourquoi je te suis apparu : c’est pour te destiner à être serviteur et témoin de ce moment où tu m’as vu, et des moments où je t’apparaîtrai encore, pour te délivrer de ton peuple et des non-Juifs. Moi, je t’envoie vers eux, pour leur ouvrir les yeux, pour les ramener des ténèbres vers la lumière et du pouvoir de Satan vers Dieu, afin qu’ils reçoivent, par la foi en moi, le pardon des péchés et une part d’héritage avec ceux qui ont été sanctifiés.”

    Dès lors, roi Agrippa, je n’ai pas désobéi à cette vision céleste, mais j’ai parlé d’abord aux gens de Damas et à ceux de Jérusalem, puis à tout le pays de Judée et aux nations païennes ; je les exhortais à se convertir et à se tourner vers Dieu, en adoptant un comportement accordé à leur conversion.

    Voilà pourquoi les Juifs se sont emparés de moi dans le Temple, pour essayer d’en finir avec moi.

    9/ Acclamation de l’Évangile Alleluia (Messe de saint Boniface)

    « Elle est vivante, la Parole de Dieu, énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants ; elle va jusqu’au point de partage de l’âme et de l’esprit, des jointures et des moelles ; elle juge des intentions et des pensées du cœur. »

    Reprise de l’acclamation.

    10/ Proclamation de l’Évangile de la Syro-phénicienne : Marc 7, 24-30 ou Mt 15, 21-28

    L’enjeu sera de manifester la Parole de Dieu avec laquelle se révèle la vocation des Artisans de Paix de demeurer à la Racine du Souffle, comme le fait la syro-phénicienne, dans la ligne narrative de 1Rois17 du cycle d’Elie (la résurrection du fils de la veuve de Sarepta qui a tout donné à Elie). Dans l’Un et l’Autre Testament, il y a à Tyr et à Sidon (région de Sarepta) des pierres d’attente de la résurrection. Sans doute n’est-ce pas l’effet du hasard mais bien plutôt une fructification de la Parole de Dieu, le fait qu’un groupe Artisans de Paix soit né dans la région de Tyr au Sud-Liban.

    La syro-phénicienne connaît avec son cœur Celui qui est venu « faire miséricorde » et s’adresse à lui de tout son être : « Seigneur prends pitié » dit-elle. Et elle s’acharne dans la prière : elle veut bien être assimilée à un petit chien qui mange les miettes qui tombent de la table des enfants d’Israël pour qui Jésus annonce qu’il est venu, pourvu que sa fille soit sauvée. Jésus lui dit alors que sa foi est grande et que sa fille est sauvée.

    Elle est grande en effet la foi de cette femme qui accepte d’entrer avec humilité dans la pédagogie de Dieu : elle accepte qu’Israël soit le premier à qui Jésus manifeste la vérité sur la miséricorde de Dieu. Libre de tout attribut, la volonté de cette femme correspond à celle de Dieu pour elle, à la place qui est la sienne : elle veut ce que Dieu veut. Or Dieu attend l’heure de faire miséricorde à l’humanité entière (Isaïe 30,18), comme cela a été annoncé dans le cycle d’Elie en 1Rois17.

    C’est à l’occasion de la rencontre entre Jésus et la foi de la syro-phénicienne, que se révèle l’extension de l’élection d’Israël à celles et ceux qui réalisent cet acte de foi. Par cet acte d’immense confiance, d’acharnement dans la prière (comme Jacob qui ne lâche pas l’Ange du Seigneur tant qu’il ne l’a pas béni, Genèse 32,23-32) et d’humilité, la syro-phénicienne est dans la juste disposition de l’âme : celle de la foi devenue apte à accueillir la révélation de YHWH au Sinaï, le nom imprononçable de Dieu (« Je serai qui je serai »), à la Racine du Souffle. C’est dans cet acte de foi libre, que les Artisans de Paix sont appelés à demeurer à la Racine du Souffle.

    Marc 7, 24-30

    24 En partant de là, Jésus se rendit dans le territoire de Tyr. Il était entré dans une maison, et il ne voulait pas qu’on le sache. Mais il ne put rester inaperçu : 25 une femme entendit aussitôt parler de lui ; elle avait une petite fille possédée par un esprit impur ; elle vint se jeter à ses pieds. 26 Cette femme était païenne, syro-phénicienne de naissance, et elle lui demandait d’expulser le démon hors de sa fille. 27 Il lui disait : « Laisse d’abord les enfants se rassasier, car il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens. » 28 Mais elle lui répliqua : « Seigneur, les petits chiens, sous la table, mangent bien les miettes des petits enfants ! » Alors il lui dit : 29 « À cause de cette parole, va : le démon est sorti de ta fille. »

    30 Elle rentra à la maison, et elle trouva l’enfant étendue sur le lit : le démon était sorti d’elle.

    11/ Acclamons la Parole de Dieu - Louange à Toi, Seigneur Jésus !

    12/ Homélie sur l’ensemble des textes du jour, par le célébrant, p. Jean-Paul Durand op.

    13/ Prières et expressions universelles scandées par le chant de Taizé : « Ubi Caritas et Amor, Deus ibi est » lancé par le célébrant, repris par Sandrine Treuillard et l’assemblée.

    Des temps de silence permettront de libres expressions brèves : d’une part aux catholiques et autres chrétiens d’adresser leurs prières à la Sainte Trinité ; d’autre part aux membres des diverses traditions religieuses d’exprimer une pensée ou remarque personnelle à vocation universelle.

    14/ Conclusion de ces prières et expressions universelles : chant « Seigneur écoute-nous, Seigneur exauce-nous. » J. S. Bach.

    15/ Procession des offrandes sur le chant de Taizé « Ubi caritas et amor » Entonné par le célébrant, repris par Sandrine Treuillard et par l’assemblée :

    Sandrine Treuillard et Paula Kasparian portent le pain et le vin vers l’autel, accompagnées d’une personne juive, Richard Zeitoun, qui porte une Menora avec 7 bougies et les pose devant l’autel, et de Karim Ifrak qui porte une calligraphie ou un autre objet symbolique de sa tradition, suivis par nos amis bouddhistes, Jean-Luc Castel et Jean-Claude Gaubert qui portent un objet représentatif de leur tradition.

    Ensemble, ils symbolisent l’alliance entre les peuples et l’alliance cosmique à laquelle participent nos amis bouddhistes, authentiques Fraternités Artisans de Paix transcendant les frontières des peuples et des religions, démarche plurielle qui rencontre la fraternité eucharistique catholique.

    Prière sur les offrandes : Par l’unique sacrifice de Jésus, ton Fils bien-aimé, tu t’es acquis, Père très bon, un peuple de fils ; à nous qui sommes ton Eglise en ce monde, accorde l’Unité et la Paix / Par Jésus…

    Préface : Vraiment, il est juste et bon de te rendre gloire, de t’offrir notre action de grâce, toujours et en tout lieu, à toi, Père très saint, Dieu éternel et tout-puissant, par le Christ, notre Seigneur……Par lui, tu nous conduis à la connaissance de ta Vérité, nous appelant à devenir son Corps, grâce à la même foi et par un seul baptême.   Par lui, tu répands ton Esprit Saint sur tous les peuples du monde, l’Esprit qui met en œuvre ses dons les plus divers et qui réalise l’Unité.     Il habite le cœur de tes fils, il remplit l’Eglise tout entière, il ne cesse de la guider….C’est pourquoi, avec les anges et tous les saints, nous proclamons ta gloire en chantant d’une seule voix :

    16/ Sanctus Sanctus (Messe de saint Boniface)

    17/ Anamnèse

    18/ Consécration eucharistique du Pain et du Vin en Corps et Sang du Christ.  

    19/ Pour introduire la prière chrétienne du « Notre Père », explication de « que ton Règne vienne… » par le célébrant Jean-Paul Durand op.

    20/ Geste de paix offert par le célébrant ; les autres traditions invitent, elles-aussi, par une parole, les participants à se donner la paix. Chacun partage la paix, en prenant le temps de rencontrer l’autre.

    21/ Agneau de Dieu Agnus Dei (Messe de saint Boniface)

    22/ / Communion eucharistique, aux catholiques qui le désirent ; avec bénédiction (imposition des mains) donnée par le célébrant aux baptisés(ées) non catholiques désireux de la recevoir ; Les non baptisés peuvent s’approcher la main sur le cœur pour une salutation réciproque (comme se saluent les bouddhistes et les musulmans).

    23/ « Dans ta main sûre et tranquille » chant de communion.

    Dans ta main sûre et tranquille 
    Nous reposons 
    Comme un oiseau au creux du rocher, 
    Car tes pensées 
    Sont au-delà de nos pensées, 
    Ta miséricorde nous conduit 
    Tant que dure pour nous 
    Ton aujourd’hui.

    Fin : Dans ta main sûre et tranquille 
    Nous reposons.

    Prière après la communion : Répands en nous, Seigneur, ton Esprit de Charité : par la grâce du sacrifice que nous avons offert, rassemble dans un même amour tous ceux qui croient en toi, Par Jésus...

    24/ Envoi, puis clôture par « Jérusalem, mère des peuples », texte composé par Jacques Cusset.

    • S’agissant de la lecture à 2 voix, le père J-P Durand interprétera le prophète et Paula la voix off
    • Richard Zeitoun aura prévu les 7 bougies qui iront sur la Ménorah et le père Durand aura apporté un briquet.
    • Les personnes qui auront lu un verset de l’Apocalypse à l’ouverture de la célébration (sauf Paula affectée à la lecture), ainsi qu’une autre personne allumeront successivement une bougie, au cours de la lecture de chaque strophe du texte final d’Isaïe, rythmant ainsi le texte par l’allumage d’une lumière.

    La lecture est accompagnée, en staccato, ponctuellement (si on a un instrument de musique).

    Jérusalem, Mère des Peuples !
    Drame musical biblique avec accompagnement musical si possible.

    Lecture faite par le célébrant (le prophète) et Paula (voix off)

    « Adonaï sera Roi sur toute la terre ; en ce Jour-là, Adonaï sera unique, et son Nom Unique. » (Zacharie 14,9)

    « Il parle de toi pour ta gloire, Cité de Dieu ! De Sion l’on dira :’Tout homme y est né’. » (Psaume 87)

    « Quand il fut proche, à la vue de la Ville, il pleura sur elle en disant :’Ah ! Si en ce Jour tu avais compris, toi aussi, le Message de Paix !’ » (Luc 19,41)

     « Puis je vis la Cité sainte, la Jérusalem nouvelle, qui descendait du Ciel, de chez Dieu, belle comme une mariée parée pour son Epoux » (Apocalypse 21,2) 

    (Fond musical exprimant, sur une note scandée, en staccato et crescendo…)

    Le prophète

    Jérusalem ! La Cité Sainte !
    Jérusalem ! La Qadisha !
    Jérusalem ! El Quds !
    Jérusalem de l’An 2020 !
    Festivités pour le temps qui passe !
    Festivités pour rappeler que la Naissance
    la Vie d’un certain Jésus de Nazareth !
    a marqué, de façon indélébile, le Temps de notre Histoire
    de son empreinte divine !
    Jésus n’appartient pas aux chrétiens seulement !
    Ce Jésus appartient à toute notre Famille humaine,
    Parce qu’il est… de Dieu.

    (Reprendre la note musicale en staccato, résonnante, avec cymbales…)

    Le prophète

    … À la vue de la Ville, Jésus pleura sur Elle en disant :
    « Ah ! Si en ce Jour tu avais compris, Toi aussi, le Message de Paix ! » (Luc 19,41)
    À la Fin des Temps, n’est-il pas dit dans l’Apocalypse :
    « Je vis la Cité Sainte, Jérusalem, qui descendait du Ciel, avec, en elle, la Gloire de Dieu ! » (Apocalypse 21,10-11)     

    (Reprise du fond musical bien scandé. Montée puissante ! puis brusque silence)

    (On peut projeter pendant les ‘Impropères’ qui vont suivre une ou deux belles images sur Jérusalem)

    Le prophète

    « Avec la Gloire de Dieu ! »
    Quel Appel !…
    Quel Rappel, aux trois grandes religions du Monothéisme biblique !
    Jérusalem, Cité du Roi David, Cité des Prophètes, Mère des Peuples !
    Jérusalem, Cité du Dieu Unique et de toute Miséricorde !
    Jérusalem, Cité des larmes, et pourtant Cité de l’Espérance !
    Jérusalem, Cité de la Paix, de la Joie,
    Cité du Dieu Vivant pour notre humanité appelée, perdue et retrouvée !

    (Reprise du même fond musical bien scandé, montée en puissance, puis, brusque silence)

    Voix off (soutenue par une musique douce et plaintive, Adadgio d’Albinoni ou Choral de Bach…)

    Jérusalem ! Cité des larmes !
    Jérusalem ! Cité pourtant éternellement promise à la Paix et à la Joie !
    Jérusalem ! Comme il me tarde que cesse en Toi le bruit des armes
    et le cri des enfants !
    Comme il me tarde que sèchent les larmes de tant de mères et de veuves aux cœurs transpercés par la violence des hommes !
    Comme il me tarde que s’accomplisse enfin ta Vocation unique parmi tous les peuples de la terre !
    Jérusalem ! Toi, la Mère des Peuples, la Lumière des Nations !
    Oui ! Comme il me tarde qu’en Toi, à l’abri de tes ailes, se rassemblent toutes les nations et toutes les générations « aussi nombreuses que les étoiles du ciel et que les grains de sable au bord de la mer » (Genèse 22,17), comme je l’ai promis à votre Père Abraham, votre Père dans la foi !
    Oui ! Jérusalem, comme il me tarde que fleurissent en Toi la Paix et la Joie !
    Et que tous, rassemblés des quatre points de l’horizon, vous célébriez ma Miséricorde sur ma Montagne Sainte !
    Et que vous chantiez, en reconnaissance, la Sainteté de mon Nom trois fois Saint !

    Le Prophète

    « Dieu très Saint, infiniment Saint, très-Haut,
    Tout-Puissant et Miséricordieux, nous invoquons ton Nom glorieux,
    Toi qui suscitas la Destinée unique de notre Ville Sainte entre toutes, la Shoah du Peuple Juif, unique entre tous les peuples.
    Et pourtant encore la Shoah de tant d’autres peuples de par le monde et de l’Histoire, dès qu’un homme, une femme, un enfant - sont atteints dans leur chair ou dans leur dignité.
    Toutes ces Shoah ont baigné de sang et de larmes notre Terre maternelle !
    Nous invoquons ton Nom, Dieu très-Haut, pour que de ce Baptême de souffrances naisse la Nouvelle Jérusalem, ‘Belle comme une Epouse parée pour son Epoux’ pour la Noce Éternelle !  (Apocalypse 21, 2) 

    (Pendant la Lecture suivante du Prophète Isaïe, un jeune va allumer, à chaque strophe du texte d’Isaïe, une bougie ou une torche qu’il va placer sur un chandelier à 7 branches, Ménora, disposé devant une image projetée de la Ville Sainte, tandis qu’est donné un accompagnement musical très doux et joyeux d’une mélodie juive)

    Voix off

    1 - « Je tressaille, je tressaille à cause du Seigneur !
    Mon âme exulte à cause de mon Dieu !
    Car il m’a vêtue des vêtements du Salut,
    Il m’a couverte du manteau de la Justice,
    Comme le fiancé orné du diadème,
    La fiancée que parent ses joyaux !

    2 - « Comme la terre fait éclore son germe,
    Et le jardin germer ses semences,
    Le Seigneur Dieu fera germer la Justice
    Et la Louange devant toutes les nations !

    3 - « Pour la cause de Sion, je ne me tairai pas,
    Et pour Jérusalem, je n’aurai de cesse
    Que son Juste ne monte comme l’aurore,
    Que son Sauveur ne brille comme la flamme !

    4 -  « Et les nations verront ta Justice :
    Tous les rois verront ta Gloire !
    On te nommera d’un Nom nouveau
    Que la bouche du Seigneur dictera !

    5 - « Tu seras une couronne brillante
    Dans la main du Seigneur,
    Un diadème royal entre les doigts de ton Dieu !
    On ne te dira plus ‘Délaissée’,
    À ton pays, nul ne dira ‘Désolation’ !

    6 - « Toi, tu seras appelée : ‘ma Préférence’ !
    Cette Terre se nommera : ‘l’Epousée’ !
    Car le Seigneur t’a préférée,
    Et cette Terre deviendra :’l’Epousée’ !

    7 - « Comme un jeune homme épouse une vierge,
    Tes fils t’épouseront.
    Comme la fiancée fait la joie de son fiancé,
    Tu seras la Joie de ton Dieu !
    Parole du Seigneur ! »

    Livre du Prophète Isaïe (chapitre 61-62)

    Le Prophète (reprenant les stances du début, accompagnées, à chaque phrase, par un coup de cymbale)

    - Jérusalem ! Cité du Roi David, Cité des Prophètes et Mère des Peuples !
    - Jérusalem ! Cité du Dieu Unique et de toute Miséricorde !
    - Jérusalem ! Cité des larmes et pourtant Cité de l’Espérance !
    - Jérusalem ! Cité du Dieu Vivant, de la Paix et de la Joie !
    - Pour notre Humanité, Appelée, Perdue et Retrouvée !

    Voix off 

    Le vieux monde est noyé dans les ténèbres (bis)
    Tous les Peuples s’avancent dans la Nuit ! (bis)
    Mais chez Toi, le Seigneur un jour viendra ! (bis)
    Et sa Gloire sur Toi rayonnera ! (bis)
    Jérusalem ! Réveille-Toi ! Jérusalem ! Réveille-Toi !
    Au Souffle de l’Esprit…
    En toi, tout homme est né…
    Quelle paradoxale Vérité, si laborieuse à mettre en œuvre !
    Seigneur, fais de nous tous des artisans de Paix,
    Seigneur, fais de nous tous des bâtisseurs d’Amour,
    Pour cette Humanité appelée, perdue et retrouvée !

     

    25/ « Céleste Jérusalem » Chant d’envoi

    R/ Notre cité se trouve dans les cieux,
    Nous verrons l'épouse de l'Agneau,
    Resplendissante de la gloire de Dieu,
    Céleste Jérusalem.

    1 - L'Agneau deviendra notre flambeau.
    Nous nous passerons du soleil.
    Il n'y aura plus jamais de nuit
    Dieu répandra sur nous sa lumière. R/

    2 - Dieu aura sa demeure avec nous,
    Il essuiera les larmes de nos yeux,
    Il n'y aura plus de pleurs ni de peines,
    Car l'ancien monde s'en est allé. R/

    3 - Et maintenant, voici le salut,
    Le règne et la puissance de Dieu,
    Soyez donc dans la joie vous les cieux,
    Il règnera sans fin dans les siècles. R/

     

     

  • Toucher la paix, la partager, la rayonner : Le mystère de la Visitation

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    Réunion de prières interreligieuse 

    Artisans de Paix - Novembre 2019

     

    Toucher la paix,
    la partager, la rayonner :

    Le mystère de la Visitation

     

    Au cours de la semaine de l’amitié islamo-chrétienne (SERIC), le 25 novembre 2019 a eu lieu la 29ème Réunion interreligieuse de prières d’Artisans de Paix à la Zaouia Soufie Naqshbandi de Richarville (Essonne), dont voici le déroulé[1]. Cette rencontre avait pour thème Toucher la paix, la partager, la rayonner.

                      Comme chargée de mission de la Fraternité eucharistique catholique d’Artisans de Paix, j’ai choisi d’évoquer le mystère de la Visitation relaté dans l’Évangile de Luc. Le Mystère de la Visitation est la figure de toute vraie rencontre et mystère de l’hospitalité réciproque, pour Christian de Chergé (prieur des 7 moines trappistes de Tibhirine assassinés en Algérie en 1996, et l’un des 19 martyrs religieux des Années noires en ce pays. Béatifiés à Oran, le 8 décembre 2018). L’extrait d’un de ses textes à ce sujet est reproduit ci-après (III - Partager la paix).

                      Pour commencer, je vais à la source de la paix dans le Premier Testament, avant d’introduire à l’Évangile de Luc dans le Nouveau Testament. Survolons donc le texte biblique qui évoque la paix et se fait annonciateur du Prince de la Paix…

    Sandrine Treuillard

     

    I - La paix depuis la Genèse      Dans le Premier Testament

    « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. Or, la terre était informe et vide. Les ténèbres couvraient l’abîme, et l’Esprit de Dieu planait au-dessus des eaux. »[2] Ces mots sont les premiers de la Bible, dans le Livre de la Genèse. Dieu s’apprête à créer la lumière et toute sa Création. « Le souffle planait sur les eaux »[3] : la paix, l’harmonie primordiale de la Création régnait sur elle.


    1 - La paix : un fruit de l’Esprit


    Esprit de Dieu planant sur les eaux Enlum Bible Sens 14è.jpgRevoyons cette image, plus loin dans la Genèse : la colombe, après le Déluge, rapporte en son bec un rameau, signifiant par-là que la terre ferme et verdoyante a réapparu à sa surface, que le courroux de Dieu avait inondée. Dieu s’était en effet repenti d’avoir créé l’homme qui, bien qu’à son image mais libre, devînt très indisposé à le suivre dans la voie du Bien. Avec le Déluge, Dieu voulut reprendre sa Création, comme le peintre lors d’un repentir efface une partie du tableau et corrige le geste d’une main, par exemple. Dès la Genèse, la colombe représente l’Esprit. Comme lors du geste créateur de Dieu, elle apparaît à Noé, au-dessus des eaux dont l’arche est environnée.

                La colombe en vol, tenant en son bec le rameau, représente la paix comme fruit de l’Esprit. Quand l’Esprit survolait les eaux, aux commencements de la Création, ce souffle était la paix originelle elle-même. La paix a quelque chose de la Sagesse et de la pureté divine. Dieu l’a placée au cœur même de la Création, c’est-à-dire de toute créature, de la nature, y compris au cœur de l’homme créé à sa ressemblance, à son image. La paix est constitutive de la Création. Elle est consubstantielle au Créateur. C’est l’harmonie spirituelle de Dieu avec toute sa Création.

                La paix, c’est Dieu lui-même. C’est d’ailleurs un des noms de Dieu invoqué par les musulmans dans la prière du Dikhr…


    2 - Le Verbe fait chair : Prince de la Paix


    Le Verbe a planté sa tente parmi nous.jpgDès 740 avant notre ère, dans le premier Testament, le prophète Isaïe annonce la naissance du Christ. Il y est désigné comme Prince de la Paix :

    « Car pour nous un enfant est né, un fils nous est donné. Il exercera l’autorité royale ; il sera appelé Merveilleux Conseiller, Dieu Fort, Père à jamais et Prince de la Paix. Il étendra sa souveraineté et il instaurera la paix qui durera toujours au trône de David et à tout son royaume. Sa royauté sera solidement fondée sur le droit et sur la justice dès à présent et pour l’éternité. Voilà ce que fera le Seigneur des armées célestes dans son ardent amour. »[4] 

    « Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous » (Jn 1, 14). Par Jésus-Christ, Dieu vient restaurer sa Création, sa créature humaine pervertie par le péché depuis Adam. Par Jésus-Christ, Dieu fait œuvre de recréation et de paix pour la terre et les hommes qu’il aime. Par Jésus-Christ, Dieu vient dans l’histoire de l’humanité recréer l’homme à son image. Le Christ est contemporain du geste créateur de Dieu, quand « le souffle de Dieu planait sur les eaux », comme l’indique l’évangéliste Jean dans son Prologue : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu. C’est par lui que tout est venu à l’existence, et rien de ce qui est ne s’est fait sans lui » (Jn 1, 1-3). 

                Le Christ est le Prince de la Paix. Il est le Fils de Dieu. Par et avec Jésus Christ, Dieu nous rend l'harmonie spirituelle de l’origine en apportant la restauration de notre relation avec Lui.

     
    3 - La Paix du Christ

    La Paix du Christ.jpgÀ la dernière Cène, avant sa Passion, Jésus donne sa Paix à ses disciples.
    Jésus nous donne la Paix venue de Dieu son Père, comme la vie-même de Jésus est restauration de notre lien à Dieu le Père (c’est le sens de la Rédemption). Jésus la donne aussi sur la croix : « Car Dieu a jugé bon qu’habite en lui toute plénitude et que tout, par le Christ, lui soit enfin réconcilié, faisant la paix par le sang de sa Croix, la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel » (Col 1, 19-20).
     

    Esprit St au Cénéacle Pentecôte Paix du Christ.jpgAprès sa Résurrection, le Christ se manifestera et se montrera aux disciples réunis dans le Cénacle, en commençant par leur donner la paix. Quand Jésus donne sa paix, c’est celle de Dieu le Père qu’il nous transmet. La paix de Jésus, celle du Père et leur Esprit, c’est tout Un. Nous sommes là au cœur du mystère de la Trinité. La paix est cette vie qui circule entre le Père, le Fils et l’Esprit Saint. Cette harmonie entre les trois personnes de la Trinité produit la paix. Celui qui la véhicule, c’est l’Esprit Saint.

                Depuis l’Ascension, quand Jésus-Christ a rejoint le Père dans le Royaume céleste, nous recevons la paix de Jésus par l’Esprit Saint. La messe est un moment important ou recevoir cette paix en communauté ecclésiale. Mais elle peut être reçue a tout moment, au contacte de la nature, dans la prière, la vie quotidienne, les rencontres… C’est toujours une manifestation de l’Esprit Saint.

    II - Toucher la paix, la partager         Introduction à l’Évangile

                Pour évoquer cette paix dans l’Écriture Sainte, dans les trois états proposés (toucher, partager, rayonner la paix) par la présidente de notre association, Paula, j’ai choisi l’épisode de la Visitation, dans l’Évangile de saint Luc.

                Luc relate l’épisode que l’on nomme la Visitation dès le premier chapitre de son récit de la Bonne Nouvelle. La Visitation est la rencontre de Marie, qui vient de vivre l’Annonciation, avec sa cousine Élisabeth enceinte de 6 mois de Jean (le Baptiste). Pour aller à la Visitation, il faut cependant voir les circonstances de la conception de Jean (l’annonce à Zacharie) et celles de la conception de Jésus (l’Annonciation).  


    1 - Toucher la paix             
    L’annonce à Zacharie

    Annonce à Zacharie.jpgAprès le prologue de son évangile, Luc décrit les circonstances de l’annonce de la naissance de Jean le Baptiste « qui sera rempli d’Esprit Saint dès le sein maternel ». C’est l’ange du Seigneur qui parle ainsi quand il apparaît au futur père, Zacharie, alors qu’il offre l’encens dans le sanctuaire. Zacharie et Élisabeth étaient un couple stérile et avancé en âge. Ils ont touché la paix. Ou plutôt : c’est la paix qui est venue les toucher et qu’ils ont reçue, avec la joie inespérée d’engendrer un fils, Jean (Dieu exauce), le Précurseur du Christ. La conception de Jean est donc le miracle de Dieu pour Zacharie & Élisabeth, et pour toute l’humanité.


    2 - Toucher la paix             
    L’Annonciation

    Lumière Ventre Marie.jpgEn deuxième lieu, Luc l’évangéliste décrit l’annonce de la naissance de Jésus qu’on appelle l’Annonciation. Dans l’annonce faite à Marie, une vierge déjà promise à Joseph, l’ange Gabriel, lui dit qu’elle tombera enceinte du Fils du Dieu Très-Haut. Comme elle est d’abord bouleversée de voir entrer chez elle un ange, et lui adresser la Parole de Dieu, celui-ci lui dit alors : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. » Il la rassure, l’apaise par ces mots pour l’introduire au message qu’il lui porte de l’action de Dieu sur elle, en elle, et pour l’humanité : « Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. » À la question de Marie « comment cela se fera-t-il puisque je suis vierge ? », l’ange lui révèle que « l’Esprit Saint descendra sur elle, et que la puissance du Dieu très-haut la couvrira de son ombre. »

    Embryon.jpgComme pour Zacharie & Élisabeth, Marie reçoit la paix de Dieu : pour elle-même et pour tous les hommes. Par le Verbe qui prendra chair en son corps, elle touche la paix, et portera le Prince de la Paix en elle avant de lui donner naissance. Aussitôt après avoir reçu les explications de l’ange, Marie se soumet à la volonté de Dieu par ce qu’on appelle son ‘Fiat’ : « Voici la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi selon ta parole. » C’est par l’Esprit Saint que Dieu engendre son Fils en Marie. L’ange lui a annoncé qu’elle portera Jésus Christ, le Verbe fait chair, en elle. Jésus, le fils de Marie, est la paix en personne, de la part de Dieu, pour tous les hommes.


    3 - Partager la paix        
    La Visitation (Évangile selon saint Luc 1, 39-45)

    Esprit Saint en Visitation.jpgL’ange la quitte et quelques jours plus tard, Marie se met en route pour rendre visite à sa cousine Élisabeth, dont elle a appris, lors de l’Annonciation, qu’elle était aussi enceinte depuis six mois. Et c’est l’épisode qui nous intéresse ici : la Visitation.

                C’est donc remplie de l’Esprit Saint, la vie de Jésus commencée en son sein, qu’elle part vers la montagne chez sa parente, Élisabeth. 



    « 
    39 En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée.

    40 Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth.

    41 Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint, 42 et s’écria d’une voix forte :

    « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni.

    43 D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ?

    44 Car, lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi.

    45 Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. » »[5]

     

    III - Partager la paix         Le texte    Le mystère de la Visitation

                de Christian de Chergé, est extrait de sa Retraite sur le Cantique des cantiques qu’il prêcha en 1990, à des Petites sœurs de Jésus (filles du bx Charles de Foucauld), à Mohammedia, au Maroc, dans le contexte où quelques chrétiens vivent au sein de la société musulmane. C’était 6 ans avant sa mort et celle des 6 autres moines de Tibhirine, en Algérie, dont il était le prieur. Ce texte est intitulé Le mystère de la Visitation par Christian Salenson qui a retranscrit d’après les enregistrements audio, commenté et publié toute cette Retraite sur le Cantique des Cantiques (éditions Nouvelle Cité, 2013).

                « Profiter de la fête de la Vierge pour revenir sur le mystère de la Visitation. Il est évident que ce mystère de la Visitation, nous devons le privilégier dans l’Église qui est nôtre. 

                J’imagine assez bien que nous sommes dans cette situation de Marie qui va voir sa cousine Élisabeth et qui porte en elle un secret vivant qui est encore celui que nous pouvons porter nous-mêmes, une Bonne Nouvelle vivante. Elle l’a reçue d’un ange. C’est son secret et c’est aussi le secret de Dieu. Et elle ne doit pas savoir comment s’y prendre pour livrer ce secret. Va-t-elle dire quelque chose à Élisabeth ? Peut-elle le dire ? Comment le dire ? Comment s’y prendre ? Faut-il le cacher ? Et pourtant, tout en elle déborde, mais elle ne sait pas.

                D’abord, c’est le secret de Dieu. Et puis, il se passe quelque chose de semblable dans le sein d’Élisabeth. Elle aussi porte un enfant. Et ce que Marie ne sait pas trop, c’est le lien, le rapport, entre cet enfant qu’elle porte et l’enfant qu’Élisabeth porte. Et ça lui serait plus facile de s’exprimer si elle savait le lien. Mais sur ce point précis, elle n’a pas eu de révélation, sur la dépendance mutuelle entre les deux enfants. Elle sait simplement qu’il y a un lien puisque c’est le signe qui lui a été donné : sa cousine Élisabeth.

                Et il en est ainsi de notre Église qui porte en elle une Bonne Nouvelle – et notre Église c’est chacun de nous – et nous sommes venus un peu comme Marie, d’abord pour rendre service (finalement c’est sa première ambition)… Mais aussi, en portant cette Bonne Nouvelle, comment nous allons nous y prendre pour le dire… Et nous savons que ceux que nous sommes venus rencontrer, ils sont un peu comme Élisabeth, ils sont porteurs d’un message qui vient de Dieu. Et notre Église ne nous dit pas et ne sait pas quel est le lien exact entre la Bonne Nouvelle que nous portons et ce message qui fait vivre l’autre. Finalement, mon Église ne me dit pas quel est le lien entre le Christ et l’islam.

                Et voici que, quand Marie arrive, c’est Élisabeth qui parle la première. Pas tout à fait exact car Marie a dit : As salam alaikum ! Et ça c’est une chose que nous pouvons faire ! On dit la paix : La paix soit avec vous ! Et cette simple salutation a fait vibrer quelque chose, quelqu’un en Élisabeth. Et dans sa vibration, quelque chose s’est dit… Qui était la Bonne Nouvelle, pas toute la bonne Nouvelle, mais ce qu’on pouvait en percevoir dans le moment. D’où me vient-il que… l’enfant qui est en moi a tressailli ? Et vraisemblablement, l’enfant qui était en Marie a tressailli le premier. En fait, c’est entre les enfants que s’est passé cette affaire là…

                Et Élisabeth a libéré le Magnificat de Marie. Et finalement, si nous sommes attentifs et si nous situons à ce niveau-là notre rencontre avec l’autre, dans une attention et une volonté de le rejoindre, et aussi dans un besoin de ce qu’il est et de ce qu’il a à nous dire, vraisemblablement, il va nous dire quelque chose qui va rejoindre ce que nous portons, montrant qu’il est de connivence… Et nous permettant d’élargir notre Eucharistie, car finalement le Magnificat que nous pouvons, qu’il nous est donné, de chanter, c’est l’Eucharistie. La première Eucharistie de l’Église, c’était le Magnificat de Marie. Ce qui veut dire le besoin où nous sommes de l’autre pour faire Eucharistie : pour vous et pour la multitude… »

    Esprit Saint en Visitation.jpg

    IV - Rayonner la paix       Le chant 

    Luc 1, 46-56 (Le Magnificat)

    45 Marie dit alors :

    « Mon âme exalte le Seigneur,

    47 exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur !

    48 Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse.

    49 Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom !

    50 Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent.

    51 Déployant la force de son bras, il disperse les superbes.

    52 Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles.

    53 Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides.

    54 Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour,

    55 de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais. »

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    V - Toucher la paix, la partager, la rayonner      
    Bénédiction finale

    PSAUME 18 A

    02 Les cieux proclament la gloire de Dieu,
    le firmament raconte l'ouvrage de ses mains.
    03 Le jour au jour en livre le récit
    et la nuit à la nuit en donne connaissance.

    04 Pas de paroles dans ce récit,
    pas de voix qui s'entende ;
    05 mais sur toute la terre en paraît le message
    et la nouvelle, aux limites du monde.

    Là, se trouve la demeure du soleil : +
    06 tel un époux, il paraît hors de sa tente
    il s'élance en conquérant joyeux.

    07 Il paraît où commence le ciel, +
    il s'en va jusqu'où le ciel s'achève :
    rien n'échappe à son ardeur.

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                      Abdelkader Abdellaoui, Muqadam de la Zaouia de Richarville, nous a présenté la Sourate 18 pour évoquer la relation maître-disciple chez les soufis. J'y ai répondu par l'article de Roger Michel : Scandale du mal et patience de Dieu (Sourate 18) avec le texte de Christian de Chergé extrait de l'ouvrage : Le Verbe s'est fait frère - Christian de Chergé et le dialogue islamo-chrétien.[6]

                      Après les bénédictions mutuelles, pour conclure fraternellement cette réunion de prières interreligieuse, la Zaouia a offert au sept participants une soupe de lentilles parfumée à la coriandre. Enfin, les clémentines de culture biologique qu’avait apportées la bouddhiste de Nichiren, Claire Tardieu, nous désaltérèrent plaisamment. Le tout dans la chaleur du poêle et la présence des maîtres soufis Naqshbandis, dont nous croisions le regard dans les visages photographiés…

     

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    N O T E S

    [1] Déroulé de la Vingt neuvième Réunion de prières interreligieuse

    Mots d’accueil d’Abdel Kader ABDELLAOUI, Muqadam de la Zaouia de Richarville et de Paula KASPARIAN, Présidente d’Artisans de Paix.

    Psalmodie

    À l’écoute des signes annoncés par nos textes fondateurs respectifs :

    Bible : Sandrine TREUILLARD
    Coran : Abdel Kader ABDELLAOUI
    Sutras Bouddhique : Marc & Claire TARDIEU

    Invocation musulmane, Dikhr

    Contemplant le témoignage de ceux en lesquels ces textes ont pris corps :

    Tradition chrétienne : Sandrine TREUILLARD
    Tradition islamique : Abdel Kader ABDELLAOUI
    Tradition Bouddhique : Jean-Luc CASTEL                                                                      

    Chant chrétien

    Devenant chacun et ensemble, prière vivante accueillant la Paix parmi nous, la recevant les uns des autres et nous La donnant les uns aux autres : à l’écoute du Souffle ténu qui prend corps parmi nous, se risquer à parler à Celui que certains appellent Dieu et que d’autres ne nomment pas, se taire si l’on préfère ; en tous les cas, recevoir et transmettre la lumière.

    Offrande de prière bouddhique

    Bénédictions et envoi : Témoins des Fraternités Artisans de Paix dont l’espérance prend corps parmi nous, donner à goûter la paix dans le monde d’aujourd’hui :

    Fraternité eucharistique : Sandrine TREUILLARD
    Fraternité islamique : Abdel Kader ABDELLAOUI
    Fraternité bouddhique : Jean-Luc CASTEL, Marc & Claire TARDIEU

    [2] Traduction de la Bible du Semeur, 2000.

    [3] Traduction de l’AELF.

    [4] Traduction de la Bible du Semeur, 2000.

    [5] Traduction de l’AELF.

    [6] Article de Roger Michel : Scandale du mal et patience de Dieu (Sourate 18) avec le texte de Christian de Chergé extrait de Dieu pour tout jour, Chapitres à la communauté de Tibhirine (1989-1996) : collection "Cahiers de Tibhirine" n°1, 2004, Abbaye Notre-Dame d'Aiguebelle, p. 200 : Jeudi 20 juillet 1989 (Saint Élie), Élie et les pensées de Dieu… dans l'ouvrage : Le Verbe s'est fait frère - Christian de Chergé et le dialogue islamo-chrétienÉditions Bayard, 2010. Livre collectif avec des membres de l'ISTR de Marseille : Anne-Noëlle Clément, Christian Salenson, Sr Bénédicte Avon, Roger Michel.

    Retrouvez ce texte sur la page enrichie
    Artisans de Paix ou le désir de rencontrer l'(A)autre

    et la sous-page
    La Visitation :  Mystère de l'hospitalité réciproque
    & f
    igure de toute vraie rencontre - avec Christian de Chergé

  • L’oasis du soufi & la graine d’Évangile - Un père spiritain témoigne : 50 ans de cohabitation en République islamique de Mauritanie

    Lien permanent

    paul grasser,spiritain,mauritanie,islam,foi,soufisme,christianisme,eucharistie,transmission,prêtre,conscience,artisans de paixReligieux spiritain, le père Paul Grasser a d’abord exercé son ministère en Mauritanie, puis à Rome, à Paris, en Algérie. Il est aujourd’hui au siège d’Apprentis d’Auteuil.

    Je l’ai côtoyé en 2013-2014. C’est le 31 octobre 2014, dans une chapelle aux Apprentis d’Auteuil, que nous avons partagé sur notre relation aux musulmans en survolant la préface du tapuscrit Le livre des miroirs — ouvrage à quatre mains (encore inédit) rassemblant d’une part des textes de la tradition chrétienne le Miroir catholique (dont je m’occupais) ; et d’autre part des textes de la tradition musulmane, le Miroir musulman (par Slimane Reski)—. Lui laissant ce tapuscrit, il me remit Animés par l’Esprit de Dieu (Éditions de l’Emmanuel) de son frère spiritain, le père Alphonse Gilbert.

    Régulièrement, il m'envoie des photos de ses expéditions. Ce récit autobiographique, écrit le 2 février 2019, a été publié dans le n°235 de la revue Spiritus, en juin 2019.

    Sandrine Treuillard
    pour La Vaillante
                       

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    Le diocèse de Nouakchott est né à la suite d’un accident d’avion, en juin 1965 à Zouerate, ville minière au nord du pays, qui coûta la vie à Mgr Joseph Landreau, préfet apostolique de Saint-Louis du Sénégal, dont dépendait la chrétienté en Mauritanie. Après de longues années à Brazzaville, Mgr Michel Bernard accepta de lancer ce diocèse à la condition que la Congrégation du Saint-Esprit, à laquelle il appartenait, lui envoyât chaque année un des jeunes prêtres nouvellement ordonnés. Le premier envoyé ne tint pas longtemps. Les quatre suivants, à partir de 1967, s’enracinèrent parfaitement.

    Découverte

    paul grasser,spiritain,mauritanie,islam,foi,soufisme,christianisme,eucharistie,transmission,prêtre,conscience,artisans de paixJ’ai eu l’honneur d’ouvrir la piste ; et ce à l’Université de Dakar : deux ans d’islamologie et surtout de langue arabe. Mai 68 ! L’onde de choc venue de Paris saccage une partie de l’université de Dakar. Grandes vacances pour moi. J’accepte avec enthousiasme et appréhension de remplacer le prêtre de Zouerate en juillet et août, par cinquante degrés, hors climatisation ! Pour le mois de septembre, je me dirige par train minéralier, puis par taxi-brousse, vers la capitale des oasis : Atar, prise dans un immense massif montagneux ayant déjà servi de décor à des westerns. Je découvre. Malgré la chaleur toujours inhumaine, ce jour-là je saute sur le véhicule du directeur de l’usine de commercialisation des dattes. Il va régler un litige avec les producteurs fournisseurs, à Aoujeft. Une vingtaine d’hommes palabrent pendant quatre heures, assis sur les nattes. Les voix se relayent. Par deux fois, un participant, assis dans l’angle de la pièce prend la parole. Simplement, en dialecte arabe local. Je suis percuté par ce qui émane de cet homme ! La séance levée je me précipite vers lui : « Vous ne le trouverez plus, me dit-on, il ne traîne pas dans la rue ». Vite j’écris son nom dans un bout de papier. 

    Cathédrale Nouakchott.jpgUn an plus tard je suis nommé à la cathédrale de Nouakchott. Arrive un lycéen voulant me vendre ses aquarelles pour gagner trois ouguiyats. « Et ton papa il fait quoi ? — Il est religieux à Aoujeft. » Vérification : c’est bien son nom qui est sur mon bout de papier : Mohamed Lemine ould Sidina. « Il faut que je le voie. » Il était de passage à la capitale. Facilement nous le trouvons, assis par terre, au milieu de quelques dizaines de fidèles, hommes et femmes, dans la maison d’un de ses disciples, les « Amis de Cheikh ». Thé, cordialités, visages détendus. Après vingt minutes, je repars ; un fidèle me suit, c’est Mohamed Naaman. Bien vite je l’appellerai « mon frère ».

    P1016829.JPGVoici donc les graines, les personnages qui ont couru avec moi pendant cinquante ans. Et alors ? Très vite Mohamed Naaman me fut utile comme locuteur dans le cours du soir, lancé à travers la paroisse de Nouakchott pour permettre aux étrangers d’apprendre le dialecte, le hassanya. Mohamed refusait toute rémunération. Des semaines avaient passé. « Mohamed tu es chômeur, je te demande un service et tu n’acceptes rien ? » Réponse : « Quand je t’ai vu chez mon marabout, j’ai compris que vous cherchez la même chose que nous. Alors, il faut vous aider. »

     

    Aller plus loin

    paul grasser,spiritain,mauritanie,islam,foi,soufisme,christianisme,eucharistie,transmission,prêtre,conscience,artisans de paix1983. Bien enracinée dans ma double mission — servir les chrétiens, tous immigrés, et rencontrer les Mauritaniens, tous musulmans —, j’éprouve le désir d’aller plus loin. Reprendre des risques, aller au fond du désert, seul, sans bagages, chez des gens qui ne me connaitraient pas. J’ai le tort d’en parler à Mohamed Naaman, qui me dit : « Tu viens chez nous à Maaden. » Je n’y suis jamais allé, mais j’y suis trop connu par réputation. « Tu auras une dose suffisante de dépaysement et d’ascèse » me convainc Mohamed.

    Les aînés des palmiers dattiers avaient alors treize ans ; leurs petites sœurs — ils ne plantaient que peu de palmiers mâles — sont nombreuses. Sous les palmiers, les légumes poussent avec parcimonie : carottes, tomates, menthe, luzerne, blé. Nous sommes dans un lit d’oued coincé entre un complexe de dunes vives et un flanc de montagne formant une immense plaque rocheuse. Pourquoi cette oasis ?

     

    Un homme épris de savoir, épris de Dieu

    paul grasser,spiritain,mauritanie,islam,foi,soufisme,christianisme,eucharistie,transmission,prêtre,conscience,artisans de paixNé en 1918 à Aoujeft, Mohamed Lemine ould Sidina, fils d’un goumier de la force coloniale française, est épris de savoir, épris de Dieu. Pendant quatorze ans, il s’assied au pied de grands théologiens de son pays. Il ira jusqu’au Maroc, puis au Sénégal, à Kaolack, pour y chercher le savoir ; et ce, dans la voie confrérique Tijaniya qui prône tolérance, fraternité, entraide et ouverture. De retour, non point à Nazareth mais à Aoujeft, il est rejeté par les siens ; de fait, il dénonce l’esclavage, le tribalisme, la sorcellerie. Il rachètera et libérera les vieilles servantes que souvent l’on achevait par lapidation au motif qu’elles étaient « suceuses de sang. » Mohamed Lemine s’exilera à trente kilomètres sud, dans un endroit désert qu’il nommera Maaden El Ervane (i.e. « Mine de connaissances, source de la foi en Dieu et de la bonté humaine »). Avec les « Amis du Cheikh » qui l’ont suivi, il crée un barrage en terre battue pour obliger l’eau de l’oued à s’infiltrer dans le sable : on pourra ainsi le retrouver dans des puits de un à trois mètres de profondeur.


    paul grasser,spiritain,mauritanie,islam,foi,soufisme,christianisme,eucharistie,transmission,prêtre,conscience,artisans de paixLes premiers palmiers sont plantés en 1970. Les buissons de henné, quasi sauvages, étaient déjà d’un apport appréciable. L’habitat rectangulaire ou rond est fait de murs de pierres sèches couverts de feuilles de palmiers. Aujourd’hui, en janvier 2019, cette oasis s’étire en chapelet sur sept kilomètres de long grâce à des barrages filtrants (galets contenus dans du gros grillage métallique.) Le savant agro-écologiste Pierre Rabhi, séduit par ce développement endogène, propose le village de Maaden comme modèle de développement durable, intégrant à la fois l’humain, le divin, le terrien. Un film long métrage est en préparation : Maaden développement intégral.

     

    Immersion intégrale
    paul grasser,spiritain,mauritanie,islam,foi,soufisme,christianisme,eucharistie,transmission,prêtre,conscience,artisans de paixC’est donc là que, en janvier 1983, je vis quinze jours d’immersion intégrale. Je ne mange que quand ils mangent (ils m’invitent dans différentes familles) ; quand ils prient, je prie, soit à côté d’eux, à ma manière, soit dans ma case, ou sur un rocher ; et quand ils travaillent, je donne mon petit coup de main. Cheikh, avec douceur et autorité, coordonne toutes les activités de la collectivité. Chaque secteur a son responsable. Tout un chacun qui a le désir d’approfondir sa foi, sa connaissance du Coran et surtout la pratique de sa religion, est le bienvenu parmi les « Amis de Cheikh ».


    paul grasser,spiritain,mauritanie,islam,foi,soufisme,christianisme,eucharistie,transmission,prêtre,conscience,artisans de paixEffectivement, le mélange social est total. Parmi eux : un Égyptien, un Marocain, un Sénégalais. Celui-ci, simple petit immigré, bricoleur de motopompes, s’intègre à merveille. Avec lui, je navigue, par voie de sable, de puits en puits. Sa consécration sociale sera manifeste quand Cheikh lui accordera une de ses filles en mariage. Leur fils, sorti de l’école locale, sera brillant bachelier à seize ans. Il vient d’achever son mandat de Ministre de la Jeunesse et des sports. Oui, à Maaden, depuis des années, on fait le cycle primaire en trois ans au lieu de sept ; de même pour le secondaire ; et ce, sans aucun frais pour l’État. Leur secret : pas de vacances scolaires. Les adultes travaillent chaque jour… pourquoi les jeunes subitement débrayeraient-ils ?

    Les hommes font, chaque semaine, deux jours de travail pour la communauté : l’un collectif, l’autre individuel. Spécificité spirituelle, leur dhikr, récitation litanique de telle ou telle formule, généralement comptabilisé au moyen d’un chapelet, est constitué chez eux par un interpellatif : « Allah, Allah, Allah ! » à l’infini, sans compter, seul ou en groupe, ou par relais, à voix forte et ferme, dans les champs ou en toute circonstance, la formule classique, elle, est déclarative : « Il n’y a de Dieu que Dieu ».

     

    « Quelle grandeur ! »

    paul grasser,spiritain,mauritanie,islam,foi,soufisme,christianisme,eucharistie,transmission,prêtre,conscience,artisans de paixDécembre 1984. Le frère Roger Schutz de Taizé, avec deux de ses frères, trouve chez nous, à Nouakchott-cathédrale : refuge pour écrire, selon son habitude, sa Lettre aux jeunes. Cette année-là, leur rassemblement aura lieu à Cologne. In extremis je réalise que Cheikh Mohamed Lemine est en visite pastorale à la capitale : « Frère Roger, il faut absolument que vous veniez rencontrer mon ”marabout”. — Trop tard, nous sommes sur nos bagages .» Nous finissons par passer vingt minutes, assis, très à l’aise, au cœur des « Amis de Cheikh. » Brève prière commune. Au sortir, le Frère Roger a quatre mots : « Quelle grandeur, quelle grandeur ! » « Et cette mélopée incessante qui montait de la cour ! » dit un autre frère. Il s’agissait effectivement de cette louange continue. Elle honore Dieu et irrite fort les voisins, tous musulmans. Nous aurons, à cette occasion, entendu une phrase revenant si souvent dans la bouche de Cheikh : « On ne voit bien Dieu qu’avec les yeux de Dieu. »[1]

     

    « Il nous donne le souffle »

    paul grasser,spiritain,mauritanie,islam,foi,soufisme,christianisme,eucharistie,transmission,prêtre,conscience,artisans de paixJuin 1985. Je retourne, pour trois semaines, m’immerger dans ce monde, dynamique, pauvre, croyant. Dans ma case ronde, glaciale, à l’aube, je suis réveillé par leur bruyante et massive prière. Que faire ? Sûr de ne pas être dérangé, n’est-ce pas le moment de faire ma grande prière ? En soutane kaki, mon chèche blanc pour étole, je célèbre l’Eucharistie. Bizarre tout de même : Dieu est unique, notre désir de nous orienter vers Lui est le même, et pourtant nous devons l’exprimer séparément. Le lendemain, même heure, mêmes prières… j’en arrive au Per ipsum : « Par Lui, avec Lui… à toi Dieu le Père… dans l’unité du Saint Esprit… » Je suis saisi. La voilà, l’ultime pointe de la prière : par Jésus, dans l’Esprit, au Père. N’est- ce pas là la clé de voûte qui manque à ces tonnes de prière musulmane ? Peut-être ne suis-je ici que pour cela !

    paul grasser,spiritain,mauritanie,islam,foi,soufisme,christianisme,eucharistie,transmission,prêtre,conscience,artisans de paixTous les soirs, de six à sept : heure sainte. Des nattes sur le sable. Au centre un grand drap blanc. Les « Amis » assis autour, femmes au deuxième rang, quelques gamins ; ambiance toujours un peu désordonnée, fraternelle, fervente. La théière n’est jamais très loin. Cheikh préside, son ami « Brahim, Paul »[2] à sa droite. On lit le Coran, Cheikh commente et à chaque fois me donne la parole. Tantôt j’approuve par un simple amîn, tantôt je cite le passage de l’évangile qui dit la même chose, parfois je marque un complément voire une différence, quelques hommes se lancent ensuite dans le « dhikr », cette même prière litanique permanente. Ils forment comme un début de mêlée d’équipe de rugby. Ils se dandinent, d’autres tournent, d’autres s’y agrippent, par moment le « Allah, allah » se réduit à un simple souffle. Je m’en étonne un peu auprès de Cheikh. Toujours avec sourire, douceur, parcimonie verbale il me fait : « Le souffle de Dieu. Il nous donne le souffle. Nos souffles veulent rejoindre le sien et fusionner entre nous. Oui, il arrive que intelligence, mémoire, savoir s’arrêtent un moment. Toute initiative est alors laissée à Dieu. »

     

    « Notre cadeau c’est toi
    Ton cadeau c’est nous »

    paul grasser,spiritain,mauritanie,islam,foi,soufisme,christianisme,eucharistie,transmission,prêtre,conscience,artisans de paixOctobre 1993. Je quitte la Mauritanie, suite à une agression dans la cathédrale de Nouakchott. J’y retournerai pour deux fois. Bien des amis chrétiens et musulmans m’accueillent avec joie. Cheikh est à Maaden, mais ses fidèles présents à la capitale se regroupent pour « célébrer » ensemble, avec moi, tant de choses… !  


    paul grasser,spiritain,mauritanie,islam,foi,soufisme,christianisme,eucharistie,transmission,prêtre,conscience,artisans de paixLa Mauritanie, vingt-quatre ans de ma vie, sans regret ni nostalgie, c’est fini.

    Et voici… qu’en février 2018, la presse française annonce la réouverture de la Mauritanie au tourisme. Divers périples proposés Terres d’Aventure offre cinq jours de trek intégral dans les oasis de l’Adrar. Au troisième jour, le top : passage dans une oasis récente fondée en 1970 ; ses palmiers, son maraîchage, son école : Maaden el Ervane. Alerte dans ma tête… Mais ce n’est plus pour moi !…


    paul grasser,spiritain,mauritanie,islam,foi,soufisme,christianisme,eucharistie,transmission,prêtre,conscience,artisans de paixLe 6 janvier 2019, je suis dans le charter Mauritania avec quatorze autres aventuriers : Roissy-Atar direct ! Maaden n’a cessé de s’allonger, les carottes prospèrent en vue de la commercialisation ; elles l’emportent sur les autres légumes. Au milieu du village, le mausolée de Cheikh attire les pèlerins de partout. Je me précipite pour retrouver mon vieux frère Mohamed Naaman, assis dans sa maison, les genoux bloqués par l’arthrose, des centaines de mouches pour l’accabler ; sa deuxième femme, répudiée, est loin ; ses deux enfants, aussi ! Vive émotion, cachée par quelques traits d’humour, à l’ancienne, qui claquent en hassaniya (il fut mon maître et s’empresse de me corriger encore.) Le lendemain midi, en tête à tête, repas traditionnel et rare : bouillie de pépins de coloquintes écrasées. Je signe une décharge à notre guide, je me sédentarise pour vingt-quatre heures.

    paul grasser,spiritain,mauritanie,islam,foi,soufisme,christianisme,eucharistie,transmission,prêtre,conscience,artisans de paixLe soir, plat de riz avec Djibrill et Brahim, sur la terrasse de « La grande maison » que Cheikh a léguée à la communauté. Repas terminé, deux autres hommes nous rejoignent. L’un tient dans sa main un téléphone qui émet la voix de Cheikh : lecture, commentaire et prière y sont enregistrés. Trois femmes, et d’autres encore, finissent par reproduire quelque chose du carré d’antan. Pendant trente minutes personne ne bouge, c’est le recueillement, la mémoire. Ils savaient que je comprendrais, apprécierais. Communion simple et forte. Convergence des consciences, dirait Pierre Rabhi. Je n’avais emporté de France aucun cadeau pour eux ; je n’en ai rapporté aucun : « Notre cadeau c’est toi, ton cadeau c’est nous, tous cadeaux de Dieu », aurait dit Cheikh avec sourire et douce action de grâce.

                Le lendemain matin on me fait visiter ce qu’il reste de la Bibliothèque de Cheikh. « Tiens ! Voici les albums dactylographiés des manuscrits de Cheikh. » Au hasard, quelques lignes écrites du Maroc. Je comprends difficilement son arabe classique. Je fais répéter une phrase. C’était celle dite aux frères de Taizé en 1984, que j’avais oubliée depuis, et que frère Charles-Eugène m’a rappelée en décembre 2018 : « On ne voit bien Dieu qu’avec les yeux de Dieu ! »

    paul grasser,spiritain,mauritanie,islam,foi,soufisme,christianisme,eucharistie,transmission,prêtre,conscience,artisans de paixQue d’honneur pour moi ! Le responsable spirituelle de la Fraternité appelle de Nouakchott pour me saluer. Le nouveau maire, habitant une Oasis voisine, se déplace pour moi. Mais rien du style réception, cadeaux, etc.

    Après la visite de la Bibliothèque, je demande à rester seul dans le grand salon pour y faire ma « grande prière ». Un verre à thé me sert de calice, une boîte à pastilles de patène, Prions en Église de Missel, le vaste monde d’assemblée. Oui, joie indicible du Corps et du Sang élevés : « Par Lui, dans l’Esprit, au Père… » Comme il y a trente-six ans. Je venais d’en avoir quatre-vingts.

     

    Pour terminer : deux surprises…

    paul grasser,spiritain,mauritanie,islam,foi,soufisme,christianisme,eucharistie,transmission,prêtre,conscience,artisans de paixEn taxi-brousse j’ai facilement rejoint mon équipe. « Mais comment donc est-il possible que je ne sois même pas allé me recueillir sur la tombe de Cheikh ! ». Je pense qu’il aurait approuvé.

                — Sur le tarmac pour le retour, un beau monsieur me fait :

    « Alors mon Père comment ça s’est passé ?

    - Parfait…

    - Je suis le correspondant mauritanien de Terres d’Aventure. On a essayé de vous arranger les choses pour le mieux. Mais, dites-moi, le Père Guy Daniel est-il encore en vie ? »

    - Oui, plus que jamais, il a quatre-vingt-un ans… Il est à Marseille.

    - Voici ma carte de visite. Je l’invite, je lui paye le voyage, car sa mère et la mienne étaient de grandes amies[3]. »

                — En octobre 2018, Pierre, à sa totale surprise et contre son désir, à quatre-vingt-un ans lui aussi, est invité par ses anciens élèves. Pierre leur avait enseigné les mathématiques au Lycée d’État de 1972 à 1979. Aujourd’hui, ils sont tous niveau cadre en Chine, Canada, voire en Mauritanie. La presse locale, en langue arabe relatait l’événement.  

                Ils étaient quatre spiritains à être envoyés en Mauritanie à partir de 1967 : Paul, Bernard, Pierre et Guy. Dieu les a comblés en même temps que leurs frères mauritaniens.

    Paul Grasser.jpg

     

     

     

    Paul Grasser, cssp                                                          
    Auteuil, le 2 février 2019

     

     

     

    Photographies :
    Jean-Michel Pénard, entre les 7 et 11 janvier 2019,
    dans l'Adrar mauritanien, à Maaden et ses environs.
    ©Paul Grasser

    Sauf : La cathédrale Saint-Joseph de Nouakchott - La carte de Mauritanie. 

     

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    [1] On peut retrouver ces faits dans le récit de la vie du Frère Roger (année 1984) en cours d’édition.

    [2] Sur leur proposition, j’avais accepté que l’on associe à mon nom celui de Brahim, Abram ayant vécu des années sans être ni juif, ni chrétien, ni musulman !

    [3] Mme Daniel avait 78 ans quand son fils Guy, contre l’avis de ses confrères, amena sa maman à Zouerate. Elle y passa neuf ans, grande missionnaire sans le savoir.

     

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    Artisans de Paix - ou le désir de rencontrer l'(A)autre

  • La pentecôte eucharistique commence à la Croix

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    Couv 1 pensée par jour PJ Eymard.JPGLe terme pentecôte eucharistique vient de saint Pierre-Julien Eymard qui l'emploie deux fois dans tous ses écrits, sans en préciser le sens. Sœur Suzanne Aylwin, Servante du Saint-Sacrement de la communauté de Sherbrooke (Canada), auteur de Une pensée par jour avec saint Pierre-Julien Eymard (éditions Médiaspaul, 2010), relève cet extrait où l'"on comprend ce qu’il entend par Pentecôte eucharistique" : 

    « L'archange ne dit pas seulement à Marie : “Le Saint-Esprit viendra en vous”, mais il ajoute : “Il vous couvrira de son ombre” [Lc 1,35]. Dieu est un feu consumant [Dt 4,24]. Quand Dieu vient en nous, il y vient avec sa nature divine et si le Saint-Esprit n'était en nous comme un voile, nous serions à l'instant consumés. Qu'est-ce qu'une paille au milieu d'un grand feu ? Que sommes-nous dans la divinité ? Le Saint-Esprit, comme une nuée, tempère ces ardeurs, n'en laisse transpirer que ce qu'il faut. Il fait comme au mont Sinaï. Il nous est nécessaire dans nos rapports avec Notre Seigneur. Notre Seigneur est homme, je le sais, mais il est Dieu aussi et nous avons besoin du Saint-Esprit pour recevoir Dieu. » (PP 32,2) 

    Pour ma part, je poursuis ma recherche pour rejoindre la pensée du Saint Esprit qu'avait le Père Eymard en méditant ce terme de Pentecôte eucharistique. Voici :

    « En cette fête de saint Maximilien-Marie Kolbe,
    nous nous souvenons du repas où le Roi des martyrs offrit sa vie pour nous
    et de la croix où il remet son esprit à son Père. »

    Sur la Croix, Jésus expire son Esprit entre les mains de Dieu le Père : son Âme monte au Ciel dans la kénose, et dans le même temps, quand le soldat romain transperce son Côté, le Sang et l’Eau s’écoulent de son Cœur pour la Terre et tous ses habitants.

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    Jésus-Christ est le médiateur sur l’ostensoir de la Croix. Cette Croix si visible sur le mont Golgotha a fait le vide autour d’elle pour ne laisser que Jean, Marie, les soldats et les deux autres larrons à son pied. Il est visible sur sa Croix mais personne ne le voit que Marie-Madeleine et quelques femmes avec Jean et Marie. Á la fois exposé aux yeux de ceux qui osent voir son supplice, et si humble. Je ne parviens pas à exprimer ce contraste que je perçois de l’humilité du Christ sur la Croix exposée. Ce qui attire à Lui tous les hommes, c’est son humilité qui est tout intérieure, dans la prière en union avec son Père. Je perçois l’amour dans cette humilité, je perçois le retrait de la prière sur la Croix. Il est là, dans le monde, avec nous et pour nous, mais Il n’est pas du monde. Il est en union avec Dieu le Père et c’est ce qui nous attire à Lui. C’est le lieu même de son retrait en Dieu qui nous attire à sa Croix. Ce n’est pas le supplice, ni même sa souffrance qui attire notre regard sur Jésus à la Croix. C’est la communion avec le Père qui nous attire. C’est cet amour que nous percevons à la Croix qui nous attire. Et c’est cet amour qui jaillit de la Croix que nous recevons. Cet amour sur la Croix nous le recevons dans la kénose du Christ quand son souffle le quitte pour le Père et que son Sang nous éclabousse de grâce. L’Eau aussi lors de la kénose de Jésus-Christ nous inonde de la lumière de son Esprit. Et nous recevons aussi son Âme quand Il rend l’Esprit, en expirant. Son Âme est répandue avec le souffle de l’Esprit dans son Sang et l’Eau issie de son Cœur sur nous. L’Esprit de vie qui planait sur les eaux au Commencement, c’est aussi l’Esprit de Jésus. Sur la Croix, l’Esprit Saint de toujours devient une personne de la Trinité, par la Vie du Christ qu’Il remet, rend à son Père et nous donne. La pentecôte eucharistique commence à la Croix. C’est quand la Terre reçoit le dernier souffle à la fois humain et divin du Christ. Á son dernier souffle, tout est accompli. Il se vide de Lui-même dans le don total. Sur la Croix, la communion trinitaire est parfaite, quand Jésus expire. Il nous distribue ses grâces en même temps qu’Il expire. Il rend à Dieu ce qui appartient à Dieu. Son Âme. Et de son Corps mutilé Il est donné tout entier aux hommes dans la merveille eucharistique de sa kénose où le don de son Sang et de l’Eau baigne dans la lumière de son Esprit. Son Âme est auprès du Père et pourtant, son Âme est partout depuis cette pentecôte eucharistique de la Croix. Elle rayonne depuis la Croix. Depuis la Croix nous pouvons la recevoir si nous levons les yeux vers elle. Son Corps saint ne cesse de nous inonder de sa grâce, de sa lumière d’amour. Lors de l’adoration eucharistique, nous adorons sa Croix. Nous ne cessons pas de recevoir son Esprit depuis la Croix, depuis ce moment de la Croix chaque fois que nous tournons notre visage vers Lui, Jésus Eucharistie.

    Jehanne Sandrine du SC & de la SE.jpgSandrine Treuillard  —  Sury-ès-Bois, le 14 août 2017

    Engagée dans la Fraternité Eucharistique, de 2015 à 2018,
    branche laïque de la Congrégation du Saint Sacrement (sss),
    rattachée à la Chapelle Corpus Christi, 23 avenue de Friedland, Paris 8.

     

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    Saint Pierre-Julien Eymard, Prophète de l'Eucharistie, un saint d'avenir

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    Prier avec Hozana & la Communauté St Pierre-Julien Eymard - Prophète de l'Eucharistie 

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  • Faire silence pour écouter - Prière de la Fraternité Eucharistique (catholique) des Artisans de Paix

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    Artisans de Paix

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    Réunion interreligieuse de prière

    Maison Soufie – Saint-Ouen                                                                   Mardi 20 novembre 2018

    Faire silence pour écouter


    Préalable à la lecture de l’Évangile (Jean 8, 1-12)

    Comme le préconise Ignace de Loyola pour la lecture priée d’un passage de l’Écriture sainte, je vous invite à vous représenter la scène que nous allons lire : figurez-vous la saynète, voyez mentalement les personnages dans l’espace décrit. Attachez-vous aux gestes de Jésus, à ses regards ou absence de regard… et à ceux qui l’entourent.

    Situation du passage de l’Évangile

    Les gardes, que les chefs des prêtres et les pharisiens, bien décidés à le faire mourir, avaient envoyés arrêter Jésus, reviennent bredouilles. Ayant entendu Jésus parler, les gardes, édifiés, n’ont pas osé l’arrêter : « Jamais un homme n’a parlé comme cet homme ! » disent-ils à ceux qui les interrogent à leur retour. — Ils se voient répondre par les pharisiens, vexés et en colère : « Alors, vous aussi, vous vous êtes laissé égarés ? » — Mais, parmi les pharisiens, Nicodème, qui était allé trouver Jésus de nuit pour lui parler, leur dit : « Est-ce que notre Loi permet de condamner un homme sans l’entendre d’abord pour savoir ce qu’il a fait ? » — Dépités, les chefs des prêtres et les pharisiens retournent chez eux. Chacun retourne chez soi en cette fin de journée. — Quant à Jésus, il s’en alla au mont des Oliviers où il passe la nuit, qui est le lieu de silence et de solitude, propice à la prière, au colloque intérieur avec Dieu le Père.


    ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRIST SELON SAINT JEAN (8,1-12)

    01 Quant à Jésus, il s’en alla au mont des Oliviers.

    02 Dès l’aurore, il retourna au Temple. Comme tout le peuple venait à lui,
    il s’assit et se mit à enseigner.

    03 Les scribes et les pharisiens lui amènent une femme qu’on avait surprise en situation d’adultère. Ils la mettent au milieu,

    04 et disent à Jésus : « Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère.

    05 Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, que dis-tu ? »

    06 Ils parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus s’était baissé et, du doigt, il écrivait sur la terre.

    07 Comme on persistait à l’interroger, il se redressa et leur dit : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. »

    08 Il se baissa de nouveau et il écrivait sur la terre.

    09 Eux, après avoir entendu cela, s’en allaient un par un, en commençant par les plus âgés. Jésus resta seul avec la femme toujours là au milieu.

    10 Il se redressa et lui demanda : « Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ? »

    11 Elle répondit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »


    Faire silence pour écouter
    est une attitude de paix dont use Jésus dans ce passage de l’Évangile de Jean, déjà préconisé dans l’Ancien Testament :

    Isaïe 33

    15 Celui qui va selon la justice et parle avec droiture, qui méprise un gain frauduleux, détourne sa main d’un profit malhonnête, qui ferme son oreille aux propos sanguinaires et baisse les yeux pour ne pas voir le mal,

    16 celui-là habitera les hauteurs, hors d’atteinte, à l’abri des rochers. Le pain lui sera donné ; les eaux lui seront assurées. »

     

    « Faire silence pour écouter » & sainte Jeanne de France

    Sainte Jeanne de France (1464 -1505)

                Née en 1464, à Nogent-le-Roi (28 - Eure-et-Loir, à 80 km à l’ouest de Paris entre Dreux & Chartres), Jeanne est la fille du roi Louis XI et de la reine Charlotte de Savoie.

                De 5 ans à 19 ans, elle réside au château de Lignières-en-Berry, où elle vit retirée de la cour, en exil forcé à cause de son handicap dû à une maladie osseuse. En effet, elle est voutée et sera surnommée ‘Jeanne la boiteuse’.

                À 7 ans, dans l’oratoire de Lignières, elle reçoit en elle l’intuition spirituelle qu’un jour elle fondera un Ordre religieux dédié à la Vierge Marie. Les années vont passer.

                À 12 ans, elle est imposée en mariage par son père à Louis d’Orléans, de deux ans son aîné, qui jamais n’accepta ce mariage forcé. Vont suivre 22 ans de vie conjugale difficile.

                Elle a 34 ans en 1498, quand son frère le roi Charles VIII meurt accidentellement. Louis d’Orléans devient alors roi de France (Louis XII) et Jeanna devient de ce fait reine de France. Il fera alors reconnaître par Rome la nullité du sacrement du mariage avec Jeanne pour épouser Anne de Bretagne qu’il convoitait depuis longtemps, qui de veuve de Charles VIII, deviendra alors reine de France à la place de Jeanne. Jeanne, elle, devient duchesse du Berry.

                En 1502, elle concrétise alors l’intuition reçue en sa jeunesse : elle fonde à Bourges l’Ordre de la Vierge Marie, l’Annonciade, avec l’aide de son père spirituel et confesseur franciscain, le bienheureux Gabriel-Maria. 

                Elle meurt trois ans plus tard, le 4 février 1505.

                Béatifiée en 1742, Jeanne de France est canonisée par Pie XII en 1950.

    Ste Jeanne de France (anonyme).jpg

                L’Annonciade, cet Ordre de la Vierge Marie, tire son nom de l’Annonciation.
    L’Annonciation est ce moment où Marie a reçu l’Esprit Saint qui lui fit concevoir la vie de Jésus, Fils de Dieu, le Verbe fait chair, en elle. Annonciade est un néologisme qui résume l’attitude d’écoute et d’accueil de la Vierge Marie de faire la volonté de Dieu, au moment de l’Annonciation, quand l’archange Gabriel lui révèle le dessein de Dieu sur elle. Elle répond à l’ange : « Je suis la servante du Seigneur. Qu’il me soit fait selon ta parole ». Dieu a choisi la Vierge Marie pour être la mère de Jésus pour ses qualités d’accueil, d’écoute, d’humilité, d’obéissance. Parce que Marie est avant tout une femme de prière attentive à la Parole de Dieu. Telle est la spiritualité de sainte Jeanne de France : vivre l’Évangile en se conformant aux attitudes intérieures de la Vierge Marie, décrites dans les Évangiles de Luc et de Jean.
     

    « Faire silence pour écouter » dans la vie de Jeanne de France

    stPJEymard portrait rosé.jpgPermettez-moi de citer un autre saint que j’affectionne tout particulièrement pour vous montrer comment Dieu s’adresse à une âme qu’il a choisie. Saint Pierre-Julien Eymard dans une prédication sur le recueillement écrit ceci : « Il (Dieu) commence par (l’)isoler (l’âme) du monde afin de l’avoir plus à lui – c’est l’époux qui veut avoir à lui seul son épouse ». Ailleurs, à propos de la vie intérieure : « La vie intérieure est le sanctuaire du Saint Esprit dans lequel il forme l’âme fidèle à l’esprit et à la vie de Jésus. Elle est le tabernacle où Dieu rend ses oracles, fait entendre à l’âme sa douce et aimable voix, lui révèle sa vérité, l’attire à sa charité, la remplit des dons de sa bonté. Elle est le règne de Dieu dans une âme. »

                Et enfin, dans un Traité (sur la prière) d’oraison : « On peut dire que le fruit le plus précieux et le plus parfait de l’oraison, c’est de mettre l’âme dans un plus grand recueillement. C’est la condition et la preuve divine et sensible de l’opération de la grâce d’union avec Dieu. Voilà pourquoi quand Dieu veut faire quelques grandes faveurs à une âme, il commence toujours par la recueillir. Heureux silence ! qui laisse Dieu parler, et l’écoute avec amour ! »

                Grâce à son handicap qui la conduira à être rejetée de la cour immédiate de son père le roi Louis XI, Jeanne va être isolée au château de Lignières et au cœur de ce château c’est dans l’oratoire que Dieu lui parlera par l’intermédiaire de la Vierge Marie. En effet, à l’âge de 7 ans Jeanne priait Marie de tout son cœur dans l’oratoire et eut alors le sentiment que la Vierge lui disait (toute les citations et textes sur Jeanne de France sont tirées du site de l'Annonciade https://www.annonciade.info) :

                           « Il y a trois choses qui me plaisent par dessus tout, c’est d’écouter mon Fils, ses paroles et ses enseignements  […], c’est de méditer sur ses blessures, sur sa croix et sa Passion et (enfin) c’est le très Saint Sacrement de l’autel ou la messe […]  Tu chercheras aussi à établir la paix là où tu habites… Fais ceci et tu vivras ». (Chronique de l’Annonciade dans Les Sources). Jeanne vivra donc de ces choses qui plaisent à Marie, pour plaire à Jésus son Fils et à Dieu.

                Jeanne est une femme de foi dont le seul désir est de plaire à Dieu, à l’exemple de la Vierge Marie, la première croyante. Marie est la première à avoir accueilli la parole de Dieu par la bouche de l’archange Gabriel. Marie est la femme qui a accueilli le Verbe fait chair en elle. Elle est la première à avoir obéi à Dieu par son fiat (« Qu’il me soit fait selon ta parole »). L’exemple de la Vierge a été déterminant chez Jeanne. En méditant l’Évangile, avec Marie et comme Marie, Jeanne a appris ces trois choses dont la mise en pratique a contribué à la construire, à la faire tenir bon dans la prière et la charité et, de ce fait, à vivre la charité en acte, notamment auprès des pauvres de Bourges, après l’incendie qui avait ravagé la ville.

                La première chose : lire la Parole de Dieu. Comme « Marie conservait toutes ces choses, les méditant dans son cœur » (Luc, 2, 19.51), Jeanne s’est attachée aux vérités de l’Évangile. Elle l’a médité, particulièrement les passages où il est question de la Vierge, y découvrant ce qui pouvait l’aider dans sa vie quotidienne à elle. Ainsi, elle a découvert dix attitudes du cœur de la Vierge qu’elle pouvait faire siennes. C’est l’héritage spirituel marial qu’elle lègue à ses filles de l’Annonciade : le dizain des dix ‘Ave Maria’. Le regard de son esprit s’est alors posé sur Marie pure, Marie prudente, Marie humble, Marie croyante, Marie priante, Marie obéissante, Marie pauvre, Marie patiente, Marie charitable et Marie compatissante. Ce regard prolongé sur la Vierge a nourri ses pensées, inspiré ses paroles et orienté ses actions, les pénétrant de bonté.

                La seconde chose : méditer la Passion du Christ. « Debout, Marie sa Mère se tenait au pied de la Croix » (Jn, 19,25). À l’exemple de la Vierge du Stabat, Jeanne a contemplé longuement le Crucifié, comprenant que, sur la Croix, Jésus a voulu nous « séduire par son amour » (Bx Duns Scot), par sa vie donnée, sa vie livrée. Cette méditation prolongée l’a conduite à faire de sa vie un service d’amour. Si chaque année, Jeanne lavait les pieds de treize pauvres afin de commémorer le geste du Christ lavant les pieds de ses apôtres, on peut dire que c’est toute l’année qu’elle les leur lavait par ses œuvres bonnes. La méditation de la Passion a contribué aussi à faire de Jeanne un être de bonté.

                La troisième chose : recourir souvent à l’Eucharistie. « Les apôtres, avec quelques femmes, dont Marie la mère de Jésus, étaient assidus à la prière et à la fraction du pain » (Ac, 2,42). À l’exemple de Marie, Jeanne est une femme de prière ; l’eucharistie est pour elle un moment d’intense union avec Celui qu’elle reçoit. Elle communiait souvent. De communion en communion, elle est entrée toujours plus profondément dans l’intelligence de ce mystère, non pas d’une manière intellectuelle, mais existentielle : comme la Vierge, elle a porté en elle la Présence et l’a donnée au monde, là encore, par sa bonté, ses œuvres bonnes.

                Ainsi, ces trois choses que Jeanne appris en regardant la Vierge de l’Évangile l’a fait sortir de chez elle, c’est-à-dire, d’elle-même ; cela l’a conduite à avancer toujours plus avant sur les chemins de la prière et du véritable amour.

                La prière et la charité ont éclairé toute sa vie, toute son existence. C’est à cette lumière qu’elle a pu découvrir le sens des événements qui ont jalonné sa vie. La lumière de la foi, une foi réfléchie et vécue, ainsi qu’une intense vie de prière et de charité, ont constitué cette écoute intérieure lui permettant de lire au cœur des événements de sa vie le sens dont ils étaient porteurs.

     

    Jeanne et la paix

                La paix est bien un des fruits de l’eucharistie (action de grâce). À chaque messe nous recevons la Paix du Christ. À ceux et celles qui étaient proches de l’Annonciade, l’ordre religieux qu’elle fonda à la fin de sa vie, elle demandait d’êtres des artisans de paix dans leur milieu de vie. Elle-même en a donné l’exemple. 

                Le souci de la paix, le souci de construire un climat de paix, habite le cœur de sainte Jeanne. Pour elle, le moindre petit geste de paix, de charité, sert la vie. Dans ce qui est infime, fragile, dans l’insignifiant elle reconnait le don de Dieu. De plus, elle désire que tous aient ce souci de la paix. Voilà pourquoi, elle « recommandait, dit la Chronique de l’Annonciade, d’être patients dans l’adversité et pacifiques envers le prochain, de n’être ni des mécontents, ni des détracteurs ».

    Ce souci de maintenir la paix là où elle vit, Jeanne l’a reçu de la Vierge elle-même. Nous le savons grâce à son confesseur, le père Gabriel-Maria (franciscain) qui rapporte, dans un de ses écrits, les paroles de la Vierge à Jeanne :

    Ste Jeanne de France & 10 vertus.jpg« Tu chercheras à établir la paix entre tous ceux au milieu desquels tu habites. Tu ne diras rien d’autre que des paroles de paix, soucieuse du salut des âmes. Tu n’écouteras pas les paroles médisantes, lui avait dit la Vierge, et dès que tu verras quelques pécheurs, tu diras dans ton cœur : il faut sauver ces pauvres gens. Car Dieu a permis qu’ils pèchent en ta présence pour voir, Lui, Dieu, comment tu voudrais prier pour eux et quel labeur tu entreprendrais pour les sauver. Excuse-les auprès de Dieu afin d’être comme je te l’ai dit l’avocat et le défenseur de tous. »  

    Voilà pourquoi elle recommande à ses filles de garder la paix entre elles :

    « Le Christ a établi son « Tabernacle dans la paix ». Que les sœurs fassent donc tous les jours le « sermon de la paix », c’est-à-dire, qu’elles établissent toujours la paix entre les sœurs, réconciliant celles qui seraient en contestation, les excusant toutes et se faisant toujours les avocates de la paix ».

    Pourquoi cela ?

    « Parce que, répond le père Gabriel-Maria, le Christ est l’auteur de la paix, c’est Lui qui l’a donnée et Lui qui l’a prêchée. » En effet : « c’est ma paix que je vous donne » dit plusieurs fois Jésus dans l’Évangile : au Cénacle, avant sa Passion ; et après sa Résurrection.

    Pour Jeanne comme pour le père Gabriel-Maria, nos paroles doivent construire un climat de paix, et non de division. Dans un sermon sur les vertus de la Vierge Marie, il écrit :

    « Se garder d’entendre mal parler ou de critiquer quoi que ce soit car ce serait contre la vertu de vérité. Bien souvent ces paroles de critique ne sont pas vraies. Il nous faut fuir de telles paroles… Que nos paroles soient nécessaires pour le prochain ! Si la parole est de nul profit, nous perdons notre temps… » Ainsi : « Que toutes paroles ne soient qu’amour et charité. Avoir toujours paix en son cœur : ce qui est le vrai repos de l’âme. »

    (Sources : Jeanne et la paix | L'Annonciade : https://www.annonciade.info/2018/01/jeanne-et-la-paix/)

     

    Humblement, dans le silence de mon cœur…

    T : Bhx Marie-Eugène de l’Enfant Jésus
    M : Fr. Jean-Baptiste de la Sainte Famille, ocd

    R : Humblement, dans le silence de mon cœur,
    je me donne à toi, mon Seigneur. 

    1. Par ton amour, fais-moi demeurer humble et petit devant toi. 
    2. Enseigne-moi ta sagesse, Ô Dieu, viens habiter mon silence.
    3. Entre tes mains, je remets ma vie, ma volonté, tout mon être. 
    4. Je porte en moi ce besoin d'amour, de me donner, de me livrer, sans retour.
    5. Vierge Marie, garde mon chemin dans l'abandon, la confiance de l'amour.

     

     

    La prière de bénédiction de saint François d’Assise

    François écrivit des Louanges de Dieu et la bénédiction à fr. Léon pour chasser une tentation qui assaillait frère Léon. On peut dater cet écrit de septembre 1224. 

    Prière Bénédiction St François d'Assise.jpg

    Bénédiction 

    1 Que le Seigneur te bénisse et te garde ; que le Seigneur te découvre sa Face et te prenne en pitié ! 2 Qu’il tourne vers toi son Visage et te donne la paix ! 3 Que le Seigneur, frère T Léon, te bénisse !

    Signature de François, le signe Tau, en forme de T majuscule, traverse le prénom de Léon en témoignage de bénédiction.

    Septembre 1224 – Traduction : Damien Vorreux (1996)

    (Sources : http://ecole-franciscaine-de-paris.fr/louanges-de-dieu-et-benediction-a-fr-leon/)

     

    Sandrine Treuillard
    Chargée de mission pour la Fraternité Eucharistique (catholique)
    de l'association œcuménique & interreligieuse Artisans de Paix : http://www.artisans-de-paix.org/

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    Artisans de Paix - ou le désir de rencontrer l'(A)autre

  • Que le règne eucharistique du Christ arrive ! Conférence intégrale du P. Nicolas Buttet - SC Montmartre

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    À l'occasion de la Nuit d'Adoration au Sacré-Cœur de Montmartre du 20-21 avril 2018 voici la Conférence du Père Nicolas Buttet intégralement retranscrite (d'après l'audio sur YouTube), fondateur de la Fraternité Eucharistein — du samedi 21 avril 2018 — invité par Gino Testa du Groupe de prière Padre Pio de Paris — à la suite de celle (Le 'chant' du P. Eymard - Sa dernière retraite, son testament spirituel) du Père André Guitton, sss (Congrégation du Saint-Sacrement), biographe de st Pierre-Julien Eymard (communauté des Pères du Saint-Sacrement, Chapelle Corpus Christi - 23 av. de Friedland - Paris 8).

    Dans cette conférence, le p. Nicolas Buttet nous donne sa vision du premier Saint Patron (des 4) de la Fraternité Eucharistein, S. Pierre-Julien Eymard. Pour lui c'est "vraiment le grand prophète de l'Eucharistie". Il s'en explique au cours de son exposé.

    Le désenveloppement du Mystère

    Portrait seul.jpgTrès heureux de vous retrouver. Merci cher Père Guitton pour cette présentation si touchante de ce prophète de l'Eucharistie. Je pense que Pierre-Julien Eymard est vraiment le grand prophète de l'Eucharistie. Et vous savez que dans l'histoire de l'Église on appelle cela le 'désenveloppement du Mystère'. Tout est donné au départ, dans la personne de Jésus et, on le sait, la révélation s'achève avec la mort du dernier apôtre. Donc tout est dit. Mais là, les choses se désenveloppent, prennent une tournure particulière. Je vous parlais hier du Sacré Cœur. Il est bien là, ouvert sur la Croix, toute la dévotion se trouve là, il y a des textes merveilleux… Mais finalement c'est au XIIème XIIIème siècle avec sainte Gertrude d’Helfta, sainte Metchilde de Hackeborn, sainte Metchilde de Magdebourg, Hildegarde de Bingen, où tout d’un coup le Sacré Cœur prend une première… Il y a une scène très belle où Hildegarde de Bingen voit le Sacré Cœur de Jésus, repose sur le Sacré Cœur de Jésus, et elle voit saint Jean. Et elle dit à saint Jean : « Tu es un petit cachotier ! Je suis sûre que quand tu as posé ta tête sur le Sacré Cœur de Jésus tu as dû sentir l’amour fou qu’il y avait dans son Cœur, et tu ne nous as rien dit ! Tu es un petit cachotier ! » Alors, saint Jean lui dit : « Effectivement, j’ai senti cet amour fou dans le Cœur de Jésus, mais Dieu m’a confié la mission d’annoncer le Verbe fait chair. Quant aux secrets insondables de son Cœur, ils sont réservés aux temps où la charité se refroidira sur la terre. » Et donc, ça va être Marguerite-Marie Alacoque qui va recevoir cette dévotion au Sacré Cœur. Et puis on va voir que cette dévotion va se concentrer, se cristalliser, s’incarner, si j’ose dire, autour du Christ Eucharistique. Puisque c’est le Cœur Eucharistique de Jésus qui va être la grande dévotion de la fin du XIXème siècle mais un peu brève, malgré tout. Et saint Pierre-Julien Eymard en fait partie, avec tous ses amis, avec Émilie Tamisier, avec le Père Antoine Chevrier, avec le Curé d’Ars… Ils étaient tous copains, c’est incroyable, il y avait une collection de saints qui se côtoyaient et qui priaient ensemble qui était absolument extraordinaire, hein ! C’était les potes de Jésus qui s’étaient rassemblés et ils voulaient annoncer. Ça, c’est important, c’est une belle leçon parce que dans des moments de tiédeur et de froideur Dieu veut vraiment rassembler ses amis pour nous donner le feu et nous donner la grâce d’évangéliser. Et puis tout d’un coup, on va voir que quand on va plus profondément dans ce Cœur de Jésus, on a la Miséricorde et c’est saint Faustine. Finalement toute la révélation de sainte Faustine se joue autour de Jésus Eucharistie. Et je vous disais hier soir cette phrase qui me touche beaucoup : « Dis bien au monde entier qu’il n’y aura pas de paix sur la terre si l’on ne vient pas à ma Miséricorde et le trône de ma Miséricorde c’est le Saint Sacrement. » Donc : « Dis bien au monde entier qu’il n’y aura pas de paix si l’on ne vient pas au Saint Sacrement. » Et donc les prophéties du Père Pierre-Julien Eymard sur la conversion de la France, de l’Europe, sur la nécessité absolue de l’adoration, sur la grâce de l’adoration pour transformer le monde, qui est pris dans la tiédeur et dont les âmes se croient ferventes et qu’elles ne le sont pas parce qu’elles n’ont pas établi leur trône en Jésus Eucharistie… eh bien !, c’est vraiment maintenant que ce temps est là. Il nous est donné maintenant. Et avec cette Miséricorde qui jaillit du Cœur de Jésus. Et pour moi, cette prophétie de Faustine et cette prophétie de saint Pierre-Julien Eymard, est aussi importante que celle de Fatima, voyez-vous. Quand Marie dit, en 1917, que si on ne va pas se convertir, une guerre plus grave encore éclatera sous le pontificat de Pie XI… On est encore à l’époque du pape Benoît XV, Pie XII arrivera en 1922 sur le siège de Pierre, il mourra en 1938, et c’est vrai que la guerre éclate sous le pontificat de Pie XI, juste avant son décès. Marie annonce cela en 1917, et donc, à part Marie et le Ciel, personne ne peut savoir le nom du prochain pape, et elle l’annonce clairement, avec un signe aussi cosmique, qui aura lieu au début de l’année 1938, une lueur dans le ciel qui se verra de manière assez extraordinaire dans le monde un peu partout. Parce qu’on n’aura pas écouté Marie, on aura cette tragédie, voyez-vous.

    Toute prophétie est conditionnelle, soumise à la liberté des hommes

    ND d'Akita -sang.jpgToute prophétie est conditionnelle, soumise à la liberté des hommes. Ninive se convertit, l’Europe ne se convertit pas. Voilà. Et aujourd’hui, le pape François a beaucoup insisté sur le lien entre Fatima et Akita, et donc, c’est quelque chose d’assez important, ce lien entre Fatima et Akita. Notre-Dame d’Akita a été reconnu par l’Église en 1984 et 1988 par le cardinal Ratzinger à Rome. C’est chez les Servantes Eucharistique du Sacré-Cœur, en montrant qu’il faut prier Jésus Eucharistie. Donc, au cœur du renouveau du monde, au cœur du renouveau de notre vie personnelle, au cœur de la guérison du monde, il y a Jésus Eucharistie. Il fallait être fou de la part de Jésus, de se rendre présent dans cette vulnérabilité-là, vous voyez… Bien sûr, c’est Dieu transcendant qui est là, mais c’est le bébé de Marie, c’est le vrai corps que Marie a porté dans ses bras, c’est ce Jésus qu’elle a touché, qu’elle a caressé, qu’elle a pris, et Joseph, et le vieillard Siméon : « Oh qu’il est chou ce petit bébé ! » Et c’est l’émerveillement des bergers à la crèche, voyez-vous… C’est ça ! l’Eucharistie. Alors on a tellement pris de la distance avec l’Eucharistie… On ne dérangeait pas le ‘Divin Prisonnier’. « Interdiction… » Un prêtre a écrit à son évêque : « Interdiction de déranger le Divin Prisonnier. » À un moment donné on interdisait de le toucher avec les dents. Or, comme je l’ai dit hier, le mot ‘trogein’ en grec, c’est ‘broyer avec les dents en faisant du bruit’. Et on est arrivé à dire que c’est un péché mortel de toucher avec les dents l’Eucharistie. Mais comment a-t-on pu vouloir tenir à distance ce Dieu qui se fait si proche, jusqu’à se faire manger et « descendre dans les latrines de notre corps »[i] ?
    Comment a-t-on pu faire pour ne pas rentrer dans la logique évangélique et dans la logique eucharistique d’un Dieu qui s’abaisse et qui est l’ultime point de l’abaissement de Dieu ? Seule l’humilité pouvait descendre plus bas que le péché. Et l’humilité c’est Jésus à l’Eucharistie. C’est de là qu’Il vient nous rechercher, c’est de là qu’Il vient nous empoigner. C’est là qu’Il vient relever chacune et chacun d’entre nous et qui vient transformer le monde.

    Repenser l’Eucharistie avec la théologie mystique des saints

    Gaudate & exsultate.jpgAlors je pense qu’il va falloir repenser l’Eucharistie. Non pas partir de l’acte pur de la transcendance absolue et des concepts philosophiques et même théologiques sur Dieu. Il y a une théologie mystique qui est plus grande encore que la théologie spéculative, qui est la théologie des saints qui nous apprend le vrai mystère. Et Pierre-Julien Eymard est vraiment ce grand prophète de cette théologie mystique. J’en pleurais de joie quand je relisais le dernier texte du pape François (La joie et l’allégresse Gaudete et Exsultate). C’est ce qui manquait à l’Église, depuis des siècles, si j’ose dire. Les papes se sont exprimés avec beaucoup de ferveur, de justesse, de dévotion, d’intelligence et de piété aussi, sur des grands mystères de la foi, mais personne n’avait écrit une encyclique de théologie mystique. C’est-à-dire, d’une véritable théologie des saints. Qui est la science suréminente. Quand on fait de la théologie ont dit que tout est subordonné à la théologie des saints. C’est la science par excellence. On l’a complètement écarté de notre vision théologique. On n’osait même pas en parler parce que ça ne faisait pas scientifique. Mais on s’en fout ! L’important c’est de rencontrer Dieu dans son vrai mystère tel qu’Il s’est révélé à nous. Et la théologie des saints est là, dans cette délicatesse, voyez-vous… Et je vous parlais hier de Jésus qui débarque du tabernacle pour aller trouver sœur Faustine dans sa chambre… C’est ça la théologie mystique… Mais… Il veut être avec nous, Il demeure avec nous. Sa souffrance, c’est de ne pas être avec nous. Un ami chilien me racontait cette histoire, liée à S. Padre Pio, d’ailleurs : il y avait un camionneur qui faisait la traversée de la grande transaméricaine, la grande route qui traverse toute l’Amérique latine, et tout à coup il voit un type en train de faire du stop au bord de la route. Il s’arrête, il prend le gars. Le gars dit : « Vous voyagez toujours seul comme ça ? » « Je ne suis jamais seul ! » et il montre la photo de Padre Pio et dit : « Il est toujours avec moi, Padre Pio, on est toujours ensemble. » D’un coup, il n’y avait personne sur la route, et le camionneur se met à klaxonner très fort. L’autre dit : « Mais qu’est-ce que vous faites ? Il n’y a personne, il n’y a rien ! » Il répond : « Non, mais il y a une église, là-bas, il y a le clocher, alors je sais que Jésus est seul. Alors à chaque fois que je vois une église je klaxonne pour lui dire : « Hello, Jésus, c’est moi ! », je n’ai pas le temps de m’arrêter, mais je lui fais coucou, puisque tout le monde l’oublie ! » Le gars dit : « Arrêtez tout de suite ! » « Pourquoi ? » « Je suis le curé de la paroisse, je quittais le sacerdoce, je partais, je fuyais… Il faut que je retourne dans ma paroisse ! » Vous voyez la Providence de Dieu ?! Ça, c’est la tendresse de Dieu, vous voyez. Lui, il fait son coup de klaxon à Jésus.

    Enfant Jésus au tabernacle.jpgEt c’est ça : Un jour une maman rentre dans une église, elle arrive avec son enfant et lui dit : « Tu vois, là-bas, c’est la petite maison de Jésus, et la petite lumière rouge ça veut dire qu’Il est là. Alors on va faire silence, on va parler à Jésus. » Au bout d’un moment le petit garçon dit : « Maman, c’est quand que c’est vert, qu’on peut repartir ? » Je suis sûr que Jésus à craqué, vous voyez… Voilà… Comment nous rentrons dans cette proximité, cette intimité de Jésus. Avec nous. Vous savez, on accueille chez nous (à la Fraternité Eucharistein, note de La Vaillante) des jeunes traversés par l’alcool, la drogue, la dépression, la violence. Et c’est Jésus Eucharistie qui les guérit. C’est Jésus Eucharistie qui les transfigure. On a une fille qui à douze ans est partie dans la rue : la drogue, la prostitution, le sado-masochisme… enfin, un peu tout, comme ça… qui débarque chez nous à 19 ans, dans un état !…, mais complétement cassée, bourrée de phobies. Tout d’un coup elle découvre Jésus Eucharistie. Je peux vous dire que quand elle va rencontrer Jésus, mais c’est quelque chose ! C’est son Amour. C’est sa force. Elle est prise de combats, de tentations… Elle dit : « Mais c’est Jésus qui me tient. » Et sa communion…! Elle veut recevoir Jésus.

    Trek en Chine.jpgJ’étais en Chine, l’année dernière… On rencontre un gars qui faisait du trekking. On marche dans les montagnes, on visite des communautés chrétiennes du côté du Tibet… Et un gars me dit : « Ah, j’ai appris que vous traversiez la montagne… Je ne connais rien. Est-ce que je peux marcher avec vous ? » Je me dis : c’est un flic camouflé, je suis sûr qu’il va nous surveiller… Comment je vais faire pour lui dire que ce n’est pas possible ? Et en fait, je sonde un petit peu mes amis chinois aussi. Ils me disent, non, il n’est pas de la police, tu peux être confiant. Et je ne lui dis pas qu’on était chrétien. Je lui dit qu’on est des trekkers, on est des marcheurs, comme ça… Et puis on part dans la montagne. C’est trois jours de marche dans la montagne. Le premier soir, on a la messe le soir et un temps d’adoration en pleine nature, à 4000 mètres d’altitude. Et lui, là, vient vers moi et me dit : « C’est quoi ce que vous avez fait ?! » Et je réponds : « Je ne t’ai pas dit avant le départ, mais on est chrétien… » « Oui, mais c’est quoi, cette chose ronde qui est là-bas ?! » « Eh bien je vais te dire : c’est mon Dieu. » Et il se met à pleurer et il me dit : « Mais il m’a parlé, tu sais ?… Il m’a dit qu’Il m’aimait. » Et alors on est arrivé à un petit village, on a fait une nuit d’adoration. Il a passé la nuit entière devant Jésus. Il était là, il ne bougeait pas. Le lendemain matin, il me dit : « Comment on fait pour devenir comme vous ? Ça veut dire quoi ? » Alors je lui explique un petit peu… « Alors moi je veux être baptisé ! Il faut que tu me baptises, Nicolas ! » Je lui dis : « Écoutes, là, c’est trop rapide, je ne peux pas faire ça, mais… » Il me dit : « Mais, je peux continuer de voyager avec vous parce que je ne peux pas me passer de Jésus dans l’Eucharistie comme ça ! » Je dis : « Bien sûr, tu vas faire tout le voyage avec nous, tout le pèlerinage. » Et il a été baptisé à Pâques, cette année, et c’était au mois de… On s’est quitté au mois d’août l’année dernière, et il m’a envoyé des photos et derrière il m’a dit : « Y’a une surprise, y’a une surprise, y’a une surprise ! Et à Pâque il m’a envoyé la photo de lui en grand habit blanc, baptisé à Pâques. Il a créé un groupe : Faithbook. Faith ça veut dire ‘foi’ en anglais… Faithbook pour annoncer Jésus Eucharistie. Ça, c’est Jésus Eucharistie, voyez-vous… Ça c’est ce que Dieu nous demande de vivre et de découvrir aujourd’hui.

    En quoi Jésus Eucharistie est-il vraiment le lieu d’une guérison pour nous ?

    25 mai 2018 P.Buttet Journée Eucharistique StLouis d'A;.jpgAlors c’est un petit peu ce dont je vais vous parler maintenant… j’ai pris un peu de temps en introduction, mais… en quoi Jésus Eucharistie est vraiment le lieu d’une guérison pour nous ? Première chose, d’abord je crois qu’on est très obsédés par la santé aujourd’hui. Je ne sais pas si vous avez remarqué, on est très, très pris par la santé. Mais en fait, en latin, dans différentes langues, en italien, en espagnol, dans les langues latines le mot santé et salut viennent d’une même origine, d’une même étymologie. Et finalement, quand on a perdu le sens du salut, on s’est obsédé de la santé. On se dit, au Nouvel An : « Bonne santé ! » On peut mourir en bonne santé, mais être damné… Et on peut mourir très malade et être sauvé. Ce qui est important de noter c’est le bon salut. Parce que quand on dit ‘salut’, ça veut dire je te souhaite le Salut : la vie éternelle, qui peut comprendre la santé mais qui est d’abord la vie éternelle, le salut de l’âme. Et donc je pense que l’adoration eucharistique nous remet en face de l’essentiel, redit au monde qui a perdu le sens de Dieu : « Mais, retrouve le sens de Dieu, retrouve tout ce qui est important pour toi. » Dans l’Écriture sainte, voyez-vous, ce qui est important ce n’est pas d’être en bonne santé ou d’être malade. Et même pas d’être mort ! Jésus parle à des morts : « Lazare, sors ! » ou « Talita kum ! » « Je dis : lève toi ! » Et puis il ne parle pas à des vivants : à Hérode, à ceux qui le frappent… parce qu’ils sont déjà morts… dans leur cœur. La mort et la vie ne sont pas les mêmes frontières que pour nous. La santé et la maladie ne sont pas les mêmes frontières que pour nous. J’allais dire même mieux que ça : Jésus nous rejoint dans nos vulnérabilités, notre péché.

    Moïse doux.jpgIl y a une scène étonnante dans l’Écriture sainte : c’est Moïse qui négocie avec le Bon Dieu la mission que Dieu lui a confiée, d’aller libérer son peuple, de collaborer à la libération du peuple. Alors, Moïse dit d’abord : « Je suis âgé, je suis à la retraite, je ne peux pas ! » Dieu dit : « Non, ça ce n’est pas une bonne raison. » Alors Moïse dit : « J’ai un casier judiciaire en Égypte, ça ne se fait pas, il n’est pas encore périmé… » Et après il dit : « J’ai un problème : tu me demandes d’être ambassadeur et j’ai la bouche pâteuse. » Sans doute un bégaiement… Dieu dit : « Eh bien ton frère, Aaron, te donnera un coup de main ! » Mais c’est très beau, voyez-vous, l’argument ultime, la souffrance mystérieuse de Moïse, c’est cette bouche pâteuse. Et à la fin quand il meurt sur le mont Nebo quarante ans après, aux portes de la Terre promise, on nous dit qu’il mourut, les traductions disent : « Sur la parole de Dieu, sur l’ordre de Dieu… » Le texte hébreu dit : sur la bouche de Dieu. Et c’est le même mot qui est utilisé quand il dit que la bouche est pâteuse et que la bouche de Dieu le rejoint. Voyez-vous… : Dieu l’a attendu toujours sur cette bouche. L’expérience de sa pauvreté, de sa bouche pâteuse était l’expérience de Dieu qui lui parlait et qui le rejoignait. Ça, ça c’est le christianisme, voyez-vous… Ça c’est la vie avec Dieu. C’est-à-dire que le lieu de la rencontre avec Dieu c’est le lieu de ma propre vulnérabilité. C’est le lieu de ma propre pauvreté. C’est le lieu de mon propre drame. C’est là que Dieu m’attend et c’est là que Dieu me rejoint. Je ne veux pas être trop long là-dessus, il y a plusieurs choses à dire, mais… Voyez-vous, ce que Dieu nous donne, et finalement… c’est là qu’il va falloir venir pour découvrir la tendresse de Dieu et l’amour de Dieu.

    Développer aujourd’hui la véritable ferveur eucharistique de Pierre-Julien Eymard

    PJE au St Sacrement.jpgEt je pense qu’il va falloir développer aujourd’hui la véritable ferveur eucharistique de Pierre-Julien Eymard : faire travailler le saint Sacrement pour que l’irradiation de la grâce de Dieu se répande partout. Benoît XVI démontre deux drames de notre humanité et de notre christianisme aujourd’hui.

                           1- La gnose : Le salut par la connaissance, par la science, par le savoir. Et on croit que notre connaissance va nous sauver. On croit que notre savoir va nous sauver. Sur le plan mondial, c’est sûr, c’est depuis les Lumières, la science qui doit sauver l’humanité. Quand Condorcet disait : On va progressivement vers un monde… Les dix étapes de l’humanité vers le progrès parfait. L’avenir radieux intra-historique. Enfin, on avait cette idée que le monde est perpétuellement en progrès du bien vers le mieux grâce à la science. Et la science répondra à tous les problèmes. Au XXIème siècle on peut se dire qu’on a manqué le train et que le progrès technique ne signifie pas le progrès humain et progrès d’amour. C’est un échec total. Et les idéologies ont marqué l’échec. Reste qu’on est toujours marqué là-dedans, y compris dans l’Église ! La dernière parole du ‘pape intello’, Benoît XVI : « Ma plus grande crainte dans l’Église aujourd’hui c’est l’intellectualisation de la foi. » Une façon de mettre à distance Dieu par la science et par des théories. Non pas une intelligence de la foi. Une intellectualisation de la foi. L’intelligence de la foi passe par le cœur, par la lumière, par l’expérience. Et les saints ont une intelligence de la foi. Et les plus pauvres ont une intelligence de la foi. Cette fille dont je vous parlais tout à l’heure : elle vient vers moi… textuel, texto, elle me dit : « Putain, j’ai pas dormi de la nuit passée ! » Je dis : « Ah ouais… ! » Elle me dit : « Ouais, mais j’ai parlé avec la Trinité. Toute la nuit ! » Ah, j’dis : « Bien, très bien… » Elle dit : « Mais, putain, c’est un truc de ouf !!! Tu te rends compte : le Père n’aime pas comme le Fils ; le Fils n’aime pas comme le Père ; l’Esprit Saint n’aime pas comme le Père. Chacun aime de manière unique ! J’ai parlé avec les trois l’un après l’autre, mais c’était chaque fois des discussions différentes. Il y avait à chaque fois un amour totalement différent : entre l’amour que le Père avait pour moi ; que le Fils avait pour moi ; que l’Esprit Saint avait pour moi. Et nos discussions étaient complètement différentes avec les trois. » Alors je la regarde, comme, ça… Elle me dit : « J’ai dit une bêtise ? » Je dis : « Non, mais l’Église a mis cinq siècles pour découvrir ça, tu vois, dans les Conciles ? » Juste un petit détail… Et quand elle m’a dit ça, avec le ton avec lequel elle me l’a dit… je ne l’ai pas, le ton… Mais le ton avec lequel elle me l’a dit… mais j’ai découvert quelque chose ! J’avais étudié mes Conciles ! J’avais étudié un peu la Trinité, quand même… Enfin, je connais deux ou trois choses. Je ne m’étais jamais émerveillé à ce point du fait que les Personnes n’aimaient pas de la même manière. Je n’en avais pas pris conscience et c’est lorsqu’elle me l’a dit, que j’ai pris conscience de cette réalité-là, vous voyez… Alors, Dieu veut vraiment renouveler le monde… Première chose la gnose. Deuxième chose…

                                       2ème - Le pélagianisme. Pélage était un moine du IVème siècle, qui, pour faire très bref et pas tout juste, mais enfin ça vous dit un peu les choses… C’est un peu l’idée qu’on se sauve à la force du poignet. Que Dieu nous a tout donné dans notre nature et aussi par le baptême et qu’on n’a plus besoin de ce qu’on appelle la grâce actuelle, c’est-à-dire du secours permanent de Dieu pour vivre. Qu’il suffit de… à nous de travailler au salut. La Gnose était première : c’était le salut par la connaissance. Les premiers chrétiens ont vu que ça ne marchait pas, que les grands savants étaient des crétins et des gens pas du tout charitables. Et donc ils se sont dit : c’est les œuvres qui vont… mais les œuvres par nous-mêmes, à la force du poignet. Et François met cela en lumière depuis le début de son pontificat ; il a dit ça. Mais là, dans son dernier texte, Gaudete et Exsultate, il a mis en lumière le fait que c’est le grand drame de l’humanité : on a jeté de côté la grâce ! On a perdu le cœur du christianisme ! La vie de la grâce, la vie théologale. Or, l’Eucharistie nous oblige à entrer dans la vie de la grâce. Non seulement elle donne la grâce, mais elle contient l’auteur de la grâce ! Seul sacrement qui contient l’auteur de la grâce. Tous les sacrements communiquent la grâce divine, la vie divine, mais l’Eucharistie de manière suréminente et unique, non seulement communique la grâce mais contient l’auteur de la grâce, puisque Jésus y est réellement présent. Donc cela c’est déjà une chose inouïe ! Et ensuite, la vulnérabilité du Christ vient rejoindre notre vulnérabilité, qui est en même temps le Dieu tout-puissant. Donc cette tentation du transhumain, du surhomme et tout ça, elle se réalise dans la pauvreté de ce que le Christ nous révèle de lui-même en son corps eucharistique. Lui, de riche qu’il était s’est fait pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté. Et dans cette merveilleuse parole du pape Benoît XVI : « Sa façon d’être Dieu provoque notre façon d’être homme. » Il n’est pas le Dieu tout-puissant, car il veut, là… voyez-vous, à la Résurrection, Thomas ne dit pas : « Montre-nous la puissance de ta gloire et qu’on voit en toi le rayonnement cosmique de ta personne ! » Il dit : « Si je ne mets pas la main dans ses plaies, dans ses trous, je ne croirai pas. » On demande de toucher le Christ ressuscité dans ses trous des mains, des pieds et dans sa plaie du côté. Ce qui n’aurait jamais dû être ! Parce qu’un corps ressuscité est beau, n’a plus aucun défaut et il a 33 ans, nous dit saint Thomas d’Aquin. La plénitude de l’âge. Donc, comment se fait-il que le corps ressuscité du Christ ait gardé ses stigmates ? Car c’est là qu’on le rejoint. Et c’est là qu’il nous rejoint. Voyez-vous… Il se garde vulnérable et blessé contre toute logique d’un corps glorieux et les apôtres ne se trompent pas : c’est là qu’ils veulent le reconnaître. C’est là qu’ils veulent le rejoindre. La preuve que tu es ressuscité c’est que tu as encore les trous dans ta chair. C’est extraordinaire… Et la preuve que tu es vivant c’est que tu es dans la vulnérabilité de l’apparence d’un bout de pain et d’un peu de vin. Et là j’y crois ! Là, tu es crédible, Seigneur. Et il faut qu’on ait l’audace et le courage de le rejoindre dans cette même pauvreté. Voyez-vous, on fait des théories, parfois… Oui, bien sûr, c’est le Glorieux, oui, bien sûr, mais rentrons dans la logique de Dieu, dans cette tendresse de Dieu. C’est un prêtre qui disait un jour… Il était ici, à Paris, un certain âge, déjà, alors il dit : « Moi, je passe ma journée à l’église, j’accueille les gens, ceux qui veulent se confesser se confessent, ceux qui ont envie de dire un mot en me parlant… Et puis le reste du temps j’adore Jésus. » Et un jour, une personne vient et lui dit : « Mon Père, vous dormez ! Vous devriez aller vous reposer. » « Oh, il dit, madame, peut-on reprocher à un vieux chien fidèle de dormir aux pieds de son maître ?! » C’est ça, l’Eucharistie. On appelle ça l’adodoration… vous savez… Alors, s’il n’y a que ça, c’est peut-être problématique, mais enfin… !

    Adoration et guérison

                Alors, très rapidement peut-être, quelques points qui paraissent importants sur ce rapport, plus spécifiquement, entre adoration et guérison. L’adoration vient au cœur du drame du péché de l’humanité. S. Thomas d’Aquin nous dit que le péché c’est se détourner de Dieu pour se tourner vers la créature. C’est un repliement sur soi. L’homme qui préfère la créature au Créateur, et qui finalement tue en nous le désir de Dieu pour le ratatiner, le réduire au désir de la créature. C’est ça tout le drame de la Création : c’est briser la relation avec Dieu en se repliant sur une fausse relation parce qu’elle n’est pas illuminée par la présence de Dieu.

    L’adoration eucharistique nous met en état d’extase, de sortie de soi

    Adorateur Carmel Angers.jpgL’adoration eucharistique nous met en état d’extase, de sortie de soi. Elle nous fait sortir de nous. Je vous ai dit hier soir cette intuition plus forte : finalement, l’Eucharistie c’est l’ultime de l’amour humain de Dieu pour nous. Si l’amour est extatique, c’est-à-dire qu’il doit sortir de soi — pas extatique dans le sens un peu mystico-gélatineux du terme où on est collé au plafond… C’est bien si certains sont portés par Dieu là, mais ce n’est pas le but… —, c’est une sortie de soi dans l’amour. Eh bien, quel plus grand amour pouvait-il exister d’un Dieu qui sort tellement de lui-même qu’il se rend présent hors de lui-même, sans se quitter, sous l’apparence du pain, sur la table du Séder pascal, c’est-à-dire du repas de la première pâque que Jésus a célébré avec ses apôtres ? C’est inouï, ça, voyez-vous… Et c’est ça la logique de l’Eucharistie. Elle nous extasie. Vous savez que dans l’adoration regarder l’hostie est très important. Parce que le regard est le sens qui nous extasie. L’ouïe nous enstasie : les sons rentrent en nous, et quand on écoute un concert habituellement on ferme les yeux et on écoute, on laisse entrer la musique en nous… sauf si le violoniste est un artiste, une personne assez éblouissante, ou le pianiste, on voit danser les doigts sur le clavier du piano, alors on est un peu fasciné par ça, mais… Mais pour la musique, fondamentalement, c’est l’en stase, ça rentre en nous. Le regard nous extasie. L’amour nous extasie. L’amour s’émerveille. La beauté nous attire. Le plus beau des enfants des hommes, présent au saint Sacrement, nous extasie. Voyez-vous… Et donc il y a dans l’adoration eucharistique la nécessité du regard porté sur l’Hostie, qui est aussi la logique de l’amour. Des amis me racontaient qu’ils étaient en vacances à Castel Gondolfo, dans la maison du pape qui s’appelle Sainte-Marthe, avec le pape Jean-Paul II. Ils avaient huit enfants, ils avaient mangé à table, le soir, avec Jean-Paul II dont ils étaient proches. Le petit dernier était là, ils l’avaient mis à dormir dans la salle d’à côté dans le petit berceau, parce qu’il était fatigué. À la fin du repas ils disent au Pape : « Écoutez, saint Père, si ça ne vous gêne pas, on va mettre à coucher les enfants et on revient chercher le petit dernier après, comme ça on ne va pas le déranger, on va coucher les aînés d’abord… » « Pas de problème, laissez-le là, dans la salle… » Alors, ils mettent à coucher les enfants, cela prend un certain temps, et quand ils arrivent Jean-Paul II était à genoux, penché sur le berceau et il le regardait. Il dit : « Vous voyez, je m’émerveille ! » L’enfant dormait. C’est ça l’extase, voyez-vous… C’est ça l’amour, c’est ça la logique eucharistique. C’est ça le renversement. L’adoration eucharistique vient au renversement du drame du péché. En nous amenant à passer… à renverser le mouvement du péché qui est un repliement, pour entrer dans une logique d’extase qui est la sortie de soi. L’extase vers Dieu qui nous conduit… « à un exode vers les plaies de nos frères et sœurs », dit le pape François.

    De l’extase à l’exode : l’Eucharistie c’est la gratitude

    uch beau geste humble, caché.jpgDonc, on passe de l’extase à l’exode qui nous conduit véritablement à un deuxième aspect qui est juste le contraire du péché. Le péché c’est l’ingratitude, le refus de dire merci, le refus de rendre grâce, le refus de se recevoir, le refus de s’accueillir comme un don. Et l’eucharistie c’est la gratitude, c’est dire merci. ‘Eupharisto’ ça veut dire merci. J’étais un jour en Grèce, dans une léproserie. Il y avait là une dame : plus de bras, plus de jambes, plus de nez, plus d’yeux, aveugle… Un corps tout frêle sur un lit, comme une hostie sur un autel. La sœur responsable de ce centre me dit : « Cette dame est en prière toute la journée… Elle ne fait que ça. » Alors moi j’ai craqué : j’ai sauté sur son lit, je l’ai embrassée… Vous pensez, une masse comme moi qui débarque sur le lit… Cette petite dame dont il ne restait plus que le corps et le visage déformés, complètement méconnaissable… Alors, elle était un peu étonnée au départ. Puis la sœur lui explique en grec ce qui se passe à ce moment-là. Et cette dame avec le peu de lèvre qui lui restait, qui avait aussi été rongé par la lèpre, me dit : « Eupharisto… » Ça veut dire ‘merci’ en grec. Eucharistein. Et j’ai compris le sens de tout ça, voyez-vous… Voilà. Tout d’un coup je reconnais.  

                C’est quand même terrible ! : Aujourd’hui, vous allez partout en management, partout en sens du développement personnel, on ne vous parle que de la gratitude, les bouquins sortent partout sur la gratitude. On s’est fait piqué le cœur de notre vie chrétienne ! ‘eucharistein’, ça veut dire merci ! Et on découvre aujourd’hui que, comme par hasard, si l’homme ne dit pas merci, eh bien, il crève ! Si l’homme n’est pas reconnaissant, il en meurt. Dans les bordes d’entreprise, dans les stages de développement personnel, de tous les côtés, en psychologie, en psychanalyse, vous regardez les livres qui sortent sur la gratitude… c’est partout ! Retrouver la gratitude, le merci devant la vie… Et nous, on avait ça au cœur de notre vie chrétienne. L’Eucharistie, dire merci. Dire merci… et on a oublié ça. Et déjà, les pères de l’Église disaient : Ou on est dans l’eu-charistie, dans l’eu-charistia, ou on est dans l’a-charistia, l’ingratitude. Ce sont les deux mouvements de l’homme. Ou je dis merci, ou je me replie dans l’ingratitude, et je meurs. Et je crève. Quand bien même je suis croyant. J’en meurs… Et j’en crève. Donc, vous voyez, l’eucharistie va bouleverser tout cet ordre et va mettre en relation.  

    Le légalisme

                Le drame du péché originel, dans le texte, c’est quand le serpent dit : « Alors, Dieu a dit… » Ça, c’est tout le drame du péché originel. Ensuite, les tentations arrivent, mais le drame est dans cette parole du texte de la Genèse alors, Dieu a dit. Pourquoi ? Parce que c’est la première fois qu’il n’y a pas un sujet en face de Dieu. Parce que là c’était : Alors Dieu leur dit ; Alors Dieu leur parla ; Alors Dieu leur adressa la parole… Pour la première fois Dieu devient une voie off qui résonne, un principe intellectuel : « Alors, le concept Dieu a dit. » Et le mot ‘Dieu’, dans le texte de la Genèse c’est éloïm, c’est un nom commun pluriel, en hébreu. Alors que là c’était ‘Yahvé éloïm’ : la personne de Dieu leur parle. Dieu n’est plus une personne, c’est un concept, c’est un nom commun qui parle sans s’adresser à quelqu’un. Ça c’est le cœur du péché originel. Après, tout découle de ça. On arrive dans le légalisme : « Alors lui il a dit : Il ne faut pas toucher du fruit de l’arbre. » Mais non, il n’a pas dit ça, le bon Dieu !, il a dit : « Tu ne peux pas en manger. » Mais le toucher, tu fais tout ce que tu veux, tu vas faire ta tasse de soupe… Enfin, il n’a pas dit ça. Légalisme.

    Le moralisme 

                Moralisme : « Ah ! Tu connaitras la science du Bien et du Mal. » Mais non, Dieu ne connaît pas le mal, il ne connaît que le bien. Parce que le bien c’est l’aptitude à la vie. Le mal n’est rien. C’est l’anéantissement du bien.  

    Le formalisme 

                Et puis le formalisme : « toucher » ; « ne pas toucher ». Attends, non, si tu n’as pas mis les pouces comme ça… Aujourd’hui, dans l’Église, vous voyez un retour d’un certain formalisme, d’un certain traditionalisme : « Si tu n’as pas fait comme ça les choses, si tu n’as pas fait le geste juste, attention, le bon Dieu… » Mais il n’en a rien à foutre, le bon Dieu ! Ce n’est pas ce qui l’intéresse. Ce qui l’intéresse c’est que l’on soit en amour avec lui… Alors, il faut des formes, l’Église fournit des formes, bien sûr ! Je ne dis pas le contraire. Mais attention… on croit qu’on fait plaisir. Les juifs pensaient ça, les pharisiens pensaient ça. « T’as vu Seigneur : on t’a sacrifié 3000 bœufs, 5000 chèvres et on t’a tout fait grillé. T’es content ? » « Non ! Vos sacrifices de viande grasse, j’en gerbe ! », dit le bon Dieu. « J’en vomis. J’en peux plus ! Ça me sort par le trou des narines et par les oreilles. » C’est dit comme ça dans la Bible. « J’en peux plus ! Vous croyez me faire plaisir en faisant ça ! Vous ne me faites pas plaisir. » « Ce qui me fait plaisir, c’est de délivrer le pauvre ; de donner à manger à celui qui a faim ; d’aller trouver le malheureux. Ça, ça me fait plaisir », dit Dieu. « Et manger le gigot et puis aller trouver le pauvre et partager le gigot avec le pauvre. Mais vos sacrifices, j’en peux plus ! Vous croyez me faire plaisir avec ça et c’est faux. Vous ne me faites pas plaisir avec ça ! » Dieu nous veut donc dans une relation où on se fasse plaisir les uns les autres.

                Mais on voit ça : un jour j’avais un couple qui vient. C’était assez tendu. Elle dit : « Tu ne m’offre jamais rien ! » Il dit : « Écoute, pour ton anniversaire je t’ai apporté la dernière machine à café, la plus performante. C’est même moi qui suis allé l’acheter pour toi. Je n’ai pas envoyé quelqu’un. J’ai fait l’effort et te l’ai apportée. » Sa femme le regarde et dit : « Et je ne bois jamais de café. » Alors vous vous dites, oh ! mince… il y a un petit problème. Lui buvait du café mais pas sa femme. Alors vous vous dites, comment on va rattraper le coup… ? Des fois, c’est ça avec Dieu : on lui fait des trucs qui ne lui font pas plaisir. Ça te fait plaisir ? Ben non, ce n’est pas comme ça que j’aimerais que tu viennes vers moi. Ça ne me fait pas très plaisir. Reprendre le sens de la relation brisée. Reprendre le sens de ce cœur à cœur avec lui. Reprendre le sens de cette intimité. Et il est un peu joueur le bon Dieu… Une histoire authentique : c’est l’histoire d’un enfant qui était sur une chaise roulante à Lourdes, et qui dit : « Je suis sûr qu’à la bénédiction du saint Sacrement je vais marcher ! » Alors l’évêque arrive, le bénit, et rien du tout, il reste coincé sur son siège. Il regarde Jésus au saint Sacrement et dit : « Jésus, puisque c’est comme ça, j’irai tout dire à ta mère ! » Il fonce à la grotte et à la grotte il s’est levé ! Et j’imagine Jésus et Marie au Ciel en train de discuter le coup… : « Allez, vas-y, vas-y, là c’est pour toi ! » Voyez donc cet émerveillement qui est là.

    Du désespoir à la Pentecôte

    Élévat°Eucharistie Complète.jpgCe que nous fait découvrir aussi le péché, c’est le désespoir. Qu’est-ce qu’on a perdu au moment du péché originel ? On a perdu notre dignité d’enfants de Dieu. La capacité de parler à la brise légère du soir avec le Père, en toute simplicité. C’était extraordinaire, vous imaginez ? Cette idée nous est redonnée. Et Dieu n’a fait que ça, quand on lit tout l’Ancien Testament. Et même l’histoire depuis les origines. Dieu s’est dit : « Mais comment je vais faire pour apprivoiser cette humanité qui s’est détournée de moi ? » Et Il va tenter. Et toute l’histoire de l’Ancien Testament, c’est Dieu qui essaie de ré-apprivoiser l’humanité à travers son peuple, en disant : « Mais je t’aime ! Regarde-moi ! Les idées que tu as sur moi sont fausses. C’est pas comme ça… Tu crois… non… Je n’aime pas fracasser la tête des ennemis. Je n’aime pas le sang qui coule. Mais bon, je t’ai défendu quand même. Et je prends soin de toi. » Jusqu’au moment où il va nous saisir, nous empoigner, et ça, c’est la Pentecôte. Or, il y a deux Pentecôte. Il y a la Pentecôte de saint Luc, qu’on connaît bien, dans les Actes des apôtres. Le phénomène extraordinaire dont je vous parlais hier soir. Et il y a une Pentecôte plus discrète, c’est la Pentecôte de saint Jean. C’est celle qui jaillit du Cœur du Christ sur la Croix. Si on regarde un petit peu cette histoire, mais très rapidement… À un moment donné, vous savez, il y a un papa et son fiston, qui partent… Il n’est plus tout jeune, il a une trentaine d’années, ils partent sur une montagne et le fiston dit au papa : « Mais, papa… On a le feu, on a le bois, mais où est l’agneau du sacrifice ? » C’est Abraham et Isaac… Et ils ont traduit : « Mon fils, Dieu pourvoira à l’agneau. » En hébreu, ce n’est pas ça : « Mon fils, Dieu voit l’agneau. » C’est au présent. Et le présent en hébreu est un présent qui continue. Dieu a sans cesse sous les yeux l’agneau. Ah ! Alors là, on comprend mieux. Ensuite, on connaît l’histoire. En fait, c’est un bélier qui se prend la tête dans un buisson. Je ne sais pas si vous avez remarqué, c’est le papa de l’agneau. C’est le père, d’abord, qui souffre, qui parle, qui participe. C’est le papa de l’agneau qui s’est pris la tête dans le buisson d’épines. Jusqu’au jour où l’agnus se prendra la tête dans le buisson d’épines aussi. Donc, Dieu se cache toujours dans un buisson d’épines. C’est la petite leçon qu’il faut en tirer… Quand ça pique, il y a le bon Dieu qui se cache dedans. Quand ça fait mal, il y a le bon Dieu qui est là, qui nous attend… C’est là qu’on trouve le bon Dieu : dans les buissons d’épines… du quotidien. Bref ! Jusqu’au jour où on arrive au bord du Jourdain. Et tout d’un coup : « Papa, où est l’agneau du sacrifice ? » « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » : saint Jean-Baptiste désignant Jésus. Whouaaa ! on l’a trouvé ! Et alors arrive ce moment extraordinaire, où deux disciples, - les évangélistes nous disent qu’il s’agit de Jean et André – suivirent l’Agneau. L’Agneau se retourne en disant : « Que cherchez-vous ? » Ils lui disent : « Rabbi (Maître), où demeures-tu ? » « Venez et voyez », leur répond-il. Ils allèrent. Ils demeurèrent avec lui ce jour-là. Ils rentrèrent. C’était vers la dixième heure, soit vers 4h de l’après-midi. Et ça, c’est un point où j’ai un petit problème avec saint Jean, quand même… Je dis : « Mais, tu ne nous a pas dit ce qui s’est passé… Tu aurais pu nous dire. Tu était là… Nous expliquer ce que tu as vécu avec l’Agneau pour la première fois que tu le rencontrais. Tu passes la journée avec lui : pas un mot ! Si ce n’est un petit détail : il était vers la dixième heure… Qu’est-ce que l’on en a à faire, 2000 ans plus tard que c’est la dixième heure, la cinquième heure, la huitième heure… » Sauf que la dixième heure est un temps très important. Pour les juifs et pour nous. Je reviendrai pour les juifs après. Mais pour nous c’est très important : parce que les heures reviennent à la fin de l’Évangile de saint Jean, voyez-vous… À la sixième heure : une grande ténèbre se fit sur toute la terre. À la neuvième heure : Jésus poussant un grand cri remit l’esprit. Et avant que les premières lumières du shabbat, quand cette chose s’est passée, ne soient allumées, vers 5h et 1/2, le 14 nisan à cette période de l’année à Jérusalem, on a voulu descendre les condamnés à mort de la croix. Il a fallu vérifier leur mort et pour Jésus, on n’a pas brisé ses jambes mais on a transpercé le cœur. Le temps de le mettre au tombeau, de l’embaumer rapidement, de fermer le tombeau et d’arriver à la maison pour respecter le shabbat de Pâque, de Pessah’, on peut imaginer que c’est vers la dixième heure. Alors, si on prend toute l’histoire du Salut depuis Abraham : « Papa, où est l’agneau du sacrifice ? » « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » « Où demeures-tu ? » « Venez et voyez »… à la dixième heure vous comprendrez tout. Le rendez-vous que Jésus nous fixe depuis les origines, c’est la dixième heure. C’est tellement vrai que c’est l’heure de Jésus. Dans tout saint Jean : « Mon heure n’est pas venue / mon heure n’est pas venue / Mon heure n’est pas venue … » « L’heure est venue / l’heure est venue / l’heure est venue ». L’heure de Jésus c’est ça. En gros, c’est sa Passion, mais quand on zoome, c’est le cœur ouvert.

    Croix san Damiano.jpgQue disent les juifs, le Talmud ? Il dit : « À la sixième heure Dieu créa nos premiers parents, Adam et Ève - Ish et Isha. » « À la neuvième heure, Il leur donna la Loi - la Torah. » « À la dixième heure, ils transgressèrent la Loi. » « À la onzième heure, ils furent chassés du Paradis - du Gad Éden. Ah ! La dixième heure c’est le lieu du péché originel dans la tradition imagée du Talmud, c’est-à-dire dans la succession sur un jour de la grande histoire du Salut. Et à la dixième heure Jésus nous attend pour nous redonner l’Esprit Saint. Il n’y a aucun décalage entre le temps du péché et le temps du don de l’Esprit Saint. Oh ! il y a eu des milliers d’années entre deux ! Mais spirituellement il n’y a pas de décalage. Le péché est le moment où Dieu attend pour me rejoindre. La perte de l’esprit filial où Dieu m’attend pour me redonner l’esprit filial. C’est à la dixième heure que l’un et l’autre adviennent et donc c’est à la dixième heure que j’ai ce rendez-vous. Or, justement, que se passe-t-il à la dixième heure ? Eh bien, Jésus l’annonce dans l’Évangile de saint Jean. C’est le jour de la fête de Souccot. Souccot est une grande fête de la tradition juive où l’on se rappelait le séjour dans le désert. On dormait sous des tentes, on célébrait avec joie la providence divine. Et le dernier jour de la fête de Souccot, il y avait la fête de l’eau, du don de l’eau. C’était une célébration assez étonnante. Il y avait peut-être 300 000 personnes à Jérusalem, à l’époque du Christ, quand on célébrait Souccot et la fête de l’eau. Le grand prêtre descendait chercher l’eau à la fontaine de Siloë, qui était au fond du Cédron, sous le temple de Jérusalem. Qui était la seule source jaillissante d’eau vive à Jérusalem. Jérusalem est alimentée par des puits, mais là c’était l’eau qui jaillissait comme une fontaine, en saccades, nous disait-on, d’ailleurs, dans les récits antiques. Il vient chercher l’eau, il l’apporte au temple et verse l’eau sur l’autel, pour signifier la communion avec le Ciel. Parfois même on dressait une estrade en bois, où on lisait la Torah, tous les sept ans. Et les commentaires juifs, le Midrash, la Mishna, le Talmud, nous dit : « Qui n’a pas vu la joie de la fête de l’eau qui clôt la fête des Tentes ne sait pas ce que c’est que la Joie. » Il y a un commandement de la Joie. Vous devez être joyeux ! Jérusalem était éclairée de mille torches, on voyait comme en plein jour. Il y avait des torches et des bougies partout. Et c’était la Joie des joies. On ne pouvait pas ne pas être joyeux. C’était interdit. À ce moment-là Jésus se met à crier. « Si quelqu’un à soif, qu’il vienne à moi, car il est écrit de son côté jailliront des fleuves d’eau vive. » Il parlait de l’Esprit saint qu’allaient recevoir ceux qui croiraient en lui, au moment de sa glorification. Donc, au moment où c’est le don de l’eau, le rapprochement du ciel et de la terre par l’autel, une estrade en bois sur laquelle le grand prêtre proclame l’Alliance… Au moment où on parle de l’eau qui va jaillir, Jésus annonce le don de l’Esprit saint. Et même ‘pire’, si j’ose dire, le mot grec est utilisé par saint Jean : « Il crie comme un corbeau. » C’est le verbe kraso qui est utilisé en grec : « Il crie comme un corbeau. » « Ôooo… » Or, ce n’est pas très bon signe, dans l’Écriture sainte… Ceux qui crient comme des corbeaux, ceux sont les démons quand Jésus les expulse. C’est la foule qui crie : « À mort, à mort, crucifie-le ! » Dans saint Jean, il y a saint Jean-Baptiste qui crie comme un corbeau. Si vous remontez à la Genèse et à l’Arche de Noé, avant même que la colombe ne soit envoyée sur la terre, pour renouveler la face de la terre, c’est le corbeau qui est envoyé. Plusieurs fois, il va et vient. Plusieurs fois, le corbeau va et vient et ensuite Noé envoie la colombe qui repose ensuite sur la terre, sans revenir. Et la terre, ce n’est pas la terre de la patrie. Ce n’est pas Eretz en hébreu, c’est ‘Adamah : c’est la glaise dont nous sommes tirés. L’Esprit vient sur la glaise dont nous sommes tirés pour renouveler la face de la terre. Eh bien… Jésus annonce que sa Pentecôte sera au Cœur ouvert.

    Le Cœur du Christ à l’Eucharistie : la Pentecôte eucharistique

    Jean sur le cœur de Jésus.jpgOr, où est ce Cœur palpitant du Christ… ? Eh bien, il est à l’Eucharistie aujourd’hui. De sorte que la nouvelle pentecôte prophétisée par Jean XXIII, prophétisée par Marthe Robin, prophétisée par tant de saints et saintes… Prophétisée par le règne eucharistique du Christ de saint Pierre-Julien Eymard, par le triomphe du Cœur Immaculé de Marie, qui est la même chose, à Fatima… C’est à l’Eucharistie que ça se passe. Car c’est du Cœur ouvert du Christ au saint Sacrement que jaillit en permanence l’Esprit Saint. Saint Jean Chrysostome l’a dit dans son texte sur la Pentecôte eucharistique que Benoît XVI et Jean-Paul II ont repris. En disant que l’Eucharistie est une Pentecôte permanente. Alors, elle est moins spectaculaire que celle de saint Marc. Dans le Renouveau charismatique, on aimerait bien les signes et prodiges, le parlé-en-langues, les manifestations, les guérisons… Oui… Sauf que la Pentecôte de saint Luc, dans les Actes, suit la Pentecôte de saint Jean. Et c’est parce qu’il y a eu la Pentecôte de saint Jean qu’il a pu y avoir la Pentecôte de saint Luc. C’est parce qu’il y a eu l’effusion silencieuse, au pied de la Croix, de l’Esprit Saint sur l’Église naissante, avec Marie et Jean… qu’il a pu y avoir ensuite, au Cénacle, au lieu de la première messe, la Pentecôte. Saint Pierre-Julien Eymard, moi je l’aime quand il va chercher à racheter le Cénacle ! Il s’est fait avoir… comme Charles de Foucauld qui s’est fait complètement pigeonné en voulant racheter le Gethsémani… Pigeonné ! Mais c’est beau parce que ça montre le vrai désir, voyez-vous… : être au Cénacle, là où il y a l’Eucharistie et la Pentecôte. Eh bien, on est au Cénacle, à chaque messe. Le cénacle de son cœur, vous l’avez très bien dit (le P. Nicolas Buttet s’adresse alors au P. André Guitton qui a parlé précédemment du testament spirituel du P. Eymard : Le ‘chant’ de P.J. Eymard, note de La Vaillante), est le cénacle de l’Eucharistie.

    La prière

                L’Esprit Saint jaillit en permanence du Cœur du Christ pour nous redonner un cœur filial. Pour nous réapprendre à dire à Dieu : « Abba ! » « Père ! ». Pour prononcer comme des enfants ‘Abba’ : « Dis : ‘papa’ » « - Baba… » « - Non : ‘papa’ » « - Aba… ». Le bon ton de la prière. L’abandon filial. Le cœur filial. C’est ça que Dieu nous demande.

    Arturo Benedetti Michelangeli.jpgLa prière, ce n’est pas une question de parole ou de demande. La prière est une question de ton. Il y a un grand pianiste qui s’appelle Arturo Benedetti Michelangeli. Cortot disait que c’était le « nouveau Liszt ». Un homme assez particulier, assez brillant. Il arrive un jour pour jouer un concert. Il se met au piano et dit : « Ce fa ne va pas. » Et l’accordeur était là et dit : « Écoutez… J’ai vraiment vérifié et je peux vous assurer… » « - Le fa ne va pas ! Débrouillez-vous, je ne peux pas jouer avec ce piano… » Alors, l’accordeur regarde et puis il va regarder sur les feutres et il voit qu’il y avait un cheveux sur le feutre du fa. Alors il enlève le cheveu et Arturo Benedetti Michelangeli revient : « Ah oui ! Cette fois-ci c’est bon ! Qu’est-ce que vous avez fait ? » Il avait retiré un cheveu sur… Vous voyez… Ce n’est pas les paroles, c’est le ton. Est-ce que le ton de ma prière est filial ? Est-ce que j’ai cet abandon filial entre les mains du Père ? Est-ce que je suis dans cette simplicité filiale ? Je suis frappé de voir ces tout pauvres, comme ça… qui ne savent pas articuler une prière, mais Dieu craque devant eux. Parce que… « Seigneur, c’est toi. Tu es Papa, débrouille-toi, quoi… » Dieu aime quand on le prend au mot, comme ça, dans cette simplicité filiale. Une personne me dit un jour : « J’ai une prière puissante, mon Père, il faut que vous l’appreniez ! » Je ne sais pas quel saint c’était… Je lui dis : « Écoutez, moi j’en ai une plus puissante. Je vais vous la donner aussi. » « - Haaannn ! Je peux l’écrire ? » « Vous la savez déjà par cœur. » « C’est pas possible ! Je ne suis pas sûre… Moi, c’est la plus puissante que j’ai découverte… ! » « Je vais vous la dire, la plus puissante : Notre Père, qui es aux cieux, Que ton nom soit sanctifié… C’est Jésus lui-même qui nous l’a enseignée. Vous vous rendez compte ? C’est la plus puissante de toutes ! Pas comme vous l’imaginez. C’est celle qui vous redonne un cœur d’enfant. » Quand les apôtres disent à Jésus « Apprends-nous à prier », il ne dit pas d’apprendre une formule, une technique, la formule magique de la prière. Ils sont saisis par la façon avec laquelle Jésus parle avec son Père. Ils connaissaient la prière juive. Avec les phylactères, proche du cœur, sur le bras gauche, sur le front. Les papillotes, la kippa. Et ce mouvement : le balancier. Il faut se bouger… Ils connaissaient ça, mais tout d’un coup, de voir en silence, Jésus… Ils se disent : « Mais, c’est quoi ton secret ? » Et le secret n’est pas dans une formule, mais dans une relation personnelle avec le Père. C’est ça le grand secret, voyez-vous… C’est ça le gigantesque secret.

    La sainteté

                L’Eucharistie est au cœur de ce renversement total. Thérèse de l’Enfant Jésus disait : « La sainteté n’est pas dans telle ou telle pratique. Elle consiste dans une disposition du cœur qui nous rend humble et petit entre les bras de Dieu, conscient de notre faiblesse et confiant jusqu’à l’audace en sa bonté de Père. » À sainte Faustine : « Tu vois, mon enfant, que tu es par toi-même la cause de tes échecs. C’est que tu comptes trop sur toi et que tu t’appuies trop peu sur moi. Mais que cela ne t’attriste pas outre mesure. Je suis le Dieu de la miséricorde. Ta misère ne saurait épuiser mon amour puisque je n’ai pas limité le nombre de mes pardons. Saches, mon enfant, que les plus grands obstacles à la sainteté sont le découragement et l’inquiétude. Ils t’enlèvent la possibilité de t’exercer à la vertu. Toutes les tentations réunies ne devraient pas, même un instant, troubler la paix de ton cœur. Quand à l’irritabilité et au découragement, ce sont les fruits de ton amour-propre » : le diagnostic médical, par Jésus, sur notre vie intérieure. Et autre chose lié à ce drame du péché…

    L’athéisme

    La foi des démons ou l'athéisme dépassé FH.jpgChesterton, un auteur anglais, disait : « Il n’est pas vrai que lorsque l’homme a cessé d’adorer Dieu, il ne croit en rien. Il croit en n’importe quoi. » Un monde incroyant, qui refuse le Dieu de Jésus-Christ, n’est pas un monde qui ne croit en rien. Il croit en n’importe quoi. On a vu des gens extrêmement savants adhérer à des sectes complètement débiles… Le Temple solaire osait prendre la comète Cyrus pour aller dans l’espace interstellaire… enfin, il y avait des gens brillants qui étaient là ! Qui avaient fait de hautes études, bac + machin… Et crétins comme tout ! Et il y a des gens tout simples qui sont puissamment intelligents parce qu’ils ont l’intelligence de la lumière de la Parole de Dieu. Et donc, un monde sans Dieu, est un monde idolâtre. Un monde qui n’adore pas le vrai Dieu. L’homme ne peut pas ne pas adorer. L’homme ne peut pas ne pas se prosterner. Et s’il ne se prosterne pas devant le vrai Dieu, il se prosterne devant de faux dieux. Il va idolâtrer la science, le savoir… L’athéisme est impossible en lui-même. Il y a un très beau livre de Fabrice Hadjadj là-dessus, La foi des démons ou l'athéisme dépassé, où il montre que si on est dans la pure logique de l’athéisme de se couper délibérément de ce qui donne sens à la vie, l’homme ne peut que se suicider. Il ne peut qu’être conduit à la mort. Donc, l’athéisme en soi est impossible. Le problème, c’est que j’ai rejeté le Dieu de Jésus-Christ, mais que je peux très bien adorer d’autres dieux : mon ego, mon moi, ma santé, une personne, mon enfant, ma femme, mon époux, mon travail, mon sport, mon loisir, telle vedette de cinéma ou de la chanson… Bref… Il y a un culte qui est rendu, qui donne sens à mon existence. Et on comprend bien ! C’est pour ça qu’il ne faut pas être sévère face à cela, parce que ça révèle ce qu’il y a de plus profond au cœur de l’homme. L’homme ne peut pas ne pas être relié. C’est une des étymologies de religion : relié. Voilà… Et alors, l’Eucharistie vient nous libérer de ça, voyez vous…

    L’adoration

    Adoration Veillée.jpgL’homme a un lieu devant qui se prosterner. Le pape Benoît XVI disait : « Nous trouvons ici ce qui est constitutif de l’adoration eucharistique. S’agenouiller en adoration devant le Seigneur. Adorer le Dieu de Jésus-Christ qui s’est fait pain rompu par amour est le remède le plus valable et radical contre les idolâtries d’hier et d’aujourd’hui. S’agenouiller devant l’Eucharistie est une profession de liberté. Celui qui s’incline devant Jésus ne peut et ne doit se prosterner devant aucun pouvoir terrestre, aussi fort soit-il. Nous les chrétiens, nous ne nous agenouillons que devant Dieu, devant le Très-saint Sacrement, parce qu’en lui nous savons et nous croyons qu’est présent le seul Dieu véritable qui a créé le monde et l’a tant aimé au point de lui donner son Fils unique. » C’est la profession la plus révolutionnaire que nous puissions faire. J’ai vécu une expérience un peu étonnante : un jour, j’ai rencontré un jeune qui était complètement athée, qui avait quand même été baptisé dans son enfance, mais qui avait grandi dans un milieu non croyant et qui avait été loin de tout. Et puis il suit un chemin de foi et il demande la confirmation. J’étais son parrain de confirmation. On se retrouve dans une paroisse de Lyon, avec tout le côté catho… c’était l’Emmanuel qui tenait la paroisse. Avec tout son milieu professionnel - il était dans l’aviation - de gens athées, musulmans… Il avait invité tout le monde, parce que c’était un homme avec un beau relationnel, tout le monde était là à sa confirmation. À la fin, il y avait un petit repas, dans un hall de gymnastique. Il avait mis une croix, comme ça. Et à la fin, il me dit : « Il faut que tu leur parles. » « Écoute, je ne sais pas que dire… t’as les cathos pratiquants, charismatiques et puis t’as les athées et les musulmans… Qu’est-ce que tu veux que je leur raconte… ? » « Il me fait : « Ça, c’est ton problème, c’est pas le mien. Vas-y ! » Je dis : « Attends… C’est un peu fort… Attends… » «  Ouais… Je te passe la parole ! » Alors, il annonce au micro. Et moi, j’étais tellement déconcerté que je suis arrivé devant la croix, je me suis prosterné, mais complètement, le front au sol, en disant : « Jésus, là, c’est à toi de jouer, parce que moi je ne sais pas que dire… je ne sais vraiment pas ce que je vais dire ! » Je me relève. Je raconte des choses, je ne sais pas quoi, bref… À la fin, il y a un monsieur qui vient me voir et qui me dit : « Voilà… Je suis musulman. Je veux devenir chrétien. » Je dis : « Ça fait longtemps que vous songez à ça ? » Il me dit : « Non, tout à l’heure. » Je dis : « Comment ? » « Parce que quand vous vous êtes prosterné, le front par terre, en face de la croix, comme nous on le fait en direction de La Mecque cinq fois par jour, j’ai su que vous étiez devant le vrai Dieu. » Il a été baptisé deux ans plus tard. Alors, je lui ai présenté le curé de la paroisse. Je lui ai dit : « Écoutez, moi je suis absent… » Et deux ans plus tard, j’ai reçu la nouvelle qu’il avait été baptisé. Parce qu’on s’est prosterné devant le vrai Dieu, voyez-vous… Et ça, je crois que c’est un acte d’adoration incroyable. Et nous avons ce vrai Dieu…

    Abd el Kader.jpgÀ l’époque, comment s’appelle-t-il… ? Ce chef touareg, qui était venu… heu… Ah ! Ce grand… qui était venu à Paris pour les négociations… Il était avec le grand général de l’armée française qui l’accompagnait… Ah ! mince, je suis fatigué, là… Bref ! Et puis tout d’un coup le prêtre… on est au XIXème siècle, le prêtre portait le saint Sacrement à un malade avec les cierges et tout, et puis le général s’agenouille sur le trottoir. Et il dit : « Qu’est-ce que tu fais là !?… » « Je m’agenouille devant mon Dieu qui est porté par le prêtre. » Et ce chef… Abd el-Kader ! Abd el-Kader lui dit : « Vous vous agenouillez devant un Dieu porté par un prêtre ! Chez nous, on a une plus haute idée de Dieu que ça, dans l’islam ! » Et le général lui répond : « C’est parce que vous avez une idée de Dieu que vous ne pouvez pas comprendre. » Dieu n’est pas une idée : c’est le Verbe fait chair, voyez-vous… Et nous, chrétiens, on a parfois des idées de Dieu. Et on refuse de rentrer dans la logique de l’Incarnation. Dans la stupeur de l’Incarnation. Dans la stupeur de l’abaissement, de la kénose. Du lien… Donc, on est au cœur de ce renversement.

                Le cardinal Garonne disait à l’époque : « Notre temps a perdu le sens de Dieu. C’est-à-dire qu’un monde naît, il est né déjà, où ne s’affirme aucune présence spirituelle. La mobilisation s’impose donc de toutes les puissances d’adoration dont l’Église du Christ est riche. La perte sensible du goût de l’adoration eucharistique, loin de marquer une purification du sens religieux, révèle au contraire un abandon mal avisé et inconscient au courant des choses de ce monde. »

    Marie-Thérèse Dubouché.jpgUne autre grande prophète de l’Eucharistie, Théodelinde, Marie-Thérèse Dubouché. Marie-Thérèse du Sacré Cœur qui a fondé les Sœurs de l’Adoration Réparatrice disait qu’il fallait retrouver ce sens de l’adoration, que c’était là que tout allait pouvoir se transformer. « Quand nous ne ferions autre chose par notre présence perpétuelle à l’église que d’attester la Présence perpétuelle de Jésus au Très Saint Sacrement, quand nous ne prononcerions d’autres paroles que celles-ci : « Dieu est là ! », il me semble que nos vies seraient dignement et utilement employées. » C’est le sens de l’adoration perpétuelle ici à Montmartre depuis 130 ans. Donc voyez vous, cette guérison profondément théologique. Et c’est là qu’il faut comprendre à quel point le Christ vient nous rejoindre, vient nous guérir et à quel point il vient nous transformer par cette présence eucharistique.

    L’orgueil

                Il y aurait aussi peut-être un point plus anthropologique… Je le relèverai assez rapidement, il y aurait plusieurs points à relever, mais… peut-être 2 choses là dessus ; 3 choses ; 4 choses. Rapidement, il y en a plusieurs, oui : 4. Le première, c’est l’orgueil. Je ne sais pas si tout le monde voit ce que c’est, ça, l’orgueil… Ça vous dit quelque chose, ça ?… Je reviens à cette phrase de Benoît XVI : « Sa façon d’être Dieu provoque sa façon d’être homme. » Qui suis-je pour revendiquer quoi que ce soit devant ce Dieu qui s’abaisse à ce point ? Qui suis-je pour revendiquer quelque reconnaissance que ce soit devant un Dieu qui se fait si pauvre, devant moi ? Et qui me rejoint dans ma pauvreté. Qui me rejoint dans ma misère. Il est descendu jusqu’à ce point pour m’apprendre le vrai chemin de la dignité : accepter d’être ce qu’on est. Mais en même temps, reconnaître cette pauvreté, cette vulnérabilité, rejeter cet orgueil devant le Christ qui s’est abaissé, le Dieu Tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre, qui se rend présent sous l’apparence d’un bout de pain. Et comme disait un théologien : « C’est même pire aujourd’hui… Parce qu’avant de faire croire que c’est Jésus sous l’apparence de l’hostie, il faut déjà faire croire aux gens que cette petite pastille blanche qui n’a ni le goût du pain, ni l’apparence du pain, ni rien d’un pain… est un pain. » C’est-à-dire qu’on a réduit le signe eucharistique à tel point… que finalement on dit que c’est du pain mais, nos frères et sœurs orthodoxes ont vraiment du pain. Et on se dit : « Oui, c’est du pain qui devient Dieu ». Mais, nous, cette petite hostie… même à une certaine époque on se faisait un honneur de la faire la plus fine possible pour que la plus grande légèreté porte le plus grand être. Mais, non… manger, ce n’est pas déguster. On n’est pas en cuisine gastronomique, voyez vous… On est en Vie ! Je veux manger cette chair du Fils de l’homme ! Au point que des fois… J’ai un ami évêque qui est en Amérique latine, qui a célébré 5 messes dans différents quartiers d’un bidonville, le même dimanche, et un petit garçon était là à chaque messe et venait communier. Alors, à la fin, il dit : « Mon petit, dis donc ! t’aimes Jésus pour venir… » « Non… j’ai très faim ! ». Il a dit : « J’ai compris… Il avait raison. Il avait même raison comme ça !… » Il avait faim physiquement, il venait chercher l’hostie pour manger quelque chose. Le Seigneur, ensuite, Il se débrouille, dans son cœur, hein ! C’est son job.

    L’estime de soi

                Donc, premier point, l’orgueil. Mais en même temps, l’estime de soi. On cherche tous un regard qui nous fasse exister. On cherche tous un regard qui nous fasse vivre. Parce qu’on a besoin d’être regardé. Il y a des psychologues comme Erik Erikson qui montrent que le capital confiance d’un enfant se fait par le regard posé par deux ou trois personnes dans la première année de la vie. C’est le regard paternel, maternel, des frères et sœurs, des grands-parents… très peu de personnes, le capital ‘confiance’ d’une vie… - Erik Erikson montre ça - se situe à ce niveau là. On a tous ce besoin. Et parfois, quand ce regard a manqué, ou quand le regard a dévisagé plutôt que d’envisager ; quand le regard a détruit, plutôt qu’il n’a construit… alors je suis très blessé. Et sous le regard du Christ Eucharistie, je revis. Un jour une fille avait fait 5 tentatives de suicide. J’étais encore dans mon ermitage à l’époque : il y avait 480 marches d’escalier, dans une grotte, un petit rocher… Et je la vois… Il y avait une chapelle à côté. Donc, elle était montée là-haut. Elle avait 15 ans. Et quand j’ai vu la tête qu’elle tirait, je l’ai prise par les épaules et je lui ai dit : « Tu sais que tu es belle ? Dieu t’aime et je t’aime. » Ce que je ne savais pas c’est que son père lui avait dit en psychothérapie familiale : « Tu peux crever, j’en ai rien à foutre ! »… Elle a fait 5 tentatives de suicide et ce jour là elle était montée avec un pistolet dans son sac en se disant qu’avec une balle dans la tête et 135 mètres de chute à-pic elle n’allait pas se louper. On a passé 3 heures ensemble. Elle ne disait rien. « Oui / Non ». La seule chose qu’elle m’a dite c’est : « Je ne crois pas en Jésus. » Elle est descendue par les escaliers. Elle est venue le deuxième jour, le troisième jour. Le troisième jour elle est venue là. Je dis : « Écoutes, tu es trop blessée. Je vais te dire, je vais être cash avec toi. Il n’y a qu’une chose qui peut te relever : c’est te laisser regarder par Jésus. » Elle dit : « Mais je t’ai dit que je n’y croyais pas ! » Je dis : « Ça ne fait rien, Lui, Il croit en toi. » Elle dit : « Ça veut dire quoi ? » Je dis : « Eh bien tu vois, moi, je passe des nuits de prière à la chapelle, à côté. Tu peux venir passer une nuit, si tu veux. Tu viens à 10h du soir, jusqu’à 6h du matin. On va adorer Jésus. » Et je dis : « Tu vois, il y a des gens qui vont passer des heures sur la plage cet été, à se bronzer recto, verso, pile/face… » ce qui n’est pas mal en soi, mais… Mais parfois le cœur revient tout pâle, vous voyez… Là dans la chapelle, la nuit, pas de risque de coup de soleil ! Extérieur en tout cas, mais à l’intérieur, oui, dans le cœur. Je pensais à cette phrase du prophète Malachie : « Le soleil de justice brille portant dans ses rayons notre guérison » qui est la dernière prophétie de l’Ancien Testament - après c’est l’Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu -, où on annonce que le prophète Elie viendra ramener le cœur des enfants vers leur père et le cœur du père vers les enfants. Et c’est la troisième fois dans le Targum, c’est-à-dire dans le texte en araméen de l’Ancien Testament, que le mot ‘Abba’ revient. On nous dit que ‘Abba’ est là, aux portes. Dans l’Ancien Testament c’est 170 fois que ‘Abba’ est là. Donc… je lui parle de ça, elle part au pas de course et elle revient, elle me dit : « Ok ! D’accord, mais 9 nuits ! » Elle m’a dit que sa grand-mère faisait des neuvaines, alors elle voulait faire neuf nuits. Alors elle revient et le premier soir, de 10h du soir à 6h du matin, elle était les yeux rivés sur l’hostie, comme ça. Elle ne bougeait pas. Moi, j’étais comme ça à côté (il mime le fait d’être pantelant). Et je me relevais et je disais : « Houlala… ! Il faut que je m’y mette ! » Elle, rien. Je dis : « Ça a été ? », à 7h du matin, elle me dit : « Oui » « Eh ben, tu peux revenir une autre fois, si tu veux. » Elle dit : « Je viens ce soir ! » Je dis : « Non, pas toutes les nuits. On fait une nuit sur deux. C’est trop… » Elle a fait les neufs nuits. À la fin, elle ne pouvait pas parler, encore. Elle m’a écrit un mot : « Nicolas, je suis tombée si bas, si bas… qu’au fond du trou je me suis cassé le nez sur Jésus. Et comme un trampoline il m’a renvoyé la lumière ! Je me trouvais moche, nulle et conne. Et Jésus m’a dit : « Tu es ma fille bien-aimée, je t’aime » dans ces nuits d’adoration. » Elle s’est revue avec le regard de Jésus. Elle a fait sa confirmation 6 mois plus tard. Elle a passé son bac après. Elle est mariée et a deux enfants. Pour la petite histoire : il y a trois ans en arrière maintenant, je célébrais la messe à 7h du matin dans notre petite chapelle dans notre communauté et je vois un homme dans le fond de la chapelle. Et puis je me dis : « Mais, ce type, je l’ai vu quelque part mais je ne sais plus où le situer… » et je ne comprenais pas. À la fin il me dit : « Vous vous souvenez de moi ? » Je dis : « Votre visage me dit quelque chose mais je ne me souviens plus où on s’est vu. » Et il me dit le nom de cette fille. Et je comprends : c’était le papa de cette fille. Et il m’a dit : «  Je me suis converti et je suis venu à la messe ici ce matin parce que je vais garder les enfants de ma fille. Elle travaille aujourd’hui. » Elle est enseignante, elle a fait un master en lettres classiques, après… Et donc, il me dit : « Comme je vais garder les enfants je suis venu à la messe avant. Ça fait plaisir de venir à la messe ! » Je trouve ça tellement beau ! Jésus Eucharistie qui vient faire ce miracle, voyez vous… : Tu peux crever, j’en ai rien à foutre ! / Je vais garder les enfants de ma fille. Vous voyez, le chemin… Parce que le regard du Christ s’est posé là-dessus, voyez-vous… Donc, deuxième point : l’estime de soi par le regard du Christ.

    L’émotionnalité

                Troisième point : l’émotionnalité. On est pris dans un monde très émotionnel, aujourd’hui. C’est l’exaltation de l’émotion. C’était un philosophe, Michel Lacroix, qui a écrit un livre sur cette question-là. Et il a une expression dedans : ‘l’homo sentiens’. L’homme qui sent. On avait l’homo sapiens sapiens, et là c’est ‘sentiens sentiens’. Où tout est dans le ressenti. Je sens et toute l’existence est faite de ce ressenti, y compris le jugement moral. Franchement, dans l’Eucharistie, je ne sais pas si vous avez déjà vécu ça, mais… on ne ressent pas grand chose. Si on vient de temps en temps, comme ça, Dieu est bon, il peut nous donner des choses, mais à la longue, à passer des heures devant le saint Sacrement, on ne sent pas grand chose. Mais on pose des actes de foi. Et ça, ça nous structure. Quand je ne ressens rien et que je vois… comme disait un gars un jour : « J’ai l’impression d’être comme un rat crevé derrière une armoire en face d’un bout de carton blanc ! ». Je dis : « Ah ! Très bien. Toi, tu n’es pas un rat crevé derrière une armoire. Tu es un être vivant racheté par le sang du Christ ! Et le bout de carton blanc c’est ton Sauveur, Jésus-Christ ! Et tu poses cet acte de foi et ça te structure. » Ils ont besoin d’être structurés par la foi qui perfectionne la raison et qui vient guérir nos émotions, qui vient ordonner notre sensibilité. Non pas pour la nier, mais pour l’ordonner et pour la guérir d’un monde extrêmement émotionnalisé. L’adoration eucharistique doit être aussi une guérison de notre émotionnalité pour resituer notre vie en perspective d’une rationalité perfectionnée par la foi, d’une vérité qui nous libère.

    L’acédie

    Ste Teresa de CALCUTTA.jpgLe dernier point, c’est l’acédie. L’acédie est une tristesse spirituelle. Le pape en parle, d’ailleurs, dans son dernier texte. S. Thomas d’Aquin nous dit que c’est le dégoût de la joie qui naît de l’amour de Dieu. Il rattache l’acédie à un des fruits de l’amour de Dieu répandu en nos cœurs par l’Esprit Saint. Il y a trois fruits, dit-il : la paix, la joie et la miséricorde, qui se traduit en œuvre de miséricorde. Deux fruits internes : la paix, la joie. Un fruit externe : la miséricorde. Et la joie est rongée par la tristesse, par la tiédeur, par le manque de ferveur. Par le ”bof !”, ”rien à faire… !”, ”tout m’ennuie…”. L’acedia dans les textes d’Evagre le Pontique, un Père du désert, c’est celui qui prononce à moitié les paroles de la prière, qui est toujours en train de regarder par la fenêtre, qui veut toujours être ailleurs que là où il est, qui en a marre de tout, qui ne supporte plus rien, qui s’énerve facilement… parce qu’il n’y a plus la joie d’être aimé de Dieu et d’aimer Dieu. L’adoration eucharistique est un lieu de renouveau de la ferveur, de l’amour. D’abord, c’est le sacrement de l’Amour. Qui communique l’Amour ? La grâce propre de l’Eucharistie, c’est l’amour. Mais c’est un lieu où je vais être revivifié dans cet amour ! Et finalement, j’allais dire… c’est parfois un peu au degré d’adoration que je juge un peu mon amour, si j’ose dire… Il y aura la miséricorde et l’amour à l’égard de mes frères et sœurs. C’est Mère Teresa : c’est parce qu’on a contemplé, adoré Jésus au saint Sacrement ici, dans la chapelle, qu’on est capable de le reconnaître sous le visage du frère ou de la sœur, souffrant derrière. J’étais un jour à Calcutta, je parlais avec Mère Teresa devant la porte d’entrée, et tout d’un coup il y a une sœur qui sort et Mère Teresa dit : « Sister ! Come here ! ». La sœur qui était en train de partir revient. « Ma sœur, vous restez ici aujourd’hui. Vous n’allez pas dans les centres du mouroir. » Et la sœur dit : « Ah bon ? C’était prévu… » « Non ! Avec la tête que vous tirez, les pauvres ont déjà suffisamment à supporter sans supporter votre tristesse ! ». En direct ! J’étais à côté, j’ai entendu, hein ! Houlala… j’ai fait semblant de rien… « Oui, ma Mère !… » « Allez à la chapelle trouver Jésus, vous allez faire le ménage après, ici. » Wahouw ! Avec la tête que vous tirez les pauvres ont déjà suffisamment à supporter sans supporter encore votre tristesse. Ouf ! La douce et sainte Mère Teresa… Directe et percutante.

                Donc, voilà, je crois qu’il faut qu’on arrête pour aller célébrer la messe. Merci Seigneur. Amen.       

     

    Capture d’écran 2018-10-01 à 15.18.48.pngP. Nicolas Buttet, fondateur de la Fraternité Eucharistein
    21 avril 2018, salle Saint-Ephrem, Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, Paris 18ème

     

     

    [1] Voici le texte de Benoît XVI, citant S. Bonaventure : « Laissons-nous remplir à nouveau de cette joie : Où y a-t-il un peuple à qui Dieu est aussi proche que notre Dieu est proche de nous ? Si proche qu'il est l'un de nous, au point de nous toucher de l'intérieur. Oui, d'entrer en moi dans la Sainte Eucharistie. Une pensée qui peut être déconcertante. Sur ce processus, saint Bonaventure a utilisé, une seule fois, dans ses prières de Communion, une formulation qui secoue, qui effraie presque. Il a dit : Mon Seigneur, comment a-t-il pu te venir à l'esprit d'entrer dans les latrines sales de mon corps ? Oui, Il entre dans notre misère, il le fait avec conscience et il le fait pour nous pénétrer, pour nous nettoyer et pour nous renouveler, afin que, grâce à nous, en nous, la vérité soit dans le monde et le salut se réalise". »

     

    Retrouvez cet enseignement sur les pages enrichies
    Adoration Saint Martin — Ré-évangéliser les campagnes (Centre-Val-de-Loire)

    et
    Catéchèse Eucharistique Corpus Christi #JubiléPJEymard2018

     

  • Message eucharistique de Notre-Dame de la Salette : Larmes & Lumière

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    Mercredi 27 décembre 2017, en la fête de la saint Jean apôtre & évangéliste, pendant une heure d’adoration à l’oratoire saint Pierre-Julien Eymard, sanctuaire Notre-Dame de la Salette, veille de mon départ, ai vu, lors du dernier quart d’heure, la réminiscence de l’Eucharistie à la blancheur rayonnante se superposer à la croix sur la poitrine de la Vierge de la Salette, de l’ensemble des trois statuettes posées au sol, debout, à droite du thabor ou trône d’exposition du Saint Sacrement. Ce fut le point de départ d’une méditation sur le message eucharistique de la Salette, que voici.

     

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    Les larmes de la Vierge ne se transforment-elles pas en perles de lumière lorsqu’elles atteignent le crucifix sur sa poitrine ? Ces larmes de lumière n’enveloppaient-elles pas tout le Christ en croix et n’en rayonnait-il pas lui-même de plus belle ? La lumière jaillissant du crucifix sur la poitrine de la Vierge n’indique-t-elle pas cette merveilleuse transfiguration de la souffrance chrétienne en gloire de la résurrection ? Cette croix glorieuse sur le cœur de la Mère de Dieu est-elle autre chose que le Mystère pascal révélé dans l’Eucharistie ? L’indifférence des hommes devant Jésus en croix sur laquelle pleure la Vierge n’est-elle pas transmuée en grâce d’amour pour ces mêmes hommes lors de cette apparition à Mélanie et Maximin ?

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    Cette réminiscence visuelle de la blancheur rayonnante de l’Eucharistie sur la poitrine, le Cœur Immaculé de Marie, fut l’image qui a condensé le mystère eucharistique qui unit Marie à son Fils Jésus sacrifié. Ensemble, ils communient à la souffrance devant l’indifférence des hommes pour l’amour que Dieu veut leur communiquer par leurs saintes personnes. Ensemble, ils communient dans la souffrance en une immense prière eucharistique, le don de leur vie et de leur personne, la Mère de Dieu et le Fils de Dieu communient et s’offrent pour le salut des hommes, ce qui attise l’amour divin entre eux et provoque la miséricorde divine pour les hommes.  

     

    Cette apparition de La Salette est une merveilleuse machine d’amour divin. Sur le crucifix, lieu-même du supplice, summum de la souffrance offerte, l’Esprit Saint rebondit, la lumière divine s’écoule, mêlée aux larmes, transfigurant toute tristesse et ténèbres à qui reçoit le message de l’apparition jusqu’au bout, dans son intégralité. La joie d’être lavé de tout péché, le sentiment incommensurable de reconnaissance, la joie de communier à la vie divine du Christ ressuscité, celle de contempler Dieu dans sa gloire sur le cœur de Notre Mère la Vierge, emportée au Ciel.


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    La Belle Dame les quitta.

    Mélanie et Maximin, le visage tourné vers le ciel, rayonnaient.

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    De dessous la pierre d’ardoise où Marie était assise et pleurait, une fontaine a issi.

     

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    Sandrine Treuillard (texte & photos)

    Engagée dans la Fraternité Eucharistique (de 2015 à 2018), branche laïque de la Congrégation du Saint-Sacrement fondée par saint Pierre-Julien Eymard, Chapelle Corpus Christi, Paris 8. 

    Texte initialement publié dans les Annales de La Salette Mai-juin 2018

    Voir aussi : Le Secret de La Salette

     

    Notre-Dame de La Salette, eucharistie, st pierre-julien eymard, adoration eucharistique, adoration,  

  • Le 'chant' du P. Eymard - Sa dernière retraite, son testament spirituel

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    Retranscription d'après l'enregistrement
    des Bénédictines du Sacré-Cœur de Montmartre

    P André Guitton sss.jpgLe p. André Guitton, sss (Père du Saint-Sacrement, communauté au 23 avenue de Friedland, Paris 8, Chapelle Corpus Christi) ouvre sa conférence par un Notre Père avec l’assemblée présente, salle Saint Ephrem, Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, ce matin du 21 avril 2018. Il nous confie à l’intercession de Notre-Dame du Saint-Sacrement, saint Joseph, saint Pierre-Julien Eymard et tous les « saints et saintes de Dieu ». 

     

    Petite histoire des éditions des Œuvres complètes de S. P-J. Eymard

    Bannière Chapelle Corpus Christi.jpgBonjour à tous, je suis très heureux d’être parmi vous. Je ne sais pas pourquoi je suis venu, mais j’ai été invité et j’ai eu la simplicité d’accepter cette invitation, comme une grâce. Et puis j’ai rencontré le père Nicolas Buttet, tôt ce matin, pour harmoniser nos interventions orales. Je ne connaissais pas le thème de la conférence qu’il va nous donner tout à l’heure, et j’ai pensé, puisqu’il est question cette année du 150ème anniversaire de la mort de saint Pierre-Julien Eymard, vous présenter sa vie, non pas comme un récit biographique – il y a des livres pour cela, et même si on a évoqué quelques points de sa vie, tout à l’heure, à l’instant… - mais à partir d’une de ses retraites, la dernière qu’il a faite comme retraite personnelle.

                Comme on l’a noté tout à l’heure, le Père Eymard n’est pas un écrivain, en ce sens qu’il n’a pas publié, sinon simplement les livres des Constitutions des Pères du Saint-Sacrement, des Servantes du Saint-Sacrement et une petite revue qui a duré deux ans. Mais il a laissé beaucoup d’écrits. Et à sa mort tous ses textes ont été collationnés, recueillis, conservés, transmis. Ça a été aussi le point de départ d’une édition que l’on a faite pour la piété des fidèles dans les années 1870-76, sous le titre de La divine Eucharistie, en 4 séries, mais qui ne sont pas des éditions qui correspondent aux normes actuelles de l’édition ; qui sont arrangées, reconstruites. Et il a fallu attendre l’ère électronique pour pouvoir saisir, organiser, puis éditer d’abord de façon électronique (sur internet), et ensuite en édition imprimée grâce au frère Poswick de l’abbaye de Maredsous et de son équipe qui ont collationné cette immense masse de documents. Il y avait dans les archives 70 000 pages qui ont été numérisées en 43 000 photos, et là-dedans, une vingtaine de milles pages ont servi de base à l’édition électronique. On a travaillé, pendant 3 ans, d’arrache-pied. On avait un terme. Parce qu’on était en 2002, et on leur a dit : « En 2006, c’est le 150ème anniversaire de la fondation. Ce serait bien que ce soit terminé le 13 mai 2006… » Alors le frère Poswick a dit : « Bon d’accord, on se met au travail. Je vous enverrai tous les mois 300 pages à vérifier, à corriger, à annoter, à traduire, à préparer pour l’édition. Vous me les remettez dans les deux mois qui suivent, moyennant quoi, en l’espace de 2 ans et 1/2 nous pourrons balayer tout l’ensemble. Ce sera fait. » Et ça a été un énorme travail de va et vient dans les petites équipes que nous étions. Et effectivement, le 13 mai 2006, nous avons présenté à l’avenue de Friedland, une première édition, une première partie. Et au mois de décembre de la même année à la Grégorienne, à Rome, nous avons présenté l’édition électronique en ligne, devant les supérieurs majeurs des congrégations religieuses. Et c’était vraiment un événement. Puis, après, on a procédé à l’édition imprimée. On s’est aperçu que l’édition électronique pouvait avoir bien des fautes… et ça passait. Mais l’édition imprimée, ça ne passe pas ! On a tout repris à zéro, on a tout corrigé, on a tout complété, on a tout harmonisé en faisant de chaque document, à ce moment-là, numéroté, et avec sa côte authentifiée. Il y en a plus de 16 000. Et le tirage a été fait : il y a eu 17 volumes, en partenariat avec les éditions Centro Eucharistico di Ponteranica en Italie, l’édition de nos pères (du Saint-Sacrement) italiens et avec Nouvelle Cité de Bruyères-le-Châtel, en France. Ceci, en guise d’introduction.

     

    La dernière retraite personnelle du P. Eymard à Saint-Maurice : son testament spirituel

                En réfléchissant à ce que je pourrais vous dire aujourd’hui, j’ai pensé prendre dans ses retraites, précisément. Deux volumes de l’édition intégrale sont ses Retraites et notes personnelles. Le 5ème volume contient toutes ses retraites personnelles. Il faut vous dire que le P. Eymard écrivait beaucoup et conservait tout. Si bien que nous avons sa première retraite - qui est celle de sa première communion à La Mure en date du 15 février 1823 -, jusqu’à sa dernière retraite qu’il va faire à Saint-Maurice, près de Paris, dans le noviciat de la communauté, au mois d’avril-mai 1868. Et nous avons ses notes de retraites de séminariste, de jeune prêtre, de prêtre de paroisse, de mariste, de père du Saint-Sacrement. C’est extraordinaire parce que ce n’était vraiment pas fait pour être édité. Mais évidemment, nous avions tous les droits et nous l’avons fait.

                Sa dernière retraite de Saint-Maurice, du 27 avril au 2 mai 1868, est vraiment comme son testament spirituel. Si vous voulez retrouver les grands repères, vous les trouverez dans les feuillets qu’on vous a remis. Né à La Mure d’Isère le 4 février 1811, baptisé le lendemain, dans une famille nombreuse. Son père avait eu 6 enfants du premier mariage. Devenu veuf, il eut 4 autres enfants de son second mariage. Beaucoup de décès. Restent à sa naissance simplement 2 du premier mariage encore survivants. Dont sa marraine et son parrain. Famille très chrétienne, laborieuse : le père a un petit commerce dans la petite cité de La Mure. Et puis, désir religieux, profondément. Puis le désir d’être prêtre qui sera contrarié par son père. Néanmoins, malgré les difficultés, après la mort de son père, qui finalement va accepter, en 1831 il entre au Grand Séminaire de Grenoble. Il est ordonné prêtre le 20 juillet 1834. Il sera prêtre du diocèse de Grenoble pendant 5 ans. D’abord 3 ans à Chatte, près de Saint-Marcellin, dans la vallée de l’Isère, et puis 2 ans comme curé à Monteynard, près de La Mure. Puis, désir de la vie religieuse : il rentre chez les maristes en 1839, heureux d’avoir la vie de communauté qui était mariale, et missionnaire. Mais il ne part pas en mission, sa santé ne le lui permet pas. Il est directeur spirituel au collège de Belley. Appelé par le père Colin, le fondateur, comme assistant général, tout jeune qu’il soit. Puis visiteur général, directeur du Tiers-ordre de Marie, à Lyon. Puis directeur, puis supérieur du collège de La Seyne s/ Mer : les maristes sont des éducateurs.

    Eymard Jeune Mariste ?.png            Dans cet itinéraire il va recevoir des grâces, que l’on dira grâces de vocation, qui vont l’orienter vers un choix qui sera décisif, pour lui aussi, de quitter la société de Marie pour fonder à Paris la Société du Saint-Sacrement, avec Mgr Sibour, l’archevêque. Il fonde à Paris, dans un milieu de pauvreté et il va développer sa congrégation. L’archevêque lui avait dit, en le recevant, après sa retraite : « Je ne suis pas pour ces choses-là, c’est purement contemplatif ! » Il pensait que c’était simplement une société d’adorateurs du saint Sacrement. Et le Père Eymard avait sursauté intérieurement, mais très calme, quand même, il dit : « Nous voulons adorer et faire adorer. Et en premier lieu créer l’œuvre de la première communion des jeunes ouvriers. » Paris, en 1856, est en plein chantier, en pleine effervescence de la révolution industrielle qui canalisait de toute la province des jeunes qui venaient à Paris pour travailler, mais dans la banlieue dont plus personnes ne s’occupait. Et lui va mettre sur pied une œuvre pour catéchiser ces jeunes : les rencontrer, les former, les discipliner, les former humainement, bien sûr. Et puis, le 15 août 1859, il a la joie d’avoir les douze premiers communiants, des jeunes, dans sa chapelle de la rue du Faubourg Saint-Jacques qui sont les prémices de 800 jeunes, des garçons, qu’il va catéchiser. Sans compter les filles lorsque Marguerite Guillot va le rejoindre pour former le noyau de la congrégation des Servantes du Saint-Sacrement. C’est à Marseille, sa deuxième fondation, que sera créée l’Agrégation du Saint-Sacrement, qui elle, se situe davantage dans le culte de l’Eucharistie, dans l’aide pour participer à l’adoration dans ces centres pour l’adoration qu’il crée. Troisième communauté à Angers. L’approbation du Saint Siège en 1863 : l’occasion d’une première retraite de fondateur.

    Le Don de soi - Vœu + portrait.jpg


                En 1864, il imagine qu’il peut fonder une communauté du Saint-Sacrement, non seulement à Jérusalem, mais dans le Cénacle. Rien que ça ! Ça revient aux pères du Saint-Sacrement, c’est évident pour lui ! Et il ne soupçonne pas, évidemment, les difficultés énormes que cela pourrait soulever. Avec beaucoup de candeur et avec une opiniâtreté qui était digne de sa vocation, il va se heurter à des fins de non-recevoir. Il part à Rome pour défendre sa cause (auprès de Pie IX qui l’a en grande estime. Mais Pie IX ne peut rien : il convoque une commission de cardinaux qui étudient. Et puis il y a Noël, l’Épiphanie… ”l’épiphanat” : à ce moment-là, il n’y a plus personne qui travaille au Vatican. Alors, c’est renvoyé. Et le Père Eymard quitte le séminaire français où il est hébergé pour aller chez les rédemptoristes et faire à ce moment-là une retraite, jusqu’à ce que la décision soit prise. Le ”jusqu’à-ce-que” va durer 65 jours. Et le Père Eymard, chaque jour : trois méditations dans l’édition impressionnante où il va s’examiner lui-même. « J’ai l’impression d’avoir fait beaucoup de choses mais n’avoir pas fait l’essentiel », qui était sa propre sanctification. Il est venu pour le Cénacle, et puis tout d’un coup, il perçoit que peut-être, au fond, ce n’était pas l’essentiel, le Cénacle à Jérusalem, mais le cénacle en lui. Et à travers cet approfondissement sous l’action de la grâce, le 21 mars 1865, il va faire le don de sa personnalité, de son moi, une grâce qu’il reçoit durant son action de grâces et dont vous avez le texte ici, dans le dépliant, en dessous de la photo de la châsse. « Rien pour moi, personne. » Rien pour moi, comme personne. Ça ne veut pas dire rien pour moi, ni personne. Mais Rien pour moi comme personne. « Rien par moi. Modèle : Incarnation du Verbe. » Et dès lors, il va être tout comme dépouillé de lui-même, comme centre, et, par ailleurs, « tout revêtu de Jésus-Christ ». Il termine ainsi : « Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga. 2,20). Dès lors, le Père Eymard entre dans la nuit de l’Esprit. Dorénavant c’est un état mystique, comme les grands mystiques l’on connu. Comme Thérèse de Lisieux après son acte d’offrande à l’Amour miséricordieux. Dans la foi pure, sans aucune consolation, il va poursuivre et au milieu de nombreuses tribulations. Il va continuer, mais la requête à Jérusalem, comme vous le devinez, a été négative. Il s’est abandonné totalement au Seigneur mais avec le cénacle en lui. Et c’est extraordinaire, parce que nous soupçonnons à peine ce que cela représente. Et dès lors, effectivement, les tribulations, les difficultés vont survenir.

      

    Trois méditations de la Retraite de Saint-Maurice, du 28 avril 1868

    St Pierre-Julien Eymard malade.jpg            Alors, je pensais vous remettre cette feuille double qui est tirée de sa dernière retraite du 28 avril 1868, qui doit être lue [— et on vous le communiquera d’une façon ou d’une autre : voir sur ce lien (qui comporte l’introduction à cet enseignement) —] à la lumière de l’état dans lequel vit S. Pierre-Julien Eymard. Tout dépouillé de lui-même et tout entier donné au Christ, donné à sa mission, donné à ses frères. Et c’est merveilleux parce que dans cette retraite qu’il commence en disant Je suis venu pour prier, il a conscience qu’il est usé, mais il continue à prêcher l’Eucharistie et à vivre. C’est un moment de grâce qu’il vit dans une propriété qui est à Saint-Maurice, Montcouronne - je ne sais pas si vous voyez dans la région parisienne où cela se trouve, du côté de Dourdan, du côté de Saint-Gomez-la-Ville, qui reste d’ailleurs presque telle quelle aujourd’hui… Une belle maison bourgeoise de la fin du XVIIIème siècle, avec 4 hectares d’enclos, où il avait installé son noviciat. Tranquille, heureux ! Il disait : « Ce sera la maison… On ouvrira les portes de la chapelle et les oiseaux viendront chanter leur Créateur ! » On croirait entendre François, n’est-ce pas ? Et il était là, vraiment heureux. Ça a été un moment pour lui de réconfort. Ce 28 avril a été un moment merveilleux parce qu’il fait comme l’anamnèse, la mémoire de ce qu’il a vécu. Mais pensons que c’est un homme qui est dans cet état dépouillé de lui-même et entièrement donné. Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christi qui vit en moi.

                La première méditation de ce 28 avril, c’est d’abord à la Très-Sainte Vierge. On ne va pas le relire en entier, mais…


    NR 45,2 [mardi 28 avril 1868] 2e jour

    de 6 h à 7 h

    1re méditation – À la très Sainte Vierge

    Grâces

    Que de grâces Dieu m’a faites jusqu’à ce jour !

    Comme il m’a aimé ! – À l’excès.

    Que m’a-t-il refusé ? – Rien.

    Que ne me donne-t-il pas à présent !

    Je l’aime peu, et il m’aime tendrement.

    Je le déshonore par ma vie, et il m’honore encore plus par ses dons et […].

    Je le sers si mal, et il me garde à son service, comme si j’étais un bon serviteur.

    Je suis si lâche et si infidèle à mes devoirs, à l’honneur de sa gloire, et il me laisse l’honneur et la puissance.

    Il m’a confié la gloire de sa Société. Hélas ! Je la vole, je la vends, cette gloire. Et il ne reste à mon Maître qu’un serviteur infidèle et un ministre paresseux.

    Qui de nous deux va se lasser ? Sera-ce moi ?

    Quelle a été la source de mon peu de correspondance à la grâce ?

    Je ne me suis jamais donné absolument, exclusivement.

    J’ai servi Dieu par gloire propre.

     

                Impressionnant de la part d’un homme qui est au sommet de la sainteté à laquelle Dieu l’appelle, mais qui se trouve tellement décalé par rapport à l’appel qu’il reçoit, en lui.
     

    J’ai servi Dieu pour mon amour-propre.

    Je n’ai jamais embrassé résolument et constamment la pratique de l’humilité de Jésus. J’ai voulu être quelque chose avec Lui, par Lui. Voilà le dernier mot du vieil homme en moi. 


                Mais, comme c’est sous la protection de la Vierge Marie, il dit tout simplement… Mais il est dans la nuit de l’esprit. Si je vous ai parlé de la Grande Retraite de Rome (1865), c’est qu’on ne peut pas comprendre ce texte si on ne sait pas dans quel état spirituel il se trouve. Il doit être entièrement réinterprété à la lumière de ces états.

     

    Ô Marie ! Qui m’avez conduit et donné à Jésus, il faut maintenant me reconduire, me redonner à Jésus que j’ai perdu !

     

                Parce que c’est par elle qu’il a vraiment cheminé. Cet abîme d’indignité et cet élan extraordinaire vers un plus comme impossible. 


                La deuxième méditation nous fait relire la vie du Père Eymard, par le Père Eymard, donc, trois mois avant son départ pour le Ciel. Elle est intitulée Foi eucharistique. C’est vraiment très beau. C’est très beau parce qu’on a le Père Eymard dans sa limpidité, dans la clarté de son âme et avec son cheminement, les grâces qu’il a reçu. Il nous y donne la clef d’interprétation de toute sa vie, à travers ces notes qu’il écrit pour lui-même. Ce n’est pas pour nous, ça ne nous concerne pas du tout ! Mais nous sommes-là par-dessus et nous voyons le Père Eymard qui écrit ces choses-là.

                La plus grande grâce de ma vie a été une foi vive au très Saint Sacrement, dès mon enfance. Le Père Fiorenzo Salvi, qui a préfacé l’édition intégrale des écrits du Père Eymard, cite ceci comme le fil rouge qui nous permet de comprendre le P. Eymard dans tout son cheminement. Parce qu’il a un cheminement extraordinaire. Et alors de reprendre à ce moment-là les grandes étapes de sa vie. Mais sous l’angle, précisément, de cette foi vive au très Saint Sacrement. Les grands repères pour lui. Il a dit : dès mon enfance.

     

    NR 45,3

    2e jour – de 10 h à 11 h

    2e méditation – Foi eucharistique

    La plus grande grâce de ma vie a été une foi vive au très Saint Sacrement, dès mon enfance :

    – grâce de communion : le désir de ma 8e année : tout vers elle.

     

                Il a 8 ans, il désire communier profondément : mais on est en 1823, le jansénisme marquait très profondément la piété chrétienne, même après la Révolution, et à ce moment-là on attend 12 ans pour communier. Il faut dire que jusqu’au décret libérateur de S. Pie X, en 1910, c’était la norme : 12 ans pour communier. Et lui, à 8 ans, il est tout vers la communion et dit à sa sœur et marraine : « Que tu es heureuse, toi… » (il doit dire ‘vous’ à Marianne, d’ailleurs, parce qu’en famille, à cette époque-là…) : Que vous êtes heureuse de pouvoir communier et communiez pour moi. Et il se penchait vers elle, Jésus est présent en toi, et moi… Et lui se sentait… C’est quand même très beau, parce que… Grâce de communion. Ensuite :
     

    – grâce de dévotion : visite journalière au très Saint Sacrement.


                Figurez-vous que dans ses notes de l’époque - parce qu’on en a aussi -, il a retrouvé dans Les Visites au Saint Sacrement de S. Alphonse de Liguori - qui n’était pas encore saint en ce temps-là -, l’histoire du frère (je ne sais pas si c’est Élie ou autre chose), où il dit : un ami ne pourrait pas passer devant la porte de son ami sans aller lui rendre visite. Quand vous passez devant une église, allez visiter votre ami, Jésus ! Il reprend ces choses-là.
     

    – grâce de vocation : à Fourvière : Notre Seigneur est au très Saint Sacrement, seul, sans un corps religieux qui le garde, l’honore, le fasse glorifier ! Pourquoi ne pas établir quelque chose, un Tiers-Ordre, etc. à La Seyne (saint Joseph), grâce de donation, de fusion, de bonheur, et qui a duré jusqu’à l’approbation apostolique, si douce.

     
                Grâce de vocation. Il passe par-dessus : il est ordonné prêtre, mais là il n’en dit rien : grâce de vocation : à Fourvière. Là, nous sommes en 1851, le P. Eymard est mariste. En 1845 il y a eu quand même un événement. Il y a des grâces qui jalonnent la vie du P. Eymard. Comme jeune vicaire, en 1836-37, au calvaire de Saint-Romans - dans l’Isère, près de Saint-Marcellin -, il a la révélation que le mystère de la Croix n’est pas simplement le mystère des souffrances de Jésus mais de son amour infini et pour chacun. Donc, pour lui, personnellement. Alors qu’il a vécu jusque-là dans une piété assez rigoureuse et rigoriste. Et pénitentielle, à faire des sacrifices… Mais il va s’ouvrir à cette dimension de l’Amour. En 1845, il va prêcher l’Eucharistie : Jésus, Jésus-Christ et Jésus-Christ Eucharistie, reprenant, parodiant, pourrait-on dire, la parole de Saint Paul. À Fourvière, c’est le 21 janvier 1851 qu’il passe dans la petite chapelle de Fourvière - la grande basilique n’existe pas à ce moment-là, c’est la petite chapelle qui est sur le côté -, c’est le début de l’après-midi et il est absorbé par une pensée qu’il note et cite telle quelle : Notre Seigneur est au très Saint Sacrement, seul, sans un corps religieux qui le garde, l’honore, le fasse glorifier ! Pourquoi ne pas établir quelque chose, un Tiers-Ordre, etc. Quand Pierre-Julien dit Notre Seigneur est au très Saint Sacrement, seul ce n’est pas dans le sens romantique du divin prisonnier qui a cours aussi à cette époque-là. Jésus, tout seul… Non. Comme il le dit lui-même un peu après, c’est que l’Eucharistie ne produit pas dans l’Église les fruits qu’elle devrait produire. Donc, un corps religieux, quelque chose, et c’est une pensée. Il n’y a pas de vision, mais simplement une pensée qui lui vient, une parole intérieure.     

    – grâce de vocation : à Fourvière : Notre Seigneur est au très Saint Sacrement, seul, sans un corps religieux qui le garde, l’honore, le fasse glorifier ! Pourquoi ne pas établir quelque chose, un Tiers-Ordre, etc. à La Seyne (saint Joseph), grâce de donation, de fusion, de bonheur, et qui a duré jusqu’à l’approbation apostolique, si douce.

     
                À la Seyne s/ Mer (saint Joseph) : il s’agit du 18 avril 1853, après la messe, d’ailleurs aussi, en action de grâces : grâce de donation, de fusion, de bonheur, et qui a duré jusqu’à l’approbation apostolique, si douce. À la Seyne il reçoit une grâce dans la même ligne de fondation, de force, pour entreprendre tout ce qui sera nécessaire, quelques soient les difficultés, mais de les dépasser, et ça ne lui coûte pas. C’est une grâce de douceur, 'fortiter' & 'suaviter' ("Elle déploie sa vigueur d’un bout du monde à l’autre, elle gouverne l’univers avec bonté." Sg 8,1) ‘suaviter’ : c’est vraiment la douceur de l’Esprit Saint, la puissance de l’Esprit Saint qui lui est donnée. Et Dieu sait s’il y a… lorsque viendra ce moment, par exemple, où il devra renoncer à son état de mariste, ce n’était pas de gaîté de cœur… Il avait confié à son supérieur général, le p. Favre, qui était allé à Rome pour les affaires de la congrégation, en 1856, au mois de février-mars, il lui avait confier le souci de demander au saint Père ce qu’il fallait faire : s’il devait quitter ou s’il ne devait pas quitter la congrégation mariste. C’est beau, parce qu’avec le saint Père on avait le dernier mot, il n’y avait plus de recours, mais… par chance, ou par grâce, quand le p. Favre est revenu et que le P. Eymard l’a retrouvé près de Mâcon, à Chaintré, au noviciat des maristes, et lui a demandé : « Mais le Pape, qu’est-ce qu’il a dit ? », le p. Favre alors lui dit : « Mon pauvre ami, figure-toi, j’ai complètement oublié ! » Alors, on revenait à la case départ ! Et lui qui mettait toute sa confiance ! Il y avait quelque chose d’une simplicité : « Si le Pape dit oui, il n’y a pas de problème, c’est que le p. Favre dira oui, parce qu’il ne peut pas aller (contre l’avis du Pape). » Mais il y a quand même des médiations humaines. Elles existent et elles ont leur sens aussi. Et c’est alors que le P. Eymard dit : « Mais quoi qu’en pensent les autres secrétaires, les monsignori à Rome sur toutes ces affaires-là… » C’est alors que le p. Favre, qui faisait aussi part de son autorité, de cette vérification de la grâce qui est quand même singulière, parce que le Père Eymard était un religieux profès perpétuel qui avait exercé des charges très importantes dans la congrégation, alors le p. Favre lui pose la question : « Quel signe avez-vous de votre vocation ? » Et c’est à ce moment-là qu’il dit : « Je n’ai rien d’extraordinaire, ni vision, ni apparition, ni quoi que ce soit d’extraordinaire » - même s’il a eu des grâces singulières - « mais depuis quatre ans j’éprouve un attrait de plus en plus fort pour me consacrer à cette œuvre. » Le p. Favre lui dira : « Mais je ne peux pas. Je ne fais pas de visite… » « Ah, mais je vais demander à l’évêque ! » « Mais l’évêque… » « Si, si, l’évêque peut me relever de mes vœux… » Et quand le p. Favre a perçu à ce moment-là, la solidité, l’appel, la présence d’un appel qui vraiment venait d’ailleurs, sur le champ, il l’a relevé de ses vœux. Sur le champ ! Alors que normalement c’est le pouvoir du supérieur général avec l’avis de son Conseil. Mais c’était tellement un événement que sur le champ il l’a relevé de ses vœux. Sauf qu’il fallait bien, après, une formulation canonique et en référer au Conseil. Le P. Eymard a aussi été convoqué au Conseil général et il a été très humilié, lorsque d’aucun lui ont reproché… Enfin, peu importe… On ne faisait pas de cadeau, j’allais dire, d’une certaine façon. Et à ce moment-là il a demandé au p. Favre : « Vous suspendez la décision que vous avez prise. Je pars, je quitte Lyon, je quitte la Société, je pars dans un endroit où je ne connais personne. Je confierai à des hommes expérimentés la décision et leur décision sera définitive. » C’était le 22 avril 1856. Il quitte Lyon le 30 avril, il vient à Paris où il était venu jadis comme visiteur général pour visiter la communauté mariste de Paris. Il demande l’hospitalité pour faire sa retraite à la Mère Thérèse Dubouché de l’Adoration réparatrice. Et le 1er mai, c’était le jour de l’Ascension en 1856, il va célébrer à Notre-Dame-des-Victoires à 6h du matin. Puis il revient… Et à ce moment-là, la Mère Dubouché, dira : « Désolé, mais monsieur Gaume, le supérieur ecclésiastique, ne m’a pas permis de… » Elle le regardait embarrassée… « Il faut chercher ailleurs… » Et le P. Eymard va trouver, finalement, au 114 rue d’Enfer, là où sont actuellement les Sœurs aveugles de Saint Paul, qui est le 88 de l’avenue Denfert-Rochereau, juste à côté de l’infirmerie Marie-Thérèse, des prêtres du diocèse, une maison qui appartenait au diocèse, qui était la maison d’un grand homme… Oui, d’un grand homme : Chateaubriand. Le Pavillon Chateaubriand. Mme de Chateaubriand avait acheté l’infirmerie Marie-Thérèse pour les prêtres âgés du diocèse, en 1822, comme œuvre d’assistance, la première du genre, et comme la propriété qui était à côté… il devait y avoir je ne sais quelle chose qui devait s’installer… plus ou moins… ce n’était pas le Moulin Rouge mais c’était quand même assez divertissant… et ça pouvait troubler la tranquillité des prêtres… À ce moment-là, le vicomte avait acheté la propriété et il avait construit son pavillon où il a vécu pendant une dizaine d’années. Mais comme il était criblé de dettes, dix ans après il la cédait à l’archevêché, ce qui a soldé les dettes, et cela a appartenu à l’archevêché. C’est une maison qui était un peu à l’abandon. Et le Père Eymard va faire sa retraite là. Il va rencontrer Monseigneur Sibour qui le confiera à son auxiliaire Léon Sibour (qui était aussi le cousin de l’archevêque), qui va le suivre durant ces quelques jours de retraite entre Ascension et Pentecôte 1856. Et lorsque le mardi de la Pentecôte, le 13 mai, il va rencontrer l’archevêque, alors qu’il cherchait à rencontrer l’auxiliaire, l’archevêque lui dira : « Mais, vous êtes ces prêtres… » Le P. Eymard : « Oui… » L’archevêque : « Ah, non, c’est purement contemplatif, je ne suis pas pour ces choses là… Non, non ! » C’est à ce moment-là qu’il va dire : Nous adorons sans doute, mais nous voulons aussi faire adorer. Nous devons nous occuper de la première communion des adultes. Nous voulons mettre le feu aux quatre coins de la France, et d’abord au quatre coins de Paris, qui en a tant besoin.[1] Et il va créer l’œuvre de la première communion. Il va débuter, sans relation, sans connaissance, à Paris, dans un monde inconnu, sans ressource. Et avec sa seule foi. Comme lui-même le dira ailleurs : Dieu le veut. Et l’homme, plus rien, les moyens viendront. Mais Dieu le veut. D’abord, les vocations se font attendre. Il fera la première exposition du saint Sacrement le 6 janvier 1857, dans la première communauté du Saint-Sacrement.  
     

    – grâce d’apostolat : foi en Jésus. Jésus est là. Donc à Lui, pour [ou par] Lui, en Lui.

     
    Jésus est là mais c’est le mouvement même de la doxologie de la célébration. À lui, pour lui, en lui. Ce dynamisme de l’Eucharistie.

    Renouvellement

    J’ai bien demandé à Notre Seigneur de me renouveler dans cette grâce première. Jésus est là, seul, oublié des siens – stérile en son Sacrement.

     
    Stérile en son Sacrement, voilà le sens de ‘seul’.
     

    J’ai bien demandé la résurrection de cette grâce – de mon état si peiné, si triste, si désolé depuis trois ans.

    Oui, mon cœur a toujours aimé Jésus Hostie. Personne ne l’a eu ce cœur. Mais mon esprit, mais ma vie extérieure, mais mes rapports trop naturels, trop expansifs, voulant me faire louer de ma vocation, me consoler dans les âmes qui semblaient l’aimer, qui pouvaient le glorifier en moi : voilà le tombeau de cette grâce première.

     
    Il va demander à ce moment-là, précisément :

    Oh ! Jésus ! Des profondeurs, je crie vers toi. [Ps 129,1]. – Ressuscite en moi la grâce première. [Reprends ta conduite première] [Cf. 2Tm 1,6 – Ap 2,4].

     
    Le texte de l’Apocalypse. 


                Nous voici à la troisième méditation, pour aller très rapidement, mais c’est toute la vie du Père Eymard qui est évoquée.

     

    NR 45,4

    2e jour – de 3h à 4h

    3e méditation – Vocation eucharistique

    1° Notre Seigneur m’a appelé à son service eucharistique malgré mon indignité.

    Il m’a choisi pour travailler à sa Société malgré mon incapacité et mon infirmité.

    Il m’a conduit de la mort, et par la mort, à la vie de la Société.

     
    Le mystère pascal.

    Tout ce qu’on disait impossible est arrivé facilement, et à l’heure de Dieu.

     
    Et Dieu sait s’il y a eu des choses impossibles dans la vie du P. Eymard !
     

    À Dieu seul, amour et gloire !

    2° Preuves de grâces :

    – Dieu m’a conduit par degrés à sa Société. Il m’en montrait par fractions les sacrifices. Enfin, à La Seyne, il me les a tous demandés, jusqu’à la séparation [de la Société de Marie], – jusqu’à la croix, – jusqu’à l’abandon.

    Or, avec quel bonheur j’ai dit oui à tout, après cette bienheureuse messe ! Et Dieu a tout agréé, et conduit à bonne fin.

     
    C’est donc le 18 avril 1853, à la Seyne s/ Mer, l’épisode qu’on a évoqué plus haut.
     

    – La douceur si grande, qui a duré tant d’années, et toujours croissante par l’Eucharistie, me dit le oui de Dieu.

     
    C’est au milieu des épreuves. Il y a des épreuves, des souffrances. Il y a aussi des grâces de consolation. Recevoir à travers les événements le ‘oui’ de Dieu.
     

    La force qui en sortait, comme le fruit de sa fleur, m’assure le cœur de Dieu.

     
    Je pense que c’est d’une beauté merveilleuse… Puis… Alors-là, c’est… Nous avons dit que la nuit de l’esprit c’est la nuit de l’épreuve.


    – les sacrifices de mort à la pensée de l’œuvre, lors de Rome (P. Favre)3.
    – La mort à la Société de Marie, si pénible.
    – La mort à la réception de l’Archevêque de Paris, après treize jours d’agonie4.

     
    Je ne suis pas pour ces choses là - Pourtant Mgr D. Sibour était un homme très pieux. Et très soucieux. Il est le premier archevêque de Paris à avoir pris conscience du fait de la banlieue qui commence à entourer Paris avec le développement industriel. Et soucieux de la pastorale qui était celle de la paroisse à l’intérieur des murs et qui débordait à ce moment-là les murs de la capitale.


    – La mort au personnel quand, abandonné, tout seul.

     
    Son premier compagnon c’était un capitaine de vaisseau, le commandant de Cuers. Au début, c’était tellement difficile, qu’un beau jour le Père de Cuers l’a laissé, tout seul. Alors lui est allé au prie-Dieu et s’est mis à l’adorer. Et le Père de Cuers est revenu le lendemain.  


    – La mort à Paris, quand le Cardinal voulait nous renvoyer (sainte Thérèse)5.
    – La mort par les sujets.
    – La mort à Rome, lors du Décret6.
    – La mort la plus sensible (séparation du premier [compagnon])7.
    – La mort à l’estime des Évêques par Nemours8.

     
    La communauté des Servantes du Saint-Sacrement qui se termine lamentablement.


    – des miens par…
    – de moi par les plus pénibles épreuves depuis le… au…

    Et cependant la vie suit la mort. C’est la voie de la Société et la mienne.


    3 La rencontre à Chaintré le 22 avril 1856 avec le P. Favre, Supérieur général.

    4 La rencontre avec Mgr D. Sibour le 13 mai 1856.

    5 Le 15 octobre 1857, convocation du cardinal François Morlot qui lui demande les titres de l'approbation de l'institut.

    6 Au mois de mai 1863, à Rome où une accusation calomnieuse l'atteint.

    7 Le départ du P. de Cuers pour fonder son œuvre, en juin 1867.

    8 La fermeture de la communauté des Servantes de Nemours au mois de mai 1867.

     

    Voilà, le P. Eymard tel qu’en lui-même il se révèle. Et si nous prenions alors un peu plus loin, dans cette même retraite qui est très courte, nous verrions la profondeur de sa souffrance lorsqu’il évoque les difficultés, les épreuves qu’il connaît, qui nous laisse entrevoir combien il…
     

    Amour propre (…) 

    Il faut que l’amour de Jésus ait bien décru en moi, si j’en juge par l’état de ma vie : depuis deux [ans] et demi.

    - Jadis, mon esprit vivait de la vérité, du travail pour Jésus, des sacrifices pour sa gloire. Il était libre et fort, joyeux. La peine n'entrait pas dans son état intérieur. Et maintenant, il vit de ses peines en soi-même. Il souffre du prochain au fond de son être. C'est une tentation presque continuelle. L'amour-propre de l'esprit est froissé, est humilié, est dépité. Ce qui ne serait pas, si Jésus était sa vie. Donc…

    - Mon cœur est occupé, tenté, des consolations humaines, – et faible dans les témoignages d'estime et de dévouement. Il est trop faible quand sa vanité ou sa petite vertu est flattée.

    + x Ah! quand Jésus le remplissait, il n'avait même pas la pensée de dire ses peines. Rien ne transpirait sur ses traits. Il n'y avait de place que pour Jésus.

    Quand les épreuves venaient du dehors ou du dedans, un quart d'heure devant le très Saint Sacrement me fortifiait, me rassérénait. Et aujourd'hui, des heures me laissent le cœur brisé.

    Puis j'ai de la peine à me recueillir, à entrer dans l'intérieur des vérités, de Jésus, de moi. Je suis comme un malade qui ne sait parler que de ses douleurs ou de ses déceptions. Je suis dans le négatif.

    Aussi le sentiment intérieur est-il mort dans mes adorations. Mon âme est glacée. Jésus ne fait plus luire son bon soleil. Quel galérien je suis ! 

    (NR 45,11 – 4ème jour, 3ème méditation)


    Il va quand même retrouver une grâce, un peu plus loin, où il dira :


    Oh ! que j'aurais besoin de cette oraison de repos, aux pieds du Maître : 
    Venez à l'écart dans un lieu désert, et reposez-vous un peu [Mc 6,31] ; – de ce repos aux pieds de Jésus, repos qui aspire vers sa grâce, sa bonté, sa miséricorde – un regard d'amour.

    C'est le calme et la paix de tout soi-même, sommeil affectueux et réparateur.

    J'ai eu un petit moment ce repos.

    Oh ! que je désire l'autre oraison dont parle le Sauveur. Je la conduirai au désert, et je parlerai à son cœur [Os 2,16]. 

    (NR 45,14 – 5ème jour, 3ème méditation)

     

    [1] Citation reprise dans la biographie Saint Pierre-Julien Eymard - L’Apôtre de l’Eucharistie, André Guitton, éditions Nouvelle Cité, p. 110. L’épisode y est décrit de façon très complète.


    Lien aux Œuvres complètes en ligne de S. Pierre-Julien Eymard
    :
    http://www.msv3.org/Main.aspx?BASEID=EYM2014

    Bannière Chapelle Corpus Christi.jpgConférence donnée dans le cadre du Jubilé de S. P-J. Eymard que vous retrouverez à la page enrichie sur ce lien : Fraternité Eucharistique Corpus Christi #JubiléPJEymard2018

  • Le miracle, c'est la prière ! Appel aux Priants des Campagnes - Église rurale

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    L e  m i r a c l e,   c ' e s t   l a   p r i è r e  !

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    Écoute de l'émission sur Radio Notre Dame

    Ecclesia Magazine invite Priants des Campagnes

     

     

    20GénéraleChapelleSCJésusCroix20.jpg

    adoration saint martin,eucharistie,sacré cœur,la france,foi,christianisme,priants des campagnes,philippe de la mettrieNous assistons avec tristesse à la disparition de lieux de cultes, parcelles ostentatoires de notre patrimoine cultuel et culturel : ici, une église est désaffectée ; là, transformée en musée ; là encore, abandonnée aux ravages des intempéries, quand ce n’est pas la pelle du bulldozer qui la met à bas. Ne sommes-nous pas, nous catholiques, en particulier ceux résidant dans nos campagnes et nos petites villes, responsables de la disparition des églises ? Ne condamnons pas trop vite les élus qui refusent de les entretenir, quand elles ne sont ouvertes qu’une fois par an, devenant le reste de l’année les tombeaux poussiéreux d’une foi populaire morte. Je rêve alors que ces églises retrouvent leur vocation de Lieu de prière (« La maison de mon Père est une maison de prière »). Elles retrouveront cette vocation par l’audace, le courage de quelques-uns, convaincus que la prière en commun est un des piliers de la demande d’intercession ou de louange avec la prière personnelle. N’est-il pas possible de voir filtrer pendant quelques minutes, une fois par semaine, la lumière à travers leurs vitraux, de faire entendre, à celui qui passerait sous leurs murs, les intonations priantes ou les paroles d’un « Je vous salue Marie » ? En outre, quelques tintements de cloches ne pourraient-ils pas porter aux alentours le message suivant : « Des catholiques prient dans leur église » ? Dans tel ou tel village de 200 habitants, n’y aurait-il un matin ou un soir que 20 priants dans l’église, cela suffirait pour faire entendre nos prières. Y en aurait-il que 10, ce serait assez pour témoigner de notre foi. Y en aurait-il que 5, c’est encore assez. Y en aurait-il que 2, fidèles parmi les fidèles, cela suffirait à Dieu, car « Là où deux ou trois sont assemblés en Mon nom, Je suis au milieu d’eux ». C’est assez pour redonner vie, aux yeux du monde, à cette maison de prière et témoigner qu’elle est un lieu privilégié de rencontre et de dialogue avec Dieu. Point n’est besoin de clercs pour rouvrir nos églises ; le laïc y entre de plein droit. Personne ne nous en chasse. C’est nous, catholiques, qui la désertons, par notre tiédeur, notre manque de courage, la peur de nous montrer, et par l’alibi, parfois justifié, des contraintes de la vie quotidienne. Oui, je rêve de voir nos églises de campagne devenir les multiples chapelles dispersées d’un monastère immense, sans clôture, celui des hommes et des femmes de toutes conditions qui y prieront quelques minutes par jour ou par semaine. Cette démarche de foi d’un petit nombre, véritable levain dans la pâte, vaudra sans doute témoignage plus fécond que la grand’messe annuelle, dédiée au Saint de la contrée. Alors, si nos églises sont habitées, je dirais même éclairées, fréquemment par la prière, alors seulement nous pourrons dire à nos élus : « Ne touchez pas à mon église, nous ne pouvons vivre sans elle, car c’est en ce lieu que monte notre prière commune à Celui qui est venu pour le salut de tous les peuples ». Quant à l’argent nécessaire pour leur entretien, j’ose dire qu’il nous sera donné par surcroît. Non pas qu’il tombera du ciel, mais que la nécessité d’une participation financière des catholiques de notre pays à la conservation de lieux de cultes s’imposera. Les modes de collecte associatifs, développés ici et là avec succès, apportent la preuve que les chrétiens savent et sauront réserver à cette grande cause de sauvegarde de notre patrimoine religieux une part de leurs biens matériels. Catholiques fervents des campagnes, osez ouvrir vos églises pour y prier, soyez les visibles Priants des campagnes ; votre témoignage touchera les cœurs, parfois même les plus endurcis, et votre présence fréquente et priante en ces lieux sera la cause première de la sauvegarde de nos églises. Une église où l’on prie est une lumière qui brille dans les ténèbres du monde.

    adoration saint martin,eucharistie,sacré cœur,la france,foi,christianisme,priants des campagnes,philippe de la mettriePhilippe de La Mettrie
    Novembre 2013
    www.priantsdescampagnes.org

    Si vous voulez rejoindre l'association, écrivez à :
    priantsdescampagnes@gmail.com : nom, prénom, département, paroisse

    À diffuser largement car notre nombre peut être déterminant pour la sauvegarde d’une église ou chapelle.

    Téléchargez, Imprimez, Photocopiez & Déposez dans votre église :
    l'
    Appel aux Priants des Campagnes & le Bulletin d'Adhésion à l'association,
    ici : 1 page A4 horizontale
    .

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    Les 2 photographies : Saint-Martin de Sury-ès-Bois (18)

    Exemple d'église fermée pendant 10 ans pour travaux 
    et réhabilitée au culte, en avril 2014, par l'archevêque de Bourges,
    par la célébration eucharistique.



     

    Retrouvez cet article dans la sous-page de la page enrichie :
    Adoration Saint Martin

  • S. P-J. Eymard : Honorer le Christ dans le Saint Sacrement

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    EN LA FÊTE DE S. PIERRE-JULIEN EYMARD : 2 août

    Eymard Jeune Mariste ?.pngLe Père Eymard est un homme habité par Dieu et qui ne veut qu’accomplir la volonté de Dieu. C’est « la pensée eucharistique » qui le guide. Il a un amour passionné pour le Saint Sacrement. Il vit tout en rapport avec cet amour de Jésus qu’il découvre dans l’Eucharistie. Pour lui l’Eucharistie, c’est la communion, mais c’est aussi cette présence du Christ dans le Saint Sacrement à laquelle il veut vouer toute sa vie. Son désir est de rendre gloire au Christ présent, de le manifester, de l’adorer. Cette foi en la présence de Jésus dans l’hostie est impressionnante. De plus, il ne veut pas garder cette foi pour lui. Il veut la manifester, la répandre, la prêcher pour la faire naître dans le cœur de beaucoup. Toujours dans ce but, il fonde une société, une congrégation qui essentiellement se donnera le but d’honorer le Christ dans le Saint Sacrement.

    Le Père Eymard est sensible au fait de la tiédeur dans l’Église, dans le monde. Et il considère que l’Eucharistie est le moyen très efficace pour réveiller la foi, pour « mettre le feu » sur la terre, comme il le dit.

    Cet amour du Christ dans l’Eucharistie entraîne une spiritualité dont le Père Eymard est un vivant témoin. L’état de Jésus dans l’Eucharistie inspire sa propre attitude intérieure. Par l’Eucharistie, c’est le Christ qui vit en lui. « Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi » (Gal.2,20), citation de saint Paul fréquente chez le Père Eymard. Il est sensible à l’état d’anéantissement du Christ dans l’Eucharistie. Il y voit le prolongement de l’Incarnation du Verbe dans l’homme Jésus. Cette Incarnation de Jésus a été vécue par Jésus comme un accomplissement d’amour envers son Père. Le Père Eymard se dit qu’il doit être envers Jésus eucharistique dans une semblable volonté d’amour. On peut remarquer que par ce moyen le Père Eymard se met avec Jésus sous l’influence de l’amour du Père, amour qui comporte un va-et-vient du Père au Fils et du Fils au Père, amour qui s’appelle l’Esprit.

    Comment suivre aujourd’hui le Père Eymard ?

    Reconnaître comme lui la merveilleuse présence du Christ dans l’Eucharistie… bien sûr, en vivant au maximum la liturgie eucharistique qui conduit à la communion. Mais aussi reconnaître cette présence dans l’adoration. Comme il faudrait que cette adoration soit respectueuse, pleine en même temps de don de soi et d’amour !

    La spiritualité eucharistique est aussi appelée à inspirer toute la vie. Comment ?

    En accomplissant la volonté de Dieu, en union avec Jésus, « l’union de société ». À un endroit, le Père Eymard écrit que la vertu souveraine de l’adorateur est la modestie (La Grande Retraite de Rome – NR 44). Comment comprendre ce mot « modestie » ?... Le lendemain il écrit : « Je cherche Dieu, et ne le trouve pas dans les vertus, dans la prière même, dans les saints » (NR,44 - 14 février). Mais 2 jours après : « Voilà tout le secret trouvé. Donner à Notre Seigneur mon moi sans condition. Je l’ai donné, je l’ai jeté devant le Saint Sacrement à la consécration. Mes larmes l’ont sanctionné. J’ai mis mon cœur dans le ciboire de la communion, qui se donnait pour être un ciboire… »

    Il semble que la spiritualité du Père Eymard va dans le sens d’un dépouillement pour être tourné vers Jésus : « C’est Jésus qui veut être mon Raphaël, mon moyen, mon centre : « in me manet (Il demeure en moi) Vos… qui permansistis mecum (Vous qui demeurez avec moi) » (Jn6, 56, Lc.22, 28). Il semble que pour lui tout part de Jésus … et ainsi son attitude envers les autres a sa source en Jésus et en Jésus dans l’Eucharistie… De même sa façon de vivre, d’être… se laisser guider par l’Esprit de Jésus eucharistique. Cela suppose évidemment une union intime avec Jésus-Christ. Cela dépasse une attitude philosophique ou même pré-chrétienne. Au fond de soi il y a cette Présence qui inspire tout, être comme un « ciboire » pour laisser en soi jaillir le feu de l’amour eucharistique, pour laisser la mort et la résurrection du Christ informer toute la vie. L’Eucharistie « mémorial » de la mort et de la Résurrection du Christ.

    Logo sss NEUF.jpgPaul Mougin, sss
    supérieur de la communauté des Pères du Saint-Sacrement

    Chapelle Corpus Christi
    23 avenue de Friedland, Paris 8

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    Traditionnellement, et ce depuis 1876,
    la chapelle Corpus Christi - 23 avenue de Friedland, Paris 8
    est le lieu du 'tombeau' du P. Eymard.
    On y vénère ses reliques
    sous le gisant de cire qui repose dans la châsse qui fut celle du S. Curé d'Ars.

    Retrouvez ce texte dans la sous-page enrichie 
    Fraternité Eucharistique Corpus Christi #JubiléPJEymard2018

    et la page consacrée à Pierre-Julien Eymard, Apôtre de l'Eucharistie - Un saint d'avenir

    Communauté de prière Hozana St Pierre-Julien Eymard — Chapelle Corpus Christi

  • Le prêtre n’a de raison d’être que l’enfantement des âmes à Dieu : Ordinations sacerdotales de Didier & Johannes par Monseigneur Rey

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    dominique rey,eucharistie,didier bertod,johannes de hasbourg,prêtre,foi,fraternité eucharistein,miséricorde divine,la france,christianismeEn cette fête des deux Apôtres, piliers de l'Église, saint Pierre et saint Paul, La Vaillante relaie le très beau texte de Monseigneur Dominique Rey sur le prêtre, l'Eucharistie, la vie donnée au Christ & à l'Église.

    Le 16 juin 2018, cette homélie a été prononcée à l’occasion des ordinations sacerdotales de
    Johannes de Habsbourg et Didier Berthod, membres de la Fraternité Eucharistein — & fils spirituels du P. Nicolas Buttet, le fondateur — au Champs des Martyrs, à Vérolliez, Saint-Maurice (Suisse). 

     

     

     

     

     

     

    dominique rey,eucharistie,didier bertod,johannes de hasbourg,prêtre,foi,fraternité eucharistein,miséricorde divine,la france,christianismeOrdination presbytérale de Johannes de Hasbourg et Didier Berthod

    Toute ordination sacerdotale est l’occasion d’une action de grâce. Cette action de grâce est le fruit d’abord d’un émerveillement devant l’appel de Dieu. Appel déroutant qui dépasse les programmes de vie que l’on s’était fixés, qui bouscule nos agendas. Appel mystérieux qui se fraie un chemin à travers des rencontres parfois impromptues, au fil de prises de conscience, au gré des aléas de la vie… Une conviction, au départ subjective, va devenir peu à peu une certitude consistante lorsqu’elle est confirmée, confortée par l’Église.

    dominique rey,eucharistie,didier bertod,johannes de hasbourg,prêtre,foi,fraternité eucharistein,miséricorde divine,la france,christianismeCet appel au sacerdoce, au fur et à mesure qu’il s’affiche, nous dépasse et nous plonge dans la démesure de la miséricorde de Dieu à notre égard. Qui sommes-nous pour recevoir une telle mission, devenir ministres du Seigneur, pour le représenter ? «  Oh, que le prêtre est quelque chose de grand ! S’il se comprenait, il mourrait », disait le curé d’Ars. Un prêtre aîné me répétait il y a quelque temps : « Les prêtres sont de moins en moins nombreux. Il va falloir qu’ils ressemblent de plus en plus à Jésus-Christ  ».

    Notre action de grâce en ce jour est aussi portée par la générosité de la réponse à cet appel du Seigneur. Dans quelques instants, Johannes et Didier vont se prostrer sur le sol de tout leur long, dans une posture qui signifie le don radical de soi, jusqu’à la mort à soi-même. Par cette prostration, Johannes et Didier exprimeront ainsi qu’ils épousent cette terre qui devient le lieu de leur mission, jusqu’à la déposition de leur corps sur elle, en elle. La seule réponse qui vaille face à l’appel de Dieu est un oui sans restriction et sans retour en arrière, jusqu’à la mort. 

    dominique rey,eucharistie,didier bertod,johannes de hasbourg,prêtre,foi,fraternité eucharistein,miséricorde divine,la france,christianismeLe « oui » que Johannes et Didier vont prononcer sera pour vous et pour l’Église, source de salut et de bénédiction. Ce « oui » les projette dans une nouvelle dimension de leur existence. De fils, de frère, d’ami… ils deviennent désormais vos pères. Pères pour vous engendrer à la foi. Radicalement au service de votre sainteté et de la croissance de l’Église notre Mère.

    dominique rey,eucharistie,didier bertod,johannes de hasbourg,prêtre,foi,fraternité eucharistein,miséricorde divine,la france,christianismeCette cérémonie est action de grâce, mais aussi elle va transformer la vie de Johannes et de Didier qui vont recevoir le sacrement de l’Ordre. Ils vont devenir des médiateurs de la grâce de Dieu en étant configurés au Christ Bon Pasteur, pour agir in persona Christi, c’est-à-dire en la personne du Christ afin de le rendre présent. Désormais ils ne s’appartiennent plus. Le centre de gravité de leur existence se déplace en direction de la mission que le Christ leur confie. Leur existence devient pastorale, c’est-à-dire qu’elle ne se comprend qu’à partir de la mission que Dieu leur confie. Le prêtre n’a de raison d’être que l’enfantement des âmes à Dieu. Il fait naître l’homme, tout homme à la vie de Dieu. Il donne Dieu. Il donne le goût de Dieu et fait grandir le Corps du Christ qu’est l’Église.
     
    La joie du prêtre est de susciter autour de lui le bonheur de croire en Dieu. Son combat c’est de vaincre les résistances et les refus que suscite cette annonce dans le cœur de l’homme. Le combat commence par lui-même, en ce qui en lui freine ou interdit l’action du Seigneur. Souvent la joie de la mission se cueille, non seulement après, mais aussi au cœur de la bataille. Comme en témoignent les Actes des Apôtres, « ceux-ci étaient tout heureux d’avoir été trouvé dignes de subir des outrages pour le nom de Jésus  ».


    eucharistie,didier bertod,johannes de hasbourg,prêtre,foi,fraternité eucharistein,dominique rey,miséricorde divine,la france,christianismeAu cœur de la vie du prêtre, il y a l’eucharistie. Jamais le prêtre n’est autant prêtre qu’à la messe lorsqu’il prononce en la personne du Christ les paroles qui convertissent le pain et le vin en Corps et Sang du Christ. Moment d’intimité avec Dieu qui nous rejoint au plus intime de notre cœur. Moment de communion avec l’Eglise qui comme Corps du Christ, se construit à partir de l’eucharistie. Moment de sanctification du peuple chrétien, mais aussi de transformation du monde puisque celle-ci commence à partir de l’eucharistie. «  On ne comprendra le bonheur qu’il y a à dire la messe, que dans le ciel  », disait encore le curé d’Ars, qui ajoutait : « Voyez la puissance du prêtre : la langue du prêtre, d’un morceau de pain fait advenir Dieu. C’est plus que de créer…. » 

    Si l’efficacité du sacrement ne dépend pas de la sainteté du prêtre (Pastores dabo Vobis), l’Église souligne par contre que la sainteté du prêtre rend fructueux son ministère. Le prêtre est appelé à propager dans tous les compartiments de sa vie ce qu’il célèbre dans le sacrement de l’eucharistie. Sa vie entière se comprend, s’unifie, se perfectionne à partir de l’eucharistie. Comme le disait le pape Jean-Paul II « l’eucharistie, c’est ma vie. »

    dominique rey,eucharistie,didier bertod,johannes de hasbourg,prêtre,foi,fraternité eucharistein,miséricorde divine,la france,christianismeLa qualité de la vie pastorale du prêtre dépend essentiellement de l’eucharistie. C’était encore Jean-Paul II qui disait : « l’eucharistie est le sacrement le plus efficace pour l’évangélisation  » Nos initiatives aussi géniales soient-elles, resteront toujours des œuvres humaines. L’eucharistie elle, est l’œuvre de Dieu. Je peux parler beaucoup sur Dieu, à propos de Dieu, mais la vertu de l’eucharistie est de Le rendre personnellement et substantiellement présent. Le prêtre célèbre dans l’eucharistie « source et sommet de la vie chrétienne » (Lumen Gentium n° 11), l’abaissement de Dieu, l’actualité de la Croix du Christ qui offre sa vie pour nous. Chaque messe accompagne notre marche vers la Patrie céleste. De messe en messe, nous marchons avec Dieu, vers Dieu. Le prêtre fait mémoire du Seigneur pour le faire vivre aujourd’hui en nos cœurs. Le prêtre signifie l’aujourd’hui de Dieu pour marcher ensemble sous sa conduite, vers un avenir qu’il a ouvert au matin de Pâques. 

    Par l’eucharistie, le prêtre nous apprend à discerner la présence de Dieu dans le pain et le vin offert. Tout Dieu dans la modicité de la parcelle d’hostie. L’infini dans l’infime. Tout le sacrifice du Christ dans une goutte de vin qui devient une larme de son Sang. La miséricorde divine s’exprime par ce geste inouï du Christ qui a voulu nous rejoindre au-dedans de nous-mêmes lorsque nous le recevons comme une nourriture. La miséricorde de Dieu s’exprime par sa descente jusque dans nos intestins, jusque dans nos entrailles. 

    dominique rey,eucharistie,didier bertod,johannes de hasbourg,prêtre,foi,fraternité eucharistein,miséricorde divine,la france,christianismeMinistre de l’eucharistie, le prêtre est serviteur de la Miséricorde divine. Face au mal le plus profond qui afflige notre humanité, qui blesse le cœur de chacun d’entre nous, la seule réponse qui permet à l’homme de ne pas désespérer de lui-même et des autres et même de Dieu, c’est la miséricorde qu’il nous révèle en son Fils. Il en est l’humble instrument. En raison de la miséricorde divine révélée par le Christ, l’homme ne peut tomber qu’en Dieu, aussi basse que soit sa chute. Par son ministère de la confession et en accordant le pardon de Dieu, mais aussi par son regard paternel, son attention à chacun et aux plus petits, par sa prévenance à l’égard des plus fragiles, le prêtre est homme de miséricorde. 

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    Johannes et Didier, il vous faudra toujours revenir à cette infinie miséricorde de Dieu qui vous a choisis, appelés, bénis en ce jour consacré pour être ses ministres. Dans votre ministère de prêtre, vous aurez à vivre de pardon, en le donnant aux autres et aussi en le recevant pour vous-mêmes. Il vous faudra « recoudre », comme le disait Blanche de Castille qui s’adressait à son fils Louis IX, le futur saint Louis, à propos de la France blessée par tant de divisions. Oui, Johannes et Didier, vous serez des « couturiers de la grâce ». Recoudre, telle sera votre mission. Recoudre le fil rompu avec Dieu, avec les autres, avec son propre passé. Ce ministère de réconciliation sera votre joie mais aussi votre croix, en « complétant en votre chair ce qui manque à la Passion du Christ  ». 

    Johannes et Didier, le meilleur que l’on puisse souhaiter pour vous en ce jour de votre ordination presbytérale, c’est la fidélité. La fidélité dans la sainteté. La fidélité à travers vos pauvretés et parfois grâce à elles. En paraphrasant Bernanos dans son journal du curé de campagne : « La grâce des grâces est de s’aimer humblement soi-même.  »

     
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    Abbaye de Saint-Maurice (Suisse) 
    16 juin 2018 

     

     

     

     

     

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  • La naissance au Ciel du Père Eymard - Ses derniers jours…

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    Fraternité Eucharistique
    23 - 06 - 2018

    La Naissance au Ciel
    de S. Pierre-Julien Eymard

    Centre vitrail dernière messe au P Eymard& bas.jpg

     

    Notre Seigneur exige de moi tant de délicatesse
    que ce doit être bientôt la fin.


                Cette citation du Père Eymard est rapportée par le frère Albert Tesnière. Elle date du printemps 1868, quelques mois avant sa mort. Le frère Albert était le disciple et le confident du Père Eymard, et sans doute a-t-il reçu cette phrase de la bouche du Père à Paris, au sein de la communauté des religieux du Saint-Sacrement. Cette citation est inscrite sur le vitrail de la chapelle dédiée à S. Pierre-Julien Eymard, à La Mure d’Isère. Le vitrail représente le Père Eymard alité qui va recevoir la communion du P. Chanuet, célébrant sa dernière messe pour lui dans sa chambre à La Mure, rue du Breuil. Au pied du lit, une de ses sœurs de profil, Marianne ou Annette, est agenouillée, le visage dans les mains.


    Notre Seigneur exige de moi tant de délicatesse
    que ce doit être bientôt la fin.

                Dans cette phrase confiée au jeune frère et confident du Père Eymard, Albert Tesnière, nous percevons la profondeur du lien qui les unissait. En cette année ultime de sa vie, le Père Eymard demandait au frère Albert de l’accompagner dans ses déplacements, pour aller donner des enseignements, par exemple, parce qu’il était très fatigué et avait besoin d’assistance. C’est ainsi que le frère Albert a pris les notes de la prédication avec laquelle nous adorerons Jésus Eucharistie, tout à l’heure. 

                Pour cette dernière rencontre, avant la coupure estivale de la Fraternité Eucharistique jubilaire, nous nous penchons donc sur la fin de vie de saint Pierre-Julien. Si tout au long de sa vie nous pouvons lire les moments et les attitudes eucharistiques du Père Eymard, dans ses lettres, ses notes de retraites personnelles, nous percevons cette attitude eucharistique d’autant plus à l’approche de son enciellement, sous le regard du frère Tesnière et le témoignage de ceux qui l’ont assisté jusqu’à son agonie et son dernier souffle.

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                Avant de vous emmener quelques mois avant la mort de Pierre-Julien, permettez-moi de vous faire part de ce message reçu jeudi dernier, alors que je préparais cet exposé. C’est une amie carmélite à Nevers qui m’a envoyé ce mail, dont j’extrais ces mots pour éclairer ce que signifie ‘être un homme ou une femme eucharistique’ en fin de vie. 

    Enciellement sr Louise-Marie Carmel Nevers.jpg 

                Nous lirons tout à l’heure le passage où le frère Albert nous fait part du témoignage de Mlle Thomas, la garde malade qui accompagna le Père Eymard dans ses derniers instants.


    Les derniers mois du Père Eymard

    (Tout au long de cet exposé je m’appuie sur la biographie du P. André Guitton, sss,
    Saint Pierre-Julien Eymard - L’Apôtre de l’Eucharistie)

    CouvLl'ApôtreDeL'Eucharistie.jpg            Pierre-Julien Eymard était né à la Mure d’Isère le 4 février 1811, et il retourna y mourir le 1er août 1868, à l’âge de 57 ans.

                Avant la lecture proprement dite des morceaux choisis dans le livret Les derniers jours de S. Pierre-Julien Eymard — écrit en 1869 par le frère Albert Tesnière qui fut son disciple, son confident et témoin direct de ses derniers jours — nous allons revenir à ses dernières activités de prédicateurs.

                Début mai 1868, sans doute le 2, le Père Eymard revient d’une retraite qu’il a prêchée au noviciat de la Congrégation du Saint-Sacrement, à Saint-Maurice, en Essonne. C’est là qu’il donna le titre de « Notre-Dame du Saint-Sacrement » à la Vierge. [J’ouvre ici une parenthèse pour préciser que ce titre à pour origine celui que le P. Jules Chevrier donna à Notre-Dame du Sacré-Cœur. Le P. Eymard avait vu des imprimés avec ce titre Notre-Dame du Sacré-Cœur, envoyés par les pères du Sacré-Cœur d’Issoudun, pour en répandre la dévotion. C’est le frère Paul Maréchal, alors novice à Saint-Maurice et qui avait suivi la dernière retraite du Père Eymard, qui en rapporta le témoignage. Ce frère conclut dans sa déposition au Procès ordinaire de Paris dans la somme (Summarium) pour l’introduction de la cause de béatification du Père : « Le Père Eymard mourut deux mois après. »]

                De retour de Saint-Maurice où il a prêché cette retraite, le Père en commence une autre, du 4 au 9 mai, à Vaugirard, pour les Frères de Saint-Vincent de Paul. Il était tenu par une promesse faite au supérieur général de prêcher cette retraite annuelle. Le Père étant fatigué demanda au jeune frère Albert Tesnière (22 ans) de l’accompagner. Celui-ci pris les notes de cette retraite (PA 10, 1-24), la dernière que le P. Eymard prêcha à des religieux. Durant les 5 jours de cette retraite il donnait trois instructions par jour, plus un sermon de professions le 6ème jour, le samedi matin.

    St Pierre-Julien Eymard malade.jpg            À cheval sur cette retraite, le Père Eymard accepta de donner le soir, du 6 au 8 mai, le triduum de l’Adoration perpétuelle dans la chapelle des Bénédictines du Saint-Sacrement, rue Monsieur. « Prédication lumineuse et fervente » selon les mots du P. André Guitton dans la biographie du Saint. « Le frère Tesnière qui l’accompagnait rapporte qu’il revenait exténué à sa communauté », au 112 boulevard Montparnasse, tout près de Notre-Dame des Champs.

                À Paris, il profite de ce temps pour mettre à jour sa correspondance. Par deux fois en mai il se rend à Saint-Maurice pour se reposer.

         Il donne une instruction sur le sacerdoce le jour de la première messe d’un prêtre, le 7 juin. Le 11 juin, en la Fête-Dieu, le sermon aux Vêpres à Notre-Dame-des-Victoires. Les 26 et 27 juin il préparait 37 jeunes à leur première communion. Le dimanche 28 juin il préside cette célébration, mais, à cause de la fatigue, il dut céder la place à un confrère.

                Le lendemain, 29 juin, il part pour Angers pour la bénédiction de la première pierre de la chapelle de la Congrégation du Saint-Sacrement. La célébration eut lieu le 30 juin, présidée par Mgr Angebault. Malgré sa fatigue extrême le P. Eymard voulut rendre visite à ses filles, les Servantes du Saint-Sacrement d’Angers. Il leur donna une dernière exhortation (PS 642,6), et se rendit à la chapelle pour donner la bénédiction du Saint Sacrement. Puis il rentra à Paris.

    Pierre Fourier Peint:Cuivre Musée Lorrain.jpg            Épuisé, « il subit une attaque qui paralysa presque entièrement son bras gauche. Mais il avait promis aux religieuses de la Congrégation de Notre-Dame de s’associer à la fête de leur fondateur, le bienheureux Pierre Fourier. Le 7 juillet, avec l’aide du frère Tesnière, il se rendit à l’Abbaye-aux-bois » et donna cette prédication, dont nous méditerons le texte tout à l’heure, pendant l’heure d’adoration. « Pendant une heure, il tint son auditoire sous le charme de sa parole de feu » (André Guitton). Et vous verrez qu’on pense immanquablement au Père Eymard lui-même quand il évoque la sainteté du Bienheureux Pierre Fourier ! « Ce fut la dernière prédication qu’il donna en dehors de sa communauté. »

                Le 9 juillet, il parla sur la foi et en fit l’application à l’Eucharistie, au sein de sa communauté pour le sermon du jeudi soir (Croire à l’Eucharistie, PP 66,3).           

                Le 16 juillet 1868 fut son ultime instruction : La foi à l’Eucharistie (PP 67,3), où il poursuivit sa méditation sur le chapitre 6 de l’Évangile de saint Jean, dont il portait toujours un exemplaire sur son cœur. 

                Le 17 juillet au matin, au bord de l’épuisement et sous les conseils de son médecin qui le décida à partir se reposer en famille, il partit pour la Mure. Le Père Eymard pensait aussi retourner au Laus, tranquillement, reprendre des forces. Il avait même autorisé le frère Albert à venir le rejoindre dans ce sanctuaire béni. Il était conscient de sa faiblesse et de l’imminence de sa mort. « Notre Seigneur exige de moi tant de délicatesse que ce doit être bientôt la fin » avait-il dit au printemps de 1868, propos rapporté par le frère Albert.

    Marguerite Guillot.jpg            Mais il n’alla pas directement à la Mure. Il passa rendre visite à Marguerite Guillot, la supérieure des Servantes du Saint-Sacrement d’Angers, qui était en cure thermale à Vichy. Il était question de créer une communauté féminine à Lyon, et il voulait s’en entretenir avec elle. Il resta 2 jours avec elle, jusqu’à sa fête le 20 juillet. Il était rendu à Lyon le soir même, dans un hôtel près de Perrache.

                Le lendemain matin il prit le premier train pour Grenoble où il arriva vers 9 heures. Il était encore à jeun et n’avait pas encore dit sa messe. Avec son ami l’abbé Bard, avec lequel il allait rejoindre La Mure dans l’après-midi, ils allèrent réserver leur voiture. Puis, le P. Eymard se rendit à la chapelle de l’Adoration, tenue par les missionnaires de La Salette. Il était près de 11 heures. Il demanda à célébrer la messe. Visiblement si fatigué, le Père missionnaire voulu l’en dissuader. Mais le P. Eymard insista et le missionnaire resta pour l’accompagner. Ce fut sa dernière messe. Le P. Archier raconta par la suite : « Je le reçus presque dans mes bras lorsqu’il quitta le saint autel. Je lui donnai un peu de chartreuse. »
    (P . Archier, récit dans R. Ullens, Devant la mort, le bienheureux Pierre-Julien Eymard, Montréal 1950, p.20)

                De la biographie du P. André Guitton :

      Le P. Eymard dut renoncer à son rendez-vous au restaurant : il était si faible qu’il pouvait à peine se tenir debout. Il ne voulut rien prendre, il se reposa en attendant le départ de la diligence. Le P. Archier tenta de le dissuader de prendre la route et l’invita à demeurer quelques jours. Mais en vain. Vers 1 heure et demie, le Père se leva. À peine accepta-t-il un peu de nourriture et il rejoignit l’abbé Bard à la Porte de Bonne, lieu de départ de la voiture de La Mure. Avec son compagnon, il prit le coupé à l’avant et dans la chaleur étouffante de la canicule, il quitta Grenoble pour La Mure. Le voyage fut harassant. Selon le témoignage de son compagnon, « le Père devenait taciturne, ne répondait que par des monosyllabes. À chaque relais cependant il descendait, prenait un peu l’air, quelques rafraîchissements et remontait seul en voiture avec assez de vigueur » (Tesnière, AGRSS, Rome, 0 1, PP. 337-374). L’abbé Bard le quitta à Villard, non sans recommander au cocher de veiller sur le Père Julien. Vers 8 heures du soir, la diligence arrivait chez Pelloux à La Mure. Personne ne l’attendait.

        « Quand je serai à Grenoble, avait-il écrit de Vichy à ses sœurs, je vous enverrai une dépêche pour vous annoncer mon arrivée à La Mure » (À Marianne Eymard, 19 juillet 1868, CO 2209). Ses sœurs n’avaient rien reçu. Alertées, elles arrivèrent immédiatement, Annette Bernard d’abord. Le Père l’embrassa, mais il ne dit pas un mot, il oubliait même son chapeau dans la voiture. Puis survint Marianne. Pas un mot non plus. Arrivés à la maison, toute proche, il rédigea avec peine un télégramme à l’adresse de la communauté de Paris sans doute, mais dont seules la date et la signature sont lisibles. On le conduisit dans sa chambre au second étage et il se mit au lit. On était loin de soupçonner la gravité de son état, et lui-même ne pouvait rien demander. « Nous pensions que ce serait une fatigue comme il en avait tant éprouvé de fois », devait confesser naïvement par la suite Annette. En réalité, il avait été victime d’une congestion cérébrale. Le voyage et la chaleur n’avaient pu qu’aggraver son état : il était aphasique.

     
    Les derniers jours de S. Pierre-Julien Eymard

    (Édition du Centre de spiritualité "Eymard", La Mure d'Isère, 2018)

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    Mercredi 29 juillet 1868

    Le matin avant d’aller à la Messe je dis au Père : « Oh ! ce qui vous manque, mon Père, c’est N. Seigneur. Je vais écrire à Monseigneur de permettre à un des prêtres habitués de La Mure de venir vous dire la Messe. » Il sourit mais fit un signe négatif. Peut-être prévoyait-il l’arrivée du père Chanuet.

    Le Père se leva encore pour faire son lit. Il voulut changer de linge tout seul et pour cela resta debout sur son tapis. Je ne pouvais le laisser ainsi. Je craignais qu’il ne tombât. Il se changea donc et comme je jetais un rapide regard pour voir s’il ne faisait pas signe de l’aider, j’acquis de visu la certitude de ses macérations sanglantes.

    Dans la matinée le Père fut plus gai. Il parlait un peu plus facilement. Nous nous mîmes à table. Il nous fit signe de mettre son couvert et un fauteuil à sa place et pendant que nous mangions il arriva bravement, s’assit et mangea un petit peu de poisson et de raisin. Il nous regardait manger en souriant. Il resta à table un quart d’heure à peu près. Le Père avait pris un peu de pain, il en mangea un peu. Il lui en restait une bouchée dans la main. Sa sœur voulut la lui prendre. Il refusa et me la laissa prendre. C’est la dernière fois que l’enfant reçut le pain des mains du Père de famille.

    Le reste de la journée fut très calme. Le Père put traiter quelques affaires. Je lui lisais des lettres, il me disait la réponse en quelques mots.

    Nemours revint le poursuivre. Il reçut aussi une lettre pénible de f… Mais dit-il, il n’y a rien à faire.

    Ainsi la tribulation l’attaquait encore à son lit de mort. Il reçut une dépêche du père de Cuers demandant s’il fallait venir. Non, me répondit le Père à deux fois. D’autres, les jours suivants, firent la même demande et reçurent la même réponse. Le Père voulait mourir simplement et faire cette action avec la simplicité d’un acte de service Eucharistique comme les autres.

    Le soir le Père fut plus agité. Le père Chanuet arriva avec Mlle Thomas qui a soigné le Père sans le quitter et a reçu son dernier soupir. 

    Le Père était trop fatigué pour parler. Ce n’est que le lendemain qu’il adresse la parole eu père Chanuet.

    Je veillai le Père jusqu’à une heure. La nuit fut très pénible. À un moment le Père eut un râle effrayant à entendre, et plus effrayant à moi. Sa poitrine se soulevait bruyamment. Il respirait avec effort et par saccades. Il était étendu sur le dos pâle comme un mort. Les narines s’étaient retirées et contractées. La bouche était violemment serrée. La sueur ruisselait sur son visage, cela dura plus d’une demi-heure (je crois). Je m’approchai. Je ne savais quel parti prendre, je priai. Enfin le bruit cessa et le Père resta assoupi jusqu’à l’heure où je le quittai pour aller reposer. 

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    Jeudi 30 juillet

    P Chanuet célèbre dernière messe au P Eymard.jpegDès le matin on installa dans la chambre tout ce qu’il fallait pour dire la Messe. Le père Chanuet n’avait pu obtenir de Monseigneur de Grenoble la permission que pour une fois la semaine. L’autel était dressé sur la commode en vue du Père qui put suivre la Messe, quelques personnes y assistèrent. Le Père communia. Pendant l’action de grâce il me fit signe de lui donner à boire le vin qui restait dans la burette avec l’eau du sacrifice. Sa figure était radieuse de paix et de calme. Je m’approchai et l’embrassai. C’était la première fois depuis mon arrivée. Après l’action de grâces le père Chanuet vint au pied du lit et le Père lui dit assez distinctement : « Vous êtes bien drôles d’être venus. Pour quoi faire ? - Eh bien, mon Père, ne le méritez-vous pas. - Ah ! bah ! dit le Père ! » Et le père Chanuet de reprendre : « Vous alliez bien voir les autres, vous mon Père ! » Le Père se tut, content de cette raison.

    Il parla quelques minutes avec Mlle Thomas, lui demanda des détails minutieux sur les affaires d’une succession qui l’embarrassaient. Ce qui prouve sa grande présence d’esprit.

    Vers neuf heures je lui demandais de lui passer autour du corps une ceinture de soie qui avait servi à revêtir sa chère Notre-Dame du Laus. Il voulut bien et me dit : « C’est pour elle (ou à elle) que je l’offre (ou que je souffre) ». La difficulté que le Père avait de s’exprimer m’empêcha de saisir laquelle des deux phrases il prononça, mais leur sens est identique. (Il mourut avec cette ceinture autour du corps. N.-Dame du Laus avait été son premier désir, son premier amour. Elle vint occuper sa dernière pensée. Je l’avais passée moi-même. Après la mort, Mlle Thomas la prit et me la donna). Je lui demandai alors s’il ne voulait pas que j’allasse demander sa guérison à Notre-Dame de La Salette. Une neuvaine de messes s’y terminait le lendemain. Il me dit : « Oui, je veux bien ». – J’obtiendrai votre guérison, mon Père. – « Je veux bien ». Au moment de partir vers onze heures il me dit : « Restez demain, samedi et dimanche ». – C’est trop, lui dis-je, je veux vous revoir avant. « Eh bien ! revenez samedi ». Je me mis à genoux. Le Père me bénit. Il me fit sur le front avec sa main une croix. Et je partis croyant bien le revoir plein de santé – hélas !

    Pour montrer comment le Père pensait à tout il voulut que je prisse son parapluie. Il ne put venir à bout de dire ce mot. Il me montrait du doigt le fond de sa chambre et me disait : Prenez mon… mon… Et moi qui ne pouvais, par le beau temps qu’il faisait, songer à un parapluie, je désignai tous les objets. Le Père disait : non, avec un petit air aimable et agacé. Il souriait de son impuissance. Mais pour nous quelle souffrance de voir muette cette bouche toujours ouverte pour annoncer Notre Seigneur ! ou pour dire une parole d’affection ou de bienveillance.

    Je partis. Depuis ce temps jusqu’à sa mort il s’est écoulé 50 heures. Je serais revenu plus tôt de La Salette. Mais j’attendais une personne qui devait y arriver le vendredi soir à 2 heures et me donner des nouvelles du Père. Elle n’arriva pas, je résolus de l’attendre. Au fond du cœur je croyais invinciblement que le Père guérirait vite et bien. Je le croyais et ma conscience me faisait verser d’avance des larmes de reconnaissance. Hélas ! Notre Seigneur ne l’a pas voulu ! J’ai toujours regardé cette absence comme une punition de mes péchés. Oui, Seigneur, vous jugez toutes choses avec équité. Je vous remercie de la faveur inestimable d’avoir vu mon Père dans ses derniers jours, de l’avoir soigné, d’avoir vu un saint sous le coup de la douleur, laissant une œuvre à peine établie, sans regrets, sans récriminations, mourant parce que vous jugiez à propos qu’il mourut, ne se croyant pas nécessaire une minute de plus que vous le vouliez, allant à la mort comme à l’adoration, ne voulant rien dire pour plus tard afin de vous laisser à vous, seul maître, seule personnalité dans la Société, votre pleine liberté de direction, votre autocratie ! O ! quel spectacle. Et peut-être aussi, Seigneur, que vous m’avez éloigné de peur que je ne forçasse, par mes instances toujours écoutées dans ces matières-là, notre Père à parler. Tout ce que vous avez fait est bien, et mieux que tout ce qui aurait pu être.

    Les deux lettres ci-jointes donnent les détails sur les deux derniers jours Jeudi et Vendredi. La dernière a été écrite vendredi vers trois ou quatre heures. On y remarquera cette annonce de sa mort faite par le Père à une personne de La Salette. Elle m’a été confirmée en ces termes par la personne elle-même : « Le Père m’a dit : Eh ! bien c’est la fin ». Je ne veux pas juger de l’autorité de cette personne à se faire croire. Ce n’est que plus tard que l’on pourra obtenir là-dessus des données certaines.

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    Vendredi 31 et Samedi 1er août

    Alcove P Eymard.jpegLa lettre de Mlle Thomas indique que la nuit a été assez calme. Mais que l’affaiblissement augmen-te et que là est le grand danger. En effet le Père ne pouvait plus, usé comme il l’était, lutter contre la maladie.

    Le père Chanuet dit la messe le matin.

    Deux fois dans la journée il lui parla de l’extrême-onction. Le Père dit : non, pas maintenant.

    Le Père se lève pour laisser faire son lit. La nuit on lui a posé un emplâtre sur le cou. Le soir Mlle Thomas veille sur le Père. Vers minuit elle était dans la chambre. Les rideaux du lit placé dans une alcôve étaient entr’ouverts. Une petite veilleuse placée sur la cheminée éclairait l’appartement. Mlle Thomas, regardant le Père, le voit fixer attentivement les yeux vers le pied de son lit du côté du mur. Il souriait, ses yeux s’animaient. Il paraissait singulièrement heureux. Elle regarde et aperçoit dans un nimbe d’une lumière douce comme la lumière de la lune, des plis de robe. Comme elle est loin d’être portée au merveilleux, elle prend la lampe, la change de place, la cache afin de bien s’assurer que ce n’est pas une réfraction de sa lumière : le nimbe lumineux persiste. Le Père regardait toujours, toujours plus souriant. Il avait l’air de remercier. Ces plis, m’a dit Mlle Thomas, étaient ceux d’une robe pendante. Ils pouvaient avoir un mètre de haut. Et le nimbe entier tenait depuis le lit jusqu’au plafond. Elle n’a pas vu de traits, pas de figure. Elle m’a attesté cela. Et tous ceux qui ont connu son instruction, son caractère énergique, son cœur viril, savent qu’elle n’était pas portée aux visions. 

    Elle croyait intimement que c’était la Ste Vierge qui venait avertir le Père. Cette croyance, loin de s’éteindre, n’a fait jusqu’à sa mort qu’augmenter chez elle. Mlle Thomas envoie aussitôt chercher le père Chanuet qui logeait dans une maison voisine. Le Père accepte volontiers cette fois d’être administré. Le père Chanuet lui apporte les Saintes Huiles. Le Père s’unit à toutes les prières, suit toutes les cérémonies. Il était 2 heures du matin.

    La faiblesse allait toujours croissant. Les idées toujours parfaitement claires. À sept heures le père Chanuet dit au Père qu’il allait lui chercher la Communion. Le Père ne sembla pas content. Il aurait voulu la Messe. Le père Chanuet craignit d’aller contre sa conscience et le Père se soumit à ce nouveau sacrifice. Il reçut son viatique. C’était sept heures avant de partir !

    Après la Communion, le Père se leva encore pour laisser faire son lit. À dix heures, il embrassa sa sœur et lui dit : « Eh bien sœur, adieu c’est la fin ! » Vers onze heures, les sinapismes appliqués et promenés sur les jambes ne prenaient déjà plus. La vie s’en allait peu à peu. Le sang se réfugiait des extrémités vers le cœur. Chez le Père surtout, et plus peut-être qu’en aucun autre, le cœur avait été la vie. La vie s’y réfugiait à ce moment suprême comme dans un dernier retranchement.

    À midi, on crut que tout était fini. Une syncope fit craindre la mort. Elle dura quelques minutes. Le père Chanuet récita alors au Père des prières des mourants. Le Père s’y unissait.

    Tous ceux qui étaient présents vinrent s’agenouiller au pied du lit. Le Père les bénit les uns après les autres. Quand il eut fini, il cherchait encore quelqu’un, il regardait de côté et d’autre et semblait appeler. Puis il rentra dans le repos. – Mlle Thomas a cru toujours que c’était moi que le Père cherchait. Il me croyait sans doute de retour, ou ne se souvenait plus de m’avoir envoyé à La Salette.

    Vers deux heures, le père Chanuet alla au télégraphe. Quelques signes de plus grand abattement ne trompèrent pas Mlle Thomas. Elle fit courir après elle le père Chanuet. Le Père voulut expectorer une glaire. Mlle Thomas le souleva un peu sur l’oreiller. La respiration lui manqua. C’était fini. Il retomba sans vie ou plutôt il s’endormit doucement. De sa main il cherchait l’envers de son mouchoir afin de cracher. Ses yeux étaient demeurés fixés sur un tableau du crucifiement. Le père Chanuet était arrivé quelques secondes avant et avait eu le temps de donner au Père, de la porte de la chambre, la dernière bénédiction in articulo mortis. Il était environ deux heures et demie. J’ai oublié de dire que vers midi, quand on récitait au Père les prières des mourants, il avait paru un peu fatigué. Mlle Thomas lui montra alors une image du Sacré-Cœur avec les litanies lui demandant s’il voulait qu’on les récitât. Oui, fit le Père et il suivit toutes les invocations avec un intérêt et une piété soutenus. Ce fut sa dernière prière ici-bas. – Un jour le Père m’avait dit : « Ah ! la dévotion au Sacré-Cœur je lui dois tout, elle m’a sauvé ». Et Jésus venait offrir la vue de son Cœur à ce cher mourant pour lui faciliter le passage et le lui faire faire dans cette nacelle assurée contre le naufrage ! C’est le samedi 1er août à 2 heures 1/2 que le Père s’est éteint dans le Seigneur. C’était la fête de St Pierre-ès-liens son patron et l’heure des premières Vêpres de Notre-Dame des Anges.

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    Après le premier moment de la douleur, on songea à exposer le Père et à le revêtir. Ce fut Mlle Thomas et Mme Gras qui se chargèrent de ce douloureux office. 

    Le Père fut revêtu de sa soutane, de l’aube, du cordon et de l’étole noire. Il avait aux pieds ses bas et ses souliers à boucles. On l’étendit ainsi sur son lit et, le bruit s’étant répandu dans la ville, la chambre commença à se remplir de visiteurs, les larmes aux yeux, qui venaient contempler ce Père vénéré et moins prier pour lui que se recommander à ses prières.

    Mais puisque ces souvenirs sont surtout faits pour moi, je vais y noter quelques faits sans importance mais dont j’ai été frappé après l’événement.

    De la messe qui termina la neuvaine à La Salette, je crus très certainement que le Père guérirait. Je faisais l’action de grâces à Marie plus que je ne lui demandais la faveur tant souhaitée. 

    Il y avait, à La Salette, un vénérable pèlerin dans le genre du Benoît Labre en universelle vénération. Je lui demandais la guérison du Père sans lui dire la gravité exacte de sa maladie. Sa réponse fut celle-ci : « Ah ! Monsieur, quand le bon Dieu a résolu de rappeler quelqu’un à Lui, les prières n’y font plus rien ». Mais, lui dis-je, c’est un saint dont Notre Seigneur a besoin, l’Église et la Société aussi. « Dans ce cas, me répondit le vieillard comme pour me consoler, Dieu le conservera peut-être ». – Je ne fis pas grande attention à ces paroles. Le soir à l’instruction du vendredi, le père Pons prêchant sur St Pierre-ès-liens dit : « St Pierre paraissait bien nécessaire à l’Église naissante et cependant Dieu le tenait en prison. C’est que personne n’est nécessaire à Dieu ». Enfin le samedi, inquiet de ne voir personne venir de la Mure, j’étais hésitant si je devais rester ou repartir. Vers 1 heure et demie on arriva. Le Père, me dit-on, n’est pas mieux, repartez. – Je ne le croyais pas. Peut-être, me dis-je, quand la personne a quitté la Mure cela était vrai, mais depuis, Marie a certainement guéri le Père. Je le crois sans hésitation, ceci n’est qu’une épreuve de ma foi.

    Statuette ND Salette P Eymard.jpegCependant je me décidai à partir. Vers deux heures j’allais dire adieu à Notre Seigneur. Je fis un acte de soumission à Notre Seigneur dont je ne me rendis pas compte, mais qui m’arracha un cri assez fort avec une douleur profonde. De la chapelle, je vais au lieu de l’apparition. Là, je ne me sens nullement porté à demander la guérison du Père. Mais saisi d’une paix suave, douce, d’un calme incroyable regardant les cieux, je dis dans mon cœur, sans prononcer extérieurement une seule parole : « Eh ! bien, quand vous partiriez, Père, cela ne vous vaudrait-il pas mieux ? N’avez-vous pas assez souffert ! Ah ! que vous seriez heureux d’être uni à votre Jésus ». Ce sentiment me remplit de joie intérieure et je partis sans y attacher d’importance. Il était deux heures passées à l’horloge de l’église. À quelques minutes de là, le Père se mourait. Tout le long du chemin je ruminais ce que je devais demander au Père, car j’étais persuadé que je le reverrais. Je portais des croix à indulgencier pour 16 francs. Cependant le ciel me paraissait plus beau qu’à l’ordinaire. Je ne suis pas poète, ni rêveur. Je le regardais et me disais : Mais que se passe-t-il donc au Ciel ? Quel triomphe y a-t-il donc ! que le Ciel est beau, puis pensant de nouveau au Père je songeais à ce que je lui dirais, aux moyens de le sauver, etc.

    Ste Chantal savait la maladie de St François. Elle était à Grenoble. Le St se mourait à Lyon. Notre Seigneur lui dit dans l’oraison : « Ma fille, ton père ne vit plus dans ce monde » et la Sainte de répondre : « Oh non, mon Dieu, je sais qu’il est si mortifié que tout est mort pour lui et qu’il ne vit plus que pour vous ». Ce fait, que j’ai lu après, m’a expliqué comment, malgré tous ces avertissements intérieurs, je croyais toujours le Père en vie. 

    Cependant j’avais pris un express. Une heure avant d’arriver à la Mure, à Pont-Haut, un homme m’arrête et me dit : « Le Père Julien est mort tantôt !!!! »

    Quand j’arrivai près du Père, il était neuf heures du soir. Le Docteur Douillard était venu, mais trop tard, de Paris.

    Je me précipitai sur mon Père et l’embrassai avec frénésie. Eh ! quoi, Père, vous êtes mort sans m’appeler pour recueillir une dernière bénédiction !

    Je ne cessai d’embrasser ce visage vénéré. Les yeux étaient ouverts et aussi animés qu’aux plus beaux jours des fêtes de Notre Seigneur.

    Pendant sa vie, même quand le Père était content, son regard conservait toujours un certain voile de mélancolie. Ici, plus rien. La paix, la paix souriante. Ses lèvres souriaient. Il me regardait au point que par deux ou trois fois je lui dis : « Mais riez donc, parlez donc, Père, vous n’êtes pas mort, ce n’est pas possible ! » Ce regard limpide, souriant et animé, dura jusque vers minuit. À cette heure le Père prit la figure qu’il a conservée jusqu’à sa sépulture. Son regard était toujours calme, ses yeux doucement ouverts, mais sans cette vie qui avait tant frappé les assistants durant les premières heures. Ce qui faisait le caractère de sa physionomie, c’était le calme, la paix, paix d’en haut que rien ne trouble plus.

    Je passai la nuit au pied du lit de mon Père. Dieu sait quelles recommandations je lui fis. Je n’oubliai aucun de mes frères. Je sentais quel sacrifice N. S. demandait d’eux.

    Les pénitents disaient l’office des morts. 

     

    Stèle P Eymard.jpegLa journée du 2 août est ensuite relatée, avec la foule des gens affluant pour voir le Saint de La Mure avant ses funérailles, rue du Breuil. Je vous invite à le lire par vous-mêmes dans le livret (disponible au 23 avenue de Friedland, Paris 8, Chapelle Corpus Christi, Église du Saint-Sacrement, et au Centre Spirituel "Eymard" de La Mure). 

    Nous pouvons maintenant partager sur ce que signifie ‘être un homme, une femme eucharistique’ à la lumière de l’exemple du P. Eymard.

    Nous ferons une pause avant de reprendre à 16h l’adoration eucharistique animée avec un texte du Père Eymard : la prédication sur la sainteté qu’il donna trois semaines plus tôt et qui est comme, en creux, entre les lignes du texte, un autoportrait de sa vie de fondateur.

     

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    Le tombeau du Père est traditionnellement situé à Paris, au 23 avenue de Friedland (8ème). Son gisant de cire occupe la châsse qui fut celle du bienheureux Curé d'Ars, que la Congrégation du Saint-Sacrement a rachetée au pris de 1000 francs de l'époque, en 1925, quand Jean-Marie Vianney a été canonisé et le P. Eymard déclaré bienheureux. On peut toujours vénérer ses reliques sises sous la châsse.

     

    Logo sss NEUF.jpgSandrine Treuillard

    Engagée dans la Fraternité Eucharistique
    rattachée à la Chapelle Corpus Christi, Paris 8

    23 juin 2018

     

     

    Adorons Jésus Eucharistie avec la dernière prédication
    sur la sainteté du P. Eymard : PDF

    Adorons Jésus Eucharistie.jpg

    Les trois photographies de la catéchèse, Chapelle Corpus Christi,
    23 avenue de Friedland, samedi 23 juin 2018 : ©Anthony Loi


    Retrouvez l'ensemble de la catéchèse eucharistique du semestre sur ce lien :
    Fraternité Eucharistique Corpus Christi #JubiléPJEymard2018
    L’IDEAL DU CÉNACLE Comprendre l’Eucharistie dans sa totalité
    avec st Pierre-Julien Eymard

  • Adorateurs en esprit & vérité avec Notre-Dame du Saint-Sacrement - #JubiléPJEymard2018

    Lien permanent

    Fraternité Eucharistique
    12 - 05 - 2018
    Adorateurs en esprit & vérité 12 mai.jpg

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    L’influence de la Vierge Marie
    dans la vie de S. Pierre-Julien Eymard
     

                Saint Pierre-Julien Eymard (1811-1868) a été ordonné prêtre en 1834, à Grenoble, à l’âge de 23 ans. Après avoir été prêtre diocésain et curé à Monteynard, il devient religieux Mariste, à Lyon, à l’âge de 28 ans.

    st pierre-julien eymard,eucharistie,chapellecorpuschristiparis8,fraternité eucharistique,#jubilépjeymard2018,foi,adoration,adoration eucharistique,transmission,sandrine treuillard,étienne parrocelDepuis son enfance, la Vierge Marie tient une place importante de Conseillère dans sa vocation sacerdotale & religieuse, et dans son cheminement jusqu’à fonder une Congré-gation centrée sur l’Eucharistie.

    Il fréquente le sanc-tuaire de Notre-Dame du Laus dès ses 11 ans où il parcourt les 80 km depuis La Mure d’Isère, seul, à pied, mendiant son pain. Il y retournera à ses 13 ans où il fera sa première confession et rencontrera le P. Touche qui l’encouragera à suivre sa vocation sacerdotale, à apprendre le latin, et à communier chaque dimanche.

                À 17 ans, Pierre-Julien apprend par hasard la mort de sa mère, survenue le 5 août 1828. Il est alors pendant une année volontaire à l’hospice Saint-Robert, près de Grenoble, afin d’aider l’aumônier, en échange de leçons de latin, pour devenir prêtre.

                À 18 ans, Pierre-Julien commence son noviciat chez les Oblats missionnaires de Marie Immaculée, à Marseille. Mais il contracte une pleurésie, on le ‘rapatrie’ à La Mure chez son père. On va jusqu’à sonner la cloche des agonisants… Mais il revient à la vie et sa convalescence durera une année.

                Quand il a 20 ans, le père de Pierre-Julien décède. Il peut alors entrer au Grand Séminaire de Grenoble introduit par Eugène de Mazenod le fondateur des Oblats de Marie Immaculée.

                Contemporain de la vision de Maximin et Mélanie à Notre-Dame de La Salette, le 19 septembre 1846, il sera un défenseur de l’authenticité de la vision et un visiteur assidu du sanctuaire. Il accompagnera aussi Maximin jusqu’à le confier à une famille amie, les Jordan, dans les Yvelines.

    st pierre-julien eymard,eucharistie,chapellecorpuschristiparis8,fraternité eucharistique,#jubilépjeymard2018,foi,adoration,adoration eucharistique,transmission,sandrine treuillard,étienne parrocelÀ chaque étape de sa vie, il a su reconnaître l’influ-ence de Marie. C’est seulement en 1858, après avoir fondé en 1856 les Religieux du Saint-Sacrement, et en fondant les Servan-tes du Saint-Sacre-ment, qu’il encoura-ge et approuve le culte que ses fils rendent à Marie, sous le vocable : Notre-Dame du Saint-Sacrement.

    L’année de sa mort, en 1868, il ouvre ainsi le mois de Marie dans le premier noviciat de la Congrégation, à Saint-Maurice, dans l’Essonne :

    « Eh bien ! nous honorerons Marie sous le vocable de
    Notre-Dame du Très Saint Sacrement,
    Mère et Modèle des adorateurs,
    priez pour nous qui avons recours à vous. »
    (PS 317,2)

                Il célèbrera sa dernière messe à Grenoble, dans la chapelle des Missionnaires de La Salette. Et, à La Mure d’Isère, son village natal, pendant son agonie, suite à un accident cérébral et épuisé, il quittera ce monde avec une vision de la Vierge Immaculée, une statuette de Notre-Dame de La Salette entre les mains.


                Dans La Grande Retraite de Rome, en 1865, trois ans avant sa mort, il médite à plusieurs reprises sur les Mystères de l’Incarnation et la Vie de Marie en l’Incarnation, les attitudes intérieures de Marie tout au long de la vie de son Fils, jusqu’à Marie adoratrice du Verbe incarné en l’Incarnation, avec 4 actes d’adoration : l’humilité, la joyeuse reconnaissance, le dévouement et la compassion. Ce sera l’objet de la Neuvaine à Notre-Dame du Saint-Sacrement qui se déroulera avec le réseau social Hozana, du 26 mai au 3 juin prochain, jour de la Solennité du Saint Sacrement.

                On le comprend donc, la présence de Marie est fondamentale dans toute la vie du Père Eymard. Elle a le rôle qu’elle tient déjà dans les Évangiles :

    Servante du Seigneur, elle s’offre elle-même en le servant, en accueillant le Verbe fait chair en elle ;

    — Elle indique son Fils, aux noces de Cana, pour qu’il manifeste la puissance de Dieu dont il est investi ;

    Médiatrice, elle portera dans la prière les enfants de Dieu à son Fils, Mère de l’Église dont elle reçoit la tâche au pied de la croix.

    — Rôle de co-rédemptrice aussi, même si ce n’est pas le mot que le P. Eymard emploie pour désigner la part active qu’à la Vierge dans l’économie du Salut ;

    — Et surtout, Reine du Cénacle, qui reçoit l’Esprit Saint à la Pentecôte avec les disciples, Adoratrice du Christ ressuscité présent au saint Sacrement.

    st pierre-julien eymard,eucharistie,chapellecorpuschristiparis8,fraternité eucharistique,#jubilépjeymard2018,foi,adoration,adoration eucharistique,transmission,sandrine treuillard,étienne parrocel            Voilà pour l’introduction à Notre-Dame du Saint-Sacrement que la congrégation fête demain, le 13 mai. C’est le jour anniversaire où le Père Eymard, en compagnie de son premier compagnon, le P. Raymond de Cuers, a reçu de l’archevêque de Paris d’alors, Mgr Dominique Sibour, la bénédiction pour fonder la première communauté des Religieux du Saint-Sacrement. La mission première de la congrégation est d’adorer et de faire adorer le Saint Sacrement, avec l’œuvre de la première communion des adultes et des enfants en milieux ouvriers dans les faubourgs pauvres de la capitale (Faubourg Saint-Jacques).
     

     

                Mais que signifie « adorer et faire adorer le saint Sacrement » ? Pour répondre, entrons dans le Mystère de l’Incarnation du Verbe, par cette citation du prologue de l’Évangile de saint Jean :

    Jean 1,14 (Prologue)

    14 Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire,
    la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité.
     


                L’angelus est une prière en l’honneur de l’incarnation du Christ, que je vous invite à prier ensemble pour se mettre en présence de Marie & de Jésus son Fils :

    V/. L’Ange du Seigneur apporta l’annonce à Marie,
    R/. Et elle conçu du saint-Esprit.
    Je vous salue Marie ...

    V/. Voici la servante du Seigneur,
    R/. qu’il me soit fait selon votre parole.
    Je vous salue Marie ...

    V/. Et le Verbe s’est fait chair,
    R/. et il a habité parmi nous.
    Je vous salue Marie ...

    V/. Priez pour nous, sainte mère de Dieu,
    R/. Afin que nous soyons rendu dignes des promesses de notre Seigneur Jésus-Christ.

    PRIONS : Que ta grâce Seigneur notre Père se répande en nos cœurs : par le message de l’ange, tu nous as fait connaître l’incarnation de ton Fils bien-aimé, conduis-nous par sa passion et par sa croix jusqu’à la gloire de la résurrection. Par Jésus-Christ, Notre Seigneur, qui vit et règne avec toi, dans l’unité du Saint Esprit maintenant et dans les siècles des siècles. Amen

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                Nous allons donc développer au cours de cet exposé ce que signifie « adorer en esprit & vérité ». Permettez-moi, tout d’abord, de baliser ce que j’ai à vous dévoiler par trois courts extraits du Projet de Vie de la Fraternité Eucharistique — l’Agrégation du Saint-Sacrement, la branche laïque de la Congrégation — à laquelle j’appartiens, ayant fait ma Promesse d’engagement il y a bientôt 2 ans (le 3 juin 2016).

    1 — À l’article Avec Marie, il est écrit :st pierre-julien eymard,eucharistie,chapellecorpuschristiparis8,fraternité eucharistique,#jubilépjeymard2018,foi,adoration,adoration eucharistique,transmission,sandrine treuillard

    Avec Marie

    La Vierge Marie
    Mère de Jésus et Mère de l’Église,
    est le modèle irremplaçable
    de la vie eucharistique.
    Elle a partagé la vie des disciples
    en prière au Cénacle
    et en chemin sur les voies du monde.

    Comme elle,
    nous nous laissons guider par l’Esprit
    pour que, dociles à son action,
    nous contribuions efficacement
    à la venue du Royaume.

    D’ailleurs, nous l’honorons et l’invoquons
    sous le titre de :
    Notre-Dame du Saint-Sacrement.

    (PdV – II, 11)

    2 — À l’article La prière de contem-
    plation et d’adoration …
    est écrit :

    La prière de contemplation et d’adoration

    Dans la prière
    de contemplation et d’adoration
    au Christ présent dans l’Eucharistie
    solennellement exposé ou dans le tabernacle,
    nous prolongeons
    la grâce du mystère célébré,
    et intensifions notre union au Christ
    pour devenir avec lui et comme lui
    pain rompu pour un monde nouveau.

    (PdV – II, 8)

    3 — Et, enfin, à l’article La célébration eucharistique, nous lisons :st pierre-julien eymard,eucharistie,chapellecorpuschristiparis8,fraternité eucharistique,#jubilépjeymard2018,foi,adoration,adoration eucharistique,transmission,sandrine treuillard,étienne parrocel

    La célébration eucharistique

    La célébration du Mémorial du Seigneur
    est le point de départ
    de notre compréhension de l’Eucharistie
    et inspire notre prière et notre engagement.

    Appelés à témoigner
    de la forme eucharistique de l’existence,
    par toute notre vie nous devenons
    les ‘adorateurs en esprit et en vérité
    que le Père cherche’ (Jn 4,23).

    (PdV – II, 7)

     



    Appelés à témoigner de la forme eucharistique de l’existence, par toute notre vie nous devenons 
    les ‘adorateurs en esprit et en vérité que le Père cherche’ (Jn 4,23).

    Et c’est le titre de cet exposé que nous allons approfondir en lisant l’Évangile de saint Jean, chapitre 4, versets 1 à 28.

     

    Appelés à témoigner de la forme eucharistique
    de l’existence, par toute notre vie nous devenons les
    adorateurs en esprit et en vérité que le Père cherche

    ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRIST
    SELON SAINT JEAN

    Chapitre 4

    1 Les pharisiens avaient entendu dire que Jésus faisait plus de disciples que Jean et qu’il en baptisait davantage. Jésus lui-même en eut connaissance.
    2 – À vrai dire, ce n’était pas Jésus en personne qui baptisait, mais ses disciples.

    3 Quand Jésus appris cela, il quitta la Judée pour retourner en Galilée, 4 il devait donc traverser la Samarie.5 Il arrive ainsi à une ville de Samarie, appelée Sykar, près du terrain que Jacob avait donné à son fils Joseph, 6 et où se trouve le puits de Jacob. Jésus, fatigué par la route, s’était assis là, au bord du puits. C’était la sixième heure, environ midi.

    7 Arrive une femme de Samarie, qui venait puiser de l’eau. Jésus lui dit : « Donne-moi à boire. » 8 – En effet, ses disciples étaient partis à la ville pour acheter de quoi manger. 9 La Samaritaine lui dit : « Comment ! Toi qui es Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine ? » – En effet, les Juifs ne veulent rien avoir en commun avec les Samaritains.

    10 Jésus lui répondit : « Si tu savais le don de Dieu, si tu connaissais celui qui te dit : “Donne-moi à boire”, c’est toi qui lui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive. » 11 Elle lui dit : « Seigneur, tu n’as rien pour puiser, et le puits est profond. D’où as-tu donc cette eau vive ? 12 Serais-tu plus grand que notre père Jacob qui nous a donné ce puits, et qui en a bu lui-même, avec ses fils et ses bêtes ? » 13 Jésus lui répondit : « Tout homme qui boit de cette eau aura encore soif ; 14 mais celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source jaillissante pour la vie éternelle. » 15 La femme lui dit : « Seigneur, donne-moi de cette eau, que je n’aie plus soif, et que je n’aie plus à venir ici pour puiser. »

    16 Jésus lui dit : « Va, appelle ton mari, et reviens. » 17 La femme répliqua : « Je n’ai pas de mari. » Jésus reprit : « Tu as raison de dire que tu n’as pas de mari : 18 des maris, tu en as eu cinq, et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari ; là, tu dis vrai. » 19 La femme lui dit : « Seigneur, je vois que tu es un prophète !... Alors, explique-moi :

    20 Nos pères ont adoré Dieu sur la montagne qui est là, et vous, les Juifs, vous dites que le lieu où il faut l’adorer est à Jérusalem. » 21 Jésus lui dit : « Femme, crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père. 22 Vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous adorons, nous, celui que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. 23 Mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité : tels sont les adorateurs que recherche le Père. 24 Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer. » 25 La femme lui dit : « Je sais qu’il vient, le Messie, celui qu’on appelle Christ. Quand il viendra, c’est lui qui nous fera connaître toutes choses. » 26 Jésus lui dit : « Je le suis, moi qui te parle. »

    27 À ce moment-là, ses disciples arrivèrent ; ils étaient surpris de le voir parler avec une femme. Pourtant, aucun ne lui dit : « Que cherches-tu ? » ou bien : « Pourquoi parles-tu avec elle ? » 28 La femme, laissant là sa cruche, revint à la ville. (…)


    st pierre-julien eymard,eucharistie,chapellecorpuschristiparis8,fraternité eucharistique,#jubilépjeymard2018,foi,adoration,adoration eucharistique,transmission,sandrine treuillard,étienne parrocelJ’aimerais que nous voyions cette rencontre de Jésus avec la Samaritaine comme le paradigme de notre rencontre avec Jésus Eucharistie. Abordons cette scène comme le modèle d’une rencontre avec la personne divine de Jésus présent au saint Sacrement. Rencontre de Jésus Eucharistie comme quand nous sommes en adoration ou même lorsque nous communions à son Corps et à son Sang à la messe, quand nous prenons part au banquet des Noces de l’Agneau.

                Dès le début de ce chapitre 4, il est dit que Jésus attire à lui les gens et baptise plus que Jean, qu’il fait plus de disciples que Jean le Baptiste. Pour cette raison, les pharisiens veulent rejoindre Jésus pour lui demander des comptes. Ils s’en offusquent et s’interrogent sur le pourquoi de ce succès de Jésus. Ce succès vient de ce que Dieu habite pleinement en Jésus, qu’il est rendu capable par le Père de donner l’Esprit et la Vie sans mesure à celui qui croit en lui et reçoit le baptême en son nom. C’est parce que Jésus baptise dans l’Esprit, qu’il est lui même cet Esprit, cette Vie, que les gens viennent à lui et se font baptiser.

                Jésus connaît très bien le cœur des pharisiens, c’est pourquoi il les fuit, veut retourner en Galilée et doit pour cela traverser la Samarie. Pays que les Juifs mettent à distance. Les Juifs ne veulent aucun commerce avec les Samaritains, qu’ils considèrent comme impurs : rien à voir avec leurs règles sociales, culturelles et religieuses.

                Traversant donc cette région désertique, Jésus se retrouve au mythique puits de Jacob. Lieu essentiel, vital et stratégique, aussi bien dans le passé que pour maintenant dans la scène que Jésus s’apprête à nous donner à voir. Rendu vulnérable comme tout homme par la chaleur et la fatigue de la marche, Jésus a soif et s’assoit sur la margelle du puits. C’est la sixième heure, c’est-à-dire qu’il est environ midi. Je me suis demandée pourquoi ce détail de l’horaire précis. Et je me suis souvenue que dans saint Jean, ailleurs, à environ midi, la sixième heure, un autre événement a lieu… Aux abords de la Passion, avec Pilate qui cherche à relâcher Jésus. Voici le passage en Jean 19, 12-14 :                                                  

    Mais les Juifs se mirent à crier : « Si tu le relâches, tu n’es pas ami de l’empereur. Quiconque se fait roi s’oppose à l’empereur. » 13 En entendant ces paroles, Pilate amena Jésus au-dehors ; il le fit asseoir sur une estrade à l’endroit qu’on appelle le Dallage (en hébreu : Gabbatha). 14 C’était un vendredi, la veille de la Pâque, vers midi. Pilate dit aux Juifs : « Voici votre roi. »  

                Deux choses me frappent dans ces deux passages de l’Évangile :

                Dans un cas c’est la fatigue de la route qui fait s’asseoir Jésus au bord du puits. Dans l’autre cas, c’est Pilate qui fait asseoir Jésus sur une estrade, pour montrer à ceux qui veulent sa mort qu’il est inoffensif et innocent. Il vient d’être flagellé, moqué, il est en sang et porte la couronne d’épines, le roseau et le vêtement pourpre.

                Au bord du puits, Jésus, au contact de la samaritaine, est, librement, dans l’abnégation de sa personne humaine : il met son besoin individuel de boire au second plan, privilégiant le dialogue pour amener la femme à reconnaître qu’il est l’envoyé de Dieu, le Messie. Il lui révèlera sa personne divine, plus loin, au verset 26 : « Moi qui te parle, je le suis ».

                Finalement, Pilate ne fait pas autre chose que révéler la personne divine du Christ quand il le désigne aux Juifs comme étant leur roi. Mais Pilate ne connaît pas la portée de sa déclaration. Il ignore aussi que c’est librement que Jésus s’offre à toutes les tortures qui l’attendent encore.

                Dans les deux cas, la sixième heure, vers midi, désigne le moment crucial où s’opère la révélation de la personne divine de Jésus. La samaritaine reçoit cette révélation. Les juifs au moment de l’Ecce Homo la rejettent.

                Revenons à notre puits. Jésus est donc assis au bord. Il a soif. Et quand la samaritaine s’approche, il ne lui dit pas, comme sur la croix, dépouillé et à l’article de la mort : « J’ai soif ! ». Là, il lui demande : « Donne-moi à boire. » Il est en position de faiblesse par rapport à cette femme, puisqu’il n’a rien pour puiser et qu’elle en a les moyens : elle porte sa cruche. Mais il ne met pas en avant son besoin à lui, vital et humain. Il est très respectueux dans sa demande, tout en étant direct. Il demande avec autorité, mais il ose demander à une femme, qui plus est, étrangère. N fait, il se préoccupe de son besoin spirituel, à elle qui n’accède pas à sa demande. Elle ne se précipite pas au bord du puits pour y descendre sa cruche et la remonter pleine de l’eau fraîche qui lui ferait tant de bien physique ! C’est pourtant elle qui a la clef pour répondre à sa demande matérielle. C’est elle qui a le seau ou la cruche pour puiser. Au lieu de cela, immédiatement, le dialogue est enclenché sur le mode spirituel. La demande de Jésus « donne-moi à boire » contient la clef, la réponse à la question spirituelle que la samaritaine soulève par sa remarque spontanée : « Toi, un Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine ? » Toi, un Juif : Il est question immédiatement de la personne de Jésus dans la bouche de la samaritaine, mais elle ne le sait pas encore. C’est bien la personne de Jésus qui est le seau, la cruche, la clef à la question du don de l’Esprit, ce don de l’eau vive.

                Le sens pragmatique de la samaritaine lui montre que Jésus n’a rien pour puiser l’eau matérielle et cette remarque l’adoucit. C’est comme si elle s’asseyait à son tour à son côté, sur la margelle du puits, songeuse : « Tu n’as rien pour puiser (…) avec quoi prendrais-tu l’eau vive ? » Et Jésus l’amène sur son terrain, petit à petit, ne détachant pas son regard de ses yeux à elle qui se sont abaissés et qui se pose la question : « Serais-tu plus grand que notre père Jacob qui nous a donné ce puits, et qui en a bu lui-même, avec ses fils et ses bêtes ? ». Question qui pèse le poids de l’héritage de ses ancêtres, contenant toute l’histoire du premier Testament d’où elle parle encore. Mais Jésus la fait aborder la source véritable, l’Alliance Nouvelle qu’il lui propose en sa personne : « Celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source jaillissante pour la vie éternelle. » À ces paroles de Jésus, la samaritaine est conquise : elle relève les yeux vers son visage et c’est elle qui lui demande à boire de cette eau spirituelle.

     
    st pierre-julien eymard,eucharistie,chapellecorpuschristiparis8,fraternité eucharistique,#jubilépjeymard2018,foi,adoration,adoration eucharistique,transmission,sandrine treuillard,étienne parrocelJésus la gagne. Elle se laisse toucher et il avance, en lui demandant d’appeler son mari et de venir avec lui, pour profiter de ce don de l’Esprit, de sa propre personne, qu’il veut lui faire. Il connaît très bien sa vie : les cinq maris de son passé et l’homme qu’elle a actuellement et qui n’est pas son mari. Le chiffre parfait étant le sept, sans se proposer à elle directement comme Époux spirituel, elle déclare d’elle-même qu’il est prophète, qu’elle le voit bien puisqu’il lit sa vie comme en un livre ouvert. Alors elle laisse jaillir la question qui lui brûle les lèvres et l’âme de savoir où il faut adorer Dieu. Sur la montagne qui est là, en Samarie, où à Jérusalem comme le prétendent les Juifs ?

                Là, Jésus lui répond en l’appelant ‘femme’ : « Femme, crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père. » Comme quand Marie, sa mère, s’adresse à lui pour lui signaler que les invités aux noces de Cana n’ont plus de vin. Il lui répond : «  Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue. » Dans les deux cas il est fait allusion à l’heure de sa mort sur la croix où aura lieu le don suprême de Dieu dans l’Esprit Saint, dans le sang et l’eau. Si la sixième heure, vers midi, correspondait à la révélation de la personne divine de Jésus, la neuvième heure, à quinze heure (15h), sera le moment de la kénose, de la remise entre les mains du Père de son souffle, et du don de l’Esprit saint quand le coup de lance transpercera son Cœur.

                « L’heure vient », dit Jésus, « – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité ». Oui, l’heure vient où Jésus donnera son Esprit, par sa mort, le remettant au Père sur la croix. Déjà, à la croix, il nous donne son Esprit. Et quand il ressuscitera il enverra son Esprit sur la terre. C’est ce Jésus Eucharistie-là que nous adorons au saint Sacrement, en esprit et vérité. La circulation de l’amour entre les trois personnes divines, la Trinité, Dieu Trine, Père, Fils et Saint Esprit est ce don que Jésus nous fait par son sacrifice et sa résurrection. Nous recevons cette vérité, qui est le dynamisme de l’amour divin, quand nous adorons Jésus au Saint Sacrement. Cette vérité nous rend libre. C’est le règne de Dieu en soi. C’est l’authentique culte d’adoration de Dieu que nous recevons de la Nouvelle Alliance en Jésus Christ. Nous recevons le nouveau principe de vie, l’Esprit de Jésus, qui nous fait, nous crée « enfants de Dieu » [Jean 1,12-13 (Prologue) : Tous ceux qui l’ont reçu, ceux qui croient en son nom, il leur a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu. Ils ne sont pas nés de la chair et du sang, ni d’une volonté charnelle, ni d’une volonté d’homme : ils sont nés de Dieu. (Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité.)]

                Et la samaritaine acquiesce : « Je sais qu’il vient, le Messie, celui qu’on appelle Christ. Quand il viendra, c’est lui qui nous fera connaître toutes choses. » Quand elle dit cela, je la vois encore songeuse et la tête baissée, attentive à ce qui se passe en son propre cœur, en elle-même, à l’écoute de son intériorité. Et elle en sait des choses ! Elle est déjà habitée, éclairée par l’Esprit de Jésus. Ses paroles sont de l’Esprit de vie contracté au toucher de Jésus. Et lui, de répondre : « Moi qui te parle, je le suis ». Paf ! un éclair intérieur, comment ne pas être tourneboulée… ? Comme du buisson ardent Dieu répondit à Moïse : « Je suis ». Oui, Jésus est bien le buisson ardent de la Nouvelle Alliance. Il est bien ce feu de l’amour qui consume toute sa personne sans qu’elle ne l’anéantisse. Il en rayonne par sa parole qui touche le cœur et nous met en mouvement. Un mouvement vertueux.

                En effet, la samaritaine a à peine le temps de réaliser ce que Jésus lui révèle, qu’un mouvement de personnes se fait autour d’eux, et brise leur cercle intime. L’effet de la parole de Jésus révélant sa divinité à la samaritaine est tel qu’elle se met en mouvement aussitôt, elle aussi. Elle lâche la cruche, le seau, sans avoir servi le Messie, pleine qu’elle est de l’Esprit que vient de lui infuser Jésus, et elle part, retourne au village annoncer qu’elle a trouvé le Messie. Comme Marie qui vient de vivre l’Annonciation, pleine de l’Esprit saint — qui la couvrit de son ombre et insuffla la vie de Jésus en son sein­ —, partant sur les chemins, gravissant les montagnes à la rencontre de sa cousine Élisabeth —, de même la samaritaine n’a pas le loisir de savourer pour elle-même la rencontre avec Jésus : elle part annoncer la Bonne Nouvelle de la venue du Messie en la personne de Jésus. Elle devient illico-presto évangélisatrice. Les disciples reviennent avec les provisions qu’ils étaient partis quérir en ville. Ils les proposent à Jésus, pour qu’il se sustente, mais finalement, pas plus que sa soif, sa faim n’est matérielle. L’occasion pour Jésus de poursuivre sa catéchèse auprès des disciples pour leur montrer le Père, d’une autre manière qu’avec la samaritaine fraîchement convertie.

               [Mais là, c’est une autre histoire : de pain, de semeur et de moissonneur qui pourrait faire l’objet d’une prochaine rencontre avec la Fraternité Eucharistique…].


    Logo sss NEUF.jpgSandrine Treuillard

    Engagée dans la Fraternité Eucharistique
    Chapelle Corpus Christi
    23 av. de Friedland - Paris 8


    Bannière 13 mai ND st Sacrement.jpgAnimation de l'Adoration Eucharistique du 12 mai 2018 Chapelle Corpus Christi - avec la petite histoire de Notre-Dame du Saint-Sacrement

     

     

    Retrouvez cet article avec les 4 précédents et le suivant du #JubiléPJEymard2018
    Catéchèse Eucharistique L'idéal du Cénacle Comprendre l'Eucharistie dans sa totalité
    avec S.Pierre-Julien Eymard

     

    st pierre-julien eymard,eucharistie,chapellecorpuschristiparis8,fraternité eucharistique,#jubilépjeymard2018,foi,adoration,adoration eucharistique,transmission,sandrine treuillard

    Jésus et la Samaritaine

    Étienne Parrocel (dit le Romain) - Huile sur toile, XVIIIè s.
    Palais Fesch - Musée des Beaux-Arts, Ajaccio

     

    Iconographies, plus haut

    Notre-Dame du Saint-Sacrement - Vitrail, Oratoire de la Maison Généralice -
    Congrégation du Saint-Sacrement, Rome.

    La Vierge à l'hostie - Jean-Dominique Ingres, Musée du Louvre.
    La Sainte Cène - Vitrail oculus, Chapelle Corpus Christi Paris 8.

  • Que le règne eucharistique du Christ arrive ! Conférence du P. Nicolas Buttet - SC Montmartre

    Lien permanent

    À l'occasion de la Nuit d'Adoration au Sacré-Cœur de Montmartre du 20-21 avril 2018 : Conférence du Père Nicolas Buttet, fondateur de la Fraternité Eucharistein — du samedi 21 avril 2018 — invité par Gino Testa du Groupe de prière Padre Pio de Paris — à la suite de celle (Le 'chant' de st P-J. Eymard) du Père André Guitton, sss (Congrégation du Saint-Sacrement), biographe de st Pierre-Julien Eymard, de la communauté des Pères du Saint-Sacrement, Chapelle Corpus Christi - 23 av. de Friedland - Paris 8.
    En voici la 'vidéo'-audio enregistrée par les soins des Bénédictines du Sacré-Cœur de Montmartre.

     

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Il est bien là, ouvert sur la Croix, toute la dévotion se trouve là, il y a des textes merveilleux, comme ça… Mais finalement c'est au XIIème XIIIème siècle avec sainte Gertrude d’Helfta, sainte Metchilde de Hackeborn, sainte Metchilde de Magdebourg, Hildegarde de Bingen, où tout d’un coup le Sacré Cœur prend une première… Il y a une scène très belle où Hildegarde de Bingen voit le Sacré Cœur de Jésus, repose sur le Sacré Cœur de Jésus, et elle voit saint Jean. Et elle dit à saint Jean : « Tu es un petit cachotier ! Je suis sûre que quand tu as posé ta tête sur le Sacré Cœur de Jésus tu as dû sentir l’amour fou qu’il y avait dans son Cœur, et tu ne nous as rien dit ! Tu es un petit cachotier ! » Alors, saint Jean lui dit : « Effectivement, j’ai senti cet amour fou dans le Cœur de Jésus, mais Dieu m’a confié la mission d’annoncer le Verbe fait chair. Quant aux secrets insondables de son Cœur, ils sont réservés aux temps où la charité se refroidira sur la terre. » Et donc, ça va être Marguerite-Marie Alacoque, qui va recevoir cette dévotion au Sacré Cœur. Et puis on va voir que cette dévotion va se concentrer, se cristalliser, s’incarner, si j'ose dire, autour du Christ Eucharistique. Puisque c’est le Cœur Eucharistique de Jésus qui va être la grande dévotion de la fi du XIXème siècle mais un peu brève, malgré tout. Et saint Pierre-Julien Eymard fait partie, avec tous ses amis, avec Émilie Tamisier, avec le Père Antoine Chevrier, avec le Curé d’Ars… Ils étaient tous copains, c’est incroyable, il y avait une collection de saints qui se côtoyaient et qui priaient ensemble qui était absolument extraordinaire, hein ! C’était les potes de Jésus qui s’étaient rassemblés et ils voulaient annoncer. Ça, c’est important, c’est une belle leçon, parce que dans des moments de tiédeur et de froideur, Dieu veut vraiment rassembler ses amis pour nous donner le feu et nous donner la grâce d’évangéliser. Et puis tout d’un coup, on va voir que quand on va plus profondément dans ce Cœur de Jésus, on a la Miséricorde et c’est sainte Faustine. Finalement, toute la révélation de sainte Faustine se joue autour de Jésus Eucharistie. Et je vous disais, hier soir, cette phrase qui me touche beaucoup : « Dis bien au monde entier qu’il n’y aura pas de paix sur la terre si l’on ne vient pas à ma Miséricorde. Et le trône de ma Miséricorde c’est le Saint Sacrement. » Donc : « Dis bien au monde entier qu’il n’y aura pas de paix si l’on ne vient pas au Saint Sacrement. » Et donc, les prophéties du Père Pierre-Julien Eymard sur la conversion de la France, de l’Europe, sur la nécessité absolue de l’adoration, sur la grâce de l’adoration pour transformer le monde qui est pris dans la tiédeur et dont les âmes se croient ferventes et qu’elles ne le sont pas, parce qu’elles n’ont pas établi leur trône en Jésus Eucharistie… eh bien !, c’est vraiment maintenant que ce temps est là. Il nous est donné maintenant. Et avec cette Miséricorde qui jaillit du Cœur de Jésus. Et pour moi, cette prophétie de Faustine et cette prophétie de saint Pierre-Julien Eymard, est aussi importante que celle de Fatima, voyez-vous. Quand Marie dit, en 1917, que si on ne va pas se convertir, une guerre plus grave encore éclatera sous le pontificat de Pie XI… On est encore à l’époque du pape Benoît XV, Pie XII arrivera en 1922 sur le siège de Pierre, il mourra en 1938 et c’est vrai que la guerre éclate sous le pontificat de Pie XI, juste avant son décès. Marie annonce cela en 1917, et donc, à part Marie et le Ciel, personne ne peut savoir le nom du prochain pape, et elle l’annonce clairement, avec un signe aussi cosmique, qui aura lieu au début de l’année 1938, une lueur dans le ciel qui se verra de manière assez extraordinaire dans le monde, un peu partout. Parce qu’on n’aura pas écouté Marie, on aura cette tragédie, voyez-vous. Toute prophétie est conditionnelle, soumise à la liberté des hommes. Ninive se convertit, l’Europe ne se convertit pas. Voilà. Et aujourd’hui, le pape François a beaucoup insisté sur le lien entre Fatima et Akita, et donc, c’est quelque chose d’assez important, ce lien entre Fatima et Akita. Notre-Dame d’Akita a été reconnu par l’Église en 1984 et 1988 par le cardinal Ratzinger à Rome, c’est chez les Servantes Eucharistique du Sacré-Cœur, en montrant qu’il faut prier Jésus Eucharistie. Donc, au cœur du renouveau du monde, au cœur du renouveau de notre vie personnelle, au cœur de la guérison du monde, il y a Jésus Eucharistie. Il fallait être fou de la part de Jésus, de se rendre présent dans cette vulnérabilité-là, vous voyez… Bien sûr, c’est Dieu transcendant qui est là, mais c’est le bébé de Marie, c’est le vrai corps que Marie a porté dans ses bras, c’est ce Jésus qu’elle a touché, qu’elle a caressé, qu’elle a pris, et Joseph, et le vieillard Siméon : « Oh qu’il est chou ce petit bébé ! » Et c’est l’émerveillement des bergers à la crèche, voyez-vous… C’est ça ! l’Eucharistie. Alors on a tellement pris de la distance avec l’Eucharistie… On ne dérangeait pas le ‘Divin Prisonnier’. « Interdiction… » Un prêtre a écrit à son évêque : « Interdiction de déranger le Divin Prisonnier. » À un moment donné on interdisait de le toucher avec les dents. Or, comme je l’ai dit hier, le mot ‘trogein’ en grec, c’est ‘broyer avec les dents en faisant du bruit’. Et on est arrivé à dire que c’est un péché mortel de toucher avec les dents l’Eucharistie. Mais comment a-t-on pu vouloir tenir à distance ce Dieu qui se fait si proche, jusqu’à se faire manger et « descendre dans les latrines de notre corps »[1]  ? (suite à retranscrire…)       

     

    [1] Voici le texte de Benoît XVI, citant S. Bonaventure : « Laissons-nous remplir à nouveau de cette joie : Où y a-t-il un peuple à qui Dieu est aussi proche que notre Dieu est proche de nous ? Si proche qu'il est l'un de nous, au point de nous toucher de l'intérieur. Oui, d'entrer en moi dans la Sainte Eucharistie. Une pensée qui peut être déconcertante. Sur ce processus, saint Bonaventure a utilisé, une seule fois, dans ses prières de Communion, une formulation qui secoue, qui effraie presque. Il a dit : "Mon Seigneur, comment a-t-il pu te venir à l'esprit d'entrer dans les latrines sales de mon corps ?". Oui, Il entre dans notre misère, il le fait avec conscience et il le fait pour nous pénétrer, pour nous nettoyer et pour nous renouveler, afin que, grâce à nous, en nous, la vérité soit dans le monde et le salut se réalise. »

     

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    P. Nicolas Buttet
    Fondateur de la Fraternité Eucharistein

  • Au terme de sa vie, le 'chant' de S. Pierre-Julien Eymard

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    À l’occasion d’une nuit d’adoration le vendredi 20 avril 2018 en la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre à Paris, organisée par M. Gino TESTA, du Groupe de prière de Padre Pio et animée par le P. Nicolas BUTTET, fondateur de la Fraternité Eucharistein, il m’a été demandé de participer le samedi 21 à une matinée studieuse où j’évoquerais la vie et la mission de S. Pierre-Julien EYMARD, en ce 150e anniversaire de sa mort.


    Plutôt que de reprendre un exposé biographique, j’ai pensé offrir aux participants le texte des trois méditations du 28 avril 1868 – 3 mois avant sa mort – de sa Retraite dite de Saint-Maurice (Essonne) du 27 avril – 2 mai 1868.

    Eymard Jeune Mariste ?.pngIl s’agit de notes personnelles : dans un texte concis il évoque, sous le signe de l’action de grâce, les grandes étapes de sa vie, de prêtre, de mariste, de fondateur. Sa vie singulièrement mouvementée – ‘J’ai été un peu comme Jacob, toujours en chemin, notait-il en 1865 – apparaît unifiée. D’emblée, il note la plus grande grâce de sa vie. Et comment les différents événements qu’il rappelle le conduisent à sa vocation d’adorateur et d’apôtre de l’Eucharistie. Toujours le Saint Sacrement a dominé, note-t-il également dans un autre texte.

    Non seulement le P. Eymard est au terme de sa vie, mais depuis le 21 mars 1865, date à laquelle il s’est engagé par vœu à faire le don de sa personnalité au Seigneur, il vit dans la nuit de l’esprit, sans consolation intérieure, aux prises avec de nombreuses difficultés, dans un abandon total au bon vouloir de Dieu. Les notes qu’il transcrit sont lourdes de cette ultime expérience spirituelle.

    St Pierre-Julien Eymard malade.jpgNous en devinons à mi-mots la profondeur. Il écrit ainsi le 30 avril : Quand les épreuves venaient du dehors ou du dedans, un quart d’heure devant le très Saint Sacrement me fortifiait, me rassérénait. Et aujourd’hui, des heures me laissent le cœur brisé. Au terme de sa retraite, à travers les orientations qu’il prend, il n’entend être tout simplement que le journalier de Dieu.

    La conférence a été enregistrée, ainsi que celle du P. Nicolas Buttet qui a suivi, par les soins des Bénédictines du Sacré-Cœur de Montmartre. La vidéo-Audio est sur ce lien et ci-dessus. La retranscription intégrale de l'enseignement du P. André Guitton est lisible sur ce lien : Le 'chant' du P. Eymard - Sa dernière retraite, son testament spirituel.

    Voici le texte des 3 méditations du 28 avril, tel que le P. Eymard l’a rédigé et tel qu’il est édité dans l’édition de ses Œuvres complètes.

     

    NR 45,2 [mardi 28 avril 1868] 2e jour

    de 6 h à 7 h

    1re méditation – À la très Sainte Vierge

    Grâces

    Que de grâces Dieu m’a faites jusqu’à ce jour !

    Comme il m’a aimé ! – À l’excès.

    Que m’a-t-il refusé ? – Rien.

    Que ne me donne-t-il pas à présent !

    Je l’aime peu, et il m’aime tendrement.

    Je le déshonore par ma vie, et il m’honore encore plus par ses dons et […].

    Je le sers si mal, et il me garde à son service, comme si j’étais un bon serviteur.

    Je suis si lâche et si infidèle à mes devoirs, à l’honneur de sa gloire, et il me laisse l’honneur et la puissance.

    Il m’a confié la gloire de sa Société. Hélas ! Je la vole, je la vends, cette gloire. Et il ne reste à mon Maître qu’un serviteur infidèle et un ministre paresseux.

    Qui de nous deux va se lasser ? Sera-ce moi ?

    Quelle a été la source de mon peu de correspondance à la grâce ?

    Je ne me suis jamais donné absolument, exclusivement.

    J’ai servi Dieu par gloire propre.

    J’ai servi Dieu pour mon amour-propre.

    Je n’ai jamais embrassé résolument et constamment la pratique de l’humilité de Jésus. J’ai voulu être quelque chose avec Lui, par Lui. Voilà le dernier mot du vieil homme en moi.

    Ô Marie ! Qui m’avez conduit et donné à Jésus, il faut maintenant me reconduire, me redonner à Jésus que j’ai perdu !

     

    NR 45,3

    2e jour – de 10 h à 11 h

    2e méditation – Foi eucharistique

    La plus grande grâce de ma vie a été une foi vive au très Saint Sacrement, dès mon enfance :

    – grâce de communion : le désir de ma 8e [année] : tout vers elle.

    – grâce de dévotion : visite journalière au très Saint Sacrement.

    – grâce de vocation : à Fourvière : Notre Seigneur est au très Saint Sacrement, seul, sans un corps religieux qui le garde, l’honore, le fasse glorifier ! Pourquoi ne pas établir quelque chose, un Tiers-Ordre, etc. à La Seyne (saint Joseph), grâce de donation, de fusion, de bonheur, et qui a duré jusqu’à l’approbation apostolique, si douce.

    – grâce d’apostolat : foi en Jésus. Jésus est là. Donc à Lui, pour [ou par] Lui, en Lui.

    Renouvellement

    J’ai bien demandé à Notre Seigneur de me renouveler dans cette grâce première. Jésus est là, seul, oublié des siens – stérile en son Sacrement.

    J’ai bien demandé la résurrection de cette grâce – de mon état si peiné, si triste, si désolé depuis trois ans.

    Oui, mon cœur a toujours aimé Jésus Hostie. Personne ne l’a eu ce cœur. Mais mon esprit, mais ma vie extérieure, mais mes rapports trop naturels, trop expansifs, voulant me faire louer de ma vocation, me consoler dans les âmes qui semblaient l’aimer, qui pouvaient le glorifier en moi : voilà le tombeau de cette grâce première.

    Oh ! Jésus ! Des profondeurs, je crie vers toi. [Ps 129,1]. – Ressuscite en moi la grâce première. [Reprends ta conduite première] [Cf. 2Tm 1,6 – Ap 2,4].

     

    NR 45,4

    2e jour – de 3h à 4h

    3e méditation – Vocation eucharistique

     

    Notre Seigneur m’a appelé à son service eucharistique malgré mon indignité.

    Il m’a choisi pour travailler à sa Société malgré mon incapacité et mon infirmité.

    Il m’a conduit de la mort, et par la mort, à la vie de la Société.

    Tout ce qu’on disait impossible est arrivé facilement, et à l’heure de Dieu.

    À Dieu seul, amour et gloire !

    2° Preuves de grâces :

    Dieu m’a conduit par degrés à sa Société. Il m’en montrait par fractions les sacrifices. Enfin, à La Seyne, il me les a tous demandés, jusqu’à la séparation [de la Société de Marie], – jusqu’à la croix, – jusqu’à l’abandon.

    Or, avec quel bonheur j’ai dit oui à tout, après cette bienheureuse messe ! Et Dieu a tout agréé, et conduit à bonne fin.

    – La douceur si grande, qui a duré tant d’années, et toujours croissante par l’Eucharistie, me dit le oui de Dieu.

    La force qui en sortait, comme le fruit de sa fleur, m’assure le cœur de Dieu.

    Puis :
    – les sacrifices de mort à la pensée de l’œuvre, lors de Rome (P. Favre)
    3.
    – La mort à la Société de Marie, si pénible.
    – La mort à la réception de l’Archevêque de Paris, après treize jours d’agonie
    4.
    – La mort au personnel quand, abandonné, tout seul.
    – La mort à Paris, quand le Cardinal voulait nous renvoyer (sainte Thérèse)
    5.
    – La mort par les sujets.
    – La mort à Rome, lors du Décret
    6.
    – La mort la plus sensible (séparation du premier [compagnon])
    7.
    – La mort à l’estime des Évêques par Nemours
    8.
    – des miens par…
    – de moi par les plus pénibles épreuves depuis le… au…

    Et cependant la vie suit la mort. C’est la voie de la Société et la mienne.

     

    NR 45,4.3 La rencontre à Chaintré le 22 avril 1856 avec le P. Favre, Supérieur général.

    NR 45,4.4 La rencontre avec Mgr D. Sibour le 13 mai 1856.

    NR 45,4.5 Le 15 octobre 1857, convocation du cardinal François Morlot qui lui demande les titres de l’approbation de l’institut.

    NR 45,4.6 Au mois de mai 1863, à Rome où une accusation calomnieuse l’atteint.

    NR 45,4.7 Le départ du P. de Cuers pour fonder son œuvre, en juin 1867.

    NR 45,4.8 La fermeture de la communauté des Servantes de Nemours au mois de mai 1867.

     

    [Extrait de La Retraite de Saint-Maurice – 27 avril – 2 mai 1868 – Œuvres complètes, vol. V, NR 45 , p. 391]

    Logo sss NEUF.jpg

     

    André Guitton, sss
    Chapelle Corpus Christi
    23 av. de Friedland - Paris 8

     

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  • Grâce d'attrait au saint Sacrement de Catherine de Sienne - par le Père Eymard

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    catherine de sienne, eucharistie, saint pierre-julien eymard, #jubilépjeymard2018, foi, christianisme« Prenons un autre attrait, il n'y a pas dans les âmes un attrait véritable si cet attrait n'est pas intérieur. Sainte Catherine de Sienne avait une dévotion au saint Sacrement comme il est rare de la trouver même dans les saints, au milieu de ses tribulations et dans ses oraisons. Quand on lit sa Vie et ses Dialogues, on voit que toutes ses lumières venaient de là ; c'est à elle qu'a été donnée la comparaison du soleil1, c'était sa grâce, sa vertu. C'est avec cette grâce qu'elle a converti toute l'Italie et une partie de l'Europe, qu'elle a ramené le pape, d'Avignon à Rome, remettant ainsi à l'Italie sa gloire : le pape se servait d'elle comme d'un ambassadeur auprès des rois. Où prenait-elle les grâces ? Dans le saint Sacrement, c'était sa grâce d'attrait, et elle lui a donné la force et les triomphes.

    Mais moi, quel est mon attrait ? Jamais un attrait n'est contraire à la vocation, Dieu ne se contredit pas. »

    catherine de sienne,eucharistie,saint pierre-julien eymard,#jubilépjeymard2018,foi,christianisme,transmission,sacré cœur,la franceSaint Pierre-Julien Eymard PS 185,3 (L'attrait intérieur de recueillement, de vocation, de perfection, de direction – Prédication aux Servantes du Saint-Sacrement, octobre 1959)
    Voir les catéchèses en ligne sur l'Eucharistie : #JubiléPJEymard2018


    Le P. Eymard utilise fréquemment la comparaison du soleil. Il convient donc de donner ici sa source : sainte Catherine de Sienne. Parlant du corps et du sang du Christ, Dieu le Père disait à cette mystique :

    “Ce corps [de mon Fils] est un soleil puisqu'il ne fait qu'un avec moi, vrai soleil. Il est tellement uni que l'un ne peut être séparé ni coupé de l'autre, comme dans le soleil on ne peut séparer ni la chaleur de sa lumière ni la lumière de sa couleur, tant est grande la perfection de cette union. [] Je suis ce soleil, Dieu éternel, d'où ont procédé le Fils et le Saint-Esprit.”

    Voir le texte complet dans Le livre des Dialogues, Sainte Catherine de Sienne, Seuil, 1953, chap. 110, p. 351.

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    Photo : Chapelle des Dominicaines, Carcassonne (11)

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  • St P-J. Eymard, Apôtre de l'Eucharistie - Écoute dans la nuit - 19 avril 2018 (Podcast)

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    St Pierre-Julien Eymard, L'Apôtre de l'Eucharistie

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    — le Père du Saint-Sacrement André GUITTON, biographe du saint, Chapelle Corpus Christi Paris 8

    — le Père du Saint-Sacrement Brel DAOUDA, supérieur régional du Congo Brazzaville  

    — Sœur Teresa HONG, supérieure des Servantes du Saint-Sacrement, Chapelle Notre-Dame du Saint-Sacrement, Paris 16

    — Sandrine TREUILLARD, responsable de la Fraternité Eucharistique, Agrégation du Saint-Sacrement, Chapelle Corpus Christi Paris 8


    Merci à Gino Testa, des Groupes de prières Padre Pio de Paris, à l'initiative duquel cette émission a été réalisée.

     

     

     

  • Le Don de soi - à la suite de S. Pierre-Julien EYMARD

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    Le Don de soi - Vœu + portrait.jpg

     

    #jubilépjeymard2018,chapellecorpuschristiparis8,andré guiton,eucharistie,adoration eucharistique,adoration,la france,st pierre-julien eymard,foi,christianisme,transmission,sacré cœur,Écologie humaine,vulnérabilitéIntroduction : Le Père Eymard est un passionné, épris de perfection et de sainteté. Sa retraite de première communion s’achève par cette assertion, Mon Dieu et mon tout. Dans sa retraite d’ordination sacerdotale, il est prêt à tout faire et à tout sacrifier pour Dieu. Novice mariste, il aspire à la sainteté et au martyre.

    Mais c’est comme fondateur qu’il découvre, en son cheminement personnel, la réalité du Don de soi. Nous en percevons la trace et le développement dans ses retraites de fondateur, de 1863, 1865 et 1868.

    C’est dans sa première retraite de Rome en 1863 qu’apparaît une réalité nouvelle. Il est allé à Rome pour présenter à Pie IX la demande d’approbation de son Institut. Il a remis ses documents à la Congrégation des Évêques et Réguliers, et tout va pour le mieux. Et puis il y a eu cette dénonciation calomnieuse concernant la communauté de Paris – comme si Religieux et Servantes cohabitaient ! – et il a fallu attendre quelque peu. Le P. Eymard profite de ce délai pour faire une retraite, du 17 au 24 mai, chez les Passionistes à Saints-Jean-et-Paul sur le Caelius, près du Colisée. En cette retraite, le P. Eymard est moins soucieux de sa Société que de lui-même. Je viens faire cette retraite, note-t-il, pour devenir un saint. Le gros travail de la Société est fait. Reste l’intérieur et ce sera le plus difficile – Je n’ai été qu’un homme extérieur. Au terme, il écrit : J’ai demandé le Saint-Esprit, non plus pour les autres, mais en moi. - J’ai compris enfin que Dieu aime mieux un acte de mon cœur, le don de ma personne, que tout ce que je puis faire au-dehors ; qu’un acte intérieur lui est plus glorieux et aimable que tout l’apostolat de l’univers. Et il conclut par cette singulière connaissance qu’il a reçue de lui-même : Hier, Notre Seigneur m’a montré une incroyable vérité, c’est que mon amour pour lui et la Société a été un amour de vanité. Depuis 1856, le P. Eymard s’est beaucoup dépensé pour fonder la Société du Saint-Sacrement, préparer les premières Servantes avec Marguerite Guillot, organiser l’œuvre de la Première communion des adultes à Paris, puis l’Agrégation du Saint-Sacrement à Marseille, établir une troisième communauté à Angers. Avec l’approbation des Religieux du Saint-Sacrement, son œuvre est établie de façon stable et durable. C’est l’extérieur. Reste l’intérieur, note-t-il, et ce sera le plus difficile.

    Cette première retraite de Rome est un prélude à la Grande retraite de Rome en 1865, où il recevra la grâce suprême du don de soi. 

     

    C H E M I N E M E N T   D’U N E   E X P É R I E N C E

    stPJEymard CoucConseils rouges.jpgContexte –
    Il importe de situer la Grande retraite de Rome dans son contexte. Brièvement. Après l’approbation de son Institut par Pie IX le 8 mai 1863, le P. Eymard se retire au mois d’octobre au château de Saint-Bonnet, près de Lyon, chez son ami M. Blanc de Saint-Bonnet. Là, il travaille, libre de toute autre activité extérieure, à la rédaction des Constitutions de ses Instituts religieux. Vers la fin de son séjour, il confie au P. de Cuers son projet d’établir une communauté au Cénacle à Jérusalem. Et il s’emploie sans tarder à le réaliser : premier envoi du P. de Cuers accompagné du Fr. Albert Tesnière à Jérusalem comme éclaireur au mois de janvier – mai 1864. Difficultés diplomatiques et autres. Second envoi du P. de Cuers au cours de l’été. Mais sans succès. Dès lors, il décide de se rendre lui-même à Rome pour suivre les démarches auprès du Saint-Siège. Alors qu’il pensait la chose aisée à régler, il perçoit dès son arrivée à Rome le 10 novembre 1864 que ce sera difficile. À plusieurs reprises, le cardinal Préfet lui répète : ‘On aurait dû commencer par acheter’ Il avait l’air de dire le fait accompli. [À de Cuers, 22 novembre 1864, CO 1486 ; IV,133]. Deux mois après son arrivée, les choses traînant, il entre en retraite chez les Rédemptoristes le 25 janvier 1865, en la fête de la Conversion de saint Paul.

    La Grande retraite de Rome est à situer dans ce contexte historique : une affaire à suivre en cour de Rome et une démarche personnelle qui l’engage personnellement.

    1- L’objet de sa retraite - Le P. Eymard ouvre sa retraite avec la question de l’Apôtre : Que veux-tu que je fasse ? L’objet de la question n’est pas le Cénacle, mais lui-même : Ne travailler qu’à ma sanctification personnelle, par exclusion absolue de toutes personnes et choses – Être tout entier à la grâce du moment et à elle seule. – La retraite constitue une extraordinaire quête de lui-même, sous l’action de l’Esprit Saint. Il se met dans une disponibilité totale à l’action de Dieu en lui. Il n’y a pas de plan préconçu. Les thèmes surgiront selon les temps liturgiques et les inspirations du moment.

    Ce thème de la recherche de la volonté de Dieu est développé dans la 3e méditation du 2e jour. On peut noter l’expression qui revient en de multiples occasions : J’ai vu – dans une grande ET lumineuse vérité, qui révèle que c’est sous l’action de l’Esprit Saint qu’il se découvre lui-même. Voici ce texte :

    J'ai vu dans ma méditation souffrante de corps et d'âme, une grande et lumineuse vérité, qui est la clé de ma vie, que j'avais aperçue quelquefois, mais en courant et comme en en ayant peur. C'est que je n'ai dit le Domine quid me vis facere [Ac 9,6] que pour la grandeur, la gloire du service de Dieu, que pour l'amour de gloire de Notre Seigneur, que pour son triomphe par le zèle, par le succès de son culte. - Pour mieux dire ma pensée, j'ai aimé Notre Seigneur et son service comme le serviteur d'un grand roi, […] un amour de Dieu de vanité. – […] Le moi s'est glissé en tout, est devenu mon langage, mon sentiment délicat jusque dans le soin des âmes, dans les œuvres de Dieu [NR 44, 4 : V,253].

    Telle est l’ouverture de la retraite, comme le prélude, qui va se développer avec une grande liberté.

    2- Le fil rouge : se donner – Très rapidement, apparaît le thème qui va se développer tout au long de sa recherche. Le 29 janvier, il choisit comme thème de sa méditation : Comment je me suis donné à Notre Seigneur. Il découvre qu’il ne s’est donné au service du Seigneur que par vanité. Et il se demande : 

    Qu'est-ce qu'il me faut ? Me donner à Jésus-Christ, et le servir par le don, l'holocauste de moi-même. C’est toi que je veux, et non tes dons [cf. Im 4, 8: 3]. Notre Seigneur m'a fait comprendre qu'il préfère le don de mon cœur à tous les dons extérieurs que je pourrais lui faire, quand [bien] même je lui donnerais les cœurs de tous les hommes, sans lui donner le mien. Mon fils donne-moi ton cœur [Pr 23,26] [NR 44,8 ; V,226]. 

    Voilà une méditation qu’il juge fondamentale.

    3- Un jalon sur la route du Cénacle : Le jour anniversaire de son baptême, le 5 février, il médite sur la grâce reçue en ce jour béni – une recréation en Notre Seigneur, en Jésus Christ, mais en Jésus Christ crucifié. Sa 3e méditation sur La chair, ennemie de l’Esprit Saint s’achève par cette réflexion : 

    Ce qui m'a fait du bien, c'est de comprendre qu'un acte de mépris sur moi rendrait plus de gloire à Dieu que le succès de la Société par moi, ou même du Cénacle, parce que ce serait le cénacle en moi, et la gloire de Dieu en moi – ce que Dieu préfère à tous les hommages que je lui ferais sans moi, en dehors de moi. Voilà une royale vérité [NR 44, 23 ; V,271].

    Il ne s’agit plus de faire quelque chose – même à la limite de transformer le Cénacle en sanctuaire d’adoration – mais bien de devenir comme un cénacle, d’être.

    4- Le Don en sa totalité – Dare totum pro toto – À bien des reprises, le Père Eymard renouvelle le don qu’il a fait de lui-même au Seigneur, mais, semble-t-il, de façon fragmentaire. Le 16 février, après une nuit difficile - Pauvre et triste nuit. Ai-je souffert ! note-t-il, il écrit :

    En me réveillant ce matin, plusieurs fois cette pensée de l'Imitation m'est venue : Il est étrange [Mirum] que vous ne vous abandonniez pas à moi du fond du cœur, avec tout ce que vous pouvez désirer ou posséder. - En me levant, je me suis prosterné jusqu'à terre et ai demandé lumière et grâce. Notre Seigneur m'a bien récompensé de m'être levé plus tôt, et malgré la fatigue de la nuit. - J'ai cherché le chapitre de ce mirum ! C'est le 27e du 3e livre [Im 3, 27: 7]. J'y ai lu : Il faut mon fils, que vous vous donniez tout entier pour posséder tout, et que rien ne soit à vous-même. […] Nul lieu n'est un sûr refuge (retraite Salaise), si l'on manque de l'esprit de ferveur ; et cette paix qu'on cherche au-dehors ne durera guère, si le cœur est privé de son véritable appui, c'est-à-dire si vous ne vous appuyez pas sur moi. Vous changerez, et vous ne serez pas mieux. – Soutenez-moi, Seigneur, par la grâce de l'Esprit Saint. Fortifiez-moi intérieurement de votre vertu […]. – Donnez-moi, Seigneur, la sagesse céleste, afin que j'apprenne à vous chercher et à vous trouver, à vous goûter et à vous aimer par-dessus tout […] Voilà tout le secret trouvé ! - Donner à Notre Seigneur mon moi sans condition. Je l'ai donné, je l'ai juré devant le très saint Sacrement à la consécration. […] Renouveler mon don du moi, comme ma respiration. [..] Totus tuus – Vous êtes tout à moi, et je suis tout à vous [Im 3, 5: 24] [NR 44, 42 ; V,288].

    Le P. Eymard franchit une nouvelle étape dans sa découverte du ‘Don’ : c’est la notion de ‘totalité’ : à la suite du Christ qui s’est donné sans réserve, le Père se consacre totalement à lui lors de la célébration de l’Eucharistie à la consécration.

    5- Sois à moi dans mon SacrementLe 21 février, il médite sur son ‘Service eucharistique’,

    Il perçoit une double exigence : personnelle, faire son devoir d’adorateur, comme tout autre religieux, et concernant sa communauté, rendre ses frères de bons religieux, de bons adorateurs. Au terme de l’examen qu’il fait sur sa conduite, il reçoit une nouvelle lumière. Il note :

    À la fin de ma méditation, une très belle pensée m'est venue, assurément de la miséricorde de Notre Seigneur. Je lui demandais comment il me voulait à son service. Et alors, il me semble entendre cette parole : “Sois à moi, dans mon sacrement, comme j'ai été à mon Père dans mon incarnation et ma vie mortelle.” Cette pensée m'a vivement frappé. J'en ai remercié ce bon Maître. Et je me suis donné de nouveau à lui, pour être tout à lui comme il était à son Père. Mais comment Jésus est-il à son Père dans sa vie divine de Verbe, comment était-il à son Père dans sa vie mortelle, comment est-il à son Père en sa vie sacramentelle, voilà ce que je dois examiner, répéter en moi.

    Oh ! quelle belle pensée ! Je dois être à Jésus ce que Jésus est à son Père : Moi en eux et toi en moi [Jn 17,23]. – Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez en mon amour [Jn 15,9]. C'est le [Ce n’est plus moi qui vis,] mais le Christ qui vit en moi [Ga 2,20] de saint Paul.

    Mais prions pour voir cette vérité, et nous y livrer corps et biens [NR 44, 57 ; V,304].

    Un mois avant la grâce du don de la personnalité, la pensée du P. Eymard s’oriente vers le mystère de l’incarnation du Christ et la situation concrète du Père dans sa vocation eucharistique.

    6- Dans un temps d’épreuves extrêmes

    St Pierre-Julien Eymard malade.jpgLa Grande retraite de Rome constitue un temps d’épreuve.

    D’abord, du fait du long délai qui lui est imposé dans l’attente d’une réponse à sa question. Le P. Eymard savait d’expérience qu’à Rome les choses trainent en longueur. Un moment, il avait pensé à regagner Paris. Mais il s’était repris. Si à Rome on ne pousse pas, si on n‘est pas là, c’est long, avait-il écrit au P. de Cuers le 2 décembre 1864 [CO 1490 ; IV,139] et il était resté. Les autres activités attendraient.

    Du fait surtout de ses relations avec le P. de Cuers, de plus en plus tendues. Nous ignorons les reproches qu’il reçoit de son premier compagnon, mais le 9 mars, dans sa 3e méditation sous le titre Tempêtes, il ne peut s’empêcher d’exhaler sa souffrance :

    Oh Dieu ! quelle tempête m'a assailli pendant une heure ! Que n'a pas pensé mon imagination, mon esprit agité, sévère ! Ma volonté en était presque fiévreuse. Mon cœur, cependant, est resté sans aigreur, sans idée de vengeance, ou plutôt de mesure de rigueur contre ce que je croyais de contraire à l'esprit de soumission + + +, et un faux principe en ce cher confrère, qui n'y voit pas plus loin que ses vieilles idées [NR 44,91 ; V,336].

    Cet état de souffrance durera plusieurs jours avant qu’il n’acquiesce le 20 mars, dans sa 3e méditation, Croix :

    J'ai offert les trois croix d'aujourd'hui, qui étouffaient mon cœur et brisaient mon âme. Pour la première fois, j'ai accepté, je me suis mis à la disposition du silence, de la patience, de l'abandon entre les mains de Dieu. […] Il faut prier, patienter, bénir Dieu et voilà tout. – Voir surtout le bien, le juste, le vrai de la croix ! [NR 44, 117 ; V,368].

    Le lendemain, dans sa 1e méditation sous le titre de Croix des saints, il poursuit sa méditation sur le même thème en évoquant l’exemple des saints, apôtres et fondateurs notamment :

    Il n'y a pas de saint qui n'ait été crucifié par le monde, – qui ne se soit crucifié, – que Dieu n'ait crucifié d'une manière admirable. - Ce sont surtout les saints Apôtres, les fondateurs des familles religieuses qui ont le plus souffert. - Fonder, c'est creuser la terre de son cœur, tailler des pierres, les marteler, les cimenter, les unir, leur ôter leur état brut, les polir, leur ôter leur liberté et même leur forme. [Nr 44, V ; 118,369].

    À l’image de la construction onéreuse, - il faut creuser la terre de son cœur -, il joint celle d’un accouchement douloureux, d’une naissance nouvelle, à la suite de s. Paul - Mes petits enfants, vous que j’enfante à nouveau dans la douleur. Dans cet état de déréliction, il s’abandonne à Dieu :

    Mon Dieu ! me voici, avec Jésus au jardin des Olives. Voulez-vous que tous m'abandonnent ? que tous me renient ? que personne ne me reconnaisse plus ? que je sois comme une charge, un embarras et une humiliation ? - Me voici, Seigneur. Brûle, taille-moi, dépouille-moi, humilie-moi. Donne-moi seulement aujourd'hui ton amour avec ta grâce, et demain la croix avec l'épreuve. Mais que je sois ton escabeau à toi, qui es présent dans la sainte hostie [NR 44,118 ; V,370].

     

    7- Le don de sa personnalité


    C’est alors qu’il reçoit, durant l’action de grâce de sa messe, comme une réponse à sa longue attente, le don de la personnalité. C’est un texte que nous ne cesserons jamais de méditer :

    Le Don de soi - Vœu + portrait.jpg
    Action de grâces

    À la fin, j'ai fait le vœu perpétuel de ma personnalité à Notre Seigneur Jésus-Christ, entre les mains de la très sainte Vierge et de saint Joseph, sous le patronage de saint Benoît (sa fête) : rien pour moi, personne, et demandant la grâce essentielle, rien par moi. Modèle : Incarnation du Verbe.

    Or, comme par le mystère de l'Incarnation, l'humanité sainte de Notre Seigneur a été anéantie en sa propre personne, de sorte qu'elle ne se cherchait plus, elle n'avait plus d'intérêt particulier, elle n'agissait plus pour soi, ayant en soi une autre personne substituée, [à] savoir celle du Fils de Dieu, qui recherchait seulement l'intérêt de son Père, qu'il regardait toujours et en toutes choses ; de même, je dois être anéanti à tout propre désir, à tout propre intérêt et n'avoir plus que ceux de Jésus-Christ qui est en moi afin d'y vivre pour son Père. Et c'est pour être ainsi en moi qu'il se donne dans la sainte communion. De même que le Père qui est vivant m’a envoyé, moi aussi je vis par le Père, et celui qui me mange vivra lui aussi par moi [Jn 6,57].

    C'est comme si le Sauveur disait : en m'envoyant par l'Incarnation, le Père m'a coupé toute racine de recherche de moi-même, en ne me donnant pas la personne humaine, mais en m'unissant à une personne divine, afin de me faire vivre pour lui ; ainsi, par la communion, tu vivras pour moi, car je serai vivant en toi. Je remplirai ton âme de mes désirs et de ma vie qui consumera et anéantira en toi tout ce qui est propre. Tellement que ce sera moi qui vivrai et désirerai tout en toi, au lieu de toi. Et ainsi, tu seras tout revêtu de moi. Tu seras le corps de mon cœur ; ton âme, les facultés actives de mon âme ; ton cœur, le réceptacle, le mouvement de mon cœur. Je serai la personne de ta personnalité, et ta personnalité sera la vie de la mienne en toi. – Je vis, mais ce n’est plus moi. C’est le Christ qui vit en moi [Ga 2,20] [NR 44, 120 ; V,371].

    Le premier paragraphe relate l’événement de façon précise et sobre. Il est suivi d’une citation tirée du Catéchisme de la vie intérieure de Monsieur Olier, qui en explicite le contenu.

    Le lendemain, en sa 1ère méditation, il développe le contenu de ce don dans sa méditation sur L’union de Notre Seigneur :

    J'ai médité sur l'union de Notre Seigneur avec nous, union qui doit être la vie de mon vœu de personnalité. – Absque sui proprio [sans rien qui lui appartienne].

    Pourquoi Notre Seigneur désire-t-il tant cette union ? Pourquoi la demande-t-il ? Car [?] cette union est[-elle] possible, convenable et utile à Notre Seigneur ?

    Notre Seigneur désire cette union pour mieux glorifier son Père sur la terre, en s'incarnant en quelque sorte dans chaque chrétien, afin d'en devenir comme la personnalité divine et continuer sur ce chrétien uni ce que sa personne divine fit sur les actions de sa propre nature humaine, – de les élever par la dignité divine de sa personne et par la force et la puissance de cette union jusqu'au mérite divin, jusqu'à les rendre des actions divines.

    C'est donc Notre Seigneur qui veut revivre en nous, et continuer par nous la glorification de son Père comme en ses membres, afin que le Père céleste ait pour agréables toutes nos actions propres, – que, les voyant et les recevant de son divin Fils notre Sauveur, il y trouve ses complaisances et qu'ainsi il vive et règne en chacun des hommes, comme en autant de membres de Jésus-Christ, – et par cette vie et ce règne soit paralysé et détruit le règne du démon son ennemi, – qu'il reçoive de toutes les créatures et de la création, le fruit d'honneur et de gloire qui lui est dû [NR 44, 121 ; V,372].

    8 – En conclusion

    Le 29 mars, le P. Eymard apprend que sa demande concernant le Cénacle est rejetée. Il s’était préparé à cette éventualité dans une méditation la veille sur l’Abandon : Comme acte d’abandon, je me suis bien abandonné à la sante volonté de Dieu pour la décision à recevoir demain… Je me suis bien mis dans le bon plaisir de Dieu [NR 44, 135 ; V,386].

    Il acquiesça en silence et demanda la grâce, le don, la vertu de force - Force qui vient de l’amour – L’amour est fort comme la mort - . Mais cet amour pur, qui fut celui de l’incarnation par le sacrifice du moi humain en Notre Seigneur [R 44, 138 ; V,389].

    Ainsi s’achève la Grande retraite de Rome. Humainement, c’est l’échec. Mais le P. Eymard quitte Rome avec une réalité autre, qu’il avait entrevue le 5 février 1865, le cénacle en moi, et la gloire de Dieu en moi ce que Dieu préfère à tous les hommages que je lui ferais sans moi, en dehors de moi. Voilà une royale vérité [NR 44, 23 ; V,271].

     

    QUELQUES REMARQUES

    1- Le Don de soi, tel que l’a vécu – et le propose – le P. Eymard est l’épanouissement de la grâce baptismale, en sa dimension plénière. Il en va de même pour l’Eucharistie, célébrée et vécue en sa plénitude, réalisant ainsi la parole qu’il avait reçue le 21 février : “Sois à moi, dans mon sacrement, comme j'ai été à mon Père dans mon incarnation et ma vie mortelle.

    2- Dans la tradition de l’École française de spiritualité du 17e s. le point de départ est l’Incarnation du Verbe et sa vie mortelle. En réalité, c’est dans le mystère pascal que le Christ réalise pleinement le don de lui-même à son Père, comme il l’exprime dans la prière ‘sacerdotale’ du chap. 17 de l’évangile de s. Jean : Pour eux, je me consacre moi-même, afin qu’ils soient consacrés par la vérité. (Jn 17, 19). Aussi bien est-ce en cette eucharistie du 21 mars que le P. Eymard reçoit cette grâce et fait le vœu de vivre dans cette dépendance entière du Christ ressuscité, avec le double aspect d’anéantissement à son moi égoïste, de dépouillement du vieil homme – ce n’est plus le moi – et de revêtement du Christ à la gloire du Père – c’est le Christ qui vit en moi. C’est la communion eucharistique qui signifie de la façon la plus expressive cette ‘union de société’ selon le terme du P. Eymard, et la réalise. Entre Incarnation et Communion, il y a le mystère de la Croix glorieuse.

    3- Cette grâce ne saurait se mériter : elle est pur don de Dieu. Il s’agit d’une grâce transformante qui opère souverainement en celui qui la reçoit et l’introduit dans la vie unitive des mystiques. Dans son acte d’abandon du 29 mars, le P. Eymard s’est mis dans le bon plaisir de Dieu. Sur le chemin qui le ramène à sa communauté de Paris, il fera une halte à Lyon et partagera, les seules sans doute, avec Mme Natalie Jordan et sa fille Mathilde quelque chose de son expérience romaine. Par la suite, il donnera à ses communautés, tant des religieux que des Servantes, un enseignement sur le don de la personnalité, en soulignant sa spécificité – peu l’ont enseigné leur dira-t-il, - et son lien avec une vie pleinement eucharistique, Retraites aux Servantes à Nemours au mois de novembre 1866, - aux Religieux de Paris au mois d’août 1867.

    4- Le P. Eymard a vécu cette dernière période de sa vie au milieu de mille difficultés, qu’il énumère en sa dernière retraite à Saint-Maurice. Il vit alors dans la foi pure, sans aucune consolation, avec la seule certitude de sa foi et de son amour.

    Dans son exhortation apostolique La joie et l’allégresse sur la sainteté, qui vient de paraître, le pape François conclut son exposé avec cette double attitude de l’écoute et du don. Nous pouvons penser à Pierre-Julien enfant, caché derrière le tabernacle de l’autel à La Mure : Je suis près de Jésus et je l’écoute. Puis au fondateur, au sommet de son ascension spirituelle à Rome, dans ce don total de lui-même : Rien pour moi, personne. Rien par moi.- « Lui [Dieu] qui demande tout donne également tout et il ne veut pas entrer en nous pour mutiler ou affaiblir mais pour porter à la plénitude », selon les termes du pape François (n° 175).

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    André Guitton, sss
    14 avril 2018
    Chapelle Corpus Christi, Paris 8

     

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    du #JubiléPJEymard2018
    Comprendre l’Eucharistie dans sa totalité avec St Pierre-Julien Eymard         

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    Adorateurs en esprit & en vérité avec Notre-Dame du Saint-Sacrement.
    Depuis enfant, la Vierge Marie occupe une place importante dans la vie de Pierre-Julien.
    À 13 ans, il fait son second pèlerinage, seul et à pied (80km) à Notre-Dame du Laus.
    Elle le guidera fortement dans sa vocation sacerdotale, puis de religieux Mariste.
    Il choisira le vocable "Notre-Dame du Saint-Sacrement" pour la fête de la fondation de la Congrégation (13 mai 1856).
    Jusqu'à ses derniers instants elle sera là : Notre-Dame de La Salette à son agonie.
    En cette 5ème et avant-dernière catéchèse nous nous attacherons à son parcours saint avec la Vierge.
    L'adoration eucharistique qui suivra prendra la forme d'une méditation dévoilant l'intitulé de la catéchèse.

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    Neuvaine à Notre-Dame du Saint-Sacrement avec le P. Eymard
    26 mai - 3 juin (Solennité du St-Sacrement)

    Avec Hozana et la communauté de prière Saint-Pierre-Julien Eymard — Chapelle Corpus Christi Paris 8

     

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