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sacré coeur

  • Correspondances entre St François d’Assise, Ste Marguerite-Marie Alacoque & St Jean Paul II

    Présentation d’Artisans de Paix – Monastère Sainte-Claire - Paray-le-Monial
    2 premières diapos par Sandrine Treuillard – 16 octobre 2023

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  • Marguerite-Marie Alacoque & le message du Sacré-Cœur à Paray-le-Monial (1688)

    Phrase Vosation Visitandines & Jésuites.jpg

    Lettre LXXXIX

    À la Mère de Saumaise, à Dijon

    Vive † Jésus

    Juillet 1688


    JésusCentreVertical.jpg            C’est donc pour obéir à mon Souverain, ma chère Mère, que je tâcherai, lorsqu’il me le permettra, de satisfaire en toute simplicité à la demande que vous nous faites sur la continuation de ses miséricordes et libéralités. Oh ! qu’elles sont grandes, puisque souvent elles ne me laissent d’autre expression sinon de dire :
    Misericordias Domini in æternum cantabo ! Car, hélas ! que pourrais-je dire autre chose, puisque je m’en trouve tellement remplie que je ne m’en puis exprimer. Je m’en vois environnée de toute part, et je m’y sens abîmée sans pouvoir en sortir. Il me semble être une petite goutte d’eau dans cet océan du Sacré Cœur, qui est un abîme de toutes sortes de biens, une source inépuisable de toutes sortes de délices, et plus on en prend, plus elle est abondante. C’est un trésor caché et infini qui ne demande qu’à se manifester à nous, à se répandre et distribuer pour enrichir notre pauvreté. Je le prise et l’aime plus que tous ses dons, grâces et bienfaits ; je lui laisse faire en moi, de moi et pour moi selon son bon plaisir, sans regarder que lui seul, qui vaut un million de fois plus que tout ce qui est hors de lui-même. Si vous ne m’obligiez de vous en dire quelque chose, je laisserais tout dans lui qui me met dans l’impuissance de m’exprimer qu’avec ceux qu’il lui plaît, dont vous êtes du nombre.

    2-MosaïqEnsemble.jpg            Je vous dirai qu’ayant eu le bonheur de passer tout le jour de la Visitation* devant le saint Sacrement, mon Souverain daigna bien gratifier sa chétive esclave de plusieurs grâces particulières de son Cœur amoureux, lequel, me retirant au-dedans de lui-même, me fit expérimenter ce que je ne puis exprimer. Il me fut représenté un lieu fort éminent, spacieux et admirable en sa beauté, au milieu duquel il y avait un trône de flammes, dans lequel était l’aimable Cœur de Jésus avec sa plaie, laquelle jetait des rayons si ardents et lumineux que tout ce lieu en était éclairé et échauffé. La Sainte Vierge était d’un côté et saint François de Sales de l’autre avec le saint Père de la Colombière ; et les Filles de la Visitation paraissaient en ce lieu avec leurs bons anges à leur côté, qui tenaient chacun un cœur en main, et la Sainte Vierge nous invitant par ces paroles : « Venez mes bien-aimées filles, approchez-vous, car je vous veux rendre comme les dépositaires de ce précieux trésor que le divin Soleil de justice a formé dans la terre virginale de mon cœur, où il a été caché neuf mois, après lesquels il s’est manifesté aux hommes, qui n’en connaissant pas le prix, l’ont méprisé parce qu’ils l’ont vu mêlé et couvert de leur terre, dans laquelle le Père éternel avait jeté toute l’ordure et corruption de nos péchés, lesquels il a fait purifier pendant trente-trois ans dans les ardeurs du feu de sa charité. Mais voyant que les hommes, bien loin de s’enrichir et de se prévaloir d’un si précieux trésor, selon la fin pour laquelle il leur avait été donné, tâchaient au contraire de le mettre à néant et de l’exterminer, s’ils avaient pu, de dessus la terre, le Père éternel, par un excès de sa miséricorde, a fait servir leur malice pour rendre encore plus utile cet or précieux, lequel, par les coups qu’ils lui ont donné en sa Passion, en ont fait une monnaie inappréciable, marquée au coin de la divinité, afin qu’ils en puissent payer leurs dettes et négocier la grande affaire de leur salut éternel. »

    [* À l'époque, la Visitation était fêtée le 2 juillet - (ndr La Vaillante)].


    GaucheMargueriteM&Visitandines.jpg            Et cette Reine de bonté continuant à parler, dit en leur montrant ce divin Cœur : « Voilà ce précieux trésor qui vous est particulièrement manifesté, par le tendre amour que mon Fils a pour votre institut, qu’il regarde et aime comme son cher Benjamin, et pour cela le veut avantager de cette portion par dessus les autres. Et il faut que non seulement elles s’enrichissent de ce trésor, mais encore qu’elles distribuent cette précieuse monnaie de tout leur pouvoir, avec abondance, en tâchant d’en enrichir tout le monde sans crainte qu’il défaille, car plus elles y en prendront, plus elles en trouveront. »

     

    DroiteLaColombière+Jésuites.jpg            Ensuite, se tournant vers le bon Père de la Colombière, cette Mère de bonté dit : « Pour vous, fidèle serviteur de mon divin Fils, vous avez grande part à ce précieux trésor ; car s’il est donné aux Filles de la Visitation de le connaître et distribuer aux autres, il est réservé aux Père de votre Compagnie d’en faire voir et connaître l’utilité et la valeur, afin qu’on en profite, en le recevant avec le respect et la reconnaissance dus à un si grand bienfait. Et à mesure qu’ils lui feront ce plaisir, ce divin Cœur, source de bénédictions et de grâces, les répandra si abondamment sur les fonctions de leur ministère, qu’ils produiront des fruits au delà de leurs travaux et de leurs espérances, et même pour le salut et la perfection de chacun d’eux en particulier. »

     

    DroiteLaColombière+StFrançoisDeSales.jpg            Notre saint Fondateur, parlant à ses filles, leur dit : « O filles de bonne odeur, venez puiser dans la source de bénédictions les eaux de salut, dont il s’est déjà fait un petit écoulement dans vos âmes, par le ruisseau de vos Constitutions qui en est sorti. C’est dans ce divin Cœur que vous trouverez un moyen facile de vous acquitter parfaitement de ce qui vous est enjoint dans ce premier article de votre Directoire, qui contient en substance toute la perfection de votre Institut : Que toute leur vie et exercices soient pour s’unir avec Dieu. »

                Il faut pour cela que ce Cœur sacré soit la vie qui nous anime, son amour notre exercice continuel, qui seul nous peut unir à Dieu, pour aider par prières et bons exemples la sainte Église et le salut du prochain. Et pour cela, nous prierons dans le Cœur et par le Cœur de Jésus, qui se veut rendre derechef médiateur entre Dieu et les hommes. Nos bons exemples seront de vivre conformément aux saintes maximes et vertus de ce divin Cœur de Jésus-Christ dans celui des fidèles, afin que nous soyons la joie et la couronne de cet aimable Cœur.

     

    JésusZoom+PersonnagesImportants-2.jpg            Après tout cela, tous les bons anges s’approchèrent pour lui présenter ceux qu’ils tenaient, qui ayant touché cette plaie sacrée devenaient beaux et luisants comme des étoiles. Il y en avait d’autres qui n’avaient pas tant d’éclat ; mais il y en eut plusieurs dont les noms demeurèrent écrits en lettres d’or dans le Sacré Cœur, dans lequel quelques uns de ceux dont je parle s’écoulèrent et abîmèrent avec avidité et plaisir de part et d’autre, leur disant : « C’est dans cet abîme d’amour où est votre demeure et repos pour toujours. » Et c’était les cœurs de ceux qui ont le plus travaillé à le faire connaître et aimer, dont il me semble, ma chère Mère, que le vôtre était de ce nombre. Pour les autres, je n’expliquerai pas l’intelligence qui m’en fut donnée, car je suis déjà trop longue en cette lettre, et puis je crois que vous l’entendrez assez. Je vous dirai seulement que ce divin Cœur vous récompensera, non seulement en votre personne, mais aussi en celle de vos proches, qu’il regarde d’un œil de miséricorde, pour les secourir en tous leurs besoins, pourvu qu’ils s’adressent à lui avec confiance, et il aura une éternelle mémoire de tout ce qu’ils font pour sa gloire. J’espère que vous ne me refuserez pas la grâce de procurer quinze messes pour feu M. de la Michaudière, en l’honneur du Sacré Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, après lesquelles il me semble qu’il vous sera un avocat puissant dans le ciel et à toute votre famille proche de ce divin Cœur.

                            D.S.B.  



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    Visitation Sainte-Marie, Paray-le-Monial

    Lettre extraite du Tome II
    de Vie et œuvres - Sainte Marguerite-Marie
    Éditions Saint-Paul, 1991

     


    Photographies : Mosaïque de Mauméjean, 1932 - Chapelle de La Colombière - Paray-le-Monial
    ©Sandrine Treuillard, 2015

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    La France & le Sacré Cœur

     

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  • Introduction aux ÉLÉVATIONS sur la prière au Cœur Eucharistique de Jésus

                Sophie Prouvier (1817-1891) écrivit la prière au Cœur Eucharistique de Jésus en 1854, suite à la révélation du 22 janvier, réitérée par Jésus au tabernacle le 1er septembre 1854, dans la chapelle Notre-Dame du Refuge de l’Hôpital Saint-Jacques, à Besançon.

                Elle en écrivit les commentaires seulement quatre ans avant sa mort, dans les circonstances suivantes :

                En octobre 1886, stimulée par un père supérieur à écrire ses « méditations sur la prière au Cœur Eucharistique de Jésus d’après les lumières et les inspirations de Notre-Seigneur »*, et encouragée à faire retraite par le père Bailly, Sophie Prouvier (Mère Marie de l’Eucharistie dans la Société des Vierges de Marie et de Jésus) « se retira donc dans un petit appartement situé rue Jean de Bologne, près de l’église de Passy.** » Dès le lendemain de son entrée en retraite elle écrit : « Oui, une retraite qui durera 10 jours et ne se terminera pas. Je prendrai note durant cette nouvelle étape de mon existence, des grâces que certainement j’y recevrai et des peines que sans doute j’y endurerai. » « Les unes et les autres furent nombreuses durant ces quelques mois. »

                Mère Marie de l’Eucharistie dut rompre sa solitude pour le Chapitre Général de l’Institut et fut réélue à l’unanimité Supérieure Générale de la Société des Vierges de Marie et de Jésus, le 2 août 1887. Juste après, elle reprit le travail des commentaires « qu’elle avait forcément interrompu » consacré aux Élévations sur la prière au Cœur Eucharistique. « Il se fit au milieu d’une souffrance morale intense et de pénitences excessives pour obtenir la lumière d’en-haut. Elle ne put achever et versa, comme elle le dit elle-même, « des larmes bien amères sur le deuil de son cœur. » Exténuée de fatigue et d’impuissances, écrit-elle le 21 décembre 1887, je viens de plier mes papiers et d’ensevelir tout ce qui concerne ces pauvres pages sur la prière au Cœur Eucharistique… Je ne crois pas avoir éprouvé pareille souffrance depuis mon premier travail des Constitutions. » Et dans son humilité elle ajoutait : « Oui, je me suis rendue indigne d’achever cette œuvre… » »

                N’empêche que le père dominicain Régis Garrigou-Lagrange en apprécia beaucoup la valeur théologique à tel point qu’il en préfaça la première publication, en 1926. Voyons ce qu'il nous dit de cette prière…

    * Les citations entre guillemets proviennent de la préface de la publication Vie de la Révérende Mère Marie de l’Eucharistie (1934), écrite par une religeisue de l'Institut et interne à la famille spirituelle fondée par Mère Marie de l’Eucharistie (Sophie Prouvier).

    ** Passy a d’abord été un village devenu un quartier du 16e arrondissement de Paris, en 1860.

    Tabernacle+autel ND Refuge.jpg

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  • Qu'est-ce que le culte du Cœur Eucharistique de Jésus ?

    Extraits de la Préface du Père dominicain Régis Garrigou-Lagrange aux Élévations sur la prière au Cœur Eucharistique de Jésus de Sophie Prouvier (première publication Éditions de la Vie Spirituelle, Saint-Maximin, 1926. Seconde impression sur laquelle nous nous appuyons : Atelier du Monastère Sainte-Catherine de Langeac, 2018.)

    N.B. : Pour des raisons pédagogiques, nous adoptons ici des différenciations typographiques : gras, souligné, italiques…

     

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  • Cœur Eucharistique de Jésus – Élévations de Sophie Prouvier

    Bannière Cœur Eucharistique de Jésus.jpg

    Sur cette nouvelle page enrichie, nous vous proposons de découvrir
    la dévotion au Cœur Eucharistique de Jésus
    (révélation au Tabernacle en 1854)
    par les Élévations sur la prière au Cœur Eucharistique de Jésus
    de Sophie ProuvierMère Marie de l'Eucharistie – à Besançon.

    EN LIEN AVEC LA COMMUNAUTÉ DE PRIÈRE SUR HOZANA :
    https://hozana.org/community/10595/coeur-eucharistique-de-jesus-elevations-de-sophie-prouvier

     

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  • La branche d'hysope - Les Larmes de Pierre & La Visitation

    Méditation commencée avec la peinture reproduite en couverture de la Revue Magnificat du mois de mai 2019, Saint Joseph et Jésus enfant (v. 1650), par Sebastián Martínez (1615-1667), Madrid (Espagne), musée du Prado.

    Sebastian Martinez (v.1650) - Prado.jpg

    La branche d’hysope

                Je vois cette branche, peut-être d’hysope, droite comme un bâton et fleurie en son extrémité. Ce bâton que Joseph semble tendre à Jésus enfant d’environ 4 ans, qui lui, tend la main vers les raisins blancs de la corbeille de fruits. Finalement, si ces fruits symbolisent sa Passion à venir, défendus pour le moment par Joseph, son père adoptif, la branche droite fleurie semble indiquer qu’il sera le Bon Pasteur des brebis que nous sommes tous. Un mystère circule entre ces deux personnes de la sainte Famille. Le regard du petit s’accroche à celui de son père ; les joues roses esquissant la gravité naissante qui va peut-être s’exhaler, dans quelques secondes, de cette bouche, de ce petit nez, en pleurs de contrariété. Mais, la lumière caressante sur ce visage transfigure la naturalité de l’enfant, le bénit : lui donne une force surnaturelle et divine. Il ne pleurera pas — comme tout enfant l’aurait fait alors —, devant les fruits défendus, le bras tiré pour interrompre son geste de saisir un grain du raisin blanc, à sa portée. Ce visage est lui-même le fruit préféré du Père, qu’il a choisi d’illuminer de sa divinité.

                Oui, la main de Joseph prend fermement le bras du jeune Sauveur, tandis que ses yeux semblent déjà plongés dans une méditation profonde, au delà du quotidien, non pas à la surface des choses, mais « méditant chaque événement en son cœur », telle Marie qu’il a prise chez lui.

                Ces échanges de regard, ce mystère enveloppant les deux figures, cette lumière dorée — qu’on dirait d’un crépuscule, d’ombres accompagnée — c’est l’amour de Dieu fait chair et présent à l’humanité. Ce mystère des regards et de la lumière donne un relief particulier à ce bâton, droit et fleuri : surnaturel.

                Oui, c’est aussi l’annonce de sa Passion, la branche d’hysope au bout de laquelle une éponge gorgée de vinaigre sera plantée, dont les lèvres du Christ en croix seront imbibées, pour seul cruel breuvage à sa soif (Jn 19,29). Ces fleurs qui remplacent l’éponge vinaigrée, sont déjà la vie. Issies du souffle de la vie que le Ressuscité répandra sur ses disciples rassemblés dans la peur au Cénacle. Et déjà sur ceux présents au pied de la Croix quand, ayant rendu son souffle au Père, son Cœur sera transpercé ; d’où jailliront les fleuves de l’eau vive de son Esprit.

                Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : « Tout est accompli. » Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit. (Jn, 19,30)

     

    Les Larmes de saint Pierre

                Et puis, voulant lire le commentaire de cette peinture par le rédacteur Pierre-Marie Varennes, en fin de la Revue Magnificat —que j’ai lu et qui m’a appris le sens des fruits vers lesquels la main de l’enfant est suspendue —, j’ai vu, d’abord, l’œuvre méditée sur la page de droite : Les Larmes de saint Pierre (v. 1612) par un autre espagnol, Juan Bautista Maíno, qui se trouve au Louvre.

                Oh lala ! Quelle merveille ! Avant de lire le texte, j’ai pleuré, à la vue de cette image si puissante et éloquente. Et, après avoir lu le texte, j’ai pleuré davantage.

    Les Larmes de saint Pierre Juan Bautista Maíno.jpg

                 C’est alors que j’ai repensé à ces moments si beaux avec le père orthodoxe Marc-Antoine Costa de Beauregard, à Avon chez les Carmes, le samedi 19 janvier dernier.

                Il nous était permis de lui faire parvenir de petits papiers avec des questions auxquelles il répondrait, dans le flux de sa parole sur le Grand Carême orthodoxe. C’est alors que je déchirai un morceau d’une page de mon petit carnet — celui que je porte toujours dans mon sac, au cas où —, et j’y inscrivis ceci : « Et les larmes de Pierre ? » Le père Emilian Marinescu, orthodoxe roumain qui avait invité le père Marc-Antoine, se retourna vers moi au crissement du papier, et je le lui tendis. Nous échangeâmes un clin d’œil. Quand il put le faire, il tendit mon petit bout de papier au père Marc-Antoine qui ne tarissait pas sur le sujet du merveilleux sens du carême orthodoxe.

                Il roulait le petit bout de papier entre ses doigts, tout en parlant. Tous les yeux étaient posés sur ses lèvres, sur sa barbe clairsemée de patriarche qui monte et descend sous sa bouche, quand il parle. C’est sa bouche qui produit tous ces souffles articulés et pleins d’amour…

                C’est alors que je fus doucement mortifiée… : ma question entre ses doigts, roulée, c’était un peu moi, mon ego pétri, signe de ma patience mise à l’épreuve… Allait-il enfin lire ma question avant que le papier ne devienne illisible ? Dans cette nonchalance — non pas négligence mais détachement — comme si ce papier était l’occasion d’un divertissement pour ses doigts, alors que sa parole inspirée poursuivait sa pensée —, ma patience était mise à l’épreuve, mon orgueil doucement humilié. Dans ce geste de rouler le papier entre ses doigts en un jeu sans fin répété, avec ma question inscrite Et les larmes de Pierre ?, mon ego en était secrètement mortifié : « Quand va-t-il lire ma question ? Va-t-il finir par la lire ou le bout de papier va-t-il passer directement à la corbeille ?… » Le diviseur était de la partie en moi, et personne d’autre ne le sut… Il m’empêchait de me concentrer sur ce que le père disait, focalisant toute mon attention sur cette ‘balayure’ de papier où mon ego se réduisit. Ce fut un véritable combat spirituel, en miniature…

                Mais enfin, il finit sa phrase — à plusieurs reprises il sembla finir sa pensée… La fois fut venue où ce fut la dernière phrase : il déroula le papier, ses yeux se posèrent enfin dessus. Il était à l’envers. Il dit : « Il est à l’envers ! ». Il a beaucoup d’humour, le père Marc-Antoine Costa de Beauregard. Il le retourna et le lut tout bas : « Ah ! les larmes de Pierre !… C’est très beau !… »  Et après un temps où il se laissa pénétrer par ce drame de Pierre, sa parole repris son cours de plus belle…

                Ouf ! J’étais soulagée, délivrée de mon bout de papier…

     

    La Visitation

    La Visitation d'Arcabas.jpgEn milieu d’après-midi, quand il dut repartir chez d’autres amis catholiques — en cette fin de semaine pour l’Unité des chrétiens —, je regardais les livres posés sur la table au fond de la salle — celui sur la confession orthodoxe attira mon attention. Le père Marc-Antoine allait partir, debout, dos à la porte. Je vins à lui, simplement. Et, tout aussi simplement, il m’embrassa en me prenant les mains. À ma grande surprise, il me fit ce baiser de la paix, sur les deux joues, avec ferveur et grande amitié. Ce baiser inattendu scella quelque chose au delà de nos personnes. Peut-être que saint Pierre y était pour quelque chose. En tout cas, la Paix de Notre Seigneur Jésus Christ y demeure encore… Car en Jésus Christ, vous êtes tous fils de Dieu par la foi. En effet, vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ ; il n’y a plus ni juif ni païen, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus (Gal. 3, 26-28).

                C’est ainsi que ce jour, dimanche du Bon Pasteur, me revient cette rencontre avec le père orthodoxe Marc-Antoine Costa de Beauregard et je la vois, cette rencontre, comme la figure de l’hospitalité réciproque en Jésus Christ, comme la Visitation recommencée entre la Vierge et sa cousine Élisabeth, si chère à Christian de Chergé.

                Dieu soit béni, éternellement, qui vit dans nos entrailles, celles de la foi !

     

    Jehanne Sandrine du SC & de la SE.jpg

     

     

     

    Sandrine Treuillard
    Jehanne Sandrine du Sacré Cœur & de la Sainte Eucharistie

    Dimanche du Bon Pasteur, 12 mai 2019, Vanves

     

     

     

     

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    Artisans de Paix - où le désir de rencontrer l'(A)autre

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  • La pentecôte eucharistique commence à la Croix

    Couv 1 pensée par jour PJ Eymard.JPGLe terme pentecôte eucharistique vient de saint Pierre-Julien Eymard qui l'emploie deux fois dans tous ses écrits, sans en préciser le sens. Sœur Suzanne Aylwin, Servante du Saint-Sacrement de la communauté de Sherbrooke (Canada), auteur de Une pensée par jour avec saint Pierre-Julien Eymard (éditions Médiaspaul, 2010), relève cet extrait où l'"on comprend ce qu’il entend par Pentecôte eucharistique" : 

    « L'archange ne dit pas seulement à Marie : “Le Saint-Esprit viendra en vous”, mais il ajoute : “Il vous couvrira de son ombre” [Lc 1,35]. Dieu est un feu consumant [Dt 4,24]. Quand Dieu vient en nous, il y vient avec sa nature divine et si le Saint-Esprit n'était en nous comme un voile, nous serions à l'instant consumés. Qu'est-ce qu'une paille au milieu d'un grand feu ? Que sommes-nous dans la divinité ? Le Saint-Esprit, comme une nuée, tempère ces ardeurs, n'en laisse transpirer que ce qu'il faut. Il fait comme au mont Sinaï. Il nous est nécessaire dans nos rapports avec Notre Seigneur. Notre Seigneur est homme, je le sais, mais il est Dieu aussi et nous avons besoin du Saint-Esprit pour recevoir Dieu. » (PP 32,2) 

    Pour ma part, je poursuis ma recherche pour rejoindre la pensée du Saint Esprit qu'avait le Père Eymard en méditant ce terme de Pentecôte eucharistique. Voici :

    « En cette fête de saint Maximilien-Marie Kolbe,
    nous nous souvenons du repas où le Roi des martyrs offrit sa vie pour nous
    et de la croix où il remet son esprit à son Père. »

    Sur la Croix, Jésus expire son Esprit entre les mains de Dieu le Père : son Âme monte au Ciel dans la kénose, et dans le même temps, quand le soldat romain transperce son Côté, le Sang et l’Eau s’écoulent de son Cœur pour la Terre et tous ses habitants.

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    Jésus-Christ est le médiateur sur l’ostensoir de la Croix. Cette Croix si visible sur le mont Golgotha a fait le vide autour d’elle pour ne laisser que Jean, Marie, les soldats et les deux autres larrons à son pied. Il est visible sur sa Croix mais personne ne le voit que Marie-Madeleine et quelques femmes avec Jean et Marie. Á la fois exposé aux yeux de ceux qui osent voir son supplice, et si humble. Je ne parviens pas à exprimer ce contraste que je perçois de l’humilité du Christ sur la Croix exposée. Ce qui attire à Lui tous les hommes, c’est son humilité qui est tout intérieure, dans la prière en union avec son Père. Je perçois l’amour dans cette humilité, je perçois le retrait de la prière sur la Croix. Il est là, dans le monde, avec nous et pour nous, mais Il n’est pas du monde. Il est en union avec Dieu le Père et c’est ce qui nous attire à Lui. C’est le lieu même de son retrait en Dieu qui nous attire à sa Croix. Ce n’est pas le supplice, ni même sa souffrance qui attire notre regard sur Jésus à la Croix. C’est la communion avec le Père qui nous attire. C’est cet amour que nous percevons à la Croix qui nous attire. Et c’est cet amour qui jaillit de la Croix que nous recevons. Cet amour sur la Croix nous le recevons dans la kénose du Christ quand son souffle le quitte pour le Père et que son Sang nous éclabousse de grâce. L’Eau aussi lors de la kénose de Jésus-Christ nous inonde de la lumière de son Esprit. Et nous recevons aussi son Âme quand Il rend l’Esprit, en expirant. Son Âme est répandue avec le souffle de l’Esprit dans son Sang et l’Eau issie de son Cœur sur nous. L’Esprit de vie qui planait sur les eaux au Commencement, c’est aussi l’Esprit de Jésus. Sur la Croix, l’Esprit Saint de toujours devient une personne de la Trinité, par la Vie du Christ qu’Il remet, rend à son Père et nous donne. La pentecôte eucharistique commence à la Croix. C’est quand la Terre reçoit le dernier souffle à la fois humain et divin du Christ. Á son dernier souffle, tout est accompli. Il se vide de Lui-même dans le don total. Sur la Croix, la communion trinitaire est parfaite, quand Jésus expire. Il nous distribue ses grâces en même temps qu’Il expire. Il rend à Dieu ce qui appartient à Dieu. Son Âme. Et de son Corps mutilé Il est donné tout entier aux hommes dans la merveille eucharistique de sa kénose où le don de son Sang et de l’Eau baigne dans la lumière de son Esprit. Son Âme est auprès du Père et pourtant, son Âme est partout depuis cette pentecôte eucharistique de la Croix. Elle rayonne depuis la Croix. Depuis la Croix nous pouvons la recevoir si nous levons les yeux vers elle. Son Corps saint ne cesse de nous inonder de sa grâce, de sa lumière d’amour. Lors de l’adoration eucharistique, nous adorons sa Croix. Nous ne cessons pas de recevoir son Esprit depuis la Croix, depuis ce moment de la Croix chaque fois que nous tournons notre visage vers Lui, Jésus Eucharistie.

    Jehanne Sandrine du SC & de la SE.jpgSandrine Treuillard  —  Sury-ès-Bois, le 14 août 2017

    Engagée dans la Fraternité Eucharistique, de 2015 à 2018,
    branche laïque de la Congrégation du Saint Sacrement (sss),
    rattachée à la Chapelle Corpus Christi, 23 avenue de Friedland, Paris 8.

     

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    Saint Pierre-Julien Eymard, Prophète de l'Eucharistie, un saint d'avenir

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    Prier avec Hozana & la Communauté St Pierre-Julien Eymard - Prophète de l'Eucharistie 

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  • L'adoration eucharistique assume toute ma chair et ma psychologie pour la tourner vers Dieu

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurL’Eucharistie et la guérison

    Enseignement par le Père Nicolas Buttet, fondateur de la Fraternité Eucharistein,  pendant le Congrès sur l'Adoration Eucharistique, Adoratio 2017, avec pour thème "Adorer au Cœur du Monde".

     

     

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurPremière réflexions introductives. D’abord, on a beaucoup de confusion entre la santé et le salut. Finalement ce que nous désirons profondément c’est être sauvés, c’est la vie éternelle. Et puis, on a reporté aujourd’hui, un petit peu, sur la santé la quête de vie éternelle. Il y a une sorte d’obsession de la santé et une sorte de désaffection pour l’idée du salut, de la rédemption, de la vie éternelle, de sorte que, finalement, on estime plus important parfois la santé que le salut. Il ne faut pas opposer l’un à l’autre. Dans le livre des Chroniques on nous dit que Asa eut les pieds malades, une maladie très grave, et même alors il n’a pas recourt dans sa maladie au Seigneur, mais aux médecins seulement. Il ne va pas chez le Seigneur, il est malade, ça ne va pas bien du tout et il ne va pas chez le Seigneur. C’est quand même terrible. Et puis, inversement, dans l’Évangile de saint Marc, on nous parle de cette femme atteinte d’hémorragies et elle avait beaucoup souffert de nombreux médecins et elle avait dépensé tout son avoir sans aucun profit, même que ça allait pire après, qu’avant. Elle va vers Jésus et elle va être guérie. Alors, pour la petite histoire, saint Luc ne parle pas qu’elle avait souffert des médecins. Comme il était toubib lui-même, il ne voulait pas d’ennui avec la profession, il dit juste que c’était compliqué pour elle. Donc, on se rend compte que, tout d’un coup, on a une frontière un peu particulière et saint Augustin nous dira : « Quelques fois le médecin se trompe en promettant au malade la santé du corps. Dieu te donne, à toi qu’il a fait, une guérison certaine et gratuite. Le Christ est à la fois le médecin des corps et des âmes. Dieu guérit parfaitement toute maladie, mais Il ne guérit pas sans le malade. » Première remarque dans cette relation santé/salut qu’il s’agit de bien intégrer.

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurDeuxième remarque : Est-ce que le malade doit être guérit dans la Bible ? Comme être vivant ou mort, ce n’est pas tout à fait ce qu’on croit. Évidemment la frontière ne passe pas entre une santé physique ou psychique et une maladie physique ou psychique. Elle passe entre être avec Dieu ou être sans Dieu. Quand quelqu’un est avec Dieu, même s’il est malade il est en bonne santé, quelque part. Quand quelqu’un est mort avec Dieu, Dieu lui parle. Á Lazare, vous imaginez !, le frère de Marie-Madeleine. Ça fait quatre jours qu’il est au tombeau, ça sent déjà mauvais et Jésus lui dit : « Sors ! ». On ne parle pas aux morts ! Alors que, à Hérode qui vient lui poser des questions à sa Passion, il ne répond pas parce qu’il est déjà mort dans le cœur. Il y a des vivants qui sont morts, il y a des morts qui sont vivants. Et finalement la frontière n’est pas tout à fait là où on pense qu’elle est. Finalement, au cœur de tout ça, c’est la présence de Jésus. Quand Mère Teresa était malade à l’hôpital, pour une nouvelle crise cardiaque qu’elle venait de faire, le médecin hindou dit au prêtre qui était à côté de Mère Teresa : « Père, allez vite chercher la petite boîte ! ». Le prêtre dit : « La boîte de médicaments ? Quel médicament ? Quelle boîte ? ». « Mais non ! La petite boîte qu’ils apportent et qu’ils mettent dans sa chambre. Quand la boîte est là, Mère Teresa la regarde tout le temps. Si vous la mettez, l’apportez dans sa chambre, elle sera toute calme. » Le prêtre a compris qu’il s’agissait du Tabernacle, la Présence réelle. Et le médecin rajoute : « Quand cette boîte est là dans sa chambre elle ne fait que regarder, regarder, regarder encore cette boîte. » Et donc Mère Teresa avait la grâce d’avoir la Présence réelle dans sa chambre d’hôpital. Et quelque fois Dieu a des manières assez surprenantes de nous voir. Je prends un exemple : Dans les Actes des Apôtres vous savez qu’il y a cet eunuque éthiopien, premier ministre de la reine d’Éthiopie qui retourne chez lui depuis Jérusalem et qui est en train de lire, seul. Alors, il faut s’imaginer ce qu’est un eunuque. C’est une personne qui ne peut plus avoir d’enfant. Dans la tradition antique la postérité était capitale. C’était une façon d’exister socialement. C’est la seule façon d’exister. C’est une sorte de malédiction de ne pas avoir de descendance. Il avait tout le pouvoir politique qu’il voulait. Il avait la reconnaissance de la reine et des gens qui s’inclinent et lui font des courbettes. Mais fondamentalement son être humain est complètement atrophié et sa suite n’est pas là. Il est en train de lire un texte un peu particulier quand Philippe le rattrape. Ce texte que l’on retrouve dans les Actes des Apôtres et qui est une citation du prophète Isaïe : « Dans son humiliation,  ̶ c’est le même mot qui est utilisé en grec pour parler de l’humiliation de Marie : « Il a baissé les yeux sur l’humiliation de sa servante » ­­ ̶  son jugement a été levé et sa postérité, qui en parlera ? ». Donc, il a un texte où lon parle de la postérité. Le type est seul sur son char, il va faire des jours de voyage, et Dieu vient mettre le doigt en plein où il a mal. Ta postérité, qui est-ce qui va en parler, un jour ? Non Seigneur, on ne veut pas de ça, pas de ça ! Ma postérité, c’est mon drame secret. C’est mon infirmité. C’est la question qui me travaille en permanence et quand je suis seul en silence, c’est ça qui me fait mal. « Ta postérité, qui en parlera ? » Et Dieu dit : c’est justement là que je vais te rejoindre. C’est dans cette question-là. Dans cette souffrance-là. Dans ce drame de ta vie. Dans ce qui fait, finalement, la vraie question de ton existence. Tu n’auras pas de postérité. Ton pouvoir c’est bien, ton avoir c’est bien, tout ça c’est bien, mais il y a une chose à côté de laquelle tu es en train de passer. Et Dieu lui dit ça et met le doigt en plein où ça fait mal, pour lui dire c’est là que je te rejoins et c’est là que je vais t’apporter la guérison. Et la guérison ce n’est pas qu’il aura une postérité. La guérison c’est qu’il va être investi par la grâce de Dieu en raison même de cette fêlure et c’est là qu’il va recevoir le baptême que Philippe va lui donner. Vous voyez, quelque part Dieu vient nous rejoindre, et c’est ça l’adoration eucharistique, on en reparlera tout à l’heure…

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurTroisième remarque : Je crois que l’adoration répond aussi à ce grand appel de Jésus : « Venez à moi vous tous qui peinez et ployez sous le poids du fardeau je vous soulagerai. Mettez-vous à mon école, prenez mon joug, apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur et vous trouverez le soulagement. Oui, mon joug est aisé et mon fardeau léger. » Qu’est-ce que le joug dans la tradition antique et aujourd’hui encore d’ailleurs ? Le joug c’est ce qui permet d’unir deux animaux afin de labourer plus facilement le champ. Le joug n’est pas un fardeau qui pèse, le joug est un moyen d’alléger le travail, de rendre plus facile le travail. Si un bœuf laboure seul le champ, c’est difficile, s’ils sont deux, avec le copain à côté, le pote, avec le joug qui les unit, c’est plus facile. Le joug est une façon d’alléger l’épreuve et la souffrance. Jésus nous invite à venir nous unir et ce joug c’est l’Esprit Saint que Jésus nous donne en permanence au Saint Sacrement. Á sainte Gertrude d’Helphta Jésus disait : « Là, dans l’Eucharistie, dans la généreuse bonté de mon cœur, je guéris les blessures de tous les hommes, je procure le soulagement aux pécheurs, j’enrichis la pauvreté par les dons et les vertus, et je console chacun dans ses épreuves. » Il y a dans cette expérience que là, devant Jésus, je vais pouvoir trouver la guérison. Là, devant Jésus, je vais pouvoir venir déposer mon fardeau pour prendre son joug, c’est-à-dire avoir son secours et son aide qui, joints à ma propre responsabilité, mon propre effort, va me permettre de sortir de cette épreuve dans laquelle je suis plongé. D’être là avec ce cri : « Toi seul, Seigneur, peut me sauver ! » Saint Pierre dira : « Lui-même a porté nos péchés dans son corps, sur le bois, afin que morts à nos péchés nous vivions pour la justice. Par ses blessures nous trouvons la guérison. » Et ce corps du Christ vivant ressuscité mais stigmatisé, on pourrait dire, dans l’humilité de la présence sous l’apparence du pain, est un lieu permanent de perfusion de l’Esprit Saint et de perfusion de la vie divine par nos propres fêlures qui passent par ses propres fêlures à Lui.

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurUn dernier point, quand même : Guérir ou soigner ? Un médecin ne peut pas guérir, il ne peut que soigner. Tout thérapeute ne peut que soigner. Il ne peut pas guérir. La guérison est un processus propre du corps, un processus qui ne peut revenir qu’à Dieu seul, quelque part. On peut faire en sorte que le corps aille mieux par une certaine thérapie, mais le processus de guérison est impossible. Il se fait par la dynamique propre de la vie qui m’habite. Dieu seul est capable de guérir. Un médecin peut soigner. Un thérapeute peut soigner. Mais Dieu seul peut guérir. Il n’y a pas de guérison en dehors de Dieu. On peut soigner, on peut « care » disent les anglais, on peut prendre soin, mais on ne peut pas guérir fondamentalement, puisque le processus de guérison ne dépend pas des médicaments ou de la thérapie, il dépend du processus propre, de dynamiques soit du corps, soit de la psychologie de la personne. Tous les thérapeutes en psychologie, en psychiatrie, savent bien que finalement s’il n’y a pas une collaboration de la personne, un oui de la personne, il n’y a pas de processus de guérison possible. Ultimement, c’est cet acquiescement de la personne qui va amener à ça.

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurDéjà les juifs avaient compris que tout ce mystère se jouait autour du pain, puisqu’il y avait un pain particulier, un pain azyme, la matsa shemoura, qui était un pain extrêmement important. « Matsa » c’est le pain azyme, « shemoura » veut dire surveiller. On surveillait attentivement toute la fabrication et toute la cuisson et puis là, autour… Ce pain était servi dans le remake, ou l’after de Pâque et on dit que c’était le pain de la foi et de la guérison. Déjà dans la tradition juive on avait l’idée qu’autour du pain de la foi se jouait la guérison.

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurDonc Jésus est présent, Jésus est là, il est présent partout, c’est sûr… Un jour on demandait à une classe d’enfants : « Où est Jésus ? » « - Dans mon cœur ! » Un autre dit : « Á l’église, au Tabernacle ! » « - Oui, très bien ! » « - Au milieu de nous, quand deux ou trois sont réunis en son nom ! » « Très bien ! » « - Moi monsieur, moi monsieur, j’sais ! » « - Il est où ? » « - Á la salle de bain ! » « - Á la salle de bain ! ?? Pourquoi tu dis ça ? » « Ben, chaque matin quand maman fait sa toilette et que papa est devant la porte il tape, il tape et il dit : « Bon Dieu ! T’es encore là ! ». Non, Dieu n’est pas étranger à nos vies, mais il y a un lieu dans lequel Il veut être, corporellement présent et c’est ça qui change tout, corporellement présent, c’est au Saint Sacrement. Il est là réellement, spirituellement et corporellement. Charnellement présent, réellement présent.

    Alors, j’aimerais voir quatre aspects, rapidement. Le premier aspect est un aspect plus théologique : Comment l’Eucharistie devient un lieu de guérison. Deuxièmement un aspect plus anthropologique, humain : Comment l’Eucharistie est un lieu de guérison très personnel, très concret. Troisièmement : Comment l’Eucharistie peut être une guérison politique, économique, cosmique, si j’ose dire. Et dernièrement : Comment l’Eucharistie est déjà une préfiguration de la guérison ultime qu’est la parousie, la venue en gloire du Christ.     

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurLe premier point. Comment l’adoration eucharistique est au cœur du drame de l’humanité. Le drame de l’humanité c’est le péché. La folie d’amour de Dieu c’est la création, c’est la rédemption qui va s’en suivre, bien sûr, mais le drame, c’est le péché. Et le péché, nous dit saint Thomas d’Aquin, c’est se détourner de Dieu pour se tourner vers la créature. C’est ce mouvement fou de l’homme qui préfère la créature au Créateur. Ou qui n’aime pas les créatures sous le regard du Créateur. Parce qu’il ne s’agit pas de rejeter la créature mais de voir les créatures en tant que don du Créateur et de voir le Créateur toujours là en premier. Comme dit le vieux proverbe chinois : « Quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt. » Ou alors, dans une classe, on demande : Mais d’où vient le lait ? Et un enfant dit du berlingot, de la brique. Oui, c’est vrai, mais il y a peut-être une vache derrière… Donc, nous sommes un peu bloqués sur les créatures sans voir qu’il y a un Créateur derrière. Alors, l’adoration va se mettre là : quand nous nous mettons en adoration, nous proclamons la source, nous proclamons Dieu. Nous renversons ce mouvement du péché qui est de préférer la créature au Créateur pour dire que je préfère le Créateur et le Rédempteur à la créature. Je viens affirmer de manière profonde et forte que le Créateur est au cœur de ma vie, de mon existence. Le péché me replie sur moi-même, l’adoration, disait le pape Benoît XVI, est une extase, une sortie de soi, là où les yeux m’amènent. Il y a un grand guide de montagne, René Desmaison, qui répondait à pourquoi vous êtes monté sur des montagnes, à faire des choses folles ? Il disait : « Je voulais marcher là où mes yeux me portaient. » Je voulais poser mes pieds là où mes yeux m’avaient attiré. Eh bien, voyez-vous, l’adoration, c’est ça : je regarde Jésus. Et je veux être là où est celui que je contemple. Je suis en extase de moi-même qui me met en exode de moi-même. Benoît XVI va dire : « L’extase initiale se traduit dans un pèlerinage, un exode permanent allant du je enfermé sur lui-même vers sa libération dans le don de soi. Et précisément ainsi vers la découverte de soi, plus encore, vers la découverte de Dieu. » Donc de l’exode à l’extase. Et de l’extase à l’exode. Je sors de moi, je suis en sortie de moi vers ce Dieu. Ça c’est le renversement du mouvement du péché. Le péché. Le péché me replie sur moi-même, me replie sur mon ego, m’enferme en moi-même dans l’enfermement,  ̶  et dans enfermement il y a lenfer aussi, vous voyez, une fermeture totale. Ça cest le drame qui peut sexprimer de manière spirituelle, de manière psychique, psychologique, de manière égoïste, pécamineuse, sans souci de l’autre et Dieu va briser ce mouvement pour me mettre hors de moi. Le pape François disait : « C’est dans le don de soi, dans le fait de sortir de soi-même que se trouve la véritable joie et que par l’amour de Dieu, le Christ, lui, a vaincu le mal. » Même des gens comme Boris Cyrulnik, psychiatre athée, d’origine juive, qui dit, mais écoutez : « La seule guérison possible dans les grands traumatismes c’est de sortir de soi et de regarder à l’extérieur. » Ce que le bon sens a compris, l’Eucharistie nous permet de le vivre, l’adoration eucharistique nous permet de le vivre. Sortir dans un exode qui nous tourne vers le Rédempteur qui est là, qui lui-même nous envoie vers les plaies de nos frères et sœurs. Un petit enfant disait un jour : « Cher Dieu, ça doit être difficile pour toi d’aimer toutes les personnes du monde. Il n’y en a que quatre dans notre famille et je n’y arrive jamais ! » Dieu nous amène à partir de cette extase vers Lui dans un exode et de l’exode vers Lui, un mouvement, se mettre en route, sortir de ma terre pour aller vers la terre de Dieu, sa terre charnelle qui est Présence au Saint Sacrement, et de là, aller vers la chair de mes frères et sœurs souffrants pour semer cet amour que Lui-même me donne.

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurDeuxième aspect important, théologique : Vous savez que l’on dit que l’Eucharistie est la prolongation de l’action de grâce pour la communion et la préparation dans le désir de la communion suivante. Ce qui est vrai théologiquement. Mais Benoît XVI avait souligné un aspect très important. Il disait déjà que, d’un point de vue naturel, l’homme est appelé à vivre dans la justice, qui est une vertu, et la justice consiste à rendre à chacun ce qui lui est dû. Or, il y a un premier élément constitutif de la vertu de justice, qui s’appelle la vertu de religion. D’un point de vue philosophique les grecs en ont parlé quatre siècles avant Jésus-Christ, soit cinq siècles, même, qui consiste à rendre à Dieu un culte d’adoration, d’action de grâce et de louange car il est la source de tout bien et à cette hauteur de tous les biens, on va lui rendre l’adoration, l’action de grâce et la louange qui lui est due. Eh bien voyez-vous, l’adoration eucharistique permet de remplir ce devoir fondamental de l’être humain à l’égard de son Dieu Créateur, de lui rendre ce qui lui est dû : l’adoration, la louange et l’action de grâce. De sorte que Benoît XVI pouvait même dire que, quelque part, avant même, du point de vue non pas de l’ordre chronologique, où l’Eucharistie, la messe, précède l’adoration, mais du point de vue de l’excellence, l’adoration précède encore tout. Et l’adoration est l’accomplissement du devoir premier du cœur de l’homme, en justice. Et je crois que c’est important de revenir à cela.

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurSaint Augustin disait que « personne ne mange cette chair sans auparavant l’avoir adorée. Nous pécherions si nous ne l’adorions pas. » Alors lui il l’entendait de manière très concrète puisqu’on communiait dans la main. On va recevoir le corps du Christ, on va L’adorer avant de Le porter à sa bouche. C’est ce que disait saint Augustin dans cette façon de faire. Mais profondément, cite Benoît XVI, il va faire précéder dans l’ordre de l’excellence l’adoration par rapport au reste pour montrer que c’est le premier devoir de l’être humain, en justice, que de dire : « Mais Dieu, Tu es mon Seigneur et mon Tout ! » Et donc de s’amener vers la gratitude et l’action de grâce, de dire merci. De dire merci à Dieu. C’est le mot efcharisto. Eucharistie ça veut dire merci. C’est l’attitude de l’homme qui dit merci, tout bien vient de Toi. L’ingratitude, l’acharistia en grec, est une catastrophe. Et l’eucharistia est le chemin de la délivrance. Même psychologiquement, aussi aujourd’hui. On se rend compte que la chose la plus importante pour vivre, dans la psychologie positive, c’est de dire merci, d’être dans l’action de grâce. Ceux qui rouspètent tout le temps, ceux qui marmonnent tout le temps, ceux qui sont dans la plainte tout le temps, dans le murmure, eh bien, c’est une tragédie. Le peuple hébreu quand il a commencé à murmurer, plutôt que de traverser le désert en quarante jours a mis quarante ans. Ce n’est pas très agréable, ça fait un peu plus long, vous voyez. Refusant l’eucharistie, ils sont enfermés dans l’acharistia et donc se sont retrouvés dans cette tragédie du murmure perpétuel. Eh bien, l’adoration eucharistique nous sort et nous disons : « Merci à toi Jésus, Gloire à Toi, Gloire à Toi ! » Donc, de sorte qu’à l’adoration on ne commence pas par soi mais on commence par le Christ : Ô Jésus, Toi, Toi, Toi… Vous voyez, ce mouvement de sortie de soi. Il y a un très beau conte soufi de la tradition mystique musulmane : c’est un fiancé qui rentre d’un long voyage et il se réjouit de rencontrer sa fiancée. Il frappe à la porte et la voix aimée à l’intérieur dit : « Mais qui est-ce ? » Il dit : « C’est moi, je suis ton fiancé, ça y est, je suis revenu ! C’est moi ! » La porte ne s’ouvre pas. Il se dit : « Mais ce n’est pas possible ! Elle n’a pas pu m’oublier, elle n’a pas pu m’abandonner… » Alors, il va dans le désert, il prie, il réfléchit, il jeûne. Il revient quelques jours plus tard, il frappe à la porte. La même voix aimée, dedans, dit : « Qui est-ce ? » Il dit : « C’est moi, je suis ton bien-aimé, je suis ton fiancé, je suis revenu du long voyage. Ouvre-moi ! » Et la porte ne s’ouvre pas. Alors il repart dans le désert, il prie, il jeûne, il réfléchit et il revient. Une troisième fois il frappe à la porte. La même voix aimée : « Mais qui est-ce ? » Á ce moment-là il va dire : « C’est toi, ma bien-aimée, c’est toi ! » Et la porte s’ouvre. Vous voyez, l’adoration eucharistique nous fait passer du moi à toi. Un philosophe juif et poète à sa manière, Martin Buber, a fait un poème extraordinaire. Du, qui veut dire en allemand toi. En haut Toi, en bas Toi, à gauche Toi, au-dessus Toi, dans le malheur Toi, dans la joie Toi, Toi, Toi, Toi, rien que Toi, uniquement Toi.  Eh bien l’adoration c’est ça, voyez-vous… Je passe du je au Toi.

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurPeut-être un autre point très important dans l’adoration eucharistique, que j’aimerais soulever… Saint Thomas d’Aquin nous dit qu’il y a deux drames qui rongent le cœur de l’homme. C’est la présomption et le désespoir. La présomption c’est croire qu’on peut faire par nous-même les choses. Et le désespoir, c’est se retrouver dans cette pauvreté, cette vulnérabilité où on ne sait plus où donner de la tête, jusqu’à la dépression. Et saint Thomas d’Aquin dit que la présomption et le désespoir sont les deux péchés contre la vertu d’espérance. Ah, c’est intéressant, la vertu d’espérance ! Et l’espérance, dit-il, se nourrit de la prière. Et la prière en particulier du Notre Père qui es au cieux. Or, saint Paul nous dit que personne ne peut dire Abba, Père, sans la puissance de l’Esprit Saint. Or, il se trouve une chose incroyable : l’Eucharistie est justement le lieu de la pentecôte perpétuelle. Saint Jean Chrysostome, un père de l’Église, disait que, à l’origine, la Pentecôte n’était pas qu’un fait initial, c’était un mouvement qui avait été inauguré une fois et que Dieu ne cessait pas de donner l’Esprit Saint, et que l’Esprit Saint est un jaillissement permanent du Cœur eucharistique de Jésus. Il y a deux Pentecôte, on les connaît tous : celle de saint Luc dans les Actes des Apôtres cinquante jours après Pâque, où une flamme arrive, où l’Esprit Saint arrive, de grands signes et de grands phénomènes, avec les flammes sur la tête des apôtres. Ils sortent, Pierre fait un sermon et trois mille conversions. Un ami prêtre m’a dit un jour : « Tu te rends compte ! Un sermon, trois mille conversions ! Moi, trois mille sermons et pas une conversion ! » Je dis : « Non… Le Seigneur travaille quand même, pas de souci ! » Voilà. Et il y a une Pentecôte dont on parle moins, c’est la Pentecôte de saint Jean. Saint Jean ne situe pas la Pentecôte de la même manière que saint Luc, mais pour Jean la Pentecôte est immédiatement à la Croix. Au dernier jour de la fête de Soukkot, la fête des Tentes, où le peuple juif vivait sous des tentes en dehors de leur maison, rappelant le séjour au désert, le dernier jour il y avait un rite particulier où le grand prêtre descendait à la fontaine de Siloé, qui était la seule fontaine jaillissante d’eau vie à Jérusalem. Le reste c’était des puits. Il allait chercher l’eau vive, l’amenait sur l’autel du Temple pour verser l’eau en offrande. Et à ce moment-là, dans une acclamation,  ̶  le commentaire du Talmud dit qui n’a pas vu la joie de la fête de l’eau qui clôt la fête des Tentes ne peut pas connaître la joie. C’était l’apothéose de la joie.  Et Jésus crie à ce moment-là : « Si quelqu’un a soif qu’il vienne à moi, car il est écrit de son sein jaillira l’eau vive. Il parlait de l’Esprit Saint qui jaillirait de son côté, à sa glorification », c’est-à-dire au moment de la Pâque. Donc, pour saint Jean le Cœur ouvert du Christ est la Pentecôte. Or, le Cœur du Christ ne cesse de palpiter au Saint Sacrement. Et l’Esprit Saint ne cesse d’être donné. De sorte que, en l’adoration eucharistique, Dieu vient me libérer de la présomption et du désespoir. Qui suis-je pour, pardonnez-moi l’expression un peu directe, me la péter devant le Bon Dieu, au Saint Sacrement ? Qui suis-je pour avoir quelque sentiment d’orgueil devant Jésus au Saint Sacrement ? Lui, le Tout-puissant s’est fait dans une telle vulnérabilité, sous l’apparence d’un bout de pain inerte, et c’est Dieu qui est là. Et en même temps qui suis-je pour désespérer, puisque la grâce m’est donnée. Puisqu’Il s’est revêtu de mon humanité, Il a pris l’humilité de descendre et vient aux tréfonds me rechercher et m’empoigner. On a accueilli une fille chez nous qui avait fait cinq tentatives de suicides, des violences extrêmes, la drogue depuis douze ans, son copain était un dealer qui s’est fait assassiné, dans la rue comme ça… Enfin voilà, c’était vraiment un truc incroyable. Et quand elle a débarqué chez nous, elle était en hôpital psychiatrique juste avant. Elle avait fracassé l’infirmière qui était venue lui faire une piqûre de calmants, du coup l’infirmière avait dû être hospitalisée pour coups et blessures. Elle avait quinze ans, on ne savait plus que faire d’elle. Alors on l’a amenée chez nous. Un jour elle a pété les plombs, c’était horrible. Et puis elle me dit : « J’me casse ! » J’dis : « Écoute, de toute façon il n’y a plus personne qui peut te supporter ici, donc… Mais avant, on cause. » Et puis elle me dit : « J’ai pas envie de parler avec toi, tu dégages, connard ! »  Très bien. Alors j’dis : « Mais on cause. » Alors je la poursuis, j’arrive à la chambre, elle m’envoie la porte à la figure, je bloque la porte. Je dis : « Écoute, j’ai dit qu’on causait ! » Elle me dit : « T’as pas l’droit de rentrer ici ! » J’dis : « Écoute, c’est ni chez toi, ni chez moi, c’est chez le Bon Dieu, donc on est chez le Bon Dieu tous les deux. » Elle commence à faire sa valise. Á ce moment-là je ferme la valise, je m’assieds dessus, j’dis : « J’t’ai dit qu’on causait avant que tu te casses, quoi ! » Et là, elle vient vers moi avec le poing comme ça, vous savez… Alors j’enlève vite mes lunettes parce que j’me dis qu’il vaut mieux un œil au beurre noir qu’un œil crevé. Et elle s’arrête à ça de moi avec le poing ! J’étais très content, d’ailleurs. Et elle me dit : « Mais pourquoi je suis comme ça, Nicolas ? » « Ah !, j’dis, ça c’est une très bonne question, assied-toi. » On a passé un long moment à discuter, et puis à la fin, elle me dit : « J’fais quoi, maintenant ? » « Si tu veux t’casser, tu veux t’casser… Á moins que tu aies une autre idée, maintenant. » « Tu veux que j’aille où ? » J’dis : « J’suis tout à fait d’accord avec toi, à part la rue, tu n’as rien. » Elle me dit : « Tu m’gardes encore ici ? » J’dis : « Ouais ! Mais à une condition. C’est que quand tu pètes les plombs, tu vas à la chapelle. » Elle me dit : « Non ! mais moi je n’y crois pas à ton machin de Jésus, avec ton machin blanc, là ! J’y crois rien ! » J’dis : « C’est pas ça que je t’ai dit. Je t’ai dit : Il n’y en a qu’un seul qui te supporte ici, c’est Jésus. Et la chapelle est insonorisée. Et il n’y a personne qui te supporte, par ailleurs. Donc, quand tu as envie de péter les plombs, tu vas chez Jésus péter les plombs. D’abord on n’entend pas, ensuite c’est Lui qui te supportera. » Et elle faisait ça très gentiment d’ailleurs, par obéissance. Et un jour, elle sortait de la chapelle, je la vois arriver. Je passais juste devant la chapelle à ce moment-là, c’est vraiment providentiel et elle me dit : « Aïe ! Aïe ! Nicolas ! » J’dis : « Quoi ? » « - Le cœur !... » J’dis : « Saute dans la voiture, on part à l’hôpital tout de suite ! » Je me suis dit, avec toutes les substances qu’elle a prises, le cœur est en train de… Elle dit : « Non, c’est pas ça, c’est l’amour de Jésus ! » « Ah, j’dis, c’est bon ! » Elle me dit : « Tu vois, j’ai dit à Jésus : Tu as une heure, montre suisse en main, tu as une heure pour me dire si tu existes ou pas. Soit tu existes et tu fais quelque chose, soit, s’il n’y a pas de réponse, je vais me suicider. Peut-être, si tu existes, on se retrouvera de l’autre côté. Mais moi je ne supporte plus la vie comme ça. » Elle s’est mise à genoux, une heure montre en main. Après une heure, elle s’est levée et elle a dit : « Tu n’m’as rien dit. Peut-être qu’on se reverra de l’autre côté, si tu existes. » Et à ce moment-là elle me dit : « Je ne sais pas ce qui s’est passé Nicolas, j’ai senti mon cœur brûler, je me suis effondrée au pied du… Elle était à ça de Jésus ! Á ça de l’ostensoir, au bord de l’autel, comme ça ! Elle a dit : « J’l’ai pas quitté des yeux, hein ! J’te lâche pas ! J’te lâche pas les baskets ! » Elle m’a dit : «  J’me suis effondrée là, je sors maintenant de la chapelle. Il m’a dit qu’Il existait et qu’Il m’aimait. » Elle avait des médocs à n’en plus finir. On a fait le pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle. Elle a fait un chemin comme ça. Bref, elle a fait son Bac, elle a terminé son Master en Sciences Po, croyante et tout… Avec cette expérience du Christ qui vient sauver, qui vient regarder. Tout d’un coup, entre la présomption et le désespoir, il y a le cœur de l’enfant de Dieu qui nous est restitué par l’effusion de l’Esprit Saint jaillissant du Cœur eucharistique du Christ. De sorte qu’il y a cette Pentecôte permanente qui est là, et qui fait que tout d’un coup je peux venir à ce Cœur miséricordieux.

    Á sainte Faustine Jésus disait : « Tu vois, mon enfant, ce que tu es par toi-même, la cause de tes échecs, c’est que tu comptes trop sur toi et que tu t’appuies trop peu sur moi. Mais que cela ne t’attriste pas outre mesure, je suis le Dieu de la Miséricorde, ta misère ne saurait épuiser mon Amour, puisque je n’ai pas limité le nombre de mes pardons. Sache, mon enfant, que les plus grands obstacles à la sainteté sont le découragement et l’inquiétude. Toutes les tentations réunies ne devraient pas, même un instant, troubler la tranquillité intérieure. Quant à l’irritabilité et au découragement, ce sont les fruits de ton amour propre. » Le diagnostic est clair, c’est bien, on sait où on en est.

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurUne autre chose fondamentale dans l’adoration eucharistique c’est qu’on a le choix entre adorer et idolâtrer. Le cœur de l’homme est ainsi fait qu’il ne puisse pas ne pas s’attacher à quelque chose. Qu’il ne puisse pas aller à un endroit où le sens de sa vie prend source, où il s’accroche. L’athéisme comme tel est impossible. J’aurais de toute façon une idole à la place de Dieu. Je peux être athée d’un certain Dieu, du Dieu de Jésus-Christ, je peux être athée d’un autre Dieu, peu importe… Mais je ne peux pas vivre d’un athéisme. J’aurais nécessairement quelque chose qui tient lieu : mon travail, mon sport, ma littérature, ma science, mon art, une personne, mon moi, mon ego… bref, quelqu’un tiendra lieu de Dieu qui remplira cette tâche dans mon existence. C’est subtil, parfois… Un petit enfant de cinq ans : « Maman, t’aimes mieux qui le plus au monde ? – Mais mon p’tit chou ! tu sais bien que je te préfère à tout ! – Ah, c’est là le problème, alors, maman. » C’est que tu n’as pas quelqu’un devant, qui est là et qui pourrait dire : eh bien, oui, c’est parce que j’aime Dieu en premier que je peux t’aimer toujours mieux. Donc l’idolâtrie sera toujours là et Benoît XVI disait : Enfin, avec Jésus au Saint Sacrement, on a quelqu’un devant qui plier le genou : « Celui qui plie le genou devant l’Eucharistie fait une profession de liberté. Il ne pourra plus jamais plier le genou devant quelque idole que ce soit. » Je suis libre quand je plie le genou devant Dieu, quand je m’agenouille devant le Seigneur et Sauveur, quand je me prosterne devant l’unique Seigneur. Ce geste d’adoration devient une contestation révolutionnaire face à notre monde des idoles. Adorer le Saint Sacrement, répandre l’adoration sur la terre entière devient la plus grande contestation révolutionnaire mais dans un sens prophétique et positif du terme de la révolution. Non pas dans un sens destructeur mais au contraire dans la proclamation d’un nouvel ordre du monde qui est un peu déboussolé, qui est un peu désorienté. Un monde qui a perdu l’Orient devient désastré. Il a perdu l’astre. Et c’est une catastrophe. Replier le genou devant celui qui est le Soleil levant qui porte en ses rayons notre guérison, le Christ, Soleil levant, c’est se tourner vers l’Orient, c’est réorienter le cœur de l’homme et le monde et retrouver l’astre du matin qui vient illuminer notre monde. Voilà. C’est ce renversement qui s’opère comme ça. Et je pense qu’il y a une profession de foi prophétique par l’adoration permanente du Saint Sacrement. Un jour à Lyon, un jeune qu’on avait accueilli qui s’était converti et qui allait être confirmé. Il avait invité à la fois des amis de la paroisse, des cathos bien engagés et ses amis du travail qui était athées, musulmans… Á la fin, il m’a dit : « Il faudrait que tu parles… Un petit mot comme ça, devant tout le monde… » J’dis : « Écoute, j’peux pas parler aux gens de ta paroisse de l’Emmanuel de la même manière que je vais parler à un musulman, ou à un athée… Enfin, c’est pas possible ! » Il fait : « Débrouille-toi, ça c’est ton problème, c’est pas le mien ! » C’était un hall de gymnastique, il avait mis une croix quelque part et il y avait un petit pique-nique, là, un petit buffet. Et puis… j’étais tellement perdu que je me suis prosterné devant la croix en mettant le front par terre et disant : « Jésus ! il n’y a plus que Toi qui peut me dire ce qu’il faut dire. » Je me relève. Je raconte, je ne sais pas ce que j’ai raconté… Á la fin, un monsieur vient me voir et me dit : « Voilà… j’aimerais vous dire que je suis musulman, j’aimerais devenir chrétien. » Je dis : « Ah bon ! Vous y pensez depuis longtemps ? » Il me dit : « Non, depuis tout à l’heure. » Je dis : « Quand ça ? » « Quand vous vous êtes prosterné le front par terre devant la Croix du Christ, comme nous on fait en direction de La Mecque, mais vous devant la Croix du Christ, j’ai su que vous adoriez le vrai Dieu ! » Et deux ans après il a été baptisé à Saint-Jean, à la cathédrale de Lyon. Dieu s’est servi de ce geste que j’avais fait de manière "égoïste", en disant Seigneur, moi je ne sais pas ce qu’il faut dire. Je n’avais aucune intention en posant ce geste. Dieu s’est servi de ce geste qui n’avait aucune intention. Je crois qu’il n’a pas écouté ce que j’ai dit après, il a bien fait d’ailleurs, tellement bouleversé par ce que Dieu lui avait donné, ou ce que l’Esprit Saint lui avait donné, par ce geste d’adoration. Professer le Christ dans l’adoration c’est délivrer l’homme de toutes les idoles.

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurPeguy disait : « Tous les prosternements du monde ne valent pas le bel agenouillement droit d’un homme libre. Toutes les soumissions, tous les accablements du monde ne valent pas une belle prière bien droite, agenouillée, de ces hommes libres-là. Toutes les soumissions du monde ne valent pas le point d’élancement, bel élancement droit d’une seule invocation d’un libre amour. » C’est bouleversant, ça, voyez… Donc l’adoration est là au cœur du drame de notre humanité pour renverser les choses.

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurDu point de vue anthropologique, le premier drame de l’humanité, c’est l’orgueil. Quand on est devant le Saint Sacrement exposé, quand on regarde Jésus dans son look du bout de pain, dans son apparence d’un bout de pain, dans cette vulnérabilité-là, vraiment, on est bouleversé. Le Tout-Puissant s’est fait le désarmé. Le Seigneur des armées est devenu le Seigneur désarmé. Désarmé, vulnérable, pauvre. Il ne peut même pas sortir du Tabernacle tout seul. Bon, des fois, il le fait. Avec sainte Faustine, un jour, Il débarque dans sa chambre et Il se pose sur ses mains, et dit : J’en ai marre, ici, il n’y a personne qui m’aime. Il n’y a que toi, donc je quitte cette maison et j’me casse ! Et Faustine négocie, elle dit : Tu ne peux pas Jésus, quand même, non… Il était sorti du Tabernacle, du ciboire, comme ça, et puis Il lui dit, bon, tu m’as convaincu, rapporte-moi au Tabernacle. Elle lui dit non, t’es venu tout seul, tu retournes… Il dit, non, j’y retournerai avec toi. Il lui a fait trois fois le coup comme ça. Trois fois Il lui a dit, non, je ne veux plus rester ici, ça va pas. Et trois fois Faustine dit, mais non, Jésus, écoute… Faut pas faire comme ça, elles sont bien mes sœurs quand même, tu sais…  Et donc, elle ramènera trois fois Jésus au Tabernacle. Á part ça, il a besoin des mains du prêtre ou du diacre, pour sortir, être exposé. Benoît XVI dit : « Sa façon d’être Dieu provoque notre façon d’être homme. » C’est prodigieux cette phrase, aussi. Qui es-tu devant ce Dieu pour revendiquer quoi que ce soit ? Au point que Jean-Paul II a pu dire : « La première tâche de la théologie est l’intelligence de cet abaissement de Dieu  ̶  quon appelle en grec la kénose, en français venant du grec  ̶  le Dieu qui se vide de lui-même, vrai et grand mystère pour l’esprit humain. » Dieu s’abaisse jusqu’à la Croix, jusqu’à l’Hostie. « C’est pourtant dans ce mystère de l’abaissement de Dieu que le mystère de l’homme s’éclaire totalement. Le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné. »

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurDeuxième point : l’égoïsme et le repliement sur soi. Nous sommes libres mais nous avons tous besoin d’être libérés. Si de manière générale, théologiquement, l’adoration renverse le mouvement du péché, qui est la préférence de la créature pour le Créateur, d’un point de vue très concret, l’adoration me donne ce goût de la liberté, élargit mon espace, élargit mon cœur. Dans la confiance de la présence de Celui qui me regarde et qui m’aime il y a un mouvement de libération qui peut se faire.  

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurTroisième point de ce côté-là : les troubles de l’estime de soi, les maladies du refus de vivre. Vous savez, on est très marqué par rapport à ça : Je ne m’estime pas, je ne vaux rien, je suis nul, c’est n’importe quoi, rien à foutre… C’est une fille que j’avais accueillie, qui avait fait aussi plusieurs tentatives de suicide. Qui était dans un état aussi incroyable. Elle a passé neuf nuits d’adoration. Neuf nuits de 10h du soir à 6h du matin. Sans trop y croire, d’ailleurs. Après ces neuf nuits elle m’a écrit un mot. Elle ne pouvait pas encore parler parce qu’elle était tellement blessée, traumatisée. Je lui avais dit, t’es trop cassée. Il n’y a qu’une chose qui peut te relever c’est te laisser regarder par Jésus. Elle me dit : « Mais j’y crois pas ! » « Ça fait rien, Lui croit en toi. Alors si tu veux passer une nuit d’adoration, je peux accepter. » La première nuit, de 10h du soir à 6h du matin, elle n’a pas bougé. Moi j’avais la tête qui tombait. Elle rien, rien. Je dis : « Tu peux revenir une fois, si tu veux. » Elle me dit : « Je reviens ce soir. » Je dis : « Non, pas toutes les nuits, une nuit sur deux, quand même ! » Et donc, elle a fait les neuf nuits. Elle m’a écrit : «  Tu vois, Nicolas, je me trouvais moche, nulle et conne. Et Dieu dans l’adoration m’a dit : «  Tu es belle, tu as du prix à mes yeux et je t’aime. » Et j’ai compris que ce qui compte c’est pas ce que moi je pense de moi, même pas ce que mon père pense de moi.  ̶  Qui avait dit en psychothérapie systémique : « Tu peux crever, j’en ai rien à faire », ce qui n’était pas son intention profonde, mais dans le désespoir et la souffrance qu’il avait, c’est la seule chose qu’il a pu sortir, mais elle l’a pris en pleine figure, comme une parole vraie.  ̶  Et puis, c’est pas ce que pensent les copains de moi. Ce qui compte, c’est ce que Jésus pense de moi. » Et ça a été le chemin de la libération.

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurOn est vraiment aux antipodes, dans les Métamorphoses d’Ovide, avec le mythe de Narcisse. Ovide dit : « Il meurt victime de ses propres yeux. » C’est extraordinaire : à force de regarder là-dedans, il est séduit par lui-même, il meurt victime de son propre regard replié sur lui-même. Nous, nous allons vivre du regard du Christ posé sur nous. Á l’adoration où Jésus est exposé, nous nous exposons à son regard de miséricorde. Jean-Paul II dans la Théologie du corps dit : « L’homme accueille par un regard celle qui lui est donnée. » Il y a toujours un regard qui est là, voyez-vous. Au cœur de ce mystère, il y a ce regard. François Roustang, un thérapeute psychanalyste, disait : « Dans le regard sur ma propre chair, sur ma propre corporéité, sur ma propre sensibilité, j’ai la certitude d’être vivant en tant que tel, d’une pleine évidence telle qu’elle rejette dans l’ombre toutes les modalités de la vie individuelle. Je suis vivant, je suis assuré d’être vivant et cela me donne une fermeté et un aplomb que je n’avais jamais ressenti auparavant. » Pour lui, il le dit de manière psychanalytique athée, c’est-à-dire que le regard de l’autre me sort de mon narcissisme destructeur, de mon renfermement sur ce regard qui me fait mourir, parce qu’il m’enferme sur moi-même, et me met en présence de Celui qui m’extasie, justement, et qui me regarde. Cette parole d’un psychanalyste s’applique dans sa perfection et son excellence à l’adoration eucharistique. Jésus, avec son regard d’amour, il est là, il a ses yeux. J’étais avec un petit enfant, un jour, cinq ans, devant le Saint Sacrement. Il regarde l’Hostie comme ça, il dit : « Jésus, Toi tu ne me vois pas, hein, mais moi je sais que c’est Toi qui es là ! » Alors : « Oui, oui, Il te voit aussi… » Je l’ai trouvé tellement beau… Tu ne me vois pas, mais moi je sais… On est complice. Et le Pape François disait : « Dans l’adoration, j’ai l’expérience que Dieu m’aime. Cette sécurité, personne ne pourra nous l’enlever, personne ne pourra nous l’arracher. Personne. » Dieu est là. C’est juste l’inverse du regard de Sartre. Dans Les mots, Sartre raconte qu’il était dans le salon de la maison familiale. Il avait joué avec des allumettes, il avait mis le feu au tapis. Le tapis a cramé. Il a réussi à éteindre mais il restait les marques et il dit : Dieu m’a vu, j’étais devenu une cible vivante. J’essayais d’échapper à son regard. J’ai été me cacher sous la table du salon, il me voyait toujours. J’étais à la salle de bain, il me voyait toujours. Alors, je me suis mis à jurer comme mon grand-père. Sacré nom de Dieu, de nom de Dieu, de nom de Dieu, tu ne me regarderas plus ! Je n’ai pas immédiatement cru que Dieu n’existait pas, mais je ne voulais plus qu’il me regarde. Vous voyez l’image qu’il avait du regard de Dieu. Le père Fouettard. Je suis athée de ce Dieu-là de Sartre. Le Dieu auquel je crois n’est pas un Dieu qui regarde pour juger ou accuser. C’est un Dieu qui regarde pour relever, faire exister. Et au Saint Sacrement il me relève et me fait exister. On apprend par Jésus l’expérience de cela. Quand Jacob se bat dans son combat contre Dieu dans cette nuit à Penuel, le nom Penuel veut dire la face de Dieu, se tourner vers le seul vrai Dieu. Et saint Ambroise commentant Marie-Madeleine dit : « Qui cherche-tu ? demande le Christ à Marie. Regarde-moi ! Tant que tu ne me regardes pas je t’appelle femme. Tu me regardes, je t’appelle Marie. Tu reçois le nom de celles qui engendrent le Christ, car, en me regardant spirituellement, tu engendres le Christ dans ton âme. » Et Hagar, chassée par sa maîtresse, Saraï, pas très gentille, là, l’envoie au désert. Elle est là, elle croit qu’elle va mourir. Elle a son enfant d’un côté et va de l’autre côté. Et tout d’un coup, Dieu vient la visiter et lui montre le puits. Elle a l’audace, pour une esclave non juive, de donner un nom à Dieu. Elle va donner à Dieu le nom : « Toi tu es Dieu qui me voit ». Atta-El-roï. C’est pourquoi on appelait ce puits le puits pour le vivant qui me voit. C’est la seule qui ose donner un nom à Dieu. Vous voyez la liberté d’une esclave ! Elle ose donner un nom parce qu’elle a fait l’expérience que dans sa misère et dans la mort qui s’annonçait, pour sa descendance et pour elle, Dieu la voyait et lui a donné la vie. Il lui a donné l’eau vive. Donc n’ayons pas peur de nous présenter à Dieu comme ça, devant lui.

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurUn autre point. On vit beaucoup dans l’affectivité, l’émotion, le ressenti. L’adoration eucharistique est une guérison de mon émotionnalité. Je ne sais pas si ceux qui adorent régulièrement parmi vous ont beaucoup de guili-guili qui partent de l’occiput à la pointe du petit orteil, mais… Moi, en tout cas, c’est pas trop le cas, depuis des années que je fais cela… Par contre, je vois une chose qui est absolument prodigieuse qui se passe en moi. Ce n’est pas ma sensibilité qui rejoint Dieu. D’ailleurs, elle ne permet jamais de rejoindre Dieu. Elle peut être un cadeau, il ne faut pas rejeter les cadeaux de Dieu dans notre sensibilité, si sa bonté, sa tendresse nous donne ça. Mais c’est un cadeau de Dieu, ce n’est pas Dieu lui-même. Dieu lui-même ne se touche que par la foi, l’espérance et la charité. Par les vertus que l’on appelle théologales. Et donc, l’adoration eucharistique… Si les Pères de l’Église disaient il faut fixer son regard  ̶  et toute l’adoration eucharistique au XIIIème siècle est née du fait que l’on voulait voir Dieu avec nos yeux de chair, puisque certains contestaient sa présence réelle  ̶  On a toujours dit : oui, mais nos yeux de chair, qui sont le vecteur de ce regard posé sur Dieu, portent un autre regard, ceux de l’âme, qui est perfectionné par la foi, l’espérance et la charité. Donc, toute l’adoration eucharistique consiste à poser des actes de foi, d’espérance et de charité. Je crois que Tu es là, Seigneur. Je T’aime, Seigneur, je T’adore et je compte sur Toi, parce que sans Toi, je ne peux rien faire. Et un jour je te verrai face à face. Acte de foi, acte d’espérance et de charité. De sorte que quelques soient mes émotions, quand je ressens, je dis merci Jésus, mais ce n’est pas ça ce à quoi je veux m’attacher. C’est à Toi que je veux m’attacher. Ce n’est pas pour tes cadeaux que je T’aime, c’est pour Toi-même. Et quand je ne ressens rien, encore mieux : je peux au moins m’attacher à Toi par la foi, l’espérance et la charité. Et donc je suis lié à Lui de manière indéfectible. Un jour, un petit enfant de 6 ans, qui préparait sa première communion, devant le Saint Sacrement : « Nicolas, c’est fou, hein ? de penser que c’est Jésus qui est là ! » Je dis, génial, on va… Il me dit : « Enfin, c’est la Toute-Puissance de Dieu, quoi ! » Oui, t’as raison, c’est vrai, la Toute-Puissance peut se faire toute petite.

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurL’adoration nous délivre des maladies de la subjectivité ̶ qui se transforment d’ailleurs en pathologies : boulimie, anorexie, dépression, crise identitaire, toxicomanies diverses… ̶  pour nous établir dans une structuration de notre être profond par la dimension essentielle de notre dignité humaine, qui est l’âme spirituelle, qui elle-même est faite d’intelligence et de volonté, qui elles-mêmes, ces facultés, sont perfectionnées par la foi, l’espérance et la charité. Ce qui ne me désincarne pas, ce serait une tragédie, mais qui assume toute ma chair et ma psychologie pour la tourner vers Dieu.


    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurUn autre point qui me paraît important. Parfois, on a une maladie que l’on appelle l’acédie. Acédie veut dire la perte du désir, la perte de la soif, la perte de la faim ; le train-train, la paresse ; l’assoupissement, le manque de force et de détermination pour aller vers Dieu. L’adoration m’amène à crier vers Dieu en permanence. L’adoration est vraiment ce cri qui me tourne vers Dieu perpétuellement. Paul Claudel disait : « Lève les yeux et tiens-les fixés devant toi. C’est là ! Et regarde l’azyme (le pain) dans la monstrance. Le voile des choses, pour moi, sur un point est devenu transparent. J’étreins la substance, enfin, à travers l’accident. » C’est-à-dire : j’étreins Jésus à travers l’apparence du pain. Il y a donc là un désir. L’adoration est le lieu du désir. C’est Toi que je veux ! J’ai faim de Toi, j’ai soif de Toi ! Je le mange des yeux ! Je le mange du regard et je nourris ma foi, mon espérance et ma charité. Je n’arrête pas de le désirer. Saint Augustin dit : « Le gémissement de mon cœur me faisait rugir. Et qui connaissait la cause de mon rugissement ? Tout mon désir est devant Toi. Non pas devant les hommes mais devant Dieu. Car ton désir c’est ta prière. Si le désir est continuel, la prière est continuelle. » Ça, c’est beau ! Donc, j’apprends le désir. En même temps devant le Saint Sacrement, j’apprends à être moi-même, aussi. Ma vulnérabilité, ma pauvreté, je suis là. Le monde nous pousse à la performance, nous pousse à la réussite. Nietzsche avait parlé du surhomme, aujourd’hui c’est le transhumanisme qui fait fureur partout. J’en parlais avec un spécialiste du transhumanisme ici, en France, Laurent Alexandre, qui me disait : « Mais qui, aujourd’hui, voudrait vivre avec 120 de QI ? Mais c’est 175 minimum, voire 200 ! Il n’y a plus de raison de vivre avez 120 ! » Je dis : « Moi, je n’ai encore jamais rencontré une seule personne qui m’a parlé de son QI ! Mais toutes les personnes que j’ai rencontrées m’ont parlé de leur cœur. Qui souffraient de ne pas être aimées. De ne pas avoir l’amour. De ne pas trouver sens à la vie. Ça oui. Mais personne ne m’a dit, là, j’ai un problème avec mon QI. Jamais. Ou alors avec des gros intellos. Mais c’était très bien pour eux. » Finalement, devant cet appel au culte de la performance et à la fatigue d’être soi (Nietzsche) il y a, devant Jésus, la pauvreté, l’expérience que ma vulnérabilité est aimée, que ma vulnérabilité est le lieu de l’entrée de la grâce, que ma pauvreté est le lieu par lequel Dieu va passer. C’est le lieu par lequel Dieu va me rejoindre. La désappropriation radicale de l’humanité de Jésus dans l’Eucharistie est un lieu pour que je puisse aussi m’abandonner tel que je suis. Ma pauvreté est la porte d’entrée de la grâce. Ma misère est la porte d’entrée de la grâce. Elle est le reposoir de la miséricorde de Dieu et le lieu par lequel Dieu va tout transformer. Et c’est par-là que ça se passe, voyez-vous. C’est capital de redécouvrir cela. De redécouvrir que la vulnérabilité est au cœur de l’existence humaine et au cœur de l’étreinte divine. Dieu vient épouser ma vulnérabilité. Ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin du médecin. Ce sont les malades. « Je suis venu pour les pécheurs et pas pour les justes. » Vous voyez. Et quand j’arrive comme ça devant Dieu, je peux Lui dire : « Tu n’es pas venu pour rien, Seigneur, tu n’es vraiment pas venu pour rien. Tu as trouvé ton bonhomme devant Toi. »

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurJe pense qu’il y a aussi dans l’adoration eucharistique quelque chose d’assez extraordinaire qui se produit. C’est une… Je disais tout à l’heure que si l’homme est fait pour trouver le sens à sa vie, pour ad-orer, ̶  adorer veut dire "mettre une source à sa bouche pour en vivre". On ne peut pas vivre sans eau. Ou je mets ma bouche à la source de Dieu ; ou je la mets à dautres sources frelatées. Il y a une autre chose qui me caractérise : je ne peux pas vivre sans une certaine dépendance. Si je ne dépends pas de l’unique nécessaire qui est Dieu, je vivrais dans des dépendances affectives diverses. Mon cœur sera balloté. Et ce cœur balloté va se trouver aussi, parfois, souillé. Et Dieu vient me redonner par l’adoration eucharistique la possibilité de m’attacher à l’unique nécessaire, Lui, et une purification aussi du cœur, une chasteté. « Tu nous as fait pour Toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose pas en Toi » dit saint Augustin. Il y a, par ce regard posé sur le Christ, une chasteté qui nous est donnée. Jésus dit : « Ton regard, c’est la fenêtre de ton cœur. Garde ton regard pur afin que ton regard soit pur. » On a accueilli une fille qui était dans la prostitution sadomasochiste, dix ans de prostitution, de violence et d’horreur « mais je ne peux même pas, Nicolas, te raconter ce que j’ai fait, parce que tu ne supporterais pas d’écouter ce que moi j’ai vécu. » Et à l’adoration eucharistique, elle passait des heures chaque jour. Elle s’en est sortie. Elle fait de belles études maintenant. Et un jour elle vient vers moi et elle me dit : « Mais tu sais, Nicolas, il semble que Jésus m’a recréé ma virginité. « Je dis, d’accord. Elle me dit : « Je la sens même physiquement. Mon corps qui me faisait mal en permanence, ma féminité qui avait mal en permanence… » pas tant physiquement… Je ne sais pas, je n’ai pas exploré ce qu’elle voulait me dire dans ces mots… Mais en tout cas, dans sa chair meurtrie par ce qu’on lui avait fait par son corps, sa virginité lui était restituée par l’adoration eucharistique. Le regard chaste du Christ et son regard à elle posé sur le Christ venaient à la fois purifier son cœur et purifier son corps. Je crois que dans un monde très marqué par ça, par l’érotisme et la pornographie, l’adoration devient un lieu de guérison profonde. Qui a posé son regard sur le corps du Christ ne peut pas regarder le corps de l’autre n’importe comment. De la même manière que lorsque l’on a touché le corps du Christ on ne peut plus toucher son corps ou le corps de l’autre n’importe comment. La charnalité du Christ, la corporalité du Christ au Saint Sacrement me met en rapport immédiat avec mon corps. Et le respect du corps du Christ et l’adoration du corps du Christ renverse aussi ce mouvement-là. « Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu. »


    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurTout ça passe aussi par ce fameux regard dont je vous parlais. Je crois que c’est très important. Si l’on expose Jésus au Saint Sacrement, c’est pour le regarder, voyez-vous. Autrement, c’est pas le Tabernacle. En Suisse, j’étais dans une chapelle, un jour… Il n’y a que les suisses pour faire ça… Le tabernacle était un coffre-fort. Les portes blindées du coffre-fort, vous voyez. Il fallait y penser, moi je n’y avais pas pensé… Mais… Voilà. En fait, c’est vrai, c’est un trésor, Jésus. Le seul trésor. C’est même plus important que tout ce qu’il y a dans les coffres-forts de toutes les banques suisses. Ce n’est même pas cette porte blindée qui empêchait Jésus de rayonner. Alors, pourquoi l’expose-t-on s’il est là dans le Tabernacle ? C’est parce qu’il y a ce mystère du regard qui peut se poser sur le vrai corps du Christ, sur la vraie corporalité. Le cardinal Journet avait cet exemple, il disait : Imaginez deux amoureux qui se téléphonent. Ils se parlent : je t’aime, moi aussi, mon petit lapin, ma petite chérie… tout ce qu’on veut comme petits diminutifs et tout d’un coup, paf ! ils tombent l’un sur l’autre. Ils se voient et ils s’embrassent. Vous voyez la différence ? Entre le coup de fil et l’étreinte. Si vous n’avez pas compris, vous ne pouvez pas comprendre l’adoration eucharistique. Si vous avez compris la différence qu’il y a entre un coup de fil et une étreinte, vous avez compris l’adoration eucharistique. C’est-à-dire qu’à un moment donné, vous passez d’une communication avec Jésus, d’une présence réelle, spirituelle, à une présence réelle, spirituelle et corporelle. Et la chair est importante.


    Et donc, dans la chair, le regard, qui est le sens qui m’extasie le plus
    ̶ alors que louïe menstasie, fait rentrer en moi les sons et fait vibrer en moi le son qui rentre en moi  ̶  le regard, ladoration mextasie, me sort de moi-même et me permet de voir celui qui maime. Á sainte Gertrude d’Helfta Jésus dit : « Autant de fois l’homme regarde avec amour et révérence l’Hostie qui contient sacramentellement le Corps et le Sang du Christ, autant il augmente ses mérites futurs. J’ai réservé des trésors d’amour et des récompenses particulières pour chaque regard qu’on aura dirigé vers le Saint Sacrement. » Á l’adoration, à l’élévation. Alors, ses sœurs baissaient la tête à l’élévation. Et elle, elle trichait.  Elle regardait par-dessous comme ça. Et puis elle dit : « Jésus, ça t’embête ? – Non, ça me fait tellement plaisir. » Au point que le pape Pie X a dû accorder une indulgence particulière de plus de sept ans à quiconque au moment de l’élévation à la messe regarde Jésus en disant : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ». Parce que l’amour veut regarder. L’amour regarde. Je voyais un couple, récemment. Ils viennent vers moi, ils ne se regardaient pas l’un l’autre. Ils disent : « On peut parler avec vous ? On a un problème. » Je dis : « Je savais. » « - Quelqu’un vous a dit ? » « - Non, j’ai vu. Vous ne vous êtes pas regardés depuis que vous êtes entrés ici. Vous n’avez pas échangé de regard entre vous. Quand on ne peut plus se regarder, on ne peut plus se voir. » C’est Raymond Devos, l’humoriste, qui disait : « Ma femme et moi on était tellement timide, qu’on n’osait pas se regarder. Après, on ne pouvait plus se voir. » Se regarder et se voir.


    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurAutre maladie très forte aujourd’hui : la solitude. On parle beaucoup de cette maladie de la solitude. Et elle est réelle pour tant de personnes. Si je vais à l’adoration, le Christ vient rejoindre ce qui est le plus profond, ce qui est ma solitude. Mais ma solitude en tant que capacité d’être moi-même. Ce que Jean-Paul II appelait la solitude originelle dans le texte de la Genèse. Cette capacité d’exister sous le regard de Dieu, seul, qui me permet la vraie relation avec l’autre et avec les choses. Dieu, en venant combler ma solitude affective par sa Présence réelle, vient me restituer à cette solitude profonde qu’est la solitude originelle, seule capable de me mettre en relation avec les autres de manière juste et guérissante. Je passe donc, avec l’adoration, de Dieu pour moi, à moi pour Dieu. Je peux être capable de venir enfin dans ce qui est l’apothéose de ma dignité humaine, de m’offrir totalement à Dieu, de me donner à Dieu. Lui s’est offert à moi : « Prenez, mangez. » Ce n’est pas rien ! Il s’offre à moi pour que je m’offre à Lui.


    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurEt Dieu devient aussi la force des martyrs. Le bienheureux Fulton Sheen disait que ce qui l’a bouleversé dans sa vie 
    ̶  c’était un évêque américain, il a fait des émissions télévisées, des millions de personnes regardaient ça, Pie XII le regardait, ou l’écoutait à la radio, en tout cas  ̶  et donc, il dit : Enfant, jai appris ça un jour, à l’époque de la révolution des boxers en Chine, en 1917. Des gens sont venus dans une église, ont profané le Saint Sacrement, ont mis le prêtre aux arrêts dans le presbytère. Et le prêtre voyait une jeune fille de onze ans, une petite chinoise. Ils avaient jeté le Saint Sacrement par terre et le prêtre savait exactement qu’il y avait trente-deux hosties dans le tabernacle, trente-deux parcelles du Corps du Christ qui étaient là. Et le prêtre voyait depuis sa fenêtre, toutes les nuits, quand les gardes dormaient ou étaient distraits, cette fille qui allait là-bas. Pendant une heure, elle adorait Jésus sur le sol et avec sa langue, elle prenait une hostie, comme ça. Un jour, deux jours, trente et un jours. Il dit : Le trente deuxième jour, j’ai vu arriver cette fille : « L’enfant revînt et échappant à la vigilance des gardes, s’agenouillait, se baissait à quatre pattes après avoir passé une heure en adoration et lapait une hostie de sa langue. Un jour, il ne restait plus qu’une dernière hostie que la petite consomma comme d’habitude. Mais elle fit, sans le vouloir, un bruit qui éveilla l’attention du garde. Celui-ci courut derrière elle, l’attrapa, et la frappa avec la crosse de son arme. » Il l’a tuée comme ça. Fulton Sheen dit : « Depuis ce récit j’ai fait la promesse que jusqu’à ma mort je passerai une heure d’adoration chaque jour devant le Saint Sacrement. Une promesse que j’ai tenue pendant les soixante années de ma vie sacerdotale. » Puisque c’est devant le Saint Sacrement exposé, dans sa chapelle privée, qu’il est mort le 9 décembre 1979.


    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurJe vous parle aussi, mais j’irai très vite, de l’aspect cosmique et social. En un mot : ou le monde est dévoré par la consommation et défiguré par la consommation, ou il est transfiguré par l’adoration. C’est l’alternative dans laquelle nous nous trouvons. Ou la défiguration par la consommation, ou la transfiguration par l’adoration. L’adoration nous donne un vrai rapport aux choses et aux biens. Non pas un rapport de possession, de maîtrise et d’absorption. Mais un rapport de respect et d’utilisation pour le bien de tous. L’Eucharistie est donc à la charnière, aussi, d’un monde nouveau. Elle est aussi l’adoration réparatrice. C’est là que le monde nouveau est en train de se créer. Saint Pierre-Julien Eymard disait : « Le culte de l’adoration est nécessaire pour sauver la société. La société se meurt parce qu’elle n’a pas de centre de vérité, de charité. Mais elle renaîtra pleine de vigueur quand tous ses membres viendront se réunir autour de la vie à Jésus dans l’Eucharistie. Il faut Le faire sortir de sa retraite pour qu’Il se mette de nouveau à la tête des sociétés chrétiennes qu’Il dirigera et sauvera. Il faut lui construire un palais, un trône royal, une cour de fidèles serviteurs, une famille d’amis, un peuple d’adorateurs. Maintenant, il faut se mettre à l’œuvre, sauver les âmes et le monde par la divine eucharistie. Réveiller la France et l’Europe engourdis dans un sommeil d’indifférence parce qu’elles ne connaissent pas le don de Dieu, Jésus, l’Emmanuel eucharistique. C’est la torche de l’amour qu’il faut porter dans les âmes tièdes et qui se croient pieuses et ne le sont pas, parce qu’elles n’ont pas établi leur centre et leur vie dans Jésus-Eucharistie. » Au point que Jean-Paul II pouvait dire que tous les maux de la terre peuvent être guéris grâce à l’adoration permanente du Saint Sacrement. Quand on demandait à Mère Teresa comment faire pour guérir ce monde et ramener… – ce sont des américains qui avaient écrit L’Amérique à Jésus 
    : « Instaurez dans toutes vos paroisses l’adoration perpétuelle du Saint Sacrement. » Voilà la réponse de Mère Teresa. Guérison aussi des communautés paroissiales grâce à ça. Benoît XVI disait que la vraie crise de l’Occident c’était la crise de la foi. Comment ramener les gens à la foi et à l’expérience de Jésus ? Il disait : « Une telle voie pourrait être des petites communautés où se vivent les amitiés qui sont approfondies dans la fréquente adoration communautaire de Dieu. » Voilà le remède que Benoît XVI trouve. Il disait cela en Allemagne, dans l’Église organisée d’Allemagne, extrêmement structurée, riche et tout ce que vous voulez, mais morte, disait Benoît XVI, parce qu’elle n’a pas son centre de gravité là où c’est important. Au monde de la violence va s’établir le monde de la paix du Christ eucharistique. Jésus dit à Faustine : « Dis bien au monde entier qu’il n’y aura pas de paix dans le monde si l’on ne vient pas à ma miséricorde. Or, le trône de ma miséricorde sur la terre, c’est l’Eucharistie, c’est le Tabernacle. » Ça veut dire : Dis bien au monde entier qu’il n’y aura pas de paix dans les cœurs, dans les familles, dans la société, si l’on ne vient pas à l’Eucharistie. Et pas de paix, à mon avis c’est aussi grave que ce que Marie disait à Fatima : « Si l’on ne vient pas à Jésus, une guerre plus grave éclatera sous le pontificat de Pie XI. » C’était Benoît XV qui était pape à l’époque. Pie XI arrive en 22 alors que cette révélation est en 17. Et la guerre éclatera en 38 avec soixante millions de morts. Cette parole à sainte Faustine est capitale. La paix que nous cherchons, la paix que nous désirons, en Syrie, partout, c’est au cœur miséricordieux eucharistique du Christ qu’on va pouvoir la puiser et la voir.

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurUltimement, le dernier point, le quatrième point c’est que l’Eucharistie est déjà la vie éternelle. Jésus va venir dans la gloire, on appelle ça la parousie. La venue ultime : plus de larmes, plus rien, les cieux nouveaux, une terre nouvelle. Nous croyons à ça ! Parousie veut dire en grec venue mais aussi présence. Il y a déjà dans la parousie eucharistique la présence du Christ, déjà les cieux nouveaux et la terre nouvelle. Et c’est ce qu’on va recevoir tout à l’heure. Amen.

    Père Nicolas Buttet
    Enseignement L’Eucharistie et la guérison
    du mercredi 12 juillet 2017
    Basilique Ste Marie-Madeleine, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (Var).

    Congrès sur l'Adoration Eucharistique, Adoratio 2017,

    avec pour thème "Adorer au Cœur du Monde"
    du 9 au 14 juillet 2017.

     

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    Adoration Saint Martin

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  • Versez dans le sein et le cœur de Marie tous vos trésors... St L-M. Grignion de Montfort

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  • St P-J. Eymard & le cœur de Jésus : Cette flamme doit s’étendre, elle doit s’alimenter par les œuvres de zèle…

    St Pierre-Julien Eymard malade.jpg« Le cœur de Jésus est une fournaise où votre cœur doit aller s’enflammer, et cette flamme doit s’étendre, elle doit s’alimenter par les œuvres de zèle, elle doit se propager. »

    Saint Pierre-Julien Eymard (PA 2,1)

    Citation du 27 juin
    in Une pensée par jour avec Saint Pierre-Julien Eymard, Médiaspaul, 2010

    Cette citation est extraite d’un enseignement du Père Eymard intitulé L’adoration aux Sœurs de l'Adoration perpétuelle du Sacré-Cœur de Jésus, à Lyon, le 31 janvier 1861.

     

             À la lecture de la Grande Retraite de Rome du Père Eymard (25 janvier-30 mars 1865), qui est postérieure à cet enseignement-ci, nous voyons le saint être le premier à critiquer son zèle des œuvres extérieures. Car il s'est vu lui-même privé de l’intimité avec Notre Seigneur pris qu'il était dans le tourbillon de sa tache de fondateur tourné vers l’action et vers les autres, voyant ses temps de prière personnelle tout grignotés.

             Le bois pour entretenir la flamme est le don de soi-même. Ces ”œuvres de zèle” sont aussi le véhicule de l’amour reçu du cœur de Jésus. Quand on brûle de l’amour de Dieu, le mouvement du don de soi est impulsé et l’on en rayonne malgré soi, poussé vers l’extérieur à œuvrer pour le bien, à témoigner de cet amour. Le don de soi dans les œuvres de zèle est le bois dont le cœur de Jésus a besoin pour continuer à brûler à l’extérieur de lui-même, au sein de nos relations humaines et interpersonnelles. Ce bois, c’est nous. Dans le don de nous-mêmes nous acquiesçons à devenir ces bûches qui se consument dans la fournaise du cœur de Dieu.

             C’est un geste eucharistique, d’abaissement joyeux, d’écoute du besoin de l’autre, une œuvre de modestie dans la disponibilité à l’autre, d’humilité dans l’écoute. Il ne s’agit pas de faire à la place de l’autre : les œuvres de zèle ne sont pas l’action à tout prix, elles doivent respecter la liberté d’autrui et le principe de subsidiarité. Pour être recevable, le don de soi doit pouvoir accepter que l’autre ne soit pas forcément prêt à recevoir. Essuyer l’échec que notre désir du don de nous-même ne soit pas reçu est le signe de la liberté de l’autre. Cette possibilité du refus nous enjoint à rester humble et modeste.

             Le don que nous souhaitons faire de nous-même est une grâce accordée par Dieu le Père. Ce désir de répondre à l’appel divin en nous offrant dans l’amour est don gratuit de Dieu de nous faire communier à l’Eucharistie suprême de son Fils. Désir de Dieu pour nous de nous faire communier au don d’amour de son Fils bien-aimé manifesté par son Sacré Cœur transpercé sur la Croix ; par sa résurrection glorieuse ; par le don de l’Esprit Saint à la Pentecôte ; et par la célébration de sa sainte Eucharistie qui est l’ultime signe de sa Présence dans les espèces du pain et du vin consacrés.

             Les œuvres de zèle dont parle ici st Pierre-Julien Eymard sont plutôt celles intérieures. Il s’agit davantage de s’exercer aux vertus dans le retrait de la prière, dans l’ouverture à l’action de l’Esprit Saint en nous qui nous dirige, nous indique quelle juste attitude adopter et quelle action engager ensuite. Si ce feu doit se propager ce n’est pas à l’extérieur de nous comme un incendie viendrait ravager tout autour de lui, aveuglément. Il s’agit d’une disponibilité de notre cœur qui, lui, s’est embrasé au cœur de Jésus. L’Esprit Saint qui brûle dans le cœur de Jésus et que nous recevons aussi — je vois alors cette peinture de saint François-Xavier à l’église Saint-Ignace du Centre Sèvres de Paris, où son cœur est flamboyant dans sa poitrine et son visage en extase…­ — nous enseigne la manière tout intérieure de nous donner aux autres dans l’humilité, la paix, le silence, l’abandon, sans doute dans la joie, mais jamais en imposant aux autres notre volonté et notre activisme égocentré.

    sacré cœur, eucharistie, st pierre-julien eymard, la france, politique         C’est toujours dans l’abandon à la volonté de Dieu. Dans l’humilité du cœur de Jésus. Dans son infinie douceur. Ces vertus d’humilité et de douceur sont le gage de l’œuvre de l’Esprit de Jésus en nous. Le feu qui nous consume à l’intérieur et demande à se propager est tempéré dans son expression, dans sa communication aux autres par les vertus de douceur, d’humilité, de modestie. En somme, se résument ces trois vertus en une seule qualité, la première dans la Règle de saint Benoît : l’écoute. Écoute de l’Esprit en nous. Son fruit est la paix. Écoute de l’autre et de son besoin d’être entendu. La paix nous permet d'écouter. L’écoute est une posture intérieure d’offrande de nous-même. La plus grande ”œuvre de zèle” dans son humilité, sa modestie et sa douceur. Elle est tout cela à la fois car elle repose elle-même tout contre le cœur de Jésus, s’y adosse, y siège comme Jean s’y est blotti lors de la Cène.

    27 juin 2016 
    Chambre Emmaüs,
    Prieuré Sainte Bathilde, Vanves.

    sacré cœur,eucharistie,st pierre-julien eymard,la france,politiquesacré cœur,eucharistie,st pierre-julien eymard,la france,politiqueSandrine Treuillard
    Responsable de la Fraternité Eucharistique,
    Congrégation du Saint Sacrement,
    Chapelle Corpus Christi, Paris 8



     

     

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    Pierre-Julien Eymard, apôtre de l'Eucharistie, un saint pour notre temps

    La France & le Sacré Cœur

    Adoration Saint Martin

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  • « Le cœur de Jésus est une fournaise où votre cœur doit aller s’enflammer… » L'adoration selon st P-J. Eymard

    sacré cœur, st pierre-julien eymard, eucharistie« Le cœur de Jésus est une fournaise où votre cœur doit aller s’enflammer, et cette flamme doit s’étendre, elle doit s’alimenter par les œuvres de zèle, elle doit se propager. »

    Saint Pierre-Julien Eymard (PA 2,1)
    Citation du 27 juin
    in Une pensée par jour avec Saint Pierre-Julien EymardMédiaspaul, 2010.
     

    Cette citation est extraite d’un enseignement intitulé L’adoration aux Sœurs de l'Adoration perpétuelle du Sacré-Cœur de Jésus, à Lyon, le 31 janvier 1861.

    Voici l’ensemble de cet enseignement du Père Eymard — fondateur des Pères du Saint Sacrement, des Servantes du Saint Sacrement et de la branche laïque Agrégation du Saint Sacrement, aujourd'hui la Fraternité Eucharistique — d’après les notes prises par une des religieuses.

     

    Instruction sur l'adoration

             Ô mes bonnes sœurs, estimez-vous bien heureuses d'être les Adoratrices du Cœur de Jésus. Je ne vous ai point oubliées, et je suis heureux de vous revoir, car, si nous sommes frères par le but comme chrétiens, nous le sommes plus encore par vocation. La garde royale est toujours heureuse de rencontrer un bataillon de la garde royale.

             C'est ainsi que vous devez vous considérer, en effet, mes sœurs, vous les épouses et les Adoratrices de Notre Seigneur Jésus-Christ ; vous êtes vraiment la garde royale du grand Roi. Vous devez donc tout rapporter à l'adoration comme à votre première fin; votre place est au pied des autels : là où le Seigneur habite, là sont aussi les anges, et les anges obéissent à sa voix, ils exécutent ses volontés ; aussi, devez-vous accomplir avec zèle la seconde fin de votre Institut qui est l'éducation de la jeunesse.

             Vous le savez, Jésus a dit : « Je suis venu apporter le feu sur la terre, et que désiré-je, sinon qu'il s'allume ? » [Lc 12,49]

             L'Eucharistie, voilà le feu ; mais il faut une flamme à un foyer, et cette flamme c'est le zèle pour le salut des âmes. Je crois sincèrement que tout Ordre ayant pour but l'adoration du saint Sacrement, ne sera jamais purement contemplatif, car alors il ne serait pas dans la plénitude de sa grâce. Si quelqu'un se présentait à moi pour entrer dans notre congrégation, et qu'il me dît : « Mon Père, je veux demeurer caché dans un coin », je lui répondrais : « Non, certes, si Dieu vous y met, je le veux bien, mais je ne vous y placerai pas de moi-même, parce que ce serait vous placer hors de votre vocation. »

             À l'adoration, vous joignez encore l'instruction, ce qui donne à votre Institut deux fins fort sublimes ; il est incontestable, en effet, que, de toutes les vocations, la vôtre est celle qui se rapproche le plus du sacerdoce et de l'apostolat. Pourquoi cela, mes sœurs ?

             C'est que vous formez des âmes à Jésus-Christ, vous faites des chrétiens, vous complétez notre ministère, et même vous faites ce que nous ne pouvons pas faire : vous donnez aux jeunes filles une éducation chrétienne avec les soins d'une sainte et maternelle affection. Pour nous, Dieu ne nous a pas donné les mêmes grâces ; il ne nous a pas mis au cœur les sentiments délicats du cœur de la femme. Soyez donc bien zélées, mes sœurs, pour l'œuvre que vous avez à remplir auprès de la jeunesse ; ne croyez pas en cela vous écarter de votre fin première qui est l'adoration. Non, mes sœurs, l'une ne peut exister sans l'autre ; pour être parfaite institutrice, il faut avant tout être parfaite adoratrice. C'est aux pieds de Notre Seigneur que vous devez aller puiser toute science et toute lumière, pour ensuite les communiquer aux enfants qui vous sont confiées. Le feu fait la flamme. Mais sans la flamme le feu s'éteindrait.

             Le cœur de Jésus est une fournaise où votre cœur doit aller s'enflammer, et cette flamme doit s'étendre, elle doit s'alimenter par les œuvres de zèle, elle doit se propager.

             Oh ! la belle œuvre que l'Adoration ! Mais elle n'est pas encore assez connue, ni assez établie ; c'est un grand arbre dont les rameaux doivent s'étendre jusqu'aux confins de la terre. Ah ! mes sœurs, si nous étions bien fervents, un seul de nous ferait des prodiges ; on pourrait nous envoyer dans un coin de l'univers et, comme un tison ardent, nous y mettrions le feu. Oui, mes sœurs, c'est une belle vie que cette vie d'Adoratrice ! C'est à vous que doivent s'appliquer ces paroles que l'apôtre adressait aux premiers chrétiens: « Votre vie est cachée avec Jésus-Christ en Dieu » [Col 3,3].

             Elle est cachée, comme tout principe de vraie vie ; elle est intérieure, elle échappe aux sens ; mais elle est cachée avec Jésus-Christ ; Jésus, votre modèle dans l'Eucharistie, Jésus que vous devez imiter, car vous êtes, mes sœurs, les épouses de Jésus-Christ, et l'épouse doit ressembler à son époux.

             Enfin, elle est cachée en Dieu, et il ne peut en être autrement, puisque Jésus-Christ nous mène à son Père et que nous ne pouvons aller au Père que par lui [cf. Jn 14,6].

     

    PA 2,2

    Mort à soi-même

             Voilà donc, mes sœurs, votre vocation : elle suppose une mort continuelle et complète à tout sentiment d'égoïsme. Je dois le dire, dans un Institut comme le vôtre, cette mort doit s'opérer d'une manière plus absolue et plus entière. Dans certains ordres, Dieu se sert de ses dons dans ses serviteurs pour opérer les œuvres de sa gloire. Ici, il n'en est pas de même. Dieu veut opérer seul sur le rien de la créature ; une âme eucharistique est sous la dépendance immédiate de Dieu, et Notre Seigneur fait à son égard ce qu'il a fait pour lui-même dans le sacrement de son amour.

             Qu'a-t-il fait, mes sœurs ?… Il a voulu que son corps et que son sang précieux fussent cachés sous les apparences du pain et du vin ; il anéantit la substance, mais il laisse la forme. De même dans vos âmes, il veut détruire, anéantir, annuler tout être personnel, tout moi humain, tout sentiment d'amour-propre qui s'opposerait à son règne. Partout où Jésus trouve la personne, l'individu, il s'en va ; car il n'y a pas deux maîtres dans un royaume. C'est la substance qu'il veut changer ; mais il laisse la forme, c'est-à-dire l'enveloppe de nos misères et de nos faiblesses, et cette forme de notre humaine fragilité nous est infiniment utile comme préservatif de l'orgueil qui serait bien vite entré dans notre cœur à cause de la sublimité de notre vocation.

             C'est la vie de Jésus qui remplacera notre vie, mais elle doit s'établir sur la mort : mort à vos sens, mort à vos goûts, mort à vos pensées, mort à toutes vos volontés ; de même que chaque respiration nous enlève une partie de notre vie naturelle, de même notre mort spirituelle doit s'opérer à chacune de nos œuvres.

             Il y a bien à faire pour parvenir à cette destruction totale du moi humain ; aussi vos Supérieures et vos Maîtresses des novices n'ont pas autre chose à faire. Il faut qu'elles y travaillent par la correction de vos défauts, par la mortification de votre amour-propre. C'est pénible, douloureux à la nature ; mais c'est leur devoir, sans quoi elles se condamneraient à brûler au Purgatoire pour vous avoir laissées imparfaites. Et vous, mes sœurs, vous devez en être très reconnaissantes. Seriez-vous satisfaites qu'on vous laissât aller devant le très saint Sacrement avec des grosses taches sur vos vêtements ?… Eh bien ! votre âme aussi a des taches que l'on vous montre charitablement et qu'il faut faire disparaître, car nous ne devons pas faire souffrir Notre Seigneur de nos défauts.

             Oui, mes sœurs, je vous le répète, dans une maison comme la vôtre, il ne doit plus y avoir de personnalité. Vous devez toutes être perdues en une seule âme et un même esprit ; aussi on commence par vous ôter votre nom. Ce nom vous rappellerait le monde, et peut-être une petite gloire humaine. Il ne doit plus y avoir d'individu, de personne, d'égoïsme ; vous êtres Adoratrices, et si l'on vous demande : « Comment vous appelez-vous ? » vous devez répondre : « Je m'appelle Adoratrice. »

     

    PA 2,3

    Devenir Adoratrice

             Il est une chose à remarquer à ce sujet, c'est qu'il y a une grande différence entre votre vocation d'Adoratrice et la vocation religieuse en général. La vie religieuse est l'étude de la perfection et la pratique de toutes les vertus, et si vous êtes parvenue à devenir parfaitement mortifiée, parfaitement humble, parfaitement obéissante, on peut dire en quelque sorte que vous avez atteint votre but. Pour la vie d'Adoratrice, cette étude et cette pratique des vertus religieuses ne doit être considérée que comme un travail de préparation. Lorsqu'un jeune homme aspire à servir à la cour d'un grand roi, il fait des études, il forme ses manières, son langage, il entre dans des écoles où on le soumet à divers exercices, et s'il réussit en tout cela, on lui dit : « Ce n'est pas assez, ce n'est rien encore, vous n'êtes pas arrivé, et votre but n'est pas rempli. »

             Il en est de même pour l'âme qui veut être Adoratrice. L'étude des saintes Règles, l'observation de ses vœux, la pratique des plus belles vertus, tout cela ne sont que les exercices qui la préparent à remplir sa sublime destinée ; c'est comme le vêtement dont elle doit se revêtir pour paraître à la cour du Roi des anges. On ne devra donc jamais la louer de ce qu'elle est humble, obéissante, mortifiée, fidèle à sa règle, elle ne fait que son devoir. On ne donne jamais la décoration à un élève de l'École polytechnique, et si vous louez un soldat, un officier parce qu'il a bien rempli sa charge, il vous répondra : « Mais pour qui me prenez-vous, je n'ai fait que mon devoir. »

             Voilà, mes sœurs, ce à quoi vous oblige votre titre d'Adoratrice ; c'est une vie sublime, mais qui doit s'établir sur la destruction et la mort. Et puisque votre objet est principalement d'honorer le Sacré Cœur de Jésus, cherchez-le, adorez-le surtout dans nos saints tabernacles, car enfin c'est là qu'il réside ; il n'est qu'au ciel et dans la sainte Eucharistie.

             Beaucoup de personnes, hélas ! sont sur ce point dans une grande ignorance ; si elles prient dans une chapelle, elles se prosterneront devant un cœur de peinture ou de pierre et ne penseront même pas à faire la génuflexion devant le tabernacle. Cependant, dites-le-moi, que signifie l'emblème à côté de la réalité ? À quoi sert l'image quand on possède l'original ?

             Entrons donc, mes sœurs, entrons profondément dans ce cœur adorable de Jésus. Il est percé pour nous, et remarquez que cette blessure n'y fait qu'une ouverture, afin qu'y étant entrés nous n'en puissions plus sortir. Le cœur de Jésus n'est point percé comme celui de la très sainte Vierge. Le cœur de Marie, nous devons le considérer comme l'antichambre, comme le vestibule par lequel il faut passer pour arriver à Jésus. Dans ce cœur, nous devons y faire l'étude des vertus intérieures, nous y pénétrer de l'esprit d'adoration, y prendre un cœur mariste, car ce nom ne doit pas s'appliquer seulement à une Communauté, mais il doit s'étendre à tout cœur vraiment chrétien.

     

    PA 2,4

    Courage, mes sœurs…

             Courage, mes sœurs ; croyons fermement que le règne de Jésus va s'étendre de plus en plus. On appelle ce siècle le siècle de Marie. Oui, cela est vrai comme aurore, comme préparation ; mais c'est aussi et surtout le siècle du saint Sacrement.

             Lorsque Marie fut immaculée dans sa conception, Dieu s'abaissa sur la terre et Jésus descendit pour s'incarner. Aujourd'hui, l'Église, en proclamant ce dogme si cher à nos cœurs, nous annonce comme l'aurore du plein jour qui va luire. Oui, je le crois sincèrement, l'œuvre de l'Adoration du très saint Sacrement doit se propager, se dilater, c'est par elle que tout se fera.

             De nos jours, ce n'est plus le règne des saints : saint Ignace reviendrait, il ne ferait rien. Saint Dominique reviendrait, il ne ferait rien : il n'y a plus d'Albigeois à combattre. Saint Bernard reviendrait, il ne ferait rien : il n'y a plus de croisade à prêcher. Non, non, mes sœurs, c'est maintenant le règne du grand saint. Le Roi est attaqué, c'est au Roi à se défendre, et il le fera, soyons-en sûrs. Que de fois on a tremblé pour cette pauvre ville de Paris ; mais en moi-même je me disais : Paris n'a rien à craindre, il est bien gardé par sa ceinture de feu, c'est-à-dire par toutes ses maisons d'adoration. Oh ! qu'il serait à désirer que Lyon fût à son niveau sous ce rapport… Mais il est hélas ! bien en retard, encore… Prions, mes sœurs ; soyez de ferventes et vraies Adoratrices et Dieu vous bénira toujours.

     

    Source : Œuvres complètes de saint Pierre-Julien Eymard en ligne

    Article à retrouver sur la page enrichie
    La France & le Sacré Cœur

     

     

     

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  • Le songe de saint Martin : La Compassion de saint Martin de Tours pour la France (Miséricorde divine) Dessin pour un vitrail de l’église Saint-Martin de Sury-ès-Bois (18)

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    En mars dernier, j'ai pu photographier le dessin sur papier de mon projet de vitrail pour l'église Saint-Martin de Sury-ès-Bois (18) et remettre à l'évêque de Créteil, Mgr Michel Santier, la totalité du projet de l'Adoration Saint Martin tel qu'il est actuellement, sous la forme d'un dossier papier illustré. Dans l'espoir qu'il transmette à son tour ce dossier à son ami du diocèse du Berry, de Bourges, Mgr Armand Maillard. Car le projet de l'Adoration Saint Martin part bien de l'église de mon village… Vous pouvez voir ici les photos de ce dessin dont l'idée remonte à fin 2014. Et ci-après la prière-poème qui soutient théologiquement l'iconographie mise en œuvre pour ce vitrail.

     

     


    Le songe de saint Martin : La Compassion de saint Martin de Tours pour la France (Miséricorde divine)

    Dessin pour un vitrail de l’église Saint-Martin de Sury-ès-Bois (18)
    Crayon aquarelle sur papier, 50 cm x 130 cm par Sandrine Treuillard (Mars 2016).

    Détails

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    Saint Martin Vitrail Sury.jpg

    LA COMPASSION DE SAINT MARTIN DE TOURS *


    Adoration à Saint-Gervais - Veillée des Semeurs d’Espérance du 16-I-2015[i]

     

     

     

    Photographie ci-contre : unique vitrail de l'église Saint-Martin de Sury-ès-Bois, diocèse de Bourges (18), représentant l'Évêque de Tours et Apôtre de la Gaule.                   
    Je fus baptisée le 25 mai 1975 dans cette église.
    @Sandrine Treuillard, 2014

     
     

    St Pierre-Julien Eymard malade.jpgQuand l’ostensoir a été déposé sur l’autel, aussitôt je vis :

               - Le visage du père Eymard malade [ii], que j’aime tant (photo ci-contre).
    Je me mis à pleurer. Toujours agenouillée en adoration devant l’autel à Saint-Gervais, ce fut alors l’autel de Saint-Martin de Sury-ès-Bois que je vis, l’ostensoir exposé. En larmes je vis :

           - Saint Martin et Jésus Ecce Homo : présence si forte & si intime de saint Martin : la compassion de Martin pour les paysans qui ne croient pas en Jésus et ont pourtant une grande soif spirituelle.

            - Le vitrail que je vais dessiner a pris une nouvelle forme. Tout le temps de l’adoration fut une émulation de l’Esprit Saint, avec des affections corporelles où la joie s’amplifiait. Je pris mon carnet et écrivis :



                Le fourreau au côté droit de saint Martin couché et dormant, lové dans le cercle du vitrail, ce fourreau dépasse de sa hanche, est visible, alors que le pan gauche de la cape rouge recouvre une partie de son corps endormi

                Il songe

                Le fourreau est vide

                La main de Dieu brandit l’Épée dans la nuit bleue

                La justice de Dieu sépare les ténèbres du jour

                L’Épée à double tranchant désigne deux espaces différents

                Le songe de saint Martin

                Il dort : on voit sa sandale de romain lacée à son tibia

                Il voit en songe la partie supérieure droite du vitrail

    Capture d’écran 2015-02-07 à 17.56.48.png            Jésus outragé, le visage ensanglanté, la couronne d’épines ayant broyé la chair de son front, de son crâne

                Son épaule gauche et sa poitrine gauche sont recouvertes de la seconde moitié de la cape rouge de Martin

                Le sein droit du Seigneur est nu et visible

                Là où est sa Plaie, son flanc droit est visible

                L’Épée sépare le jour de la nuit

                L’Épée désigne le côté du Christ

                L’Épée adoube la souffrance du Christ

                L’Épée, la justice de Dieu, sanctifie la souffrance du Christ

                Son Épée est la Lumière

                L’épée de la justice de Dieu a la couleur du jour, de l’argent lunaire

                Elle contraste avec le bleu foncé de la nuit

                Elle est grâce

                L’épée de Dieu est la Grâce

                L’épée de Dieu couleur d’argent est la source de l’eau qui coule de la plaie du côté du Christ

                Ce fleuve est un ruban d’argent

                Le fourreau au côté droit de Martin est vide

                Martin s’abandonne au sommeil et voit Jésus Ecce Homo en songe

                Il reçoit la grâce de la compassion à la souffrance du Christ

                Il reçoit la grâce de devenir l’instrument de la Justice d’Amour de Dieu

                Saint Martin, le soldat romain, comprend le besoin spirituel des paysans gaulois

                Par la grâce de la compassion à la souffrance du Christ, devenu Évêque de Tours, saint Martin répandra le fleuve et la parole d’Amour du Dieu Sauveur

                Le ruban d’argent qu’est la Loire rejoint la lumière de la Justice divine

                La Loire est l’épée de Dieu, à double tranchant

                le fleuve d’Amour

                qui coule du Côté du Christ

                le Fleuve qui restaure la Gaule

                à la Bonne Nouvelle instaure

                la France.

                A M E N

                

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    Adoration Saint-Martin

    Le sens d'une église : Saint-Martin de Sury-ès-Bois (18) – Adoration Saint Martin :
    Ré-évangéliser les campagnes

     

      


    [i] Note du samedi 17 février, au matin : Lors de la communion, tandis que le Seigneur fondait dans ma bouche, je demandai la faveur de ne plus éprouver la faim qui me taraudait, afin d’être toute concentrée en Jésus-eucharistie lors de l’Adoration qui allait suivre. Grâce accordée. À donc suivi cette prière qui est un poème d’Adoration, le fruit direct de cette prière d’abandon. Une grande grâce de recevoir saint Martin pour compagnon de cette année (de la vie consacrée) avec lequel approfondir ma foi, duquel découvrir la vie spirituelle et le prendre pour modèle. Saint Martin est une force, le premier saint que Dieu me donna lors de mon baptême, le 6 novembre 1974, en l’église éponyme de Sury-ès-Bois (diocèse de Bourges). À minuit, quand Romain Allain-Dupré reprit la parole pour clore la veillée, je traçais le AMEN sur le carnet, en fin de prière.

    [ii] L’Apôtre de l’Eucharistie Biographie de saint Pierre-Julien Eymard, André Guitton, Nouvelle Cité, 2012.

    Courrier des lecteurs envoyé à Famille chrétienne à propos de « Notre-Dame de Vierzon profanée » FC n°1934 :
    « En lisant cet article, j'ai reçu comme un choc non pas que les hosties aient été volées, mais qu'il y ait une église à Vierzon ! En effet, j'y ai passé mes trois années d'internat au lycée public Édouard Vaillant et ma conscience politique a grandi avec Lutte Ouvrière, par un camarade de classe actif dans ce parti d'extrême gauche révolutionnaire.
    Savez-vous que Mgr Maillard gouverne un diocèse où il n'y a aucun séminariste ? Le diocèse de Bourges comprend pourtant aussi la belle œuvre du père Jules Chevalier, fondateur des Missionnaires du Sacré-Cœur et bâtisseur de Notre-Dame du Sacré Cœur d'Issoudun. De ce cœur de France, en Berry & Sologne, Notre Seigneur demande que l'on se soucie, du haut de nos pénates parisiennes. L'Église pourrait-elle envoyer des prêtres dans ces régions désertées ?
    J'ai moi-même eu une vocation religieuse contrariée, par manque d'accompagnement. Aujourd'hui, j'ai pour mission de puiser à la source de l'Apôtre de la Gaule, saint Martin de Tours, afin de faire revivre les églises de nos campagnes, potentiels foyers d'amour eucharistique.
    Répartissons les prêtres sur le territoire pour faire revivre notre foi !
    Sandrine, future Jehanne de la Sainte Eucharistie »

     

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  • Le manteau de saint Martin ou le Cœur de Dieu donné en partage

    Adoration ihs SC Saint Martin.jpg         « Comment faire pour que les urbains se sentent concernés par la question de la campagne ?* ». Commencer l’Adoration Saint Martin en ville pour la faire rayonner dans les campagnes.

             En ville, j’ai été touchée par les sdf, par la dignité humaine mise au ban de la société.

    Les pauvres, ces étrangers, rendus étrangers par leur extrême misère sociale, se voient en rupture d’avec les autres, dangereusement isolés. Les sdf sont les premiers étrangers et pauvres à avoir besoin de la reconnaissance de leur dignité, de l’espace sacré qui est en eux et qui les garde profondément ancrés dans l’humanité.

             Quand saint Martin descend de son cheval et donne la moitié de son manteau au déshérité à la porte d’Amiens, Martin donne son amour à cette personne interdite de cité, déchue de la ville ou venant de la campagne pour y trouver de quoi subsister, y faire l’aumône. Chaque sdf est un étranger, un campagnard dans la ville, un déchu de civilité, un paysan, un païen urbain, un rejeté de la cité, un citoyen d’outre zone. Il n’a plus son mot à dire ni sur lui-même, ni sur la société qui l’a laissé se perdre, a encouragé, même par omission, la violation de sa personne jusqu’à une forme d’anéantissement. C’est la néantisation de l’homme, la négation de son humanité dont est coupable notre système anthropologique malade qui réduit l’homme à l’homo economicus, au matérialisme, à l’instrumentalisation des « couches hautes » de la personne humaine.  

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             La charité de saint Martin ne fait pas que préserver du froid un homme, en cet hiver de l’an 353-354. Elle lui fait revêtir son humanité, sa dignité de personne en créant un lien fort et symbolique : la moitié de la chape que porte Martin est sur les épaules du miséreux. C’est le sens même du symbole : deux moitiés d’un même objet, qui, se retrouvant s’assemblent et font se reconnaître comme les deux parties d’un seul et même objet. La chape de saint Martin devient le symbole de l’unité, de l’union par excellence. Cette chape rouge de la charité est la pièce de tissu unique de la communion. « Un cor unum et anima una ». « Un seul cœur et une seule âme », voilà ce que dit le geste de saint Martin, qui n’est pas encore baptisé ce jour-là, recouvrant les épaules du pauvre de la moitié de son manteau. Martin transmet l’amour du Christ au pauvre, il le partage.

             C’est bien le Cœur de Dieu qui est donné-là en partage. C’est bien un geste de communion d’amour. Un geste eucharistique. Il partage le Cœur du Christ quand il pose sa chape sur les épaules du malheureux. Il donne un aperçu de l’amour eucharistique de Jésus : ce manteau partagé, c’est comme le pain rompu puis distribué. Le Cœur du Christ étant compris dans la sainte Eucharistie, enceint en elle… ce Cœur rayonne dans la blancheur de l’hostie consacrée… le Cœur de Dieu est dans le Corps du Christ sur l’autel…


    saint martin, miséricorde divine, adoration saint martin, eucharistie, sacré cœur, sacré coeur, christianisme, foi, la france         Martin revêt le corps du pauvre du Corps du Christ quand il le vêt du manteau partagé. Le geste de Martin est eucharistique. La porte d’Amiens, au ban de la ville, et déjà seuil de la campagne, devient un lieu consacré comme un autel par le geste eucharistique de Martin descendant de son destrier et jetant la moitié de sa chape sur les épaules du démuni. C’est le sacre du misérable. Une onction d’amour sur un corps banni, et en son âme. Par ce geste, Martin devient prêtre. Le corps du malheureux est à la fois autel et sur l’autel. Son corps et son âme sont rendus sacrés par le geste rempli de l’Esprit de Jésus dont Martin est agi. À la porte d’Amiens, au ban de la cité, au seuil de la campagne, ce lieu où la rencontre de Martin et du misérable se déploie devient (con)sacré par ce geste rempli de l’onction divine, de la Miséricorde.
     

             Toute la personne du misérable est ainsi revêtue du Cœur et du Corps du Christ. « Un cor unum et anima una ». Un seul corps et une seule âme en Jésus, communion de deux êtres en l’amour du Christ. 

             Ainsi, le lieu de l’action où se donne en partage le Cœur et le Corps de Dieu fait homme en Jésus, par Martin, ni ville ni campagne, plus ville, pas encore campagne, no man’s land, cette banlieue est aussi consacrée par l’onction divine contenue dans l’acte eucharistique du partage et du don de le moitié de son manteau de Martin. 

             Le cheval, un genou à terre, incline sa tête devant la scène.

     

    Jehanne Sandrine du SC & de la SE.jpg

     

     

     

    Jehanne Sandrine du Sacré Cœur & de la Sainte Eucharistie

    14-21 février 2016

     

     

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    Adoration Saint Martin

            

    * Question posée par Michel Corajoud, paysagiste à Paris, dans le documentaire de Dominique Marchais, Le temps des grâces.

     

    Images
    La Charité de saint Martin.
    Manuscrit France du Nord, 1280-1290 - Bibliothèque Nationale  
    Charité de saint Martin. Église Saint-Martin de Donzenac. Limousin. 

     

     

     

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  • Une forme de résistance certaine : le Congrès Eucharistique International, depuis 1881

    Retrouvez cet article sur la page enrichie consacrée à
    saint Pierre-Julien Eymard,
    Apôtre de l'Eucharistie, un saint pour notre temps

     

    Émilie-Marie Tamisier.jpg

     

    À LA MESSE DE CONSÉCRATION DE LA FRANCE
    AU SACRÉ CŒUR À PARAY-LE-MONIAL,

    EN 1873, ÉMILIE TAMISIER
    DÉCOUVRE SA MISSION :
    SE CONSACRER AU SALUT DE LA SOCIÉTÉ
    PAR LE BIAIS DE L’EUCHARISTIE

     

    LogoChapStSacrement CorpusChristi.jpg         Voici ce que le biographe de saint Pierre-Julien Eymard, le Père André Guitton, sss — qui, depuis plus de 40 ans, vit tout contre le gisant du saint, Chapelle Corpus Christi, au 23 avenue de Friedland, Paris 8ème, et qui fut le Provincial de la Congrégation du Saint Sacrement nous a communiqué lors de notre dernière rencontre à la Fraternité Eucharistique. Le 51ème Congrès Eucharistique International se tient à Cebu (Philippines), du 24 au 31 janvier 2016, sur le thème : « Le Christ parmi vous, l’espérance de la gloire » (Col 1,27). Voici l’histoire fort intéressante des Congrès Eucharistiques Internationaux, nés en plein anticléricalisme en 1881. Une forme de résistance certaine…

    P-J. Eymard Portrait 1.jpg

    Par le Père Vittore Boccardi, sss, secrétaire du Comité pontifical des congrès eucharistiques.

     

             À l'occasion de ce Congrès Eucharistique International, nous organisons une heure d’adoration à la Chapelle Corpus Christi - 23 avenue de Friedland, Paris 8 (M° Charles de Gaulle Étoile / Georges V) - le jeudi 28 janvier, après la messe de 18h30, jusqu’à 20h. (Voir l’événement Facebook).
    Tout contre la châsse du Père Eymard…

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    HISTOIRE ET SPIRITUALITÉ DES CONGRÈS EUCHARISTIQUES MONDIAUX

             Le 51e Congrès eucharistique international aura lieu à Cebu, aux Philippines, du 24 au 31 janvier prochain. Le choix des Philippines avait été annoncé par le pape Benoît XVI dans son message transmis durant la messe de clôture du congrès de Dublin (17 juin 2012) : « Je voudrais vous inviter à vous joindre à moi pour invoquer la bénédiction de Dieu sur le prochain Congrès eucharistique international, qui se déroulera en 2016 dans la ville de Cebu ! J’adresse au peuple philippin mes vœux chaleureux, l’assurance de ma proximité dans la prière. »

    Les congrès eucharistiques internationaux

    St P-J Eymard Adoration Eucharistique.jpg         On pourrait croire que les Congrès Eucharistiques Internationaux sont des reliques du passé désormais difficiles à insérer dans le monde d’aujourd’hui. Comme de vieux parements de sacristie autrefois brillant d’or et aujourd’hui défraîchis, ils rappellent à beaucoup une époque : celle des manifestations populaires, fin XIXe début XXe siècle, organisées pour célébrer la royauté du Christ dans les plus grandes capitales du monde, les interminables processions auxquelles assistaient des centaines de milliers de fidèles, les gestes de culte rassemblant des masses d’adorateurs pour rendre des hommages de foi, d’amour et de réparation à Jésus Christ, Dieu caché sous les voiles du Sacrement, « profané par les impies, ignoré par les pouvoirs publics ».

             Que les congrès eucharistiques viennent du passé, cela est un fait. En effet, leur apparition date de la seconde moitié du XIXe siècle ; à l’époque des mouvements populaires, de la démocratie représentative et de la presse, les catholiques de France se servirent des congrès comme nouveau moyen pour rendre compte publiquement – dans une perspective internationale – de la vaste activité liée à la dévotion eucharistique. Malgré un environnement culturel où « le catholicisme intransigeant » de France connaissait sa forme la plus rigide, voyant la piété eucharistique comme un moyen pour reconstruire la société chrétienne démolie par la Révolution française, ces congrès devinrent immédiatement des laboratoires de réflexion et une caisse de résonnance pour proclamer, dans l’espace social, la vitalité de la foi et de l’Eglise.

    Émilie-Marie Tamisier.jpg         On doit le lancement de ces congrès eucharistiques au profil spirituel et singulier de mademoiselle Émilie Tamisier (1843-1910). Emilie avait une vie intérieure inquiète, tourmentée, et avait pour maîtres deux grands saints. Après Pierre-Julien Eymard (le fondateur des Religieux du Saint-Sacrement, 1811-1868) chez qui elle absorba cette exigence de recourir à l’Eucharistie pour favoriser la reconstruction de la société, Antoine Chevrier (1826-1879) l’entraînera dans la patiente recherche de sa vocation. Et en 1873, alors qu’elle assistait à la messe de consécration de la France au Sacré Cœur à Paray-le-Monial, elle découvre sa mission : « se consacrer au salut de la société par le biais de l’eucharistie ».

             Un vaste réseau de relations ecclésiastiques commence alors à se tisser lentement, donnant lieu au premier des congrès, célébré à Lille en 1881, dans le Pas-de-Calais, au nord de la France. Mais en quelques années, le petit grain semé s’est mis à pousser et a fini par se transformer en un mouvement mondial capable d’atteindre – en passant par les capitales européennes – les plus grandes villes de tous les continents : Montréal (1910), Chicago (1926), Sidney (1928), Buenos Aires (1934), Manille (1937), Rio de Janeiro (1955). Faisant résonner la voix de tous ceux qui ont fait l’histoire de l’Eglise au siècle dernier, et mettant sous les feux des projecteurs des aspirations religieuses, des nouveautés liturgiques et d’urgentes questions sociales.

             Ainsi, chemin faisant, le mouvement des congrès eucharistiques a façonné sa nouvelle identité, intégrant progressivement les acquisitions du mouvement liturgique, en se mettant au service de l’Eglise universelle, s’ouvrant aux horizons les plus vastes de la mission et mûrissant – grâce aux apports des mouvements biblique, patristique et théologique – une compréhension plus complète de l’eucharistie. A la veille du concile Vatican II, au 37e Congrès eucharistique international, qui a eu lieu à Munich, en Bavière, à l’été 1960, les vieilles raisons qui avaient motivé ces congrès furent surmontées. On commençait à voir ces grandes réunions internationales comme une statio orbis, un temps d’arrêt pendant lequel le peuple de Dieu pèlerin sur terre se réunissait pour célébrer l’eucharistie et construire une communion ecclésiale. Le mouvement eucharistique, ainsi déclenché au niveau mondial, a évolué au fil de l’histoire et, avec d’autres mouvements ayant marqué le XXe siècle, a aidé à donner à l’Église sortie de Vatican II un nouveau visage, en la ramenant à sa source eucharistique.

    Un congrès en Orient

             Le rendez-vous de Cebu est particulièrement important sous divers profils : tout d’abord sous un profil, disons, géographique, puis historique et missionnaire, et enfin lié à l’évangélisation moderne de l’Asie proprement dite.

             Le profil géographique est lié directement au choix de la ville appelée à accueillir le congrès. A près de 11 000 km de l’Italie, Cebu se trouve en quelque sorte en plein cœur de l’Asie orientale, à un peu plus de deux heures d’avion de Hong Kong, Taïwan, du Vietnam, et relativement près de la Corée du Sud, du Japon, de l’Inde et de l’Australie. A Cebu, pour le 51e Congrès eucharistique international, pourront venir tous ces chrétiens qui, à cause des distances et des coûts prohibitifs, sont souvent exclus des grands événements internationaux.

             C’est là, à Cebu, au centre de l’archipel philippin, que l’explorateur Fernand de Magellan a débarqué en 1521. Selon un récit de Pigafetta, Magellan fut accueilli chaleureusement par le roi indigène Humabon qui, un peu plus tard, se convertira au christianisme, avec la reine Juana et 400 de ses sujets. Pour commémorer l’événement Magellan fit don à Juana d’une statuette de l’Enfant Jésus (Santo Niño) et dressa une croix sur les lieux mêmes de la conversion. La fête du Santo Niño tombe le troisième dimanche de janvier. Elle est encore aujourd’hui, pour tous les catholiques philippins, une des fêtes religieuses les plus importantes.

             D’un point de vue historique et missionnaire, le choix des Philippines – seul pays d’Asie à majorité catholique – constitue un défi important pour l’Eglise de cet énorme continent.

             Naturellement, l’Évangile s’était déjà répandu sur le continent bien avant l’arrivée des Espagnols, il y a près de 500 ans. Disons même que tout a commencé au fin fond de l’ouest de l’Asie, à Jérusalem, où Jésus souffla l’Esprit Saint sur ses disciples et les envoya jusqu’aux extrémités de la terre. C’est d’ailleurs pourquoi, en 1998, l’assemblée spéciale pour l’Asie du synode des évêques avait dit que l’histoire de l’Église en Asie était aussi ancienne que l’Eglise primitive. En effet, c’est sur le sol de cet immense continent qu’est née la toute première communauté à avoir reçu et entendu l’annonce évangélique du salut. Les apôtres, obéissant aux ordres du Seigneur, y prêchèrent la Parole et implantèrent les premières Églises.

             Après les apôtres, l’évangélisation de l’Asie est passée aux mains des missionnaires syriens qui fondèrent des sièges épiscopaux au cœur du continent et en Mongolie. A partir du XIIIe siècle, ce sont les franciscains qui ont pris la relève, puis à partir du XVIe siècle, les jésuites. Au XIXe siècle, un grand nombre de congrégations religieuses se sont lancées à leur tour et, sans réserve, ont contribué à l’édification des Eglises locales, évangélisant et développant toute une série d’activités formatrices et caritatives.

             Mais tous ces efforts se sont révélés insuffisants pour acculturer la Bonne Nouvelle, si bien que pour les peuples du continent – mystère de l’histoire du salut ! – le Sauveur du monde, né en Asie, reste encore largement méconnu. À l’exception des Philippines, le christianisme forme aujourd’hui, en Asie, « un petit reste », une minorité néanmoins vive et généreuse.

             Selon les dernières statistiques de l’Annuaire du Vatican, l’Asie compte 134 millions de catholiques, soit 3 % des habitants du continent, mais 11 % des catholiques du monde. Le pape, à ses derniers voyages, est allé dans les pays où le nombre de catholiques est supérieur à la moyenne, mais le catholicisme croît aussi ailleurs, surtout en Chine, en Inde et au Vietnam. Au Vietnam, la croissance est exponentielle : de 1,9 million de catholiques en 1975 à 6,8 millions aujourd’hui.

             Par conséquent, le troisième profil du Congrès de Cebu est lié à l’évangélisation moderne de l’Asie. Au-delà des chiffres, relativement bas, l’Eglise en Asie incarne le défi à vivre et imaginer le christianisme sous des formes historiques autres que celles auxquelles nous sommes habitués en Occident. Car l’Asie n’a jamais vécu les dynamiques – également politiques – héritées de l’empire de Constantin ou de Charlemagne. En Asie, aucun pays n’a jamais vécu lui-même comme une societas cristiana.

             L’Église d’Asie s’inscrit dans un contexte social fait de périphéries et de frontières, de fortes tensions et de conflits de nature religieuse, politique et sociale. Ces quarante dernières années, le continent a cherché à forger sa propre identité en payant souvent le prix d’un esprit nationaliste agité de sentiments anti-occidentaux. La mondialisation a entraîné un processus de modernisation et de changements rapide. Et elle s’accompagne souvent de phénomènes de sécularisation tandis que des agglomérations urbaines entières, minées par la criminalité, l’exploitation des plus faibles, les luttes, ne cessent de créer des situations d’urgence.

             D’autre part, la diversité des nombreuses cultures et identités nationales du continent issues d’une multiplicité de grandes traditions religieuses sont aujourd’hui, plus qu’hier, à l’origine de tensions et conflits cyniquement instrumentalisés.

             Mais le fait que l’on continue à associer l’Église catholique à l’Occident, parce qu’elle dépend de règles, de financements et d’autorités occidentales, constitue encore aujourd’hui le plus sérieux des obstacles à la mission, créant des difficultés à la grande majorité des asiatiques. L’Église est souvent perçue comme un corps étranger, détaché de la structure religieuse et culturelle du continent.

             Les Philippines, dans ce panorama, représentent la seule vraie exception. Dans l’archipel, qui s’étend dans le Pacifique, la religion chrétienne apportée par les Espagnols s’est greffée sur les cultures et religions traditionnelles, obtenant un résultat qu’aucun autre pays d’Asie n’a connu. Dans ce contexte, on comprend pourquoi, sur une population qui dépasse les 100 millions, les catholiques dépassent les 80 %, et le nombre annuel des baptisés est plus élevé qu’en Italie, France, Espagne et Pologne mises ensemble.

             Le pape François s’est rendu compte de tout cela et, au cours de ses voyages, d’abord en Corée (13-18 août 2014), puis au Sri Lanka et aux Philippines (12-19 janvier 2015), il a pu le souligner, faisant valoir le défi que représentait l’évangélisation sur ce continent.

    Le 51e Congrès eucharistique

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             Cebu est appelée « berceau du christianisme » et « reine du Sud ». C’est aussi la première ville fondée aux Philippines par les Espagnols qui, le 1er janvier 1571, rebaptisèrent le village royal de Sugbu (= Cebu, en langue locale) en « Villa del Santo Niño », le plaçant sous la protection de l’Enfant Jésus. Cinq siècles d’interaction entre la culture locale et le message chrétien ont porté à cette harmonieuse fusion que l’on appelle aujourd’hui « culture chrétienne philippine ». Les chrétiens qui arrivent à Cebu de tous les coins du monde se trouvent chez eux, au milieu de personnes qui partagent les mêmes aspirations et la même espérance qu’eux !

             La petite communauté chrétienne de Sugbu, sous la protection du Santo Niño, est devenue la deuxième concentration métropolitaine de l’archipel et un archidiocèse florissant de presque 5 millions de personnes, pratiquement toutes catholiques, avec un clergé actif et vaillant, des religieux (hommes et femmes) très actifs, et un nombre encourageant de séminaristes. Foi grandissante et vie chrétienne florissante furent une constante dans l’Eglise locale, et ça l’est encore aujourd’hui. Il suffit de penser à toutes les institutions et organisations catholiques, à tous les mouvements laïques prospères – sous la conduite de l’archevêque Mgr Palma – entre la hiérarchie et le clergé tant diocésain que religieux ; au gros travail d’évangélisation des prêtres et des agents pastoraux ; à ce profond sens ecclésial et religieux qui habite les gens.

             D’autre part, l’architecture religieuse laissée par l’Espagne, les interminables plages de sable blanc, bordées de palmiers qui donnent à la ville une atmosphère paradisiaque, la croissance de l’industrie touristique et hôtelière, font de cet endroit une destination du tourisme international.

             Le Congrès de Cebu n’est pas le premier congrès eucharistique international célébré aux Philippins. En 1937, Manille accueillit le 33e Congrès, le premier célébré en Asie. Ce congrès, qui connut un succès émouvant, fut sans aucun doute l’événement international le plus important jamais célébré jusqu’ici dans ce pays. Le 51e Congrès, célébré en ce mois de janvier 2016, sera tout aussi important. Il entre dans la « neuvaine d’années » que les chrétiens des Philippines célèbrent en ce moment pour préparer le 500e anniversaire de l’arrivée de la foi chrétienne dans leur pays.

             Le thème du congrès – « Le Christ parmi vous, l’espérance de la gloire » – fait l’objet d’un texte de base qui se concentre sur les rapports entre l’eucharistie et la mission à l’intérieur d’une Eglise qui se perçoit comme un événement missionnaire.

             La foi chrétienne ne tient pas seulement une place extraordinaire dans l’histoire des Philippines, elle est un phare dans sa vocation providentielle à évangéliser l’Asie. Cette évangélisation, depuis désormais des décennies, selon les conférences épiscopales présentes en Asie, passe par un triple dialogue avec les cultures et les religions, avec la masse de pauvres du continent et les jeunes dont l’Asie abonde. Enfin, à Cebu on prend conscience que pour célébrer un événement international de cette portée, on n’a pas besoin d’une métropole de premier choix, riche en structures, en espaces publics, et en qualités solides pour tout organiser. Ce qu’il faut, c’est plutôt un espace humain, voire relativement pauvre, qui soit en marge du monde, en marge du bien-être, mais riche en foi, où le peuple soit accueillant et généreux. On a besoin d’un terrain où l’annonce missionnaire de l’eucharistie croît et porte des fruits.

    La célébration du Congrès

             Pour présider l’événement de Cebu, le pape François a nommé un représentant spécial, le cardinal Charles Maun Bo, Archevêque de Yangon (jadis Rangoon), capitale du Myanmar (ou Birmanie). Le cardinal présidera ce dimanche 24 janvier la messe d’ouverture du Congrès qui aura lieu en plein cœur de la ville, sur la Plaza Independencia, en face du fort San Pedro, l’endroit des premières installations espagnoles de la zone.

             Parmi les milliers de pèlerins provenant de tous les continents (les pays représentés seront plus de 60) mais surtout des communautés chrétiennes d’Asie, on prévoit aussi la présence d’au moins 20 cardinaux, environ 200 évêques et des milliers de prêtres. Durant la semaine du Congrès, les participants célèbreront l’Eucharistie, prieront ensemble, se rassembleront en procession, interviendront aux catéchèses générales tenus par une quinzaine d’orateurs internationaux de premier choix, écouteront des dizaines et des dizaines de témoignages, débattront sur des thèmes religieux et pourront vivre une vraie solidarité ecclésiale. Le tout avec l’aide de 50 000 bénévoles et des paroisses de la ville qui ne ménageront pas leurs efforts.

             Le Congrès s’achèvera le dimanche 31 janvier par une messe célébrée dans un vaste espace capable de recevoir plus d’un million de fidèles, situé dans la South Road Property, la partie de la ville en plein essor.

             Tous ceux qui arriveront à Cebu de tous les coins du monde pour assister à ces « journées mondiales de l’Eucharistie », pourront vivre l’expérience d’une mission qui aujourd’hui, et pas seulement en Asie, se réalise à travers un échange de dons entre celui qui annonce et celui qui reçoit l’annonce évangélique. Dans cet environnement, très loin du labyrinthe rationaliste de l’Occident, on peut encore faire appel à l’intelligence des affects, à l’expérience de la pauvreté et de la souffrance pour ouvrir les cœurs et bâtir des communautés qui ont envie de « manger du pain dans le Royaume de Dieu » (cf. Lc 14,15).

     

    P Vittorio Boccardi sss.jpgP. Vittore Boccardi, sss,
    secrétaire du Comité pontifical des congrès eucharistiques

     

     

    Traduction complète de la présentation du P. Boccardi établie par & sur Zenit.


    Le programme et les informations se trouvent sur le site du Comité pontifical : www.congressieucaristici.va et sur le site du Congrès de Cebu : www.iec2016.ph

    Crédit photo du Père Vittore Boccardi : WIKIMEDIA COMMONS - Judgefloro

    51ème Congrès Eucharistique International.pdf

     

     

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  • LE CŒUR ADMIRABLE DE LA TRÈS SACRÉE MÈRE DE DIEU par Jean Eudes

    LE CŒUR ADMIRABLE DE LA TRÈS SACRÉE MÈRE DE DIEU

    LIVRE DIXIÈME

    CONTENANT LE SACRÉ CANTIQUE DU TRÈS SAINT CŒUR

    DE LA BIENHEUREUSE VIERGE, AVEC SON EXPLICATION.

    StJeanEudesVitrail.jpg

     

    CHAPITRE I

    --Excellence de ce Cantique.

     

             Les divines Écritures contiennent plusieurs saints Cantiques qui ont été faits par de saintes femmes, à savoir, par Marie, la sœur de Moïse et d'Aaron, par Débora, par Judith, et par Anne, mère du prophète Samuel, pour rendre grâces à Dieu de plusieurs faveurs extraordinaires de sa divine Bonté. Mais le plus saint et le plus digne de tous les Cantiques est le Magnificat de la très sacrée Mère de Dieu, tant à raison de la dignité et sainteté de celle qui l'a fait, que pour les grands et admirables mystères qui y sont compris; comme aussi pour les miracles que Dieu a opérés par ce Cantique. Nous ne lisons point qu'il en ait fait aucun par les autres ; mais saint Thomas de Villeneuve, Archevêque de Valence, remarque[1] que ç'a été à la prononciation de ce Cantique que le Saint-Esprit a opéré plusieurs merveilles dans le saint Précurseur du Fils de Dieu, comme aussi dans son père et dans sa mère; et que l'expérience a fait voir plusieurs fois que c'est un excellent moyen pour chasser les démons des corps des possédés. Plusieurs autres graves auteurs rapportent divers miracles qui ont été faits par la récitation de ce même Cantique.

    Saint Anselme écrit de soi-même[2], qu'étant travaillé de plusieurs maladies qui lui faisaient souffrir des douleurs très aiguës, il en fut guéri entièrement en récitant le Magnificat.

    Césarius raconte d'un saint religieux, qui avait une dévotion particulière à la bienheureuse Vierge et spécialement en la récitation de ce Cantique, qu'étant proche de sa fin, cette même Vierge lui apparut, et lui déclara que dans sept jours il sortirait de ce monde ; ensuite de quoi elle lui donna sa bénédiction. Et le septième jour suivant, ce bon religieux étant à l'extrémité, elle lui apparut derechef, en la présence du Prieur du Monastère, accompagnée d'un grand nombre d'Anges et de Saints, et demeura présente jusqu'à ce que ce saint homme eût rendu son esprit à Dieu avec une joie qui n'est pas concevable.

    Le Cardinal Jacques de Vitry écrit, dans la Vie de sainte Marie d'Ognies, qu'étant proche de la mort, et chantant ce Cantique de la Mère de Dieu, elle lui apparut, et l'avertit de recevoir le sacrement de l'Extrême-Onction. Après quoi elle se trouva présente à sa fin, avec plusieurs Saints, et même avec le Saint des saints, son Fils Jésus.

    Tout ceci nous fait voir que c'est une chose très agréable à notre Sauveur et à sa divine Mère de réciter ce divin Cantique avec dévotion.

    Nous ne trouvons point que la bienheureuse Vierge l'ait chanté ou prononcé publiquement plus d'une fois, pendant qu'elle était en ce monde ; mais on ne peut pas douter qu'elle ne l'ait récité et peut-être chanté plusieurs fois en son particulier.

    Quelques auteurs rapportent qu'on l'a vue beaucoup de fois, en quelques églises, durant la célébration des Vêpres, environnée d'un grand nombre d'Anges, et qu'on l'a entendue chanter ce merveilleux Cantique avec eux et avec les prêtres, mais d'une manière si mélodieuse et si charmante, qu'il n'y a point de paroles qui la puisse exprimer.

    Souvenez-vous aussi, quand vous chanterez ou réciterez ce Cantique virginal, de vous donner au Saint-Esprit, pour vous unir à la dévotion et à toutes les saintes dispositions avec lesquelles il a été chanté et récité par la bienheureuse Vierge, et par un nombre innombrable de Saints et de Saintes, qui l'ont chanté et récité si saintement.

     

    CHAPITRE II

    --Raisons pour lesquelles le Magnificat peut être appelé le Cantique du Cœur de la très sainte Vierge.

     Vitrail Jean Eudes Sacré Coeur Montmartre.jpg         J'appelle le Magnificat le Cantique sacré du très saint Cœur de la bienheureuse Vierge, pour plusieurs raisons.

    Premièrement, parce qu'il a pris son origine dans ce divin Cœur, et qu'il en est sorti avant que de paraître en sa bouche.

    Secondement, parce que sa bouche ne l'a prononcé que par le mouvement qu'elle en a reçu de son Cœur, et de son Cœur corporel, spirituel et divin. Car le Cœur corporel de cette divine Vierge étant rempli d'une joie sensible et extraordinaire, a porté sa très sainte bouche à chanter ce Magnificat avec une ferveur et une jubilation extraordinaire. Son Cœur spirituel étant tout ravi et transporté en Dieu, a fait sortir de sa bouche sacrée ces paroles extatiques : Et exultavit spiritus meus

    in Deo salutari meo[3] : « Mon esprit est transporté de joie en Dieu mon Sauveur. »

    Son Cœur divin, c'est-à-dire son divin Enfant, qui est résidant en ses bénites entrailles et demeurant dans son Cœur, et qui est l'âme de son âme, l'esprit de son esprit, le Cœur de son Cœur, est le premier auteur de ce Cantique. C'est lui qui met les pensées et les vérités qui y sont contenues dans l'esprit de sa divine Mère, et c'est lui qui prononce par sa bouche les oracles dont il est rempli.

    Troisièmement, le Magnificat est le Cantique du Cœur de la Mère d'amour, c'est-à-dire le Cantique du Saint-Esprit, qui est l'Esprit et le Cœur du Père et du Fils, et qui est aussi le Cœur et l'Esprit de cette Vierge Mère, dont elle est tellement remplie et possédée, que sa présence et sa voix remplissent saint Zacharie, sainte Élisabeth, et l'enfant qu'elle porte dans son ventre, de ce même Esprit.

    Enfin c'est le Cantique du Cœur et de l'amour de cette Vierge très aimable, parce que c'est le divin amour dont est tout embrasée qui lui fait prononcer toutes les paroles de ce merveilleux Cantique, qui, selon saint Bernardin, sont autant de flammes d'amour qui sont sorties de l'ardente fournaise du divin amour qui brûle dans le Cœur sacré de cette Vierge incomparable.

    O Cantique d'amour, ô Cantique virginal du Cœur de la Mère d'amour, qui avez votre première origine dans le Cœur même du Dieu d'amour, qui est Jésus, et dans le Cœur de l'amour personnel et incréé, qui est le Saint-Esprit ; il n'appartient qu'à la très digne bouche de la Mère de la belle dilection de vous chanter et de vous prononcer. Les Séraphins même s'en réputent indignes. Comment est-ce donc que les pécheurs misérables, tels que nous sommes, osent proférer les divines paroles dont vous êtes composé, et passer par leurs bouches immondes les mystères ineffables que vous contenez ? Oh ! Avec quel respect et quelle vénération ce très saint Cantique doit-il être prononcé et chanté ! Oh ! quelle doit être la pureté de la langue et la sainteté de la bouche qui le prononce ! Oh ! quels feux et quelles flammes d'amour il doit allumer dans les Cœurs des ecclésiastiques et des personnes religieuses qui le récitent et le chantent si souvent ! Certainement il faudrait être tout Cœur et tout amour pour chanter et pour prononcer ce Cantique d'amour.

    O Mère de la belle dilection, faites-nous participants, s'il vous plaît, de la sainteté, de la ferveur et de l'amour avec lequel vous avez chanté en la terre ce Cantique admirable, que vous chanterez à jamais dans le ciel, avec tous les Anges et tous les Saints, et nous obtenez de votre Fils la grâce d'être du nombre de ceux qui le chanteront éternellement avec vous, pour rendre grâces immortelles à la très adorable Trinité de toutes les choses grandes qu'elle a opérées en vous et par vous, et des grâces innombrables qu'elle a faites à tout le genre humain par votre moyen.

     

    CHAPITRE III.

    --Explication du premier verset :

    Magnificat anima mea Dominum.

     

    Vitrail 2 Coeus St Jean Eudes SC.jpg

             Ce premier verset ne contient que quatre paroles, mais qui sont pleines de plusieurs grands mystères. Pesons-les soigneusement au poids du sanctuaire, c'est-à-dire, considérons-les attentivement et avec un esprit d'humilité, de respect et de piété, pour nous animer à magnifier Dieu avec la bienheureuse Vierge pour les choses grandes et merveilleuses qu'il a opérées en elle, par elle, pour elle et pour nous aussi.

    Voici la première parole : Magnificat. Que veut dire cette parole ? Qu'est-ce que magnifier Dieu ? Peut-on magnifier celui dont la grandeur et la magnificence sont immenses, infinies et incompréhensibles ? Nullement cela est impossible, et impossible à Dieu même, qui ne peut pas se faire plus grand qu'il est. Nous ne pouvons pas magnifier, c'est-à-dire faire Dieu plus grand en lui-même, puisque ses divines perfections étant infinies ne peuvent recevoir aucun accroissement en elles-mêmes ; mais nous le pouvons magnifier en nous. Toute âme sainte, dit saint Augustin[4], peut concevoir le Verbe éternel en soi-même, par le moyen de la foi ; elle peut l'enfanter dans les autres âmes par la prédication de la divine parole ; et elle peut le magnifier en l'aimant véritablement, afin qu'elle puisse dire : Mon âme magnifie le Seigneur. Magnifier le Seigneur, dit le même saint Augustin, c'estadorer, louer, exalter sa grandeur immense, sa majesté suprême, ses excellences etperfections infinies.

    Nous pouvons magnifier Dieu en plusieurs manières. 1. Par nos pensées, ayant une très haute idée et une très grande estime de Dieu et de toutes les choses de Dieu. 2. Par nos affections, en aimant Dieu de tout notre Cœur et par-dessus toutes choses. 3. Par nos paroles, en parlant toujours de Dieu et de toutes les choses qui le regardent avec un très profond respect, et en adorant et exaltant sa puissance infinie, sa sagesse incompréhensible, sa bonté immense et ses autres perfections. 4. Par nos actions, en les faisant toujours pour la seule gloire de Dieu. 5. En pratiquant ce que le Saint-Esprit nous enseigne en ces paroles : Humilia te in omnibus, et coram Deo invenies gratiam, quoniam magna potentia Dei solius, et ab humilibus honoratur[5] : « Humiliez-vous en toutes choses, et vous trouverez grâce devant Dieu, d'autant que la grande et souveraine puissance n'appartient qu'à lui seul, et il est honoré par les humbles. » 6. En portant les croix que Dieu nous envoie, de grand Cœur pour l'amour de lui. Car il n'y a rien qui l'honore davantage que les souffrances, puisque notre Sauveur n'a pas trouvé de moyen plus excellent pour glorifier son Père, que les tourments et la mort de la croix. Enfin magnifier Dieu, c'est le préférer et l'exalter par-dessus toutes choses, par nos pensées, par nos affections, par nos actions, par nos humiliations et par nos mortifications.

    Mais, hélas ! nous faisons souvent tout le contraire ; car au lieu de l'exalter, nous l'abaissons ; au lieu de le préférer à toutes choses, nous préférons les créatures au Créateur ; au lieu de préférer ses volontés, ses intérêts, sa gloire et son contentement à nos volontés, à nos intérêts, à notre honneur et à nos satisfactions, nous faisons tout le contraire, nous postposons Jésus à Barrabas. N'est-ce pas ce que font tous les jours les pécheurs ? O chose épouvantable ! Dieu a élevé l'homme au plus haut trône de la gloire et de la grandeur par son Incarnation ; et l'homme ingrat et détestable abaisse et humilie son Dieu jusqu'au plus profond du néant. Oui, jusqu'au plus profond du néant, puisque celui qui pèche mortellement préfère un chétif intérêt temporel, un infâme plaisir d'un moment et un peu de fumée d'un honneur passager, à son Dieu et à son Créateur ; et que même il l'anéantit autant qu'il est en lui, selon ces paroles de saint Bernard : Deum, in quantum in se est, perimit ; ne voulant point d'autre Dieu que soi-même et ses passions déréglées.

    Ce n'est pas ainsi que vous en usez, Ô Vierge sainte ! Car vous avez toujours magnifié Dieu très hautement et très parfaitement, depuis le premier moment de votre vie jusqu'au dernier. Vous l'avez toujours magnifié très excellemment, par toutes vos pensées, par toutes vos affections, par toutes vos paroles, par toutes vos actions, par votre très profonde humilité, par toutes vos souffrances, par la pratique en souverain degré de toutes les vertus, et par le très saint usage que vous avez fait de toutes les puissances de votre âme et de tous vos sens intérieurs et extérieurs. Enfin vous seule l'avez glorifié plus dignement et magnifié plus hautement que toutes les créatures ensemble.

    Venons à la seconde parole de notre Cantique, qui est anima : « Mon âme magnifie le Seigneur ». Remarquez que la bienheureuse Vierge ne dit pas Je magnifie, mais Mon âme magnifie le Seigneur, pour montrer qu'elle le magnifie du plus intime de son Cœur et de toute l'étendue de ses puissances intérieures. Elle ne le magnifie pas aussi seulement de sa bouche et de sa langue, de ses mains et de ses pieds ; mais elle emploie toutes les facultés de son âme, son entendement, sa mémoire, sa volonté et toutes les puissances de la partie supérieure et inférieure de son âme, et elle épuise toutes les forces de son intérieur et de son extérieur pour louer, glorifier et magnifier son Dieu. Et elle ne le magnifie pas seulement en son nom particulier, ni pour satisfaire aux obligations infinies qu'elle a de le faire, à raison des faveurs inconcevables qu'elle a reçues de sa divine Bonté ; mais elle le magnifie au nom de toutes les créatures, et pour toutes les grâces qu'il a faites à tous les hommes, s'étant fait homme pour les faire dieux et pour les sauver tous, s'ils veulent correspondre aux desseins de l'amour inconcevable qu'il a pour eux.

    Voici la troisième parole : mea, « mon âme ». Quelle est cette âme que la bienheureuse Vierge appelle son âme ?

    Je réponds à cela premièrement, que je trouve un grand auteur[6] qui dit que cette âme de la bienheureuse Vierge, c'est son Fils Jésus, qui est l'âme de son âme.

    Secondement, je réponds que ces paroles, anima mea comprennent en premier lieu l'âme propre et naturelle qui anime le corps de la sacrée Vierge ; en second lieu, l'âme du divin Enfant qu'elle porte en ses entrailles, qui est unie si étroitement à la sienne, que ces deux âmes ne font en quelque manière qu'une seule âme, puisque l'enfant qui est dans les entrailles maternelles n'est qu'un avec sa mère. En troisième lieu, que ces paroles, anima mea, mon âme, marquent et renferment toutes les âmes créées à l'image et à la ressemblance de Dieu, qui ont été, sont et seront dans tout l'univers. Car si saint Paul nous assure que le Père éternel nous a donné toutes choses en nous donnant son Fils : Cum ipso omnia nobis donavit[7], il est sans doute qu'en le donnant à sa divine Mère, il lui a donné aussi toutes choses. À raison de quoi toutes les âmes sont à elle. Et comme elle n'ignore pas cela, et qu'elle connaît aussi très bien qu'elle est en obligation de faire usage de tout ce que Dieu lui a donné, pour son honneur et pour sa gloire, lorsqu'elle prononce ces paroles, Mon âme magnifie le Seigneur, regardant toutes les âmes qui ont été, sont et seront, comme des âmes qui lui appartiennent, elle les embrasse toutes pour les unir à l'âme de son Fils et à la sienne, et pour les employer à louer, exalter et magnifier celui qui est descendu du ciel et qui s'est incarné dans son sein virginal pour opérer le grand œuvre de leur Rédemption.

    Nous voici à la dernière parole du premier verset : Dominum : « Mon âme magnifie le Seigneur. »

    Quel est ce Seigneur que la bienheureuse Vierge magnifie ? C'est celui qui est le Seigneur des seigneurs, et le Seigneur souverain et universel du ciel et de la terre.

    Ce Seigneur est le Père éternel, ce Seigneur est le Fils, ce Seigneur est le Saint-Esprit, trois personnes divines qui ne sont qu'un Dieu et un Seigneur, et qui n'ont qu'une même essence, puissance, sagesse, bonté et majesté. La très sacrée Vierge loue et magnifie le Père éternel de l'avoir associée avec lui dans sa divine paternité, la rendant Mère du même Fils dont il est le Père. Elle magnifie le Fils de Dieu, de ce qu'il a bien voulu la choisir pour sa Mère et être son véritable Fils. Elle magnifie le Saint-Esprit, de ce qu'il a voulu accomplir en elle la plus grande de ses œuvres, c'est-à-dire le mystère adorable de l'Incarnation. Elle magnifie le Père, le Fils et le Saint-Esprit des grâces infinies qu'ils ont faites et qu'ils ont dessein de faire à tout le genre humain.

    Apprenons d'ici qu'un des principaux devoirs que Dieu demande de nous, et une de nos plus grandes obligations vers sa divine Majesté, est la reconnaissance de ses bienfaits, dont nous devons lui rendre grâces de tout notre Cœur et avec une affection très particulière. Ayons donc soin d'imiter en ceci la glorieuse Vierge, et de dire souvent avec elle : Magnificat anima mea Dominum, pour remercier la très sainte Trinité, non seulement de toutes les grâces que nous avons reçues, mais aussi de tous les biens qu'elle a jamais faits à toutes ses créatures. Et en disant ces paroles : anima mea, souvenons-nous que le Père éternel, en nous donnant son Fils, nous a donné toutes choses avec lui, et par conséquent que les âmes saintes de Jésus et de sa divine Mère, et toutes les autres âmes généralement sont à nous : À raison de quoi nous pouvons et devons en faire usage pour la gloire de celui qui nous les a données, par un grand désir de louer et glorifier Dieu de tout notre Cœur, de toute notre âme et de toutes nos forces, comprenant en ces paroles tous les Cœurs et toutes les âmes de l'univers, qui sont nôtres et que nous voulons unir ensemble, n'en faisant qu'un Cœur et qu'une âme pour l'employer à louer notre Créateur et notre Sauveur.

     

    CHAPITRE IV

    --Explication du second verset :

    Et exultavit spiritus meus in Deo salutari meo :

    « Mon esprit est transporté de joie en Dieu mon Sauveur. »

     

    Vitrail 2 Coeus St Jean Eudes SC.jpg         Ces divines paroles prononcées de la bouche sacrée de la Mère du Sauveur, nous déclarent la joie ineffable et incompréhensible dont son Cœur, son esprit et son âme, avec toutes ses facultés, ont été remplies et saintement enivrées au moment de l'Incarnation du Fils de Dieu en elle, et pendant qu'elle l'a porté dans ses bénites entrailles ; et même durant tout le reste de sa vie, selon Albert le Grand et quelques autres Docteurs. Joie qui a été si excessive, spécialement au moment de l'Incarnation, que, comme son âme sainte a été séparée de son corps au dernier instant de sa vie, par la force de son amour vers Dieu et par l'abondance de la joie qu'elle avait de se voir sur le point d'aller avec son Fils dans le ciel ; elle serait morte aussi de joie en la vue des bontés inénarrables de Dieu au regard d'elle et au regard de tout le genre humain, si elle n'avait été conservée en vie par miracle. Car, si l'histoire nous fait foi que la joie a fait mourir plusieurs personnes, en la vue de quelques avantages temporels qui leur étaient arrivés, il est très croyable que cette divine Vierge en serait morte aussi, si elle n'avait été soutenue par la vertu du divin Enfant qu'elle portait en ses entrailles virginales, vu qu'elle avait les plus grands sujets de joie qui aient jamais été et qui seront jamais.

    Car, 1. Elle se réjouissait en Dieu, in Deo, c'est-à-dire de ce que Dieu est infiniment puissant, sage, bon, juste et miséricordieux ; et de ce qu'il fait éclater d'une manière si admirable sa puissance, sa bonté et tous ses autres divins attributs au mystère de l'Incarnation et de la Rédemption du monde.

    2. Elle se réjouissait en Dieu son Sauveur, de ce qu'il est venu en ce monde pour la sauver et racheter premièrement et principalement, en la préservant du péché originel, et en la comblant de ses grâces et de ses faveurs, avec tant de plénitude, qu'il l'a rendue la Médiatrice et la Coopératrice avec lui du salut de tous les hommes.

    3. Son Cœur était comblé de joie de ce que Dieu l'a regardée des yeux de sa bénignité, c'est-à-dire a aimé et approuvé l'humilité de sa servante, dans laquelle il a pris un contentement et une complaisance très singulière. C'est ici, dit saint Augustin[8], la cause de la joie de Marie, parce qu'il a regardé l'humilité de sa servante ; comme si elle disait : Je me réjouis de la grâce que Dieu m'a faite, parce que c'est de lui que j'ai reçu le sujet de cette joie ; et je me réjouis en lui, parce que j'aime ses dons pour l'amour de lui.

    4. Elle se réjouissait des choses grandes que sa toute-puissante Bonté a opérées en elle, qui sont les plus grandes merveilles qu'il ait jamais faites en tous les siècles passés, et qu'il fera en tous les siècles à venir, ainsi que nous verrons ci-après, dans l'explication du quatrième verset.

    5. Elle se réjouissait non seulement des faveurs qu'elle a reçues de Dieu, mais aussi des grâces et des miséricordes qu'il a répandues sur tous les hommes qui veulent se disposer à les recevoir.

    6. Elle se réjouissait non seulement de la bonté de Dieu au regard de ceux qui n'y mettent point d'empêchement, mais aussi des effets de sa justice sur les superbes, qui méprisent ses libéralités.

    Outre cela la bienheureuse Vierge se réjouissait d'une autre chose fort particulière, et qui est digne de sa bonté incomparable. C'est saint Antonin qui la met en avant[9], et je la rapporte ici, afin que cela nous excite à aimer et servir celle qui a tant d'amour pour nous. Voici ce que c'est : Saint Antonin, expliquant ces paroles : Exultavit spiritus meus, dit qu'il les faut entendre comme celles que notre Sauveur a dites en la croix : Pater, in manus tuas commendo spiritum meum[10] : « Mon Père, je recommande mon esprit entre vos mains », c'est-à-dire je vous recommande, dit saint Antonin, tous ceux qui seront unis à moi par la foi et par la charité. Car celui qui adhère à Dieu n'est qu'un esprit avec lui : Qui enim adhaeret Deo, unus spiritus est cum eo[11]. Semblablement la Mère du Sauveur (c'est toujours saint Antonin qui parle), étant toute ravie et comme extasiée et transportée en Dieu, lorsqu'elle prononce ces paroles : Exultavit spiritus meus, etc., elle voit en esprit une multitude presque innombrable de ceux qui auront une dévotion et affection particulière pour elle, et qui seront du nombre des prédestinés, dont elle reçoit une joie inconcevable.

    Cela étant ainsi, qui est-ce qui ne se portera point à aimer cette Mère toute bonne et toute aimable, qui a tant d'amour pour ceux qui l'aiment, qu'elle les regarde et les aime comme son esprit, son âme et son Cœur ? Écoutons ce que le bienheureux Lansperge dit à chacun de nous, pour nous porter à cela[12] :

    « Je vous exhorte, mon cher fils, d'aimer notre très sainte Dame et notre divine Maîtresse. Car si vous désirez vous garantir d'une infinité de périls et de tentations dont cette vie est pleine, si vous désirez trouver de la consolation et n'être point accablé de tristesse dans vos adversités, si enfin vous souhaitez d'être uni inséparablement avec notre Sauveur, ayez une vénération et une affection singulière pour sa très pure, très aimable, très douce, très fidèle, très gracieuse et très puissante Mère. Car, si vous l'aimez véritablement et que vous tâchiez de l'imiter soigneusement, vous expérimenterez qu'elle vous sera aussi une Mère pleine de douceur et de tendresse, et qu'elle est si peine de bonté et de miséricorde, qu'elle ne méprise personne et qu'elle ne délaisse aucun de ceux qui l'invoquent : n'ayant point de plus grand désir que d'élargir les trésors des grâces que son Fils lui a mis entre les mains, à tous les pécheurs. Quiconque aime cette Vierge immaculée est chaste ; quiconque l'honore est dévot ; quiconque l'imite est saint.

    Personne ne l'aime sans ressentir les effets de son amour réciproque ; pas un de ceux qui lui ont dévotion ne peut périr ; pas un de ceux qui tâchent de l'imiter ne peut manquer d'acquérir le salut éternel. Combien a-t-elle reçu, dans le sein de sa miséricorde, de misérables pécheurs qui étaient comme dans le désespoir et dans l'abandon à toutes sortes de vices, et qui avaient déjà, s'il faut ainsi dire, un pied dans l'enfer, et qu'elle n'a pas néanmoins rejetés, lorsqu'ils ont eu recours à sa piété ; mais qu'elle a arrachés de la gueule du dragon infernal, les réconciliant avec son Fils, et les remettant dans le chemin du paradis ? Car c'est une grâce, un privilège et un pouvoir que son Fils lui a donné, qu'elle puisse amener à la pénitence ceux qui l'aiment, à la grâce ceux qui lui sont dévots, et à la gloire du ciel ceux qui s'efforcent de l'imiter.»

    Si vous désirez savoir maintenant ce qu'il faut faire pour aimer et louer le Fils et la Mère, et pour rendre grâce à Dieu avec elle de toutes les joies qu'il lui a données, écoutez ce qu'elle-même dit un jour à sainte Brigitte[13] :

    « Je suis, lui dit-elle, la Reine du ciel. Vous êtes en soin de quelle manière vous me devez louer. Sachez pour certain que toutes les louanges que l'on donne à mon Fils sont mes louanges, et quiconque le déshonore me déshonore ; parce que je l'ai aimé si tendrement, et il m'a aimée si ardemment, que lui et moi nous n'étions qu'un Cœur. Et il m'a tant honorée, moi qui n'étais qu'un chétif vaisseau de terre, qu'il m'a exaltée par-dessus tous les Anges. Voici donc comme vous devez me louer, en bénissant mon Fils. Béni soyez-vous, ô mon Dieu, Créateur de toutes choses, qui avez daigné descendre dans les sacrées entrailles de la Vierge Marie ! Béni soyez-vous, ô mon Dieu, qui avez daigné prendre une chair immaculée et sans péché de la Vierge Marie, et qui avez demeuré en elle l'espace de neuf mois, sans lui causer aucune incommodité. Béni soyez-vous, ô mon Dieu, qui étant venu en Marie par votre admirable Incarnation, et en étant sorti par votre Naissance ineffable, l'avez comblée intérieurement et extérieurement d'une joie incompréhensible. Béni soyez-vous, ô mon Dieu, qui, après votre Ascension, avez souvent rempli cette divine Marie, votre Mère, de vos célestes consolations ; et qui l'avez souvent visitée et consolée par vous-même ! Béni soyez-vous, ô mon Dieu, qui avez transporté dans le ciel le corps et l'âme de cette glorieuse Vierge, et qui l'avez établie par-dessus tous les Anges, dans un trône très sublime proche de votre divinité !

    Faites-moi miséricorde par ses prières et pour l'amour d'elle. »

    Voici encore une des joies de la Reine du ciel, qui sont marquées en ces paroles : Exultavit spiritus meus, etc., laquelle surpasse infiniment toutes les autres : C'est que plusieurs saints Pères et graves Docteurs écrivent que cette Vierge Mère étant comme extasiée et transportée en Dieu, au moment de l'Incarnation de son Fils en elle, fut remplie des joies inconcevables que les Bienheureux possèdent dans le ciel, et qu'elle fut ravie jusqu'au troisième ciel, là où elle eut le bonheur de voir Dieu face à face et très clairement. La preuve que ces saints Pères en apportent est parce que c'est une maxime indubitable parmi eux, que tous les privilèges dont le Fils de Dieu a honoré ses autres Saints, il les a communiqués à sa divine Mère. Or, saint Augustin, saint Chrysostome, saint Ambroise, saint Basile, saint Anselme, saint Thomas et plusieurs autres ne font point de difficulté de dire que saint Paul, étant encore ici-bas, vit l'essence de Dieu, lorsqu'il fut ravi au troisième ciel. Qui peut douter après cela que la Mère de Dieu, qui a toujours vécu dans une très parfaite innocence, et qui l'a plus aimé elle seule que tous les Saints ensemble, n'ait joui de cette même faveur, non pas une fois seulement, mais plusieurs, spécialement au moment heureux de la conception de son Fils ? C'est le sentiment de saint Bernard, d'Albert le Grand, de saint Antonin et de beaucoup d'autres. « O bienheureuse Marie, s'écrie le saint abbé Rupert[14], ç'a été pour lors qu'un déluge de joie, une fournaise d'amour et un torrent de délices célestes est venu fondre sur vous, et vous a toute absorbée et enivrée, et vous a fait ressentir ce que jamais œil n'a vu, ni oreille entendu, ni Cœur humain compris. »

    Apprenons de là que les enfants du siècle sont dans une erreur très pernicieuse et se trompent lourdement, de s'imaginer qu'il n'y a point de joie ni de contentement en ce monde, mais qu'il n'y a que tristesse, amertume et affliction pour ceux qui servent Dieu. Oh ! tromperie insupportable ! oh ! mensonge détestable, qui ne peut procéder que de celui qui est le père de toutes les erreurs et de toutes les faussetés.

    N'oyons-nous pas la voix de la Vérité éternelle qui crie : Tribulation et angoisse à toute âme de l'homme qui fait le mal ; mais gloire, honneur et paix à tous ceux qui font le bien[15] ; et que le Cœur de l'impie est semblable à une mer qui est toujours agitée, troublée et bouleversée : Cor impii quasi mare fervens[16] ; et que la crainte de Dieu change les Cœurs de ceux qui l'aiment, en un paradis de joie, d'allégresse, de paix, de contentement et de délices inexplicables : Timor Domini delectabit cor, et dabit laetitiam et gaudium[17] ; et que les vrais serviteurs de Dieu possèdent une félicité plus solide, plus véritable et plus grande, même au milieu des plus fortes tribulations, que tous les plaisirs de ceux qui suivent le parti de Satan.

    N'entendez-vous pas saint Paul qui assure : qu'il est rempli de consolation et qu'il nage dans la joie au milieu de toutes ses tribulations[18] ?

    Voulez-vous connaître ces vérités par l'expérience ? Gustate et videte quoniam suavis est Dominus[19] : « Goûtez et voyez combien le Seigneur est plein de bonté, d'amour et de douceur pour ses véritables amis. » Mais si vous désirez faire cette expérience, il est nécessaire de renoncer aux faux plaisirs et aux trompeuses délices du monde, c'est-à-dire du moins aux plaisirs illicites qui déplaisent à Dieu et qui sont incompatibles avec le salut éternel ; car le Saint-Esprit nous déclare que nous ne pouvons pas boire de la coupe du Seigneur et de la coupe des démons : et qu'il est impossible de manger à la table de Dieu et à la table des diables : Non potestis calicem Domini bibere et calicem daemoniorum, non potestis mensa Domini participes esse, et mensa daemoniorum[20]. Si donc vous désirez manger à la table du Roi du ciel et boire dans sa coupe, renoncez tout à fait à la table de l'enfer et à la coupe des diables, et alors vous expérimenterez combien ces divines paroles sont véritables : Inebriabuntur ab ubertate domus tua, et torrente voluptatis tua potabis eos[21] « Oui, Seigneur, vous abreuverez, vous rassasierez et vous enivrerez vos enfants de l'abondance des biens de votre maison, et des torrents de vos délices. »

    O Vierge sainte, imprimez dans nos Cœurs une participation du mépris, de l'aversion et du détachement que votre Cœur virginal a toujours porté des faux plaisirs de la terre, et nous obtenez de votre Fils la grâce de mettre tout notre contentement, notre joie et nos délices à l'aimer et glorifier, et à vous servir et honorer de tout notre Cœur, de toute notre âme et de toutes nos forces.

     

    CHAPITRE V.

    --Explication du troisième verset :

    Quia respexit humilitatem ancillae suae :

    ecce enim ex hoc beatam me dicent omnes generationes.

     

             Pour bien entendre ce verset, il le faut joindre avec le précédent dont il est la suite, en cette manière : Mon esprit est ravi et tout transporté de joie en Dieu mon Sauveur, parce qu'il a regardé l'humilité de sa servante ; car voilà que désormais toutes les générations me diront bienheureuse.

    Ce verset contient deux choses principales, dont la première est exprimée en ces paroles : Il a regardé l'humilité de sa servante. Quelle est cette humilité dont la bienheureuse Vierge parle ici ? Les sentiments des saints Docteurs sont partagés là-dessus. Quelques uns disent qu'entre toutes les vertus, l'humilité est la seule qui ne se regarde et ne se connaît point elle-même ; car celui qui se croit humble est superbe. À raison de quoi, quand la bienheureuse Vierge dit que Dieu a regardé son humilité, elle parle, non pas de la vertu d'humilité, mais de sa bassesse et de son abjection.

    Mais les autres disent que l'humilité d'une âme ne consiste pas à ignorer les grâces que Dieu lui a faites, et les vertus qu'il lui a données, mais à lui renvoyer ses dons et à ne garder pour elle que le néant et le péché ; et que le Saint-Esprit, parlant par la bouche de cette divine Vierge, nous veut donner à entendre qu'entre toutes ces vertus, il a regardé, aimé et approuvé principalement son humilité, parce que, s'étant abaissée au-dessous de toutes choses, cette humilité a porté sa divine Majesté à l'élever par-dessus toutes les créatures en la faisant Mère du Créateur. O vraie humilité, s'écrie saint  Augustin[22], qui a enfanté Dieu aux hommes, et qui a donné la vie aux mortels. L'humilité de Marie est l'échelle du ciel par laquelle Dieu est descendu en la terre. Car qu'est-ce que dire respexit, il a regardé, sinon approbavit, il a approuvé ? Il y en a plusieurs qui paraissent humbles devant les hommes, mais leur humilité n'est point regardée de Dieu. Car s'ils étaient véritablement humbles, ils ne se plairaient pas dans les louanges des hommes, et leur esprit ne se réjouirait point en l'applaudissement de ce monde, mais en Dieu.

    « Il y a deux sortes d'humilité, dit saint Bernard[23]. La première est la fille de la vérité, et celle-ci est froide et sans chaleur. La seconde est la fille de la charité, et celle-là nous enflamme. La première consiste en la connaissance, et la seconde en l'affection. Par la première, nous connaissons que nous ne sommes rien, et nous apprenons celle-ci de nous-mêmes et de notre propre misère et infirmité. Par la seconde, nous foulons aux pieds la gloire du monde, et nous apprenons celle-ci de celui qui s'est anéanti soi-même, et qui s'est enfui lorsqu'on l'a cherché pour l'élever à la gloire de la royauté ; et qui, au lieu de s'enfuir, s'est offert volontairement quand on l'a cherché pour le crucifier et pour le plonger dans un abîme d'opprobres et d'ignominies. »

    La bienheureuse Vierge a possédé en souverain degré ces deux sortes d'humilité, spécialement la seconde ; et saint Augustin, saint Bernard, Albert le Grand, saint Bonaventure, saint Thomas et plusieurs autres, tiennent que ces paroles que le Saint-Esprit a prononcées par la bouche de cette très humble Vierge : Respexit humilitatem, s'entendent de la vraie humilité.

    Si vous demandez pourquoi Dieu a plutôt regardé l'humilité de la très sacrée Vierge ; que sa pureté et ses autres vertus, vu qu'elles étaient toutes en elle en un très haut degré, Albert le Grand vous répondra, avec saint Augustin, qu'il a regardé plutôt son humilité, parce qu'elle lui était plus agréable que sa pureté[24]. « La virginité est bien louable, dit saint Bernard[25], mais l'humilité est nécessaire. Celle-là est de conseil celle-ci est de commandement. Vous pouvez être sauvé sans la virginité, mais il n'y a point de salut sans l'humilité. Sans l'humilité, j'ose dire que la virginité de Marie n'aurait point été agréable à Dieu. Si Marie n'était point humble, le Saint-Esprit ne serait point descendu en elle ; et s'il n'était point descendu en elle, elle ne serait point Mère de Dieu. Elle a plu à Dieu par sa virginité, mais elle a conçu le Fils de Dieu par son humilité. D'où il faut inférer que ç'a été son humilité qui a rendu sa virginité agréable à sa divine Majesté. »

    O sainte humilité, c'est toi qui nous as donné un Homme-Dieu et une Mère de Dieu, et par conséquent c'est toi qui nous as donné toutes les grâces, toutes les faveurs, toutes les bénédictions, tous les privilèges et tous les trésors que nous possédons en la terre, et que nous espérons posséder un jour dans le ciel. C'est toi qui détruis tous les maux, et qui es la source de tous les biens. Oh ! combien devons-nous estimer, aimer et désirer cette sainte vertu ! Oh ! avec quelle ferveur la devons-nous demander à Dieu ! Oh ! avec qu'elle ardeur devons-nous rechercher et embrasser tous les moyens nécessaires pour l'acquérir ! Quiconque n'a point d'humilité, n'a rien ; et quiconque a l'humilité, a toutes les autres vertus. De là vient qu'il semble, à entendre parler le Saint-Esprit par la bouche de l'Église, que le Père éternel n'a envoyé son Fils en ce monde pour s'incarner et pour y être crucifié, qu'afin de nous enseigner l'humilité par son exemple. C'est ce que la sainte Église dit à Dieu dans cette oraison du dimanche des Rameaux : Omnipotens sempiterne Deus, qui humano generi, ad imitandum humilitatis exemplum, Salvatorem nostrum carnem sumere et crucem subire fecisti, etc. Quod diabolus, dit un saint Père, per superbiam dejecit, Christus per humilitatem erexit[26] « Ce que le démon a détruit par la superbe, le Sauveur l'a rétabli par l'humilité. »

    Apprenons de là combien la superbe est formidable et détestable. Comme l'humilité est la source de tous les biens, l'orgueil est le principe de tous les maux Initium peccati[27], et selon le grec, Initium omnis peccati, ou selon la diction syriaque, Fons peccati superbia : « Le commencement et le principe du péché et de tout péché c'est la superbe », que le Saint-Esprit appelle une apostasie, Apostatare a Deo[28]. D'où il s'ensuit que le péché étant la source de tous les maux et de tous les malheurs de la terre et de l'enfer, il les faut tous attribuer à la superbe. De sorte que représentez-vous un nombre innombrable d'Anges, que Dieu avait créés au commencement du monde, plus beaux et plus brillants que le soleil, qui sont changés en autant de diables horribles, chassés du paradis, précipités dans l'enfer et condamnés à des supplices éternels. Quelle est la cause de ce malheur ? C'est la superbe de ces esprits apostats. Représentez-vous tous les blasphèmes que ces créatures rebelles à leur Créateur vomiront éternellement contre lui dans l'enfer, avec tant de millions et de milliasses de péchés qu'ils ont fait commettre et qu'ils feront commettre aux hommes en tout l'univers, jusqu'à la fin du monde, par leurs tentations. Quelle est la cause de tous ces maux ? C'est la superbe. Mettez-vous devant les yeux tant et tant de millions d'âmes qui se sont perdues par l'impiété de Mahomet ; par l'hérésie d'Arius, qui a duré trois cents ans ; par celles de Nestorius, de Pélagius, de Luther, de Calvin et de plusieurs autres hérésiarques. Qui est-ce qui a perdu toutes ces âmes ? C'est la superbe, qui est la mère de toutes les hérésies, dit saint Augustin : Mater haeresum superbia. Enfin imaginez-vous tant de milliasses d'âmes qui brûlent et qui brûleront éternellement dans les flammes dévorantes de l'enfer. Quelle est la cause d'un si effroyable désastre, sinon la superbe du premier ange et la superbe du premier homme, qui sont les deux sources de tous les crimes, et par conséquent de tous les malheurs qui en procèdent ? On n'a jamais pu, dit saint Prosper, on ne peut et on ne pourra jamais faire aucun péché sans superbe ; car tout péché n'est autre chose sinon un mépris de Dieu : Nullum peccatum fieri potest, potuit, aut poterit, sine superbia ; siquidem nihil aliud est omne peccatum, nisi contemptus Dei[29].

    Les autres vices, dit saint Grégoire le Grand, combattent seulement les vertus qui leur sont contraires ; mais la superbe, qui est la racine de tous les vices, ne se contente pas de détruire une vertu, c'est une peste générale qui les fait toutes mourir[30]. « Comme la superbe, dit saint Bernard, est l'origine de tous les crimes, elle est aussi la ruine de toutes les vertus ». « L'ambition, dit le même Saint[31], est un mal subtil, un poison secret, une peste cachée, une ouvrière de tromperie, la source de l'hypocrisie, la mère de l'envie, l'origine des vices, le foyer des crimes, la rouille des vertus, la teigne de la sainteté, l'aveuglement des Cœurs, qui change les remèdes en maux et la médecine en venin. Combien d'âmes ont été étouffées par cette peste ? Combien a-t-elle dépouillé de chrétiens de la robe nuptiale, pour les jeter dans les ténèbres extérieures ? »

    Quand la superbe, dit saint Grégoire le Grand[32], a pris possession d'un Cœur, elle le livre aussitôt à la fureur et au pillage des sept principaux vices, qui sont les capitaines de son armée. Mais elle l'asservit principalement à la tyrannie de l'impudicité ; car le Saint-Esprit nous déclare que la superbe a été la cause des abominations et de la perdition des Sodomites : Haec fuit iniquitas Sodomae superbia[33].

    Tout superbe, dit un saint Père, est rempli du démon : Quisquis superbus est, daemone plenus est[34]. L'on ne discerne point les enfants de Dieu d'avec les enfants du diable que par l'humilité et par la superbe : Non discernuntur filii Dei et filii diaboli, nisi humilitate atque superbia[35]. Quand vous verrez un superbe, ne doutez point que ce ne soit un enfant de Satan ; mais quand vous verrez un homme humble, croyez assurément que c'est un enfant de Dieu : Quemcumque superbum videris, diaboli esse filium non dubites ; quemcumque humilem conspexeris, Dei esse filium confidenter credere debes.

    Si donc nous redoutons d'être au rang des esclaves de Satan, et si nous désirons d'être du nombre des enfants de Dieu, ayons en horreur l'ambition, l'orgueil, la superbe, la présomption et la vanité ; déclarons une guerre mortelle à ces monstres d'enfer, et ne souffrons point qu'ils aient jamais aucune part en nos pensées, en nos sentiments, en nos paroles et en nos actions ; mais efforçons-nous autant que nous pourrons, avec la grâce de Dieu, d'y établir le règne de la très sainte humilité de Jésus et de Marie.

    O Jésus, le Roi des humbles, faites-nous la grâce, s'il vous plaît, de bien apprendre la divine leçon que vous nous avez faite par ces saintes paroles : Apprenez de moi que je suis doux et humble de Cœur[36].

    O Marie, la Reine des humbles, c'est à vous qu'il appartient de briser la tête du serpent, qui est l'orgueil et la superbe. Écrasez-la donc entièrement dans nos Cœurs, et nous rendez participants de votre sainte humilité, afin que nous puissions chanter éternellement avec vous : Respexit humilitatem ancillae suae, pour rendre grâce à la très sainte Trinité, de ce qu'elle a pris tant de complaisance en votre humilité, qu'elle vous a rendue digne par ce moyen d'être la Mère du Sauveur de l'univers, et de coopérer avec lui au salut de tous les hommes.

     

    StJeanEudesVitrail.jpgSaint Jean Eudes

    Œuvres complètes
    Le Cœur admirable de la Très Sainte Mère de Dieu
    Tome 8

    eudistes.org

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    Vitrail : Portrait
    de saint Jean Eudes

    par Paul Challan Belval
    Chartres

     

    D’après les ŒUVRES COMPLÈTES DU VÉNÉRABLE JEAN EUDES
    MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE
    Instituteur de la Congrégation de Jésus et Marie de l'Ordre de Notre-Dame de Charité
    et de la Société des Enfants du Cœur admirable de la Mère de Dieu
    AUTEUR DU CULTE LITURGIQUE DES SS. CŒURS DE JÉSUS ET DE MARIE
    ÉDITION ENTIÈREMENT CONFORME AU TEXTE ORIGINAL
    AVEC DES INTRODUCTIONS ET DES NOTES
    TOME VIII
    Le Cœur admirable de la Très Sainte Mère de Dieu
    Livre X-XII
    OPUSCULES SUR LES SACRÉS CŒURS
    VANNES
    IMPRIMERIE LAFOLYE FRÈRES
    1908
    Numérisé par cotejr8@videotron.ca



    [1] «Hoc est illud dulcissimum decachordum, quo citharista propheticus toties gloriatur: hoc daemon expellitur, Praecursor sanctificatur, puer exultat, mater prophetat. Hoc decachordo etiam nunc cum devote concinitur, iniquas cordis susgestiones propulsari, lubricas carnis tentationes emolliri, daemones pessimos effugari merito crediderim. » D. Thom. a Villanova, Concio de Visit. B. Virg.
    [2] 1. In lib. Miracul.
    [3] 1. Luc. I, 47.
    [4] « Quaecumque anima sancta Verbum concipere potest credendo, parere praedicando, magnificareamando, ut dicat: Magnificat anima mea Dominum » Serm. de Assumpt.
    [5] Eccli. III, 20. 21.
    [6] « Magnificat anima mea Dominum; Filius meus, qui non jam dimidium animae meae, sed est toa anima mea, magnificat nunc, per passionem suam, Dominum meum Deum, Patrem suum, Sponsum meum. Anima mea Filius meus, qui me corpore simul et anima vivam fecit...» vigerius, in suo Decachordo, chord. 7. Le Card. Marc vigier, de l'Ordre des Frères mineurs, mourut à Rome en 1516. Voici le titre complet de l'ouvrage de ce pieux serviteur de Marie: Decachordum christianum auctore Marco Vigerio Saonensi, S. M'ariae Transtiberim Cardin. Senogalliensi, opus Julio II Pont. Max. dicatum; Fani, Hieron. Soncinus, 1507, petit in-fol.
    [7] Rom. VIII, 3.
    [8] Sup. Magnificat.
    [9] Part. 4, tit.15,cap.2, §29.
    [10] Luc. XXIII, 46.
    [11] I Cor. VI, 17.
    [12] « Hortor etiam, fili mi, ut Dominam nostram magis ames. Nam si pericula multa evadere, si vis tentationibus non succumbere, si in adversitatibus consolari, si trisitita inordinata cupis non obrui, si denique Christo desideras conjungi, venerare, ama, imitare castissimam, amabilissimam ejus Matrem, dulcissimam, fidelissimam, gratiosissimam, potentissimam quoque, et tui ( si eam et ejus amorem optas) amantissimam, quae invocantem neminem derelinguit, et cui thesaurus divinae misericordiae, erogandi quoque facultas, atque peccatorum, praecipue autem, illam amantium, cura a Deo commissa est. Quam qui amaverit castus est, qui amplexatus fuerit, mundus est, qui imitatus fuerit, sanctus est. Memo illam amans, non est ab ea redamatus : nemo illi devotus periit : nemo qui illam fuit imitatus, non est salvatus. Quot desperantes, quot obstinatos, quot flagitiosos, qui tamen spem atque refugium ad suum misericordissimum patrocinium habuerunt, ipsa ad pietatis sinum recepit, et quasi sibi relictos (utpote quibus nulla spes alia, aut via ad conversionem veniendi persuaderi potuit,) fovit, Filio reconciliavit, et ex diaboli faucibus, atque adeo ipsa voragine inferni ereptos, paradiso caelesti restituit. Hanc illi Filius gratiam donavit, hanc praerogativam, hoc officium ei commisit, ut qui amarent illam, ad potentiam ; qui devoti essent, ad gratiam qui imitarentur, ad caelestem perducerentur gloriam. » Lansperg. Epist. 23.
    [13] « Ego sum Regina caeli. Tu sollicita es quomodo laudare me debes : Scias pro certo quod omnis laus Filii mei, laus mea est ; et qui inhonorat eum, inhonorat me : quia ego sic ferventer dilexi eum, et ipse me, quod quasi unum Cor ambo fuimus. Et ipse me, quae eram vas terrenum, sic honorifice honoravit, et supra omnes Angelos exaltaret. Sic ergo laudare debes me : Benedictus sis tu, Deus Creator omnium, qui in uterum Maria Virginie descendere dignatus es. Benedictus sis tu, Deus, qui cum Maria Virgine esse sine gravamine voluisti, et de ea immaculatam carnem sine peccato sumere dignatus es. Benedictus sis tu, Deus, qui ad Virginem, cum gaudio animae ejus et omnium membrorum, venisti, et cum gaudio omnium membrorum ejus sine peccato de ea processisti. Benedictus sis tu, Deus, qui Mariam Virginem Matrem post Ascensionem tuam crebris consolationibus laetificasti, et per teipsum eam consolando visitasti. Benedictus sis tu, Deus, qui corpus et animam Maria Virginis Matris tua in caelum assumpsisti, et super omnes Angelos juvta Deitatem tuam honorifice collocasti. Miserere mei propter preces ejus. » Revel. Lib. I, cap. 9.
    [14] « O beata Maria, inundatio gaudii, vis amoris torrens voluptatis totam te operuit, totamque obtinuit ; et sensisti quod oculus non vidit, nec auris audivit, nec in cor hominis ascendit. » Rupert. in Cant.
    [15] « Tribulatio et angustia in omnem animam hominis operantis malum. Gloria autem, et honor, et pax omni operanti bonum. » Rom. II, 9.
    [16] Isa. LVII, 20.
    [17] Eccli. I, 12.
    [18] « Repletus sum consolatione, superabundo gaudio in omni tribulatione nostra.» II Cor. VII, 4.
    [19] Psal. XXXIII, 9.
    [20] I Cor. X, 20, 21.
    [21] Psal. XXXV, 9. 
    [22] « O vera humititas, quae Deum hominibus peperit, vitam mortalibus edidit, caelos innovavit, mundum purificavit, paradisum aperuit, et hominum animos liberavit; facta est Maria humilitas scala caelestis, per quam Deus descendit ad terras. Quid enim est dicere respexit nisi approbavit ? Multi enim videntur in conspectu hominum humiles esse, sed eorum humilitas a Deo non respicitur. Si enim veraciter humiles essent, deinde ab hominibus non se laudari vellent ; non in hoc mundo, sed in Deo spiritus eorum exultaret. » D. Aug. Serm. 2 de Assumpt.
    [23] « Est humilitas quam nobis veritas parit, et non habet calorem ; et est humilitas quam charitas format, et inflammat. Haec in affectu, illa in cognitione consistit. Priore cognoscimus quam nihil sumus, et hanc discimus a nobis ipsis et ab infirmitate propria ; posteriore calcamus gloriam mundi, et hanc ab illo discimus qui exinanivit semetipsum... quique quaesitus ad regnum, fugit ; quasitus ad opprobria... et ad crucem, non fugit, sed sponte se obtulit. » D. Bern. Serm. 42 super Cant.
    [24] « Maria non tantum pro eo quod erat mundissima, sed potius pro eo quod erat humillima, meruit concipere Filium Dei, sicut per semetipsam testatur: Rexpexit, inquit, humilitatem ancillae suae : non ait : castitatem, licet esset castissima, sed humilitatem. » Alb. Magn. Serm. 2 de Nat, Dom.
    [25] « Laudabilis virtus virginitas, sed magis necessaria humilitas. Illa consulitur, ista praecipitur. Ad illam invitaris, ad istam cogeris... Potes sine virginitate salvari: sine humilitate non potes... sine humilitate (audeo dicere) nec virginitas Mariae placuisset... si igitur Maria humilis non esset, super eam spiritus Sanctus non requievisset. Si super eam non requievisset, nec impraegnasset... Si placuit ex virginitate, tamen ex humilitate concepit. Unde constat quia etiam ut placeret virginitas, humilitas proculdubio fecit. » D. Bern. Homil. 1 super Missus est.
    [26] Caesarius Arelat. Homil.18.
    [27] Eccli. X,15.
    [28] Eccli. X,14.
    [29] D. Prosp. De Vita contempl.lib. 3, cap. 3 et 4.
    [30] « Alia vitia eas solummodo virtutes impetunt, quibus ipsa destruuntur. Superbia autem, quam vitiorum radicem dicimus, nequaquam unius virtutis extinctione contenta contra cuncta animae membra se erigit, et quasi generalis ac pestifer morbus, corpus omne corrumpit. » Moral. lib. 34, cap. 18.
    [31] « Plane cupiditas radix iniquitatis ; ambitio subtile malum, secretum virus, pestis occulta, doli artifex, mater hypocrisis, livoris parens, vitiorum origo, criminum fomes, virtutum aerugo, tinea sanctitatis, excaecatrix cordium, ex remediis morbos creans, generans ex medicina languorem... Quantos hoc negotium perambulans in tenebris trudi fecit in tenebras exteriores, veste spolians nuptiali !... Quantos pestis haec nequiter supplantatos turpiter quoque dejecit ! » D. Bern. Serm. 6, in Psal. Qui habitat.
    [32] « Ipsa namque vitiorum regina superbia, cum devictum plene cor ceperit, mox illud septem principalibus vitiis, quasi quibusdam suis ducibus devastandum tradit. » Moral. lib. 31, cap. 31. 
    [33] Ezech. XVI, 49.
    [34] Caesarius Arelat. Homil.23.
    [35]
    Idem, Homil. 18.
    [36] « Discite a me quia mitis sum et humilis corde. » Matth. XI, 29. 

     

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    Vitrail de la Basilique du
    Sacré Cœur de Montmartre
     
     
     
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