« Le cœur de Jésus est une fournaise où votre cœur doit aller s’enflammer… » L'adoration selon st P-J. Eymard
« Le cœur de Jésus est une fournaise où votre cœur doit aller s’enflammer, et cette flamme doit s’étendre, elle doit s’alimenter par les œuvres de zèle, elle doit se propager. »
Saint Pierre-Julien Eymard (PA 2,1)
Citation du 27 juin
in Une pensée par jour avec Saint Pierre-Julien Eymard, Médiaspaul, 2010.
Cette citation est extraite d’un enseignement intitulé L’adoration aux Sœurs de l'Adoration perpétuelle du Sacré-Cœur de Jésus, à Lyon, le 31 janvier 1861.
Voici l’ensemble de cet enseignement du Père Eymard — fondateur des Pères du Saint Sacrement, des Servantes du Saint Sacrement et de la branche laïque Agrégation du Saint Sacrement, aujourd'hui la Fraternité Eucharistique — d’après les notes prises par une des religieuses.
Instruction sur l'adoration
Ô mes bonnes sœurs, estimez-vous bien heureuses d'être les Adoratrices du Cœur de Jésus. Je ne vous ai point oubliées, et je suis heureux de vous revoir, car, si nous sommes frères par le but comme chrétiens, nous le sommes plus encore par vocation. La garde royale est toujours heureuse de rencontrer un bataillon de la garde royale.
C'est ainsi que vous devez vous considérer, en effet, mes sœurs, vous les épouses et les Adoratrices de Notre Seigneur Jésus-Christ ; vous êtes vraiment la garde royale du grand Roi. Vous devez donc tout rapporter à l'adoration comme à votre première fin; votre place est au pied des autels : là où le Seigneur habite, là sont aussi les anges, et les anges obéissent à sa voix, ils exécutent ses volontés ; aussi, devez-vous accomplir avec zèle la seconde fin de votre Institut qui est l'éducation de la jeunesse.
Vous le savez, Jésus a dit : « Je suis venu apporter le feu sur la terre, et que désiré-je, sinon qu'il s'allume ? » [Lc 12,49]
L'Eucharistie, voilà le feu ; mais il faut une flamme à un foyer, et cette flamme c'est le zèle pour le salut des âmes. Je crois sincèrement que tout Ordre ayant pour but l'adoration du saint Sacrement, ne sera jamais purement contemplatif, car alors il ne serait pas dans la plénitude de sa grâce. Si quelqu'un se présentait à moi pour entrer dans notre congrégation, et qu'il me dît : « Mon Père, je veux demeurer caché dans un coin », je lui répondrais : « Non, certes, si Dieu vous y met, je le veux bien, mais je ne vous y placerai pas de moi-même, parce que ce serait vous placer hors de votre vocation. »
À l'adoration, vous joignez encore l'instruction, ce qui donne à votre Institut deux fins fort sublimes ; il est incontestable, en effet, que, de toutes les vocations, la vôtre est celle qui se rapproche le plus du sacerdoce et de l'apostolat. Pourquoi cela, mes sœurs ?
C'est que vous formez des âmes à Jésus-Christ, vous faites des chrétiens, vous complétez notre ministère, et même vous faites ce que nous ne pouvons pas faire : vous donnez aux jeunes filles une éducation chrétienne avec les soins d'une sainte et maternelle affection. Pour nous, Dieu ne nous a pas donné les mêmes grâces ; il ne nous a pas mis au cœur les sentiments délicats du cœur de la femme. Soyez donc bien zélées, mes sœurs, pour l'œuvre que vous avez à remplir auprès de la jeunesse ; ne croyez pas en cela vous écarter de votre fin première qui est l'adoration. Non, mes sœurs, l'une ne peut exister sans l'autre ; pour être parfaite institutrice, il faut avant tout être parfaite adoratrice. C'est aux pieds de Notre Seigneur que vous devez aller puiser toute science et toute lumière, pour ensuite les communiquer aux enfants qui vous sont confiées. Le feu fait la flamme. Mais sans la flamme le feu s'éteindrait.
Le cœur de Jésus est une fournaise où votre cœur doit aller s'enflammer, et cette flamme doit s'étendre, elle doit s'alimenter par les œuvres de zèle, elle doit se propager.
Oh ! la belle œuvre que l'Adoration ! Mais elle n'est pas encore assez connue, ni assez établie ; c'est un grand arbre dont les rameaux doivent s'étendre jusqu'aux confins de la terre. Ah ! mes sœurs, si nous étions bien fervents, un seul de nous ferait des prodiges ; on pourrait nous envoyer dans un coin de l'univers et, comme un tison ardent, nous y mettrions le feu. Oui, mes sœurs, c'est une belle vie que cette vie d'Adoratrice ! C'est à vous que doivent s'appliquer ces paroles que l'apôtre adressait aux premiers chrétiens: « Votre vie est cachée avec Jésus-Christ en Dieu » [Col 3,3].
Elle est cachée, comme tout principe de vraie vie ; elle est intérieure, elle échappe aux sens ; mais elle est cachée avec Jésus-Christ ; Jésus, votre modèle dans l'Eucharistie, Jésus que vous devez imiter, car vous êtes, mes sœurs, les épouses de Jésus-Christ, et l'épouse doit ressembler à son époux.
Enfin, elle est cachée en Dieu, et il ne peut en être autrement, puisque Jésus-Christ nous mène à son Père et que nous ne pouvons aller au Père que par lui [cf. Jn 14,6].
PA 2,2
Mort à soi-même
Voilà donc, mes sœurs, votre vocation : elle suppose une mort continuelle et complète à tout sentiment d'égoïsme. Je dois le dire, dans un Institut comme le vôtre, cette mort doit s'opérer d'une manière plus absolue et plus entière. Dans certains ordres, Dieu se sert de ses dons dans ses serviteurs pour opérer les œuvres de sa gloire. Ici, il n'en est pas de même. Dieu veut opérer seul sur le rien de la créature ; une âme eucharistique est sous la dépendance immédiate de Dieu, et Notre Seigneur fait à son égard ce qu'il a fait pour lui-même dans le sacrement de son amour.
Qu'a-t-il fait, mes sœurs ?… Il a voulu que son corps et que son sang précieux fussent cachés sous les apparences du pain et du vin ; il anéantit la substance, mais il laisse la forme. De même dans vos âmes, il veut détruire, anéantir, annuler tout être personnel, tout moi humain, tout sentiment d'amour-propre qui s'opposerait à son règne. Partout où Jésus trouve la personne, l'individu, il s'en va ; car il n'y a pas deux maîtres dans un royaume. C'est la substance qu'il veut changer ; mais il laisse la forme, c'est-à-dire l'enveloppe de nos misères et de nos faiblesses, et cette forme de notre humaine fragilité nous est infiniment utile comme préservatif de l'orgueil qui serait bien vite entré dans notre cœur à cause de la sublimité de notre vocation.
C'est la vie de Jésus qui remplacera notre vie, mais elle doit s'établir sur la mort : mort à vos sens, mort à vos goûts, mort à vos pensées, mort à toutes vos volontés ; de même que chaque respiration nous enlève une partie de notre vie naturelle, de même notre mort spirituelle doit s'opérer à chacune de nos œuvres.
Il y a bien à faire pour parvenir à cette destruction totale du moi humain ; aussi vos Supérieures et vos Maîtresses des novices n'ont pas autre chose à faire. Il faut qu'elles y travaillent par la correction de vos défauts, par la mortification de votre amour-propre. C'est pénible, douloureux à la nature ; mais c'est leur devoir, sans quoi elles se condamneraient à brûler au Purgatoire pour vous avoir laissées imparfaites. Et vous, mes sœurs, vous devez en être très reconnaissantes. Seriez-vous satisfaites qu'on vous laissât aller devant le très saint Sacrement avec des grosses taches sur vos vêtements ?… Eh bien ! votre âme aussi a des taches que l'on vous montre charitablement et qu'il faut faire disparaître, car nous ne devons pas faire souffrir Notre Seigneur de nos défauts.
Oui, mes sœurs, je vous le répète, dans une maison comme la vôtre, il ne doit plus y avoir de personnalité. Vous devez toutes être perdues en une seule âme et un même esprit ; aussi on commence par vous ôter votre nom. Ce nom vous rappellerait le monde, et peut-être une petite gloire humaine. Il ne doit plus y avoir d'individu, de personne, d'égoïsme ; vous êtres Adoratrices, et si l'on vous demande : « Comment vous appelez-vous ? » vous devez répondre : « Je m'appelle Adoratrice. »
PA 2,3
Devenir Adoratrice
Il est une chose à remarquer à ce sujet, c'est qu'il y a une grande différence entre votre vocation d'Adoratrice et la vocation religieuse en général. La vie religieuse est l'étude de la perfection et la pratique de toutes les vertus, et si vous êtes parvenue à devenir parfaitement mortifiée, parfaitement humble, parfaitement obéissante, on peut dire en quelque sorte que vous avez atteint votre but. Pour la vie d'Adoratrice, cette étude et cette pratique des vertus religieuses ne doit être considérée que comme un travail de préparation. Lorsqu'un jeune homme aspire à servir à la cour d'un grand roi, il fait des études, il forme ses manières, son langage, il entre dans des écoles où on le soumet à divers exercices, et s'il réussit en tout cela, on lui dit : « Ce n'est pas assez, ce n'est rien encore, vous n'êtes pas arrivé, et votre but n'est pas rempli. »
Il en est de même pour l'âme qui veut être Adoratrice. L'étude des saintes Règles, l'observation de ses vœux, la pratique des plus belles vertus, tout cela ne sont que les exercices qui la préparent à remplir sa sublime destinée ; c'est comme le vêtement dont elle doit se revêtir pour paraître à la cour du Roi des anges. On ne devra donc jamais la louer de ce qu'elle est humble, obéissante, mortifiée, fidèle à sa règle, elle ne fait que son devoir. On ne donne jamais la décoration à un élève de l'École polytechnique, et si vous louez un soldat, un officier parce qu'il a bien rempli sa charge, il vous répondra : « Mais pour qui me prenez-vous, je n'ai fait que mon devoir. »
Voilà, mes sœurs, ce à quoi vous oblige votre titre d'Adoratrice ; c'est une vie sublime, mais qui doit s'établir sur la destruction et la mort. Et puisque votre objet est principalement d'honorer le Sacré Cœur de Jésus, cherchez-le, adorez-le surtout dans nos saints tabernacles, car enfin c'est là qu'il réside ; il n'est qu'au ciel et dans la sainte Eucharistie.
Beaucoup de personnes, hélas ! sont sur ce point dans une grande ignorance ; si elles prient dans une chapelle, elles se prosterneront devant un cœur de peinture ou de pierre et ne penseront même pas à faire la génuflexion devant le tabernacle. Cependant, dites-le-moi, que signifie l'emblème à côté de la réalité ? À quoi sert l'image quand on possède l'original ?
Entrons donc, mes sœurs, entrons profondément dans ce cœur adorable de Jésus. Il est percé pour nous, et remarquez que cette blessure n'y fait qu'une ouverture, afin qu'y étant entrés nous n'en puissions plus sortir. Le cœur de Jésus n'est point percé comme celui de la très sainte Vierge. Le cœur de Marie, nous devons le considérer comme l'antichambre, comme le vestibule par lequel il faut passer pour arriver à Jésus. Dans ce cœur, nous devons y faire l'étude des vertus intérieures, nous y pénétrer de l'esprit d'adoration, y prendre un cœur mariste, car ce nom ne doit pas s'appliquer seulement à une Communauté, mais il doit s'étendre à tout cœur vraiment chrétien.
PA 2,4
Courage, mes sœurs…
Courage, mes sœurs ; croyons fermement que le règne de Jésus va s'étendre de plus en plus. On appelle ce siècle le siècle de Marie. Oui, cela est vrai comme aurore, comme préparation ; mais c'est aussi et surtout le siècle du saint Sacrement.
Lorsque Marie fut immaculée dans sa conception, Dieu s'abaissa sur la terre et Jésus descendit pour s'incarner. Aujourd'hui, l'Église, en proclamant ce dogme si cher à nos cœurs, nous annonce comme l'aurore du plein jour qui va luire. Oui, je le crois sincèrement, l'œuvre de l'Adoration du très saint Sacrement doit se propager, se dilater, c'est par elle que tout se fera.
De nos jours, ce n'est plus le règne des saints : saint Ignace reviendrait, il ne ferait rien. Saint Dominique reviendrait, il ne ferait rien : il n'y a plus d'Albigeois à combattre. Saint Bernard reviendrait, il ne ferait rien : il n'y a plus de croisade à prêcher. Non, non, mes sœurs, c'est maintenant le règne du grand saint. Le Roi est attaqué, c'est au Roi à se défendre, et il le fera, soyons-en sûrs. Que de fois on a tremblé pour cette pauvre ville de Paris ; mais en moi-même je me disais : Paris n'a rien à craindre, il est bien gardé par sa ceinture de feu, c'est-à-dire par toutes ses maisons d'adoration. Oh ! qu'il serait à désirer que Lyon fût à son niveau sous ce rapport… Mais il est hélas ! bien en retard, encore… Prions, mes sœurs ; soyez de ferventes et vraies Adoratrices et Dieu vous bénira toujours.
Source : Œuvres complètes de saint Pierre-Julien Eymard en ligne
Article à retrouver sur la page enrichie
La France & le Sacré Cœur