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La petite lumière rouge du Tabernacle était éteinte… Ré-évangéliser les villages de banlieue
Liminaire
Le 2 août 2021, jour de la fête du fondateur de la Congrégation du Saint Sacrement, le Père Eymard, Sandrine Treuillard et moi avons repris contact via la communauté de prière en ligne qu’elle anime, consacrée à Saint Pierre-Julien Eymard sur le réseau social Hozana[1].
Nous nous sommes connues grâce à une série de conférences[2] que Sandrine donnait chez les Pères du Saint Sacrement, avenue de Friedland, il y a trois ans. Nous avons tout naturellement sympathisé et depuis nous nous contactons régulièrement, toujours soutenues par la spiritualité de Saint Pierre-Julien Eymard, notre ami commun du Ciel.
Lorsque Sandrine m'a demandé d'apporter mon témoignage sur ma rencontre spirituelle avec le Père Eymard et comment cela se concrétise dans ma vie actuelle, je fus un peu déroutée, car c'est un exercice auquel je ne me suis jamais adonnée. Mais, poussée par la spontanéité de cet appel, je m'y suis prêtée.
Quels commencements ?
Chapelle Corpus Christi – Avenue de Friedland, Paris 8eTout débute en 2008, date à laquelle je commence à vivre dans le quartier de la Chapelle du Saint Sacrement, à Paris. Les fenêtres de l'appartement donnent dessus ! Tout naturellement je découvre les lieux, ou plutôt je les découvre à nouveau car, je m'étais souvenue, qu'il y a longtemps, jeune étudiante, je m'y étais déjà rendue....
Au fur et à mesure des messes, des Adorations, des conférences, je m'imprègne de la spiritualité du Père Eymard et surtout du sens du Saint Sacrement dont j'approfondis le mystère.
Tout le temps où je vis dans cette proximité, un renforcement de ma foi s'opère.
Petit à petit, le Seigneur s'occupe du "terreau" de ma foi et agit doucement en me faisant connaître et "appuyer" par un de ses grands serviteurs, le Père Eymard. Souvent, je prie devant la Châsse où son corps intact[3] repose : témoignage de la grâce du Seigneur. Ce temps de proximité, où le Seigneur jette les bases en moi du sens de son Sacrifice et de Sa Présence vivante, est intense.
Saint Léon – Paris 15eAprès un certain temps, je déménage dans un autre quartier où je dois aller découvrir d'autres choses : le quartier de l'église Saint-Léon dans le 15e arrondissement. La vie intense de cette paroisse me fait nouer des contacts amicaux qui perdurent toujours, malgré l'espace et le temps. Des grâces exceptionnelles sont venues illuminer mon cœur : deux voyages à Rome : pour la Canonisation des Saints Jean-Paul II et Jean XXIII ; ainsi que pour l'année Jubilaire de la Miséricorde ont été des étapes fondatrices pour ma foi.
Il y eut ensuite le vendredi 29 juillet 2016. Cette journée était consacrée au jeûne, à la prière pour le monde, en communion autour du Père Jacques Hamel, mort en martyr au pied de l'autel, trois jours plus tôt. Ce soir-là, j'allai à l'Adoration et ce fut pour moi un moment mémorable où je reçus une grâce personnelle qui est toujours vive à mon cœur.
Servantes du Saint Sacrement – Paris 16e
L'année suivante, je déménage à nouveau et la Providence me fait trouver un logement accolé à la Chapelle des Servantes du Saint Sacrement[4] dont le fondateur de la communauté n'est autre que le Père Eymard… Me voici à nouveau en proximité étroite avec notre bon Père Eymard et les Sœurs qui portent sa spiritualité. Je peux entendre de chez moi les chants des offices, et bien sûr ma prière devant le Saint Sacrement s'intensifie et, dès que je le peux, je vais prier puisque le Saint Sacrement est exposé en quasi permanence. Ce rayonnement est exceptionnel pour moi. Je fais l'expérience de la puissance d'amour du Seigneur et de la force du pardon, là, au pied de Jésus-Hostie.
C'est une période d'une intensité extrême où les très durs événements de ma vie sont transformés en grâces spirituelles pratiquement instantanément à la lumière du Saint-Sacrement exposé. Je fais l'expérience que le Seigneur se sert de tout pour ”éduquer ses brebis”.
C'est, forte de ce vécu, que je déménage à nouveau avec un changement de vie total, en banlieue parisienne. Je retrouve le village de mon enfance.
Mézy-sur-Seine
Après des années d'éloignement, je reviens un soir dans l'église de mon village, très émue d'y pénétrer à nouveau, à l’occasion d'une réunion organisée par le nouveau curé du secteur, soucieux de connaître les paroissiens de ce petit village.
Oui, tout est là et en même temps, il y a beaucoup de poussière partout, des toiles d'araignée, des gravas, des traces d'inondation. Tout me paraît sombre, sans entretien, sans vie et pourtant, tout est aussi comme avant. Double impression, mais je suis heureuse de retrouver des visages connus et cette joie à l'air d'être partagée. Cette prise de contact est positive et en même temps mon cœur se serre tristement, car je me suis rendue compte que la petite lumière rouge du Tabernacle est éteinte…
Comment en était-on arrivé là ?
J'avais tellement de souvenirs où, dans cette église, il y avait tant de fidèles. Les gens du village et des environs venaient régulièrement. Les offices étaient magnifiques ; notre curé, le dernier en titre pour Mézy, l'Abbé Marchioni, avait le souci de la beauté, de la solennité de toutes les célébrations. Dans ma tête résonnaient ses paroles : « Rien n'est trop beau pour le Seigneur ». Et mes yeux d'enfants étaient éblouis par les lumières, les fleurs, les ornements, les habits sacerdotaux, les nappes d'autel. Je pouvais sentir l'odeur de l'encens, j'écoutais à nouveau les chants en grégorien qui m’émouvaient. Tous mes sens avaient été touchés par la beauté de ces messes qui ont marqué durablement mon âme d’enfant. Les murs résonnent encore de tout ce passé.
1991-2018 : Presque trente ans se sont écoulés depuis le départ du dernier curé de Mézy… L’église fut ensuite rattachée au secteur de Meulan, composé de 8 clochers. Au début, les messes continuèrent à être assurées tous les dimanches, car deux prêtres à la retraite venaient aider. Ces deux bons pères sont décédés au bout de quelques années et n’ont pas été remplacés. Les messes se sont donc espacées et ont fini par être supprimées. Plus tard, le secteur a subi aussi un grand remaniement, l’Evêque de Versailles ayant regroupé Meulan et Triel et nommé deux prêtres pour l’ensemble. C’est une grande tâche pour eux !
Ré-évangéliser les villages de banlieue
Donc, je reviens dans ce contexte inédit pour moi. Je passe de la vie parisienne où les messes, Adorations, confessions, enseignements, formations etc. sont à volonté, à la vie de banlieue, à 50 km, où c’est pratiquement le désert ! La différence est criante ! Toute cette région que j’ai connue, si vivante il y a quelques années, est à ré-évangéliser !! J’apprends que, dans mon village, il n’y a plus de catéchisme sur place ; pire, il n’y a que deux enfants du village inscrits sur la commune de Meulan qui assure maintenant le catéchisme pour le secteur !
Une peine fécondante
Le Seigneur a dû saisir en moi cette peine car, quelques mois après, j’apprends qu’il y a une Adoration le dimanche soir chez les Sœurs de Saint Paul de Chartres, regroupées maintenant à Vaux‑sur‑Seine. Je m’y rends donc pour la première fois un dimanche soir. En sortant de la chapelle, une jeune Sœur, que je ne connaissais pas, me sollicite et me demande si je peux prendre « au pied-levé » un groupe de première année de catéchisme. Je me souviens de ses paroles : « Je viens de prier le Seigneur à l’Adoration de m’envoyer quelqu’un pour le catéchisme, car il me manque une personne pour débuter l’année. La rentrée a lieu la semaine prochaine et je me fais beaucoup de souci, car je n’ai personne pour ce groupe. Mais, lorsque je vous ai vue, je me suis dis d’aller vous parler… » Je fus très surprise par cette demande spontanée, presque désespérée et évidemment, je n’ai pas pu dire non, malgré mes réticences. Je n’avais jamais enseigné le catéchisme et me demandais comment je pourrais en avoir le temps ! Et bien, le Seigneur a fait en sorte que je puisse lever toutes ces objections et j’ai suivi mon petit groupe d’enfants pendant trois ans jusqu’à leur Première Communion, cette année. Ce fut source de grandes joies !
Le retour du Saint Sacrement au tabernacle
La première chose à laquelle je me suis ”attaquée”, à mon retour aux sources, fut de faire revenir la Présence Vivante de Notre Seigneur dans son Tabernacle. Grâce à la messe de rentrée et du verre de l’amitié, toujours organisé à son issue, j’en fais la demande au Père Mathieu Berger qui me répond alors un magnifique « oui ». Quelle joie ! Immédiatement, j’en fais part au petit groupe et nous nous organisons, à la fois pour assurer une prière hebdomadaire et donc une présence régulière de fidèles devant le Tabernacle, ainsi que la messe solennelle du retour de Jésus-Hostie chez Lui !
Le samedi 1er décembre 2018 fut la date choisie[5] pour cette célébration où, dans notre église pleine, les paroissiens, émus, ont pu à nouveau assister à la messe à Mézy.
Le retour de l’adoration eucharistique
Par la suite est décidé que les 5ème samedis de l’année, une Adoration sera proposée par notre prêtre. Cela correspond à cinq fois par an environ. Le samedi 30 mars 2019 fut la date de la première Adoration et bien sûr les phrases lumineuses du Père Eymard tirées du livre Une pensée par jour (éditions Mediaspaul) guidèrent notre méditation.
La Sainte Cécile
Le groupe de prière était lancé avec, chaque semaine, la présence d’une dizaine de personnes régulièrement. Nous avons la chance aussi d’avoir des musiciens, des chanteurs et notamment Hervé qui, quelques années auparavant a installé un orgue à tuyaux et monté un chœur de musique sacrée. Le 22 novembre 2019, pour la Sainte Cécile, un très beau concert est donné par le Polyphone 1664 dans l’église pleine ! Le verre de l’amitié scelle le moment et nous promettons de donner rendez-vous chaque année aux mélomanes, avec dans l’idée que si nous pouvions récolter un peu d’argent, nous pourrions engager quelques restaurations…
Les travaux d’urgences réalisés
Notre église a besoin de travaux d’urgence : des fuites dans la toiture, gouttières, vitraux… abîment le mobilier, détériorent les plâtres qui en se désagrégeant ont causé la chute de plusieurs stations du chemin de croix, en terre cuite. Nous nous disons qu’il faut nous mobiliser pour intervenir.
Grâce aux élections municipales de 2020, nous avons alerté les candidats sur ces constatations.
Fabrice Zuccarelli a eu une écoute attentive sur le sujet et son goût pour l’art, et spécialement les vitraux, ont débouché sur des engagements concrets. Une fois élu maire du village, il a pris contact avec la Direction régionale du Patrimoine, à Versailles, qui a envoyé des experts sur place afin d’analyser les besoins. Ceux-ci nous ont fait part du processus de sauvegarde du Patrimoine historique qui offre un partenariat aux communes pour la prise en charge des travaux. Le Conseil Municipal a voté à l’unanimité l’engagement de la commune à ce plan de coopération avec le département. D’autre part, le maire a fait réparer le toit et donc, il n’y a plus d’inondation dans l’église à chaque pluie !
Création d’une association
Afin d’être efficaces, nous nous sommes organisés en association. Hervé, qui avait créé le Polyphone 1664, avec les membres de l’ensemble ont bien voulu modifier les statuts afin que naisse l’ASPEM – Association de Sauvegarde du Patrimoine de l’Eglise de Mézy –. Celle-ci a vu le jour le 22 juillet 2021 !
La prière revivifiée
Depuis bientôt trois ans, nous prions toutes les semaines dans notre église alternant les chapelets, les Adorations suivis le plus souvent d’un verre de l’amitié. Nos deux prêtres ont décidé que la messe de la semaine serait célébrée à tour de rôle, dans chaque église du secteur. Nous avons donc la joie d’assister à la messe dans notre église tous les mardis à 18h30, pour un mois dans l’année. Même si ce n’est pas beaucoup, c’est toujours mieux que rien du tout.
Expansion de l’adoration par les laïcsEn revanche, pour les Adorations, il n’était plus possible pour nos prêtres de les assurer. Ce fut un vrai problème pour nous qui fut levé par notre curé : il donna l’autorisation à notre petit groupe de la proposer. Au début, nous étions bien timides devant un tel acte car, jusqu’ici, les prêtres s’en chargeaient mais, petit à petit, nous nous sommes organisés.
L’adoration en temps de pandémie
Finalement, ces temps de prière nous sont devenus de plus en plus indispensables. Le temps de la pandémie arriva, avec ces différents stades pour chacun et pour tous. Nous avons assuré une continuité de prière dès que les différents confinements/couvre-feux ont été levés. Tous les samedis, de décembre 2020 à mai 2021, nous avons prié devant le Saint Sacrement exposé. Et toujours avec les méditations édifiantes du Père Eymard. Nous avions besoin de nous retrouver au pied du Saint Sacrement dans cette période inédite. Ce moment nous fortifiait les uns les autres.
Cette heure avec notre Seigneur est toujours à part dans la vie de chacun. Nous prions dans le silence de notre cœur, puis une méditation du Père Eymard surgit en alternance avec un chant, une louange, une intention de prière… tout cela est spontané et nous porte dans notre vie de baptisés.
Une église ouverte à la prière et au monde
Saint-Germain-de-Paris de Mézy est à nouveau ouverte à la fois à la prière des fidèles, aux célébrations – mariages, obsèques – également à l’attention de nos élus pour la prise en charge de ses travaux. Même si tout cela est balbutiant, notre église reprend petit à petit sa place dans l’esprit de nos concitoyens comme le cœur du village, témoin de son histoire, de l’histoire des habitants et de l’histoire de notre pays.
En Île-de-France, de nombreuses et magnifiques églises de villages sont fermées, en mauvais état. C’est vraiment triste de voir un tel patrimoine s’abîmer. Nous prions pour qu’un nouvel élan saisisse les esprits pour les sauver et sommes prêts à nous engager dans d’autres actions communes. Nous avons l’espoir que notre bon Père Eymard soutienne cette démarche, lui qui a tellement œuvré dans sa vie pour évangéliser dans les zones de grande misère spirituelle et matérielle.
L’Eglise Saint-Germain-de-Paris, à Mézy-sur-Seine, est inscrite au répertoire des monuments historiques – seul édifice du village à recevoir cette distinction – et si vous vous promenez dans cette jolie région, à l’orée du Vexin français, n’hésitez pas à venir découvrir cette jolie église ouverte le samedi de 16H30 à 17h30.
Marie-Claude Antoni
Le 16 septembre 2021
Mézy-sur-SeineRetrouvez cette article sur les pages enrichies :
L'Adoration Saint Martin - Ré-évangéliser les campagnes
& Pierre-Julien Eymard – Prophète de l'Eucharistie - Un saint d'avenirImages
Gisant de cire du Père Eymard dans la châsse du Curé d'Ars - Chapelle Corpus Christi Paris 8 - 23 avenue de Friedland - Photo ©Rundolph Fernandez Bayaua, 2 août 2021.
Logo de l'Adoration Saint Martin - Ré-évangéliser les campagnes
Design graphique ©Sandrine TreuillardVitrail : sainte Cécile - église Saint-Germain-de-Paris, Mézy-sur-Seine.
Proposition de bannière pour l'association Priants des Campagnes
Design graphique ©Sandrine Treuillard
Priants des Campagnes : Le miracle, c'est la prière !NOTES
[1] Saint Pierre-Julien Eymard – Prophète de l’Eucharistie sur hozana.org
[2] Catéchèse eucharistique à l’occasion du Jubilé du Père Eymard, les 150 ans de son enciellement, de janvier à juin 2018. Conférences données avec le père André Guitton sss, et le père Paul Mougin sss, Chapelle Corpus Christi, avenue de Friedland, Paris 8e.
[3] Il s’agit en fait d’une représentation en cire, le corps du Père Eymard n’ayant pas été conservé intact, par suite d’une erreur lors de l’exhumation. Au début du XXe siècle, on pratiquait beaucoup le culte des reliques. C’est ainsi que des membres de son corps ont été dispersés en plusieurs endroits, et les débris d’os mis sous capsules reliquaires se sont répandues. Actuellement, le chef du Père Eymard est à l’église Saint-Claude à Rome. Une nouvelle châsse a été réalisée pour le jubilé de 2018, à La Mure d’Isère sa ville natale et de décès qui en contient d’autres, rapatriées de Scherbrooke, au Canada. À Paris, avenue de Friedland, sous « la châsse qui fut celle de son saint ami, le Curé d’Ars », une caissette rassemble d’autres reliques. Ce sont les trois points principaux. (sources : les pères Manuel Barbiero sss et André Guitton sss)
[4] Rue Cortambert, Paris 16e
[5] Jour de la fête du bienheureux Charles de Foucauld, grand amoureux de Jésus-Hostie dans le Sahara algérien, en milieu musulman.
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Introduction aux ÉLÉVATIONS sur la prière au Cœur Eucharistique de Jésus
Sophie Prouvier (1817-1891) écrivit la prière au Cœur Eucharistique de Jésus en 1854, suite à la révélation du 22 janvier, réitérée par Jésus au tabernacle le 1er septembre 1854, dans la chapelle Notre-Dame du Refuge de l’Hôpital Saint-Jacques, à Besançon.
Elle en écrivit les commentaires seulement quatre ans avant sa mort, dans les circonstances suivantes :
En octobre 1886, stimulée par un père supérieur à écrire ses « méditations sur la prière au Cœur Eucharistique de Jésus d’après les lumières et les inspirations de Notre-Seigneur »*, et encouragée à faire retraite par le père Bailly, Sophie Prouvier (Mère Marie de l’Eucharistie dans la Société des Vierges de Marie et de Jésus) « se retira donc dans un petit appartement situé rue Jean de Bologne, près de l’église de Passy.** » Dès le lendemain de son entrée en retraite elle écrit : « Oui, une retraite qui durera 10 jours et ne se terminera pas. Je prendrai note durant cette nouvelle étape de mon existence, des grâces que certainement j’y recevrai et des peines que sans doute j’y endurerai. » « Les unes et les autres furent nombreuses durant ces quelques mois. »
Mère Marie de l’Eucharistie dut rompre sa solitude pour le Chapitre Général de l’Institut et fut réélue à l’unanimité Supérieure Générale de la Société des Vierges de Marie et de Jésus, le 2 août 1887. Juste après, elle reprit le travail des commentaires « qu’elle avait forcément interrompu » consacré aux Élévations sur la prière au Cœur Eucharistique. « Il se fit au milieu d’une souffrance morale intense et de pénitences excessives pour obtenir la lumière d’en-haut. Elle ne put achever et versa, comme elle le dit elle-même, « des larmes bien amères sur le deuil de son cœur. » Exténuée de fatigue et d’impuissances, écrit-elle le 21 décembre 1887, je viens de plier mes papiers et d’ensevelir tout ce qui concerne ces pauvres pages sur la prière au Cœur Eucharistique… Je ne crois pas avoir éprouvé pareille souffrance depuis mon premier travail des Constitutions. » Et dans son humilité elle ajoutait : « Oui, je me suis rendue indigne d’achever cette œuvre… » »
N’empêche que le père dominicain Régis Garrigou-Lagrange en apprécia beaucoup la valeur théologique à tel point qu’il en préfaça la première publication, en 1926. Voyons ce qu'il nous dit de cette prière…
* Les citations entre guillemets proviennent de la préface de la publication Vie de la Révérende Mère Marie de l’Eucharistie (1934), écrite par une religeisue de l'Institut et interne à la famille spirituelle fondée par Mère Marie de l’Eucharistie (Sophie Prouvier).
** Passy a d’abord été un village devenu un quartier du 16e arrondissement de Paris, en 1860.
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Qu'est-ce que le culte du Cœur Eucharistique de Jésus ?
Extraits de la Préface du Père dominicain Régis Garrigou-Lagrange aux Élévations sur la prière au Cœur Eucharistique de Jésus de Sophie Prouvier (première publication Éditions de la Vie Spirituelle, Saint-Maximin, 1926. Seconde impression sur laquelle nous nous appuyons : Atelier du Monastère Sainte-Catherine de Langeac, 2018.)
N.B. : Pour des raisons pédagogiques, nous adoptons ici des différenciations typographiques : gras, souligné, italiques…
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Cœur Eucharistique de Jésus – Élévations de Sophie Prouvier
Sur cette nouvelle page enrichie, nous vous proposons de découvrir
la dévotion au Cœur Eucharistique de Jésus
(révélation au Tabernacle en 1854)
par les Élévations sur la prière au Cœur Eucharistique de Jésus
de Sophie Prouvier – Mère Marie de l'Eucharistie – à Besançon.EN LIEN AVEC LA COMMUNAUTÉ DE PRIÈRE SUR HOZANA :
https://hozana.org/community/10595/coeur-eucharistique-de-jesus-elevations-de-sophie-prouvier -
Rendue au Christ dans le Cœur de Jésus et le Pain rompu, par le Précurseur
En ce Jeudi de l’Ascension, 21 mai 2020, je fais mémoire de ce qui s’est passé il y a un an, lors d’une messe à l’Abbaye de Sablonceaux.
L’événement spirituel expérimenté in situ dans le chœur de l’église abbatiale de Sablonceaux, le jeudi 23 mai 2019, a été rappelé le 26 avril 2020, en plein jeûne eucharistique dû au confinement #Covid19, lors de la retransmission de l’Eucharistie en ligne, à l’abbaye Notre-Dame des Dombes, dans l’Ain, décrite dans mon texte précédent : Du jeûne eucharistique comme communion au sacrifice du Christ - Révélation d'une vocation.
Ces deux abbayes d’origine cistercienne sont aujourd’hui habitées et animées par la Communauté du Chemin Neuf.Je dédie ce texte à sr Rita Kispal, ccn
Sandrine Treuillard
Cela fait un an que j’étais à l’Abbaye de Sablonceaux pour la première fois. Une semaine pour partager la vie de la Communauté du Chemin Neuf, à 20 km de Royan, en Charente-Maritime, Nouvelle-Aquitaine.
Le mercredi 22 mai 2019, avec sœur Rita, la maîtresse de maison, j’avais nettoyé l’église abbatiale pour y célébrer, le lendemain, les laudes et la première messe de la saison, après la période hivernale où l’église est glaciale. Ce fut aussi pour moi la découverte de l’église alors que j’étais là depuis le dimanche soir. Le mercredi, ç’avait été un bonheur de la préparer, passant l’aspirateur sur la moquette rouge au pied du tabernacle, rafraîchissant le bouquet, et échangeant avec Rita sur nos expériences respectives dans nos églises de village (elle en Hongrie), tout en balayant l’allée centrale de la nef. Pendant les laudes du jeudi dans cette petite chapelle sud, chapelle du Saint-Sacrement où la communauté s’est retrouvée, j’avais perçu pour la première fois nos voix réverbérer dans l’immense ventre de la nef, avec un pincement de joie au chœur (cœur !). Cette expérience de la psalmodie et du chant de louange dans l’église abbatiale me renvoya à l’église Saint-Martin de Sury-ès-Bois, dans ce village de mon enfance où j’avais eu mes premiers émois spirituels et la vocation à devenir l’épouse du Christ ̶ ce que je pensais être déjà lors de ma première communion et profession de foi, en 1986, à 12 ans.
Puis, ce jeudi matin du 23 mai 2019, ce fut le montage du chapiteau, la grande tente bleue pour la Pentecôte, amenée en camion par un autre frère du Chemin Neuf, Ladislas, de l’Abbaye Notre-Dame des Dombes (Ain). Près de 900 personnes se retrouveront sous ce chapiteau, autour de l’évêque, pour les confirmations du diocèse, alors qu’elle ne pouvait en contenir théoriquement que 600. ̶ On avait alors élargi l’espace de la Tente en décrochant les jupes. ̶ Durant le montage de la tente ce jeudi 23 mai 2019 ̶ un travail collectif que je vécus avec bonheur ̶ je m’étais retrouvée comme à tricoter à l’échelle de mon corps, passant les cordes dans les gros œillets, tirant, laçant, dans un mouvement des bras et des jambes, tractant, poussant du pied l’air s’accumulant entre les œillets tout en montant le long des deux pans de la toile imperméable du chapiteau ainsi reliés, que tous ensemble nous allions ensuite monter, dans l’après-midi. Á l’approche de midi, j’étais exténuée.Ainsi vidée par un effort physique et collectif grisant, je me suis retrouvée assise dans l’église abbatiale pour la messe de midi. Le chœur et la nef sont baignés de la lumière zénithale. L’architecture cistercienne est un écrin au silence, à la paix. C’est lors de cette eucharistie, la première de la saison dans l’église abbatiale ̶ et la première tout court pour moi, ici ̶ qu’à l’élévation de l’hostie consacrée à l’Agnus Dei, la phrase de saint Jean Baptiste prononcée par le père Matthieu : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde », l’hostie se superposa à la poitrine du Christ en Croix derrière le prêtre.
L’union du Sacré Cœur et de la Sainte Eucharistie se produisit sous mes yeux et ce fut la confirmation fulgurante de mon union au Christ, par mon nouveau nom en Lui, qu’Il me donna en novembre 2014 (‘Jehanne de la Sainte Eucharistie’) ; et le 3ème dimanche du Carême, en mars 2015, dans ma lettre à Mgr Michel Dubost où j’esquissais en signature mon blason spirituel complet, après avoir évoqué le Sang jaillit de son Cœur à la Croix qui m’éclaboussa et me baptisa… ‘Sandrine du Sacré Cœur’ avec les trois gouttes de Sang perlant au bas du Cœur, arrosant la terre, la Croix comme un germe, rameau de Jessé jaillissant de ce Cœur fécondant la terre ; ou encore, Croix plantée dans le Cœur de Jésus telle une épée (Parole de Dieu, à double tranchant) ; et encore : lance du centurion qui révèle la pentecôte eucharistique à la mort du Christ. Dans cet instant de l’Agnus Dei, avec l’hostie présentée en hauteur au niveau du Cœur de Jésus en Croix par le célébrant, tout ceci y était présent, en condensé. Mes larmes jaillirent : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir » avec le geste de componction contre mon sternum, « mais dis seulement une parole et je serais guérie », les sanglots étranglant ma voix, aucun son ne put sortir. Á genoux, ne cessant de sentir les larmes sillonner mes joues de façon doucereuse, le visage baissé, Blanche entonna le chant de communion de la Communauté du Chemin Neuf : « Ô Jésus, que j’adore ». J’écoutais, ou plutôt j’étais traversée par l’écoute, ne cessant de pleurer, c’était mon adoration, et plus que cela : les paroles décrivaient ce qui se passait en moi, ou peut-être était-ce la Parole agissante, investissant toute l’acoustique de l’église cistercienne :
Ô Jésus que j’adore,
Tu t’offres à contempler,
Humble et douce présence,
Tu t’es fait pain et vin.
Ô ô Jésus, tu t’es fait pain et vin
Pour nos cœurs en errance.Ô Jésus que j’adore,
Tu t’offres à nos désirs,
Vers toi courent nos âmes
En silence et en paix.
Ô ô Jésus, en silence et en paix
Pour l’humble face à face.Ô Jésus que j’adore,
Tu t’offres à notre amour,
Dans l’invisible espace
De ton cœur transpercé.
Ô ô Jésus, de ton cœur transpercé
Où nos peines s’effacent.C’est à cette troisième strophe « Ô Jésus que j’adore, tu t’offres à notre amour dans l’invisible espace de ton cœur transpercé » que mes larmes redoublèrent du bonheur de la communion au Christ, en ce moment-même. Et en ce ‘moment-source’ de mon identité spirituelle donnée de toute éternité, déjà donnée sensiblement et traduite en mon blason en novembre 2014 et mars 2015. « Ô ô Jésus, de ton cœur transpercé où nos peines s’effacent », j’étais comblée de bénédiction dans ce flot de larmes. Je ne pus chanter, les larmes avaient investi ma voix depuis l’Agnus Dei, suivant le cours de la rivière issie du Cœur de Jésus et du Pain rompu qui me traversait corps, cœur et âme.
Ô Jésus que j’adore,
Tu t’offres à notre temps,
Au lieu de notre angoisse,
Tu fermentes en nos vies.
Ô ô Jésus, tu fermentes en nos vies,
Préparant le partage.Ô Jésus que j’adore,
Tu t’offres à nos douleurs,
Tu formes ton image
Tout au fond de nos cœurs.
Ô ô Jésus, tout au fond de nos cœurs,
Tu es notre victoire.Ce n’est qu’après, en juin et juillet, préparant la visite commentée de l’abbaye de Sablonceaux et la donnant effectivement en août 2019, à l’invitation expresse de Rita, la sœur maîtresse de maison, et de Cyrille, le frère responsable de la communauté, que je découvris et fis le lien entre le moment décrit du jeudi 23 mai 2019 à l’Eucharistie, et le saint Patron de la chapelle du Saint Sacrement : saint Jean Baptiste. Le médaillon de la clef de voûte de cette chapelle représente la parole de Jean le Baptiste désignant Jésus le Christ à ses disciples : ‘Ecce Agnus Dei’, ‘Voici l’Agneau de Dieu’, portant un agneau entre ses bras comme serti dans une mandorle.
Enfin, c’est un mois plus tard, le 24 juin 2019, jour de la nativité de saint Jean Baptiste, le ‘Noël d’été’, préparant cette visite commentée de l’abbaye de Sablonceaux, que j’obtins le jugement du Tribunal ecclésiastique de Paris reconnaissant la nullité du sacrement du mariage, contracté dix ans plus tôt avec mon ex-mari. Sous le signe de la naissance de saint Jean Baptiste, précurseur du Christ qui désigna une première fois Jésus depuis les entrailles de sa mère, lors de la Visitation de Marie à sa cousine Élisabeth ; sous le signe de Jean-Baptiste désignant toujours l’Agneau de Dieu, je fus ainsi rendue vierge au Christ, pour le Christ. Rendue au Christ. (10h29)
Sandrine Treuillard
Jehanne Sandrine du Sacré Cœur & de la Sainte Eucharistie
Jeudi de l’Ascension, 21 mai 2020
Les Bleineries 18260 Sury-ès-Bois
Illustrations :
- Photographie du chapiteau devant le clocher de l'Abbaye Notre-Dame de Sablonceaux : Sandrine Treuillard
- Chœur de l'église abbatiale Notre-Dame de Sablonceaux : arrêt sur image de la vidéo plus haut : Drône océan.
- Dessin de la clef de voûte de la chapelle saint Jean Baptiste : tiré de l'ouvrage « L'Église abbatiale de Sablonceaux (Charente-Inferieure) », Congrès archéologique de France, LXXIXe session tenue à Angoulême en 1912, Paris / Caen, A. Picard / H. Delesques, (vol. 79-II, , p. 287-303) de Eugène Lefèvre-Pontalis, en ligne sur Bibliothèque Nationale de France, Gallica, p.296.
- Dessin du blason spirituel : Sandrine Treuillard -
'Je suis la porte' à Saint-Pardoux - Mercredi de Pâques - Confinement 2020 - #Covid19
Vidéo tournée le Mercredi de Pâques, 15 avril 2020, à Saint-Pardoux
Mardi de Pâques, 14 avril 2020
Les Bleineries, Sury-ès-BoisConfinement repoussé jusqu’au 11 mai.
J’implore Dieu de ne pas annuler la retraite/3ème visite à Blauvac,
pour me faire avancer avec les cisterciennes trappistes,
ma vocation à devenir moniale.J’implore Dieu de me redonner l’office des vêpres et la messe quotidienne
à Sainte-Bathilde, à Vanves.J’ai invoqué l’Esprit Saint qui est venu en moi directement avec ardeur, avant même que je ne chante « Viens Esprit de sainteté », avec « Âme du Christ » qui m’est venu sans crier gare… J’ai été envahie du désir de l’eau vive du Christ, de Sa présence et Il a été présent. Je peux dire que j’ai eu une exultation, une extase en Lui, avec Lui. Puis, j’ai ouvert la Bible de Louis Segond et suis tombée sur l’Évangile de saint Jean, chapitre 10, verset 5, que j’ai reconnu tout de suite (ici, traduction de l’AELF) :
« Jamais elles ne suivront un étranger, mais elles s’enfuiront loin de lui, car elles ne connaissent pas la voix des étrangers. »
Et je continuai la lecture :
« Jésus employa cette image pour s’adresser à eux, mais eux ne comprirent pas de quoi il leur parlait. C’est pourquoi Jésus reprit la parole :
« Amen, amen, je vous le dis : Moi, je suis la porte des brebis. Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des bandits ; mais les brebis ne les ont pas écoutés. Moi, je suis la porte. Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé ; il pourra entrer ; il pourra sortir et trouver un pâturage. Le voleur ne vient que pour voler, égorger, faire périr. Moi, je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance. » »
Je sais que le Christ est en moi. Sa porte est en moi. Là, je puisse la patience dans l’épreuve. Là, je suis dans la confiance : « Il entrera et il sortira, et il trouvera des pâturages » (trad. L. Segond). C’est la prière au Christ qui est en moi, cette ‘garde du cœur’ qui me sauvera en ces temps de contrainte à rester immobile, ici. La Porte du Christ est en moi. Quand je vais dans les champs pour ma promenade-chapelet, en pèlerinage jusqu’à Saint-Pardoux, j’incarne ce qui se passe en moi et qui est décrit aux versets 9 et 10 :
« Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé ; il entrera et il sortira et il trouvera des pâturages. » (…) « Moi, je suis venu afin que les brebis aient la vie, et qu’elles l’aient en abondance. »
La paix dans laquelle je suis à Saint-Pardoux, avec laquelle je reviens chez mes parents, la paix de Jésus Christ ressuscité, c’est ce qui remplace l’Eucharistie sacramentelle. C’est ma messe quotidienne dans ce silence et cette solitude. C’est ainsi que le Seigneur me fortifie, chaque jour, à Saint-Pardoux. Je dois Le laisser faire, continuer à le laisser faire, à avoir confiance en lui et en son action qui bruisse comme la brise légère, qui agit puissamment dans la brise légère. Ma confiance doit être totale. Il n’oublie pas sa Promesse envers moi. Son Alliance, jamais Il ne la trahira. Il agit dans ma patience, dans ma persévérance. Je n’ai qu’à rester fidèle à ce pèlerinage quotidien. Il continue à faire très beau temps. Je n’ai pas à douter du Seigneur dont le dessein est sûr. Dont la fidélité est certaine. Je n’ai qu’à continuer à être, à demeurer là quand je suis à Saint-Pardoux. Je n’ai qu’à recevoir même ce que je ne perçois pas, ne sens pas avec mes sens mais sais avec LA FOI. Dieu n’oublie pas Ses Promesses. Je serai son épouse à Blauvac. C’est Lui qui me dira l’heure. C’est Lui qui agit. Je dois continuer à me couler dans la confiance en sa Paix, en sa Parole. L’ascèse qu’Il me demande est celle-là.
Continuer, chaque jour, à prier 3 heures jusqu’à Saint-Pardoux, aller-retour, et à y rester, y demeurer dans la confiance. C’est là que le Seigneur agit dans ma vie, ici, à Sury. Ce lieu est vraiment mon sanctuaire naturel. Je lis la Philocalie, Il m’enseigne, j’écoute et demeure. Là. C’est tout. C’est tout simple. Et sobre. C’est : JE SUIS LA PORTE. Ce lieu, ce sanctuaire naturel c’est : JE SUIS LA PORTE. Son souffle est là, dans les arbres, les branches, l’eau qui suppure et s’écoule. Les mouches à miel, les crevettes qui roulent dans l’eau. Les papillons. Les fourmis. Ma porte est à Saint-Pardoux. Jean 10, 9-10b c’est là-bas, en plus d’être en moi. (10h30)
Je vous emmène jusqu'à Saint-Pardoux par le 'tunnel de lumière'...
Mercredi de Pâques, 15 avril
Oraison du matin (avant de lire et prier avec les textes de la messe du jour) :
« JE SUIS LA PORTE. SI QUELQU’UN PASSE PAR MOI, IL SERA SAUVÉ.
IL ENTRERA ET IL SORTIRA ET IL TROUVERA DES PÂTURAGES. » Jean 10,9C’est exactement ce que je vis avec Jésus. C’est délicieux.
Je me sens LIBRE EN LUI, PAR LUI, AVEC LUI. JOIE PASCALE IMMUABLE. DIEU EN SOIT BÉNI. Jésus, je t’aime. J’entre et je sors par toi, je suis libre. De la liberté que Thomas Merton explique dans Le Nouvel Homme. Je suis en train de terminer cette lecture, le soir, et ce soir sera la fin. C’est une rencontre providentielle avec fr. Louis (son nom de religieux trappiste). Ce livre a suivi le chemin de Pâques que j’ai parcouru, avec une telle justesse. C’est ma lecture fondamentale, cruciale, qui me met bien droite et me révèle exactement où j’en suis. C’est une lecture fondement. Je suis prête à devenir cistercienne trappiste. SOBRIÉTÉ – SPONTANÉITÉ – LIBERTÉ. Ces notions spirituelles, je les expérimente. Elles sont effectives dans ma vie. Dans ma prière. Je n’ai plus qu’à vivre l’expérience de la vie fraternelle monastique avec la Règle de Saint Benoît et la spiritualité cistercienne trappiste.
JE SUIS LA PORTE etc, me renvoie à la vision des Vigiles du Christ Roi du 19 novembre 2016[i], quand, dans le noir, habillée en blanc, après avoir été relevée par le Christ de ma génuflexion, Lui me relevant par la main droite appuyée sur Sa main – je vois dans le noir ce que je sais être Sa poitrine, une rose rouge fermée comme un poing, – puis debout, face à Face, je vois Son visage, les traits de lumière de Son visage dans le noir de la nuit. Et à ce moment-là, Il disparaît, aspiré par la nuit obscure. Il est engouffré, son Image est aspirée par la nuit, laissant jaillir de moi un sanglot et un flot de larmes à sa suite. Ce moment-là de son évanouissement soudain, brutal, dans la nuit noire, dans l’espace et le temps cosmique de l’Univers, cet instant-là c’est le JE SUIS LA PORTE, c’est comme la fraction du pain. Le temps spirituel fait place à notre temps séculier. Mais le JE SUIS LA PORTE est pascal. C’est une porte de lumière qui donne sur les verts pâturages. C’est la porte du Paradis. Ce n’est plus du tout la nuit noire. C’est la transfiguration lumineuse par laquelle nous passons à Pâques. C’est le Christ ressuscité qui nous entraîne dans sa Lumière absolue. JE SUIS LA PORTE. J’entre et je sors librement par Lui, qui est ressuscité, j’entre et sors, éprouvant Sa lumière merveilleuse et je trouve les délices de ses pâturages. Il y a une perfection de l’amour. La liberté de l’amour. La spontanéité retrouvée avec Dieu. C’est ce que je vis en ce moment, chaque jour, quand je vais dans les champs, les chemins creux qui me mènent vers « les eaux tranquilles » dans les fonds, à Saint-Pardoux. Je passe dans les chemins creux qui, avec la végétation qui pousse, devient un tunnel sous les branches qui verdissent. Je passe dans ce tunnel ombragé qui laisse la lumière scintiller, filtrant, jouer avec les ombres. Ce tunnel végétal des arbres enveloppe ma marche et c’est comme quand Jésus dit : « Je suis la porte ». Je passe par ce tunnel qui est une porte qui dure longtemps, qui est délicieuse. Ce temps du passage dans ce tunnel, à l’aller et au retour, est vraiment délicieux.
Les oiseaux chantent dans le bois. Le son est très important. Je suis seule et j’avance, totalement libre avec Jésus que j’invoque, par ma prière du chapelet. Et quand je remonte (de Saint-Pardoux), j’invoque purement le nom de Jésus. Je dis : « Merci Jésus » ; « Jésus, je t’aime » et « Jésus, mon bon Jésus, mon doux Jésus… viens au secours de ma faiblesse ». Ou bien juste : « Jésus, Jésus… » comme un souffle délicieux. C’est La porte. Le nom de Jésus, c’est la porte. La prière du cœur. C’est ma garde. Jésus, tu es ma porte et je t’aime. J’entre et sors par Toi, comme je te dis : « Jésus, je t’aime. » Et je trouve mon plaisir en toi, en cela. Je trouve ma joie, en cela qui est si simple. Si pur. Si bon. Je trouve en Toi ma joie. Mon bonheur. Et je reviens, après trois heures dans les champs, les chemins creux et Saint-Pardoux, légère, heureuse, avec toi en moi. Tu es ma porte. Ma porte du cœur. Ma porte de l’Esprit. La porte de mon cœur. Tu es ma porte. Je repose en toi. Je marche en remontant dans le chemin creux, enveloppée par les branches modelant ce tunnel, et du cri de l’oiseau qui fuit devant moi. La lumière frétille, les taches de lumière ruissellent comme j’avance. Tout n’est que délice.
Hier, j’ai commencé une nouvelle série sur l’Eucharistie avec les textes de saint Pierre-Julien Eymard pour les priants de Hozana. Cela aussi est un tunnel de lumière, comme dans les chemins creux. Et on arrive au Paradoux de Saint-Pardoux. Et on en repart le cœur gonflé du passage de Jésus en soi. (10h24)
Homélie du père Armand Veilleux, moine trappiste, de ce mercredi de Pâques 15 avril 2020, lue à Saint-Pardoux.
Sandrine Treuillard
Jehanne Sandrine du Sacré Cœur & de la Sainte Eucharistie[i] Cette vision a été impulsée par la lecture, à l’ambon, de sœur Myriam. Au mot ‘adoration’, en gras dans le corps du texte, la vision a commencé :
« Quand tu t'approches, ne t'avance pas les paumes des mains étendues, ni les doigts disjoints ; mais fait de ta main gauche un trône pour ta main droite, puisque celle-ci doit recevoir le Roi, et dans le creux de ta main, reçois le corps du Christ, en disant ”Amen”. Avec soin alors, sanctifie tes yeux par le contact du saint corps, puis prends-le et veille à n'en rien perdre. Car ce que tu perdrais, c’est comme si tu perdais un de tes propres membres. Dis-moi, si l'on t'avait donné des paillettes d'or, ne les retiendrais-tu pas avec le plus grand soin ? Alors ne veillerais-tu pas sur cet objet qui est plus précieux que l'or et que les pierres précieuses ? Puis après avoir communié au Corps du Christ, approche-toi aussi de la coupe de son Sang. Incline-toi en une attitude d'adoration et de respect et dit : ”Amen”. Sanctifie-toi aussi par la participation au Sang du Christ. Puis en attendant la prière, rends grâce à Dieu d'un si grand mystère. Ainsi soit-il. »
Prière Eucharistique de Saint Cyrille de Jérusalem (315-387)
Toutes les photographies ont été prises à Sury-ès-Bois, sur le chemin de Saint-Pardoux, depuis le 20 mars 2020.
L'ostensoir est celui de Saint-Pierre de Rome, Vatican, Bénédiction Urbi et orbi du pape François, du 28 mars 2020.
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Contemplation en Temps pascal - Île Saint-Pardoux
Sanctuaire naturel en Pays Fort (Berry) -
Que le règne eucharistique du Christ arrive ! Conférence intégrale du P. Nicolas Buttet - SC Montmartre
À l'occasion de la Nuit d'Adoration au Sacré-Cœur de Montmartre du 20-21 avril 2018 voici la Conférence du Père Nicolas Buttet intégralement retranscrite (d'après l'audio sur YouTube), fondateur de la Fraternité Eucharistein — du samedi 21 avril 2018 — invité par Gino Testa du Groupe de prière Padre Pio de Paris — à la suite de celle (Le 'chant' du P. Eymard - Sa dernière retraite, son testament spirituel) du Père André Guitton, sss (Congrégation du Saint-Sacrement), biographe de st Pierre-Julien Eymard (communauté des Pères du Saint-Sacrement, Chapelle Corpus Christi - 23 av. de Friedland - Paris 8).
Dans cette conférence, le p. Nicolas Buttet nous donne sa vision du premier Saint Patron (des 4) de la Fraternité Eucharistein, S. Pierre-Julien Eymard. Pour lui c'est "vraiment le grand prophète de l'Eucharistie". Il s'en explique au cours de son exposé.
Le désenveloppement du Mystère
Très heureux de vous retrouver. Merci cher Père Guitton pour cette présentation si touchante de ce prophète de l'Eucharistie. Je pense que Pierre-Julien Eymard est vraiment le grand prophète de l'Eucharistie. Et vous savez que dans l'histoire de l'Église on appelle cela le 'désenveloppement du Mystère'. Tout est donné au départ, dans la personne de Jésus et, on le sait, la révélation s'achève avec la mort du dernier apôtre. Donc tout est dit. Mais là, les choses se désenveloppent, prennent une tournure particulière. Je vous parlais hier du Sacré Cœur. Il est bien là, ouvert sur la Croix, toute la dévotion se trouve là, il y a des textes merveilleux… Mais finalement c'est au XIIème XIIIème siècle avec sainte Gertrude d’Helfta, sainte Metchilde de Hackeborn, sainte Metchilde de Magdebourg, Hildegarde de Bingen, où tout d’un coup le Sacré Cœur prend une première… Il y a une scène très belle où Hildegarde de Bingen voit le Sacré Cœur de Jésus, repose sur le Sacré Cœur de Jésus, et elle voit saint Jean. Et elle dit à saint Jean : « Tu es un petit cachotier ! Je suis sûre que quand tu as posé ta tête sur le Sacré Cœur de Jésus tu as dû sentir l’amour fou qu’il y avait dans son Cœur, et tu ne nous as rien dit ! Tu es un petit cachotier ! » Alors, saint Jean lui dit : « Effectivement, j’ai senti cet amour fou dans le Cœur de Jésus, mais Dieu m’a confié la mission d’annoncer le Verbe fait chair. Quant aux secrets insondables de son Cœur, ils sont réservés aux temps où la charité se refroidira sur la terre. » Et donc, ça va être Marguerite-Marie Alacoque qui va recevoir cette dévotion au Sacré Cœur. Et puis on va voir que cette dévotion va se concentrer, se cristalliser, s’incarner, si j’ose dire, autour du Christ Eucharistique. Puisque c’est le Cœur Eucharistique de Jésus qui va être la grande dévotion de la fin du XIXème siècle mais un peu brève, malgré tout. Et saint Pierre-Julien Eymard en fait partie, avec tous ses amis, avec Émilie Tamisier, avec le Père Antoine Chevrier, avec le Curé d’Ars… Ils étaient tous copains, c’est incroyable, il y avait une collection de saints qui se côtoyaient et qui priaient ensemble qui était absolument extraordinaire, hein ! C’était les potes de Jésus qui s’étaient rassemblés et ils voulaient annoncer. Ça, c’est important, c’est une belle leçon parce que dans des moments de tiédeur et de froideur Dieu veut vraiment rassembler ses amis pour nous donner le feu et nous donner la grâce d’évangéliser. Et puis tout d’un coup, on va voir que quand on va plus profondément dans ce Cœur de Jésus, on a la Miséricorde et c’est saint Faustine. Finalement toute la révélation de sainte Faustine se joue autour de Jésus Eucharistie. Et je vous disais hier soir cette phrase qui me touche beaucoup : « Dis bien au monde entier qu’il n’y aura pas de paix sur la terre si l’on ne vient pas à ma Miséricorde et le trône de ma Miséricorde c’est le Saint Sacrement. » Donc : « Dis bien au monde entier qu’il n’y aura pas de paix si l’on ne vient pas au Saint Sacrement. » Et donc les prophéties du Père Pierre-Julien Eymard sur la conversion de la France, de l’Europe, sur la nécessité absolue de l’adoration, sur la grâce de l’adoration pour transformer le monde, qui est pris dans la tiédeur et dont les âmes se croient ferventes et qu’elles ne le sont pas parce qu’elles n’ont pas établi leur trône en Jésus Eucharistie… eh bien !, c’est vraiment maintenant que ce temps est là. Il nous est donné maintenant. Et avec cette Miséricorde qui jaillit du Cœur de Jésus. Et pour moi, cette prophétie de Faustine et cette prophétie de saint Pierre-Julien Eymard, est aussi importante que celle de Fatima, voyez-vous. Quand Marie dit, en 1917, que si on ne va pas se convertir, une guerre plus grave encore éclatera sous le pontificat de Pie XI… On est encore à l’époque du pape Benoît XV, Pie XII arrivera en 1922 sur le siège de Pierre, il mourra en 1938, et c’est vrai que la guerre éclate sous le pontificat de Pie XI, juste avant son décès. Marie annonce cela en 1917, et donc, à part Marie et le Ciel, personne ne peut savoir le nom du prochain pape, et elle l’annonce clairement, avec un signe aussi cosmique, qui aura lieu au début de l’année 1938, une lueur dans le ciel qui se verra de manière assez extraordinaire dans le monde un peu partout. Parce qu’on n’aura pas écouté Marie, on aura cette tragédie, voyez-vous.
Toute prophétie est conditionnelle, soumise à la liberté des hommes
Toute prophétie est conditionnelle, soumise à la liberté des hommes. Ninive se convertit, l’Europe ne se convertit pas. Voilà. Et aujourd’hui, le pape François a beaucoup insisté sur le lien entre Fatima et Akita, et donc, c’est quelque chose d’assez important, ce lien entre Fatima et Akita. Notre-Dame d’Akita a été reconnu par l’Église en 1984 et 1988 par le cardinal Ratzinger à Rome. C’est chez les Servantes Eucharistique du Sacré-Cœur, en montrant qu’il faut prier Jésus Eucharistie. Donc, au cœur du renouveau du monde, au cœur du renouveau de notre vie personnelle, au cœur de la guérison du monde, il y a Jésus Eucharistie. Il fallait être fou de la part de Jésus, de se rendre présent dans cette vulnérabilité-là, vous voyez… Bien sûr, c’est Dieu transcendant qui est là, mais c’est le bébé de Marie, c’est le vrai corps que Marie a porté dans ses bras, c’est ce Jésus qu’elle a touché, qu’elle a caressé, qu’elle a pris, et Joseph, et le vieillard Siméon : « Oh qu’il est chou ce petit bébé ! » Et c’est l’émerveillement des bergers à la crèche, voyez-vous… C’est ça ! l’Eucharistie. Alors on a tellement pris de la distance avec l’Eucharistie… On ne dérangeait pas le ‘Divin Prisonnier’. « Interdiction… » Un prêtre a écrit à son évêque : « Interdiction de déranger le Divin Prisonnier. » À un moment donné on interdisait de le toucher avec les dents. Or, comme je l’ai dit hier, le mot ‘trogein’ en grec, c’est ‘broyer avec les dents en faisant du bruit’. Et on est arrivé à dire que c’est un péché mortel de toucher avec les dents l’Eucharistie. Mais comment a-t-on pu vouloir tenir à distance ce Dieu qui se fait si proche, jusqu’à se faire manger et « descendre dans les latrines de notre corps »[i] ? Comment a-t-on pu faire pour ne pas rentrer dans la logique évangélique et dans la logique eucharistique d’un Dieu qui s’abaisse et qui est l’ultime point de l’abaissement de Dieu ? Seule l’humilité pouvait descendre plus bas que le péché. Et l’humilité c’est Jésus à l’Eucharistie. C’est de là qu’Il vient nous rechercher, c’est de là qu’Il vient nous empoigner. C’est là qu’Il vient relever chacune et chacun d’entre nous et qui vient transformer le monde.Repenser l’Eucharistie avec la théologie mystique des saints
Alors je pense qu’il va falloir repenser l’Eucharistie. Non pas partir de l’acte pur de la transcendance absolue et des concepts philosophiques et même théologiques sur Dieu. Il y a une théologie mystique qui est plus grande encore que la théologie spéculative, qui est la théologie des saints qui nous apprend le vrai mystère. Et Pierre-Julien Eymard est vraiment ce grand prophète de cette théologie mystique. J’en pleurais de joie quand je relisais le dernier texte du pape François (La joie et l’allégresse Gaudete et Exsultate). C’est ce qui manquait à l’Église, depuis des siècles, si j’ose dire. Les papes se sont exprimés avec beaucoup de ferveur, de justesse, de dévotion, d’intelligence et de piété aussi, sur des grands mystères de la foi, mais personne n’avait écrit une encyclique de théologie mystique. C’est-à-dire, d’une véritable théologie des saints. Qui est la science suréminente. Quand on fait de la théologie ont dit que tout est subordonné à la théologie des saints. C’est la science par excellence. On l’a complètement écarté de notre vision théologique. On n’osait même pas en parler parce que ça ne faisait pas scientifique. Mais on s’en fout ! L’important c’est de rencontrer Dieu dans son vrai mystère tel qu’Il s’est révélé à nous. Et la théologie des saints est là, dans cette délicatesse, voyez-vous… Et je vous parlais hier de Jésus qui débarque du tabernacle pour aller trouver sœur Faustine dans sa chambre… C’est ça la théologie mystique… Mais… Il veut être avec nous, Il demeure avec nous. Sa souffrance, c’est de ne pas être avec nous. Un ami chilien me racontait cette histoire, liée à S. Padre Pio, d’ailleurs : il y avait un camionneur qui faisait la traversée de la grande transaméricaine, la grande route qui traverse toute l’Amérique latine, et tout à coup il voit un type en train de faire du stop au bord de la route. Il s’arrête, il prend le gars. Le gars dit : « Vous voyagez toujours seul comme ça ? » « Je ne suis jamais seul ! » et il montre la photo de Padre Pio et dit : « Il est toujours avec moi, Padre Pio, on est toujours ensemble. » D’un coup, il n’y avait personne sur la route, et le camionneur se met à klaxonner très fort. L’autre dit : « Mais qu’est-ce que vous faites ? Il n’y a personne, il n’y a rien ! » Il répond : « Non, mais il y a une église, là-bas, il y a le clocher, alors je sais que Jésus est seul. Alors à chaque fois que je vois une église je klaxonne pour lui dire : « Hello, Jésus, c’est moi ! », je n’ai pas le temps de m’arrêter, mais je lui fais coucou, puisque tout le monde l’oublie ! » Le gars dit : « Arrêtez tout de suite ! » « Pourquoi ? » « Je suis le curé de la paroisse, je quittais le sacerdoce, je partais, je fuyais… Il faut que je retourne dans ma paroisse ! » Vous voyez la Providence de Dieu ?! Ça, c’est la tendresse de Dieu, vous voyez. Lui, il fait son coup de klaxon à Jésus.
Et c’est ça : Un jour une maman rentre dans une église, elle arrive avec son enfant et lui dit : « Tu vois, là-bas, c’est la petite maison de Jésus, et la petite lumière rouge ça veut dire qu’Il est là. Alors on va faire silence, on va parler à Jésus. » Au bout d’un moment le petit garçon dit : « Maman, c’est quand que c’est vert, qu’on peut repartir ? » Je suis sûr que Jésus à craqué, vous voyez… Voilà… Comment nous rentrons dans cette proximité, cette intimité de Jésus. Avec nous. Vous savez, on accueille chez nous (à la Fraternité Eucharistein, note de La Vaillante) des jeunes traversés par l’alcool, la drogue, la dépression, la violence. Et c’est Jésus Eucharistie qui les guérit. C’est Jésus Eucharistie qui les transfigure. On a une fille qui à douze ans est partie dans la rue : la drogue, la prostitution, le sado-masochisme… enfin, un peu tout, comme ça… qui débarque chez nous à 19 ans, dans un état !…, mais complétement cassée, bourrée de phobies. Tout d’un coup elle découvre Jésus Eucharistie. Je peux vous dire que quand elle va rencontrer Jésus, mais c’est quelque chose ! C’est son Amour. C’est sa force. Elle est prise de combats, de tentations… Elle dit : « Mais c’est Jésus qui me tient. » Et sa communion…! Elle veut recevoir Jésus.
J’étais en Chine, l’année dernière… On rencontre un gars qui faisait du trekking. On marche dans les montagnes, on visite des communautés chrétiennes du côté du Tibet… Et un gars me dit : « Ah, j’ai appris que vous traversiez la montagne… Je ne connais rien. Est-ce que je peux marcher avec vous ? » Je me dis : c’est un flic camouflé, je suis sûr qu’il va nous surveiller… Comment je vais faire pour lui dire que ce n’est pas possible ? Et en fait, je sonde un petit peu mes amis chinois aussi. Ils me disent, non, il n’est pas de la police, tu peux être confiant. Et je ne lui dis pas qu’on était chrétien. Je lui dit qu’on est des trekkers, on est des marcheurs, comme ça… Et puis on part dans la montagne. C’est trois jours de marche dans la montagne. Le premier soir, on a la messe le soir et un temps d’adoration en pleine nature, à 4000 mètres d’altitude. Et lui, là, vient vers moi et me dit : « C’est quoi ce que vous avez fait ?! » Et je réponds : « Je ne t’ai pas dit avant le départ, mais on est chrétien… » « Oui, mais c’est quoi, cette chose ronde qui est là-bas ?! » « Eh bien je vais te dire : c’est mon Dieu. » Et il se met à pleurer et il me dit : « Mais il m’a parlé, tu sais ?… Il m’a dit qu’Il m’aimait. » Et alors on est arrivé à un petit village, on a fait une nuit d’adoration. Il a passé la nuit entière devant Jésus. Il était là, il ne bougeait pas. Le lendemain matin, il me dit : « Comment on fait pour devenir comme vous ? Ça veut dire quoi ? » Alors je lui explique un petit peu… « Alors moi je veux être baptisé ! Il faut que tu me baptises, Nicolas ! » Je lui dis : « Écoutes, là, c’est trop rapide, je ne peux pas faire ça, mais… » Il me dit : « Mais, je peux continuer de voyager avec vous parce que je ne peux pas me passer de Jésus dans l’Eucharistie comme ça ! » Je dis : « Bien sûr, tu vas faire tout le voyage avec nous, tout le pèlerinage. » Et il a été baptisé à Pâques, cette année, et c’était au mois de… On s’est quitté au mois d’août l’année dernière, et il m’a envoyé des photos et derrière il m’a dit : « Y’a une surprise, y’a une surprise, y’a une surprise ! Et à Pâque il m’a envoyé la photo de lui en grand habit blanc, baptisé à Pâques. Il a créé un groupe : Faithbook. Faith ça veut dire ‘foi’ en anglais… Faithbook pour annoncer Jésus Eucharistie. Ça, c’est Jésus Eucharistie, voyez-vous… Ça c’est ce que Dieu nous demande de vivre et de découvrir aujourd’hui.
En quoi Jésus Eucharistie est-il vraiment le lieu d’une guérison pour nous ?
Alors c’est un petit peu ce dont je vais vous parler maintenant… j’ai pris un peu de temps en introduction, mais… en quoi Jésus Eucharistie est vraiment le lieu d’une guérison pour nous ? Première chose, d’abord je crois qu’on est très obsédés par la santé aujourd’hui. Je ne sais pas si vous avez remarqué, on est très, très pris par la santé. Mais en fait, en latin, dans différentes langues, en italien, en espagnol, dans les langues latines le mot santé et salut viennent d’une même origine, d’une même étymologie. Et finalement, quand on a perdu le sens du salut, on s’est obsédé de la santé. On se dit, au Nouvel An : « Bonne santé ! » On peut mourir en bonne santé, mais être damné… Et on peut mourir très malade et être sauvé. Ce qui est important de noter c’est le bon salut. Parce que quand on dit ‘salut’, ça veut dire je te souhaite le Salut : la vie éternelle, qui peut comprendre la santé mais qui est d’abord la vie éternelle, le salut de l’âme. Et donc je pense que l’adoration eucharistique nous remet en face de l’essentiel, redit au monde qui a perdu le sens de Dieu : « Mais, retrouve le sens de Dieu, retrouve tout ce qui est important pour toi. » Dans l’Écriture sainte, voyez-vous, ce qui est important ce n’est pas d’être en bonne santé ou d’être malade. Et même pas d’être mort ! Jésus parle à des morts : « Lazare, sors ! » ou « Talita kum ! » « Je dis : lève toi ! » Et puis il ne parle pas à des vivants : à Hérode, à ceux qui le frappent… parce qu’ils sont déjà morts… dans leur cœur. La mort et la vie ne sont pas les mêmes frontières que pour nous. La santé et la maladie ne sont pas les mêmes frontières que pour nous. J’allais dire même mieux que ça : Jésus nous rejoint dans nos vulnérabilités, notre péché.
Il y a une scène étonnante dans l’Écriture sainte : c’est Moïse qui négocie avec le Bon Dieu la mission que Dieu lui a confiée, d’aller libérer son peuple, de collaborer à la libération du peuple. Alors, Moïse dit d’abord : « Je suis âgé, je suis à la retraite, je ne peux pas ! » Dieu dit : « Non, ça ce n’est pas une bonne raison. » Alors Moïse dit : « J’ai un casier judiciaire en Égypte, ça ne se fait pas, il n’est pas encore périmé… » Et après il dit : « J’ai un problème : tu me demandes d’être ambassadeur et j’ai la bouche pâteuse. » Sans doute un bégaiement… Dieu dit : « Eh bien ton frère, Aaron, te donnera un coup de main ! » Mais c’est très beau, voyez-vous, l’argument ultime, la souffrance mystérieuse de Moïse, c’est cette bouche pâteuse. Et à la fin quand il meurt sur le mont Nebo quarante ans après, aux portes de la Terre promise, on nous dit qu’il mourut, les traductions disent : « Sur la parole de Dieu, sur l’ordre de Dieu… » Le texte hébreu dit : sur la bouche de Dieu. Et c’est le même mot qui est utilisé quand il dit que la bouche est pâteuse et que la bouche de Dieu le rejoint. Voyez-vous… : Dieu l’a attendu toujours sur cette bouche. L’expérience de sa pauvreté, de sa bouche pâteuse était l’expérience de Dieu qui lui parlait et qui le rejoignait. Ça, ça c’est le christianisme, voyez-vous… Ça c’est la vie avec Dieu. C’est-à-dire que le lieu de la rencontre avec Dieu c’est le lieu de ma propre vulnérabilité. C’est le lieu de ma propre pauvreté. C’est le lieu de mon propre drame. C’est là que Dieu m’attend et c’est là que Dieu me rejoint. Je ne veux pas être trop long là-dessus, il y a plusieurs choses à dire, mais… Voyez-vous, ce que Dieu nous donne, et finalement… c’est là qu’il va falloir venir pour découvrir la tendresse de Dieu et l’amour de Dieu.
Développer aujourd’hui la véritable ferveur eucharistique de Pierre-Julien Eymard
Et je pense qu’il va falloir développer aujourd’hui la véritable ferveur eucharistique de Pierre-Julien Eymard : faire travailler le saint Sacrement pour que l’irradiation de la grâce de Dieu se répande partout. Benoît XVI démontre deux drames de notre humanité et de notre christianisme aujourd’hui.
1- La gnose : Le salut par la connaissance, par la science, par le savoir. Et on croit que notre connaissance va nous sauver. On croit que notre savoir va nous sauver. Sur le plan mondial, c’est sûr, c’est depuis les Lumières, la science qui doit sauver l’humanité. Quand Condorcet disait : On va progressivement vers un monde… Les dix étapes de l’humanité vers le progrès parfait. L’avenir radieux intra-historique. Enfin, on avait cette idée que le monde est perpétuellement en progrès du bien vers le mieux grâce à la science. Et la science répondra à tous les problèmes. Au XXIème siècle on peut se dire qu’on a manqué le train et que le progrès technique ne signifie pas le progrès humain et progrès d’amour. C’est un échec total. Et les idéologies ont marqué l’échec. Reste qu’on est toujours marqué là-dedans, y compris dans l’Église ! La dernière parole du ‘pape intello’, Benoît XVI : « Ma plus grande crainte dans l’Église aujourd’hui c’est l’intellectualisation de la foi. » Une façon de mettre à distance Dieu par la science et par des théories. Non pas une intelligence de la foi. Une intellectualisation de la foi. L’intelligence de la foi passe par le cœur, par la lumière, par l’expérience. Et les saints ont une intelligence de la foi. Et les plus pauvres ont une intelligence de la foi. Cette fille dont je vous parlais tout à l’heure : elle vient vers moi… textuel, texto, elle me dit : « Putain, j’ai pas dormi de la nuit passée ! » Je dis : « Ah ouais… ! » Elle me dit : « Ouais, mais j’ai parlé avec la Trinité. Toute la nuit ! » Ah, j’dis : « Bien, très bien… » Elle dit : « Mais, putain, c’est un truc de ouf !!! Tu te rends compte : le Père n’aime pas comme le Fils ; le Fils n’aime pas comme le Père ; l’Esprit Saint n’aime pas comme le Père. Chacun aime de manière unique ! J’ai parlé avec les trois l’un après l’autre, mais c’était chaque fois des discussions différentes. Il y avait à chaque fois un amour totalement différent : entre l’amour que le Père avait pour moi ; que le Fils avait pour moi ; que l’Esprit Saint avait pour moi. Et nos discussions étaient complètement différentes avec les trois. » Alors je la regarde, comme, ça… Elle me dit : « J’ai dit une bêtise ? » Je dis : « Non, mais l’Église a mis cinq siècles pour découvrir ça, tu vois, dans les Conciles ? » Juste un petit détail… Et quand elle m’a dit ça, avec le ton avec lequel elle me l’a dit… je ne l’ai pas, le ton… Mais le ton avec lequel elle me l’a dit… mais j’ai découvert quelque chose ! J’avais étudié mes Conciles ! J’avais étudié un peu la Trinité, quand même… Enfin, je connais deux ou trois choses. Je ne m’étais jamais émerveillé à ce point du fait que les Personnes n’aimaient pas de la même manière. Je n’en avais pas pris conscience et c’est lorsqu’elle me l’a dit, que j’ai pris conscience de cette réalité-là, vous voyez… Alors, Dieu veut vraiment renouveler le monde… Première chose la gnose. Deuxième chose…
2ème - Le pélagianisme. Pélage était un moine du IVème siècle, qui, pour faire très bref et pas tout juste, mais enfin ça vous dit un peu les choses… C’est un peu l’idée qu’on se sauve à la force du poignet. Que Dieu nous a tout donné dans notre nature et aussi par le baptême et qu’on n’a plus besoin de ce qu’on appelle la grâce actuelle, c’est-à-dire du secours permanent de Dieu pour vivre. Qu’il suffit de… à nous de travailler au salut. La Gnose était première : c’était le salut par la connaissance. Les premiers chrétiens ont vu que ça ne marchait pas, que les grands savants étaient des crétins et des gens pas du tout charitables. Et donc ils se sont dit : c’est les œuvres qui vont… mais les œuvres par nous-mêmes, à la force du poignet. Et François met cela en lumière depuis le début de son pontificat ; il a dit ça. Mais là, dans son dernier texte, Gaudete et Exsultate, il a mis en lumière le fait que c’est le grand drame de l’humanité : on a jeté de côté la grâce ! On a perdu le cœur du christianisme ! La vie de la grâce, la vie théologale. Or, l’Eucharistie nous oblige à entrer dans la vie de la grâce. Non seulement elle donne la grâce, mais elle contient l’auteur de la grâce ! Seul sacrement qui contient l’auteur de la grâce. Tous les sacrements communiquent la grâce divine, la vie divine, mais l’Eucharistie de manière suréminente et unique, non seulement communique la grâce mais contient l’auteur de la grâce, puisque Jésus y est réellement présent. Donc cela c’est déjà une chose inouïe ! Et ensuite, la vulnérabilité du Christ vient rejoindre notre vulnérabilité, qui est en même temps le Dieu tout-puissant. Donc cette tentation du transhumain, du surhomme et tout ça, elle se réalise dans la pauvreté de ce que le Christ nous révèle de lui-même en son corps eucharistique. Lui, de riche qu’il était s’est fait pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté. Et dans cette merveilleuse parole du pape Benoît XVI : « Sa façon d’être Dieu provoque notre façon d’être homme. » Il n’est pas le Dieu tout-puissant, car il veut, là… voyez-vous, à la Résurrection, Thomas ne dit pas : « Montre-nous la puissance de ta gloire et qu’on voit en toi le rayonnement cosmique de ta personne ! » Il dit : « Si je ne mets pas la main dans ses plaies, dans ses trous, je ne croirai pas. » On demande de toucher le Christ ressuscité dans ses trous des mains, des pieds et dans sa plaie du côté. Ce qui n’aurait jamais dû être ! Parce qu’un corps ressuscité est beau, n’a plus aucun défaut et il a 33 ans, nous dit saint Thomas d’Aquin. La plénitude de l’âge. Donc, comment se fait-il que le corps ressuscité du Christ ait gardé ses stigmates ? Car c’est là qu’on le rejoint. Et c’est là qu’il nous rejoint. Voyez-vous… Il se garde vulnérable et blessé contre toute logique d’un corps glorieux et les apôtres ne se trompent pas : c’est là qu’ils veulent le reconnaître. C’est là qu’ils veulent le rejoindre. La preuve que tu es ressuscité c’est que tu as encore les trous dans ta chair. C’est extraordinaire… Et la preuve que tu es vivant c’est que tu es dans la vulnérabilité de l’apparence d’un bout de pain et d’un peu de vin. Et là j’y crois ! Là, tu es crédible, Seigneur. Et il faut qu’on ait l’audace et le courage de le rejoindre dans cette même pauvreté. Voyez-vous, on fait des théories, parfois… Oui, bien sûr, c’est le Glorieux, oui, bien sûr, mais rentrons dans la logique de Dieu, dans cette tendresse de Dieu. C’est un prêtre qui disait un jour… Il était ici, à Paris, un certain âge, déjà, alors il dit : « Moi, je passe ma journée à l’église, j’accueille les gens, ceux qui veulent se confesser se confessent, ceux qui ont envie de dire un mot en me parlant… Et puis le reste du temps j’adore Jésus. » Et un jour, une personne vient et lui dit : « Mon Père, vous dormez ! Vous devriez aller vous reposer. » « Oh, il dit, madame, peut-on reprocher à un vieux chien fidèle de dormir aux pieds de son maître ?! » C’est ça, l’Eucharistie. On appelle ça l’adodoration… vous savez… Alors, s’il n’y a que ça, c’est peut-être problématique, mais enfin… !
Adoration et guérison
Alors, très rapidement peut-être, quelques points qui paraissent importants sur ce rapport, plus spécifiquement, entre adoration et guérison. L’adoration vient au cœur du drame du péché de l’humanité. S. Thomas d’Aquin nous dit que le péché c’est se détourner de Dieu pour se tourner vers la créature. C’est un repliement sur soi. L’homme qui préfère la créature au Créateur, et qui finalement tue en nous le désir de Dieu pour le ratatiner, le réduire au désir de la créature. C’est ça tout le drame de la Création : c’est briser la relation avec Dieu en se repliant sur une fausse relation parce qu’elle n’est pas illuminée par la présence de Dieu.
L’adoration eucharistique nous met en état d’extase, de sortie de soi
L’adoration eucharistique nous met en état d’extase, de sortie de soi. Elle nous fait sortir de nous. Je vous ai dit hier soir cette intuition plus forte : finalement, l’Eucharistie c’est l’ultime de l’amour humain de Dieu pour nous. Si l’amour est extatique, c’est-à-dire qu’il doit sortir de soi — pas extatique dans le sens un peu mystico-gélatineux du terme où on est collé au plafond… C’est bien si certains sont portés par Dieu là, mais ce n’est pas le but… —, c’est une sortie de soi dans l’amour. Eh bien, quel plus grand amour pouvait-il exister d’un Dieu qui sort tellement de lui-même qu’il se rend présent hors de lui-même, sans se quitter, sous l’apparence du pain, sur la table du Séder pascal, c’est-à-dire du repas de la première pâque que Jésus a célébré avec ses apôtres ? C’est inouï, ça, voyez-vous… Et c’est ça la logique de l’Eucharistie. Elle nous extasie. Vous savez que dans l’adoration regarder l’hostie est très important. Parce que le regard est le sens qui nous extasie. L’ouïe nous enstasie : les sons rentrent en nous, et quand on écoute un concert habituellement on ferme les yeux et on écoute, on laisse entrer la musique en nous… sauf si le violoniste est un artiste, une personne assez éblouissante, ou le pianiste, on voit danser les doigts sur le clavier du piano, alors on est un peu fasciné par ça, mais… Mais pour la musique, fondamentalement, c’est l’en stase, ça rentre en nous. Le regard nous extasie. L’amour nous extasie. L’amour s’émerveille. La beauté nous attire. Le plus beau des enfants des hommes, présent au saint Sacrement, nous extasie. Voyez-vous… Et donc il y a dans l’adoration eucharistique la nécessité du regard porté sur l’Hostie, qui est aussi la logique de l’amour. Des amis me racontaient qu’ils étaient en vacances à Castel Gondolfo, dans la maison du pape qui s’appelle Sainte-Marthe, avec le pape Jean-Paul II. Ils avaient huit enfants, ils avaient mangé à table, le soir, avec Jean-Paul II dont ils étaient proches. Le petit dernier était là, ils l’avaient mis à dormir dans la salle d’à côté dans le petit berceau, parce qu’il était fatigué. À la fin du repas ils disent au Pape : « Écoutez, saint Père, si ça ne vous gêne pas, on va mettre à coucher les enfants et on revient chercher le petit dernier après, comme ça on ne va pas le déranger, on va coucher les aînés d’abord… » « Pas de problème, laissez-le là, dans la salle… » Alors, ils mettent à coucher les enfants, cela prend un certain temps, et quand ils arrivent Jean-Paul II était à genoux, penché sur le berceau et il le regardait. Il dit : « Vous voyez, je m’émerveille ! » L’enfant dormait. C’est ça l’extase, voyez-vous… C’est ça l’amour, c’est ça la logique eucharistique. C’est ça le renversement. L’adoration eucharistique vient au renversement du drame du péché. En nous amenant à passer… à renverser le mouvement du péché qui est un repliement, pour entrer dans une logique d’extase qui est la sortie de soi. L’extase vers Dieu qui nous conduit… « à un exode vers les plaies de nos frères et sœurs », dit le pape François.
De l’extase à l’exode : l’Eucharistie c’est la gratitude
Donc, on passe de l’extase à l’exode qui nous conduit véritablement à un deuxième aspect qui est juste le contraire du péché. Le péché c’est l’ingratitude, le refus de dire merci, le refus de rendre grâce, le refus de se recevoir, le refus de s’accueillir comme un don. Et l’eucharistie c’est la gratitude, c’est dire merci. ‘Eupharisto’ ça veut dire merci. J’étais un jour en Grèce, dans une léproserie. Il y avait là une dame : plus de bras, plus de jambes, plus de nez, plus d’yeux, aveugle… Un corps tout frêle sur un lit, comme une hostie sur un autel. La sœur responsable de ce centre me dit : « Cette dame est en prière toute la journée… Elle ne fait que ça. » Alors moi j’ai craqué : j’ai sauté sur son lit, je l’ai embrassée… Vous pensez, une masse comme moi qui débarque sur le lit… Cette petite dame dont il ne restait plus que le corps et le visage déformés, complètement méconnaissable… Alors, elle était un peu étonnée au départ. Puis la sœur lui explique en grec ce qui se passe à ce moment-là. Et cette dame avec le peu de lèvre qui lui restait, qui avait aussi été rongé par la lèpre, me dit : « Eupharisto… » Ça veut dire ‘merci’ en grec. Eucharistein. Et j’ai compris le sens de tout ça, voyez-vous… Voilà. Tout d’un coup je reconnais.
C’est quand même terrible ! : Aujourd’hui, vous allez partout en management, partout en sens du développement personnel, on ne vous parle que de la gratitude, les bouquins sortent partout sur la gratitude. On s’est fait piqué le cœur de notre vie chrétienne ! ‘eucharistein’, ça veut dire merci ! Et on découvre aujourd’hui que, comme par hasard, si l’homme ne dit pas merci, eh bien, il crève ! Si l’homme n’est pas reconnaissant, il en meurt. Dans les bordes d’entreprise, dans les stages de développement personnel, de tous les côtés, en psychologie, en psychanalyse, vous regardez les livres qui sortent sur la gratitude… c’est partout ! Retrouver la gratitude, le merci devant la vie… Et nous, on avait ça au cœur de notre vie chrétienne. L’Eucharistie, dire merci. Dire merci… et on a oublié ça. Et déjà, les pères de l’Église disaient : Ou on est dans l’eu-charistie, dans l’eu-charistia, ou on est dans l’a-charistia, l’ingratitude. Ce sont les deux mouvements de l’homme. Ou je dis merci, ou je me replie dans l’ingratitude, et je meurs. Et je crève. Quand bien même je suis croyant. J’en meurs… Et j’en crève. Donc, vous voyez, l’eucharistie va bouleverser tout cet ordre et va mettre en relation.
Le légalisme
Le drame du péché originel, dans le texte, c’est quand le serpent dit : « Alors, Dieu a dit… » Ça, c’est tout le drame du péché originel. Ensuite, les tentations arrivent, mais le drame est dans cette parole du texte de la Genèse alors, Dieu a dit. Pourquoi ? Parce que c’est la première fois qu’il n’y a pas un sujet en face de Dieu. Parce que là c’était : Alors Dieu leur dit ; Alors Dieu leur parla ; Alors Dieu leur adressa la parole… Pour la première fois Dieu devient une voie off qui résonne, un principe intellectuel : « Alors, le concept Dieu a dit. » Et le mot ‘Dieu’, dans le texte de la Genèse c’est éloïm, c’est un nom commun pluriel, en hébreu. Alors que là c’était ‘Yahvé éloïm’ : la personne de Dieu leur parle. Dieu n’est plus une personne, c’est un concept, c’est un nom commun qui parle sans s’adresser à quelqu’un. Ça c’est le cœur du péché originel. Après, tout découle de ça. On arrive dans le légalisme : « Alors lui il a dit : Il ne faut pas toucher du fruit de l’arbre. » Mais non, il n’a pas dit ça, le bon Dieu !, il a dit : « Tu ne peux pas en manger. » Mais le toucher, tu fais tout ce que tu veux, tu vas faire ta tasse de soupe… Enfin, il n’a pas dit ça. Légalisme.
Le moralisme
Moralisme : « Ah ! Tu connaitras la science du Bien et du Mal. » Mais non, Dieu ne connaît pas le mal, il ne connaît que le bien. Parce que le bien c’est l’aptitude à la vie. Le mal n’est rien. C’est l’anéantissement du bien.
Le formalisme
Et puis le formalisme : « toucher » ; « ne pas toucher ». Attends, non, si tu n’as pas mis les pouces comme ça… Aujourd’hui, dans l’Église, vous voyez un retour d’un certain formalisme, d’un certain traditionalisme : « Si tu n’as pas fait comme ça les choses, si tu n’as pas fait le geste juste, attention, le bon Dieu… » Mais il n’en a rien à foutre, le bon Dieu ! Ce n’est pas ce qui l’intéresse. Ce qui l’intéresse c’est que l’on soit en amour avec lui… Alors, il faut des formes, l’Église fournit des formes, bien sûr ! Je ne dis pas le contraire. Mais attention… on croit qu’on fait plaisir. Les juifs pensaient ça, les pharisiens pensaient ça. « T’as vu Seigneur : on t’a sacrifié 3000 bœufs, 5000 chèvres et on t’a tout fait grillé. T’es content ? » « Non ! Vos sacrifices de viande grasse, j’en gerbe ! », dit le bon Dieu. « J’en vomis. J’en peux plus ! Ça me sort par le trou des narines et par les oreilles. » C’est dit comme ça dans la Bible. « J’en peux plus ! Vous croyez me faire plaisir en faisant ça ! Vous ne me faites pas plaisir. » « Ce qui me fait plaisir, c’est de délivrer le pauvre ; de donner à manger à celui qui a faim ; d’aller trouver le malheureux. Ça, ça me fait plaisir », dit Dieu. « Et manger le gigot et puis aller trouver le pauvre et partager le gigot avec le pauvre. Mais vos sacrifices, j’en peux plus ! Vous croyez me faire plaisir avec ça et c’est faux. Vous ne me faites pas plaisir avec ça ! » Dieu nous veut donc dans une relation où on se fasse plaisir les uns les autres.
Mais on voit ça : un jour j’avais un couple qui vient. C’était assez tendu. Elle dit : « Tu ne m’offre jamais rien ! » Il dit : « Écoute, pour ton anniversaire je t’ai apporté la dernière machine à café, la plus performante. C’est même moi qui suis allé l’acheter pour toi. Je n’ai pas envoyé quelqu’un. J’ai fait l’effort et te l’ai apportée. » Sa femme le regarde et dit : « Et je ne bois jamais de café. » Alors vous vous dites, oh ! mince… il y a un petit problème. Lui buvait du café mais pas sa femme. Alors vous vous dites, comment on va rattraper le coup… ? Des fois, c’est ça avec Dieu : on lui fait des trucs qui ne lui font pas plaisir. Ça te fait plaisir ? Ben non, ce n’est pas comme ça que j’aimerais que tu viennes vers moi. Ça ne me fait pas très plaisir. Reprendre le sens de la relation brisée. Reprendre le sens de ce cœur à cœur avec lui. Reprendre le sens de cette intimité. Et il est un peu joueur le bon Dieu… Une histoire authentique : c’est l’histoire d’un enfant qui était sur une chaise roulante à Lourdes, et qui dit : « Je suis sûr qu’à la bénédiction du saint Sacrement je vais marcher ! » Alors l’évêque arrive, le bénit, et rien du tout, il reste coincé sur son siège. Il regarde Jésus au saint Sacrement et dit : « Jésus, puisque c’est comme ça, j’irai tout dire à ta mère ! » Il fonce à la grotte et à la grotte il s’est levé ! Et j’imagine Jésus et Marie au Ciel en train de discuter le coup… : « Allez, vas-y, vas-y, là c’est pour toi ! » Voyez donc cet émerveillement qui est là.
Du désespoir à la Pentecôte
Ce que nous fait découvrir aussi le péché, c’est le désespoir. Qu’est-ce qu’on a perdu au moment du péché originel ? On a perdu notre dignité d’enfants de Dieu. La capacité de parler à la brise légère du soir avec le Père, en toute simplicité. C’était extraordinaire, vous imaginez ? Cette idée nous est redonnée. Et Dieu n’a fait que ça, quand on lit tout l’Ancien Testament. Et même l’histoire depuis les origines. Dieu s’est dit : « Mais comment je vais faire pour apprivoiser cette humanité qui s’est détournée de moi ? » Et Il va tenter. Et toute l’histoire de l’Ancien Testament, c’est Dieu qui essaie de ré-apprivoiser l’humanité à travers son peuple, en disant : « Mais je t’aime ! Regarde-moi ! Les idées que tu as sur moi sont fausses. C’est pas comme ça… Tu crois… non… Je n’aime pas fracasser la tête des ennemis. Je n’aime pas le sang qui coule. Mais bon, je t’ai défendu quand même. Et je prends soin de toi. » Jusqu’au moment où il va nous saisir, nous empoigner, et ça, c’est la Pentecôte. Or, il y a deux Pentecôte. Il y a la Pentecôte de saint Luc, qu’on connaît bien, dans les Actes des apôtres. Le phénomène extraordinaire dont je vous parlais hier soir. Et il y a une Pentecôte plus discrète, c’est la Pentecôte de saint Jean. C’est celle qui jaillit du Cœur du Christ sur la Croix. Si on regarde un petit peu cette histoire, mais très rapidement… À un moment donné, vous savez, il y a un papa et son fiston, qui partent… Il n’est plus tout jeune, il a une trentaine d’années, ils partent sur une montagne et le fiston dit au papa : « Mais, papa… On a le feu, on a le bois, mais où est l’agneau du sacrifice ? » C’est Abraham et Isaac… Et ils ont traduit : « Mon fils, Dieu pourvoira à l’agneau. » En hébreu, ce n’est pas ça : « Mon fils, Dieu voit l’agneau. » C’est au présent. Et le présent en hébreu est un présent qui continue. Dieu a sans cesse sous les yeux l’agneau. Ah ! Alors là, on comprend mieux. Ensuite, on connaît l’histoire. En fait, c’est un bélier qui se prend la tête dans un buisson. Je ne sais pas si vous avez remarqué, c’est le papa de l’agneau. C’est le père, d’abord, qui souffre, qui parle, qui participe. C’est le papa de l’agneau qui s’est pris la tête dans le buisson d’épines. Jusqu’au jour où l’agnus se prendra la tête dans le buisson d’épines aussi. Donc, Dieu se cache toujours dans un buisson d’épines. C’est la petite leçon qu’il faut en tirer… Quand ça pique, il y a le bon Dieu qui se cache dedans. Quand ça fait mal, il y a le bon Dieu qui est là, qui nous attend… C’est là qu’on trouve le bon Dieu : dans les buissons d’épines… du quotidien. Bref ! Jusqu’au jour où on arrive au bord du Jourdain. Et tout d’un coup : « Papa, où est l’agneau du sacrifice ? » « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » : saint Jean-Baptiste désignant Jésus. Whouaaa ! on l’a trouvé ! Et alors arrive ce moment extraordinaire, où deux disciples, - les évangélistes nous disent qu’il s’agit de Jean et André – suivirent l’Agneau. L’Agneau se retourne en disant : « Que cherchez-vous ? » Ils lui disent : « Rabbi (Maître), où demeures-tu ? » « Venez et voyez », leur répond-il. Ils allèrent. Ils demeurèrent avec lui ce jour-là. Ils rentrèrent. C’était vers la dixième heure, soit vers 4h de l’après-midi. Et ça, c’est un point où j’ai un petit problème avec saint Jean, quand même… Je dis : « Mais, tu ne nous a pas dit ce qui s’est passé… Tu aurais pu nous dire. Tu était là… Nous expliquer ce que tu as vécu avec l’Agneau pour la première fois que tu le rencontrais. Tu passes la journée avec lui : pas un mot ! Si ce n’est un petit détail : il était vers la dixième heure… Qu’est-ce que l’on en a à faire, 2000 ans plus tard que c’est la dixième heure, la cinquième heure, la huitième heure… » Sauf que la dixième heure est un temps très important. Pour les juifs et pour nous. Je reviendrai pour les juifs après. Mais pour nous c’est très important : parce que les heures reviennent à la fin de l’Évangile de saint Jean, voyez-vous… À la sixième heure : une grande ténèbre se fit sur toute la terre. À la neuvième heure : Jésus poussant un grand cri remit l’esprit. Et avant que les premières lumières du shabbat, quand cette chose s’est passée, ne soient allumées, vers 5h et 1/2, le 14 nisan à cette période de l’année à Jérusalem, on a voulu descendre les condamnés à mort de la croix. Il a fallu vérifier leur mort et pour Jésus, on n’a pas brisé ses jambes mais on a transpercé le cœur. Le temps de le mettre au tombeau, de l’embaumer rapidement, de fermer le tombeau et d’arriver à la maison pour respecter le shabbat de Pâque, de Pessah’, on peut imaginer que c’est vers la dixième heure. Alors, si on prend toute l’histoire du Salut depuis Abraham : « Papa, où est l’agneau du sacrifice ? » « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » « Où demeures-tu ? » « Venez et voyez »… à la dixième heure vous comprendrez tout. Le rendez-vous que Jésus nous fixe depuis les origines, c’est la dixième heure. C’est tellement vrai que c’est l’heure de Jésus. Dans tout saint Jean : « Mon heure n’est pas venue / mon heure n’est pas venue / Mon heure n’est pas venue … » « L’heure est venue / l’heure est venue / l’heure est venue ». L’heure de Jésus c’est ça. En gros, c’est sa Passion, mais quand on zoome, c’est le cœur ouvert.
Que disent les juifs, le Talmud ? Il dit : « À la sixième heure Dieu créa nos premiers parents, Adam et Ève - Ish et Isha. » « À la neuvième heure, Il leur donna la Loi - la Torah. » « À la dixième heure, ils transgressèrent la Loi. » « À la onzième heure, ils furent chassés du Paradis - du Gad Éden. Ah ! La dixième heure c’est le lieu du péché originel dans la tradition imagée du Talmud, c’est-à-dire dans la succession sur un jour de la grande histoire du Salut. Et à la dixième heure Jésus nous attend pour nous redonner l’Esprit Saint. Il n’y a aucun décalage entre le temps du péché et le temps du don de l’Esprit Saint. Oh ! il y a eu des milliers d’années entre deux ! Mais spirituellement il n’y a pas de décalage. Le péché est le moment où Dieu attend pour me rejoindre. La perte de l’esprit filial où Dieu m’attend pour me redonner l’esprit filial. C’est à la dixième heure que l’un et l’autre adviennent et donc c’est à la dixième heure que j’ai ce rendez-vous. Or, justement, que se passe-t-il à la dixième heure ? Eh bien, Jésus l’annonce dans l’Évangile de saint Jean. C’est le jour de la fête de Souccot. Souccot est une grande fête de la tradition juive où l’on se rappelait le séjour dans le désert. On dormait sous des tentes, on célébrait avec joie la providence divine. Et le dernier jour de la fête de Souccot, il y avait la fête de l’eau, du don de l’eau. C’était une célébration assez étonnante. Il y avait peut-être 300 000 personnes à Jérusalem, à l’époque du Christ, quand on célébrait Souccot et la fête de l’eau. Le grand prêtre descendait chercher l’eau à la fontaine de Siloë, qui était au fond du Cédron, sous le temple de Jérusalem. Qui était la seule source jaillissante d’eau vive à Jérusalem. Jérusalem est alimentée par des puits, mais là c’était l’eau qui jaillissait comme une fontaine, en saccades, nous disait-on, d’ailleurs, dans les récits antiques. Il vient chercher l’eau, il l’apporte au temple et verse l’eau sur l’autel, pour signifier la communion avec le Ciel. Parfois même on dressait une estrade en bois, où on lisait la Torah, tous les sept ans. Et les commentaires juifs, le Midrash, la Mishna, le Talmud, nous dit : « Qui n’a pas vu la joie de la fête de l’eau qui clôt la fête des Tentes ne sait pas ce que c’est que la Joie. » Il y a un commandement de la Joie. Vous devez être joyeux ! Jérusalem était éclairée de mille torches, on voyait comme en plein jour. Il y avait des torches et des bougies partout. Et c’était la Joie des joies. On ne pouvait pas ne pas être joyeux. C’était interdit. À ce moment-là Jésus se met à crier. « Si quelqu’un à soif, qu’il vienne à moi, car il est écrit de son côté jailliront des fleuves d’eau vive. » Il parlait de l’Esprit saint qu’allaient recevoir ceux qui croiraient en lui, au moment de sa glorification. Donc, au moment où c’est le don de l’eau, le rapprochement du ciel et de la terre par l’autel, une estrade en bois sur laquelle le grand prêtre proclame l’Alliance… Au moment où on parle de l’eau qui va jaillir, Jésus annonce le don de l’Esprit saint. Et même ‘pire’, si j’ose dire, le mot grec est utilisé par saint Jean : « Il crie comme un corbeau. » C’est le verbe kraso qui est utilisé en grec : « Il crie comme un corbeau. » « Ôooo… » Or, ce n’est pas très bon signe, dans l’Écriture sainte… Ceux qui crient comme des corbeaux, ceux sont les démons quand Jésus les expulse. C’est la foule qui crie : « À mort, à mort, crucifie-le ! » Dans saint Jean, il y a saint Jean-Baptiste qui crie comme un corbeau. Si vous remontez à la Genèse et à l’Arche de Noé, avant même que la colombe ne soit envoyée sur la terre, pour renouveler la face de la terre, c’est le corbeau qui est envoyé. Plusieurs fois, il va et vient. Plusieurs fois, le corbeau va et vient et ensuite Noé envoie la colombe qui repose ensuite sur la terre, sans revenir. Et la terre, ce n’est pas la terre de la patrie. Ce n’est pas Eretz en hébreu, c’est ‘Adamah : c’est la glaise dont nous sommes tirés. L’Esprit vient sur la glaise dont nous sommes tirés pour renouveler la face de la terre. Eh bien… Jésus annonce que sa Pentecôte sera au Cœur ouvert.
Le Cœur du Christ à l’Eucharistie : la Pentecôte eucharistique
Or, où est ce Cœur palpitant du Christ… ? Eh bien, il est à l’Eucharistie aujourd’hui. De sorte que la nouvelle pentecôte prophétisée par Jean XXIII, prophétisée par Marthe Robin, prophétisée par tant de saints et saintes… Prophétisée par le règne eucharistique du Christ de saint Pierre-Julien Eymard, par le triomphe du Cœur Immaculé de Marie, qui est la même chose, à Fatima… C’est à l’Eucharistie que ça se passe. Car c’est du Cœur ouvert du Christ au saint Sacrement que jaillit en permanence l’Esprit Saint. Saint Jean Chrysostome l’a dit dans son texte sur la Pentecôte eucharistique que Benoît XVI et Jean-Paul II ont repris. En disant que l’Eucharistie est une Pentecôte permanente. Alors, elle est moins spectaculaire que celle de saint Marc. Dans le Renouveau charismatique, on aimerait bien les signes et prodiges, le parlé-en-langues, les manifestations, les guérisons… Oui… Sauf que la Pentecôte de saint Luc, dans les Actes, suit la Pentecôte de saint Jean. Et c’est parce qu’il y a eu la Pentecôte de saint Jean qu’il a pu y avoir la Pentecôte de saint Luc. C’est parce qu’il y a eu l’effusion silencieuse, au pied de la Croix, de l’Esprit Saint sur l’Église naissante, avec Marie et Jean… qu’il a pu y avoir ensuite, au Cénacle, au lieu de la première messe, la Pentecôte. Saint Pierre-Julien Eymard, moi je l’aime quand il va chercher à racheter le Cénacle ! Il s’est fait avoir… comme Charles de Foucauld qui s’est fait complètement pigeonné en voulant racheter le Gethsémani… Pigeonné ! Mais c’est beau parce que ça montre le vrai désir, voyez-vous… : être au Cénacle, là où il y a l’Eucharistie et la Pentecôte. Eh bien, on est au Cénacle, à chaque messe. Le cénacle de son cœur, vous l’avez très bien dit (le P. Nicolas Buttet s’adresse alors au P. André Guitton qui a parlé précédemment du testament spirituel du P. Eymard : Le ‘chant’ de P.J. Eymard, note de La Vaillante), est le cénacle de l’Eucharistie.
La prière
L’Esprit Saint jaillit en permanence du Cœur du Christ pour nous redonner un cœur filial. Pour nous réapprendre à dire à Dieu : « Abba ! » « Père ! ». Pour prononcer comme des enfants ‘Abba’ : « Dis : ‘papa’ » « - Baba… » « - Non : ‘papa’ » « - Aba… ». Le bon ton de la prière. L’abandon filial. Le cœur filial. C’est ça que Dieu nous demande.
La prière, ce n’est pas une question de parole ou de demande. La prière est une question de ton. Il y a un grand pianiste qui s’appelle Arturo Benedetti Michelangeli. Cortot disait que c’était le « nouveau Liszt ». Un homme assez particulier, assez brillant. Il arrive un jour pour jouer un concert. Il se met au piano et dit : « Ce fa ne va pas. » Et l’accordeur était là et dit : « Écoutez… J’ai vraiment vérifié et je peux vous assurer… » « - Le fa ne va pas ! Débrouillez-vous, je ne peux pas jouer avec ce piano… » Alors, l’accordeur regarde et puis il va regarder sur les feutres et il voit qu’il y avait un cheveux sur le feutre du fa. Alors il enlève le cheveu et Arturo Benedetti Michelangeli revient : « Ah oui ! Cette fois-ci c’est bon ! Qu’est-ce que vous avez fait ? » Il avait retiré un cheveu sur… Vous voyez… Ce n’est pas les paroles, c’est le ton. Est-ce que le ton de ma prière est filial ? Est-ce que j’ai cet abandon filial entre les mains du Père ? Est-ce que je suis dans cette simplicité filiale ? Je suis frappé de voir ces tout pauvres, comme ça… qui ne savent pas articuler une prière, mais Dieu craque devant eux. Parce que… « Seigneur, c’est toi. Tu es Papa, débrouille-toi, quoi… » Dieu aime quand on le prend au mot, comme ça, dans cette simplicité filiale. Une personne me dit un jour : « J’ai une prière puissante, mon Père, il faut que vous l’appreniez ! » Je ne sais pas quel saint c’était… Je lui dis : « Écoutez, moi j’en ai une plus puissante. Je vais vous la donner aussi. » « - Haaannn ! Je peux l’écrire ? » « Vous la savez déjà par cœur. » « C’est pas possible ! Je ne suis pas sûre… Moi, c’est la plus puissante que j’ai découverte… ! » « Je vais vous la dire, la plus puissante : Notre Père, qui es aux cieux, Que ton nom soit sanctifié… C’est Jésus lui-même qui nous l’a enseignée. Vous vous rendez compte ? C’est la plus puissante de toutes ! Pas comme vous l’imaginez. C’est celle qui vous redonne un cœur d’enfant. » Quand les apôtres disent à Jésus « Apprends-nous à prier », il ne dit pas d’apprendre une formule, une technique, la formule magique de la prière. Ils sont saisis par la façon avec laquelle Jésus parle avec son Père. Ils connaissaient la prière juive. Avec les phylactères, proche du cœur, sur le bras gauche, sur le front. Les papillotes, la kippa. Et ce mouvement : le balancier. Il faut se bouger… Ils connaissaient ça, mais tout d’un coup, de voir en silence, Jésus… Ils se disent : « Mais, c’est quoi ton secret ? » Et le secret n’est pas dans une formule, mais dans une relation personnelle avec le Père. C’est ça le grand secret, voyez-vous… C’est ça le gigantesque secret.
La sainteté
L’Eucharistie est au cœur de ce renversement total. Thérèse de l’Enfant Jésus disait : « La sainteté n’est pas dans telle ou telle pratique. Elle consiste dans une disposition du cœur qui nous rend humble et petit entre les bras de Dieu, conscient de notre faiblesse et confiant jusqu’à l’audace en sa bonté de Père. » À sainte Faustine : « Tu vois, mon enfant, que tu es par toi-même la cause de tes échecs. C’est que tu comptes trop sur toi et que tu t’appuies trop peu sur moi. Mais que cela ne t’attriste pas outre mesure. Je suis le Dieu de la miséricorde. Ta misère ne saurait épuiser mon amour puisque je n’ai pas limité le nombre de mes pardons. Saches, mon enfant, que les plus grands obstacles à la sainteté sont le découragement et l’inquiétude. Ils t’enlèvent la possibilité de t’exercer à la vertu. Toutes les tentations réunies ne devraient pas, même un instant, troubler la paix de ton cœur. Quand à l’irritabilité et au découragement, ce sont les fruits de ton amour-propre » : le diagnostic médical, par Jésus, sur notre vie intérieure. Et autre chose lié à ce drame du péché…
L’athéisme
Chesterton, un auteur anglais, disait : « Il n’est pas vrai que lorsque l’homme a cessé d’adorer Dieu, il ne croit en rien. Il croit en n’importe quoi. » Un monde incroyant, qui refuse le Dieu de Jésus-Christ, n’est pas un monde qui ne croit en rien. Il croit en n’importe quoi. On a vu des gens extrêmement savants adhérer à des sectes complètement débiles… Le Temple solaire osait prendre la comète Cyrus pour aller dans l’espace interstellaire… enfin, il y avait des gens brillants qui étaient là ! Qui avaient fait de hautes études, bac + machin… Et crétins comme tout ! Et il y a des gens tout simples qui sont puissamment intelligents parce qu’ils ont l’intelligence de la lumière de la Parole de Dieu. Et donc, un monde sans Dieu, est un monde idolâtre. Un monde qui n’adore pas le vrai Dieu. L’homme ne peut pas ne pas adorer. L’homme ne peut pas ne pas se prosterner. Et s’il ne se prosterne pas devant le vrai Dieu, il se prosterne devant de faux dieux. Il va idolâtrer la science, le savoir… L’athéisme est impossible en lui-même. Il y a un très beau livre de Fabrice Hadjadj là-dessus, La foi des démons ou l'athéisme dépassé, où il montre que si on est dans la pure logique de l’athéisme de se couper délibérément de ce qui donne sens à la vie, l’homme ne peut que se suicider. Il ne peut qu’être conduit à la mort. Donc, l’athéisme en soi est impossible. Le problème, c’est que j’ai rejeté le Dieu de Jésus-Christ, mais que je peux très bien adorer d’autres dieux : mon ego, mon moi, ma santé, une personne, mon enfant, ma femme, mon époux, mon travail, mon sport, mon loisir, telle vedette de cinéma ou de la chanson… Bref… Il y a un culte qui est rendu, qui donne sens à mon existence. Et on comprend bien ! C’est pour ça qu’il ne faut pas être sévère face à cela, parce que ça révèle ce qu’il y a de plus profond au cœur de l’homme. L’homme ne peut pas ne pas être relié. C’est une des étymologies de religion : relié. Voilà… Et alors, l’Eucharistie vient nous libérer de ça, voyez vous…
L’adoration
L’homme a un lieu devant qui se prosterner. Le pape Benoît XVI disait : « Nous trouvons ici ce qui est constitutif de l’adoration eucharistique. S’agenouiller en adoration devant le Seigneur. Adorer le Dieu de Jésus-Christ qui s’est fait pain rompu par amour est le remède le plus valable et radical contre les idolâtries d’hier et d’aujourd’hui. S’agenouiller devant l’Eucharistie est une profession de liberté. Celui qui s’incline devant Jésus ne peut et ne doit se prosterner devant aucun pouvoir terrestre, aussi fort soit-il. Nous les chrétiens, nous ne nous agenouillons que devant Dieu, devant le Très-saint Sacrement, parce qu’en lui nous savons et nous croyons qu’est présent le seul Dieu véritable qui a créé le monde et l’a tant aimé au point de lui donner son Fils unique. » C’est la profession la plus révolutionnaire que nous puissions faire. J’ai vécu une expérience un peu étonnante : un jour, j’ai rencontré un jeune qui était complètement athée, qui avait quand même été baptisé dans son enfance, mais qui avait grandi dans un milieu non croyant et qui avait été loin de tout. Et puis il suit un chemin de foi et il demande la confirmation. J’étais son parrain de confirmation. On se retrouve dans une paroisse de Lyon, avec tout le côté catho… c’était l’Emmanuel qui tenait la paroisse. Avec tout son milieu professionnel - il était dans l’aviation - de gens athées, musulmans… Il avait invité tout le monde, parce que c’était un homme avec un beau relationnel, tout le monde était là à sa confirmation. À la fin, il y avait un petit repas, dans un hall de gymnastique. Il avait mis une croix, comme ça. Et à la fin, il me dit : « Il faut que tu leur parles. » « Écoute, je ne sais pas que dire… t’as les cathos pratiquants, charismatiques et puis t’as les athées et les musulmans… Qu’est-ce que tu veux que je leur raconte… ? » « Il me fait : « Ça, c’est ton problème, c’est pas le mien. Vas-y ! » Je dis : « Attends… C’est un peu fort… Attends… » « Ouais… Je te passe la parole ! » Alors, il annonce au micro. Et moi, j’étais tellement déconcerté que je suis arrivé devant la croix, je me suis prosterné, mais complètement, le front au sol, en disant : « Jésus, là, c’est à toi de jouer, parce que moi je ne sais pas que dire… je ne sais vraiment pas ce que je vais dire ! » Je me relève. Je raconte des choses, je ne sais pas quoi, bref… À la fin, il y a un monsieur qui vient me voir et qui me dit : « Voilà… Je suis musulman. Je veux devenir chrétien. » Je dis : « Ça fait longtemps que vous songez à ça ? » Il me dit : « Non, tout à l’heure. » Je dis : « Comment ? » « Parce que quand vous vous êtes prosterné, le front par terre, en face de la croix, comme nous on le fait en direction de La Mecque cinq fois par jour, j’ai su que vous étiez devant le vrai Dieu. » Il a été baptisé deux ans plus tard. Alors, je lui ai présenté le curé de la paroisse. Je lui ai dit : « Écoutez, moi je suis absent… » Et deux ans plus tard, j’ai reçu la nouvelle qu’il avait été baptisé. Parce qu’on s’est prosterné devant le vrai Dieu, voyez-vous… Et ça, je crois que c’est un acte d’adoration incroyable. Et nous avons ce vrai Dieu…
À l’époque, comment s’appelle-t-il… ? Ce chef touareg, qui était venu… heu… Ah ! Ce grand… qui était venu à Paris pour les négociations… Il était avec le grand général de l’armée française qui l’accompagnait… Ah ! mince, je suis fatigué, là… Bref ! Et puis tout d’un coup le prêtre… on est au XIXème siècle, le prêtre portait le saint Sacrement à un malade avec les cierges et tout, et puis le général s’agenouille sur le trottoir. Et il dit : « Qu’est-ce que tu fais là !?… » « Je m’agenouille devant mon Dieu qui est porté par le prêtre. » Et ce chef… Abd el-Kader ! Abd el-Kader lui dit : « Vous vous agenouillez devant un Dieu porté par un prêtre ! Chez nous, on a une plus haute idée de Dieu que ça, dans l’islam ! » Et le général lui répond : « C’est parce que vous avez une idée de Dieu que vous ne pouvez pas comprendre. » Dieu n’est pas une idée : c’est le Verbe fait chair, voyez-vous… Et nous, chrétiens, on a parfois des idées de Dieu. Et on refuse de rentrer dans la logique de l’Incarnation. Dans la stupeur de l’Incarnation. Dans la stupeur de l’abaissement, de la kénose. Du lien… Donc, on est au cœur de ce renversement.
Le cardinal Garonne disait à l’époque : « Notre temps a perdu le sens de Dieu. C’est-à-dire qu’un monde naît, il est né déjà, où ne s’affirme aucune présence spirituelle. La mobilisation s’impose donc de toutes les puissances d’adoration dont l’Église du Christ est riche. La perte sensible du goût de l’adoration eucharistique, loin de marquer une purification du sens religieux, révèle au contraire un abandon mal avisé et inconscient au courant des choses de ce monde. »
Une autre grande prophète de l’Eucharistie, Théodelinde, Marie-Thérèse Dubouché. Marie-Thérèse du Sacré Cœur qui a fondé les Sœurs de l’Adoration Réparatrice disait qu’il fallait retrouver ce sens de l’adoration, que c’était là que tout allait pouvoir se transformer. « Quand nous ne ferions autre chose par notre présence perpétuelle à l’église que d’attester la Présence perpétuelle de Jésus au Très Saint Sacrement, quand nous ne prononcerions d’autres paroles que celles-ci : « Dieu est là ! », il me semble que nos vies seraient dignement et utilement employées. » C’est le sens de l’adoration perpétuelle ici à Montmartre depuis 130 ans. Donc voyez vous, cette guérison profondément théologique. Et c’est là qu’il faut comprendre à quel point le Christ vient nous rejoindre, vient nous guérir et à quel point il vient nous transformer par cette présence eucharistique.
L’orgueil
Il y aurait aussi peut-être un point plus anthropologique… Je le relèverai assez rapidement, il y aurait plusieurs points à relever, mais… peut-être 2 choses là dessus ; 3 choses ; 4 choses. Rapidement, il y en a plusieurs, oui : 4. Le première, c’est l’orgueil. Je ne sais pas si tout le monde voit ce que c’est, ça, l’orgueil… Ça vous dit quelque chose, ça ?… Je reviens à cette phrase de Benoît XVI : « Sa façon d’être Dieu provoque sa façon d’être homme. » Qui suis-je pour revendiquer quoi que ce soit devant ce Dieu qui s’abaisse à ce point ? Qui suis-je pour revendiquer quelque reconnaissance que ce soit devant un Dieu qui se fait si pauvre, devant moi ? Et qui me rejoint dans ma pauvreté. Qui me rejoint dans ma misère. Il est descendu jusqu’à ce point pour m’apprendre le vrai chemin de la dignité : accepter d’être ce qu’on est. Mais en même temps, reconnaître cette pauvreté, cette vulnérabilité, rejeter cet orgueil devant le Christ qui s’est abaissé, le Dieu Tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre, qui se rend présent sous l’apparence d’un bout de pain. Et comme disait un théologien : « C’est même pire aujourd’hui… Parce qu’avant de faire croire que c’est Jésus sous l’apparence de l’hostie, il faut déjà faire croire aux gens que cette petite pastille blanche qui n’a ni le goût du pain, ni l’apparence du pain, ni rien d’un pain… est un pain. » C’est-à-dire qu’on a réduit le signe eucharistique à tel point… que finalement on dit que c’est du pain mais, nos frères et sœurs orthodoxes ont vraiment du pain. Et on se dit : « Oui, c’est du pain qui devient Dieu ». Mais, nous, cette petite hostie… même à une certaine époque on se faisait un honneur de la faire la plus fine possible pour que la plus grande légèreté porte le plus grand être. Mais, non… manger, ce n’est pas déguster. On n’est pas en cuisine gastronomique, voyez vous… On est en Vie ! Je veux manger cette chair du Fils de l’homme ! Au point que des fois… J’ai un ami évêque qui est en Amérique latine, qui a célébré 5 messes dans différents quartiers d’un bidonville, le même dimanche, et un petit garçon était là à chaque messe et venait communier. Alors, à la fin, il dit : « Mon petit, dis donc ! t’aimes Jésus pour venir… » « Non… j’ai très faim ! ». Il a dit : « J’ai compris… Il avait raison. Il avait même raison comme ça !… » Il avait faim physiquement, il venait chercher l’hostie pour manger quelque chose. Le Seigneur, ensuite, Il se débrouille, dans son cœur, hein ! C’est son job.
L’estime de soi
Donc, premier point, l’orgueil. Mais en même temps, l’estime de soi. On cherche tous un regard qui nous fasse exister. On cherche tous un regard qui nous fasse vivre. Parce qu’on a besoin d’être regardé. Il y a des psychologues comme Erik Erikson qui montrent que le capital confiance d’un enfant se fait par le regard posé par deux ou trois personnes dans la première année de la vie. C’est le regard paternel, maternel, des frères et sœurs, des grands-parents… très peu de personnes, le capital ‘confiance’ d’une vie… - Erik Erikson montre ça - se situe à ce niveau là. On a tous ce besoin. Et parfois, quand ce regard a manqué, ou quand le regard a dévisagé plutôt que d’envisager ; quand le regard a détruit, plutôt qu’il n’a construit… alors je suis très blessé. Et sous le regard du Christ Eucharistie, je revis. Un jour une fille avait fait 5 tentatives de suicide. J’étais encore dans mon ermitage à l’époque : il y avait 480 marches d’escalier, dans une grotte, un petit rocher… Et je la vois… Il y avait une chapelle à côté. Donc, elle était montée là-haut. Elle avait 15 ans. Et quand j’ai vu la tête qu’elle tirait, je l’ai prise par les épaules et je lui ai dit : « Tu sais que tu es belle ? Dieu t’aime et je t’aime. » Ce que je ne savais pas c’est que son père lui avait dit en psychothérapie familiale : « Tu peux crever, j’en ai rien à foutre ! »… Elle a fait 5 tentatives de suicide et ce jour là elle était montée avec un pistolet dans son sac en se disant qu’avec une balle dans la tête et 135 mètres de chute à-pic elle n’allait pas se louper. On a passé 3 heures ensemble. Elle ne disait rien. « Oui / Non ». La seule chose qu’elle m’a dite c’est : « Je ne crois pas en Jésus. » Elle est descendue par les escaliers. Elle est venue le deuxième jour, le troisième jour. Le troisième jour elle est venue là. Je dis : « Écoutes, tu es trop blessée. Je vais te dire, je vais être cash avec toi. Il n’y a qu’une chose qui peut te relever : c’est te laisser regarder par Jésus. » Elle dit : « Mais je t’ai dit que je n’y croyais pas ! » Je dis : « Ça ne fait rien, Lui, Il croit en toi. » Elle dit : « Ça veut dire quoi ? » Je dis : « Eh bien tu vois, moi, je passe des nuits de prière à la chapelle, à côté. Tu peux venir passer une nuit, si tu veux. Tu viens à 10h du soir, jusqu’à 6h du matin. On va adorer Jésus. » Et je dis : « Tu vois, il y a des gens qui vont passer des heures sur la plage cet été, à se bronzer recto, verso, pile/face… » ce qui n’est pas mal en soi, mais… Mais parfois le cœur revient tout pâle, vous voyez… Là dans la chapelle, la nuit, pas de risque de coup de soleil ! Extérieur en tout cas, mais à l’intérieur, oui, dans le cœur. Je pensais à cette phrase du prophète Malachie : « Le soleil de justice brille portant dans ses rayons notre guérison » qui est la dernière prophétie de l’Ancien Testament - après c’est l’Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu -, où on annonce que le prophète Elie viendra ramener le cœur des enfants vers leur père et le cœur du père vers les enfants. Et c’est la troisième fois dans le Targum, c’est-à-dire dans le texte en araméen de l’Ancien Testament, que le mot ‘Abba’ revient. On nous dit que ‘Abba’ est là, aux portes. Dans l’Ancien Testament c’est 170 fois que ‘Abba’ est là. Donc… je lui parle de ça, elle part au pas de course et elle revient, elle me dit : « Ok ! D’accord, mais 9 nuits ! » Elle m’a dit que sa grand-mère faisait des neuvaines, alors elle voulait faire neuf nuits. Alors elle revient et le premier soir, de 10h du soir à 6h du matin, elle était les yeux rivés sur l’hostie, comme ça. Elle ne bougeait pas. Moi, j’étais comme ça à côté (il mime le fait d’être pantelant). Et je me relevais et je disais : « Houlala… ! Il faut que je m’y mette ! » Elle, rien. Je dis : « Ça a été ? », à 7h du matin, elle me dit : « Oui » « Eh ben, tu peux revenir une autre fois, si tu veux. » Elle dit : « Je viens ce soir ! » Je dis : « Non, pas toutes les nuits. On fait une nuit sur deux. C’est trop… » Elle a fait les neufs nuits. À la fin, elle ne pouvait pas parler, encore. Elle m’a écrit un mot : « Nicolas, je suis tombée si bas, si bas… qu’au fond du trou je me suis cassé le nez sur Jésus. Et comme un trampoline il m’a renvoyé la lumière ! Je me trouvais moche, nulle et conne. Et Jésus m’a dit : « Tu es ma fille bien-aimée, je t’aime » dans ces nuits d’adoration. » Elle s’est revue avec le regard de Jésus. Elle a fait sa confirmation 6 mois plus tard. Elle a passé son bac après. Elle est mariée et a deux enfants. Pour la petite histoire : il y a trois ans en arrière maintenant, je célébrais la messe à 7h du matin dans notre petite chapelle dans notre communauté et je vois un homme dans le fond de la chapelle. Et puis je me dis : « Mais, ce type, je l’ai vu quelque part mais je ne sais plus où le situer… » et je ne comprenais pas. À la fin il me dit : « Vous vous souvenez de moi ? » Je dis : « Votre visage me dit quelque chose mais je ne me souviens plus où on s’est vu. » Et il me dit le nom de cette fille. Et je comprends : c’était le papa de cette fille. Et il m’a dit : « Je me suis converti et je suis venu à la messe ici ce matin parce que je vais garder les enfants de ma fille. Elle travaille aujourd’hui. » Elle est enseignante, elle a fait un master en lettres classiques, après… Et donc, il me dit : « Comme je vais garder les enfants je suis venu à la messe avant. Ça fait plaisir de venir à la messe ! » Je trouve ça tellement beau ! Jésus Eucharistie qui vient faire ce miracle, voyez vous… : Tu peux crever, j’en ai rien à foutre ! / Je vais garder les enfants de ma fille. Vous voyez, le chemin… Parce que le regard du Christ s’est posé là-dessus, voyez-vous… Donc, deuxième point : l’estime de soi par le regard du Christ.
L’émotionnalité
Troisième point : l’émotionnalité. On est pris dans un monde très émotionnel, aujourd’hui. C’est l’exaltation de l’émotion. C’était un philosophe, Michel Lacroix, qui a écrit un livre sur cette question-là. Et il a une expression dedans : ‘l’homo sentiens’. L’homme qui sent. On avait l’homo sapiens sapiens, et là c’est ‘sentiens sentiens’. Où tout est dans le ressenti. Je sens et toute l’existence est faite de ce ressenti, y compris le jugement moral. Franchement, dans l’Eucharistie, je ne sais pas si vous avez déjà vécu ça, mais… on ne ressent pas grand chose. Si on vient de temps en temps, comme ça, Dieu est bon, il peut nous donner des choses, mais à la longue, à passer des heures devant le saint Sacrement, on ne sent pas grand chose. Mais on pose des actes de foi. Et ça, ça nous structure. Quand je ne ressens rien et que je vois… comme disait un gars un jour : « J’ai l’impression d’être comme un rat crevé derrière une armoire en face d’un bout de carton blanc ! ». Je dis : « Ah ! Très bien. Toi, tu n’es pas un rat crevé derrière une armoire. Tu es un être vivant racheté par le sang du Christ ! Et le bout de carton blanc c’est ton Sauveur, Jésus-Christ ! Et tu poses cet acte de foi et ça te structure. » Ils ont besoin d’être structurés par la foi qui perfectionne la raison et qui vient guérir nos émotions, qui vient ordonner notre sensibilité. Non pas pour la nier, mais pour l’ordonner et pour la guérir d’un monde extrêmement émotionnalisé. L’adoration eucharistique doit être aussi une guérison de notre émotionnalité pour resituer notre vie en perspective d’une rationalité perfectionnée par la foi, d’une vérité qui nous libère.
L’acédie
Le dernier point, c’est l’acédie. L’acédie est une tristesse spirituelle. Le pape en parle, d’ailleurs, dans son dernier texte. S. Thomas d’Aquin nous dit que c’est le dégoût de la joie qui naît de l’amour de Dieu. Il rattache l’acédie à un des fruits de l’amour de Dieu répandu en nos cœurs par l’Esprit Saint. Il y a trois fruits, dit-il : la paix, la joie et la miséricorde, qui se traduit en œuvre de miséricorde. Deux fruits internes : la paix, la joie. Un fruit externe : la miséricorde. Et la joie est rongée par la tristesse, par la tiédeur, par le manque de ferveur. Par le ”bof !”, ”rien à faire… !”, ”tout m’ennuie…”. L’acedia dans les textes d’Evagre le Pontique, un Père du désert, c’est celui qui prononce à moitié les paroles de la prière, qui est toujours en train de regarder par la fenêtre, qui veut toujours être ailleurs que là où il est, qui en a marre de tout, qui ne supporte plus rien, qui s’énerve facilement… parce qu’il n’y a plus la joie d’être aimé de Dieu et d’aimer Dieu. L’adoration eucharistique est un lieu de renouveau de la ferveur, de l’amour. D’abord, c’est le sacrement de l’Amour. Qui communique l’Amour ? La grâce propre de l’Eucharistie, c’est l’amour. Mais c’est un lieu où je vais être revivifié dans cet amour ! Et finalement, j’allais dire… c’est parfois un peu au degré d’adoration que je juge un peu mon amour, si j’ose dire… Il y aura la miséricorde et l’amour à l’égard de mes frères et sœurs. C’est Mère Teresa : c’est parce qu’on a contemplé, adoré Jésus au saint Sacrement ici, dans la chapelle, qu’on est capable de le reconnaître sous le visage du frère ou de la sœur, souffrant derrière. J’étais un jour à Calcutta, je parlais avec Mère Teresa devant la porte d’entrée, et tout d’un coup il y a une sœur qui sort et Mère Teresa dit : « Sister ! Come here ! ». La sœur qui était en train de partir revient. « Ma sœur, vous restez ici aujourd’hui. Vous n’allez pas dans les centres du mouroir. » Et la sœur dit : « Ah bon ? C’était prévu… » « Non ! Avec la tête que vous tirez, les pauvres ont déjà suffisamment à supporter sans supporter votre tristesse ! ». En direct ! J’étais à côté, j’ai entendu, hein ! Houlala… j’ai fait semblant de rien… « Oui, ma Mère !… » « Allez à la chapelle trouver Jésus, vous allez faire le ménage après, ici. » Wahouw ! Avec la tête que vous tirez les pauvres ont déjà suffisamment à supporter sans supporter encore votre tristesse. Ouf ! La douce et sainte Mère Teresa… Directe et percutante.
Donc, voilà, je crois qu’il faut qu’on arrête pour aller célébrer la messe. Merci Seigneur. Amen.
P. Nicolas Buttet, fondateur de la Fraternité Eucharistein
21 avril 2018, salle Saint-Ephrem, Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, Paris 18ème[1] Voici le texte de Benoît XVI, citant S. Bonaventure : « Laissons-nous remplir à nouveau de cette joie : Où y a-t-il un peuple à qui Dieu est aussi proche que notre Dieu est proche de nous ? Si proche qu'il est l'un de nous, au point de nous toucher de l'intérieur. Oui, d'entrer en moi dans la Sainte Eucharistie. Une pensée qui peut être déconcertante. Sur ce processus, saint Bonaventure a utilisé, une seule fois, dans ses prières de Communion, une formulation qui secoue, qui effraie presque. Il a dit : Mon Seigneur, comment a-t-il pu te venir à l'esprit d'entrer dans les latrines sales de mon corps ? Oui, Il entre dans notre misère, il le fait avec conscience et il le fait pour nous pénétrer, pour nous nettoyer et pour nous renouveler, afin que, grâce à nous, en nous, la vérité soit dans le monde et le salut se réalise". »
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Adoration Saint Martin — Ré-évangéliser les campagnes (Centre-Val-de-Loire)et
Catéchèse Eucharistique Corpus Christi #JubiléPJEymard2018 -
Message eucharistique de Notre-Dame de la Salette : Larmes & Lumière
Mercredi 27 décembre 2017, en la fête de la saint Jean apôtre & évangéliste, pendant une heure d’adoration à l’oratoire saint Pierre-Julien Eymard, sanctuaire Notre-Dame de la Salette, veille de mon départ, ai vu, lors du dernier quart d’heure, la réminiscence de l’Eucharistie à la blancheur rayonnante se superposer à la croix sur la poitrine de la Vierge de la Salette, de l’ensemble des trois statuettes posées au sol, debout, à droite du thabor ou trône d’exposition du Saint Sacrement. Ce fut le point de départ d’une méditation sur le message eucharistique de la Salette, que voici.
Les larmes de la Vierge ne se transforment-elles pas en perles de lumière lorsqu’elles atteignent le crucifix sur sa poitrine ? Ces larmes de lumière n’enveloppaient-elles pas tout le Christ en croix et n’en rayonnait-il pas lui-même de plus belle ? La lumière jaillissant du crucifix sur la poitrine de la Vierge n’indique-t-elle pas cette merveilleuse transfiguration de la souffrance chrétienne en gloire de la résurrection ? Cette croix glorieuse sur le cœur de la Mère de Dieu est-elle autre chose que le Mystère pascal révélé dans l’Eucharistie ? L’indifférence des hommes devant Jésus en croix sur laquelle pleure la Vierge n’est-elle pas transmuée en grâce d’amour pour ces mêmes hommes lors de cette apparition à Mélanie et Maximin ?
Cette réminiscence visuelle de la blancheur rayonnante de l’Eucharistie sur la poitrine, le Cœur Immaculé de Marie, fut l’image qui a condensé le mystère eucharistique qui unit Marie à son Fils Jésus sacrifié. Ensemble, ils communient à la souffrance devant l’indifférence des hommes pour l’amour que Dieu veut leur communiquer par leurs saintes personnes. Ensemble, ils communient dans la souffrance en une immense prière eucharistique, le don de leur vie et de leur personne, la Mère de Dieu et le Fils de Dieu communient et s’offrent pour le salut des hommes, ce qui attise l’amour divin entre eux et provoque la miséricorde divine pour les hommes.
Cette apparition de La Salette est une merveilleuse machine d’amour divin. Sur le crucifix, lieu-même du supplice, summum de la souffrance offerte, l’Esprit Saint rebondit, la lumière divine s’écoule, mêlée aux larmes, transfigurant toute tristesse et ténèbres à qui reçoit le message de l’apparition jusqu’au bout, dans son intégralité. La joie d’être lavé de tout péché, le sentiment incommensurable de reconnaissance, la joie de communier à la vie divine du Christ ressuscité, celle de contempler Dieu dans sa gloire sur le cœur de Notre Mère la Vierge, emportée au Ciel.
La Belle Dame les quitta.Mélanie et Maximin, le visage tourné vers le ciel, rayonnaient.
De dessous la pierre d’ardoise où Marie était assise et pleurait, une fontaine a issi.
Sandrine Treuillard (texte & photos)
Engagée dans la Fraternité Eucharistique (de 2015 à 2018), branche laïque de la Congrégation du Saint-Sacrement fondée par saint Pierre-Julien Eymard, Chapelle Corpus Christi, Paris 8.
Texte initialement publié dans les Annales de La Salette Mai-juin 2018
Voir aussi : Le Secret de La Salette
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Le 'chant' du P. Eymard - Sa dernière retraite, son testament spirituel
Retranscription d'après l'enregistrement
des Bénédictines du Sacré-Cœur de MontmartreLe p. André Guitton, sss (Père du Saint-Sacrement, communauté au 23 avenue de Friedland, Paris 8, Chapelle Corpus Christi) ouvre sa conférence par un Notre Père avec l’assemblée présente, salle Saint Ephrem, Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, ce matin du 21 avril 2018. Il nous confie à l’intercession de Notre-Dame du Saint-Sacrement, saint Joseph, saint Pierre-Julien Eymard et tous les « saints et saintes de Dieu ».
Petite histoire des éditions des Œuvres complètes de S. P-J. Eymard
Bonjour à tous, je suis très heureux d’être parmi vous. Je ne sais pas pourquoi je suis venu, mais j’ai été invité et j’ai eu la simplicité d’accepter cette invitation, comme une grâce. Et puis j’ai rencontré le père Nicolas Buttet, tôt ce matin, pour harmoniser nos interventions orales. Je ne connaissais pas le thème de la conférence qu’il va nous donner tout à l’heure, et j’ai pensé, puisqu’il est question cette année du 150ème anniversaire de la mort de saint Pierre-Julien Eymard, vous présenter sa vie, non pas comme un récit biographique – il y a des livres pour cela, et même si on a évoqué quelques points de sa vie, tout à l’heure, à l’instant… - mais à partir d’une de ses retraites, la dernière qu’il a faite comme retraite personnelle.
Comme on l’a noté tout à l’heure, le Père Eymard n’est pas un écrivain, en ce sens qu’il n’a pas publié, sinon simplement les livres des Constitutions des Pères du Saint-Sacrement, des Servantes du Saint-Sacrement et une petite revue qui a duré deux ans. Mais il a laissé beaucoup d’écrits. Et à sa mort tous ses textes ont été collationnés, recueillis, conservés, transmis. Ça a été aussi le point de départ d’une édition que l’on a faite pour la piété des fidèles dans les années 1870-76, sous le titre de La divine Eucharistie, en 4 séries, mais qui ne sont pas des éditions qui correspondent aux normes actuelles de l’édition ; qui sont arrangées, reconstruites. Et il a fallu attendre l’ère électronique pour pouvoir saisir, organiser, puis éditer d’abord de façon électronique (sur internet), et ensuite en édition imprimée grâce au frère Poswick de l’abbaye de Maredsous et de son équipe qui ont collationné cette immense masse de documents. Il y avait dans les archives 70 000 pages qui ont été numérisées en 43 000 photos, et là-dedans, une vingtaine de milles pages ont servi de base à l’édition électronique. On a travaillé, pendant 3 ans, d’arrache-pied. On avait un terme. Parce qu’on était en 2002, et on leur a dit : « En 2006, c’est le 150ème anniversaire de la fondation. Ce serait bien que ce soit terminé le 13 mai 2006… » Alors le frère Poswick a dit : « Bon d’accord, on se met au travail. Je vous enverrai tous les mois 300 pages à vérifier, à corriger, à annoter, à traduire, à préparer pour l’édition. Vous me les remettez dans les deux mois qui suivent, moyennant quoi, en l’espace de 2 ans et 1/2 nous pourrons balayer tout l’ensemble. Ce sera fait. » Et ça a été un énorme travail de va et vient dans les petites équipes que nous étions. Et effectivement, le 13 mai 2006, nous avons présenté à l’avenue de Friedland, une première édition, une première partie. Et au mois de décembre de la même année à la Grégorienne, à Rome, nous avons présenté l’édition électronique en ligne, devant les supérieurs majeurs des congrégations religieuses. Et c’était vraiment un événement. Puis, après, on a procédé à l’édition imprimée. On s’est aperçu que l’édition électronique pouvait avoir bien des fautes… et ça passait. Mais l’édition imprimée, ça ne passe pas ! On a tout repris à zéro, on a tout corrigé, on a tout complété, on a tout harmonisé en faisant de chaque document, à ce moment-là, numéroté, et avec sa côte authentifiée. Il y en a plus de 16 000. Et le tirage a été fait : il y a eu 17 volumes, en partenariat avec les éditions Centro Eucharistico di Ponteranica en Italie, l’édition de nos pères (du Saint-Sacrement) italiens et avec Nouvelle Cité de Bruyères-le-Châtel, en France. Ceci, en guise d’introduction.
La dernière retraite personnelle du P. Eymard à Saint-Maurice : son testament spirituel
En réfléchissant à ce que je pourrais vous dire aujourd’hui, j’ai pensé prendre dans ses retraites, précisément. Deux volumes de l’édition intégrale sont ses Retraites et notes personnelles. Le 5ème volume contient toutes ses retraites personnelles. Il faut vous dire que le P. Eymard écrivait beaucoup et conservait tout. Si bien que nous avons sa première retraite - qui est celle de sa première communion à La Mure en date du 15 février 1823 -, jusqu’à sa dernière retraite qu’il va faire à Saint-Maurice, près de Paris, dans le noviciat de la communauté, au mois d’avril-mai 1868. Et nous avons ses notes de retraites de séminariste, de jeune prêtre, de prêtre de paroisse, de mariste, de père du Saint-Sacrement. C’est extraordinaire parce que ce n’était vraiment pas fait pour être édité. Mais évidemment, nous avions tous les droits et nous l’avons fait.
Sa dernière retraite de Saint-Maurice, du 27 avril au 2 mai 1868, est vraiment comme son testament spirituel. Si vous voulez retrouver les grands repères, vous les trouverez dans les feuillets qu’on vous a remis. Né à La Mure d’Isère le 4 février 1811, baptisé le lendemain, dans une famille nombreuse. Son père avait eu 6 enfants du premier mariage. Devenu veuf, il eut 4 autres enfants de son second mariage. Beaucoup de décès. Restent à sa naissance simplement 2 du premier mariage encore survivants. Dont sa marraine et son parrain. Famille très chrétienne, laborieuse : le père a un petit commerce dans la petite cité de La Mure. Et puis, désir religieux, profondément. Puis le désir d’être prêtre qui sera contrarié par son père. Néanmoins, malgré les difficultés, après la mort de son père, qui finalement va accepter, en 1831 il entre au Grand Séminaire de Grenoble. Il est ordonné prêtre le 20 juillet 1834. Il sera prêtre du diocèse de Grenoble pendant 5 ans. D’abord 3 ans à Chatte, près de Saint-Marcellin, dans la vallée de l’Isère, et puis 2 ans comme curé à Monteynard, près de La Mure. Puis, désir de la vie religieuse : il rentre chez les maristes en 1839, heureux d’avoir la vie de communauté qui était mariale, et missionnaire. Mais il ne part pas en mission, sa santé ne le lui permet pas. Il est directeur spirituel au collège de Belley. Appelé par le père Colin, le fondateur, comme assistant général, tout jeune qu’il soit. Puis visiteur général, directeur du Tiers-ordre de Marie, à Lyon. Puis directeur, puis supérieur du collège de La Seyne s/ Mer : les maristes sont des éducateurs.
Dans cet itinéraire il va recevoir des grâces, que l’on dira grâces de vocation, qui vont l’orienter vers un choix qui sera décisif, pour lui aussi, de quitter la société de Marie pour fonder à Paris la Société du Saint-Sacrement, avec Mgr Sibour, l’archevêque. Il fonde à Paris, dans un milieu de pauvreté et il va développer sa congrégation. L’archevêque lui avait dit, en le recevant, après sa retraite : « Je ne suis pas pour ces choses-là, c’est purement contemplatif ! » Il pensait que c’était simplement une société d’adorateurs du saint Sacrement. Et le Père Eymard avait sursauté intérieurement, mais très calme, quand même, il dit : « Nous voulons adorer et faire adorer. Et en premier lieu créer l’œuvre de la première communion des jeunes ouvriers. » Paris, en 1856, est en plein chantier, en pleine effervescence de la révolution industrielle qui canalisait de toute la province des jeunes qui venaient à Paris pour travailler, mais dans la banlieue dont plus personnes ne s’occupait. Et lui va mettre sur pied une œuvre pour catéchiser ces jeunes : les rencontrer, les former, les discipliner, les former humainement, bien sûr. Et puis, le 15 août 1859, il a la joie d’avoir les douze premiers communiants, des jeunes, dans sa chapelle de la rue du Faubourg Saint-Jacques qui sont les prémices de 800 jeunes, des garçons, qu’il va catéchiser. Sans compter les filles lorsque Marguerite Guillot va le rejoindre pour former le noyau de la congrégation des Servantes du Saint-Sacrement. C’est à Marseille, sa deuxième fondation, que sera créée l’Agrégation du Saint-Sacrement, qui elle, se situe davantage dans le culte de l’Eucharistie, dans l’aide pour participer à l’adoration dans ces centres pour l’adoration qu’il crée. Troisième communauté à Angers. L’approbation du Saint Siège en 1863 : l’occasion d’une première retraite de fondateur.
En 1864, il imagine qu’il peut fonder une communauté du Saint-Sacrement, non seulement à Jérusalem, mais dans le Cénacle. Rien que ça ! Ça revient aux pères du Saint-Sacrement, c’est évident pour lui ! Et il ne soupçonne pas, évidemment, les difficultés énormes que cela pourrait soulever. Avec beaucoup de candeur et avec une opiniâtreté qui était digne de sa vocation, il va se heurter à des fins de non-recevoir. Il part à Rome pour défendre sa cause (auprès de Pie IX qui l’a en grande estime. Mais Pie IX ne peut rien : il convoque une commission de cardinaux qui étudient. Et puis il y a Noël, l’Épiphanie… ”l’épiphanat” : à ce moment-là, il n’y a plus personne qui travaille au Vatican. Alors, c’est renvoyé. Et le Père Eymard quitte le séminaire français où il est hébergé pour aller chez les rédemptoristes et faire à ce moment-là une retraite, jusqu’à ce que la décision soit prise. Le ”jusqu’à-ce-que” va durer 65 jours. Et le Père Eymard, chaque jour : trois méditations dans l’édition impressionnante où il va s’examiner lui-même. « J’ai l’impression d’avoir fait beaucoup de choses mais n’avoir pas fait l’essentiel », qui était sa propre sanctification. Il est venu pour le Cénacle, et puis tout d’un coup, il perçoit que peut-être, au fond, ce n’était pas l’essentiel, le Cénacle à Jérusalem, mais le cénacle en lui. Et à travers cet approfondissement sous l’action de la grâce, le 21 mars 1865, il va faire le don de sa personnalité, de son moi, une grâce qu’il reçoit durant son action de grâces et dont vous avez le texte ici, dans le dépliant, en dessous de la photo de la châsse. « Rien pour moi, personne. » Rien pour moi, comme personne. Ça ne veut pas dire rien pour moi, ni personne. Mais Rien pour moi comme personne. « Rien par moi. Modèle : Incarnation du Verbe. » Et dès lors, il va être tout comme dépouillé de lui-même, comme centre, et, par ailleurs, « tout revêtu de Jésus-Christ ». Il termine ainsi : « Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga. 2,20). Dès lors, le Père Eymard entre dans la nuit de l’Esprit. Dorénavant c’est un état mystique, comme les grands mystiques l’on connu. Comme Thérèse de Lisieux après son acte d’offrande à l’Amour miséricordieux. Dans la foi pure, sans aucune consolation, il va poursuivre et au milieu de nombreuses tribulations. Il va continuer, mais la requête à Jérusalem, comme vous le devinez, a été négative. Il s’est abandonné totalement au Seigneur mais avec le cénacle en lui. Et c’est extraordinaire, parce que nous soupçonnons à peine ce que cela représente. Et dès lors, effectivement, les tribulations, les difficultés vont survenir.Trois méditations de la Retraite de Saint-Maurice, du 28 avril 1868
Alors, je pensais vous remettre cette feuille double qui est tirée de sa dernière retraite du 28 avril 1868, qui doit être lue [— et on vous le communiquera d’une façon ou d’une autre : voir sur ce lien (qui comporte l’introduction à cet enseignement) —] à la lumière de l’état dans lequel vit S. Pierre-Julien Eymard. Tout dépouillé de lui-même et tout entier donné au Christ, donné à sa mission, donné à ses frères. Et c’est merveilleux parce que dans cette retraite qu’il commence en disant Je suis venu pour prier, il a conscience qu’il est usé, mais il continue à prêcher l’Eucharistie et à vivre. C’est un moment de grâce qu’il vit dans une propriété qui est à Saint-Maurice, Montcouronne - je ne sais pas si vous voyez dans la région parisienne où cela se trouve, du côté de Dourdan, du côté de Saint-Gomez-la-Ville, qui reste d’ailleurs presque telle quelle aujourd’hui… Une belle maison bourgeoise de la fin du XVIIIème siècle, avec 4 hectares d’enclos, où il avait installé son noviciat. Tranquille, heureux ! Il disait : « Ce sera la maison… On ouvrira les portes de la chapelle et les oiseaux viendront chanter leur Créateur ! » On croirait entendre François, n’est-ce pas ? Et il était là, vraiment heureux. Ça a été un moment pour lui de réconfort. Ce 28 avril a été un moment merveilleux parce qu’il fait comme l’anamnèse, la mémoire de ce qu’il a vécu. Mais pensons que c’est un homme qui est dans cet état dépouillé de lui-même et entièrement donné. Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christi qui vit en moi.
La première méditation de ce 28 avril, c’est d’abord à la Très-Sainte Vierge. On ne va pas le relire en entier, mais…
NR 45,2 [mardi 28 avril 1868] 2e jourde 6 h à 7 h
1re méditation – À la très Sainte Vierge
Grâces
Que de grâces Dieu m’a faites jusqu’à ce jour !
Comme il m’a aimé ! – À l’excès.
Que m’a-t-il refusé ? – Rien.
Que ne me donne-t-il pas à présent !
Je l’aime peu, et il m’aime tendrement.
Je le déshonore par ma vie, et il m’honore encore plus par ses dons et […].
Je le sers si mal, et il me garde à son service, comme si j’étais un bon serviteur.
Je suis si lâche et si infidèle à mes devoirs, à l’honneur de sa gloire, et il me laisse l’honneur et la puissance.
Il m’a confié la gloire de sa Société. Hélas ! Je la vole, je la vends, cette gloire. Et il ne reste à mon Maître qu’un serviteur infidèle et un ministre paresseux.
Qui de nous deux va se lasser ? Sera-ce moi ?
Quelle a été la source de mon peu de correspondance à la grâce ?
Je ne me suis jamais donné absolument, exclusivement.
J’ai servi Dieu par gloire propre.
Impressionnant de la part d’un homme qui est au sommet de la sainteté à laquelle Dieu l’appelle, mais qui se trouve tellement décalé par rapport à l’appel qu’il reçoit, en lui.
J’ai servi Dieu pour mon amour-propre.
Je n’ai jamais embrassé résolument et constamment la pratique de l’humilité de Jésus. J’ai voulu être quelque chose avec Lui, par Lui. Voilà le dernier mot du vieil homme en moi.
Mais, comme c’est sous la protection de la Vierge Marie, il dit tout simplement… Mais il est dans la nuit de l’esprit. Si je vous ai parlé de la Grande Retraite de Rome (1865), c’est qu’on ne peut pas comprendre ce texte si on ne sait pas dans quel état spirituel il se trouve. Il doit être entièrement réinterprété à la lumière de ces états.Ô Marie ! Qui m’avez conduit et donné à Jésus, il faut maintenant me reconduire, me redonner à Jésus que j’ai perdu !
Parce que c’est par elle qu’il a vraiment cheminé. Cet abîme d’indignité et cet élan extraordinaire vers un plus comme impossible.
La deuxième méditation nous fait relire la vie du Père Eymard, par le Père Eymard, donc, trois mois avant son départ pour le Ciel. Elle est intitulée Foi eucharistique. C’est vraiment très beau. C’est très beau parce qu’on a le Père Eymard dans sa limpidité, dans la clarté de son âme et avec son cheminement, les grâces qu’il a reçu. Il nous y donne la clef d’interprétation de toute sa vie, à travers ces notes qu’il écrit pour lui-même. Ce n’est pas pour nous, ça ne nous concerne pas du tout ! Mais nous sommes-là par-dessus et nous voyons le Père Eymard qui écrit ces choses-là.La plus grande grâce de ma vie a été une foi vive au très Saint Sacrement, dès mon enfance. Le Père Fiorenzo Salvi, qui a préfacé l’édition intégrale des écrits du Père Eymard, cite ceci comme le fil rouge qui nous permet de comprendre le P. Eymard dans tout son cheminement. Parce qu’il a un cheminement extraordinaire. Et alors de reprendre à ce moment-là les grandes étapes de sa vie. Mais sous l’angle, précisément, de cette foi vive au très Saint Sacrement. Les grands repères pour lui. Il a dit : dès mon enfance.
NR 45,3
2e jour – de 10 h à 11 h
2e méditation – Foi eucharistique
La plus grande grâce de ma vie a été une foi vive au très Saint Sacrement, dès mon enfance :
– grâce de communion : le désir de ma 8e année : tout vers elle.
Il a 8 ans, il désire communier profondément : mais on est en 1823, le jansénisme marquait très profondément la piété chrétienne, même après la Révolution, et à ce moment-là on attend 12 ans pour communier. Il faut dire que jusqu’au décret libérateur de S. Pie X, en 1910, c’était la norme : 12 ans pour communier. Et lui, à 8 ans, il est tout vers la communion et dit à sa sœur et marraine : « Que tu es heureuse, toi… » (il doit dire ‘vous’ à Marianne, d’ailleurs, parce qu’en famille, à cette époque-là…) : Que vous êtes heureuse de pouvoir communier et communiez pour moi. Et il se penchait vers elle, Jésus est présent en toi, et moi… Et lui se sentait… C’est quand même très beau, parce que… Grâce de communion. Ensuite :
– grâce de dévotion : visite journalière au très Saint Sacrement.
Figurez-vous que dans ses notes de l’époque - parce qu’on en a aussi -, il a retrouvé dans Les Visites au Saint Sacrement de S. Alphonse de Liguori - qui n’était pas encore saint en ce temps-là -, l’histoire du frère (je ne sais pas si c’est Élie ou autre chose), où il dit : un ami ne pourrait pas passer devant la porte de son ami sans aller lui rendre visite. Quand vous passez devant une église, allez visiter votre ami, Jésus ! Il reprend ces choses-là.
– grâce de vocation : à Fourvière : Notre Seigneur est au très Saint Sacrement, seul, sans un corps religieux qui le garde, l’honore, le fasse glorifier ! Pourquoi ne pas établir quelque chose, un Tiers-Ordre, etc. à La Seyne (saint Joseph), grâce de donation, de fusion, de bonheur, et qui a duré jusqu’à l’approbation apostolique, si douce.
Grâce de vocation. Il passe par-dessus : il est ordonné prêtre, mais là il n’en dit rien : grâce de vocation : à Fourvière. Là, nous sommes en 1851, le P. Eymard est mariste. En 1845 il y a eu quand même un événement. Il y a des grâces qui jalonnent la vie du P. Eymard. Comme jeune vicaire, en 1836-37, au calvaire de Saint-Romans - dans l’Isère, près de Saint-Marcellin -, il a la révélation que le mystère de la Croix n’est pas simplement le mystère des souffrances de Jésus mais de son amour infini et pour chacun. Donc, pour lui, personnellement. Alors qu’il a vécu jusque-là dans une piété assez rigoureuse et rigoriste. Et pénitentielle, à faire des sacrifices… Mais il va s’ouvrir à cette dimension de l’Amour. En 1845, il va prêcher l’Eucharistie : Jésus, Jésus-Christ et Jésus-Christ Eucharistie, reprenant, parodiant, pourrait-on dire, la parole de Saint Paul. À Fourvière, c’est le 21 janvier 1851 qu’il passe dans la petite chapelle de Fourvière - la grande basilique n’existe pas à ce moment-là, c’est la petite chapelle qui est sur le côté -, c’est le début de l’après-midi et il est absorbé par une pensée qu’il note et cite telle quelle : Notre Seigneur est au très Saint Sacrement, seul, sans un corps religieux qui le garde, l’honore, le fasse glorifier ! Pourquoi ne pas établir quelque chose, un Tiers-Ordre, etc. Quand Pierre-Julien dit Notre Seigneur est au très Saint Sacrement, seul ce n’est pas dans le sens romantique du divin prisonnier qui a cours aussi à cette époque-là. Jésus, tout seul… Non. Comme il le dit lui-même un peu après, c’est que l’Eucharistie ne produit pas dans l’Église les fruits qu’elle devrait produire. Donc, un corps religieux, quelque chose, et c’est une pensée. Il n’y a pas de vision, mais simplement une pensée qui lui vient, une parole intérieure.– grâce de vocation : à Fourvière : Notre Seigneur est au très Saint Sacrement, seul, sans un corps religieux qui le garde, l’honore, le fasse glorifier ! Pourquoi ne pas établir quelque chose, un Tiers-Ordre, etc. à La Seyne (saint Joseph), grâce de donation, de fusion, de bonheur, et qui a duré jusqu’à l’approbation apostolique, si douce.
À la Seyne s/ Mer (saint Joseph) : il s’agit du 18 avril 1853, après la messe, d’ailleurs aussi, en action de grâces : grâce de donation, de fusion, de bonheur, et qui a duré jusqu’à l’approbation apostolique, si douce. À la Seyne il reçoit une grâce dans la même ligne de fondation, de force, pour entreprendre tout ce qui sera nécessaire, quelques soient les difficultés, mais de les dépasser, et ça ne lui coûte pas. C’est une grâce de douceur, 'fortiter' & 'suaviter' ("Elle déploie sa vigueur d’un bout du monde à l’autre, elle gouverne l’univers avec bonté." Sg 8,1) ‘suaviter’ : c’est vraiment la douceur de l’Esprit Saint, la puissance de l’Esprit Saint qui lui est donnée. Et Dieu sait s’il y a… lorsque viendra ce moment, par exemple, où il devra renoncer à son état de mariste, ce n’était pas de gaîté de cœur… Il avait confié à son supérieur général, le p. Favre, qui était allé à Rome pour les affaires de la congrégation, en 1856, au mois de février-mars, il lui avait confier le souci de demander au saint Père ce qu’il fallait faire : s’il devait quitter ou s’il ne devait pas quitter la congrégation mariste. C’est beau, parce qu’avec le saint Père on avait le dernier mot, il n’y avait plus de recours, mais… par chance, ou par grâce, quand le p. Favre est revenu et que le P. Eymard l’a retrouvé près de Mâcon, à Chaintré, au noviciat des maristes, et lui a demandé : « Mais le Pape, qu’est-ce qu’il a dit ? », le p. Favre alors lui dit : « Mon pauvre ami, figure-toi, j’ai complètement oublié ! » Alors, on revenait à la case départ ! Et lui qui mettait toute sa confiance ! Il y avait quelque chose d’une simplicité : « Si le Pape dit oui, il n’y a pas de problème, c’est que le p. Favre dira oui, parce qu’il ne peut pas aller (contre l’avis du Pape). » Mais il y a quand même des médiations humaines. Elles existent et elles ont leur sens aussi. Et c’est alors que le P. Eymard dit : « Mais quoi qu’en pensent les autres secrétaires, les monsignori à Rome sur toutes ces affaires-là… » C’est alors que le p. Favre, qui faisait aussi part de son autorité, de cette vérification de la grâce qui est quand même singulière, parce que le Père Eymard était un religieux profès perpétuel qui avait exercé des charges très importantes dans la congrégation, alors le p. Favre lui pose la question : « Quel signe avez-vous de votre vocation ? » Et c’est à ce moment-là qu’il dit : « Je n’ai rien d’extraordinaire, ni vision, ni apparition, ni quoi que ce soit d’extraordinaire » - même s’il a eu des grâces singulières - « mais depuis quatre ans j’éprouve un attrait de plus en plus fort pour me consacrer à cette œuvre. » Le p. Favre lui dira : « Mais je ne peux pas. Je ne fais pas de visite… » « Ah, mais je vais demander à l’évêque ! » « Mais l’évêque… » « Si, si, l’évêque peut me relever de mes vœux… » Et quand le p. Favre a perçu à ce moment-là, la solidité, l’appel, la présence d’un appel qui vraiment venait d’ailleurs, sur le champ, il l’a relevé de ses vœux. Sur le champ ! Alors que normalement c’est le pouvoir du supérieur général avec l’avis de son Conseil. Mais c’était tellement un événement que sur le champ il l’a relevé de ses vœux. Sauf qu’il fallait bien, après, une formulation canonique et en référer au Conseil. Le P. Eymard a aussi été convoqué au Conseil général et il a été très humilié, lorsque d’aucun lui ont reproché… Enfin, peu importe… On ne faisait pas de cadeau, j’allais dire, d’une certaine façon. Et à ce moment-là il a demandé au p. Favre : « Vous suspendez la décision que vous avez prise. Je pars, je quitte Lyon, je quitte la Société, je pars dans un endroit où je ne connais personne. Je confierai à des hommes expérimentés la décision et leur décision sera définitive. » C’était le 22 avril 1856. Il quitte Lyon le 30 avril, il vient à Paris où il était venu jadis comme visiteur général pour visiter la communauté mariste de Paris. Il demande l’hospitalité pour faire sa retraite à la Mère Thérèse Dubouché de l’Adoration réparatrice. Et le 1er mai, c’était le jour de l’Ascension en 1856, il va célébrer à Notre-Dame-des-Victoires à 6h du matin. Puis il revient… Et à ce moment-là, la Mère Dubouché, dira : « Désolé, mais monsieur Gaume, le supérieur ecclésiastique, ne m’a pas permis de… » Elle le regardait embarrassée… « Il faut chercher ailleurs… » Et le P. Eymard va trouver, finalement, au 114 rue d’Enfer, là où sont actuellement les Sœurs aveugles de Saint Paul, qui est le 88 de l’avenue Denfert-Rochereau, juste à côté de l’infirmerie Marie-Thérèse, des prêtres du diocèse, une maison qui appartenait au diocèse, qui était la maison d’un grand homme… Oui, d’un grand homme : Chateaubriand. Le Pavillon Chateaubriand. Mme de Chateaubriand avait acheté l’infirmerie Marie-Thérèse pour les prêtres âgés du diocèse, en 1822, comme œuvre d’assistance, la première du genre, et comme la propriété qui était à côté… il devait y avoir je ne sais quelle chose qui devait s’installer… plus ou moins… ce n’était pas le Moulin Rouge mais c’était quand même assez divertissant… et ça pouvait troubler la tranquillité des prêtres… À ce moment-là, le vicomte avait acheté la propriété et il avait construit son pavillon où il a vécu pendant une dizaine d’années. Mais comme il était criblé de dettes, dix ans après il la cédait à l’archevêché, ce qui a soldé les dettes, et cela a appartenu à l’archevêché. C’est une maison qui était un peu à l’abandon. Et le Père Eymard va faire sa retraite là. Il va rencontrer Monseigneur Sibour qui le confiera à son auxiliaire Léon Sibour (qui était aussi le cousin de l’archevêque), qui va le suivre durant ces quelques jours de retraite entre Ascension et Pentecôte 1856. Et lorsque le mardi de la Pentecôte, le 13 mai, il va rencontrer l’archevêque, alors qu’il cherchait à rencontrer l’auxiliaire, l’archevêque lui dira : « Mais, vous êtes ces prêtres… » Le P. Eymard : « Oui… » L’archevêque : « Ah, non, c’est purement contemplatif, je ne suis pas pour ces choses là… Non, non ! » C’est à ce moment-là qu’il va dire : Nous adorons sans doute, mais nous voulons aussi faire adorer. Nous devons nous occuper de la première communion des adultes. Nous voulons mettre le feu aux quatre coins de la France, et d’abord au quatre coins de Paris, qui en a tant besoin.[1] Et il va créer l’œuvre de la première communion. Il va débuter, sans relation, sans connaissance, à Paris, dans un monde inconnu, sans ressource. Et avec sa seule foi. Comme lui-même le dira ailleurs : Dieu le veut. Et l’homme, plus rien, les moyens viendront. Mais Dieu le veut. D’abord, les vocations se font attendre. Il fera la première exposition du saint Sacrement le 6 janvier 1857, dans la première communauté du Saint-Sacrement.
– grâce d’apostolat : foi en Jésus. Jésus est là. Donc à Lui, pour [ou par] Lui, en Lui.
Jésus est là mais c’est le mouvement même de la doxologie de la célébration. À lui, pour lui, en lui. Ce dynamisme de l’Eucharistie.Renouvellement
J’ai bien demandé à Notre Seigneur de me renouveler dans cette grâce première. Jésus est là, seul, oublié des siens – stérile en son Sacrement.
Stérile en son Sacrement, voilà le sens de ‘seul’.
J’ai bien demandé la résurrection de cette grâce – de mon état si peiné, si triste, si désolé depuis trois ans.
Oui, mon cœur a toujours aimé Jésus Hostie. Personne ne l’a eu ce cœur. Mais mon esprit, mais ma vie extérieure, mais mes rapports trop naturels, trop expansifs, voulant me faire louer de ma vocation, me consoler dans les âmes qui semblaient l’aimer, qui pouvaient le glorifier en moi : voilà le tombeau de cette grâce première.
Il va demander à ce moment-là, précisément :Oh ! Jésus ! Des profondeurs, je crie vers toi. [Ps 129,1]. – Ressuscite en moi la grâce première. [Reprends ta conduite première] [Cf. 2Tm 1,6 – Ap 2,4].
Le texte de l’Apocalypse.
Nous voici à la troisième méditation, pour aller très rapidement, mais c’est toute la vie du Père Eymard qui est évoquée.NR 45,4
2e jour – de 3h à 4h
3e méditation – Vocation eucharistique
1° Notre Seigneur m’a appelé à son service eucharistique malgré mon indignité.
Il m’a choisi pour travailler à sa Société malgré mon incapacité et mon infirmité.
Il m’a conduit de la mort, et par la mort, à la vie de la Société.
Le mystère pascal.Tout ce qu’on disait impossible est arrivé facilement, et à l’heure de Dieu.
Et Dieu sait s’il y a eu des choses impossibles dans la vie du P. Eymard !
À Dieu seul, amour et gloire !
2° Preuves de grâces :
– Dieu m’a conduit par degrés à sa Société. Il m’en montrait par fractions les sacrifices. Enfin, à La Seyne, il me les a tous demandés, jusqu’à la séparation [de la Société de Marie], – jusqu’à la croix, – jusqu’à l’abandon.
Or, avec quel bonheur j’ai dit oui à tout, après cette bienheureuse messe ! Et Dieu a tout agréé, et conduit à bonne fin.
C’est donc le 18 avril 1853, à la Seyne s/ Mer, l’épisode qu’on a évoqué plus haut.
– La douceur si grande, qui a duré tant d’années, et toujours croissante par l’Eucharistie, me dit le oui de Dieu.
C’est au milieu des épreuves. Il y a des épreuves, des souffrances. Il y a aussi des grâces de consolation. Recevoir à travers les événements le ‘oui’ de Dieu.
La force qui en sortait, comme le fruit de sa fleur, m’assure le cœur de Dieu.
Je pense que c’est d’une beauté merveilleuse… Puis… Alors-là, c’est… Nous avons dit que la nuit de l’esprit c’est la nuit de l’épreuve.
– les sacrifices de mort à la pensée de l’œuvre, lors de Rome (P. Favre)3.
– La mort à la Société de Marie, si pénible.
– La mort à la réception de l’Archevêque de Paris, après treize jours d’agonie4.
Je ne suis pas pour ces choses là - Pourtant Mgr D. Sibour était un homme très pieux. Et très soucieux. Il est le premier archevêque de Paris à avoir pris conscience du fait de la banlieue qui commence à entourer Paris avec le développement industriel. Et soucieux de la pastorale qui était celle de la paroisse à l’intérieur des murs et qui débordait à ce moment-là les murs de la capitale.
– La mort au personnel quand, abandonné, tout seul.
Son premier compagnon c’était un capitaine de vaisseau, le commandant de Cuers. Au début, c’était tellement difficile, qu’un beau jour le Père de Cuers l’a laissé, tout seul. Alors lui est allé au prie-Dieu et s’est mis à l’adorer. Et le Père de Cuers est revenu le lendemain.
– La mort à Paris, quand le Cardinal voulait nous renvoyer (sainte Thérèse)5.
– La mort par les sujets.
– La mort à Rome, lors du Décret6.
– La mort la plus sensible (séparation du premier [compagnon])7.
– La mort à l’estime des Évêques par Nemours8.
La communauté des Servantes du Saint-Sacrement qui se termine lamentablement.
– des miens par…
– de moi par les plus pénibles épreuves depuis le… au…Et cependant la vie suit la mort. C’est la voie de la Société et la mienne.
3 La rencontre à Chaintré le 22 avril 1856 avec le P. Favre, Supérieur général.4 La rencontre avec Mgr D. Sibour le 13 mai 1856.
5 Le 15 octobre 1857, convocation du cardinal François Morlot qui lui demande les titres de l'approbation de l'institut.
6 Au mois de mai 1863, à Rome où une accusation calomnieuse l'atteint.
7 Le départ du P. de Cuers pour fonder son œuvre, en juin 1867.
8 La fermeture de la communauté des Servantes de Nemours au mois de mai 1867.
Voilà, le P. Eymard tel qu’en lui-même il se révèle. Et si nous prenions alors un peu plus loin, dans cette même retraite qui est très courte, nous verrions la profondeur de sa souffrance lorsqu’il évoque les difficultés, les épreuves qu’il connaît, qui nous laisse entrevoir combien il…
Amour propre (…)
Il faut que l’amour de Jésus ait bien décru en moi, si j’en juge par l’état de ma vie : depuis deux [ans] et demi.
- Jadis, mon esprit vivait de la vérité, du travail pour Jésus, des sacrifices pour sa gloire. Il était libre et fort, joyeux. La peine n'entrait pas dans son état intérieur. Et maintenant, il vit de ses peines en soi-même. Il souffre du prochain au fond de son être. C'est une tentation presque continuelle. L'amour-propre de l'esprit est froissé, est humilié, est dépité. Ce qui ne serait pas, si Jésus était sa vie. Donc…
- Mon cœur est occupé, tenté, des consolations humaines, – et faible dans les témoignages d'estime et de dévouement. Il est trop faible quand sa vanité ou sa petite vertu est flattée.
+ x Ah! quand Jésus le remplissait, il n'avait même pas la pensée de dire ses peines. Rien ne transpirait sur ses traits. Il n'y avait de place que pour Jésus.
Quand les épreuves venaient du dehors ou du dedans, un quart d'heure devant le très Saint Sacrement me fortifiait, me rassérénait. Et aujourd'hui, des heures me laissent le cœur brisé.
Puis j'ai de la peine à me recueillir, à entrer dans l'intérieur des vérités, de Jésus, de moi. Je suis comme un malade qui ne sait parler que de ses douleurs ou de ses déceptions. Je suis dans le négatif.
Aussi le sentiment intérieur est-il mort dans mes adorations. Mon âme est glacée. Jésus ne fait plus luire son bon soleil. Quel galérien je suis !
(NR 45,11 – 4ème jour, 3ème méditation)
Il va quand même retrouver une grâce, un peu plus loin, où il dira :
Oh ! que j'aurais besoin de cette oraison de repos, aux pieds du Maître : Venez à l'écart dans un lieu désert, et reposez-vous un peu [Mc 6,31] ; – de ce repos aux pieds de Jésus, repos qui aspire vers sa grâce, sa bonté, sa miséricorde – un regard d'amour.C'est le calme et la paix de tout soi-même, sommeil affectueux et réparateur.
J'ai eu un petit moment ce repos.
Oh ! que je désire l'autre oraison dont parle le Sauveur. Je la conduirai au désert, et je parlerai à son cœur [Os 2,16].
(NR 45,14 – 5ème jour, 3ème méditation)
[1] Citation reprise dans la biographie Saint Pierre-Julien Eymard - L’Apôtre de l’Eucharistie, André Guitton, éditions Nouvelle Cité, p. 110. L’épisode y est décrit de façon très complète.
Conférence donnée dans le cadre du Jubilé de S. P-J. Eymard que vous retrouverez à la page enrichie sur ce lien : Fraternité Eucharistique Corpus Christi #JubiléPJEymard2018
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S. P-J. Eymard : Honorer le Christ dans le Saint Sacrement
EN LA FÊTE DE S. PIERRE-JULIEN EYMARD : 2 août
Le Père Eymard est un homme habité par Dieu et qui ne veut qu’accomplir la volonté de Dieu. C’est « la pensée eucharistique » qui le guide. Il a un amour passionné pour le Saint Sacrement. Il vit tout en rapport avec cet amour de Jésus qu’il découvre dans l’Eucharistie. Pour lui l’Eucharistie, c’est la communion, mais c’est aussi cette présence du Christ dans le Saint Sacrement à laquelle il veut vouer toute sa vie. Son désir est de rendre gloire au Christ présent, de le manifester, de l’adorer. Cette foi en la présence de Jésus dans l’hostie est impressionnante. De plus, il ne veut pas garder cette foi pour lui. Il veut la manifester, la répandre, la prêcher pour la faire naître dans le cœur de beaucoup. Toujours dans ce but, il fonde une société, une congrégation qui essentiellement se donnera le but d’honorer le Christ dans le Saint Sacrement.
Le Père Eymard est sensible au fait de la tiédeur dans l’Église, dans le monde. Et il considère que l’Eucharistie est le moyen très efficace pour réveiller la foi, pour « mettre le feu » sur la terre, comme il le dit.
Cet amour du Christ dans l’Eucharistie entraîne une spiritualité dont le Père Eymard est un vivant témoin. L’état de Jésus dans l’Eucharistie inspire sa propre attitude intérieure. Par l’Eucharistie, c’est le Christ qui vit en lui. « Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi » (Gal.2,20), citation de saint Paul fréquente chez le Père Eymard. Il est sensible à l’état d’anéantissement du Christ dans l’Eucharistie. Il y voit le prolongement de l’Incarnation du Verbe dans l’homme Jésus. Cette Incarnation de Jésus a été vécue par Jésus comme un accomplissement d’amour envers son Père. Le Père Eymard se dit qu’il doit être envers Jésus eucharistique dans une semblable volonté d’amour. On peut remarquer que par ce moyen le Père Eymard se met avec Jésus sous l’influence de l’amour du Père, amour qui comporte un va-et-vient du Père au Fils et du Fils au Père, amour qui s’appelle l’Esprit.
Comment suivre aujourd’hui le Père Eymard ?
Reconnaître comme lui la merveilleuse présence du Christ dans l’Eucharistie… bien sûr, en vivant au maximum la liturgie eucharistique qui conduit à la communion. Mais aussi reconnaître cette présence dans l’adoration. Comme il faudrait que cette adoration soit respectueuse, pleine en même temps de don de soi et d’amour !
La spiritualité eucharistique est aussi appelée à inspirer toute la vie. Comment ?
En accomplissant la volonté de Dieu, en union avec Jésus, « l’union de société ». À un endroit, le Père Eymard écrit que la vertu souveraine de l’adorateur est la modestie (La Grande Retraite de Rome – NR 44). Comment comprendre ce mot « modestie » ?... Le lendemain il écrit : « Je cherche Dieu, et ne le trouve pas dans les vertus, dans la prière même, dans les saints » (NR,44 - 14 février). Mais 2 jours après : « Voilà tout le secret trouvé. Donner à Notre Seigneur mon moi sans condition. Je l’ai donné, je l’ai jeté devant le Saint Sacrement à la consécration. Mes larmes l’ont sanctionné. J’ai mis mon cœur dans le ciboire de la communion, qui se donnait pour être un ciboire… »
Il semble que la spiritualité du Père Eymard va dans le sens d’un dépouillement pour être tourné vers Jésus : « C’est Jésus qui veut être mon Raphaël, mon moyen, mon centre : « in me manet (Il demeure en moi) Vos… qui permansistis mecum (Vous qui demeurez avec moi) » (Jn6, 56, Lc.22, 28). Il semble que pour lui tout part de Jésus … et ainsi son attitude envers les autres a sa source en Jésus et en Jésus dans l’Eucharistie… De même sa façon de vivre, d’être… se laisser guider par l’Esprit de Jésus eucharistique. Cela suppose évidemment une union intime avec Jésus-Christ. Cela dépasse une attitude philosophique ou même pré-chrétienne. Au fond de soi il y a cette Présence qui inspire tout, être comme un « ciboire » pour laisser en soi jaillir le feu de l’amour eucharistique, pour laisser la mort et la résurrection du Christ informer toute la vie. L’Eucharistie « mémorial » de la mort et de la Résurrection du Christ.
Paul Mougin, sss
supérieur de la communauté des Pères du Saint-Sacrement
Chapelle Corpus Christi
23 avenue de Friedland, Paris 8Traditionnellement, et ce depuis 1876,
la chapelle Corpus Christi - 23 avenue de Friedland, Paris 8
est le lieu du 'tombeau' du P. Eymard.
On y vénère ses reliques
sous le gisant de cire qui repose dans la châsse qui fut celle du S. Curé d'Ars.Retrouvez ce texte dans la sous-page enrichie
Fraternité Eucharistique Corpus Christi #JubiléPJEymard2018et la page consacrée à Pierre-Julien Eymard, Apôtre de l'Eucharistie - Un saint d'avenir
Communauté de prière Hozana St Pierre-Julien Eymard — Chapelle Corpus Christi
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La naissance au Ciel du Père Eymard - Ses derniers jours…
Fraternité Eucharistique
23 - 06 - 2018La Naissance au Ciel
de S. Pierre-Julien EymardNotre Seigneur exige de moi tant de délicatesse
que ce doit être bientôt la fin.
Cette citation du Père Eymard est rapportée par le frère Albert Tesnière. Elle date du printemps 1868, quelques mois avant sa mort. Le frère Albert était le disciple et le confident du Père Eymard, et sans doute a-t-il reçu cette phrase de la bouche du Père à Paris, au sein de la communauté des religieux du Saint-Sacrement. Cette citation est inscrite sur le vitrail de la chapelle dédiée à S. Pierre-Julien Eymard, à La Mure d’Isère. Le vitrail représente le Père Eymard alité qui va recevoir la communion du P. Chanuet, célébrant sa dernière messe pour lui dans sa chambre à La Mure, rue du Breuil. Au pied du lit, une de ses sœurs de profil, Marianne ou Annette, est agenouillée, le visage dans les mains.
Notre Seigneur exige de moi tant de délicatesse
que ce doit être bientôt la fin.Dans cette phrase confiée au jeune frère et confident du Père Eymard, Albert Tesnière, nous percevons la profondeur du lien qui les unissait. En cette année ultime de sa vie, le Père Eymard demandait au frère Albert de l’accompagner dans ses déplacements, pour aller donner des enseignements, par exemple, parce qu’il était très fatigué et avait besoin d’assistance. C’est ainsi que le frère Albert a pris les notes de la prédication avec laquelle nous adorerons Jésus Eucharistie, tout à l’heure.
Pour cette dernière rencontre, avant la coupure estivale de la Fraternité Eucharistique jubilaire, nous nous penchons donc sur la fin de vie de saint Pierre-Julien. Si tout au long de sa vie nous pouvons lire les moments et les attitudes eucharistiques du Père Eymard, dans ses lettres, ses notes de retraites personnelles, nous percevons cette attitude eucharistique d’autant plus à l’approche de son enciellement, sous le regard du frère Tesnière et le témoignage de ceux qui l’ont assisté jusqu’à son agonie et son dernier souffle.
Avant de vous emmener quelques mois avant la mort de Pierre-Julien, permettez-moi de vous faire part de ce message reçu jeudi dernier, alors que je préparais cet exposé. C’est une amie carmélite à Nevers qui m’a envoyé ce mail, dont j’extrais ces mots pour éclairer ce que signifie ‘être un homme ou une femme eucharistique’ en fin de vie.
Nous lirons tout à l’heure le passage où le frère Albert nous fait part du témoignage de Mlle Thomas, la garde malade qui accompagna le Père Eymard dans ses derniers instants.
Les derniers mois du Père Eymard(Tout au long de cet exposé je m’appuie sur la biographie du P. André Guitton, sss,
Saint Pierre-Julien Eymard - L’Apôtre de l’Eucharistie)Pierre-Julien Eymard était né à la Mure d’Isère le 4 février 1811, et il retourna y mourir le 1er août 1868, à l’âge de 57 ans.
Avant la lecture proprement dite des morceaux choisis dans le livret Les derniers jours de S. Pierre-Julien Eymard — écrit en 1869 par le frère Albert Tesnière qui fut son disciple, son confident et témoin direct de ses derniers jours — nous allons revenir à ses dernières activités de prédicateurs.
Début mai 1868, sans doute le 2, le Père Eymard revient d’une retraite qu’il a prêchée au noviciat de la Congrégation du Saint-Sacrement, à Saint-Maurice, en Essonne. C’est là qu’il donna le titre de « Notre-Dame du Saint-Sacrement » à la Vierge. [J’ouvre ici une parenthèse pour préciser que ce titre à pour origine celui que le P. Jules Chevrier donna à Notre-Dame du Sacré-Cœur. Le P. Eymard avait vu des imprimés avec ce titre Notre-Dame du Sacré-Cœur, envoyés par les pères du Sacré-Cœur d’Issoudun, pour en répandre la dévotion. C’est le frère Paul Maréchal, alors novice à Saint-Maurice et qui avait suivi la dernière retraite du Père Eymard, qui en rapporta le témoignage. Ce frère conclut dans sa déposition au Procès ordinaire de Paris dans la somme (Summarium) pour l’introduction de la cause de béatification du Père : « Le Père Eymard mourut deux mois après. »]
De retour de Saint-Maurice où il a prêché cette retraite, le Père en commence une autre, du 4 au 9 mai, à Vaugirard, pour les Frères de Saint-Vincent de Paul. Il était tenu par une promesse faite au supérieur général de prêcher cette retraite annuelle. Le Père étant fatigué demanda au jeune frère Albert Tesnière (22 ans) de l’accompagner. Celui-ci pris les notes de cette retraite (PA 10, 1-24), la dernière que le P. Eymard prêcha à des religieux. Durant les 5 jours de cette retraite il donnait trois instructions par jour, plus un sermon de professions le 6ème jour, le samedi matin.
À cheval sur cette retraite, le Père Eymard accepta de donner le soir, du 6 au 8 mai, le triduum de l’Adoration perpétuelle dans la chapelle des Bénédictines du Saint-Sacrement, rue Monsieur. « Prédication lumineuse et fervente » selon les mots du P. André Guitton dans la biographie du Saint. « Le frère Tesnière qui l’accompagnait rapporte qu’il revenait exténué à sa communauté », au 112 boulevard Montparnasse, tout près de Notre-Dame des Champs.
À Paris, il profite de ce temps pour mettre à jour sa correspondance. Par deux fois en mai il se rend à Saint-Maurice pour se reposer.
Il donne une instruction sur le sacerdoce le jour de la première messe d’un prêtre, le 7 juin. Le 11 juin, en la Fête-Dieu, le sermon aux Vêpres à Notre-Dame-des-Victoires. Les 26 et 27 juin il préparait 37 jeunes à leur première communion. Le dimanche 28 juin il préside cette célébration, mais, à cause de la fatigue, il dut céder la place à un confrère.
Le lendemain, 29 juin, il part pour Angers pour la bénédiction de la première pierre de la chapelle de la Congrégation du Saint-Sacrement. La célébration eut lieu le 30 juin, présidée par Mgr Angebault. Malgré sa fatigue extrême le P. Eymard voulut rendre visite à ses filles, les Servantes du Saint-Sacrement d’Angers. Il leur donna une dernière exhortation (PS 642,6), et se rendit à la chapelle pour donner la bénédiction du Saint Sacrement. Puis il rentra à Paris.
Épuisé, « il subit une attaque qui paralysa presque entièrement son bras gauche. Mais il avait promis aux religieuses de la Congrégation de Notre-Dame de s’associer à la fête de leur fondateur, le bienheureux Pierre Fourier. Le 7 juillet, avec l’aide du frère Tesnière, il se rendit à l’Abbaye-aux-bois » et donna cette prédication, dont nous méditerons le texte tout à l’heure, pendant l’heure d’adoration. « Pendant une heure, il tint son auditoire sous le charme de sa parole de feu » (André Guitton). Et vous verrez qu’on pense immanquablement au Père Eymard lui-même quand il évoque la sainteté du Bienheureux Pierre Fourier ! « Ce fut la dernière prédication qu’il donna en dehors de sa communauté. »
Le 9 juillet, il parla sur la foi et en fit l’application à l’Eucharistie, au sein de sa communauté pour le sermon du jeudi soir (Croire à l’Eucharistie, PP 66,3).
Le 16 juillet 1868 fut son ultime instruction : La foi à l’Eucharistie (PP 67,3), où il poursuivit sa méditation sur le chapitre 6 de l’Évangile de saint Jean, dont il portait toujours un exemplaire sur son cœur.
Le 17 juillet au matin, au bord de l’épuisement et sous les conseils de son médecin qui le décida à partir se reposer en famille, il partit pour la Mure. Le Père Eymard pensait aussi retourner au Laus, tranquillement, reprendre des forces. Il avait même autorisé le frère Albert à venir le rejoindre dans ce sanctuaire béni. Il était conscient de sa faiblesse et de l’imminence de sa mort. « Notre Seigneur exige de moi tant de délicatesse que ce doit être bientôt la fin » avait-il dit au printemps de 1868, propos rapporté par le frère Albert.
Mais il n’alla pas directement à la Mure. Il passa rendre visite à Marguerite Guillot, la supérieure des Servantes du Saint-Sacrement d’Angers, qui était en cure thermale à Vichy. Il était question de créer une communauté féminine à Lyon, et il voulait s’en entretenir avec elle. Il resta 2 jours avec elle, jusqu’à sa fête le 20 juillet. Il était rendu à Lyon le soir même, dans un hôtel près de Perrache.
Le lendemain matin il prit le premier train pour Grenoble où il arriva vers 9 heures. Il était encore à jeun et n’avait pas encore dit sa messe. Avec son ami l’abbé Bard, avec lequel il allait rejoindre La Mure dans l’après-midi, ils allèrent réserver leur voiture. Puis, le P. Eymard se rendit à la chapelle de l’Adoration, tenue par les missionnaires de La Salette. Il était près de 11 heures. Il demanda à célébrer la messe. Visiblement si fatigué, le Père missionnaire voulu l’en dissuader. Mais le P. Eymard insista et le missionnaire resta pour l’accompagner. Ce fut sa dernière messe. Le P. Archier raconta par la suite : « Je le reçus presque dans mes bras lorsqu’il quitta le saint autel. Je lui donnai un peu de chartreuse. »
(P . Archier, récit dans R. Ullens, Devant la mort, le bienheureux Pierre-Julien Eymard, Montréal 1950, p.20)De la biographie du P. André Guitton :
Le P. Eymard dut renoncer à son rendez-vous au restaurant : il était si faible qu’il pouvait à peine se tenir debout. Il ne voulut rien prendre, il se reposa en attendant le départ de la diligence. Le P. Archier tenta de le dissuader de prendre la route et l’invita à demeurer quelques jours. Mais en vain. Vers 1 heure et demie, le Père se leva. À peine accepta-t-il un peu de nourriture et il rejoignit l’abbé Bard à la Porte de Bonne, lieu de départ de la voiture de La Mure. Avec son compagnon, il prit le coupé à l’avant et dans la chaleur étouffante de la canicule, il quitta Grenoble pour La Mure. Le voyage fut harassant. Selon le témoignage de son compagnon, « le Père devenait taciturne, ne répondait que par des monosyllabes. À chaque relais cependant il descendait, prenait un peu l’air, quelques rafraîchissements et remontait seul en voiture avec assez de vigueur » (Tesnière, AGRSS, Rome, 0 1, PP. 337-374). L’abbé Bard le quitta à Villard, non sans recommander au cocher de veiller sur le Père Julien. Vers 8 heures du soir, la diligence arrivait chez Pelloux à La Mure. Personne ne l’attendait.
« Quand je serai à Grenoble, avait-il écrit de Vichy à ses sœurs, je vous enverrai une dépêche pour vous annoncer mon arrivée à La Mure » (À Marianne Eymard, 19 juillet 1868, CO 2209). Ses sœurs n’avaient rien reçu. Alertées, elles arrivèrent immédiatement, Annette Bernard d’abord. Le Père l’embrassa, mais il ne dit pas un mot, il oubliait même son chapeau dans la voiture. Puis survint Marianne. Pas un mot non plus. Arrivés à la maison, toute proche, il rédigea avec peine un télégramme à l’adresse de la communauté de Paris sans doute, mais dont seules la date et la signature sont lisibles. On le conduisit dans sa chambre au second étage et il se mit au lit. On était loin de soupçonner la gravité de son état, et lui-même ne pouvait rien demander. « Nous pensions que ce serait une fatigue comme il en avait tant éprouvé de fois », devait confesser naïvement par la suite Annette. En réalité, il avait été victime d’une congestion cérébrale. Le voyage et la chaleur n’avaient pu qu’aggraver son état : il était aphasique.
Les derniers jours de S. Pierre-Julien Eymard(Édition du Centre de spiritualité "Eymard", La Mure d'Isère, 2018)
Mercredi 29 juillet 1868
Le matin avant d’aller à la Messe je dis au Père : « Oh ! ce qui vous manque, mon Père, c’est N. Seigneur. Je vais écrire à Monseigneur de permettre à un des prêtres habitués de La Mure de venir vous dire la Messe. » Il sourit mais fit un signe négatif. Peut-être prévoyait-il l’arrivée du père Chanuet.
Le Père se leva encore pour faire son lit. Il voulut changer de linge tout seul et pour cela resta debout sur son tapis. Je ne pouvais le laisser ainsi. Je craignais qu’il ne tombât. Il se changea donc et comme je jetais un rapide regard pour voir s’il ne faisait pas signe de l’aider, j’acquis de visu la certitude de ses macérations sanglantes.
Dans la matinée le Père fut plus gai. Il parlait un peu plus facilement. Nous nous mîmes à table. Il nous fit signe de mettre son couvert et un fauteuil à sa place et pendant que nous mangions il arriva bravement, s’assit et mangea un petit peu de poisson et de raisin. Il nous regardait manger en souriant. Il resta à table un quart d’heure à peu près. Le Père avait pris un peu de pain, il en mangea un peu. Il lui en restait une bouchée dans la main. Sa sœur voulut la lui prendre. Il refusa et me la laissa prendre. C’est la dernière fois que l’enfant reçut le pain des mains du Père de famille.
Le reste de la journée fut très calme. Le Père put traiter quelques affaires. Je lui lisais des lettres, il me disait la réponse en quelques mots.
Nemours revint le poursuivre. Il reçut aussi une lettre pénible de f… Mais dit-il, il n’y a rien à faire.
Ainsi la tribulation l’attaquait encore à son lit de mort. Il reçut une dépêche du père de Cuers demandant s’il fallait venir. Non, me répondit le Père à deux fois. D’autres, les jours suivants, firent la même demande et reçurent la même réponse. Le Père voulait mourir simplement et faire cette action avec la simplicité d’un acte de service Eucharistique comme les autres.
Le soir le Père fut plus agité. Le père Chanuet arriva avec Mlle Thomas qui a soigné le Père sans le quitter et a reçu son dernier soupir.
Le Père était trop fatigué pour parler. Ce n’est que le lendemain qu’il adresse la parole eu père Chanuet.
Je veillai le Père jusqu’à une heure. La nuit fut très pénible. À un moment le Père eut un râle effrayant à entendre, et plus effrayant à moi. Sa poitrine se soulevait bruyamment. Il respirait avec effort et par saccades. Il était étendu sur le dos pâle comme un mort. Les narines s’étaient retirées et contractées. La bouche était violemment serrée. La sueur ruisselait sur son visage, cela dura plus d’une demi-heure (je crois). Je m’approchai. Je ne savais quel parti prendre, je priai. Enfin le bruit cessa et le Père resta assoupi jusqu’à l’heure où je le quittai pour aller reposer.
Jeudi 30 juillet
Dès le matin on installa dans la chambre tout ce qu’il fallait pour dire la Messe. Le père Chanuet n’avait pu obtenir de Monseigneur de Grenoble la permission que pour une fois la semaine. L’autel était dressé sur la commode en vue du Père qui put suivre la Messe, quelques personnes y assistèrent. Le Père communia. Pendant l’action de grâce il me fit signe de lui donner à boire le vin qui restait dans la burette avec l’eau du sacrifice. Sa figure était radieuse de paix et de calme. Je m’approchai et l’embrassai. C’était la première fois depuis mon arrivée. Après l’action de grâces le père Chanuet vint au pied du lit et le Père lui dit assez distinctement : « Vous êtes bien drôles d’être venus. Pour quoi faire ? - Eh bien, mon Père, ne le méritez-vous pas. - Ah ! bah ! dit le Père ! » Et le père Chanuet de reprendre : « Vous alliez bien voir les autres, vous mon Père ! » Le Père se tut, content de cette raison.
Il parla quelques minutes avec Mlle Thomas, lui demanda des détails minutieux sur les affaires d’une succession qui l’embarrassaient. Ce qui prouve sa grande présence d’esprit.
Vers neuf heures je lui demandais de lui passer autour du corps une ceinture de soie qui avait servi à revêtir sa chère Notre-Dame du Laus. Il voulut bien et me dit : « C’est pour elle (ou à elle) que je l’offre (ou que je souffre) ». La difficulté que le Père avait de s’exprimer m’empêcha de saisir laquelle des deux phrases il prononça, mais leur sens est identique. (Il mourut avec cette ceinture autour du corps. N.-Dame du Laus avait été son premier désir, son premier amour. Elle vint occuper sa dernière pensée. Je l’avais passée moi-même. Après la mort, Mlle Thomas la prit et me la donna). Je lui demandai alors s’il ne voulait pas que j’allasse demander sa guérison à Notre-Dame de La Salette. Une neuvaine de messes s’y terminait le lendemain. Il me dit : « Oui, je veux bien ». – J’obtiendrai votre guérison, mon Père. – « Je veux bien ». Au moment de partir vers onze heures il me dit : « Restez demain, samedi et dimanche ». – C’est trop, lui dis-je, je veux vous revoir avant. « Eh bien ! revenez samedi ». Je me mis à genoux. Le Père me bénit. Il me fit sur le front avec sa main une croix. Et je partis croyant bien le revoir plein de santé – hélas !
Pour montrer comment le Père pensait à tout il voulut que je prisse son parapluie. Il ne put venir à bout de dire ce mot. Il me montrait du doigt le fond de sa chambre et me disait : Prenez mon… mon… Et moi qui ne pouvais, par le beau temps qu’il faisait, songer à un parapluie, je désignai tous les objets. Le Père disait : non, avec un petit air aimable et agacé. Il souriait de son impuissance. Mais pour nous quelle souffrance de voir muette cette bouche toujours ouverte pour annoncer Notre Seigneur ! ou pour dire une parole d’affection ou de bienveillance.
Je partis. Depuis ce temps jusqu’à sa mort il s’est écoulé 50 heures. Je serais revenu plus tôt de La Salette. Mais j’attendais une personne qui devait y arriver le vendredi soir à 2 heures et me donner des nouvelles du Père. Elle n’arriva pas, je résolus de l’attendre. Au fond du cœur je croyais invinciblement que le Père guérirait vite et bien. Je le croyais et ma conscience me faisait verser d’avance des larmes de reconnaissance. Hélas ! Notre Seigneur ne l’a pas voulu ! J’ai toujours regardé cette absence comme une punition de mes péchés. Oui, Seigneur, vous jugez toutes choses avec équité. Je vous remercie de la faveur inestimable d’avoir vu mon Père dans ses derniers jours, de l’avoir soigné, d’avoir vu un saint sous le coup de la douleur, laissant une œuvre à peine établie, sans regrets, sans récriminations, mourant parce que vous jugiez à propos qu’il mourut, ne se croyant pas nécessaire une minute de plus que vous le vouliez, allant à la mort comme à l’adoration, ne voulant rien dire pour plus tard afin de vous laisser à vous, seul maître, seule personnalité dans la Société, votre pleine liberté de direction, votre autocratie ! O ! quel spectacle. Et peut-être aussi, Seigneur, que vous m’avez éloigné de peur que je ne forçasse, par mes instances toujours écoutées dans ces matières-là, notre Père à parler. Tout ce que vous avez fait est bien, et mieux que tout ce qui aurait pu être.
Les deux lettres ci-jointes donnent les détails sur les deux derniers jours Jeudi et Vendredi. La dernière a été écrite vendredi vers trois ou quatre heures. On y remarquera cette annonce de sa mort faite par le Père à une personne de La Salette. Elle m’a été confirmée en ces termes par la personne elle-même : « Le Père m’a dit : Eh ! bien c’est la fin ». Je ne veux pas juger de l’autorité de cette personne à se faire croire. Ce n’est que plus tard que l’on pourra obtenir là-dessus des données certaines.
Vendredi 31 et Samedi 1er août
La lettre de Mlle Thomas indique que la nuit a été assez calme. Mais que l’affaiblissement augmen-te et que là est le grand danger. En effet le Père ne pouvait plus, usé comme il l’était, lutter contre la maladie.
Le père Chanuet dit la messe le matin.
Deux fois dans la journée il lui parla de l’extrême-onction. Le Père dit : non, pas maintenant.
Le Père se lève pour laisser faire son lit. La nuit on lui a posé un emplâtre sur le cou. Le soir Mlle Thomas veille sur le Père. Vers minuit elle était dans la chambre. Les rideaux du lit placé dans une alcôve étaient entr’ouverts. Une petite veilleuse placée sur la cheminée éclairait l’appartement. Mlle Thomas, regardant le Père, le voit fixer attentivement les yeux vers le pied de son lit du côté du mur. Il souriait, ses yeux s’animaient. Il paraissait singulièrement heureux. Elle regarde et aperçoit dans un nimbe d’une lumière douce comme la lumière de la lune, des plis de robe. Comme elle est loin d’être portée au merveilleux, elle prend la lampe, la change de place, la cache afin de bien s’assurer que ce n’est pas une réfraction de sa lumière : le nimbe lumineux persiste. Le Père regardait toujours, toujours plus souriant. Il avait l’air de remercier. Ces plis, m’a dit Mlle Thomas, étaient ceux d’une robe pendante. Ils pouvaient avoir un mètre de haut. Et le nimbe entier tenait depuis le lit jusqu’au plafond. Elle n’a pas vu de traits, pas de figure. Elle m’a attesté cela. Et tous ceux qui ont connu son instruction, son caractère énergique, son cœur viril, savent qu’elle n’était pas portée aux visions.
Elle croyait intimement que c’était la Ste Vierge qui venait avertir le Père. Cette croyance, loin de s’éteindre, n’a fait jusqu’à sa mort qu’augmenter chez elle. Mlle Thomas envoie aussitôt chercher le père Chanuet qui logeait dans une maison voisine. Le Père accepte volontiers cette fois d’être administré. Le père Chanuet lui apporte les Saintes Huiles. Le Père s’unit à toutes les prières, suit toutes les cérémonies. Il était 2 heures du matin.
La faiblesse allait toujours croissant. Les idées toujours parfaitement claires. À sept heures le père Chanuet dit au Père qu’il allait lui chercher la Communion. Le Père ne sembla pas content. Il aurait voulu la Messe. Le père Chanuet craignit d’aller contre sa conscience et le Père se soumit à ce nouveau sacrifice. Il reçut son viatique. C’était sept heures avant de partir !
Après la Communion, le Père se leva encore pour laisser faire son lit. À dix heures, il embrassa sa sœur et lui dit : « Eh bien sœur, adieu c’est la fin ! » Vers onze heures, les sinapismes appliqués et promenés sur les jambes ne prenaient déjà plus. La vie s’en allait peu à peu. Le sang se réfugiait des extrémités vers le cœur. Chez le Père surtout, et plus peut-être qu’en aucun autre, le cœur avait été la vie. La vie s’y réfugiait à ce moment suprême comme dans un dernier retranchement.
À midi, on crut que tout était fini. Une syncope fit craindre la mort. Elle dura quelques minutes. Le père Chanuet récita alors au Père des prières des mourants. Le Père s’y unissait.
Tous ceux qui étaient présents vinrent s’agenouiller au pied du lit. Le Père les bénit les uns après les autres. Quand il eut fini, il cherchait encore quelqu’un, il regardait de côté et d’autre et semblait appeler. Puis il rentra dans le repos. – Mlle Thomas a cru toujours que c’était moi que le Père cherchait. Il me croyait sans doute de retour, ou ne se souvenait plus de m’avoir envoyé à La Salette.
Vers deux heures, le père Chanuet alla au télégraphe. Quelques signes de plus grand abattement ne trompèrent pas Mlle Thomas. Elle fit courir après elle le père Chanuet. Le Père voulut expectorer une glaire. Mlle Thomas le souleva un peu sur l’oreiller. La respiration lui manqua. C’était fini. Il retomba sans vie ou plutôt il s’endormit doucement. De sa main il cherchait l’envers de son mouchoir afin de cracher. Ses yeux étaient demeurés fixés sur un tableau du crucifiement. Le père Chanuet était arrivé quelques secondes avant et avait eu le temps de donner au Père, de la porte de la chambre, la dernière bénédiction in articulo mortis. Il était environ deux heures et demie. J’ai oublié de dire que vers midi, quand on récitait au Père les prières des mourants, il avait paru un peu fatigué. Mlle Thomas lui montra alors une image du Sacré-Cœur avec les litanies lui demandant s’il voulait qu’on les récitât. Oui, fit le Père et il suivit toutes les invocations avec un intérêt et une piété soutenus. Ce fut sa dernière prière ici-bas. – Un jour le Père m’avait dit : « Ah ! la dévotion au Sacré-Cœur je lui dois tout, elle m’a sauvé ». Et Jésus venait offrir la vue de son Cœur à ce cher mourant pour lui faciliter le passage et le lui faire faire dans cette nacelle assurée contre le naufrage ! C’est le samedi 1er août à 2 heures 1/2 que le Père s’est éteint dans le Seigneur. C’était la fête de St Pierre-ès-liens son patron et l’heure des premières Vêpres de Notre-Dame des Anges.
Après le premier moment de la douleur, on songea à exposer le Père et à le revêtir. Ce fut Mlle Thomas et Mme Gras qui se chargèrent de ce douloureux office.
Le Père fut revêtu de sa soutane, de l’aube, du cordon et de l’étole noire. Il avait aux pieds ses bas et ses souliers à boucles. On l’étendit ainsi sur son lit et, le bruit s’étant répandu dans la ville, la chambre commença à se remplir de visiteurs, les larmes aux yeux, qui venaient contempler ce Père vénéré et moins prier pour lui que se recommander à ses prières.
Mais puisque ces souvenirs sont surtout faits pour moi, je vais y noter quelques faits sans importance mais dont j’ai été frappé après l’événement.
De la messe qui termina la neuvaine à La Salette, je crus très certainement que le Père guérirait. Je faisais l’action de grâces à Marie plus que je ne lui demandais la faveur tant souhaitée.
Il y avait, à La Salette, un vénérable pèlerin dans le genre du Benoît Labre en universelle vénération. Je lui demandais la guérison du Père sans lui dire la gravité exacte de sa maladie. Sa réponse fut celle-ci : « Ah ! Monsieur, quand le bon Dieu a résolu de rappeler quelqu’un à Lui, les prières n’y font plus rien ». Mais, lui dis-je, c’est un saint dont Notre Seigneur a besoin, l’Église et la Société aussi. « Dans ce cas, me répondit le vieillard comme pour me consoler, Dieu le conservera peut-être ». – Je ne fis pas grande attention à ces paroles. Le soir à l’instruction du vendredi, le père Pons prêchant sur St Pierre-ès-liens dit : « St Pierre paraissait bien nécessaire à l’Église naissante et cependant Dieu le tenait en prison. C’est que personne n’est nécessaire à Dieu ». Enfin le samedi, inquiet de ne voir personne venir de la Mure, j’étais hésitant si je devais rester ou repartir. Vers 1 heure et demie on arriva. Le Père, me dit-on, n’est pas mieux, repartez. – Je ne le croyais pas. Peut-être, me dis-je, quand la personne a quitté la Mure cela était vrai, mais depuis, Marie a certainement guéri le Père. Je le crois sans hésitation, ceci n’est qu’une épreuve de ma foi.
Cependant je me décidai à partir. Vers deux heures j’allais dire adieu à Notre Seigneur. Je fis un acte de soumission à Notre Seigneur dont je ne me rendis pas compte, mais qui m’arracha un cri assez fort avec une douleur profonde. De la chapelle, je vais au lieu de l’apparition. Là, je ne me sens nullement porté à demander la guérison du Père. Mais saisi d’une paix suave, douce, d’un calme incroyable regardant les cieux, je dis dans mon cœur, sans prononcer extérieurement une seule parole : « Eh ! bien, quand vous partiriez, Père, cela ne vous vaudrait-il pas mieux ? N’avez-vous pas assez souffert ! Ah ! que vous seriez heureux d’être uni à votre Jésus ». Ce sentiment me remplit de joie intérieure et je partis sans y attacher d’importance. Il était deux heures passées à l’horloge de l’église. À quelques minutes de là, le Père se mourait. Tout le long du chemin je ruminais ce que je devais demander au Père, car j’étais persuadé que je le reverrais. Je portais des croix à indulgencier pour 16 francs. Cependant le ciel me paraissait plus beau qu’à l’ordinaire. Je ne suis pas poète, ni rêveur. Je le regardais et me disais : Mais que se passe-t-il donc au Ciel ? Quel triomphe y a-t-il donc ! que le Ciel est beau, puis pensant de nouveau au Père je songeais à ce que je lui dirais, aux moyens de le sauver, etc.
Ste Chantal savait la maladie de St François. Elle était à Grenoble. Le St se mourait à Lyon. Notre Seigneur lui dit dans l’oraison : « Ma fille, ton père ne vit plus dans ce monde » et la Sainte de répondre : « Oh non, mon Dieu, je sais qu’il est si mortifié que tout est mort pour lui et qu’il ne vit plus que pour vous ». Ce fait, que j’ai lu après, m’a expliqué comment, malgré tous ces avertissements intérieurs, je croyais toujours le Père en vie.
Cependant j’avais pris un express. Une heure avant d’arriver à la Mure, à Pont-Haut, un homme m’arrête et me dit : « Le Père Julien est mort tantôt !!!! »
Quand j’arrivai près du Père, il était neuf heures du soir. Le Docteur Douillard était venu, mais trop tard, de Paris.
Je me précipitai sur mon Père et l’embrassai avec frénésie. Eh ! quoi, Père, vous êtes mort sans m’appeler pour recueillir une dernière bénédiction !
Je ne cessai d’embrasser ce visage vénéré. Les yeux étaient ouverts et aussi animés qu’aux plus beaux jours des fêtes de Notre Seigneur.
Pendant sa vie, même quand le Père était content, son regard conservait toujours un certain voile de mélancolie. Ici, plus rien. La paix, la paix souriante. Ses lèvres souriaient. Il me regardait au point que par deux ou trois fois je lui dis : « Mais riez donc, parlez donc, Père, vous n’êtes pas mort, ce n’est pas possible ! » Ce regard limpide, souriant et animé, dura jusque vers minuit. À cette heure le Père prit la figure qu’il a conservée jusqu’à sa sépulture. Son regard était toujours calme, ses yeux doucement ouverts, mais sans cette vie qui avait tant frappé les assistants durant les premières heures. Ce qui faisait le caractère de sa physionomie, c’était le calme, la paix, paix d’en haut que rien ne trouble plus.
Je passai la nuit au pied du lit de mon Père. Dieu sait quelles recommandations je lui fis. Je n’oubliai aucun de mes frères. Je sentais quel sacrifice N. S. demandait d’eux.
Les pénitents disaient l’office des morts.
La journée du 2 août est ensuite relatée, avec la foule des gens affluant pour voir le Saint de La Mure avant ses funérailles, rue du Breuil. Je vous invite à le lire par vous-mêmes dans le livret (disponible au 23 avenue de Friedland, Paris 8, Chapelle Corpus Christi, Église du Saint-Sacrement, et au Centre Spirituel "Eymard" de La Mure).
Nous pouvons maintenant partager sur ce que signifie ‘être un homme, une femme eucharistique’ à la lumière de l’exemple du P. Eymard.
Nous ferons une pause avant de reprendre à 16h l’adoration eucharistique animée avec un texte du Père Eymard : la prédication sur la sainteté qu’il donna trois semaines plus tôt et qui est comme, en creux, entre les lignes du texte, un autoportrait de sa vie de fondateur.
Le tombeau du Père est traditionnellement situé à Paris, au 23 avenue de Friedland (8ème). Son gisant de cire occupe la châsse qui fut celle du bienheureux Curé d'Ars, que la Congrégation du Saint-Sacrement a rachetée au pris de 1000 francs de l'époque, en 1925, quand Jean-Marie Vianney a été canonisé et le P. Eymard déclaré bienheureux. On peut toujours vénérer ses reliques sises sous la châsse.
Sandrine Treuillard
Engagée dans la Fraternité Eucharistique
rattachée à la Chapelle Corpus Christi, Paris 823 juin 2018
Adorons Jésus Eucharistie avec la dernière prédication
sur la sainteté du P. Eymard : PDFLes trois photographies de la catéchèse, Chapelle Corpus Christi,
23 avenue de Friedland, samedi 23 juin 2018 : ©Anthony Loi
Retrouvez l'ensemble de la catéchèse eucharistique du semestre sur ce lien :
Fraternité Eucharistique Corpus Christi #JubiléPJEymard2018
L’IDEAL DU CÉNACLE Comprendre l’Eucharistie dans sa totalité
avec st Pierre-Julien Eymard -
Adorateurs en esprit & vérité avec Notre-Dame du Saint-Sacrement - #JubiléPJEymard2018
Fraternité Eucharistique
12 - 05 - 2018L’influence de la Vierge Marie
dans la vie de S. Pierre-Julien EymardSaint Pierre-Julien Eymard (1811-1868) a été ordonné prêtre en 1834, à Grenoble, à l’âge de 23 ans. Après avoir été prêtre diocésain et curé à Monteynard, il devient religieux Mariste, à Lyon, à l’âge de 28 ans.
Depuis son enfance, la Vierge Marie tient une place importante de Conseillère dans sa vocation sacerdotale & religieuse, et dans son cheminement jusqu’à fonder une Congré-gation centrée sur l’Eucharistie.Il fréquente le sanc-tuaire de Notre-Dame du Laus dès ses 11 ans où il parcourt les 80 km depuis La Mure d’Isère, seul, à pied, mendiant son pain. Il y retournera à ses 13 ans où il fera sa première confession et rencontrera le P. Touche qui l’encouragera à suivre sa vocation sacerdotale, à apprendre le latin, et à communier chaque dimanche.
À 17 ans, Pierre-Julien apprend par hasard la mort de sa mère, survenue le 5 août 1828. Il est alors pendant une année volontaire à l’hospice Saint-Robert, près de Grenoble, afin d’aider l’aumônier, en échange de leçons de latin, pour devenir prêtre.
À 18 ans, Pierre-Julien commence son noviciat chez les Oblats missionnaires de Marie Immaculée, à Marseille. Mais il contracte une pleurésie, on le ‘rapatrie’ à La Mure chez son père. On va jusqu’à sonner la cloche des agonisants… Mais il revient à la vie et sa convalescence durera une année.
Quand il a 20 ans, le père de Pierre-Julien décède. Il peut alors entrer au Grand Séminaire de Grenoble introduit par Eugène de Mazenod le fondateur des Oblats de Marie Immaculée.
Contemporain de la vision de Maximin et Mélanie à Notre-Dame de La Salette, le 19 septembre 1846, il sera un défenseur de l’authenticité de la vision et un visiteur assidu du sanctuaire. Il accompagnera aussi Maximin jusqu’à le confier à une famille amie, les Jordan, dans les Yvelines.
À chaque étape de sa vie, il a su reconnaître l’influ-ence de Marie. C’est seulement en 1858, après avoir fondé en 1856 les Religieux du Saint-Sacrement, et en fondant les Servan-tes du Saint-Sacre-ment, qu’il encoura-ge et approuve le culte que ses fils rendent à Marie, sous le vocable : Notre-Dame du Saint-Sacrement.L’année de sa mort, en 1868, il ouvre ainsi le mois de Marie dans le premier noviciat de la Congrégation, à Saint-Maurice, dans l’Essonne :
« Eh bien ! nous honorerons Marie sous le vocable de
Notre-Dame du Très Saint Sacrement,
Mère et Modèle des adorateurs,
priez pour nous qui avons recours à vous. »
(PS 317,2)Il célèbrera sa dernière messe à Grenoble, dans la chapelle des Missionnaires de La Salette. Et, à La Mure d’Isère, son village natal, pendant son agonie, suite à un accident cérébral et épuisé, il quittera ce monde avec une vision de la Vierge Immaculée, une statuette de Notre-Dame de La Salette entre les mains.
Dans La Grande Retraite de Rome, en 1865, trois ans avant sa mort, il médite à plusieurs reprises sur les Mystères de l’Incarnation et la Vie de Marie en l’Incarnation, les attitudes intérieures de Marie tout au long de la vie de son Fils, jusqu’à Marie adoratrice du Verbe incarné en l’Incarnation, avec 4 actes d’adoration : l’humilité, la joyeuse reconnaissance, le dévouement et la compassion. Ce sera l’objet de la Neuvaine à Notre-Dame du Saint-Sacrement qui se déroulera avec le réseau social Hozana, du 26 mai au 3 juin prochain, jour de la Solennité du Saint Sacrement.On le comprend donc, la présence de Marie est fondamentale dans toute la vie du Père Eymard. Elle a le rôle qu’elle tient déjà dans les Évangiles :
— Servante du Seigneur, elle s’offre elle-même en le servant, en accueillant le Verbe fait chair en elle ;
— Elle indique son Fils, aux noces de Cana, pour qu’il manifeste la puissance de Dieu dont il est investi ;
— Médiatrice, elle portera dans la prière les enfants de Dieu à son Fils, Mère de l’Église dont elle reçoit la tâche au pied de la croix.
— Rôle de co-rédemptrice aussi, même si ce n’est pas le mot que le P. Eymard emploie pour désigner la part active qu’à la Vierge dans l’économie du Salut ;
— Et surtout, Reine du Cénacle, qui reçoit l’Esprit Saint à la Pentecôte avec les disciples, Adoratrice du Christ ressuscité présent au saint Sacrement.
Voilà pour l’introduction à Notre-Dame du Saint-Sacrement que la congrégation fête demain, le 13 mai. C’est le jour anniversaire où le Père Eymard, en compagnie de son premier compagnon, le P. Raymond de Cuers, a reçu de l’archevêque de Paris d’alors, Mgr Dominique Sibour, la bénédiction pour fonder la première communauté des Religieux du Saint-Sacrement. La mission première de la congrégation est d’adorer et de faire adorer le Saint Sacrement, avec l’œuvre de la première communion des adultes et des enfants en milieux ouvriers dans les faubourgs pauvres de la capitale (Faubourg Saint-Jacques).Mais que signifie « adorer et faire adorer le saint Sacrement » ? Pour répondre, entrons dans le Mystère de l’Incarnation du Verbe, par cette citation du prologue de l’Évangile de saint Jean :
Jean 1,14 (Prologue)
14 Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire,
la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité.
L’angelus est une prière en l’honneur de l’incarnation du Christ, que je vous invite à prier ensemble pour se mettre en présence de Marie & de Jésus son Fils :V/. L’Ange du Seigneur apporta l’annonce à Marie,
R/. Et elle conçu du saint-Esprit.
Je vous salue Marie ...V/. Voici la servante du Seigneur,
R/. qu’il me soit fait selon votre parole.
Je vous salue Marie ...V/. Et le Verbe s’est fait chair,
R/. et il a habité parmi nous.
Je vous salue Marie ...V/. Priez pour nous, sainte mère de Dieu,
R/. Afin que nous soyons rendu dignes des promesses de notre Seigneur Jésus-Christ.PRIONS : Que ta grâce Seigneur notre Père se répande en nos cœurs : par le message de l’ange, tu nous as fait connaître l’incarnation de ton Fils bien-aimé, conduis-nous par sa passion et par sa croix jusqu’à la gloire de la résurrection. Par Jésus-Christ, Notre Seigneur, qui vit et règne avec toi, dans l’unité du Saint Esprit maintenant et dans les siècles des siècles. Amen
Nous allons donc développer au cours de cet exposé ce que signifie « adorer en esprit & vérité ». Permettez-moi, tout d’abord, de baliser ce que j’ai à vous dévoiler par trois courts extraits du Projet de Vie de la Fraternité Eucharistique — l’Agrégation du Saint-Sacrement, la branche laïque de la Congrégation — à laquelle j’appartiens, ayant fait ma Promesse d’engagement il y a bientôt 2 ans (le 3 juin 2016).
1 — À l’article Avec Marie, il est écrit :
Avec Marie
La Vierge Marie
Mère de Jésus et Mère de l’Église,
est le modèle irremplaçable
de la vie eucharistique.
Elle a partagé la vie des disciples
en prière au Cénacle
et en chemin sur les voies du monde.Comme elle,
nous nous laissons guider par l’Esprit
pour que, dociles à son action,
nous contribuions efficacement
à la venue du Royaume.D’ailleurs, nous l’honorons et l’invoquons
sous le titre de :
Notre-Dame du Saint-Sacrement.(PdV – II, 11)
2 — À l’article La prière de contem-
plation et d’adoration … est écrit :La prière de contemplation et d’adoration
Dans la prière
de contemplation et d’adoration
au Christ présent dans l’Eucharistie
solennellement exposé ou dans le tabernacle,
nous prolongeons
la grâce du mystère célébré,
et intensifions notre union au Christ
pour devenir avec lui et comme lui
pain rompu pour un monde nouveau.(PdV – II, 8)
3 — Et, enfin, à l’article La célébration eucharistique, nous lisons :
La célébration eucharistique
La célébration du Mémorial du Seigneur
est le point de départ
de notre compréhension de l’Eucharistie
et inspire notre prière et notre engagement.Appelés à témoigner
de la forme eucharistique de l’existence,
par toute notre vie nous devenons
les ‘adorateurs en esprit et en vérité
que le Père cherche’ (Jn 4,23).(PdV – II, 7)
Appelés à témoigner de la forme eucharistique de l’existence, par toute notre vie nous devenons les ‘adorateurs en esprit et en vérité que le Père cherche’ (Jn 4,23).Et c’est le titre de cet exposé que nous allons approfondir en lisant l’Évangile de saint Jean, chapitre 4, versets 1 à 28.
Appelés à témoigner de la forme eucharistique
de l’existence, par toute notre vie nous devenons les ‘adorateurs en esprit et en vérité que le Père cherche’ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRIST
SELON SAINT JEAN
Chapitre 41 Les pharisiens avaient entendu dire que Jésus faisait plus de disciples que Jean et qu’il en baptisait davantage. Jésus lui-même en eut connaissance.
2 – À vrai dire, ce n’était pas Jésus en personne qui baptisait, mais ses disciples.3 Quand Jésus appris cela, il quitta la Judée pour retourner en Galilée, 4 il devait donc traverser la Samarie.5 Il arrive ainsi à une ville de Samarie, appelée Sykar, près du terrain que Jacob avait donné à son fils Joseph, 6 et où se trouve le puits de Jacob. Jésus, fatigué par la route, s’était assis là, au bord du puits. C’était la sixième heure, environ midi.
7 Arrive une femme de Samarie, qui venait puiser de l’eau. Jésus lui dit : « Donne-moi à boire. » 8 – En effet, ses disciples étaient partis à la ville pour acheter de quoi manger. 9 La Samaritaine lui dit : « Comment ! Toi qui es Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine ? » – En effet, les Juifs ne veulent rien avoir en commun avec les Samaritains.
10 Jésus lui répondit : « Si tu savais le don de Dieu, si tu connaissais celui qui te dit : “Donne-moi à boire”, c’est toi qui lui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive. » 11 Elle lui dit : « Seigneur, tu n’as rien pour puiser, et le puits est profond. D’où as-tu donc cette eau vive ? 12 Serais-tu plus grand que notre père Jacob qui nous a donné ce puits, et qui en a bu lui-même, avec ses fils et ses bêtes ? » 13 Jésus lui répondit : « Tout homme qui boit de cette eau aura encore soif ; 14 mais celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source jaillissante pour la vie éternelle. » 15 La femme lui dit : « Seigneur, donne-moi de cette eau, que je n’aie plus soif, et que je n’aie plus à venir ici pour puiser. »
16 Jésus lui dit : « Va, appelle ton mari, et reviens. » 17 La femme répliqua : « Je n’ai pas de mari. » Jésus reprit : « Tu as raison de dire que tu n’as pas de mari : 18 des maris, tu en as eu cinq, et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari ; là, tu dis vrai. » 19 La femme lui dit : « Seigneur, je vois que tu es un prophète !... Alors, explique-moi :
20 Nos pères ont adoré Dieu sur la montagne qui est là, et vous, les Juifs, vous dites que le lieu où il faut l’adorer est à Jérusalem. » 21 Jésus lui dit : « Femme, crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père. 22 Vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous adorons, nous, celui que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. 23 Mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité : tels sont les adorateurs que recherche le Père. 24 Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer. » 25 La femme lui dit : « Je sais qu’il vient, le Messie, celui qu’on appelle Christ. Quand il viendra, c’est lui qui nous fera connaître toutes choses. » 26 Jésus lui dit : « Je le suis, moi qui te parle. »
27 À ce moment-là, ses disciples arrivèrent ; ils étaient surpris de le voir parler avec une femme. Pourtant, aucun ne lui dit : « Que cherches-tu ? » ou bien : « Pourquoi parles-tu avec elle ? » 28 La femme, laissant là sa cruche, revint à la ville. (…)
J’aimerais que nous voyions cette rencontre de Jésus avec la Samaritaine comme le paradigme de notre rencontre avec Jésus Eucharistie. Abordons cette scène comme le modèle d’une rencontre avec la personne divine de Jésus présent au saint Sacrement. Rencontre de Jésus Eucharistie comme quand nous sommes en adoration ou même lorsque nous communions à son Corps et à son Sang à la messe, quand nous prenons part au banquet des Noces de l’Agneau.Dès le début de ce chapitre 4, il est dit que Jésus attire à lui les gens et baptise plus que Jean, qu’il fait plus de disciples que Jean le Baptiste. Pour cette raison, les pharisiens veulent rejoindre Jésus pour lui demander des comptes. Ils s’en offusquent et s’interrogent sur le pourquoi de ce succès de Jésus. Ce succès vient de ce que Dieu habite pleinement en Jésus, qu’il est rendu capable par le Père de donner l’Esprit et la Vie sans mesure à celui qui croit en lui et reçoit le baptême en son nom. C’est parce que Jésus baptise dans l’Esprit, qu’il est lui même cet Esprit, cette Vie, que les gens viennent à lui et se font baptiser.
Jésus connaît très bien le cœur des pharisiens, c’est pourquoi il les fuit, veut retourner en Galilée et doit pour cela traverser la Samarie. Pays que les Juifs mettent à distance. Les Juifs ne veulent aucun commerce avec les Samaritains, qu’ils considèrent comme impurs : rien à voir avec leurs règles sociales, culturelles et religieuses.
Traversant donc cette région désertique, Jésus se retrouve au mythique puits de Jacob. Lieu essentiel, vital et stratégique, aussi bien dans le passé que pour maintenant dans la scène que Jésus s’apprête à nous donner à voir. Rendu vulnérable comme tout homme par la chaleur et la fatigue de la marche, Jésus a soif et s’assoit sur la margelle du puits. C’est la sixième heure, c’est-à-dire qu’il est environ midi. Je me suis demandée pourquoi ce détail de l’horaire précis. Et je me suis souvenue que dans saint Jean, ailleurs, à environ midi, la sixième heure, un autre événement a lieu… Aux abords de la Passion, avec Pilate qui cherche à relâcher Jésus. Voici le passage en Jean 19, 12-14 :
Mais les Juifs se mirent à crier : « Si tu le relâches, tu n’es pas ami de l’empereur. Quiconque se fait roi s’oppose à l’empereur. » 13 En entendant ces paroles, Pilate amena Jésus au-dehors ; il le fit asseoir sur une estrade à l’endroit qu’on appelle le Dallage (en hébreu : Gabbatha). 14 C’était un vendredi, la veille de la Pâque, vers midi. Pilate dit aux Juifs : « Voici votre roi. »
Deux choses me frappent dans ces deux passages de l’Évangile :
1° Dans un cas c’est la fatigue de la route qui fait s’asseoir Jésus au bord du puits. Dans l’autre cas, c’est Pilate qui fait asseoir Jésus sur une estrade, pour montrer à ceux qui veulent sa mort qu’il est inoffensif et innocent. Il vient d’être flagellé, moqué, il est en sang et porte la couronne d’épines, le roseau et le vêtement pourpre.
2° Au bord du puits, Jésus, au contact de la samaritaine, est, librement, dans l’abnégation de sa personne humaine : il met son besoin individuel de boire au second plan, privilégiant le dialogue pour amener la femme à reconnaître qu’il est l’envoyé de Dieu, le Messie. Il lui révèlera sa personne divine, plus loin, au verset 26 : « Moi qui te parle, je le suis ».
Finalement, Pilate ne fait pas autre chose que révéler la personne divine du Christ quand il le désigne aux Juifs comme étant leur roi. Mais Pilate ne connaît pas la portée de sa déclaration. Il ignore aussi que c’est librement que Jésus s’offre à toutes les tortures qui l’attendent encore.
Dans les deux cas, la sixième heure, vers midi, désigne le moment crucial où s’opère la révélation de la personne divine de Jésus. La samaritaine reçoit cette révélation. Les juifs au moment de l’Ecce Homo la rejettent.
Revenons à notre puits. Jésus est donc assis au bord. Il a soif. Et quand la samaritaine s’approche, il ne lui dit pas, comme sur la croix, dépouillé et à l’article de la mort : « J’ai soif ! ». Là, il lui demande : « Donne-moi à boire. » Il est en position de faiblesse par rapport à cette femme, puisqu’il n’a rien pour puiser et qu’elle en a les moyens : elle porte sa cruche. Mais il ne met pas en avant son besoin à lui, vital et humain. Il est très respectueux dans sa demande, tout en étant direct. Il demande avec autorité, mais il ose demander à une femme, qui plus est, étrangère. N fait, il se préoccupe de son besoin spirituel, à elle qui n’accède pas à sa demande. Elle ne se précipite pas au bord du puits pour y descendre sa cruche et la remonter pleine de l’eau fraîche qui lui ferait tant de bien physique ! C’est pourtant elle qui a la clef pour répondre à sa demande matérielle. C’est elle qui a le seau ou la cruche pour puiser. Au lieu de cela, immédiatement, le dialogue est enclenché sur le mode spirituel. La demande de Jésus « donne-moi à boire » contient la clef, la réponse à la question spirituelle que la samaritaine soulève par sa remarque spontanée : « Toi, un Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine ? » Toi, un Juif : Il est question immédiatement de la personne de Jésus dans la bouche de la samaritaine, mais elle ne le sait pas encore. C’est bien la personne de Jésus qui est le seau, la cruche, la clef à la question du don de l’Esprit, ce don de l’eau vive.
Le sens pragmatique de la samaritaine lui montre que Jésus n’a rien pour puiser l’eau matérielle et cette remarque l’adoucit. C’est comme si elle s’asseyait à son tour à son côté, sur la margelle du puits, songeuse : « Tu n’as rien pour puiser (…) avec quoi prendrais-tu l’eau vive ? » Et Jésus l’amène sur son terrain, petit à petit, ne détachant pas son regard de ses yeux à elle qui se sont abaissés et qui se pose la question : « Serais-tu plus grand que notre père Jacob qui nous a donné ce puits, et qui en a bu lui-même, avec ses fils et ses bêtes ? ». Question qui pèse le poids de l’héritage de ses ancêtres, contenant toute l’histoire du premier Testament d’où elle parle encore. Mais Jésus la fait aborder la source véritable, l’Alliance Nouvelle qu’il lui propose en sa personne : « Celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source jaillissante pour la vie éternelle. » À ces paroles de Jésus, la samaritaine est conquise : elle relève les yeux vers son visage et c’est elle qui lui demande à boire de cette eau spirituelle.
Jésus la gagne. Elle se laisse toucher et il avance, en lui demandant d’appeler son mari et de venir avec lui, pour profiter de ce don de l’Esprit, de sa propre personne, qu’il veut lui faire. Il connaît très bien sa vie : les cinq maris de son passé et l’homme qu’elle a actuellement et qui n’est pas son mari. Le chiffre parfait étant le sept, sans se proposer à elle directement comme Époux spirituel, elle déclare d’elle-même qu’il est prophète, qu’elle le voit bien puisqu’il lit sa vie comme en un livre ouvert. Alors elle laisse jaillir la question qui lui brûle les lèvres et l’âme de savoir où il faut adorer Dieu. Sur la montagne qui est là, en Samarie, où à Jérusalem comme le prétendent les Juifs ?Là, Jésus lui répond en l’appelant ‘femme’ : « Femme, crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père. » Comme quand Marie, sa mère, s’adresse à lui pour lui signaler que les invités aux noces de Cana n’ont plus de vin. Il lui répond : « Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue. » Dans les deux cas il est fait allusion à l’heure de sa mort sur la croix où aura lieu le don suprême de Dieu dans l’Esprit Saint, dans le sang et l’eau. Si la sixième heure, vers midi, correspondait à la révélation de la personne divine de Jésus, la neuvième heure, à quinze heure (15h), sera le moment de la kénose, de la remise entre les mains du Père de son souffle, et du don de l’Esprit saint quand le coup de lance transpercera son Cœur.
« L’heure vient », dit Jésus, « – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité ». Oui, l’heure vient où Jésus donnera son Esprit, par sa mort, le remettant au Père sur la croix. Déjà, à la croix, il nous donne son Esprit. Et quand il ressuscitera il enverra son Esprit sur la terre. C’est ce Jésus Eucharistie-là que nous adorons au saint Sacrement, en esprit et vérité. La circulation de l’amour entre les trois personnes divines, la Trinité, Dieu Trine, Père, Fils et Saint Esprit est ce don que Jésus nous fait par son sacrifice et sa résurrection. Nous recevons cette vérité, qui est le dynamisme de l’amour divin, quand nous adorons Jésus au Saint Sacrement. Cette vérité nous rend libre. C’est le règne de Dieu en soi. C’est l’authentique culte d’adoration de Dieu que nous recevons de la Nouvelle Alliance en Jésus Christ. Nous recevons le nouveau principe de vie, l’Esprit de Jésus, qui nous fait, nous crée « enfants de Dieu » [Jean 1,12-13 (Prologue) : Tous ceux qui l’ont reçu, ceux qui croient en son nom, il leur a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu. Ils ne sont pas nés de la chair et du sang, ni d’une volonté charnelle, ni d’une volonté d’homme : ils sont nés de Dieu. (Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité.)]
Et la samaritaine acquiesce : « Je sais qu’il vient, le Messie, celui qu’on appelle Christ. Quand il viendra, c’est lui qui nous fera connaître toutes choses. » Quand elle dit cela, je la vois encore songeuse et la tête baissée, attentive à ce qui se passe en son propre cœur, en elle-même, à l’écoute de son intériorité. Et elle en sait des choses ! Elle est déjà habitée, éclairée par l’Esprit de Jésus. Ses paroles sont de l’Esprit de vie contracté au toucher de Jésus. Et lui, de répondre : « Moi qui te parle, je le suis ». Paf ! un éclair intérieur, comment ne pas être tourneboulée… ? Comme du buisson ardent Dieu répondit à Moïse : « Je suis ». Oui, Jésus est bien le buisson ardent de la Nouvelle Alliance. Il est bien ce feu de l’amour qui consume toute sa personne sans qu’elle ne l’anéantisse. Il en rayonne par sa parole qui touche le cœur et nous met en mouvement. Un mouvement vertueux.
En effet, la samaritaine a à peine le temps de réaliser ce que Jésus lui révèle, qu’un mouvement de personnes se fait autour d’eux, et brise leur cercle intime. L’effet de la parole de Jésus révélant sa divinité à la samaritaine est tel qu’elle se met en mouvement aussitôt, elle aussi. Elle lâche la cruche, le seau, sans avoir servi le Messie, pleine qu’elle est de l’Esprit que vient de lui infuser Jésus, et elle part, retourne au village annoncer qu’elle a trouvé le Messie. Comme Marie qui vient de vivre l’Annonciation, pleine de l’Esprit saint — qui la couvrit de son ombre et insuffla la vie de Jésus en son sein —, partant sur les chemins, gravissant les montagnes à la rencontre de sa cousine Élisabeth —, de même la samaritaine n’a pas le loisir de savourer pour elle-même la rencontre avec Jésus : elle part annoncer la Bonne Nouvelle de la venue du Messie en la personne de Jésus. Elle devient illico-presto évangélisatrice. Les disciples reviennent avec les provisions qu’ils étaient partis quérir en ville. Ils les proposent à Jésus, pour qu’il se sustente, mais finalement, pas plus que sa soif, sa faim n’est matérielle. L’occasion pour Jésus de poursuivre sa catéchèse auprès des disciples pour leur montrer le Père, d’une autre manière qu’avec la samaritaine fraîchement convertie.
[Mais là, c’est une autre histoire : de pain, de semeur et de moissonneur qui pourrait faire l’objet d’une prochaine rencontre avec la Fraternité Eucharistique…].
Sandrine TreuillardEngagée dans la Fraternité Eucharistique
Chapelle Corpus Christi
23 av. de Friedland - Paris 8Animation de l'Adoration Eucharistique du 12 mai 2018 Chapelle Corpus Christi - avec la petite histoire de Notre-Dame du Saint-Sacrement
Retrouvez cet article avec les 4 précédents et le suivant du #JubiléPJEymard2018
Catéchèse Eucharistique L'idéal du Cénacle Comprendre l'Eucharistie dans sa totalité
avec S.Pierre-Julien EymardJésus et la Samaritaine
Étienne Parrocel (dit le Romain) - Huile sur toile, XVIIIè s.
Palais Fesch - Musée des Beaux-Arts, AjaccioIconographies, plus haut
Notre-Dame du Saint-Sacrement - Vitrail, Oratoire de la Maison Généralice -
Congrégation du Saint-Sacrement, Rome.
La Vierge à l'hostie - Jean-Dominique Ingres, Musée du Louvre.
La Sainte Cène - Vitrail oculus, Chapelle Corpus Christi Paris 8. -
Que le règne eucharistique du Christ arrive ! Conférence du P. Nicolas Buttet - SC Montmartre
À l'occasion de la Nuit d'Adoration au Sacré-Cœur de Montmartre du 20-21 avril 2018 : Conférence du Père Nicolas Buttet, fondateur de la Fraternité Eucharistein — du samedi 21 avril 2018 — invité par Gino Testa du Groupe de prière Padre Pio de Paris — à la suite de celle (Le 'chant' de st P-J. Eymard) du Père André Guitton, sss (Congrégation du Saint-Sacrement), biographe de st Pierre-Julien Eymard, de la communauté des Pères du Saint-Sacrement, Chapelle Corpus Christi - 23 av. de Friedland - Paris 8.
En voici la 'vidéo'-audio enregistrée par les soins des Bénédictines du Sacré-Cœur de Montmartre.« Très heureux de vous retrouver. Merci cher Père Guitton pour cette présentation si touchante de ce prophète de l'Eucharistie. Je pense que Pierre-Julien Eymard est vraiment le grand prophète de l'Eucharistie. Et vous savez que dans l'histoire de l'Église on appelle cela le 'désenveloppement du Mystère'. Tout est donné au départ, dans la personne de Jésus et, on le sait, la révélation s'achève avec la mort du dernier apôtre. Donc tout est dit. Mais là, les choses se désenveloppent, prennent une tournure particulière. Je vous parlais hier du Sacré Cœur. Il est bien là, ouvert sur la Croix, toute la dévotion se trouve là, il y a des textes merveilleux, comme ça… Mais finalement c'est au XIIème XIIIème siècle avec sainte Gertrude d’Helfta, sainte Metchilde de Hackeborn, sainte Metchilde de Magdebourg, Hildegarde de Bingen, où tout d’un coup le Sacré Cœur prend une première… Il y a une scène très belle où Hildegarde de Bingen voit le Sacré Cœur de Jésus, repose sur le Sacré Cœur de Jésus, et elle voit saint Jean. Et elle dit à saint Jean : « Tu es un petit cachotier ! Je suis sûre que quand tu as posé ta tête sur le Sacré Cœur de Jésus tu as dû sentir l’amour fou qu’il y avait dans son Cœur, et tu ne nous as rien dit ! Tu es un petit cachotier ! » Alors, saint Jean lui dit : « Effectivement, j’ai senti cet amour fou dans le Cœur de Jésus, mais Dieu m’a confié la mission d’annoncer le Verbe fait chair. Quant aux secrets insondables de son Cœur, ils sont réservés aux temps où la charité se refroidira sur la terre. » Et donc, ça va être Marguerite-Marie Alacoque, qui va recevoir cette dévotion au Sacré Cœur. Et puis on va voir que cette dévotion va se concentrer, se cristalliser, s’incarner, si j'ose dire, autour du Christ Eucharistique. Puisque c’est le Cœur Eucharistique de Jésus qui va être la grande dévotion de la fi du XIXème siècle mais un peu brève, malgré tout. Et saint Pierre-Julien Eymard fait partie, avec tous ses amis, avec Émilie Tamisier, avec le Père Antoine Chevrier, avec le Curé d’Ars… Ils étaient tous copains, c’est incroyable, il y avait une collection de saints qui se côtoyaient et qui priaient ensemble qui était absolument extraordinaire, hein ! C’était les potes de Jésus qui s’étaient rassemblés et ils voulaient annoncer. Ça, c’est important, c’est une belle leçon, parce que dans des moments de tiédeur et de froideur, Dieu veut vraiment rassembler ses amis pour nous donner le feu et nous donner la grâce d’évangéliser. Et puis tout d’un coup, on va voir que quand on va plus profondément dans ce Cœur de Jésus, on a la Miséricorde et c’est sainte Faustine. Finalement, toute la révélation de sainte Faustine se joue autour de Jésus Eucharistie. Et je vous disais, hier soir, cette phrase qui me touche beaucoup : « Dis bien au monde entier qu’il n’y aura pas de paix sur la terre si l’on ne vient pas à ma Miséricorde. Et le trône de ma Miséricorde c’est le Saint Sacrement. » Donc : « Dis bien au monde entier qu’il n’y aura pas de paix si l’on ne vient pas au Saint Sacrement. » Et donc, les prophéties du Père Pierre-Julien Eymard sur la conversion de la France, de l’Europe, sur la nécessité absolue de l’adoration, sur la grâce de l’adoration pour transformer le monde qui est pris dans la tiédeur et dont les âmes se croient ferventes et qu’elles ne le sont pas, parce qu’elles n’ont pas établi leur trône en Jésus Eucharistie… eh bien !, c’est vraiment maintenant que ce temps est là. Il nous est donné maintenant. Et avec cette Miséricorde qui jaillit du Cœur de Jésus. Et pour moi, cette prophétie de Faustine et cette prophétie de saint Pierre-Julien Eymard, est aussi importante que celle de Fatima, voyez-vous. Quand Marie dit, en 1917, que si on ne va pas se convertir, une guerre plus grave encore éclatera sous le pontificat de Pie XI… On est encore à l’époque du pape Benoît XV, Pie XII arrivera en 1922 sur le siège de Pierre, il mourra en 1938 et c’est vrai que la guerre éclate sous le pontificat de Pie XI, juste avant son décès. Marie annonce cela en 1917, et donc, à part Marie et le Ciel, personne ne peut savoir le nom du prochain pape, et elle l’annonce clairement, avec un signe aussi cosmique, qui aura lieu au début de l’année 1938, une lueur dans le ciel qui se verra de manière assez extraordinaire dans le monde, un peu partout. Parce qu’on n’aura pas écouté Marie, on aura cette tragédie, voyez-vous. Toute prophétie est conditionnelle, soumise à la liberté des hommes. Ninive se convertit, l’Europe ne se convertit pas. Voilà. Et aujourd’hui, le pape François a beaucoup insisté sur le lien entre Fatima et Akita, et donc, c’est quelque chose d’assez important, ce lien entre Fatima et Akita. Notre-Dame d’Akita a été reconnu par l’Église en 1984 et 1988 par le cardinal Ratzinger à Rome, c’est chez les Servantes Eucharistique du Sacré-Cœur, en montrant qu’il faut prier Jésus Eucharistie. Donc, au cœur du renouveau du monde, au cœur du renouveau de notre vie personnelle, au cœur de la guérison du monde, il y a Jésus Eucharistie. Il fallait être fou de la part de Jésus, de se rendre présent dans cette vulnérabilité-là, vous voyez… Bien sûr, c’est Dieu transcendant qui est là, mais c’est le bébé de Marie, c’est le vrai corps que Marie a porté dans ses bras, c’est ce Jésus qu’elle a touché, qu’elle a caressé, qu’elle a pris, et Joseph, et le vieillard Siméon : « Oh qu’il est chou ce petit bébé ! » Et c’est l’émerveillement des bergers à la crèche, voyez-vous… C’est ça ! l’Eucharistie. Alors on a tellement pris de la distance avec l’Eucharistie… On ne dérangeait pas le ‘Divin Prisonnier’. « Interdiction… » Un prêtre a écrit à son évêque : « Interdiction de déranger le Divin Prisonnier. » À un moment donné on interdisait de le toucher avec les dents. Or, comme je l’ai dit hier, le mot ‘trogein’ en grec, c’est ‘broyer avec les dents en faisant du bruit’. Et on est arrivé à dire que c’est un péché mortel de toucher avec les dents l’Eucharistie. Mais comment a-t-on pu vouloir tenir à distance ce Dieu qui se fait si proche, jusqu’à se faire manger et « descendre dans les latrines de notre corps »[1] ? (suite à retranscrire…)
[1] Voici le texte de Benoît XVI, citant S. Bonaventure : « Laissons-nous remplir à nouveau de cette joie : Où y a-t-il un peuple à qui Dieu est aussi proche que notre Dieu est proche de nous ? Si proche qu'il est l'un de nous, au point de nous toucher de l'intérieur. Oui, d'entrer en moi dans la Sainte Eucharistie. Une pensée qui peut être déconcertante. Sur ce processus, saint Bonaventure a utilisé, une seule fois, dans ses prières de Communion, une formulation qui secoue, qui effraie presque. Il a dit : "Mon Seigneur, comment a-t-il pu te venir à l'esprit d'entrer dans les latrines sales de mon corps ?". Oui, Il entre dans notre misère, il le fait avec conscience et il le fait pour nous pénétrer, pour nous nettoyer et pour nous renouveler, afin que, grâce à nous, en nous, la vérité soit dans le monde et le salut se réalise. »
P. Nicolas Buttet
Fondateur de la Fraternité Eucharistein -
Au terme de sa vie, le 'chant' de S. Pierre-Julien Eymard
À l’occasion d’une nuit d’adoration le vendredi 20 avril 2018 en la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre à Paris, organisée par M. Gino TESTA, du Groupe de prière de Padre Pio et animée par le P. Nicolas BUTTET, fondateur de la Fraternité Eucharistein, il m’a été demandé de participer le samedi 21 à une matinée studieuse où j’évoquerais la vie et la mission de S. Pierre-Julien EYMARD, en ce 150e anniversaire de sa mort.
Plutôt que de reprendre un exposé biographique, j’ai pensé offrir aux participants le texte des trois méditations du 28 avril 1868 – 3 mois avant sa mort – de sa Retraite dite de Saint-Maurice (Essonne) du 27 avril – 2 mai 1868.Il s’agit de notes personnelles : dans un texte concis il évoque, sous le signe de l’action de grâce, les grandes étapes de sa vie, de prêtre, de mariste, de fondateur. Sa vie singulièrement mouvementée – ‘J’ai été un peu comme Jacob, toujours en chemin, notait-il en 1865 – apparaît unifiée. D’emblée, il note la plus grande grâce de sa vie. Et comment les différents événements qu’il rappelle le conduisent à sa vocation d’adorateur et d’apôtre de l’Eucharistie. Toujours le Saint Sacrement a dominé, note-t-il également dans un autre texte.
Non seulement le P. Eymard est au terme de sa vie, mais depuis le 21 mars 1865, date à laquelle il s’est engagé par vœu à faire le don de sa personnalité au Seigneur, il vit dans la nuit de l’esprit, sans consolation intérieure, aux prises avec de nombreuses difficultés, dans un abandon total au bon vouloir de Dieu. Les notes qu’il transcrit sont lourdes de cette ultime expérience spirituelle.
Nous en devinons à mi-mots la profondeur. Il écrit ainsi le 30 avril : Quand les épreuves venaient du dehors ou du dedans, un quart d’heure devant le très Saint Sacrement me fortifiait, me rassérénait. Et aujourd’hui, des heures me laissent le cœur brisé. Au terme de sa retraite, à travers les orientations qu’il prend, il n’entend être tout simplement que le journalier de Dieu.
La conférence a été enregistrée, ainsi que celle du P. Nicolas Buttet qui a suivi, par les soins des Bénédictines du Sacré-Cœur de Montmartre. La vidéo-Audio est sur ce lien et ci-dessus. La retranscription intégrale de l'enseignement du P. André Guitton est lisible sur ce lien : Le 'chant' du P. Eymard - Sa dernière retraite, son testament spirituel.
Voici le texte des 3 méditations du 28 avril, tel que le P. Eymard l’a rédigé et tel qu’il est édité dans l’édition de ses Œuvres complètes.
NR 45,2 [mardi 28 avril 1868] 2e jour
de 6 h à 7 h
1re méditation – À la très Sainte Vierge
Grâces
Que de grâces Dieu m’a faites jusqu’à ce jour !
Comme il m’a aimé ! – À l’excès.
Que m’a-t-il refusé ? – Rien.
Que ne me donne-t-il pas à présent !
Je l’aime peu, et il m’aime tendrement.
Je le déshonore par ma vie, et il m’honore encore plus par ses dons et […].
Je le sers si mal, et il me garde à son service, comme si j’étais un bon serviteur.
Je suis si lâche et si infidèle à mes devoirs, à l’honneur de sa gloire, et il me laisse l’honneur et la puissance.
Il m’a confié la gloire de sa Société. Hélas ! Je la vole, je la vends, cette gloire. Et il ne reste à mon Maître qu’un serviteur infidèle et un ministre paresseux.
Qui de nous deux va se lasser ? Sera-ce moi ?
Quelle a été la source de mon peu de correspondance à la grâce ?
Je ne me suis jamais donné absolument, exclusivement.
J’ai servi Dieu par gloire propre.
J’ai servi Dieu pour mon amour-propre.
Je n’ai jamais embrassé résolument et constamment la pratique de l’humilité de Jésus. J’ai voulu être quelque chose avec Lui, par Lui. Voilà le dernier mot du vieil homme en moi.
Ô Marie ! Qui m’avez conduit et donné à Jésus, il faut maintenant me reconduire, me redonner à Jésus que j’ai perdu !
NR 45,3
2e jour – de 10 h à 11 h
2e méditation – Foi eucharistique
La plus grande grâce de ma vie a été une foi vive au très Saint Sacrement, dès mon enfance :
– grâce de communion : le désir de ma 8e [année] : tout vers elle.
– grâce de dévotion : visite journalière au très Saint Sacrement.
– grâce de vocation : à Fourvière : Notre Seigneur est au très Saint Sacrement, seul, sans un corps religieux qui le garde, l’honore, le fasse glorifier ! Pourquoi ne pas établir quelque chose, un Tiers-Ordre, etc. à La Seyne (saint Joseph), grâce de donation, de fusion, de bonheur, et qui a duré jusqu’à l’approbation apostolique, si douce.
– grâce d’apostolat : foi en Jésus. Jésus est là. Donc à Lui, pour [ou par] Lui, en Lui.
Renouvellement
J’ai bien demandé à Notre Seigneur de me renouveler dans cette grâce première. Jésus est là, seul, oublié des siens – stérile en son Sacrement.
J’ai bien demandé la résurrection de cette grâce – de mon état si peiné, si triste, si désolé depuis trois ans.
Oui, mon cœur a toujours aimé Jésus Hostie. Personne ne l’a eu ce cœur. Mais mon esprit, mais ma vie extérieure, mais mes rapports trop naturels, trop expansifs, voulant me faire louer de ma vocation, me consoler dans les âmes qui semblaient l’aimer, qui pouvaient le glorifier en moi : voilà le tombeau de cette grâce première.
Oh ! Jésus ! Des profondeurs, je crie vers toi. [Ps 129,1]. – Ressuscite en moi la grâce première. [Reprends ta conduite première] [Cf. 2Tm 1,6 – Ap 2,4].
NR 45,4
2e jour – de 3h à 4h
3e méditation – Vocation eucharistique
1° Notre Seigneur m’a appelé à son service eucharistique malgré mon indignité.
Il m’a choisi pour travailler à sa Société malgré mon incapacité et mon infirmité.
Il m’a conduit de la mort, et par la mort, à la vie de la Société.
Tout ce qu’on disait impossible est arrivé facilement, et à l’heure de Dieu.
À Dieu seul, amour et gloire !
2° Preuves de grâces :
– Dieu m’a conduit par degrés à sa Société. Il m’en montrait par fractions les sacrifices. Enfin, à La Seyne, il me les a tous demandés, jusqu’à la séparation [de la Société de Marie], – jusqu’à la croix, – jusqu’à l’abandon.
Or, avec quel bonheur j’ai dit oui à tout, après cette bienheureuse messe ! Et Dieu a tout agréé, et conduit à bonne fin.
– La douceur si grande, qui a duré tant d’années, et toujours croissante par l’Eucharistie, me dit le oui de Dieu.
La force qui en sortait, comme le fruit de sa fleur, m’assure le cœur de Dieu.
Puis :
– les sacrifices de mort à la pensée de l’œuvre, lors de Rome (P. Favre)3.
– La mort à la Société de Marie, si pénible.
– La mort à la réception de l’Archevêque de Paris, après treize jours d’agonie4.
– La mort au personnel quand, abandonné, tout seul.
– La mort à Paris, quand le Cardinal voulait nous renvoyer (sainte Thérèse)5.
– La mort par les sujets.
– La mort à Rome, lors du Décret6.
– La mort la plus sensible (séparation du premier [compagnon])7.
– La mort à l’estime des Évêques par Nemours8.
– des miens par…
– de moi par les plus pénibles épreuves depuis le… au…Et cependant la vie suit la mort. C’est la voie de la Société et la mienne.
NR 45,4.3 La rencontre à Chaintré le 22 avril 1856 avec le P. Favre, Supérieur général.
NR 45,4.4 La rencontre avec Mgr D. Sibour le 13 mai 1856.
NR 45,4.5 Le 15 octobre 1857, convocation du cardinal François Morlot qui lui demande les titres de l’approbation de l’institut.
NR 45,4.6 Au mois de mai 1863, à Rome où une accusation calomnieuse l’atteint.
NR 45,4.7 Le départ du P. de Cuers pour fonder son œuvre, en juin 1867.
NR 45,4.8 La fermeture de la communauté des Servantes de Nemours au mois de mai 1867.
[Extrait de La Retraite de Saint-Maurice – 27 avril – 2 mai 1868 – Œuvres complètes, vol. V, NR 45 , p. 391]
André Guitton, sss
Chapelle Corpus Christi
23 av. de Friedland - Paris 8Retrouvez cette article sur la page consacrée au #JubiléPJEymard2018
avec toutes les autres catéchèses sur l'Eucharistie. -
St P-J. Eymard, Apôtre de l'Eucharistie - Écoute dans la nuit - 19 avril 2018 (Podcast)
St Pierre-Julien Eymard, L'Apôtre de l'Eucharistie
Jean-Marie Marçais de Écoute dans la nuit invite :
— le Père du Saint-Sacrement André GUITTON, biographe du saint, Chapelle Corpus Christi Paris 8
— le Père du Saint-Sacrement Brel DAOUDA, supérieur régional du Congo Brazzaville
— Sœur Teresa HONG, supérieure des Servantes du Saint-Sacrement, Chapelle Notre-Dame du Saint-Sacrement, Paris 16
— Sandrine TREUILLARD, responsable de la Fraternité Eucharistique, Agrégation du Saint-Sacrement, Chapelle Corpus Christi Paris 8
Merci à Gino Testa, des Groupes de prières Padre Pio de Paris, à l'initiative duquel cette émission a été réalisée. -
Le Don de soi - à la suite de S. Pierre-Julien EYMARD
Introduction : Le Père Eymard est un passionné, épris de perfection et de sainteté. Sa retraite de première communion s’achève par cette assertion, Mon Dieu et mon tout. Dans sa retraite d’ordination sacerdotale, il est prêt à tout faire et à tout sacrifier pour Dieu. Novice mariste, il aspire à la sainteté et au martyre.
Mais c’est comme fondateur qu’il découvre, en son cheminement personnel, la réalité du Don de soi. Nous en percevons la trace et le développement dans ses retraites de fondateur, de 1863, 1865 et 1868.
C’est dans sa première retraite de Rome en 1863 qu’apparaît une réalité nouvelle. Il est allé à Rome pour présenter à Pie IX la demande d’approbation de son Institut. Il a remis ses documents à la Congrégation des Évêques et Réguliers, et tout va pour le mieux. Et puis il y a eu cette dénonciation calomnieuse concernant la communauté de Paris – comme si Religieux et Servantes cohabitaient ! – et il a fallu attendre quelque peu. Le P. Eymard profite de ce délai pour faire une retraite, du 17 au 24 mai, chez les Passionistes à Saints-Jean-et-Paul sur le Caelius, près du Colisée. En cette retraite, le P. Eymard est moins soucieux de sa Société que de lui-même. Je viens faire cette retraite, note-t-il, pour devenir un saint. Le gros travail de la Société est fait. Reste l’intérieur et ce sera le plus difficile – Je n’ai été qu’un homme extérieur. Au terme, il écrit : J’ai demandé le Saint-Esprit, non plus pour les autres, mais en moi. - J’ai compris enfin que Dieu aime mieux un acte de mon cœur, le don de ma personne, que tout ce que je puis faire au-dehors ; qu’un acte intérieur lui est plus glorieux et aimable que tout l’apostolat de l’univers. Et il conclut par cette singulière connaissance qu’il a reçue de lui-même : Hier, Notre Seigneur m’a montré une incroyable vérité, c’est que mon amour pour lui et la Société a été un amour de vanité. Depuis 1856, le P. Eymard s’est beaucoup dépensé pour fonder la Société du Saint-Sacrement, préparer les premières Servantes avec Marguerite Guillot, organiser l’œuvre de la Première communion des adultes à Paris, puis l’Agrégation du Saint-Sacrement à Marseille, établir une troisième communauté à Angers. Avec l’approbation des Religieux du Saint-Sacrement, son œuvre est établie de façon stable et durable. C’est l’extérieur. Reste l’intérieur, note-t-il, et ce sera le plus difficile.
Cette première retraite de Rome est un prélude à la Grande retraite de Rome en 1865, où il recevra la grâce suprême du don de soi.
C H E M I N E M E N T D’U N E E X P É R I E N C E
Contexte – Il importe de situer la Grande retraite de Rome dans son contexte. Brièvement. Après l’approbation de son Institut par Pie IX le 8 mai 1863, le P. Eymard se retire au mois d’octobre au château de Saint-Bonnet, près de Lyon, chez son ami M. Blanc de Saint-Bonnet. Là, il travaille, libre de toute autre activité extérieure, à la rédaction des Constitutions de ses Instituts religieux. Vers la fin de son séjour, il confie au P. de Cuers son projet d’établir une communauté au Cénacle à Jérusalem. Et il s’emploie sans tarder à le réaliser : premier envoi du P. de Cuers accompagné du Fr. Albert Tesnière à Jérusalem comme éclaireur au mois de janvier – mai 1864. Difficultés diplomatiques et autres. Second envoi du P. de Cuers au cours de l’été. Mais sans succès. Dès lors, il décide de se rendre lui-même à Rome pour suivre les démarches auprès du Saint-Siège. Alors qu’il pensait la chose aisée à régler, il perçoit dès son arrivée à Rome le 10 novembre 1864 que ce sera difficile. À plusieurs reprises, le cardinal Préfet lui répète : ‘On aurait dû commencer par acheter’ Il avait l’air de dire le fait accompli. [À de Cuers, 22 novembre 1864, CO 1486 ; IV,133]. Deux mois après son arrivée, les choses traînant, il entre en retraite chez les Rédemptoristes le 25 janvier 1865, en la fête de la Conversion de saint Paul.La Grande retraite de Rome est à situer dans ce contexte historique : une affaire à suivre en cour de Rome et une démarche personnelle qui l’engage personnellement.
1- L’objet de sa retraite - Le P. Eymard ouvre sa retraite avec la question de l’Apôtre : Que veux-tu que je fasse ? L’objet de la question n’est pas le Cénacle, mais lui-même : Ne travailler qu’à ma sanctification personnelle, par exclusion absolue de toutes personnes et choses – Être tout entier à la grâce du moment et à elle seule. – La retraite constitue une extraordinaire quête de lui-même, sous l’action de l’Esprit Saint. Il se met dans une disponibilité totale à l’action de Dieu en lui. Il n’y a pas de plan préconçu. Les thèmes surgiront selon les temps liturgiques et les inspirations du moment.
Ce thème de la recherche de la volonté de Dieu est développé dans la 3e méditation du 2e jour. On peut noter l’expression qui revient en de multiples occasions : J’ai vu – dans une grande ET lumineuse vérité, qui révèle que c’est sous l’action de l’Esprit Saint qu’il se découvre lui-même. Voici ce texte :
J'ai vu dans ma méditation souffrante de corps et d'âme, une grande et lumineuse vérité, qui est la clé de ma vie, que j'avais aperçue quelquefois, mais en courant et comme en en ayant peur. C'est que je n'ai dit le Domine quid me vis facere [Ac 9,6] que pour la grandeur, la gloire du service de Dieu, que pour l'amour de gloire de Notre Seigneur, que pour son triomphe par le zèle, par le succès de son culte. - Pour mieux dire ma pensée, j'ai aimé Notre Seigneur et son service comme le serviteur d'un grand roi, […] un amour de Dieu de vanité. – […] Le moi s'est glissé en tout, est devenu mon langage, mon sentiment délicat jusque dans le soin des âmes, dans les œuvres de Dieu [NR 44, 4 : V,253].
Telle est l’ouverture de la retraite, comme le prélude, qui va se développer avec une grande liberté.
2- Le fil rouge : se donner – Très rapidement, apparaît le thème qui va se développer tout au long de sa recherche. Le 29 janvier, il choisit comme thème de sa méditation : Comment je me suis donné à Notre Seigneur. Il découvre qu’il ne s’est donné au service du Seigneur que par vanité. Et il se demande :
Qu'est-ce qu'il me faut ? Me donner à Jésus-Christ, et le servir par le don, l'holocauste de moi-même. C’est toi que je veux, et non tes dons [cf. Im 4, 8: 3]. Notre Seigneur m'a fait comprendre qu'il préfère le don de mon cœur à tous les dons extérieurs que je pourrais lui faire, quand [bien] même je lui donnerais les cœurs de tous les hommes, sans lui donner le mien. Mon fils donne-moi ton cœur [Pr 23,26] [NR 44,8 ; V,226].
Voilà une méditation qu’il juge fondamentale.
3- Un jalon sur la route du Cénacle : Le jour anniversaire de son baptême, le 5 février, il médite sur la grâce reçue en ce jour béni – une recréation en Notre Seigneur, en Jésus Christ, mais en Jésus Christ crucifié. Sa 3e méditation sur La chair, ennemie de l’Esprit Saint s’achève par cette réflexion :
Ce qui m'a fait du bien, c'est de comprendre qu'un acte de mépris sur moi rendrait plus de gloire à Dieu que le succès de la Société par moi, ou même du Cénacle, parce que ce serait le cénacle en moi, et la gloire de Dieu en moi – ce que Dieu préfère à tous les hommages que je lui ferais sans moi, en dehors de moi. Voilà une royale vérité [NR 44, 23 ; V,271].
Il ne s’agit plus de faire quelque chose – même à la limite de transformer le Cénacle en sanctuaire d’adoration – mais bien de devenir comme un cénacle, d’être.
4- Le Don en sa totalité – Dare totum pro toto – À bien des reprises, le Père Eymard renouvelle le don qu’il a fait de lui-même au Seigneur, mais, semble-t-il, de façon fragmentaire. Le 16 février, après une nuit difficile - Pauvre et triste nuit. Ai-je souffert ! note-t-il, il écrit :
En me réveillant ce matin, plusieurs fois cette pensée de l'Imitation m'est venue : Il est étrange [Mirum] que vous ne vous abandonniez pas à moi du fond du cœur, avec tout ce que vous pouvez désirer ou posséder. - En me levant, je me suis prosterné jusqu'à terre et ai demandé lumière et grâce. Notre Seigneur m'a bien récompensé de m'être levé plus tôt, et malgré la fatigue de la nuit. - J'ai cherché le chapitre de ce mirum ! C'est le 27e du 3e livre [Im 3, 27: 7]. J'y ai lu : Il faut mon fils, que vous vous donniez tout entier pour posséder tout, et que rien ne soit à vous-même. […] Nul lieu n'est un sûr refuge (retraite Salaise), si l'on manque de l'esprit de ferveur ; et cette paix qu'on cherche au-dehors ne durera guère, si le cœur est privé de son véritable appui, c'est-à-dire si vous ne vous appuyez pas sur moi. Vous changerez, et vous ne serez pas mieux. – Soutenez-moi, Seigneur, par la grâce de l'Esprit Saint. Fortifiez-moi intérieurement de votre vertu […]. – Donnez-moi, Seigneur, la sagesse céleste, afin que j'apprenne à vous chercher et à vous trouver, à vous goûter et à vous aimer par-dessus tout […] Voilà tout le secret trouvé ! - Donner à Notre Seigneur mon moi sans condition. Je l'ai donné, je l'ai juré devant le très saint Sacrement à la consécration. […] Renouveler mon don du moi, comme ma respiration. [..] Totus tuus – Vous êtes tout à moi, et je suis tout à vous [Im 3, 5: 24] [NR 44, 42 ; V,288].
Le P. Eymard franchit une nouvelle étape dans sa découverte du ‘Don’ : c’est la notion de ‘totalité’ : à la suite du Christ qui s’est donné sans réserve, le Père se consacre totalement à lui lors de la célébration de l’Eucharistie à la consécration.
5- Sois à moi dans mon Sacrement – Le 21 février, il médite sur son ‘Service eucharistique’,
Il perçoit une double exigence : personnelle, faire son devoir d’adorateur, comme tout autre religieux, et concernant sa communauté, rendre ses frères de bons religieux, de bons adorateurs. Au terme de l’examen qu’il fait sur sa conduite, il reçoit une nouvelle lumière. Il note :
À la fin de ma méditation, une très belle pensée m'est venue, assurément de la miséricorde de Notre Seigneur. Je lui demandais comment il me voulait à son service. Et alors, il me semble entendre cette parole : “Sois à moi, dans mon sacrement, comme j'ai été à mon Père dans mon incarnation et ma vie mortelle.” Cette pensée m'a vivement frappé. J'en ai remercié ce bon Maître. Et je me suis donné de nouveau à lui, pour être tout à lui comme il était à son Père. Mais comment Jésus est-il à son Père dans sa vie divine de Verbe, comment était-il à son Père dans sa vie mortelle, comment est-il à son Père en sa vie sacramentelle, voilà ce que je dois examiner, répéter en moi.
Oh ! quelle belle pensée ! Je dois être à Jésus ce que Jésus est à son Père : Moi en eux et toi en moi [Jn 17,23]. – Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez en mon amour [Jn 15,9]. C'est le [Ce n’est plus moi qui vis,] mais le Christ qui vit en moi [Ga 2,20] de saint Paul.
Mais prions pour voir cette vérité, et nous y livrer corps et biens [NR 44, 57 ; V,304].
Un mois avant la grâce du don de la personnalité, la pensée du P. Eymard s’oriente vers le mystère de l’incarnation du Christ et la situation concrète du Père dans sa vocation eucharistique.
6- Dans un temps d’épreuves extrêmes
La Grande retraite de Rome constitue un temps d’épreuve.
D’abord, du fait du long délai qui lui est imposé dans l’attente d’une réponse à sa question. Le P. Eymard savait d’expérience qu’à Rome les choses trainent en longueur. Un moment, il avait pensé à regagner Paris. Mais il s’était repris. Si à Rome on ne pousse pas, si on n‘est pas là, c’est long, avait-il écrit au P. de Cuers le 2 décembre 1864 [CO 1490 ; IV,139] et il était resté. Les autres activités attendraient.
Du fait surtout de ses relations avec le P. de Cuers, de plus en plus tendues. Nous ignorons les reproches qu’il reçoit de son premier compagnon, mais le 9 mars, dans sa 3e méditation sous le titre Tempêtes, il ne peut s’empêcher d’exhaler sa souffrance :
Oh Dieu ! quelle tempête m'a assailli pendant une heure ! Que n'a pas pensé mon imagination, mon esprit agité, sévère ! Ma volonté en était presque fiévreuse. Mon cœur, cependant, est resté sans aigreur, sans idée de vengeance, ou plutôt de mesure de rigueur contre ce que je croyais de contraire à l'esprit de soumission + + +, et un faux principe en ce cher confrère, qui n'y voit pas plus loin que ses vieilles idées [NR 44,91 ; V,336].
Cet état de souffrance durera plusieurs jours avant qu’il n’acquiesce le 20 mars, dans sa 3e méditation, Croix :
J'ai offert les trois croix d'aujourd'hui, qui étouffaient mon cœur et brisaient mon âme. Pour la première fois, j'ai accepté, je me suis mis à la disposition du silence, de la patience, de l'abandon entre les mains de Dieu. […] Il faut prier, patienter, bénir Dieu et voilà tout. – Voir surtout le bien, le juste, le vrai de la croix ! [NR 44, 117 ; V,368].
Le lendemain, dans sa 1e méditation sous le titre de Croix des saints, il poursuit sa méditation sur le même thème en évoquant l’exemple des saints, apôtres et fondateurs notamment :
Il n'y a pas de saint qui n'ait été crucifié par le monde, – qui ne se soit crucifié, – que Dieu n'ait crucifié d'une manière admirable. - Ce sont surtout les saints Apôtres, les fondateurs des familles religieuses qui ont le plus souffert. - Fonder, c'est creuser la terre de son cœur, tailler des pierres, les marteler, les cimenter, les unir, leur ôter leur état brut, les polir, leur ôter leur liberté et même leur forme. [Nr 44, V ; 118,369].
À l’image de la construction onéreuse, - il faut creuser la terre de son cœur -, il joint celle d’un accouchement douloureux, d’une naissance nouvelle, à la suite de s. Paul - Mes petits enfants, vous que j’enfante à nouveau dans la douleur. Dans cet état de déréliction, il s’abandonne à Dieu :
Mon Dieu ! me voici, avec Jésus au jardin des Olives. Voulez-vous que tous m'abandonnent ? que tous me renient ? que personne ne me reconnaisse plus ? que je sois comme une charge, un embarras et une humiliation ? - Me voici, Seigneur. Brûle, taille-moi, dépouille-moi, humilie-moi. Donne-moi seulement aujourd'hui ton amour avec ta grâce, et demain la croix avec l'épreuve. Mais que je sois ton escabeau à toi, qui es présent dans la sainte hostie [NR 44,118 ; V,370].
7- Le don de sa personnalité
C’est alors qu’il reçoit, durant l’action de grâce de sa messe, comme une réponse à sa longue attente, le don de la personnalité. C’est un texte que nous ne cesserons jamais de méditer :
Action de grâcesÀ la fin, j'ai fait le vœu perpétuel de ma personnalité à Notre Seigneur Jésus-Christ, entre les mains de la très sainte Vierge et de saint Joseph, sous le patronage de saint Benoît (sa fête) : rien pour moi, personne, et demandant la grâce essentielle, rien par moi. Modèle : Incarnation du Verbe.
Or, comme par le mystère de l'Incarnation, l'humanité sainte de Notre Seigneur a été anéantie en sa propre personne, de sorte qu'elle ne se cherchait plus, elle n'avait plus d'intérêt particulier, elle n'agissait plus pour soi, ayant en soi une autre personne substituée, [à] savoir celle du Fils de Dieu, qui recherchait seulement l'intérêt de son Père, qu'il regardait toujours et en toutes choses ; de même, je dois être anéanti à tout propre désir, à tout propre intérêt et n'avoir plus que ceux de Jésus-Christ qui est en moi afin d'y vivre pour son Père. Et c'est pour être ainsi en moi qu'il se donne dans la sainte communion. De même que le Père qui est vivant m’a envoyé, moi aussi je vis par le Père, et celui qui me mange vivra lui aussi par moi [Jn 6,57].
C'est comme si le Sauveur disait : en m'envoyant par l'Incarnation, le Père m'a coupé toute racine de recherche de moi-même, en ne me donnant pas la personne humaine, mais en m'unissant à une personne divine, afin de me faire vivre pour lui ; ainsi, par la communion, tu vivras pour moi, car je serai vivant en toi. Je remplirai ton âme de mes désirs et de ma vie qui consumera et anéantira en toi tout ce qui est propre. Tellement que ce sera moi qui vivrai et désirerai tout en toi, au lieu de toi. Et ainsi, tu seras tout revêtu de moi. Tu seras le corps de mon cœur ; ton âme, les facultés actives de mon âme ; ton cœur, le réceptacle, le mouvement de mon cœur. Je serai la personne de ta personnalité, et ta personnalité sera la vie de la mienne en toi. – Je vis, mais ce n’est plus moi. C’est le Christ qui vit en moi [Ga 2,20] [NR 44, 120 ; V,371].
Le premier paragraphe relate l’événement de façon précise et sobre. Il est suivi d’une citation tirée du Catéchisme de la vie intérieure de Monsieur Olier, qui en explicite le contenu.
Le lendemain, en sa 1ère méditation, il développe le contenu de ce don dans sa méditation sur L’union de Notre Seigneur :
J'ai médité sur l'union de Notre Seigneur avec nous, union qui doit être la vie de mon vœu de personnalité. – Absque sui proprio [sans rien qui lui appartienne].
Pourquoi Notre Seigneur désire-t-il tant cette union ? Pourquoi la demande-t-il ? Car [?] cette union est[-elle] possible, convenable et utile à Notre Seigneur ?
Notre Seigneur désire cette union pour mieux glorifier son Père sur la terre, en s'incarnant en quelque sorte dans chaque chrétien, afin d'en devenir comme la personnalité divine et continuer sur ce chrétien uni ce que sa personne divine fit sur les actions de sa propre nature humaine, – de les élever par la dignité divine de sa personne et par la force et la puissance de cette union jusqu'au mérite divin, jusqu'à les rendre des actions divines.
C'est donc Notre Seigneur qui veut revivre en nous, et continuer par nous la glorification de son Père comme en ses membres, afin que le Père céleste ait pour agréables toutes nos actions propres, – que, les voyant et les recevant de son divin Fils notre Sauveur, il y trouve ses complaisances et qu'ainsi il vive et règne en chacun des hommes, comme en autant de membres de Jésus-Christ, – et par cette vie et ce règne soit paralysé et détruit le règne du démon son ennemi, – qu'il reçoive de toutes les créatures et de la création, le fruit d'honneur et de gloire qui lui est dû [NR 44, 121 ; V,372].
8 – En conclusion
Le 29 mars, le P. Eymard apprend que sa demande concernant le Cénacle est rejetée. Il s’était préparé à cette éventualité dans une méditation la veille sur l’Abandon : Comme acte d’abandon, je me suis bien abandonné à la sante volonté de Dieu pour la décision à recevoir demain… Je me suis bien mis dans le bon plaisir de Dieu [NR 44, 135 ; V,386].
Il acquiesça en silence et demanda la grâce, le don, la vertu de force - Force qui vient de l’amour – L’amour est fort comme la mort - . Mais cet amour pur, qui fut celui de l’incarnation par le sacrifice du moi humain en Notre Seigneur [R 44, 138 ; V,389].
Ainsi s’achève la Grande retraite de Rome. Humainement, c’est l’échec. Mais le P. Eymard quitte Rome avec une réalité autre, qu’il avait entrevue le 5 février 1865, le cénacle en moi, et la gloire de Dieu en moi – ce que Dieu préfère à tous les hommages que je lui ferais sans moi, en dehors de moi. Voilà une royale vérité [NR 44, 23 ; V,271].
QUELQUES REMARQUES
1- Le Don de soi, tel que l’a vécu – et le propose – le P. Eymard est l’épanouissement de la grâce baptismale, en sa dimension plénière. Il en va de même pour l’Eucharistie, célébrée et vécue en sa plénitude, réalisant ainsi la parole qu’il avait reçue le 21 février : “Sois à moi, dans mon sacrement, comme j'ai été à mon Père dans mon incarnation et ma vie mortelle. ”
2- Dans la tradition de l’École française de spiritualité du 17e s. le point de départ est l’Incarnation du Verbe et sa vie mortelle. En réalité, c’est dans le mystère pascal que le Christ réalise pleinement le don de lui-même à son Père, comme il l’exprime dans la prière ‘sacerdotale’ du chap. 17 de l’évangile de s. Jean : Pour eux, je me consacre moi-même, afin qu’ils soient consacrés par la vérité. (Jn 17, 19). Aussi bien est-ce en cette eucharistie du 21 mars que le P. Eymard reçoit cette grâce et fait le vœu de vivre dans cette dépendance entière du Christ ressuscité, avec le double aspect d’anéantissement à son moi égoïste, de dépouillement du vieil homme – ce n’est plus le moi – et de revêtement du Christ à la gloire du Père – c’est le Christ qui vit en moi. C’est la communion eucharistique qui signifie de la façon la plus expressive cette ‘union de société’ selon le terme du P. Eymard, et la réalise. Entre Incarnation et Communion, il y a le mystère de la Croix glorieuse.
3- Cette grâce ne saurait se mériter : elle est pur don de Dieu. Il s’agit d’une grâce transformante qui opère souverainement en celui qui la reçoit et l’introduit dans la vie unitive des mystiques. Dans son acte d’abandon du 29 mars, le P. Eymard s’est mis dans le bon plaisir de Dieu. Sur le chemin qui le ramène à sa communauté de Paris, il fera une halte à Lyon et partagera, les seules sans doute, avec Mme Natalie Jordan et sa fille Mathilde quelque chose de son expérience romaine. Par la suite, il donnera à ses communautés, tant des religieux que des Servantes, un enseignement sur le don de la personnalité, en soulignant sa spécificité – peu l’ont enseigné leur dira-t-il, - et son lien avec une vie pleinement eucharistique, Retraites aux Servantes à Nemours au mois de novembre 1866, - aux Religieux de Paris au mois d’août 1867.
4- Le P. Eymard a vécu cette dernière période de sa vie au milieu de mille difficultés, qu’il énumère en sa dernière retraite à Saint-Maurice. Il vit alors dans la foi pure, sans aucune consolation, avec la seule certitude de sa foi et de son amour.
Dans son exhortation apostolique La joie et l’allégresse sur la sainteté, qui vient de paraître, le pape François conclut son exposé avec cette double attitude de l’écoute et du don. Nous pouvons penser à Pierre-Julien enfant, caché derrière le tabernacle de l’autel à La Mure : Je suis près de Jésus et je l’écoute. Puis au fondateur, au sommet de son ascension spirituelle à Rome, dans ce don total de lui-même : Rien pour moi, personne. Rien par moi.- « Lui [Dieu] qui demande tout donne également tout et il ne veut pas entrer en nous pour mutiler ou affaiblir mais pour porter à la plénitude », selon les termes du pape François (n° 175).
André Guitton, sss
14 avril 2018
Chapelle Corpus Christi, Paris 8Retrouvez ici cet article avec toutes les catéchèses de la Fraternité Eucharistique
du #JubiléPJEymard2018
Comprendre l’Eucharistie dans sa totalité avec St Pierre-Julien EymardProchaine catéchèse le 12 mai :
Adorateurs en esprit & en vérité avec Notre-Dame du Saint-Sacrement.
Depuis enfant, la Vierge Marie occupe une place importante dans la vie de Pierre-Julien.
À 13 ans, il fait son second pèlerinage, seul et à pied (80km) à Notre-Dame du Laus.
Elle le guidera fortement dans sa vocation sacerdotale, puis de religieux Mariste.
Il choisira le vocable "Notre-Dame du Saint-Sacrement" pour la fête de la fondation de la Congrégation (13 mai 1856).
Jusqu'à ses derniers instants elle sera là : Notre-Dame de La Salette à son agonie.
En cette 5ème et avant-dernière catéchèse nous nous attacherons à son parcours saint avec la Vierge.
L'adoration eucharistique qui suivra prendra la forme d'une méditation dévoilant l'intitulé de la catéchèse.À venir :
Neuvaine à Notre-Dame du Saint-Sacrement avec le P. Eymard
26 mai - 3 juin (Solennité du St-Sacrement)
Avec Hozana et la communauté de prière Saint-Pierre-Julien Eymard — Chapelle Corpus Christi Paris 8 -
Repartir du Cénacle — Rallumer la passion pour notre Mission Eucharistique
REPARTIR DU CÉNACLE
RALLUMER LA PASSION POUR NOTRE MISSION EUCHARISTIQUE
La Mure, été 1865 et 2014
L’été à La Mure nous réserve toujours des surprises. Une surprise inattendue mais désirée est l’arrivée du père Eymard, ”lou paourou de Dieu” (”le pauvre de Dieu”), comme les gens l’appellent ici en patois. Sa parole attire, tout le monde aime l’écouter et le rencontrer parce qu’il est resté simple et proche de tous. Cette année il me semble plus fatigué que d’habitude. C’est pour cela que dans un premier moment je n’ai pas osé l’approcher. Mais une lumière particulière, qui brillait dans ses yeux, a vaincu la crainte de le déranger. Je lui ai proposé une petite ballade. Nous avons gardé longtemps le silence. Finalement un mot est sorti de ses lèvres et cela a permis le dialogue.
Pierre-Julien : Oh, le Cénacle !
Manuel Barbiero : Le Cénacle ?
P.J. : Oui, le Cénacle… c’est un mot qui me fait toujours rêver, plein de suggestions, il me parle d’un lieu aimé et désiré.
M.B. : Tout le monde sait que l’année dernière, au mois de novembre, tu es parti à Rome pour traiter la grande affaire du cénacle de Jérusalem, et que malheureusement la question n’a pas eu un grand succès.
P.J. : En effet je rêvais de fonder une communauté à Jérusalem, dans le cénacle même, si cela était possible. Mais pour moi le Cénacle ce n’est pas seulement celui de Jérusalem.
M.B. : Ton idée a traversé les siècles. Aujourd’hui, notre Congrégation a pris comme slogan « repartir du Cénacle ».
P.J. : J’ai entendu cela. Mais je ne voudrais pas qu’on se trompe au sujet du Cénacle. Pour moi le Cénacle, ce « cher Cénacle », a représenté un véritable appel, une vocation. Le Cénacle est le lieu où Jésus a institué l’Eucharistie et révélé les richesses de son amour pour nous ; c’est le lieu de la foi et de l’amour. Il est aussi le lieu où les disciples, réunis avec Marie, priaient attendant l’Esprit Saint, qui est descendu avec puissance. C’est le lieu où, après la Pentecôte, les premiers disciples se réunissaient assidus à l’enseignement des apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières. Du Cénacle les apôtres, craintifs et renfermés, sont sortis, avec un courage nouveau, pour convertir le monde. À partir de ce moment-là le feu de la Pentecôte, ne s’est plus éteint. Il a donné aux apôtres la puissance de leur mission.
M.B. : Ce que tu viens de dire me rappelle ce que notre Pape François a dit lors de son pèlerinage en Terre Sainte, le mois de mai dernier (2014), quand il a célébré la messe dans la salle du Cénacle à Jérusalem. Lui aussi a parlé du Cénacle comme le lieu de la dernière Cène et de la descente de l’Esprit Saint sur Marie et sur les disciples. Le Cénacle, a dit le Pape, nous rappelle le service, le lavement des pieds que Jésus a accompli, comme exemple pour ses disciples ; il nous rappelle, avec l’Eucharistie, le sacrifice. Dans chaque célébration eucharistique, Jésus s’offre pour nous tous au Père, pour que nous aussi nous puissions nous unir à Lui, en offrant à Dieu notre vie, notre travail, nos joies et nos peines. Le Cénacle nous rappelle l’amitié, le partage, la fraternité, l’harmonie, la paix entre nous. Le Cénacle enfin nous rappelle la naissance de la nouvelle famille, l’Église. À cette grande famille sont invités tous les enfants de Dieu de tout peuple et de toute langue, car tous frères et enfants de l’unique Père qui est dans les cieux.
P.J. : J’aime fort bien ce que le Pape a dit au sujet du Cénacle. Mais il y a un aspect qui me tient à cœur. Moi, je rêvais de pouvoir célébrer la messe dans le Cénacle, d’y exposer le Saint Sacrement, mais Dieu avait d’autres projets pour moi. À Rome, lors de cette grande affaire qui, comme tu le disais tout à l’heure, n’a pas aboutie, j’ai fait une grande découverte.
M.B. : Peux-tu me raconter ce que tu as vécu à Rome ?
P.J. : Je ne pensais pas que mon affaire aurait trainé si longuement. J’ai alors décidé de faire une retraite. Elle a duré 65 jours. Pendant cette retraite j’ai eu la grâce de comprendre ce que Dieu voulait vraiment de moi : le don de ma personnalité. J’ai compris, et cela grâce à un don de Dieu et à l’action de l’Esprit Saint, qu’on peut donner à Dieu tous les cœurs de tous les hommes de la terre, qu’on peut faire des grandes choses, mais si on garde pour soi son propre cœur, si on ne le donne pas totalement à Dieu, on n’a rien fait. Dieu m’a révélé un autre cénacle, le Cénacle intérieur. Comprends-tu cela ?
M.B. : Qu’est-ce que c’est plus précisément ce Cénacle intérieur ?
P.J. : C’est le Christ qui a envahi totalement ma vie ; il voulait vivre en moi, se former en moi, grandir en moi, pour me faire partager jusqu’au bout son mystère pascal, mystère d’abaissement et de gloire infinis. Il voulait me faire partager son amour pour son Père et pour tous les hommes. Au fur et à mesure que le Christ prenait progressivement forme en moi, je me suis rendu compte que ce n’était plus moi qui vivait, mais lui, le Christ vivait en moi. Il était devenu mon conseiller, ma force, ma consolation, mon centre d’amour.
M.B. : Pendant que le père Eymard parlait, je retenais mon souffle, tellement ce qu’il disait était fort et beau. Finalement j’ai osé un mot : comment y arriver ?
P.J. : Il faut un amour de noble passion, qui enlève tout d’un coup, qui donne tout d’un trait, un amour fort comme la mort. J’ai découvert, comme à nouveau et d’une manière plus profonde, que Dieu m’aime, moi, personnellement, d’un amour de bienveillance, d’un amour infini et éternel. Et l’amour veut l’union, il ne veut pas être heureux seul, l’amour fait l’identité de vie. L’amour, en effet, désire devenir une seule chose avec la personne aimée, sans séparation ni distinction, sans perdre pour autant sa propre identité. J’ai accepté de demeurer dans cet amour, en toute simplicité, comme un enfant. Le Cénacle intérieur est aussi le fait de demeurer en Jésus Christ, dans son amour, dans l’intimité, cœur à cœur avec lui. Le Cénacle intérieur est le Règne de Dieu en nous. Je me suis mis et remis entièrement sous l’action de l’Esprit Saint, afin de me laisser conduire par lui, façonner par lui. C’est l’Esprit Saint qui m’a conduit à faire ce don. Le même Esprit qui a opéré l’incarnation de Jésus Christ en Marie, qui rend présent le Christ sur l’autel et qui le vivifie en chacun de nous. C’est l’Esprit qui fait que nous devenons « Celui que nous avons reçu ».
M.B. : Tu me sembles fatigué, mais je vois une grande lumière briller dans tes yeux et une force extraordinaire habite tes paroles.
P.J. : Mon cher ami, je vois bien aujourd’hui : Donnes tout pour trouver tout. Donnes jusqu’à la mort, à la gloire du Christ. Une parole de saint Ignace martyr m’a saisi : Je suis le froment du Christ ; et j’ai ajouté : Que je sois moulu par la mortification, que je sois cuit au feu de l’amour, pour que je devienne un pain pur.
M.B. : Mais finalement est-ce que tu peux me dire en quoi ta vie a changé ? qu’est-ce qui s’est produit ?
P.J. : Rien d’extraordinaire extérieurement, si tu veux ; mais à partir du moment où j’ai fait le vœu de ma personnalité, j’ai senti que toute ma personne devenait comme un pain nouveau pour mes frères. Ce que Jésus avait annoncé dans l’évangile de St Jean - qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui, et il vivra pour moi - se réalisait vraiment.
M.B. : Est-ce que tu peux m’expliquer un peu mieux ce que cela veut dire pour toi ?
P.J. : Je ne sais pas si j’arrive à me faire comprendre, mais je me suis trouvé comme établi dans une relation nouvelle avec Jésus Christ, dans une relation stable, une union d’amour et d’amitié tellement forte que par cette union mes actions devenaient en quelque sorte les actions de Jésus Christ. La vie de Jésus, ses pensées, ses sentiments, ses désirs, sa manière d’agir me pénétraient et devenaient mes pensées, mes sentiments, mes désirs. À Rome, pendant l’action de grâces de ce jour béni (le 21 mars 1865), j’ai comme entendu Jésus me dire : « Tu seras le corps de mon cœur ; ton âme, les facultés actives de mon âme ; ton cœur, le réceptacle, le mouvement de mon cœur ». Donc, Jésus Christ vivait et agissait en moi, tout à la gloire de son Père.
M.B. : Jésus vit et agit en toi ! Peut-il vivre en chacun de nous ?
P.J. : Est-ce que tu arrives à comprendre le fait que le Christ est en nous, vit en nous ; que nous devenons un autre Jésus Christ ? que par nos actions, nos paroles, nos comportements c’est le Christ qui transparait et se communique ?
M.B. : Ce que je comprends c’est que Jésus Christ, pour toi, est devenu vraiment le centre de ta vie, le tout de ton existence.
P.J. : Oui, tu as compris l’essentiel. Jésus Christ m’attire sans cesse vers cette vie d’union, Il veut être toute ma vie, Il veut me sanctifier et me faire vivre de sa vie. C’est pour cela que j’ai pris la décision de lui laisser le gouvernement de mon existence, de me mettre sous sa conduite, pour vivre de son esprit. En lui je trouve tout : la vie, le mouvement et l’être ; Jésus Christ est mon maître intérieur, l’hôte de mon âme et de mon corps, mon guide, mon modèle. En un mot : le Dieu de mon cœur. Je l’aime et je veux lui ressembler en tout, avoir les mêmes sentiments que lui, m’identifier à lui.
M.B. : Pierre-Julien, et notre personnalité, qu’est-ce qu’elle devient ?
P.J. : Ce vœu de la personnalité, pour moi est le plus grand, le plus saint de tous les autres, c’est le vœu du moi, et du moi libre de se redonner toujours. Il ne faut pas avoir peur de se donner. Tu as vraiment ce que tu donnes, c’est une loi évangélique, c’est le mystère pascal, le passage de mort et de résurrection qui s’actualise en nous. Je ne perds rien, mais tout ce qui constitue mon humanité - pensées et sentiments, paroles et actes -, tout devient plus noble, plus beau, plus divin. L’union avec notre Seigneur fait notre dignité, nous devenons quelque chose de sacré, de saint. Jésus valorise toute notre humanité, il la divinise. En Jésus Christ je me sens bien à l’aise, comme chez moi. En lui je trouve la grâce, la liberté, la paix, la vie, l’union à Dieu. Celui qui se confie librement au Christ ne perd pas son identité mais devient homme au plein sens du terme.
M.B. : Ce que tu vis me semble correspondre à ce qui a été affirmé par le Concile Vatican II : quiconque suit le Christ devient lui-même plus homme ; l’homme ne peut pleinement se trouver que par le don désintéressé de lui-même.
P.J. : C’est bien cela. C’est l’Eucharistie qui rend possible, jour après jour, notre transfiguration progressive, nous sommes appelés par grâce à être à l’image de Jésus Christ. Toute notre vie devient une extension de la vie du Christ ; et ma vie, grâce à l’Eucharistie, trouve la forme appropriée pour être une vie vécue en plénitude. À travers le don de nous-mêmes le Christ est glorifié en nous ; nous devenons la vraie gloire que le Père désire, l’homme nouveau recréé dans le Christ.
M.B. : Ce que tu dis fait jaillir en moi comme un fleuve de pensées. Je comprends que quand je reçois ou je contemple Jésus le Pain de la Vie, je suis devant la source de la bonté, de l’humilité, et que grâce à l’amour qui désire ressembler à la personne aimée, cette même bonté et humilité entrent en moi. Le Pape Benoît XVI a dit, une fois, aux jeunes : « En participant régulièrement et avec dévotion à la Messe, en prenant de longs temps d’adoration en présence de Jésus Eucharistie, il est plus facile de comprendre la longueur, la largeur, la hauteur, la profondeur de son amour, qui surpasse toute connaissance. En partageant le pain eucharistique avec nos frères de la communauté ecclésiale, nous sommes poussés à concrétiser en hâte l’amour du Christ dans un généreux service envers nos frères ». J’ai une question. Ce que tu as vécu, est-ce que moi aussi je peux le vivre ? est-ce que ton expérience est réservée à une catégorie privilégiée de personnes ou d’autres peuvent-elles la vivre ?
P.J. : Le vœu de la personnalité, le don de soi, pour moi représente la grâce de la sainteté par l’Eucharistie, la clé de notre vie, une voie nouvelle, la vertu caractéristique que je veux proposer à tous ceux qui partagent mon idéal de vie. Je te fais une confidence. Quand je suis rentré en France, c’est avec la famille Jordan que j’ai partagé ce que j’avais vécu à Rome. Mme Nathalie et sa fille Mathilde ont bien compris et bien accueilli la grâce que Dieu m’avait faite ; elles y ont adhéré de tout leur cœur.
M.B. : Qu’est-ce qu’elles ont compris ? ça m’intéresse.
P.J. : Tout d’abord deux paroles de l’Écriture ont résonné en elles. « Ce n’est plus moi qui vis, c’est Jésus-Christ qui vit en moi » [Ga 2,20] ; et « Il faut que Jésus-Christ croisse en nous jusqu’à l’état d’homme parfait » [cf. Ep 4,13]. Elles ont compris cette vie d’union avec Jésus Christ, le fait que le Christ habite en nous, qu’il a en chacun une naissance et une croissance spirituelle, parce qu’il veut glorifier son Père en chacun de nous. Pour vivre cette vie d’union il faut donner tout : cœur, esprit, intelligence, jugement, pensée ; travailler en société avec Dieu, devenir intérieur, demeurer en lui, comme lui demeure en nous, vivre dans l’action de grâce, être heureux en lui.
M.B. : « Donner », « se donner », « le don ». Combien de fois je t’ai entendu répéter ces mots ? Ils sont bien importants pour toi, comme un fil conducteur.
P.J. : L’Eucharistie, mon ami ! Pour moi l’Eucharistie est le don par excellence, car il est le don de Jésus Christ lui-même. L’Eucharistie est un don gratuit, sans réserves, sans calculs. Jésus ne regarde pas si les personnes, auxquelles il se donne, sont dignes ou pas, quelle est leur situation morale ou leur capacité intellectuelle et de compréhension. L’Eucharistie est un don concret, incarné. Jésus donne son être, sa vie, lui-même, son existence concrète. Le don de son corps et de son sang exprime la profondeur de l’amour, qui ne garde rien pour lui et accepte tout pour la personne aimée. L’Eucharistie est un don total et éternel, complet et permanent. Elle est un don toujours disponible. L’Eucharistie est un don qui nous donne la vie, qui nous prend totalement et pleinement, qui nous fait entrer dans une vie nouvelle au-delà de la mort. L’Eucharistie est un don qui s’offre comme nourriture, qui construit des relations, tous peuvent apprendre à donner et à recevoir. L’Eucharistie, qui nous fait devenir « un seul corps », contient comme un dynamisme profond d’amour réciproque, de communion intime et profonde. J’ai tout simplement répondu au « Don de Dieu » par le don de moi-même. L’amour est dans l’échange.
Nous sommes restés silencieux. Puis le p. Eymard a repris la parole.P.J. : J’ai un rêve !
M.B. : Un autre rêve encore ?
P.J. : En regardant la société je constate qu’elle se meurt parce qu’elle n’a plus de centre de vérité et de charité, plus de vie de famille. Chacun s’isole, se concentre, veut se suffire. J’ai l’impression comme d’une dissolution imminente. C’est pour cela que je voudrais voir mes religieux, les servantes aussi mettre le feu aux quatre coins du monde. Comme je le disais à l’archevêque de Paris, je ne voulais pas me borner à Paris, je voulais mettre le feu aux quatre coins du monde. Je voudrais voir les laïcs, qui partagent notre charisme, constituer comme des cénacles de vie eucharistique dans le monde entier. Je voudrais les voir tous sortir, aller, sans aucune crainte. Quitter, comme Abraham a quitté sa terre… en ayant dans le cœur un seul, unique grand amour : le Christ eucharistique.
M.B. : Le Pape François aujourd’hui nous parle d’une Église en sortie. À Jérusalem il a dit que l’Église est née dans le Cénacle et elle est née en sortie. Du Cénacle elle est partie avec le Pain rompu entre les mains, les plaies de Jésus dans les yeux, et l’Esprit d’amour dans le cœur pour renouveler la terre.
P.J. : Je pense que le Pape François et moi, nous sommes faits pour nous entendre. Jésus a dit qu’il était venu apporter un feu sur la terre ; il avait désiré avec tant d’ardeur le voir s’allumer partout. Ce feu c’est l’amour divin, car Dieu est amour. Ce foyer de l’amour, c’est l’Eucharistie, c’est là que l’amour de Jésus Christ nous pénètre et nous enflamme.
M.B. : Tu parles de feu… ce feu je le sens brûler en toi ; il y a une passion qui t’habite et que j’aimerais partager avec toi.
P.J. : L’Eucharistie est la Pentecôte continuée, dans le Cénacle, avec des langues de feu. C’est Jésus qui, par l’Eucharistie, dépose dans nos corps une grâce d’amour ; il y vient lui-même, il met en nous le foyer de l’incendie : il l’allume, il l’entretient par ses fréquentes venues, il fait l’expansion de cette flamme dévorante. Il est vraiment un charbon qui nous enflamme. C’est un feu ardent qui ne s’éteindra pas si nous le voulons, car son foyer n’est pas de nous mais de Jésus Christ, et c’est lui qui lui donne sa force et son action.
M.B. : La famille que tu inspires - aujourd’hui on parle de la « famille eymardienne »-, est présente sur les cinq continents, elle affronte de nouveaux défis. Quelle est sa mission ?
P.J. : Je pense à notre mission ouverte sur le monde. Mais parfois on a peur… on a peur même de changer de communauté. Je viens d’écrire à un religieux, que j’ai envoyé de Paris à Marseille, qu’un religieux du Très Saint-Sacrement n’est d’aucun pays, d’aucune maison, il forme la cour du grand Roi et le suit partout. Je vois la terre-même comme un immense cénacle, et à quelque endroit de la planète que nous nous trouvions, nous sommes dans ce cénacle, nous pouvons toujours être dans ce cénacle, en désirant, en adorant par le cœur.
M.B. : Mais que faut-il faire ?
P.J. : Il faut oublier notre individualité, notre petite personne, pour porter Dieu au monde et le monde à Dieu. Je lance à tous une invitation : « Soyez adorateurs ardents de la sainte Eucharistie. Un cœur catholique doit être grand comme Dieu ! Évitez donc cette petite piété, cette petite vertu qui rétrécit l’âme ; la piété, au contraire, est un soleil fécondant qui dilate le cœur qui en est embrasé ! Soyez grands dans vos vues, grands dans vos désirs, grands dans votre amour! ». J’ai écrit au père Leroyer : « Que le règne eucharistique de Notre-Seigneur arrive et que nous en soyons les premiers disciples et les ardents apôtres ; plus de questions personnelles, plus de travaux perdus en dehors de notre grande mission ». Il faut se centrer uniquement sur l’Eucharistie.
M.B. : Comment imagines-tu ce Cénacle-Monde dont tu parles ?
P.J. : L’Eucharistie est le règne de Jésus Christ dans le monde et surtout dans les cœurs de ses enfants : voilà notre belle et aimable mission. Il faut porter le monde à la connaissance de l’amour de Dieu. C’est par l’amour divin qu’il faut ramener les peuples à la vertu, à la religion, à la foi. Il n’y a pas un moyen plus efficace ; c’est peut-être même le seul qui nous reste pour combattre l’indifférence qui règne dans le monde, et qui gagne même le cœur des fidèles. L’Eucharistie est le lien fraternel des peuples entre eux ; il n’y a que des frères au banquet sacré, au pied de l’autel. C’est ce message qu’il faut faire passer. Jésus est venu faire de tous les hommes une seule famille, l’Eucharistie est le pain, le mets commun, le trait d’union de tous les enfants ; elle détruit toute jalousie et distinction, on participe à la même table et on boit à la même coupe ; on a le même Père qui est dans les cieux. Un même esprit de charité unit tous ceux qui mangent le même pain eucharistique. Jésus Christ est alors tout en tous, et l’Eucharistie est la joyeuse fête de la vraie fraternité, que nous pouvons faire durer toujours. Il faut collaborer avec tous ceux qui s’engagent pour construire et réaliser cette fraternité qui a sa source dans l’Eucharistie. C’est seulement alors, que la société renaîtra pleine de vigueur quand tous ses membres viendront se réunir autour de notre Emmanuel. Les rapports d’esprit se reformeront tout naturellement sous une vérité commune ; les liens de l’amitié vraie et forte se renoueront sous l’action d’un même amour ; ce sera le retour des beaux jours du Cénacle.Conclusion : Nous sommes restés en silence, ainsi comme nous avions commencé. J’ai fermé les yeux pour savourer tout ce que j’avais entendu et les imprégner du rêve du p. Eymard. Les pieds bien sur terre, « repartir du Cénacle » le cœur empli d’une grande passion pour l’Eucharistie.
Manuel Barbiero, sss
Responsable du Centre Eucharistique
La Mure, le 8 septembre 2014Retrouvez ce texte dans la sous-page enrichie
Fraternité Eucharistique Corpus Christi #JubiléPJEymard2018et la page consacrée à Pierre-Julien Eymard – Prophète de l'Eucharistie – Un saint d'avenir
Communauté de prière en ligne Hozana St Pierre-Julien Eymard – Prophète de l'Eucharistie
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« La grâce de mon saint baptême » chez st Pierre-Julien Eymard
Comprendre l’Eucharistie dans sa totalité avec st Pierre-Julien Eymard
Cycle #JubiléPJEymard2018
Fraternité Eucharistique Chapelle Corpus Christi Paris 8 — 10 février 2018
‘LA GRÂCE DE MON SAINT BAPTÊME’
chez Saint Pierre-Julien EYMARD
Nous venons de célébrer le 207e anniversaire de la naissance de saint Pierre-Julien à La Mure (4 février 1811). Dans le cadre du Jubilé du 150e anniversaire de sa mort, je vous propose un essai sur le baptême, tel que le P. Eymard nous en a laissé le témoignage à travers ses écrits.
Brièvement, nous savons combien le P. Eymard a gardé vivant le souvenir de la grâce de son baptême. Régulièrement, lors de ses séjours à La Mure, il rend visite aux fonts baptismaux de la paroisse. Dans ses écrits les dates anniversaires de sa naissance et de son baptême, les 4 et 5 février, sont citées plus de 80 fois, souvent avec la mention de sainte Agathe, fêtée le 5.
En ce qui concerne ma recherche, je me limite à une sélection de ses écrits : quelques extraits de sa correspondance à ses sœurs, et un parcours sélectif de ses notes de retraites personnelles. Dans son itinéraire spirituel, sur le thème du baptême, je note, de façon schématique à partir des textes que j’ai consultés, deux périodes :
1 - la période mariste, de 1841 à 1856
2 - la période du fondateur, de 1856 à 1865.
1 - La période mariste (1841-1856)
Ce que j’appelle la ‘période mariste’ s’étend, en réalité, de sa naissance à la fondation. Je n’ai pas pris en compte le Vade mecum semper, de sa période de vicaire à Chatte, qui aurait pu fournir un éclairage utile. Pas davantage son abondante production des Conférences au Tiers-Ordre de Marie. Je me suis limité à ses retraites personnelles mensuelles à la date du 4 ou 5 février des années 1841 (NR 15, 2) ; 1843 (NR 21, 1) ; 1844 (NR 25, 8) et 1856 (NR 40, 5) Cf : Œuvres complètes de saint Pierre-Julien Eymard en ligne – S’y ajoutent les deux lettres à Marianne, sa marraine de 1841 (CO 17 et de 1846 (CO 60) - (PDF)
Notons que les retraites mensuelles, dans la tradition de la vie religieuse de l’époque sont « des préparations à la mort ». La mort est une réalité permanente, partout présente ; elle frappe à tout âge ; il faut s’y préparer, se tenir prêt. – De ce fait il est difficile de vouloir tirer de ces notes la pensée exacte du P. Eymard sur le baptême. En 1841, le P. Eymard est âgé de 30 ans et il jouit alors d’une santé relativement bonne. Dans ses notes, il est question du temps qui passe, de la souffrance, de la mort, de l’état de son âme sur la mort. Autant d’approches pessimistes ou négatives.
Nous retrouvons ces mêmes notes dans les deux lettres de circonstance à sa marraine, au jour anniversaire de son baptême en 1841 et 1846. Au désir de la sainteté, se mêle le désir de la mort pour aller au ciel. Je commence à languir sur la terre. Je vous aime bien toujours, mais ne m’en voulez pas si mon amour pour vous se borne à votre perfection au ciel, écrit-il en 1841. Un amour intemporel, désincarné, non pas envers sa sœur telle qu’elle est, mais selon l’image qu’il s’en fait.
En 1846, alors qu’il célèbre l’anniversaire de son baptême, comme le plus beau jour de ma vie, note-t-il, il ne peut s’empêcher d’y mêler le regret d’une mort prématurée. C’est un si beau jour pour moi, écrit-il, c’est le plus beau jour de ma vie, c’est aujourd’hui que j’ai eu le bonheur d’être baptisé. Hélas ! si j’étais mort après, je serais maintenant au ciel, mais le bon Dieu ne l’a pas voulu et m’a laissé jusqu’aujourd’hui dans cette vallée d’exil, de larmes et de combats. Et d’évoquer à sa chère marraine que le premier arrivé au ciel, qu’il laisse sur son passage un bâton de soutien, puis, la porte ouverte ; au moins là, il n’y a plus de distance, ni de séparation.
Du moins, ce qui pouvait réjouir Marianne, ce sont les souvenirs de son enfance : elle a été pour lui comme une grande sœur, de 12 ans son aînée. Il évoque son affection pleine de vigilance, sa piété, son soutien dans les épreuves. Il lui porte une affection profonde, des millions de fois (quelle expression merveilleuse de son amour !) je vous ai appelée de ce doux nom (de marraine). Je vous dois beaucoup, lui écrit-il, surtout de m’avoir retenu dans ma jeunesse loin des occasions de mal, de sorte que je puis dire que c’est en partie à vous que je dois ma vocation à l’état ecclésiastique (1841).
Cette approche du baptême est l’écho de l’enseignement de l’Église en cette première partie du 19e siècle – et par-delà. Le catéchisme s’attache alors davantage à décrire sa matière et sa forme ainsi que ses effets : il efface le péché originel ainsi que tous les péchés à l’âge adulte, il confère la grâce sanctifiante et prépare à l’héritage du ciel. La prédication est moralisante. Comme les autres sacrements, il est perçu comme un des moyens de sanctification, même s’il est le premier dans l’ordre des sacrements.
Cette vision correspond assez bien à cette première période de l’itinéraire du P. Eymard, telle que le P. Saint-Pierre l’a décrite dans sa thèse L’Heure du Cénacle et qu’il a intitulée, à partir d’une citation du Père : Pro te moriar ! – Seigneur, que je meure pour toi ! Une période marquée par l’ascèse, la peur du péché, de la mort et du jugement. Avant qu’il ne découvre le vrai sens de sa mission : Pro te vivam ! – Que je vive pour toi !
2 - La période du Fondateur (1856 -1868)
La seconde période, nous la trouvons, comme condensée, dans la 2e Retraite du Père à Rome, où il séjourne depuis le mois de novembre 1864, au Séminaire français. Il vient régler l’affaire du Cénacle, la fondation d’une communauté du Saint-Sacrement à Jérusalem là où Jésus a institué l’Eucharistie. En face des difficultés multiples et de la lenteur de l’instruction de la cause, il se retire près de Sainte-Marie Majeure chez les rédemptoristes et commence une retraite qui s’achèvera avec la décision, — finalement négative. Durant plus de 9 semaines, il va se consacrer à une retraite personnelle, avec la question initiale : Seigneur, que veux-tu que je fasse ?
Précisément, au jour anniversaire de son baptême, le 5 février 1865 (PDF), il médite sur la grâce gratuite et toute miséricordieuse du saint baptême que j’ai reçue, avec trois méditations dans la journée. Déjà tout est dit dans cette phrase d’ouverture : J’ai vu ce qu’il est une récréation en Notre Seigneur Jésus-Christ, une seconde vie en Jésus-Christ, mais en Jésus-Christ crucifié. — Il faut noter l’expression : J’ai vu, qui revient 60 fois dans ses retraites personnelles, dont 37 fois en cette Grande retraite de Rome. Il ne s’agit pas seulement d’une perception intellectuelle, mais d’une prise de conscience, d’une expérience spirituelle, d’une motion de la foi sous l’action de l’Esprit Saint.
Dans cette perspective, le baptême est conçu comme la participation au mystère pascal, à la mort-résurrection de Jésus-Christ, une seconde vie en Jésus-Christ, mais en Jésus crucifié. — Suivent des citations tirées des épîtres de saint Paul, Galates et Romains, et une citation de l’évangile de saint Luc : Baptisés, vous avez revêtu le Christ — Ceux qui appartiennent au Christ ont crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises. — Ensevelis avec le Christ par le baptême dans la mort . — On ne peut être disciple du Christ sans haïr sa propre vie. Le P. Eymard cite ces textes de mémoire : ils se réfèrent à la croix du Christ à laquelle nous sommes associés par le baptême ; — à la mort du Christ avec qui nous sommes ensevelis ; — à sa résurrection, nous avons revêtu le vêtement du Seigneur ressuscité : nous avons revêtu le Christ, son corps de gloire dans notre condition terrestre. De ce mystère célébré comme une immersion dans la mort du Christ, nous avons été tirés de l’eau comme participant à sa résurrection. C’est de ce même mystère que découlent les effets du baptême : renoncement au péché et à ce qui y conduit et surtout dotation singulière des baptisés : filiation divine, incorporation au Christ et à l’Église comme membres vivants, et au terme participation à la gloire du Christ ressuscité.
À la lumière du baptême qu’il a reçu, le P. Eymard fait une relecture de sa vie et de la mission qui lui a été confiée : chrétien, prêtre et fondateur. Il prend conscience de la part de péché en sa vie et il pleure. Il s’ouvre également à l’action de grâce pour tant de bienfaits. Une voie nouvelle s’ouvre devant lui, celle qu’il appelle « la partie illuminative » de sa retraite, avec une double et unique orientation : Notre Seigneur, ma loi – c’est l’Évangile – Notre Seigneur sacramentel, ma fin – c’est sa mission de fondateur.
Il y a là, à partir de son baptême, une vision unifiée de son existence, comme l’a noté le P. Manuel Barbiero. De son baptême, dérivent à la fois sa vocation chrétienne, sa vocation sacerdotale et sa vocation religieuse qui trouve son achèvement en sa vocation de fondateur. C’est une note que l’on retrouve dans le déroulement de sa Grande retraite de Rome (comme de celle de Saint-Maurice en 1868), — une vision ‘holistique’ de sa vie dans la diversité de ses états, entièrement unifiée. Témoin sa 1ère méditation du 1er février 1865 : Comme le bon Dieu m’a aimé ! Il m’a conduit par la main jusqu’à la Société du Très Saint-Sacrement. Toutes mes grâces ont été des grâces de préparation. Tous mes états, un noviciat ! Toujours le Très Saint Sacrement a dominé. (NR 44, 14).
Pour être complet, le 5 février 1865 le P. Eymard poursuit sa recherche avec l’évocation de « la bonté de Dieu depuis mon baptême », et une 3e méditation sur « La chair, ennemie de l’Esprit Saint » — Comme en écho à ce qu’il notait en sa 1ère méditation : Il faut embrasser la voie du dépouillement du vieil homme. Il n’y a que celle-là de vraie. Toute autre est une illusion ou une paresse.
D’où vient cette ‘conversion’ du P. Eymard ?La question vaut d’être posée. Mais la réponse n’est pas simple, car elle suppose une recherche méthodique dans tous les écrits datés du Père. Ce qui dépasse de très loin l’objet de notre rencontre. Qu’il suffise d’évoquer deux grâces particulières qui ont marqué l’itinéraire spirituel du Père.
Il y a d’abord la grâce reçue au calvaire de Saint-Romans. Le jeune abbé Eymard, vicaire à Chatte, a reçu dans ce modeste sanctuaire une lumière sur le mystère de la Croix. À l’encontre d’une piété doloriste, il fait l’expérience de la tendresse miséricordieuse de Dieu dans le don de son Fils Jésus : celui-ci a donné sa vie par amour pour le salut du monde, et son amour nous atteint de façon personnelle. Le P. Eymard a résumé ainsi quelque chose de cette grâce dans cette recommandation à Mme Natalie Jordan : Voir de prime abord les choses sous le côté de la bonté de Dieu pour l’homme, la raison de cette grâce, ce qu’elle a coûté à Notre Seigneur, son actualité, sa permanence pour nous (27 août 1867, CO 2011).
Une seconde étape est franchie avec la Fête-Dieu à Saint-Paul de Lyon, le 25 mai 1845. Au cours de la procession paroissiale qu’il préside — deux heures qui lui ont paru qu’un instant — il a été pénétré de la foi et de l’amour à Jésus dans son divin Sacrement. Dès lors, il s’engage à ne prêcher que Jésus-Christ et Jésus-Christ eucharistique. Enfin, il demande au Seigneur l’esprit des Épîtres de saint Paul, ce grand amant de Jésus-Christ et il s’engage à en lire au moins deux chapitres par jour (25 mai 1845, NR 27,3). Cette familiarité avec les écrits de l’Apôtre n’est pas sans lien avec les citations qu’il en fait de mémoire dans sa prédication et ses écrits. Le P. Cave a souligné la dimension christocentrique de cette révélation ; elle est tout autant eucharistique : le Christ en son Sacrement est la source de tout amour.
Il faut ajouter, sans nul doute, sa grâce de fondateur de la Société du Saint-Sacrement (Religieux, Servantes et Agrégés), avec le culte de l’Eucharistie, sa prédication sur l’Eucharistie, l’importance de la communion et de l’adoration, son ministère auprès des jeunes ouvriers avec l’œuvre de la Première communion des adultes où il catéchise des jeunes, laissés pour compte de la pastorale paroissiale, et célèbre occasionnellement des baptêmes d’adultes.
En guise de conclusion
Le P. Eymard, toujours en chemin, a connu une évolution dans son approche du baptême. Il en a toujours vécu intensément. Au début avec une note plus volontariste, avec la pratique des vertus chrétiennes, le sens du devoir, le souci de la perfection pour acquérir le bonheur du ciel. Une période afflictive par certains aspects, marquée par l’observance des commandements et la pratique de la vertu, très généreuse. Puis il découvre qu’il y a une autre voie que celle du devoir : celle de l’amour. Dès lors, il fait fructifier ‘la grâce de son saint baptême’, qu’il perçoit comme une configuration au Christ mort et ressuscité. S’en suit le ‘dépouillement du vieil homme’, selon la pensée paulinienne, et tout autant le ‘revêtement de l’homme nouveau’. C’est l’Esprit Saint qui agit et transforme sa vie. Une transformation qui trouve son expression la plus haute dans le ‘don de la personnalité’, reçu en cette même retraite de Rome le 21 mars 1865. C’est alors qu’il a reçu, à défaut de la fondation d’une communauté au Cénacle de Jérusalem, le ‘cénacle en moi et la gloire de Dieu en moi’, comme il l’avait pressenti le 5 février dans sa 3e méditation. C’est la synthèse de sa vie baptismale qui s’épanouit dans sa vie eucharistique.
Faut-il ajouter qu’il réalisait ainsi le ‘renouvellement, sans cesse repris, des vœux de son baptême lors de la préparation à sa première communion le 15 février 1823 : Acte d’offrande : Mon doux Jésus, je me donne à vous, comme vous vous êtes donné tout à moi. – Mon Dieu, mon tout. Julien (NR, 1).
André Guitton, sss
Paris, le 10 février 2018Questions :
- Demande de clarification
- Où situer la ‘nouveauté’ dans l’approche du baptême chez le P. Eymard ?
- De quelle façon ma vie chrétienne en est-elle éclairée ?
- Lien entre baptême et Eucharistie ?
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Fraternité Eucharistique Corpus Christi #JubiléPJEymard2018et la page consacrée à Pierre-Julien Eymard, Apôtre de l'Eucharistie - Un saint d'avenir
Communauté de prière en ligne Hozana St Pierre-Julien Eymard — Chapelle Corpus Christi
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Notre vocation eucharistique de laïcs avec st Pierre-Julien Eymard
L’IDEAL DU CÉNACLE
Comprendre l’Eucharistie dans sa totalité avec st Pierre-Julien Eymard
Cycle #JubiléPJEymard2018
Présentation de la Fraternité Eucharistique Chapelle Corpus Christi Paris 8 — 13 janvier 2018
Extrait de sa correspondance
CO 477,1À Jésus Eucharistique
[La Seyne-sur-Mer,]1
1er Janvier 1855Merci de vos vœux et de vos souhaits si bons en Notre Seigneur. Oui, que cette année soit une année eucharistique ! Qu'un cénacle d'amour et de louange s'élève sur cette terre d'ingratitude et d'oubli ! Puissé-je en être le premier adorateur comme la première victime ! Cette pensée eucharistique ne me quitte pas, je la bénis, je l'environne d'épines et de fleurs, j'aime à en faire une couronne de vœux et de désirs. Mais Notre Seigneur le veut-il à présent ? Me fera-t-il l'honneur et le bonheur de m'appeler autour de ce doré tabernacle ? Voilà, ma fille, ce qu'il faut demander à ce Roi de tous les cœurs.
Mais que deviendra le Nazareth de Jésus et de Marie, me direz-vous ?
De Nazareth, Jésus alla au Cénacle et Marie y fit sa dernière demeure.
Je voudrais bien que vous vous missiez aux pieds de Notre Seigneur, afin qu'il daigne vous mettre une parole au cœur pour vous et pour moi.
Les matériaux se préparent, c'est bien entendu que je vous ai inscrite la première. Je n'ai pas encore commencé les conférences aux T. [Tierçaires] de Toulon, je le ferai sous peu. Ma santé est toujours un peu misérable – que Dieu en soit béni ! cependant la migraine me laisse un peu plus tranquille. Je puis dire la sainte messe : que Dieu est bon !
Mes souhaits de bonne année à toutes vos sœurs, j'avais commencé une lettre à toutes, mais le temps me manque.
Je n'ai encore écrit à personne depuis bien longtemps.
Mes souhaits à ces bonnes sœurs sont tous en Dieu et pour Dieu, tous en l'amour de Jésus et de Marie, en qui je suis
Tout à vous toutes
Eymard
1 Les mots mis entre crochets ne sont pas de la main d'Eymard.
2 Billets spirituels, tirés au sort. Celui de Noël indiquait pour l'année l'office à remplir à la cour du Roi Jésus. Au jour de l'an, doubles billets : étrennes de l'Enfant Jésus et en retour, étrennes de l'âme à Jésus.
Dans cette lettre adressée le jour de l'an 1855 à Marguerite Guillot, rectrice du Tiers-Ordre de Marie, la branche laïque des Maristes, le Père Eymard présente ses vœux ainsi : Oui, que cette année soit une année eucharistique ! Que signifie ces vœux ”eucharistiques” et la vocation eucharistique pour saint Pierre-Julien Eymard ? C’est ce que nous allons explorer par cette lettre qui nous donne quelques réponses à approfondir…Des origines de l’engagement du Père Eymard auprès des laïcs avec Marguerite Guillot
Très tôt, Pierre-Julien Eymard s’est intéressé à l’engagement spirituel des laïcs dans cet ordre tertiaire mariste. Cette vocation pour le bien spirituel des laïcs à part entière a toujours côtoyé sa vocation eucharistique, depuis la rencontre de Marguerite Guillot, 10 ans plus tôt, en 1845.
Le 1er janvier 1855, date de rédaction de cette lettre, il va avoir 44 ans. À 23 ans il avait été ordonné prêtre à Grenoble et l’appel à la vie religieuse le fit devenir Mariste, 5 ans plus tard, à 28 ans, à Lyon. Après 5 ans, en 1844, il y est nommé provincial.
En 1855, Mariste depuis 16 ans, le P. Eymard a été écarté de Lyon par le Supérieur général de la société de Marie qui le nomme directeur du collège Sainte-Marie de la Seyne-sur-Mer, à Toulon, et ce dès 1853.
Pourquoi a-t-il été écarté de Lyon deux ans plus tôt ? Parce qu’il a pris des libertés avec le Tiers-Ordre de Marie vis-à-vis du Supérieur général d’alors, le Père Colin. Il dirige depuis bientôt 10 ans le Tiers-Ordre de Marie qui prospéra si bien dès le début qu’il s’étend aussi aux prêtres : le curé d’Ars y est reçu dès le 8 décembre 1846.
À qui s’adresse cette lettre ? À Melle Marguerite Guillot. Ils se connaissent depuis 10 ans. Elle est rectrice du Tiers-Ordre de Marie depuis 1853, nommée par le nouveau Supérieur général, le Père Favre, après en avoir été sacristine puis maîtresse des novices, c’est-à-dire chargée des nouvelles venues.
Marguerite Guillot et le Père Eymard se sont rencontrés à Lyon lorsqu’il prêcha pour le Carême en 1845 et auquel elle alla se confesser. Le P. Eymard deviendra vite le directeur spirituel de Marguerite Guillot alors en recherche pour répondre à sa vocation de consacrée. Sr Suzanne Aylwin écrit dans la petite biographie de Marguerite Guillot :
« Sous la direction du P. Eymard, l’âme de Marguerite se sent de plus en plus portée à la vie intérieure. Cette soif de perfection devient si grande que la vie chrétienne ordinaire, même avec la grande perfection que le Père lui fait pratiquer, n’est plus en mesure de lui suffire. Elle sent le besoin d’un milieu entre la vie du monde et la vie du cloître. Elle s’en ouvre au Père qui l’éprouve d’abord en lui répondant qu’elle ne sait pas ce qu’elle dit et ce qu’elle veut, qu’il n’y a point de voie médiane entre la vie du monde et celle du cloître. Mais, quelque temps après, il lui dit qu’à cause d’elle, il a accepté la présidence du Tiers-Ordre de Marie, la branche laïque de la Société de Marie. »
Nous pouvons relever combien dans leur relation la dirigée suscite la paternité spirituelle de son directeur, combien leur rencontre a fait partie du plan de Dieu, comme la suite nous le révèlera.
Quel est le contexte de la lettre dans le parcours spirituel du P. Eymard ?
En 1855, depuis déjà 4 ans au collège de la Seyne-sur-Mer à Toulon, Pierre-Julien Eymard vit une période de crise. Le 13 janvier de la même année il écrira à Marguerite : « Je me dis souvent : mais le Bon Dieu, que fera-t-il de moi tout souffrant et ne valant rien ? Je ne suis plus bon à rien, je suis usé, j'aurais besoin d'aller me cacher aux pieds de Notre Seigneur, j'espère que ce bon Maître me fera cette grâce. » Et : « Voilà près de 20 ans que je suis toujours dans la vie active, il me faut maintenant un peu du Cénacle. » En effet, il est au cœur d’un moment transitoire :
— En 1845, il avait eu une expérience très forte lors de la procession du Saint Sacrement le jour de la Fête-Dieu, à Saint Paul de Lyon. « Ces deux heures lui parurent un instant ».
- En 1849, il découvre à Paris les nombreux groupes de dévotion à Jésus-Eucharistie.
- En 1851, à Notre-Dame de Fourvière, toujours à Lyon, il eut un appel intérieur à fonder un groupe eucharistique.
- En 1853, à la Seyne-sur-Mer de Toulon où nous nous trouvons à l’étude de cette lettre, comme en exil depuis 2 ans, Raymond de Cuers, qu’il avait rencontré à Paris, lui demande d’être l’aumônier d’un groupe d’adoration nocturne masculine. En prière, après qu’il eût célébré sa messe, il eut l’incitation à fonder un ordre religieux qui n’existe pas encore, consacré exclusivement à Jésus-Eucharistie.
Dans la lettre du 25 janvier 1855 à Marguerite Guillot, le P. Eymard nous révèle que « depuis le 13 janvier, l’œuvre du Très Saint-Sacrement se dépouille et se prépare » et que « Mgr l’évêque de Fréjus Toulon (Mgr Wicart) l’a trouvée belle ». Et plus loin : « Moi, je n'ai encore rien exposé au T.R.P. Favre [le nouveau supérieur général des Maristes], pour lui exposer mes pensées, je prie et j'attends encore ».
— Il quittera donc les Maristes en 1856 pour fonder l’ordre des Religieux du Très Saint-Sacrement (sss), reconnu par Mgr Sibour archevêque de Paris, le 13 mai 1856.
- Une fois la branche masculine de la Congrégation du Saint-Sacrement fondée, Marguerite Guillot deviendra, en 1858, à Paris, la première supérieure de la branche féminine de la Congrégation qui portera le nom de Servantes du Saint-Sacrement.
— Fort de son expérience au Tiers-Ordre de Marie, dès 1857 le Père Eymard rédige un mémoire où il mentionne les Agrégés à la Congrégation du Saint-Sacrement : L’Agrégation sacerdotale (des prêtres) et l’Agrégation séculière. Cette dernière branche laïque du Saint-Sacrement sera désignée sous le vocable : Agrégation du Saint Sacrement. Elle est « composée des fidèles vivant dans le monde et qui désireraient s’unir à la Société par un lien fraternelle et s’associer à sa fin. » (in L’Apôtre de l’Eucharistie, biographie du saint par André Guitton, sss). Nous verrons plus loin quelle est cette fin.
Qu’est-ce que le Cénacle ?
Pour répondre à cette question lisons l’Évangile de Luc, au chapitre 22 (tiré des Évangiles synoptiques, ouvrage de Lucien Deiss).
Luc 22, 7-14 Préparatifs du repas pascal
07 Or arriva le jour des Azymes, où l’on devait immoler la Pâque.08 Et Jésus envoya Pierre et Jean, disant : « Allez nous préparer la Pâque,
pour que nous la mangions. »
09 Or ceux-ci lui dirent : « Où veux-tu que nous fassions les préparatifs ? »
10 Et il leur dit : « Voici : à votre entrée dans la ville, viendra à votre rencontre
un homme portant une cruche d’eau. Suivez-le dans la maison dans laquelle il entre.
11 Et vous direz au maître de la maison : “Le maître te dit :
Où est la salle où je pourrai, avec mes disciples, manger la Pâque ?”
12 Et celui-ci vous montrera une salle à l’étage, grande, garnie de divans.
Là, faites les préparatifs. »
13 Or, s’en étant allés, ils trouvèrent tout comme il leur avait dit.
Et ils préparèrent la Pâque.
14 Et lorsque l’heure fut venue, il se mit à table.
Et les Apôtres étaient avec lui.
— Le Cénacle est donc ce lieu réservé, secret, indiqué par le Christ de façon discrètement prophétique, et empreint de sacralité. C’est là où Jésus et les douze vont fêter la Pâque.
— Mais au Cénacle, en ce Jeudi saint, Jésus entouré des Douze va plus loin que de fêter la traditionnelle Pâque juive. Il instaure la Nouvelle Alliance : c’est l’offrande totale de lui-même pour le salut de tout homme.
Poursuivons la lecture de saint Luc du Repas pascal & institution de l’Eucharistie :
15 Et il leur dit : « J’ai désiré d’un grand désir
manger cette Pâque avec vous avant de souffrir !
16 Car je vous dis : Désormais je ne la mangerai plus,
jusqu’à ce qu’elle soit accomplie dans le Royaume de Dieu. »
17 Et ayant reçu une coupe, ayant rendu grâce, il dit :
« Prenez ceci et partagez entre vous.
18 Car je vous dis : Je ne boirai plus à partir de maintenant du fruit de la vigne,
jusqu’à ce que soit venu le Royaume de Dieu. »
19 Et ayant pris du pain, ayant rendu grâce,
il le rompit, et il le leur donna,
20 et il dit : « Ceci est mon corps qui est donné pour vous.
Ceci faites-le en mémoire de moi. »
[Ici nous ne lisons pas la trahison de Judas.]
24 De même aussi la coupe, après le dîner, disant :
« Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang.
25 Ceci, faites-le chaque fois que vous la boirez,
en mémoire de moi. »
26 Car chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez la coupe,
vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne.
Le Christ annonce l’offrande totale de lui-même et se livre dans les Espèces du pain et du vin. Il se fait Agneau pascal. Le désir du Christ est ardent, brûlant d’amour, il se donne lui-même sans retour et s’offre en partage. L’apôtre Jean, le disciple bien-aimé, a goûté à cet amour, reposant sur son sein. Détail de la Sainte Cène tirée de l’Évangile de Jean, que le P. Eymard portait toujours sur lui.
Revenons à la lettre du 25 janvier 1855 où le P. Eymard écrit à Marguerite Guillot :
« Quand saint Jean s'endormit sur la poitrine divine du Sauveur, il y puisa son amour et sa mission divine ; que j'aurais besoin, non d'un si grand honneur, mais d'être aux pieds de Jésus. Voilà près de 20 ans que je suis toujours dans la vie active, il me faut maintenant un peu du Cénacle. » (CO 482,1)
Dans une prédication à une congrégation religieuse et que j’ai reprise pour la communauté de prière en ligne sur Hozana comme Conseils spirituels pour tous,
le Père Eymard précise ce qu’est le recueillement par la grâce de Dieu :« Ce recueillement est bien doux, c'est celui de Madeleine aux pieds de la bonté de Jésus, des apôtres sur le Thabor, du disciple bien-aimé sur la poitrine du Sauveur. C'est celui de tant de saints qui ont goûté Dieu. C'est le vôtre, mes frères, car il est impossible que durant votre vie vous n'ayez pas reçu quelques grâces de ce recueillement divin, de cette paix suave, de cette joie céleste de l'âme, de ce divin repos aux pieds de Dieu – on n'oublie pas ce moment si doux. Oh ! qu'il fait bon sous l'action de ce soleil de bonté. » (PA 95,2)
Pour le P. Eymard, le Cénacle désignera les maisons d'adoration et toutes les communautés de la congrégation du Saint-Sacrement. Dans le récent ouvrage du P. André Guitton Les religieux du Saint-Sacrement et la Grande Guerre, les religieux au front, dans les tranchées, aumôniers, infirmiers ou soldats évoquent avec douceur et nostalgie leur Cénacle : leur communauté du Saint-Sacrement qu’ils ont dû quitter par devoir national.
Pour le P. Eymard, le Cénacle est plus qu’une adresse identifiée, à Jérusalem, où il rêvait de fonder une communauté. C’est tout un processus : le processus même de l’Eucharistie qui débute avec la Sainte Cène où le Christ nous révèle les richesses de son amour pour nous. [Dans ce qui suit, je m’aide d’un texte du Père Manuel Barbiero, sss à La Mure, où il invente un entretien entre lui et le Père Eymard, intitulé Repartir du Cénacle – rallumer la passion pour notre Mission Eucharistique (La Mure, été 1865 et 2014)].
C’est le lieu de l’attente angoissée, juste après la Crucifixion et la mort apparente du Seigneur, où certains des apôtres se réfugiaient, se cachant des Juifs dont ils avaient si peur.
Le Cénacle où Jésus se montra à eux deux fois, juste après sa Résurrection.
Lieu de l’attente de la venue de l’Esprit Saint que Jésus promit de leur envoyer et qui descendra sur eux et Marie avec puissance à la Pentecôte, cinquante jours après sa Résurrection.
Le Cénacle où la première Église se réunissaient, les apôtres reproduisant les gestes enseignés par le Christ de la fraction du pain, dans la communion fraternelle et transmettant aux premiers disciples ce que le Christ leur avait enseigné.
Lieu d’où tous sortirent, revigorés et pleins du courage donné dans l’Esprit Saint pour annoncer la Bonne Nouvelle du Christ au monde.
Le Cénacle intérieur
Dans sa lettre du 1er janvier 1855, le Père Eymard s’interroge : « Mais que deviendra le Nazareth de Jésus et de Marie, me direz-vous ? ». Il questionne sa vocation mariste, menant la vie simple et cachée de Nazareth, au regard de ce qui le travaille dans sa vocation à fonder la Congrégation du Saint-Sacrement. Il répond aussitôt : « De Nazareth, Jésus alla au Cénacle et Marie y fit sa dernière demeure. » Pour se donner au monde, le Christ a quitté sa vie cachée, enseignant durant trois ans, pour finalement faire le don suprême de lui-même sur la croix et dans l’Eucharistie qu’Il institua le Jeudi saint au Cénacle. Une fois ressuscité, Jésus revient au Cénacle où les disciples sont cloîtrés dans la peur. Et à la Pentecôte, il y revient sous la forme de l’Esprit Saint. Le Cénacle est devenu le lieu de la manifestation suprême du Christ alors qu’Il quitte ses disciples pour le Père. Mais Il reste avec eux jusqu’à la fin du monde se léguant lui-même, Jésus-Eucharistie. Quant à Marie qui fit sa première demeure au Cénacle, c’est toute l’Église qui y est associée, priant, recevant également l’Esprit Saint, aussi bien à la croix qu’au Cénacle. La vie cachée de Nazareth n’était donc pas une fin en soi, mais une préparation à la Pâque, à l’Eucharistie, et au don de l’Esprit Saint qui en découle.
Le Cénacle intérieur est cette vie de prière et d’union au Christ, de communion à sa sainte personne que Pierre-Julien Eymard a découverte dans sa plénitude trois ans avant sa mort, lors de la Grande retraite de Rome, alors qu’il attendait la réponse du pape pour fonder à Jérusalem-même une communauté de religieux du Saint-Sacrement, au Cénacle de l’origine. Cette attente d’un rêve fou s’est transformé en une profonde introspection intérieure, une relecture de toute sa vie spirituelle où il touche enfin à l’amour de Dieu pour lui, personnel, et où il reçoit la grâce de s’unir pleinement au Christ en réalisant ce qu’il appelle le vœu de sa personnalité.
Ces 65 jours sont consignés dans les pages de son journal de retraite du 25 janvier au 30 mars 1865. Il y réalise pleinement sa vocation eucharistique et nous livre, par ce témoignage si précieux, le chemin intérieur par lequel il est passé pour y parvenir.
Lors de ce semestre de rencontres nous approfondirons l’offrande de lui-même au Christ et à tous que fit saint Pierre-Julien Eymard à la fin de sa vie en communion avec le Christ. Dans la chapelle Corpus Christi, l’extrait de ses notes de la Grande Retraite de Rome reproduit sur le mur à gauche de la châsse où il repose, nous donne le ton de sa découverte d’union totale au Christ, trois ans avant de mourir.
Rien pour moi, personnerien, par moi.
Modèle : Incarnation du Verbe.
C’est comme si le Sauveur me disait :par la communion,
tu vivras pour moi,
car je serai vivant en toi.
Tellement que ce sera moi qui vivrai
et désirerai tout en toi.
Tu seras tout revêtu de moi.
Tu seras le corps de mon cœur.
Ce n’est plus moi qui vis,
mais le Christ qui vit en moi. (Ga.2,20)
Saint Pierre-Julien Eymard (1811-1868)
21 mars 1865 (Grande retraite de Rome)L’idéal du Cénacle pour l’évangélisation contemporaine avec la Fraternité Eucharistique
Dans l’intitulé général du #JubiléPJEymard2018 pour la catéchèse, nous insistons sur la particularité suivante, développée par le Père Eymard : prendre l’Eucharistie dans sa totalité. C’est rappeler que le culte de la sainte Eucharistie ne se réduit pas à l’adoration de Jésus-Eucharistie. La Présence réelle de Jésus-Christ ceint dans l’ostensoir ne peut être effective que s’il y a eu célébration de la messe, c’est-à-dire transsubstantiation du pain et du vin en Corps et en Sang du Christ par l’opération de l’Esprit Saint. Il nécessite donc toujours l’action du prêtre pour réaliser le geste de la consécration du pain et du vin à l’autel, avant de passer à notre geste d’adoration.
La spiritualité sacramentine (autre adjectif pour qualifier la spiritualité eymardienne) s’attache à interroger l’expérience eucharistique en sa totalité, le Mystère pascal intégral qui est aussi toute la vie du Christ, sa Personne, le but vers lequel Il tend depuis toute éternité.
C’est bien ce que la Règle de vie de la Congrégation indique ici :
De caractère contemplatif,notre Congrégation est centrée sur la Personne du Christ
dans toute l’ampleur du Mystère eucharistique,
et se dévoue entièrement à son amour et à sa gloire.
Nous unissons la contemplation et l’amour apostolique
dans une vie d’adoration
et, en harmonie avec celle-ci,
dans des activités
toujours inspirées de l’Eucharistie
et orientées vers ce Mystère de foi.
Ceci est vrai aussi pour les laïcs de la Fraternité Eucharistique. Voici en quoi consiste notre vocation eucharistique à mettre en œuvre dans l’esprit de P-J. Eymard.
C’est pourquoi lors des rencontres mensuelles dont voici le programme ci-après, nous commencerons par une catéchèse telle que cette présentation d’aujourd’hui ;
suivie d’un partage qui s’annonce maintenant, avec vous, les personnes présentes à la chapelle, au terme de cet exposé ;
et ensuite seulement les Pères du Saint-Sacrement de la chapelle Corpus Christi célébreront la messe du jour ;
Et à la fin, après la célébration, nous garderons le silence pour adorer Jésus au Saint-Sacrement. Aux pieds du Seigneur Il enseignera notre cœur.
Sandrine Treuillard
Engagée dans la Fraternité Eucharistique
Chapelle Corpus Christi23 avenue de Friedland, Paris 8
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Fraternité Eucharistique Corpus Christi #JubiléPJEymard2018et la page consacrée à Pierre-Julien Eymard, Apôtre de l'Eucharistie - Un saint d'avenir
Communauté de prière Hozana St Pierre-Julien Eymard — Chapelle Corpus Christi
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L'adoration : trésor eucharistique
Suite à des réflexions intitulées Conférence adoration d’un Père du Saint Sacrement qui souhaite rester anonyme, voici mes remarques qui se sont muées en méditation sur la place de l’Esprit Saint dans l’adoration eucharistique.
Je souhaite d’abord rappeler une évidence de l’adoration que le Christ indique, un devoir premier commun aux juifs et aux chrétiens et que les musulmans appliquent absolument : « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ta force, de toute ton âme. » Objectivement, tout croyant véritable a ce devoir d’adoration. Ce devoir correspond à une nécessité. La nécessité de reconnaître la grandeur de Dieu et de reconnaître notre position d’homme par rapport à Dieu. C’est aussi une nécessité d’action de grâce, dans la reconnaissance du Créateur qui nous donne la vie. Nécessité de reconnaître les choses comme étant à leur place. Le mouvement de l’adoration est aussi nécessairement accompagné d’humilité. Il est même mu par l’humilité. Sans humilité l’homme ne peut entrer en adoration. Au moins, si même l’adoration est perçue comme un mouvement extérieur manifesté par un geste (agenouillement, prosternation), il est au moins accompagné de la volonté de faire ce geste dans l’humilité.
Ce mouvement de l’adoration n’est pas un simple devoir d’humilité qu’accomplirait l’homme, et encore moins le religieux du Saint Sacrement. C’est un besoin. Adorer est le besoin de se reconnaître homme devant Dieu et donc d’éprouver sa petitesse devant son Créateur. Par ce geste rempli d’humilité l’homme reçoit quelque chose de Dieu. C’est ce qui motive l’adoration. Et pour le religieux du Saint Sacrement, l’adoration eucharistique n’est pas un simple signe qui le distinguerait des autres congrégations.
J’en viens donc à ce qui m’a gênée tout au long du développement du Père sss. Il y a un grand absent dans son analyse, qui ne l’est certainement pas pour le Père Eymard. Ce qui m’a permis de déceler cette absence, ce Grand absent, c’est certainement grâce à ce que j’ai appris, ce que j’apprends des communautés nouvelles (L’Emmanuel ; le Père Nicolas Buttet de la Fraternité Eucharistein ; un Raniero Cantalamessa… pour ceux que je côtoie actuellement, dans mes lectures). Ces communautés nouvelles, apparues fin des années soixante en France, vivent bien plus consciemment aujourd’hui de et avec ce Grand absent, qu’à l’époque du Père Eymard. Grâce au Renouveau charismatique, on peut vivre plus consciemment de l’Esprit Saint que Jésus nous a donné sur la Croix, même pendant l’adoration eucharistique.
Le Père sss écrit justement que « le Père Eymard n’a pas été saisi par la Présence seulement au tabernacle, il a vécu dans l’intimité de cette Présence à la messe, qui conduit à la communion. » Je poursuivrai en ajoutant que cette Présence continue à l’adoration eucharistique et qu’il en a joui aussi sous cette forme !
Bien sûr, l’adoration découle de la messe. Sans la consécration des Espèces par le Saint Esprit, l’hostie ne porte pas la Vie du Christ. On adore une hostie consacrée à la messe. Pas de messe, pas d’hostie consacrée. Les Prières eucharistiques 2, 3 et 4 dans le geste de la consécration du/des prêtre(s) le disent bien : « Sanctifie ces offrandes en répandant sur elles ton Esprit… » (2).
C’est cet Esprit que l’homme riche (qui vivait dans la rectitude de la loi et suivait tous les commandements que Jésus lui rappellera juste après, en Marc 10, 17-19) a reconnu en Jésus, quand il s’est prosterné devant lui, en lui disant qu’il est bon et quand Jésus lui a répondu, presque sous le ton du reproche : « Dieu seul est bon ! ». Cet homme avait reconnu l’Esprit de Dieu en Jésus et l’adorait spontanément comme tel, à ce moment de sa rencontre personnelle, en se jetant aux pieds du Christ.
Au Saint Sacrement exposé, on reçoit l’Esprit Saint : l’Esprit de Jésus qu’Il donne sur la Croix quand son Cœur est transpercé. Le Christ donne sa Mère à l’Église et confie l’Église à sa Mère. Adorer le Saint Sacrement c’est contempler les mystères de la Passion, certes, mais aussi de la Pentecôte au sein de la Passion, lors de ce don d’amour pour tous les hommes. La Présence réelle englobe tous ces mystères eucharistiques qui sont réactualisés à chaque messe. Nous contemplons ces mystères durant l’adoration eucharistique.
Á la messe, nous nous offrons avec le Christ. Nous revivons les mystères en nous donnant unis au Christ, de son Incarnation à sa Passion, puis sa Résurrection. Á la communion, nous recevons ce Corps glorieux fait chair qui, par notre acte de foi, se donne à nous et vient agir en nous. Nous pouvons espérer que notre âme fusionne avec celle du Christ lors de la communion. Á l’adoration, nous nous exposons aussi à l’amour de Dieu. Nous apprenons à nous abandonner, à ne plus agir mais à laisser le Seigneur agir en nous. Nous contemplons ces mystères d’amour eucharistique et nous nous laissons travailler par l’action du Seigneur exposé, et auquel nous nous exposons. Ce qui agit alors est la personne trinitaire qu’est le Saint Esprit. L’action de l’Esprit nous dépouille dans ce face à face de l’adoration. Nous nous dénudons devant Lui, qui est glorieux et nu à la fois.
Pour adorer en esprit et en vérité, il me semble irréfutable que l’humilité soit cruciale. C’est l’humilité qui nous attire au Christ. L’adoration est un geste d’humilité manifesté dans le corps et vécu intérieurement, au moins dans la volonté d’être humble. Se prosterner intérieurement, en esprit et en vérité, pour rejoindre ce Dieu qui a su se rendre présent pour nous, réellement, dans ce morceau de pain consacré par l’Esprit, rejoindre ce Dieu qui a su s’abaisser pour qu’on le touche dans la foi.
En page 4, le Père sss effleure ”la solution au problème”. L’adoration, comme la messe, est le fruit du mystère de la Trinité. Si un aspect d’une des trois personnes est mis en avant à un moment de la messe, une des deux autres personnes le sera à un autre moment, et encore la troisième à un autre. Et quand le Père sss cite ces paroles du Christ dans saint Jean (et c’est bien saint Jean et pas un autre évangéliste et apôtre qui l’écrit, comme il l’a vécu lors de la Cène jusqu’au pied de la croix !) : « Mon Père et moi, nous sommes un. Je glorifie mon Père et mon Père me glorifie. Père, glorifie-moi de la gloire que j’avais près de toi avant la création du monde. » Cette gloire, cette glorification, cette action provient de la troisième personne de la Trinité : l’Esprit Saint. Glorifier le Christ, sanctifier les offrandes… est le cœur de l’action de la personne du Saint Esprit. Cette personne de l’Esprit Saint est d’ailleurs plus une action qu’une figure personnalisée. Il unifie le Père et le Christ. Il diffuse l’amour du Père et du Fils. Il est cet amour qui agit ces choses. L’amour de Dieu a un nom. C’est même une personne. C’est l’Esprit Saint.
Page 5, le Père sss reprend cette idée que « la conception objective (de saint Thomas d'Aquin) à l’avantage de mettre en lumière la relation de l’adoration à la célébration de la Messe. » Comme si l’adoration pouvait remettre en cause la primauté de la messe. L’adoration est un acte de foi. Foi en la Présence réelle au Saint Sacrement. Présence réelle qui ne peut être effective que par la transsubstantiation lors de la consécration à la messe. Cette hostie exposée ne prend sa source effective qu’à la consécration, quand le prêtre invoque l’Esprit Saint pour qu’il sanctifie les offrandes. Pas de messe, pas d’hostie consacrée, pas de Présence réelle. C’est comme si l’Esprit Saint, à chaque messe, lors de la consécration, redonnait à chaque fois naissance au Verbe originel fait chair, et nous rendait le Christ présent sous les Espèces du pain et du vin. Á chaque messe, le Christ renaît sous nos yeux (et ceux de la foi !), et meurt et ressuscite et nous fait le don de son Esprit. Á l’adoration, nous jouissons du don de son Esprit permanent, en permanence. Une fois que l’hostie est consacrée, Christ est vivant par elle, en elle, elle est Présence réelle et agit, donne sa Vie qui est Esprit. Par notre acte de foi qu’est l’adoration eucharistique, nous nous disposons à recevoir son Esprit. En cela, l’adoration eucharistique est la continuité de la messe et de la communion, comme don de l’Esprit et action de l’Esprit en nous.
Dieu fait homme continue de se donner en donnant son Esprit durant l’adoration eucharistique. Le Christ continue de verser ses grâces pendant l’adoration, de nous transmettre son Esprit de vie. Dieu se donne dans l’adoration, et pas moins que lors de la messe et la communion. L’adoration perpétuelle a certainement valeur de signe pour la congrégation du Saint Sacrement, un signe pour le monde, oui. Comme si l’ostensoir ceignant l’Eucharistie était l’étendard de la foi des religieux sss. Mais je ne pense pas que le religieux du Saint Sacrement puisse se passer de cette action d’adorer, que sans exposition il serait toujours dans sa vocation. Recevoir les grâces du Saint Sacrement exposé n’est pas une simple posture. Notre ”travail” est de nous disposer intérieurement à recevoir sa Vie dans le secret de notre être, et même à notre insu et insensiblement, pendant l’adoration eucharistique. Notre acte de foi en la Présence réelle au Saint Sacrement se situe là : nous croyons que pendant l’adoration l’Esprit de Dieu fait homme poursuit son œuvre en nous, après la messe, entre deux communions. En Le contemplant dans la foi, Il nous fait advenir à Lui, en Lui. Sa Présence réelle est alors une action spirituelle qui nous échappe et nous transforme, dans la durée de nos adorations terrestres.
Vivant au Saint Sacrement, Dieu se donne dans l’adoration. En cela, l’Eucharistie exposée continue d’être une action initiée à la messe. Notre adoration sur terre est un avant-goût du Ciel parce que le Seigneur se donne à nous et agit en nous de façon spirituelle. Il nous fait grandir quand nous adorons en esprit et en vérité, c’est-à-dire dans l’humilité de la foi, qui nous porte à croire que Dieu se donne dans son Saint Sacrement exposé, consacré par son Esprit à la messe. L’action spirituelle du Saint Sacrement est de nous polir, de nous dépouiller, de nous faire goûter aux délices de la rencontre avec l’Esprit du Christ, à sa Paix. La Présence réelle du Saint Sacrement, née à la messe, est aussi Présence agissante spirituellement dans notre acte d’adoration, qui est acte de foi en la Toute-Puissance de Dieu dans cette humilité, cette simplicité, ce dépouillement du Saint Sacrement.
« L’adoration, c’est le vestibule du Ciel » (saint Pierre-Julien Eymard) parce que nous goûtons déjà au face à face avec Dieu pendant nos adorations terrestres. Nous avons quelque acompte du bénéfice intérieur de la rencontre de Dieu. Comme cette chose qui échappe à force d’exposition, à certains adorateurs : de rayonner de la lumière du Christ.
Sandrine Treuillard
26 juillet 2017, Sury-ès-Bois — 5 octobre 2017, Vanves
Responsable de la Fraternité Eucharistique,
Branche laïque de la Congrégation du Saint Sacrement (sss), rattachée à la Chapelle Corpus Christi,
23 avenue de Friedland, Paris 8.---------------------------------------------------
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Saint Pierre-Julien Eymard, Apôtre de l'Eucharistie, un saint pour notre temps
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Chapelle de Saint-Romans-sur-Isère
et Chapelle Corpus Christi, Paris 8.--------------------
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L'adoration eucharistique assume toute ma chair et ma psychologie pour la tourner vers Dieu
Enseignement par le Père Nicolas Buttet, fondateur de la Fraternité Eucharistein, pendant le Congrès sur l'Adoration Eucharistique, Adoratio 2017, avec pour thème "Adorer au Cœur du Monde".
Première réflexions introductives. D’abord, on a beaucoup de confusion entre la santé et le salut. Finalement ce que nous désirons profondément c’est être sauvés, c’est la vie éternelle. Et puis, on a reporté aujourd’hui, un petit peu, sur la santé la quête de vie éternelle. Il y a une sorte d’obsession de la santé et une sorte de désaffection pour l’idée du salut, de la rédemption, de la vie éternelle, de sorte que, finalement, on estime plus important parfois la santé que le salut. Il ne faut pas opposer l’un à l’autre. Dans le livre des Chroniques on nous dit que Asa eut les pieds malades, une maladie très grave, et même alors il n’a pas recourt dans sa maladie au Seigneur, mais aux médecins seulement. Il ne va pas chez le Seigneur, il est malade, ça ne va pas bien du tout et il ne va pas chez le Seigneur. C’est quand même terrible. Et puis, inversement, dans l’Évangile de saint Marc, on nous parle de cette femme atteinte d’hémorragies et elle avait beaucoup souffert de nombreux médecins et elle avait dépensé tout son avoir sans aucun profit, même que ça allait pire après, qu’avant. Elle va vers Jésus et elle va être guérie. Alors, pour la petite histoire, saint Luc ne parle pas qu’elle avait souffert des médecins. Comme il était toubib lui-même, il ne voulait pas d’ennui avec la profession, il dit juste que c’était compliqué pour elle. Donc, on se rend compte que, tout d’un coup, on a une frontière un peu particulière et saint Augustin nous dira : « Quelques fois le médecin se trompe en promettant au malade la santé du corps. Dieu te donne, à toi qu’il a fait, une guérison certaine et gratuite. Le Christ est à la fois le médecin des corps et des âmes. Dieu guérit parfaitement toute maladie, mais Il ne guérit pas sans le malade. » Première remarque dans cette relation santé/salut qu’il s’agit de bien intégrer.
Deuxième remarque : Est-ce que le malade doit être guérit dans la Bible ? Comme être vivant ou mort, ce n’est pas tout à fait ce qu’on croit. Évidemment la frontière ne passe pas entre une santé physique ou psychique et une maladie physique ou psychique. Elle passe entre être avec Dieu ou être sans Dieu. Quand quelqu’un est avec Dieu, même s’il est malade il est en bonne santé, quelque part. Quand quelqu’un est mort avec Dieu, Dieu lui parle. Á Lazare, vous imaginez !, le frère de Marie-Madeleine. Ça fait quatre jours qu’il est au tombeau, ça sent déjà mauvais et Jésus lui dit : « Sors ! ». On ne parle pas aux morts ! Alors que, à Hérode qui vient lui poser des questions à sa Passion, il ne répond pas parce qu’il est déjà mort dans le cœur. Il y a des vivants qui sont morts, il y a des morts qui sont vivants. Et finalement la frontière n’est pas tout à fait là où on pense qu’elle est. Finalement, au cœur de tout ça, c’est la présence de Jésus. Quand Mère Teresa était malade à l’hôpital, pour une nouvelle crise cardiaque qu’elle venait de faire, le médecin hindou dit au prêtre qui était à côté de Mère Teresa : « Père, allez vite chercher la petite boîte ! ». Le prêtre dit : « La boîte de médicaments ? Quel médicament ? Quelle boîte ? ». « Mais non ! La petite boîte qu’ils apportent et qu’ils mettent dans sa chambre. Quand la boîte est là, Mère Teresa la regarde tout le temps. Si vous la mettez, l’apportez dans sa chambre, elle sera toute calme. » Le prêtre a compris qu’il s’agissait du Tabernacle, la Présence réelle. Et le médecin rajoute : « Quand cette boîte est là dans sa chambre elle ne fait que regarder, regarder, regarder encore cette boîte. » Et donc Mère Teresa avait la grâce d’avoir la Présence réelle dans sa chambre d’hôpital. Et quelque fois Dieu a des manières assez surprenantes de nous voir. Je prends un exemple : Dans les Actes des Apôtres vous savez qu’il y a cet eunuque éthiopien, premier ministre de la reine d’Éthiopie qui retourne chez lui depuis Jérusalem et qui est en train de lire, seul. Alors, il faut s’imaginer ce qu’est un eunuque. C’est une personne qui ne peut plus avoir d’enfant. Dans la tradition antique la postérité était capitale. C’était une façon d’exister socialement. C’est la seule façon d’exister. C’est une sorte de malédiction de ne pas avoir de descendance. Il avait tout le pouvoir politique qu’il voulait. Il avait la reconnaissance de la reine et des gens qui s’inclinent et lui font des courbettes. Mais fondamentalement son être humain est complètement atrophié et sa suite n’est pas là. Il est en train de lire un texte un peu particulier quand Philippe le rattrape. Ce texte que l’on retrouve dans les Actes des Apôtres et qui est une citation du prophète Isaïe : « Dans son humiliation, ̶ c’est le même mot qui est utilisé en grec pour parler de l’humiliation de Marie : « Il a baissé les yeux sur l’humiliation de sa servante » ̶ son jugement a été levé et sa postérité, qui en parlera ? ». Donc, il a un texte où l’on parle de la postérité. Le type est seul sur son char, il va faire des jours de voyage, et Dieu vient mettre le doigt en plein où il a mal. Ta postérité, qui est-ce qui va en parler, un jour ? Non Seigneur, on ne veut pas de ça, pas de ça ! Ma postérité, c’est mon drame secret. C’est mon infirmité. C’est la question qui me travaille en permanence et quand je suis seul en silence, c’est ça qui me fait mal. « Ta postérité, qui en parlera ? » Et Dieu dit : c’est justement là que je vais te rejoindre. C’est dans cette question-là. Dans cette souffrance-là. Dans ce drame de ta vie. Dans ce qui fait, finalement, la vraie question de ton existence. Tu n’auras pas de postérité. Ton pouvoir c’est bien, ton avoir c’est bien, tout ça c’est bien, mais il y a une chose à côté de laquelle tu es en train de passer. Et Dieu lui dit ça et met le doigt en plein où ça fait mal, pour lui dire c’est là que je te rejoins et c’est là que je vais t’apporter la guérison. Et la guérison ce n’est pas qu’il aura une postérité. La guérison c’est qu’il va être investi par la grâce de Dieu en raison même de cette fêlure et c’est là qu’il va recevoir le baptême que Philippe va lui donner. Vous voyez, quelque part Dieu vient nous rejoindre, et c’est ça l’adoration eucharistique, on en reparlera tout à l’heure…
Troisième remarque : Je crois que l’adoration répond aussi à ce grand appel de Jésus : « Venez à moi vous tous qui peinez et ployez sous le poids du fardeau je vous soulagerai. Mettez-vous à mon école, prenez mon joug, apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur et vous trouverez le soulagement. Oui, mon joug est aisé et mon fardeau léger. » Qu’est-ce que le joug dans la tradition antique et aujourd’hui encore d’ailleurs ? Le joug c’est ce qui permet d’unir deux animaux afin de labourer plus facilement le champ. Le joug n’est pas un fardeau qui pèse, le joug est un moyen d’alléger le travail, de rendre plus facile le travail. Si un bœuf laboure seul le champ, c’est difficile, s’ils sont deux, avec le copain à côté, le pote, avec le joug qui les unit, c’est plus facile. Le joug est une façon d’alléger l’épreuve et la souffrance. Jésus nous invite à venir nous unir et ce joug c’est l’Esprit Saint que Jésus nous donne en permanence au Saint Sacrement. Á sainte Gertrude d’Helphta Jésus disait : « Là, dans l’Eucharistie, dans la généreuse bonté de mon cœur, je guéris les blessures de tous les hommes, je procure le soulagement aux pécheurs, j’enrichis la pauvreté par les dons et les vertus, et je console chacun dans ses épreuves. » Il y a dans cette expérience que là, devant Jésus, je vais pouvoir trouver la guérison. Là, devant Jésus, je vais pouvoir venir déposer mon fardeau pour prendre son joug, c’est-à-dire avoir son secours et son aide qui, joints à ma propre responsabilité, mon propre effort, va me permettre de sortir de cette épreuve dans laquelle je suis plongé. D’être là avec ce cri : « Toi seul, Seigneur, peut me sauver ! » Saint Pierre dira : « Lui-même a porté nos péchés dans son corps, sur le bois, afin que morts à nos péchés nous vivions pour la justice. Par ses blessures nous trouvons la guérison. » Et ce corps du Christ vivant ressuscité mais stigmatisé, on pourrait dire, dans l’humilité de la présence sous l’apparence du pain, est un lieu permanent de perfusion de l’Esprit Saint et de perfusion de la vie divine par nos propres fêlures qui passent par ses propres fêlures à Lui.
Un dernier point, quand même : Guérir ou soigner ? Un médecin ne peut pas guérir, il ne peut que soigner. Tout thérapeute ne peut que soigner. Il ne peut pas guérir. La guérison est un processus propre du corps, un processus qui ne peut revenir qu’à Dieu seul, quelque part. On peut faire en sorte que le corps aille mieux par une certaine thérapie, mais le processus de guérison est impossible. Il se fait par la dynamique propre de la vie qui m’habite. Dieu seul est capable de guérir. Un médecin peut soigner. Un thérapeute peut soigner. Mais Dieu seul peut guérir. Il n’y a pas de guérison en dehors de Dieu. On peut soigner, on peut « care » disent les anglais, on peut prendre soin, mais on ne peut pas guérir fondamentalement, puisque le processus de guérison ne dépend pas des médicaments ou de la thérapie, il dépend du processus propre, de dynamiques soit du corps, soit de la psychologie de la personne. Tous les thérapeutes en psychologie, en psychiatrie, savent bien que finalement s’il n’y a pas une collaboration de la personne, un oui de la personne, il n’y a pas de processus de guérison possible. Ultimement, c’est cet acquiescement de la personne qui va amener à ça.
Déjà les juifs avaient compris que tout ce mystère se jouait autour du pain, puisqu’il y avait un pain particulier, un pain azyme, la matsa shemoura, qui était un pain extrêmement important. « Matsa » c’est le pain azyme, « shemoura » veut dire surveiller. On surveillait attentivement toute la fabrication et toute la cuisson et puis là, autour… Ce pain était servi dans le remake, ou l’after de Pâque et on dit que c’était le pain de la foi et de la guérison. Déjà dans la tradition juive on avait l’idée qu’autour du pain de la foi se jouait la guérison.
Donc Jésus est présent, Jésus est là, il est présent partout, c’est sûr… Un jour on demandait à une classe d’enfants : « Où est Jésus ? » « - Dans mon cœur ! » Un autre dit : « Á l’église, au Tabernacle ! » « - Oui, très bien ! » « - Au milieu de nous, quand deux ou trois sont réunis en son nom ! » « Très bien ! » « - Moi monsieur, moi monsieur, j’sais ! » « - Il est où ? » « - Á la salle de bain ! » « - Á la salle de bain ! ?? Pourquoi tu dis ça ? » « Ben, chaque matin quand maman fait sa toilette et que papa est devant la porte il tape, il tape et il dit : « Bon Dieu ! T’es encore là ! ». Non, Dieu n’est pas étranger à nos vies, mais il y a un lieu dans lequel Il veut être, corporellement présent et c’est ça qui change tout, corporellement présent, c’est au Saint Sacrement. Il est là réellement, spirituellement et corporellement. Charnellement présent, réellement présent.
Alors, j’aimerais voir quatre aspects, rapidement. Le premier aspect est un aspect plus théologique : Comment l’Eucharistie devient un lieu de guérison. Deuxièmement un aspect plus anthropologique, humain : Comment l’Eucharistie est un lieu de guérison très personnel, très concret. Troisièmement : Comment l’Eucharistie peut être une guérison politique, économique, cosmique, si j’ose dire. Et dernièrement : Comment l’Eucharistie est déjà une préfiguration de la guérison ultime qu’est la parousie, la venue en gloire du Christ.
Le premier point. Comment l’adoration eucharistique est au cœur du drame de l’humanité. Le drame de l’humanité c’est le péché. La folie d’amour de Dieu c’est la création, c’est la rédemption qui va s’en suivre, bien sûr, mais le drame, c’est le péché. Et le péché, nous dit saint Thomas d’Aquin, c’est se détourner de Dieu pour se tourner vers la créature. C’est ce mouvement fou de l’homme qui préfère la créature au Créateur. Ou qui n’aime pas les créatures sous le regard du Créateur. Parce qu’il ne s’agit pas de rejeter la créature mais de voir les créatures en tant que don du Créateur et de voir le Créateur toujours là en premier. Comme dit le vieux proverbe chinois : « Quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt. » Ou alors, dans une classe, on demande : Mais d’où vient le lait ? Et un enfant dit du berlingot, de la brique. Oui, c’est vrai, mais il y a peut-être une vache derrière… Donc, nous sommes un peu bloqués sur les créatures sans voir qu’il y a un Créateur derrière. Alors, l’adoration va se mettre là : quand nous nous mettons en adoration, nous proclamons la source, nous proclamons Dieu. Nous renversons ce mouvement du péché qui est de préférer la créature au Créateur pour dire que je préfère le Créateur et le Rédempteur à la créature. Je viens affirmer de manière profonde et forte que le Créateur est au cœur de ma vie, de mon existence. Le péché me replie sur moi-même, l’adoration, disait le pape Benoît XVI, est une extase, une sortie de soi, là où les yeux m’amènent. Il y a un grand guide de montagne, René Desmaison, qui répondait à pourquoi vous êtes monté sur des montagnes, à faire des choses folles ? Il disait : « Je voulais marcher là où mes yeux me portaient. » Je voulais poser mes pieds là où mes yeux m’avaient attiré. Eh bien, voyez-vous, l’adoration, c’est ça : je regarde Jésus. Et je veux être là où est celui que je contemple. Je suis en extase de moi-même qui me met en exode de moi-même. Benoît XVI va dire : « L’extase initiale se traduit dans un pèlerinage, un exode permanent allant du je enfermé sur lui-même vers sa libération dans le don de soi. Et précisément ainsi vers la découverte de soi, plus encore, vers la découverte de Dieu. » Donc de l’exode à l’extase. Et de l’extase à l’exode. Je sors de moi, je suis en sortie de moi vers ce Dieu. Ça c’est le renversement du mouvement du péché. Le péché. Le péché me replie sur moi-même, me replie sur mon ego, m’enferme en moi-même dans l’enfermement, ̶ et dans enfermement il y a l’enfer aussi, vous voyez, une fermeture totale. Ça c’est le drame qui peut s’exprimer de manière spirituelle, de manière psychique, psychologique, de manière égoïste, pécamineuse, sans souci de l’autre et Dieu va briser ce mouvement pour me mettre hors de moi. Le pape François disait : « C’est dans le don de soi, dans le fait de sortir de soi-même que se trouve la véritable joie et que par l’amour de Dieu, le Christ, lui, a vaincu le mal. » Même des gens comme Boris Cyrulnik, psychiatre athée, d’origine juive, qui dit, mais écoutez : « La seule guérison possible dans les grands traumatismes c’est de sortir de soi et de regarder à l’extérieur. » Ce que le bon sens a compris, l’Eucharistie nous permet de le vivre, l’adoration eucharistique nous permet de le vivre. Sortir dans un exode qui nous tourne vers le Rédempteur qui est là, qui lui-même nous envoie vers les plaies de nos frères et sœurs. Un petit enfant disait un jour : « Cher Dieu, ça doit être difficile pour toi d’aimer toutes les personnes du monde. Il n’y en a que quatre dans notre famille et je n’y arrive jamais ! » Dieu nous amène à partir de cette extase vers Lui dans un exode et de l’exode vers Lui, un mouvement, se mettre en route, sortir de ma terre pour aller vers la terre de Dieu, sa terre charnelle qui est Présence au Saint Sacrement, et de là, aller vers la chair de mes frères et sœurs souffrants pour semer cet amour que Lui-même me donne.
Deuxième aspect important, théologique : Vous savez que l’on dit que l’Eucharistie est la prolongation de l’action de grâce pour la communion et la préparation dans le désir de la communion suivante. Ce qui est vrai théologiquement. Mais Benoît XVI avait souligné un aspect très important. Il disait déjà que, d’un point de vue naturel, l’homme est appelé à vivre dans la justice, qui est une vertu, et la justice consiste à rendre à chacun ce qui lui est dû. Or, il y a un premier élément constitutif de la vertu de justice, qui s’appelle la vertu de religion. D’un point de vue philosophique les grecs en ont parlé quatre siècles avant Jésus-Christ, soit cinq siècles, même, qui consiste à rendre à Dieu un culte d’adoration, d’action de grâce et de louange car il est la source de tout bien et à cette hauteur de tous les biens, on va lui rendre l’adoration, l’action de grâce et la louange qui lui est due. Eh bien voyez-vous, l’adoration eucharistique permet de remplir ce devoir fondamental de l’être humain à l’égard de son Dieu Créateur, de lui rendre ce qui lui est dû : l’adoration, la louange et l’action de grâce. De sorte que Benoît XVI pouvait même dire que, quelque part, avant même, du point de vue non pas de l’ordre chronologique, où l’Eucharistie, la messe, précède l’adoration, mais du point de vue de l’excellence, l’adoration précède encore tout. Et l’adoration est l’accomplissement du devoir premier du cœur de l’homme, en justice. Et je crois que c’est important de revenir à cela.
Saint Augustin disait que « personne ne mange cette chair sans auparavant l’avoir adorée. Nous pécherions si nous ne l’adorions pas. » Alors lui il l’entendait de manière très concrète puisqu’on communiait dans la main. On va recevoir le corps du Christ, on va L’adorer avant de Le porter à sa bouche. C’est ce que disait saint Augustin dans cette façon de faire. Mais profondément, cite Benoît XVI, il va faire précéder dans l’ordre de l’excellence l’adoration par rapport au reste pour montrer que c’est le premier devoir de l’être humain, en justice, que de dire : « Mais Dieu, Tu es mon Seigneur et mon Tout ! » Et donc de s’amener vers la gratitude et l’action de grâce, de dire merci. De dire merci à Dieu. C’est le mot efcharisto. Eucharistie ça veut dire merci. C’est l’attitude de l’homme qui dit merci, tout bien vient de Toi. L’ingratitude, l’acharistia en grec, est une catastrophe. Et l’eucharistia est le chemin de la délivrance. Même psychologiquement, aussi aujourd’hui. On se rend compte que la chose la plus importante pour vivre, dans la psychologie positive, c’est de dire merci, d’être dans l’action de grâce. Ceux qui rouspètent tout le temps, ceux qui marmonnent tout le temps, ceux qui sont dans la plainte tout le temps, dans le murmure, eh bien, c’est une tragédie. Le peuple hébreu quand il a commencé à murmurer, plutôt que de traverser le désert en quarante jours a mis quarante ans. Ce n’est pas très agréable, ça fait un peu plus long, vous voyez. Refusant l’eucharistie, ils sont enfermés dans l’acharistia et donc se sont retrouvés dans cette tragédie du murmure perpétuel. Eh bien, l’adoration eucharistique nous sort et nous disons : « Merci à toi Jésus, Gloire à Toi, Gloire à Toi ! » Donc, de sorte qu’à l’adoration on ne commence pas par soi mais on commence par le Christ : Ô Jésus, Toi, Toi, Toi… Vous voyez, ce mouvement de sortie de soi. Il y a un très beau conte soufi de la tradition mystique musulmane : c’est un fiancé qui rentre d’un long voyage et il se réjouit de rencontrer sa fiancée. Il frappe à la porte et la voix aimée à l’intérieur dit : « Mais qui est-ce ? » Il dit : « C’est moi, je suis ton fiancé, ça y est, je suis revenu ! C’est moi ! » La porte ne s’ouvre pas. Il se dit : « Mais ce n’est pas possible ! Elle n’a pas pu m’oublier, elle n’a pas pu m’abandonner… » Alors, il va dans le désert, il prie, il réfléchit, il jeûne. Il revient quelques jours plus tard, il frappe à la porte. La même voix aimée, dedans, dit : « Qui est-ce ? » Il dit : « C’est moi, je suis ton bien-aimé, je suis ton fiancé, je suis revenu du long voyage. Ouvre-moi ! » Et la porte ne s’ouvre pas. Alors il repart dans le désert, il prie, il jeûne, il réfléchit et il revient. Une troisième fois il frappe à la porte. La même voix aimée : « Mais qui est-ce ? » Á ce moment-là il va dire : « C’est toi, ma bien-aimée, c’est toi ! » Et la porte s’ouvre. Vous voyez, l’adoration eucharistique nous fait passer du moi à toi. Un philosophe juif et poète à sa manière, Martin Buber, a fait un poème extraordinaire. Du, qui veut dire en allemand toi. En haut Toi, en bas Toi, à gauche Toi, au-dessus Toi, dans le malheur Toi, dans la joie Toi, Toi, Toi, Toi, rien que Toi, uniquement Toi. Eh bien l’adoration c’est ça, voyez-vous… Je passe du je au Toi.
Peut-être un autre point très important dans l’adoration eucharistique, que j’aimerais soulever… Saint Thomas d’Aquin nous dit qu’il y a deux drames qui rongent le cœur de l’homme. C’est la présomption et le désespoir. La présomption c’est croire qu’on peut faire par nous-même les choses. Et le désespoir, c’est se retrouver dans cette pauvreté, cette vulnérabilité où on ne sait plus où donner de la tête, jusqu’à la dépression. Et saint Thomas d’Aquin dit que la présomption et le désespoir sont les deux péchés contre la vertu d’espérance. Ah, c’est intéressant, la vertu d’espérance ! Et l’espérance, dit-il, se nourrit de la prière. Et la prière en particulier du Notre Père qui es au cieux. Or, saint Paul nous dit que personne ne peut dire Abba, Père, sans la puissance de l’Esprit Saint. Or, il se trouve une chose incroyable : l’Eucharistie est justement le lieu de la pentecôte perpétuelle. Saint Jean Chrysostome, un père de l’Église, disait que, à l’origine, la Pentecôte n’était pas qu’un fait initial, c’était un mouvement qui avait été inauguré une fois et que Dieu ne cessait pas de donner l’Esprit Saint, et que l’Esprit Saint est un jaillissement permanent du Cœur eucharistique de Jésus. Il y a deux Pentecôte, on les connaît tous : celle de saint Luc dans les Actes des Apôtres cinquante jours après Pâque, où une flamme arrive, où l’Esprit Saint arrive, de grands signes et de grands phénomènes, avec les flammes sur la tête des apôtres. Ils sortent, Pierre fait un sermon et trois mille conversions. Un ami prêtre m’a dit un jour : « Tu te rends compte ! Un sermon, trois mille conversions ! Moi, trois mille sermons et pas une conversion ! » Je dis : « Non… Le Seigneur travaille quand même, pas de souci ! » Voilà. Et il y a une Pentecôte dont on parle moins, c’est la Pentecôte de saint Jean. Saint Jean ne situe pas la Pentecôte de la même manière que saint Luc, mais pour Jean la Pentecôte est immédiatement à la Croix. Au dernier jour de la fête de Soukkot, la fête des Tentes, où le peuple juif vivait sous des tentes en dehors de leur maison, rappelant le séjour au désert, le dernier jour il y avait un rite particulier où le grand prêtre descendait à la fontaine de Siloé, qui était la seule fontaine jaillissante d’eau vie à Jérusalem. Le reste c’était des puits. Il allait chercher l’eau vive, l’amenait sur l’autel du Temple pour verser l’eau en offrande. Et à ce moment-là, dans une acclamation, ̶ le commentaire du Talmud dit qui n’a pas vu la joie de la fête de l’eau qui clôt la fête des Tentes ne peut pas connaître la joie. C’était l’apothéose de la joie. Et Jésus crie à ce moment-là : « Si quelqu’un a soif qu’il vienne à moi, car il est écrit de son sein jaillira l’eau vive. Il parlait de l’Esprit Saint qui jaillirait de son côté, à sa glorification », c’est-à-dire au moment de la Pâque. Donc, pour saint Jean le Cœur ouvert du Christ est la Pentecôte. Or, le Cœur du Christ ne cesse de palpiter au Saint Sacrement. Et l’Esprit Saint ne cesse d’être donné. De sorte que, en l’adoration eucharistique, Dieu vient me libérer de la présomption et du désespoir. Qui suis-je pour, pardonnez-moi l’expression un peu directe, me la péter devant le Bon Dieu, au Saint Sacrement ? Qui suis-je pour avoir quelque sentiment d’orgueil devant Jésus au Saint Sacrement ? Lui, le Tout-puissant s’est fait dans une telle vulnérabilité, sous l’apparence d’un bout de pain inerte, et c’est Dieu qui est là. Et en même temps qui suis-je pour désespérer, puisque la grâce m’est donnée. Puisqu’Il s’est revêtu de mon humanité, Il a pris l’humilité de descendre et vient aux tréfonds me rechercher et m’empoigner. On a accueilli une fille chez nous qui avait fait cinq tentatives de suicides, des violences extrêmes, la drogue depuis douze ans, son copain était un dealer qui s’est fait assassiné, dans la rue comme ça… Enfin voilà, c’était vraiment un truc incroyable. Et quand elle a débarqué chez nous, elle était en hôpital psychiatrique juste avant. Elle avait fracassé l’infirmière qui était venue lui faire une piqûre de calmants, du coup l’infirmière avait dû être hospitalisée pour coups et blessures. Elle avait quinze ans, on ne savait plus que faire d’elle. Alors on l’a amenée chez nous. Un jour elle a pété les plombs, c’était horrible. Et puis elle me dit : « J’me casse ! » J’dis : « Écoute, de toute façon il n’y a plus personne qui peut te supporter ici, donc… Mais avant, on cause. » Et puis elle me dit : « J’ai pas envie de parler avec toi, tu dégages, connard ! » Très bien. Alors j’dis : « Mais on cause. » Alors je la poursuis, j’arrive à la chambre, elle m’envoie la porte à la figure, je bloque la porte. Je dis : « Écoute, j’ai dit qu’on causait ! » Elle me dit : « T’as pas l’droit de rentrer ici ! » J’dis : « Écoute, c’est ni chez toi, ni chez moi, c’est chez le Bon Dieu, donc on est chez le Bon Dieu tous les deux. » Elle commence à faire sa valise. Á ce moment-là je ferme la valise, je m’assieds dessus, j’dis : « J’t’ai dit qu’on causait avant que tu te casses, quoi ! » Et là, elle vient vers moi avec le poing comme ça, vous savez… Alors j’enlève vite mes lunettes parce que j’me dis qu’il vaut mieux un œil au beurre noir qu’un œil crevé. Et elle s’arrête à ça de moi avec le poing ! J’étais très content, d’ailleurs. Et elle me dit : « Mais pourquoi je suis comme ça, Nicolas ? » « Ah !, j’dis, ça c’est une très bonne question, assied-toi. » On a passé un long moment à discuter, et puis à la fin, elle me dit : « J’fais quoi, maintenant ? » « Si tu veux t’casser, tu veux t’casser… Á moins que tu aies une autre idée, maintenant. » « Tu veux que j’aille où ? » J’dis : « J’suis tout à fait d’accord avec toi, à part la rue, tu n’as rien. » Elle me dit : « Tu m’gardes encore ici ? » J’dis : « Ouais ! Mais à une condition. C’est que quand tu pètes les plombs, tu vas à la chapelle. » Elle me dit : « Non ! mais moi je n’y crois pas à ton machin de Jésus, avec ton machin blanc, là ! J’y crois rien ! » J’dis : « C’est pas ça que je t’ai dit. Je t’ai dit : Il n’y en a qu’un seul qui te supporte ici, c’est Jésus. Et la chapelle est insonorisée. Et il n’y a personne qui te supporte, par ailleurs. Donc, quand tu as envie de péter les plombs, tu vas chez Jésus péter les plombs. D’abord on n’entend pas, ensuite c’est Lui qui te supportera. » Et elle faisait ça très gentiment d’ailleurs, par obéissance. Et un jour, elle sortait de la chapelle, je la vois arriver. Je passais juste devant la chapelle à ce moment-là, c’est vraiment providentiel et elle me dit : « Aïe ! Aïe ! Nicolas ! » J’dis : « Quoi ? » « - Le cœur !... » J’dis : « Saute dans la voiture, on part à l’hôpital tout de suite ! » Je me suis dit, avec toutes les substances qu’elle a prises, le cœur est en train de… Elle dit : « Non, c’est pas ça, c’est l’amour de Jésus ! » « Ah, j’dis, c’est bon ! » Elle me dit : « Tu vois, j’ai dit à Jésus : Tu as une heure, montre suisse en main, tu as une heure pour me dire si tu existes ou pas. Soit tu existes et tu fais quelque chose, soit, s’il n’y a pas de réponse, je vais me suicider. Peut-être, si tu existes, on se retrouvera de l’autre côté. Mais moi je ne supporte plus la vie comme ça. » Elle s’est mise à genoux, une heure montre en main. Après une heure, elle s’est levée et elle a dit : « Tu n’m’as rien dit. Peut-être qu’on se reverra de l’autre côté, si tu existes. » Et à ce moment-là elle me dit : « Je ne sais pas ce qui s’est passé Nicolas, j’ai senti mon cœur brûler, je me suis effondrée au pied du… Elle était à ça de Jésus ! Á ça de l’ostensoir, au bord de l’autel, comme ça ! Elle a dit : « J’l’ai pas quitté des yeux, hein ! J’te lâche pas ! J’te lâche pas les baskets ! » Elle m’a dit : « J’me suis effondrée là, je sors maintenant de la chapelle. Il m’a dit qu’Il existait et qu’Il m’aimait. » Elle avait des médocs à n’en plus finir. On a fait le pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle. Elle a fait un chemin comme ça. Bref, elle a fait son Bac, elle a terminé son Master en Sciences Po, croyante et tout… Avec cette expérience du Christ qui vient sauver, qui vient regarder. Tout d’un coup, entre la présomption et le désespoir, il y a le cœur de l’enfant de Dieu qui nous est restitué par l’effusion de l’Esprit Saint jaillissant du Cœur eucharistique du Christ. De sorte qu’il y a cette Pentecôte permanente qui est là, et qui fait que tout d’un coup je peux venir à ce Cœur miséricordieux.
Á sainte Faustine Jésus disait : « Tu vois, mon enfant, ce que tu es par toi-même, la cause de tes échecs, c’est que tu comptes trop sur toi et que tu t’appuies trop peu sur moi. Mais que cela ne t’attriste pas outre mesure, je suis le Dieu de la Miséricorde, ta misère ne saurait épuiser mon Amour, puisque je n’ai pas limité le nombre de mes pardons. Sache, mon enfant, que les plus grands obstacles à la sainteté sont le découragement et l’inquiétude. Toutes les tentations réunies ne devraient pas, même un instant, troubler la tranquillité intérieure. Quant à l’irritabilité et au découragement, ce sont les fruits de ton amour propre. » Le diagnostic est clair, c’est bien, on sait où on en est.
Une autre chose fondamentale dans l’adoration eucharistique c’est qu’on a le choix entre adorer et idolâtrer. Le cœur de l’homme est ainsi fait qu’il ne puisse pas ne pas s’attacher à quelque chose. Qu’il ne puisse pas aller à un endroit où le sens de sa vie prend source, où il s’accroche. L’athéisme comme tel est impossible. J’aurais de toute façon une idole à la place de Dieu. Je peux être athée d’un certain Dieu, du Dieu de Jésus-Christ, je peux être athée d’un autre Dieu, peu importe… Mais je ne peux pas vivre d’un athéisme. J’aurais nécessairement quelque chose qui tient lieu : mon travail, mon sport, ma littérature, ma science, mon art, une personne, mon moi, mon ego… bref, quelqu’un tiendra lieu de Dieu qui remplira cette tâche dans mon existence. C’est subtil, parfois… Un petit enfant de cinq ans : « Maman, t’aimes mieux qui le plus au monde ? – Mais mon p’tit chou ! tu sais bien que je te préfère à tout ! – Ah, c’est là le problème, alors, maman. » C’est que tu n’as pas quelqu’un devant, qui est là et qui pourrait dire : eh bien, oui, c’est parce que j’aime Dieu en premier que je peux t’aimer toujours mieux. Donc l’idolâtrie sera toujours là et Benoît XVI disait : Enfin, avec Jésus au Saint Sacrement, on a quelqu’un devant qui plier le genou : « Celui qui plie le genou devant l’Eucharistie fait une profession de liberté. Il ne pourra plus jamais plier le genou devant quelque idole que ce soit. » Je suis libre quand je plie le genou devant Dieu, quand je m’agenouille devant le Seigneur et Sauveur, quand je me prosterne devant l’unique Seigneur. Ce geste d’adoration devient une contestation révolutionnaire face à notre monde des idoles. Adorer le Saint Sacrement, répandre l’adoration sur la terre entière devient la plus grande contestation révolutionnaire mais dans un sens prophétique et positif du terme de la révolution. Non pas dans un sens destructeur mais au contraire dans la proclamation d’un nouvel ordre du monde qui est un peu déboussolé, qui est un peu désorienté. Un monde qui a perdu l’Orient devient désastré. Il a perdu l’astre. Et c’est une catastrophe. Replier le genou devant celui qui est le Soleil levant qui porte en ses rayons notre guérison, le Christ, Soleil levant, c’est se tourner vers l’Orient, c’est réorienter le cœur de l’homme et le monde et retrouver l’astre du matin qui vient illuminer notre monde. Voilà. C’est ce renversement qui s’opère comme ça. Et je pense qu’il y a une profession de foi prophétique par l’adoration permanente du Saint Sacrement. Un jour à Lyon, un jeune qu’on avait accueilli qui s’était converti et qui allait être confirmé. Il avait invité à la fois des amis de la paroisse, des cathos bien engagés et ses amis du travail qui était athées, musulmans… Á la fin, il m’a dit : « Il faudrait que tu parles… Un petit mot comme ça, devant tout le monde… » J’dis : « Écoute, j’peux pas parler aux gens de ta paroisse de l’Emmanuel de la même manière que je vais parler à un musulman, ou à un athée… Enfin, c’est pas possible ! » Il fait : « Débrouille-toi, ça c’est ton problème, c’est pas le mien ! » C’était un hall de gymnastique, il avait mis une croix quelque part et il y avait un petit pique-nique, là, un petit buffet. Et puis… j’étais tellement perdu que je me suis prosterné devant la croix en mettant le front par terre et disant : « Jésus ! il n’y a plus que Toi qui peut me dire ce qu’il faut dire. » Je me relève. Je raconte, je ne sais pas ce que j’ai raconté… Á la fin, un monsieur vient me voir et me dit : « Voilà… j’aimerais vous dire que je suis musulman, j’aimerais devenir chrétien. » Je dis : « Ah bon ! Vous y pensez depuis longtemps ? » Il me dit : « Non, depuis tout à l’heure. » Je dis : « Quand ça ? » « Quand vous vous êtes prosterné le front par terre devant la Croix du Christ, comme nous on fait en direction de La Mecque, mais vous devant la Croix du Christ, j’ai su que vous adoriez le vrai Dieu ! » Et deux ans après il a été baptisé à Saint-Jean, à la cathédrale de Lyon. Dieu s’est servi de ce geste que j’avais fait de manière "égoïste", en disant Seigneur, moi je ne sais pas ce qu’il faut dire. Je n’avais aucune intention en posant ce geste. Dieu s’est servi de ce geste qui n’avait aucune intention. Je crois qu’il n’a pas écouté ce que j’ai dit après, il a bien fait d’ailleurs, tellement bouleversé par ce que Dieu lui avait donné, ou ce que l’Esprit Saint lui avait donné, par ce geste d’adoration. Professer le Christ dans l’adoration c’est délivrer l’homme de toutes les idoles.
Peguy disait : « Tous les prosternements du monde ne valent pas le bel agenouillement droit d’un homme libre. Toutes les soumissions, tous les accablements du monde ne valent pas une belle prière bien droite, agenouillée, de ces hommes libres-là. Toutes les soumissions du monde ne valent pas le point d’élancement, bel élancement droit d’une seule invocation d’un libre amour. » C’est bouleversant, ça, voyez… Donc l’adoration est là au cœur du drame de notre humanité pour renverser les choses.
Du point de vue anthropologique, le premier drame de l’humanité, c’est l’orgueil. Quand on est devant le Saint Sacrement exposé, quand on regarde Jésus dans son look du bout de pain, dans son apparence d’un bout de pain, dans cette vulnérabilité-là, vraiment, on est bouleversé. Le Tout-Puissant s’est fait le désarmé. Le Seigneur des armées est devenu le Seigneur désarmé. Désarmé, vulnérable, pauvre. Il ne peut même pas sortir du Tabernacle tout seul. Bon, des fois, il le fait. Avec sainte Faustine, un jour, Il débarque dans sa chambre et Il se pose sur ses mains, et dit : J’en ai marre, ici, il n’y a personne qui m’aime. Il n’y a que toi, donc je quitte cette maison et j’me casse ! Et Faustine négocie, elle dit : Tu ne peux pas Jésus, quand même, non… Il était sorti du Tabernacle, du ciboire, comme ça, et puis Il lui dit, bon, tu m’as convaincu, rapporte-moi au Tabernacle. Elle lui dit non, t’es venu tout seul, tu retournes… Il dit, non, j’y retournerai avec toi. Il lui a fait trois fois le coup comme ça. Trois fois Il lui a dit, non, je ne veux plus rester ici, ça va pas. Et trois fois Faustine dit, mais non, Jésus, écoute… Faut pas faire comme ça, elles sont bien mes sœurs quand même, tu sais… Et donc, elle ramènera trois fois Jésus au Tabernacle. Á part ça, il a besoin des mains du prêtre ou du diacre, pour sortir, être exposé. Benoît XVI dit : « Sa façon d’être Dieu provoque notre façon d’être homme. » C’est prodigieux cette phrase, aussi. Qui es-tu devant ce Dieu pour revendiquer quoi que ce soit ? Au point que Jean-Paul II a pu dire : « La première tâche de la théologie est l’intelligence de cet abaissement de Dieu ̶ qu’on appelle en grec la kénose, en français venant du grec ̶ le Dieu qui se vide de lui-même, vrai et grand mystère pour l’esprit humain. » Dieu s’abaisse jusqu’à la Croix, jusqu’à l’Hostie. « C’est pourtant dans ce mystère de l’abaissement de Dieu que le mystère de l’homme s’éclaire totalement. Le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné. »
Deuxième point : l’égoïsme et le repliement sur soi. Nous sommes libres mais nous avons tous besoin d’être libérés. Si de manière générale, théologiquement, l’adoration renverse le mouvement du péché, qui est la préférence de la créature pour le Créateur, d’un point de vue très concret, l’adoration me donne ce goût de la liberté, élargit mon espace, élargit mon cœur. Dans la confiance de la présence de Celui qui me regarde et qui m’aime il y a un mouvement de libération qui peut se faire.
Troisième point de ce côté-là : les troubles de l’estime de soi, les maladies du refus de vivre. Vous savez, on est très marqué par rapport à ça : Je ne m’estime pas, je ne vaux rien, je suis nul, c’est n’importe quoi, rien à foutre… C’est une fille que j’avais accueillie, qui avait fait aussi plusieurs tentatives de suicide. Qui était dans un état aussi incroyable. Elle a passé neuf nuits d’adoration. Neuf nuits de 10h du soir à 6h du matin. Sans trop y croire, d’ailleurs. Après ces neuf nuits elle m’a écrit un mot. Elle ne pouvait pas encore parler parce qu’elle était tellement blessée, traumatisée. Je lui avais dit, t’es trop cassée. Il n’y a qu’une chose qui peut te relever c’est te laisser regarder par Jésus. Elle me dit : « Mais j’y crois pas ! » « Ça fait rien, Lui croit en toi. Alors si tu veux passer une nuit d’adoration, je peux accepter. » La première nuit, de 10h du soir à 6h du matin, elle n’a pas bougé. Moi j’avais la tête qui tombait. Elle rien, rien. Je dis : « Tu peux revenir une fois, si tu veux. » Elle me dit : « Je reviens ce soir. » Je dis : « Non, pas toutes les nuits, une nuit sur deux, quand même ! » Et donc, elle a fait les neuf nuits. Elle m’a écrit : « Tu vois, Nicolas, je me trouvais moche, nulle et conne. Et Dieu dans l’adoration m’a dit : « Tu es belle, tu as du prix à mes yeux et je t’aime. » Et j’ai compris que ce qui compte c’est pas ce que moi je pense de moi, même pas ce que mon père pense de moi. ̶ Qui avait dit en psychothérapie systémique : « Tu peux crever, j’en ai rien à faire », ce qui n’était pas son intention profonde, mais dans le désespoir et la souffrance qu’il avait, c’est la seule chose qu’il a pu sortir, mais elle l’a pris en pleine figure, comme une parole vraie. ̶ Et puis, c’est pas ce que pensent les copains de moi. Ce qui compte, c’est ce que Jésus pense de moi. » Et ça a été le chemin de la libération.
On est vraiment aux antipodes, dans les Métamorphoses d’Ovide, avec le mythe de Narcisse. Ovide dit : « Il meurt victime de ses propres yeux. » C’est extraordinaire : à force de regarder là-dedans, il est séduit par lui-même, il meurt victime de son propre regard replié sur lui-même. Nous, nous allons vivre du regard du Christ posé sur nous. Á l’adoration où Jésus est exposé, nous nous exposons à son regard de miséricorde. Jean-Paul II dans la Théologie du corps dit : « L’homme accueille par un regard celle qui lui est donnée. » Il y a toujours un regard qui est là, voyez-vous. Au cœur de ce mystère, il y a ce regard. François Roustang, un thérapeute psychanalyste, disait : « Dans le regard sur ma propre chair, sur ma propre corporéité, sur ma propre sensibilité, j’ai la certitude d’être vivant en tant que tel, d’une pleine évidence telle qu’elle rejette dans l’ombre toutes les modalités de la vie individuelle. Je suis vivant, je suis assuré d’être vivant et cela me donne une fermeté et un aplomb que je n’avais jamais ressenti auparavant. » Pour lui, il le dit de manière psychanalytique athée, c’est-à-dire que le regard de l’autre me sort de mon narcissisme destructeur, de mon renfermement sur ce regard qui me fait mourir, parce qu’il m’enferme sur moi-même, et me met en présence de Celui qui m’extasie, justement, et qui me regarde. Cette parole d’un psychanalyste s’applique dans sa perfection et son excellence à l’adoration eucharistique. Jésus, avec son regard d’amour, il est là, il a ses yeux. J’étais avec un petit enfant, un jour, cinq ans, devant le Saint Sacrement. Il regarde l’Hostie comme ça, il dit : « Jésus, Toi tu ne me vois pas, hein, mais moi je sais que c’est Toi qui es là ! » Alors : « Oui, oui, Il te voit aussi… » Je l’ai trouvé tellement beau… Tu ne me vois pas, mais moi je sais… On est complice. Et le Pape François disait : « Dans l’adoration, j’ai l’expérience que Dieu m’aime. Cette sécurité, personne ne pourra nous l’enlever, personne ne pourra nous l’arracher. Personne. » Dieu est là. C’est juste l’inverse du regard de Sartre. Dans Les mots, Sartre raconte qu’il était dans le salon de la maison familiale. Il avait joué avec des allumettes, il avait mis le feu au tapis. Le tapis a cramé. Il a réussi à éteindre mais il restait les marques et il dit : Dieu m’a vu, j’étais devenu une cible vivante. J’essayais d’échapper à son regard. J’ai été me cacher sous la table du salon, il me voyait toujours. J’étais à la salle de bain, il me voyait toujours. Alors, je me suis mis à jurer comme mon grand-père. Sacré nom de Dieu, de nom de Dieu, de nom de Dieu, tu ne me regarderas plus ! Je n’ai pas immédiatement cru que Dieu n’existait pas, mais je ne voulais plus qu’il me regarde. Vous voyez l’image qu’il avait du regard de Dieu. Le père Fouettard. Je suis athée de ce Dieu-là de Sartre. Le Dieu auquel je crois n’est pas un Dieu qui regarde pour juger ou accuser. C’est un Dieu qui regarde pour relever, faire exister. Et au Saint Sacrement il me relève et me fait exister. On apprend par Jésus l’expérience de cela. Quand Jacob se bat dans son combat contre Dieu dans cette nuit à Penuel, le nom Penuel veut dire la face de Dieu, se tourner vers le seul vrai Dieu. Et saint Ambroise commentant Marie-Madeleine dit : « Qui cherche-tu ? demande le Christ à Marie. Regarde-moi ! Tant que tu ne me regardes pas je t’appelle femme. Tu me regardes, je t’appelle Marie. Tu reçois le nom de celles qui engendrent le Christ, car, en me regardant spirituellement, tu engendres le Christ dans ton âme. » Et Hagar, chassée par sa maîtresse, Saraï, pas très gentille, là, l’envoie au désert. Elle est là, elle croit qu’elle va mourir. Elle a son enfant d’un côté et va de l’autre côté. Et tout d’un coup, Dieu vient la visiter et lui montre le puits. Elle a l’audace, pour une esclave non juive, de donner un nom à Dieu. Elle va donner à Dieu le nom : « Toi tu es Dieu qui me voit ». Atta-El-roï. C’est pourquoi on appelait ce puits le puits pour le vivant qui me voit. C’est la seule qui ose donner un nom à Dieu. Vous voyez la liberté d’une esclave ! Elle ose donner un nom parce qu’elle a fait l’expérience que dans sa misère et dans la mort qui s’annonçait, pour sa descendance et pour elle, Dieu la voyait et lui a donné la vie. Il lui a donné l’eau vive. Donc n’ayons pas peur de nous présenter à Dieu comme ça, devant lui.
Un autre point. On vit beaucoup dans l’affectivité, l’émotion, le ressenti. L’adoration eucharistique est une guérison de mon émotionnalité. Je ne sais pas si ceux qui adorent régulièrement parmi vous ont beaucoup de guili-guili qui partent de l’occiput à la pointe du petit orteil, mais… Moi, en tout cas, c’est pas trop le cas, depuis des années que je fais cela… Par contre, je vois une chose qui est absolument prodigieuse qui se passe en moi. Ce n’est pas ma sensibilité qui rejoint Dieu. D’ailleurs, elle ne permet jamais de rejoindre Dieu. Elle peut être un cadeau, il ne faut pas rejeter les cadeaux de Dieu dans notre sensibilité, si sa bonté, sa tendresse nous donne ça. Mais c’est un cadeau de Dieu, ce n’est pas Dieu lui-même. Dieu lui-même ne se touche que par la foi, l’espérance et la charité. Par les vertus que l’on appelle théologales. Et donc, l’adoration eucharistique… Si les Pères de l’Église disaient il faut fixer son regard ̶ et toute l’adoration eucharistique au XIIIème siècle est née du fait que l’on voulait voir Dieu avec nos yeux de chair, puisque certains contestaient sa présence réelle ̶ On a toujours dit : oui, mais nos yeux de chair, qui sont le vecteur de ce regard posé sur Dieu, portent un autre regard, ceux de l’âme, qui est perfectionné par la foi, l’espérance et la charité. Donc, toute l’adoration eucharistique consiste à poser des actes de foi, d’espérance et de charité. Je crois que Tu es là, Seigneur. Je T’aime, Seigneur, je T’adore et je compte sur Toi, parce que sans Toi, je ne peux rien faire. Et un jour je te verrai face à face. Acte de foi, acte d’espérance et de charité. De sorte que quelques soient mes émotions, quand je ressens, je dis merci Jésus, mais ce n’est pas ça ce à quoi je veux m’attacher. C’est à Toi que je veux m’attacher. Ce n’est pas pour tes cadeaux que je T’aime, c’est pour Toi-même. Et quand je ne ressens rien, encore mieux : je peux au moins m’attacher à Toi par la foi, l’espérance et la charité. Et donc je suis lié à Lui de manière indéfectible. Un jour, un petit enfant de 6 ans, qui préparait sa première communion, devant le Saint Sacrement : « Nicolas, c’est fou, hein ? de penser que c’est Jésus qui est là ! » Je dis, génial, on va… Il me dit : « Enfin, c’est la Toute-Puissance de Dieu, quoi ! » Oui, t’as raison, c’est vrai, la Toute-Puissance peut se faire toute petite.
L’adoration nous délivre des maladies de la subjectivité ̶ qui se transforment d’ailleurs en pathologies : boulimie, anorexie, dépression, crise identitaire, toxicomanies diverses… ̶ pour nous établir dans une structuration de notre être profond par la dimension essentielle de notre dignité humaine, qui est l’âme spirituelle, qui elle-même est faite d’intelligence et de volonté, qui elles-mêmes, ces facultés, sont perfectionnées par la foi, l’espérance et la charité. Ce qui ne me désincarne pas, ce serait une tragédie, mais qui assume toute ma chair et ma psychologie pour la tourner vers Dieu.
Un autre point qui me paraît important. Parfois, on a une maladie que l’on appelle l’acédie. Acédie veut dire la perte du désir, la perte de la soif, la perte de la faim ; le train-train, la paresse ; l’assoupissement, le manque de force et de détermination pour aller vers Dieu. L’adoration m’amène à crier vers Dieu en permanence. L’adoration est vraiment ce cri qui me tourne vers Dieu perpétuellement. Paul Claudel disait : « Lève les yeux et tiens-les fixés devant toi. C’est là ! Et regarde l’azyme (le pain) dans la monstrance. Le voile des choses, pour moi, sur un point est devenu transparent. J’étreins la substance, enfin, à travers l’accident. » C’est-à-dire : j’étreins Jésus à travers l’apparence du pain. Il y a donc là un désir. L’adoration est le lieu du désir. C’est Toi que je veux ! J’ai faim de Toi, j’ai soif de Toi ! Je le mange des yeux ! Je le mange du regard et je nourris ma foi, mon espérance et ma charité. Je n’arrête pas de le désirer. Saint Augustin dit : « Le gémissement de mon cœur me faisait rugir. Et qui connaissait la cause de mon rugissement ? Tout mon désir est devant Toi. Non pas devant les hommes mais devant Dieu. Car ton désir c’est ta prière. Si le désir est continuel, la prière est continuelle. » Ça, c’est beau ! Donc, j’apprends le désir. En même temps devant le Saint Sacrement, j’apprends à être moi-même, aussi. Ma vulnérabilité, ma pauvreté, je suis là. Le monde nous pousse à la performance, nous pousse à la réussite. Nietzsche avait parlé du surhomme, aujourd’hui c’est le transhumanisme qui fait fureur partout. J’en parlais avec un spécialiste du transhumanisme ici, en France, Laurent Alexandre, qui me disait : « Mais qui, aujourd’hui, voudrait vivre avec 120 de QI ? Mais c’est 175 minimum, voire 200 ! Il n’y a plus de raison de vivre avez 120 ! » Je dis : « Moi, je n’ai encore jamais rencontré une seule personne qui m’a parlé de son QI ! Mais toutes les personnes que j’ai rencontrées m’ont parlé de leur cœur. Qui souffraient de ne pas être aimées. De ne pas avoir l’amour. De ne pas trouver sens à la vie. Ça oui. Mais personne ne m’a dit, là, j’ai un problème avec mon QI. Jamais. Ou alors avec des gros intellos. Mais c’était très bien pour eux. » Finalement, devant cet appel au culte de la performance et à la fatigue d’être soi (Nietzsche) il y a, devant Jésus, la pauvreté, l’expérience que ma vulnérabilité est aimée, que ma vulnérabilité est le lieu de l’entrée de la grâce, que ma pauvreté est le lieu par lequel Dieu va passer. C’est le lieu par lequel Dieu va me rejoindre. La désappropriation radicale de l’humanité de Jésus dans l’Eucharistie est un lieu pour que je puisse aussi m’abandonner tel que je suis. Ma pauvreté est la porte d’entrée de la grâce. Ma misère est la porte d’entrée de la grâce. Elle est le reposoir de la miséricorde de Dieu et le lieu par lequel Dieu va tout transformer. Et c’est par-là que ça se passe, voyez-vous. C’est capital de redécouvrir cela. De redécouvrir que la vulnérabilité est au cœur de l’existence humaine et au cœur de l’étreinte divine. Dieu vient épouser ma vulnérabilité. Ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin du médecin. Ce sont les malades. « Je suis venu pour les pécheurs et pas pour les justes. » Vous voyez. Et quand j’arrive comme ça devant Dieu, je peux Lui dire : « Tu n’es pas venu pour rien, Seigneur, tu n’es vraiment pas venu pour rien. Tu as trouvé ton bonhomme devant Toi. »Je pense qu’il y a aussi dans l’adoration eucharistique quelque chose d’assez extraordinaire qui se produit. C’est une… Je disais tout à l’heure que si l’homme est fait pour trouver le sens à sa vie, pour ad-orer, ̶ adorer veut dire "mettre une source à sa bouche pour en vivre". On ne peut pas vivre sans eau. Ou je mets ma bouche à la source de Dieu ; ou je la mets à d’autres sources frelatées. Il y a une autre chose qui me caractérise : je ne peux pas vivre sans une certaine dépendance. Si je ne dépends pas de l’unique nécessaire qui est Dieu, je vivrais dans des dépendances affectives diverses. Mon cœur sera balloté. Et ce cœur balloté va se trouver aussi, parfois, souillé. Et Dieu vient me redonner par l’adoration eucharistique la possibilité de m’attacher à l’unique nécessaire, Lui, et une purification aussi du cœur, une chasteté. « Tu nous as fait pour Toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose pas en Toi » dit saint Augustin. Il y a, par ce regard posé sur le Christ, une chasteté qui nous est donnée. Jésus dit : « Ton regard, c’est la fenêtre de ton cœur. Garde ton regard pur afin que ton regard soit pur. » On a accueilli une fille qui était dans la prostitution sadomasochiste, dix ans de prostitution, de violence et d’horreur « mais je ne peux même pas, Nicolas, te raconter ce que j’ai fait, parce que tu ne supporterais pas d’écouter ce que moi j’ai vécu. » Et à l’adoration eucharistique, elle passait des heures chaque jour. Elle s’en est sortie. Elle fait de belles études maintenant. Et un jour elle vient vers moi et elle me dit : « Mais tu sais, Nicolas, il semble que Jésus m’a recréé ma virginité. « Je dis, d’accord. Elle me dit : « Je la sens même physiquement. Mon corps qui me faisait mal en permanence, ma féminité qui avait mal en permanence… » pas tant physiquement… Je ne sais pas, je n’ai pas exploré ce qu’elle voulait me dire dans ces mots… Mais en tout cas, dans sa chair meurtrie par ce qu’on lui avait fait par son corps, sa virginité lui était restituée par l’adoration eucharistique. Le regard chaste du Christ et son regard à elle posé sur le Christ venaient à la fois purifier son cœur et purifier son corps. Je crois que dans un monde très marqué par ça, par l’érotisme et la pornographie, l’adoration devient un lieu de guérison profonde. Qui a posé son regard sur le corps du Christ ne peut pas regarder le corps de l’autre n’importe comment. De la même manière que lorsque l’on a touché le corps du Christ on ne peut plus toucher son corps ou le corps de l’autre n’importe comment. La charnalité du Christ, la corporalité du Christ au Saint Sacrement me met en rapport immédiat avec mon corps. Et le respect du corps du Christ et l’adoration du corps du Christ renverse aussi ce mouvement-là. « Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu. »
Tout ça passe aussi par ce fameux regard dont je vous parlais. Je crois que c’est très important. Si l’on expose Jésus au Saint Sacrement, c’est pour le regarder, voyez-vous. Autrement, c’est pas le Tabernacle. En Suisse, j’étais dans une chapelle, un jour… Il n’y a que les suisses pour faire ça… Le tabernacle était un coffre-fort. Les portes blindées du coffre-fort, vous voyez. Il fallait y penser, moi je n’y avais pas pensé… Mais… Voilà. En fait, c’est vrai, c’est un trésor, Jésus. Le seul trésor. C’est même plus important que tout ce qu’il y a dans les coffres-forts de toutes les banques suisses. Ce n’est même pas cette porte blindée qui empêchait Jésus de rayonner. Alors, pourquoi l’expose-t-on s’il est là dans le Tabernacle ? C’est parce qu’il y a ce mystère du regard qui peut se poser sur le vrai corps du Christ, sur la vraie corporalité. Le cardinal Journet avait cet exemple, il disait : Imaginez deux amoureux qui se téléphonent. Ils se parlent : je t’aime, moi aussi, mon petit lapin, ma petite chérie… tout ce qu’on veut comme petits diminutifs et tout d’un coup, paf ! ils tombent l’un sur l’autre. Ils se voient et ils s’embrassent. Vous voyez la différence ? Entre le coup de fil et l’étreinte. Si vous n’avez pas compris, vous ne pouvez pas comprendre l’adoration eucharistique. Si vous avez compris la différence qu’il y a entre un coup de fil et une étreinte, vous avez compris l’adoration eucharistique. C’est-à-dire qu’à un moment donné, vous passez d’une communication avec Jésus, d’une présence réelle, spirituelle, à une présence réelle, spirituelle et corporelle. Et la chair est importante.
Et donc, dans la chair, le regard, qui est le sens qui m’extasie le plus ̶ alors que l’ouïe m’enstasie, fait rentrer en moi les sons et fait vibrer en moi le son qui rentre en moi ̶ le regard, l’adoration m’extasie, me sort de moi-même et me permet de voir celui qui m’aime. Á sainte Gertrude d’Helfta Jésus dit : « Autant de fois l’homme regarde avec amour et révérence l’Hostie qui contient sacramentellement le Corps et le Sang du Christ, autant il augmente ses mérites futurs. J’ai réservé des trésors d’amour et des récompenses particulières pour chaque regard qu’on aura dirigé vers le Saint Sacrement. » Á l’adoration, à l’élévation. Alors, ses sœurs baissaient la tête à l’élévation. Et elle, elle trichait. Elle regardait par-dessous comme ça. Et puis elle dit : « Jésus, ça t’embête ? – Non, ça me fait tellement plaisir. » Au point que le pape Pie X a dû accorder une indulgence particulière de plus de sept ans à quiconque au moment de l’élévation à la messe regarde Jésus en disant : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ». Parce que l’amour veut regarder. L’amour regarde. Je voyais un couple, récemment. Ils viennent vers moi, ils ne se regardaient pas l’un l’autre. Ils disent : « On peut parler avec vous ? On a un problème. » Je dis : « Je savais. » « - Quelqu’un vous a dit ? » « - Non, j’ai vu. Vous ne vous êtes pas regardés depuis que vous êtes entrés ici. Vous n’avez pas échangé de regard entre vous. Quand on ne peut plus se regarder, on ne peut plus se voir. » C’est Raymond Devos, l’humoriste, qui disait : « Ma femme et moi on était tellement timide, qu’on n’osait pas se regarder. Après, on ne pouvait plus se voir. » Se regarder et se voir.
Autre maladie très forte aujourd’hui : la solitude. On parle beaucoup de cette maladie de la solitude. Et elle est réelle pour tant de personnes. Si je vais à l’adoration, le Christ vient rejoindre ce qui est le plus profond, ce qui est ma solitude. Mais ma solitude en tant que capacité d’être moi-même. Ce que Jean-Paul II appelait la solitude originelle dans le texte de la Genèse. Cette capacité d’exister sous le regard de Dieu, seul, qui me permet la vraie relation avec l’autre et avec les choses. Dieu, en venant combler ma solitude affective par sa Présence réelle, vient me restituer à cette solitude profonde qu’est la solitude originelle, seule capable de me mettre en relation avec les autres de manière juste et guérissante. Je passe donc, avec l’adoration, de Dieu pour moi, à moi pour Dieu. Je peux être capable de venir enfin dans ce qui est l’apothéose de ma dignité humaine, de m’offrir totalement à Dieu, de me donner à Dieu. Lui s’est offert à moi : « Prenez, mangez. » Ce n’est pas rien ! Il s’offre à moi pour que je m’offre à Lui.
Et Dieu devient aussi la force des martyrs. Le bienheureux Fulton Sheen disait que ce qui l’a bouleversé dans sa vie ̶ c’était un évêque américain, il a fait des émissions télévisées, des millions de personnes regardaient ça, Pie XII le regardait, ou l’écoutait à la radio, en tout cas ̶ et donc, il dit : Enfant, j’ai appris ça un jour, à l’époque de la révolution des boxers en Chine, en 1917. Des gens sont venus dans une église, ont profané le Saint Sacrement, ont mis le prêtre aux arrêts dans le presbytère. Et le prêtre voyait une jeune fille de onze ans, une petite chinoise. Ils avaient jeté le Saint Sacrement par terre et le prêtre savait exactement qu’il y avait trente-deux hosties dans le tabernacle, trente-deux parcelles du Corps du Christ qui étaient là. Et le prêtre voyait depuis sa fenêtre, toutes les nuits, quand les gardes dormaient ou étaient distraits, cette fille qui allait là-bas. Pendant une heure, elle adorait Jésus sur le sol et avec sa langue, elle prenait une hostie, comme ça. Un jour, deux jours, trente et un jours. Il dit : Le trente deuxième jour, j’ai vu arriver cette fille : « L’enfant revînt et échappant à la vigilance des gardes, s’agenouillait, se baissait à quatre pattes après avoir passé une heure en adoration et lapait une hostie de sa langue. Un jour, il ne restait plus qu’une dernière hostie que la petite consomma comme d’habitude. Mais elle fit, sans le vouloir, un bruit qui éveilla l’attention du garde. Celui-ci courut derrière elle, l’attrapa, et la frappa avec la crosse de son arme. » Il l’a tuée comme ça. Fulton Sheen dit : « Depuis ce récit j’ai fait la promesse que jusqu’à ma mort je passerai une heure d’adoration chaque jour devant le Saint Sacrement. Une promesse que j’ai tenue pendant les soixante années de ma vie sacerdotale. » Puisque c’est devant le Saint Sacrement exposé, dans sa chapelle privée, qu’il est mort le 9 décembre 1979.
Je vous parle aussi, mais j’irai très vite, de l’aspect cosmique et social. En un mot : ou le monde est dévoré par la consommation et défiguré par la consommation, ou il est transfiguré par l’adoration. C’est l’alternative dans laquelle nous nous trouvons. Ou la défiguration par la consommation, ou la transfiguration par l’adoration. L’adoration nous donne un vrai rapport aux choses et aux biens. Non pas un rapport de possession, de maîtrise et d’absorption. Mais un rapport de respect et d’utilisation pour le bien de tous. L’Eucharistie est donc à la charnière, aussi, d’un monde nouveau. Elle est aussi l’adoration réparatrice. C’est là que le monde nouveau est en train de se créer. Saint Pierre-Julien Eymard disait : « Le culte de l’adoration est nécessaire pour sauver la société. La société se meurt parce qu’elle n’a pas de centre de vérité, de charité. Mais elle renaîtra pleine de vigueur quand tous ses membres viendront se réunir autour de la vie à Jésus dans l’Eucharistie. Il faut Le faire sortir de sa retraite pour qu’Il se mette de nouveau à la tête des sociétés chrétiennes qu’Il dirigera et sauvera. Il faut lui construire un palais, un trône royal, une cour de fidèles serviteurs, une famille d’amis, un peuple d’adorateurs. Maintenant, il faut se mettre à l’œuvre, sauver les âmes et le monde par la divine eucharistie. Réveiller la France et l’Europe engourdis dans un sommeil d’indifférence parce qu’elles ne connaissent pas le don de Dieu, Jésus, l’Emmanuel eucharistique. C’est la torche de l’amour qu’il faut porter dans les âmes tièdes et qui se croient pieuses et ne le sont pas, parce qu’elles n’ont pas établi leur centre et leur vie dans Jésus-Eucharistie. » Au point que Jean-Paul II pouvait dire que tous les maux de la terre peuvent être guéris grâce à l’adoration permanente du Saint Sacrement. Quand on demandait à Mère Teresa comment faire pour guérir ce monde et ramener… – ce sont des américains qui avaient écrit L’Amérique à Jésus : « Instaurez dans toutes vos paroisses l’adoration perpétuelle du Saint Sacrement. » Voilà la réponse de Mère Teresa. Guérison aussi des communautés paroissiales grâce à ça. Benoît XVI disait que la vraie crise de l’Occident c’était la crise de la foi. Comment ramener les gens à la foi et à l’expérience de Jésus ? Il disait : « Une telle voie pourrait être des petites communautés où se vivent les amitiés qui sont approfondies dans la fréquente adoration communautaire de Dieu. » Voilà le remède que Benoît XVI trouve. Il disait cela en Allemagne, dans l’Église organisée d’Allemagne, extrêmement structurée, riche et tout ce que vous voulez, mais morte, disait Benoît XVI, parce qu’elle n’a pas son centre de gravité là où c’est important. Au monde de la violence va s’établir le monde de la paix du Christ eucharistique. Jésus dit à Faustine : « Dis bien au monde entier qu’il n’y aura pas de paix dans le monde si l’on ne vient pas à ma miséricorde. Or, le trône de ma miséricorde sur la terre, c’est l’Eucharistie, c’est le Tabernacle. » Ça veut dire : Dis bien au monde entier qu’il n’y aura pas de paix dans les cœurs, dans les familles, dans la société, si l’on ne vient pas à l’Eucharistie. Et pas de paix, à mon avis c’est aussi grave que ce que Marie disait à Fatima : « Si l’on ne vient pas à Jésus, une guerre plus grave éclatera sous le pontificat de Pie XI. » C’était Benoît XV qui était pape à l’époque. Pie XI arrive en 22 alors que cette révélation est en 17. Et la guerre éclatera en 38 avec soixante millions de morts. Cette parole à sainte Faustine est capitale. La paix que nous cherchons, la paix que nous désirons, en Syrie, partout, c’est au cœur miséricordieux eucharistique du Christ qu’on va pouvoir la puiser et la voir.Ultimement, le dernier point, le quatrième point c’est que l’Eucharistie est déjà la vie éternelle. Jésus va venir dans la gloire, on appelle ça la parousie. La venue ultime : plus de larmes, plus rien, les cieux nouveaux, une terre nouvelle. Nous croyons à ça ! Parousie veut dire en grec venue mais aussi présence. Il y a déjà dans la parousie eucharistique la présence du Christ, déjà les cieux nouveaux et la terre nouvelle. Et c’est ce qu’on va recevoir tout à l’heure. Amen.
Père Nicolas Buttet
Enseignement L’Eucharistie et la guérison
du mercredi 12 juillet 2017
Basilique Ste Marie-Madeleine, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (Var).
Congrès sur l'Adoration Eucharistique, Adoratio 2017,
avec pour thème "Adorer au Cœur du Monde"
du 9 au 14 juillet 2017.Retrouvez cet article sur la page enrichie :
Adoration Saint Martin -
Apôtre éminent de l'Eucharistie : St Pierre-Julien Eymard
Fasciné par le mystère de l’Eucharistie, le Père Pierre-Julien Eymard fonde la Congrégation du Saint-Sacrement au milieu du XIXe siècle en Isère. Uni au Christ, il souhaite relier l’activité missionnaire et la contemplation, adorer et faire adorer. Après sa mort, il est béatifié par le pape Pie XI le 12 juillet 1925, avant d’être canonisé le 9 décembre 1962 par saint Jean XXIII.
Saint Pierre-Julien Eymard est né à La Mure (Isère) le 4 février 1811 et est décédé dans la même ville le 1er août 1868. Dieu a conduit cet homme, d’étape en étape et par des voies providentielles, parfois insolites, à découvrir sa vocation eucharistique. Aussi pouvait-il écrire, trois ans avant sa mort : « Comme le bon Dieu m’a aimé ! Il m’a conduit par la main jusqu’à la Société du Très Saint-Sacrement ! Toutes mes grâces ont été des grâces de préparation. Tous mes états, un noviciat ! Toujours le Très Saint-Sacrement a dominé » (NR 44, 14)*. Et trois mois avant sa mort, il écrivait : « La plus grande grâce de ma vie a été une foi vive au très Saint-Sacrement » (NR 45, 3).
Cette « foi vive » dans l’Eucharistie représente le ”fil rouge” qui traverse les grandes étapes de l’existence du Père Eymard et l’a amené à découvrir sa vocation et sa mission à une époque de grands défis pour l’Église et de grands changements sociaux et politiques. Il a travaillé à remettre l’Eucharistie au centre de la vie chrétienne et sociale de son temps, convaincu qu’elle est la vraie force pour renouveler l’Église et la société.« C’est que j’écoute et je l’entends mieux d’ici »
Pierre-Julien Eymard passe par différentes étapes. Dès ses premières années, où sa mère très pieuse l’emmène tous les jours à l’église, il est attiré par l’Eucharistie. À sept ans, il est surpris par sa grande sœur derrière l’autel, sur un escabeau, la tête penchée ; il s’explique ainsi : « C’est que j’écoute et je l’entends mieux d’ici. » Sa première communion, à 12 ans, est un jour de grandes grâces qui fait naître en lui le désir d’être prêtre. Après un essai chez les Oblats de Marie Immaculée à Marseille (1829), il entre au Grand Séminaire de Grenoble (1831). Devenu prêtre le 20 juillet 1834, il s’occupe successivement de deux paroisses de l’Isère : il est d’abord vicaire à Chatte (1834-1837), puis curé à Monteynard (1837-1839). Suivant l’appel à la vie religieuse, il entre chez les Maristes (1839) où il reste jusqu’à la fondation de la congrégation du Saint-Sacrement à Paris (13 mai 1856). Tous ces passages laissent percevoir le cheminement qu’il a parcouru intérieurement, un chemin qu’il est important pour nous de rappeler.
Parfois nous connaissons la vie d’un saint par les œuvres ou les fioretti qui se racontent de bouche-à-oreille. Chacun de nous a une image de tel ou tel autre saint. Mais, comme l’a dit un auteur spirituel contemporain, le saint, surtout « le saint fondateur ne se réduit pas à cette image. Le fondateur est un homme qui est allé jusqu’au bout des vouloirs de Dieu. Qui s’est efforcé – par un don de soi à Dieu toujours plus total et plus ample – d’être parfait comme le père (Matthieu 5, 48) » (Chiara Lubich, Méditations, p. 142). « Les saints se sont donnés à Dieu et Dieu les prend en charge. Artiste unique, il fait d’eux les chefs d’œuvre de son amour » (Chiara Lubich, Méditations, p. 144).
Conduit par des grâces à la fois simples et profondes, Pierre-Julien comprend sa vocation. En 1845 à l’église Saint-Paul de Lyon, pendant la procession avec le Saint-Sacrement un jour de Fête-Dieu, il est saisi d’une foi forte en Jésus-Christ présent dans l’Eucharistie et demande à Dieu la grâce d’avoir le zèle apostolique de saint Paul. En 1849, alors qu’il est Provincial, il visite la maison mariste de Paris. Il découvre en cette ville l’œuvre de l’Adoration nocturne, et par la même occasion, il entre en relation avec le comte Raymond de Cuers qui sera son premier compagnon dans la fondation de l’œuvre eucharistique. Il fait aussi connaissance de la fondatrice de l’Adoration réparatrice, la Mère Marie-Thérèse Dubouché. Le 21 janvier 1851, au sanctuaire de Notre-Dame de Fourvière (Lyon), il discerne l’urgence de travailler au renouvellement de la vie chrétienne par l’Eucharistie et voit l’importance d’une formation approfondie pour les prêtres et les laïcs.
Le 18 avril 1853, à La Seyne-sur-Mer (Var), le Père Eymard reçoit un nouvel appel, une « grâce de donation », au regard des projets eucharistiques qu’il élabore avec Raymond de Cuers et quelques personnes. Ce nouvel appel le met dans la disposition de faire le sacrifice de quitter la Congrégation mariste pour fonder la Congrégation du Saint-Sacrement. Finalement, non sans difficultés, son projet est accueilli par l’archevêque de Paris, Mgr Sibour, le 13 mai 1856.
La vie eucharistique que Pierre-Julien propose ne se borne pas à la seule dimension contemplative ; il veut prendre toute la pensée eucharistique, unir l’action à la contemplation, adorer et faire adorer, s’occuper de la première communion des jeunes ouvriers et mettre le feu aux quatre coins de la France. « Une vie purement contemplative, écrit-il, ne peut être pleinement eucharistique ; le foyer a une flamme » (CO 1030). Le 6 janvier 1857, il inaugure la première communauté adoratrice avec l’exposition du Saint-Sacrement. C’est dans la pauvreté et le dénuement que la vie s’organise. Puis progressivement, la communauté grandit. Le 25 mai 1858, Marguerite Guillot arrive de Lyon à Paris et le 2 juillet suivant, le Père Eymard la place à la tête du petit groupe de candidates venues à Paris en vue de la fondation de la branche féminine, les Servantes du Saint-Sacrement.
Dès le début et tout au long de son ministère, l’apostolat du Père Eymard est multiforme. Il associe des laïcs à son œuvre par l’Agrégation du Saint-Sacrement, il met sur pied l’œuvre de la première communion des adultes, des jeunes ouvriers, des chiffonniers et des marginaux des banlieues ; il s’adonne à la prédication et à la direction spirituelle. Il promeut la liturgie romaine plutôt que les liturgies gallicanes, et tente d’alimenter la vie spirituelle des prêtres par l’Eucharistie. Tout ce qu’il fait part de l’Eucharistie, est motivé par l’Eucharistie et a comme but faire connaître mieux l’Eucharistie. Fasciné par ce mystère, le Père Eymard affirme : « La sainte Eucharistie, c’est Jésus passé, présent et futur » (PG 356, 1). Il est assoiffé de pénétrer ses secrets, d’ouvrir son cœur aux richesses d’intériorité de l’Évangile de saint Jean qu’il médite si souvent : « Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui » (Jean 6, 56). Le temps qu’il passe en adoration est très fécond pour son ministère ; un dynamisme et une force nouvelle l’imprègnent. Sa vision de l’Eucharistie évolue sans cesse et devient vie en lui.
Un parcours plus intérieur le conduit à un sommet spirituel : le « vœu de la personnalité », le don de lui-même (21 mars 1865). Le Père Eymard se laisse façonner par l’Esprit Saint afin que le Christ vive en lui (cf. Galates 2, 20), pour devenir Eucharistie, « un pain savoureux » pour la vie de ses frères.
Les dernières années du Père Eymard ont été marquées par la maladie et des souffrances de tout genre : problèmes financiers, oppositions, incompréhensions, humiliations, perte de l’estime des évêques, nuit spirituelle. Malgré cela, ses paroles sont restées ardentes comme le feu et ses lettres de direction spirituelle riches d’invitations à la joie et à l’action de grâce pour les bienfaits de Dieu. Après avoir travaillé sans cesse, jusqu’à l’épuisement, il meurt à La Mure d’Isère le 1er août 1868. L’épitaphe sur sa tombe nous livre son message : « Aimons Jésus, qui nous aime tant dans son divin Sacrement. »Au terme des procès ordinaires de Grenoble et de Paris, ouverts en 1898, il est béatifié par Pie XI le 12 juillet 1925. Le 9 décembre 1962, à la fin de la première session du Concile Vatican II, le pape Saint Jean XXIII proclamait « Saint » Pierre-Julien Eymard. Ce jour-là, le Pape dans son homélie disait : « Sa note caractéristique, l’idée directrice de toutes ses activités sacerdotales, on peut le dire, ce fut l’Eucharistie : le culte et l’apostolat eucharistiques. » Le pape saint Jean-Paul II l’a désigné à tous les fidèles comme un apôtre éminent de l’Eucharistie (9 décembre 1995), et a fixé sa fête liturgique à la date du 2 août.
Père Manuel BarbieroReligieux de la congrégation du Saint-Sacrement
fondée en 1856 par saint Pierre-Julien Eymard,
et animateur du centre de spiritualité eucharistique « Eymard » à La Mure.Article initialement publié par Notre Histoire avec Marie sous le titre : Saint Pierre-Julien Eymard, Apôtre éminent de l’Eucharistie
*N.B. : les sigles, cités dans cette contribution, renvoient à l’édition électronique et imprimée des Œuvres Complètes de saint Pierre-Julien Eymard.
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Pierre-Julien Eymard, Apôtre de l'Eucharistie, un saint pour notre temps
Photographie du chapeau : vitrail de la chapelle Corpus Christi, 23 avenue de Friedland, Paris 8 : Franck Jan / www.lumièredumonde.comLa châsse du saint abritant ses reliques se trouve dans cette chapelle Corpus Christi.
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« Le cœur de Jésus est une fournaise où votre cœur doit aller s’enflammer… » L'adoration selon st P-J. Eymard
« Le cœur de Jésus est une fournaise où votre cœur doit aller s’enflammer, et cette flamme doit s’étendre, elle doit s’alimenter par les œuvres de zèle, elle doit se propager. »
Saint Pierre-Julien Eymard (PA 2,1)
Citation du 27 juin
in Une pensée par jour avec Saint Pierre-Julien Eymard, Médiaspaul, 2010.Cette citation est extraite d’un enseignement intitulé L’adoration aux Sœurs de l'Adoration perpétuelle du Sacré-Cœur de Jésus, à Lyon, le 31 janvier 1861.
Voici l’ensemble de cet enseignement du Père Eymard — fondateur des Pères du Saint Sacrement, des Servantes du Saint Sacrement et de la branche laïque Agrégation du Saint Sacrement, aujourd'hui la Fraternité Eucharistique — d’après les notes prises par une des religieuses.
Instruction sur l'adoration
Ô mes bonnes sœurs, estimez-vous bien heureuses d'être les Adoratrices du Cœur de Jésus. Je ne vous ai point oubliées, et je suis heureux de vous revoir, car, si nous sommes frères par le but comme chrétiens, nous le sommes plus encore par vocation. La garde royale est toujours heureuse de rencontrer un bataillon de la garde royale.
C'est ainsi que vous devez vous considérer, en effet, mes sœurs, vous les épouses et les Adoratrices de Notre Seigneur Jésus-Christ ; vous êtes vraiment la garde royale du grand Roi. Vous devez donc tout rapporter à l'adoration comme à votre première fin; votre place est au pied des autels : là où le Seigneur habite, là sont aussi les anges, et les anges obéissent à sa voix, ils exécutent ses volontés ; aussi, devez-vous accomplir avec zèle la seconde fin de votre Institut qui est l'éducation de la jeunesse.
Vous le savez, Jésus a dit : « Je suis venu apporter le feu sur la terre, et que désiré-je, sinon qu'il s'allume ? » [Lc 12,49]
L'Eucharistie, voilà le feu ; mais il faut une flamme à un foyer, et cette flamme c'est le zèle pour le salut des âmes. Je crois sincèrement que tout Ordre ayant pour but l'adoration du saint Sacrement, ne sera jamais purement contemplatif, car alors il ne serait pas dans la plénitude de sa grâce. Si quelqu'un se présentait à moi pour entrer dans notre congrégation, et qu'il me dît : « Mon Père, je veux demeurer caché dans un coin », je lui répondrais : « Non, certes, si Dieu vous y met, je le veux bien, mais je ne vous y placerai pas de moi-même, parce que ce serait vous placer hors de votre vocation. »
À l'adoration, vous joignez encore l'instruction, ce qui donne à votre Institut deux fins fort sublimes ; il est incontestable, en effet, que, de toutes les vocations, la vôtre est celle qui se rapproche le plus du sacerdoce et de l'apostolat. Pourquoi cela, mes sœurs ?
C'est que vous formez des âmes à Jésus-Christ, vous faites des chrétiens, vous complétez notre ministère, et même vous faites ce que nous ne pouvons pas faire : vous donnez aux jeunes filles une éducation chrétienne avec les soins d'une sainte et maternelle affection. Pour nous, Dieu ne nous a pas donné les mêmes grâces ; il ne nous a pas mis au cœur les sentiments délicats du cœur de la femme. Soyez donc bien zélées, mes sœurs, pour l'œuvre que vous avez à remplir auprès de la jeunesse ; ne croyez pas en cela vous écarter de votre fin première qui est l'adoration. Non, mes sœurs, l'une ne peut exister sans l'autre ; pour être parfaite institutrice, il faut avant tout être parfaite adoratrice. C'est aux pieds de Notre Seigneur que vous devez aller puiser toute science et toute lumière, pour ensuite les communiquer aux enfants qui vous sont confiées. Le feu fait la flamme. Mais sans la flamme le feu s'éteindrait.
Le cœur de Jésus est une fournaise où votre cœur doit aller s'enflammer, et cette flamme doit s'étendre, elle doit s'alimenter par les œuvres de zèle, elle doit se propager.
Oh ! la belle œuvre que l'Adoration ! Mais elle n'est pas encore assez connue, ni assez établie ; c'est un grand arbre dont les rameaux doivent s'étendre jusqu'aux confins de la terre. Ah ! mes sœurs, si nous étions bien fervents, un seul de nous ferait des prodiges ; on pourrait nous envoyer dans un coin de l'univers et, comme un tison ardent, nous y mettrions le feu. Oui, mes sœurs, c'est une belle vie que cette vie d'Adoratrice ! C'est à vous que doivent s'appliquer ces paroles que l'apôtre adressait aux premiers chrétiens: « Votre vie est cachée avec Jésus-Christ en Dieu » [Col 3,3].
Elle est cachée, comme tout principe de vraie vie ; elle est intérieure, elle échappe aux sens ; mais elle est cachée avec Jésus-Christ ; Jésus, votre modèle dans l'Eucharistie, Jésus que vous devez imiter, car vous êtes, mes sœurs, les épouses de Jésus-Christ, et l'épouse doit ressembler à son époux.
Enfin, elle est cachée en Dieu, et il ne peut en être autrement, puisque Jésus-Christ nous mène à son Père et que nous ne pouvons aller au Père que par lui [cf. Jn 14,6].
PA 2,2
Mort à soi-même
Voilà donc, mes sœurs, votre vocation : elle suppose une mort continuelle et complète à tout sentiment d'égoïsme. Je dois le dire, dans un Institut comme le vôtre, cette mort doit s'opérer d'une manière plus absolue et plus entière. Dans certains ordres, Dieu se sert de ses dons dans ses serviteurs pour opérer les œuvres de sa gloire. Ici, il n'en est pas de même. Dieu veut opérer seul sur le rien de la créature ; une âme eucharistique est sous la dépendance immédiate de Dieu, et Notre Seigneur fait à son égard ce qu'il a fait pour lui-même dans le sacrement de son amour.
Qu'a-t-il fait, mes sœurs ?… Il a voulu que son corps et que son sang précieux fussent cachés sous les apparences du pain et du vin ; il anéantit la substance, mais il laisse la forme. De même dans vos âmes, il veut détruire, anéantir, annuler tout être personnel, tout moi humain, tout sentiment d'amour-propre qui s'opposerait à son règne. Partout où Jésus trouve la personne, l'individu, il s'en va ; car il n'y a pas deux maîtres dans un royaume. C'est la substance qu'il veut changer ; mais il laisse la forme, c'est-à-dire l'enveloppe de nos misères et de nos faiblesses, et cette forme de notre humaine fragilité nous est infiniment utile comme préservatif de l'orgueil qui serait bien vite entré dans notre cœur à cause de la sublimité de notre vocation.
C'est la vie de Jésus qui remplacera notre vie, mais elle doit s'établir sur la mort : mort à vos sens, mort à vos goûts, mort à vos pensées, mort à toutes vos volontés ; de même que chaque respiration nous enlève une partie de notre vie naturelle, de même notre mort spirituelle doit s'opérer à chacune de nos œuvres.
Il y a bien à faire pour parvenir à cette destruction totale du moi humain ; aussi vos Supérieures et vos Maîtresses des novices n'ont pas autre chose à faire. Il faut qu'elles y travaillent par la correction de vos défauts, par la mortification de votre amour-propre. C'est pénible, douloureux à la nature ; mais c'est leur devoir, sans quoi elles se condamneraient à brûler au Purgatoire pour vous avoir laissées imparfaites. Et vous, mes sœurs, vous devez en être très reconnaissantes. Seriez-vous satisfaites qu'on vous laissât aller devant le très saint Sacrement avec des grosses taches sur vos vêtements ?… Eh bien ! votre âme aussi a des taches que l'on vous montre charitablement et qu'il faut faire disparaître, car nous ne devons pas faire souffrir Notre Seigneur de nos défauts.
Oui, mes sœurs, je vous le répète, dans une maison comme la vôtre, il ne doit plus y avoir de personnalité. Vous devez toutes être perdues en une seule âme et un même esprit ; aussi on commence par vous ôter votre nom. Ce nom vous rappellerait le monde, et peut-être une petite gloire humaine. Il ne doit plus y avoir d'individu, de personne, d'égoïsme ; vous êtres Adoratrices, et si l'on vous demande : « Comment vous appelez-vous ? » vous devez répondre : « Je m'appelle Adoratrice. »
PA 2,3
Devenir Adoratrice
Il est une chose à remarquer à ce sujet, c'est qu'il y a une grande différence entre votre vocation d'Adoratrice et la vocation religieuse en général. La vie religieuse est l'étude de la perfection et la pratique de toutes les vertus, et si vous êtes parvenue à devenir parfaitement mortifiée, parfaitement humble, parfaitement obéissante, on peut dire en quelque sorte que vous avez atteint votre but. Pour la vie d'Adoratrice, cette étude et cette pratique des vertus religieuses ne doit être considérée que comme un travail de préparation. Lorsqu'un jeune homme aspire à servir à la cour d'un grand roi, il fait des études, il forme ses manières, son langage, il entre dans des écoles où on le soumet à divers exercices, et s'il réussit en tout cela, on lui dit : « Ce n'est pas assez, ce n'est rien encore, vous n'êtes pas arrivé, et votre but n'est pas rempli. »
Il en est de même pour l'âme qui veut être Adoratrice. L'étude des saintes Règles, l'observation de ses vœux, la pratique des plus belles vertus, tout cela ne sont que les exercices qui la préparent à remplir sa sublime destinée ; c'est comme le vêtement dont elle doit se revêtir pour paraître à la cour du Roi des anges. On ne devra donc jamais la louer de ce qu'elle est humble, obéissante, mortifiée, fidèle à sa règle, elle ne fait que son devoir. On ne donne jamais la décoration à un élève de l'École polytechnique, et si vous louez un soldat, un officier parce qu'il a bien rempli sa charge, il vous répondra : « Mais pour qui me prenez-vous, je n'ai fait que mon devoir. »
Voilà, mes sœurs, ce à quoi vous oblige votre titre d'Adoratrice ; c'est une vie sublime, mais qui doit s'établir sur la destruction et la mort. Et puisque votre objet est principalement d'honorer le Sacré Cœur de Jésus, cherchez-le, adorez-le surtout dans nos saints tabernacles, car enfin c'est là qu'il réside ; il n'est qu'au ciel et dans la sainte Eucharistie.
Beaucoup de personnes, hélas ! sont sur ce point dans une grande ignorance ; si elles prient dans une chapelle, elles se prosterneront devant un cœur de peinture ou de pierre et ne penseront même pas à faire la génuflexion devant le tabernacle. Cependant, dites-le-moi, que signifie l'emblème à côté de la réalité ? À quoi sert l'image quand on possède l'original ?
Entrons donc, mes sœurs, entrons profondément dans ce cœur adorable de Jésus. Il est percé pour nous, et remarquez que cette blessure n'y fait qu'une ouverture, afin qu'y étant entrés nous n'en puissions plus sortir. Le cœur de Jésus n'est point percé comme celui de la très sainte Vierge. Le cœur de Marie, nous devons le considérer comme l'antichambre, comme le vestibule par lequel il faut passer pour arriver à Jésus. Dans ce cœur, nous devons y faire l'étude des vertus intérieures, nous y pénétrer de l'esprit d'adoration, y prendre un cœur mariste, car ce nom ne doit pas s'appliquer seulement à une Communauté, mais il doit s'étendre à tout cœur vraiment chrétien.
PA 2,4
Courage, mes sœurs…
Courage, mes sœurs ; croyons fermement que le règne de Jésus va s'étendre de plus en plus. On appelle ce siècle le siècle de Marie. Oui, cela est vrai comme aurore, comme préparation ; mais c'est aussi et surtout le siècle du saint Sacrement.
Lorsque Marie fut immaculée dans sa conception, Dieu s'abaissa sur la terre et Jésus descendit pour s'incarner. Aujourd'hui, l'Église, en proclamant ce dogme si cher à nos cœurs, nous annonce comme l'aurore du plein jour qui va luire. Oui, je le crois sincèrement, l'œuvre de l'Adoration du très saint Sacrement doit se propager, se dilater, c'est par elle que tout se fera.
De nos jours, ce n'est plus le règne des saints : saint Ignace reviendrait, il ne ferait rien. Saint Dominique reviendrait, il ne ferait rien : il n'y a plus d'Albigeois à combattre. Saint Bernard reviendrait, il ne ferait rien : il n'y a plus de croisade à prêcher. Non, non, mes sœurs, c'est maintenant le règne du grand saint. Le Roi est attaqué, c'est au Roi à se défendre, et il le fera, soyons-en sûrs. Que de fois on a tremblé pour cette pauvre ville de Paris ; mais en moi-même je me disais : Paris n'a rien à craindre, il est bien gardé par sa ceinture de feu, c'est-à-dire par toutes ses maisons d'adoration. Oh ! qu'il serait à désirer que Lyon fût à son niveau sous ce rapport… Mais il est hélas ! bien en retard, encore… Prions, mes sœurs ; soyez de ferventes et vraies Adoratrices et Dieu vous bénira toujours.
Source : Œuvres complètes de saint Pierre-Julien Eymard en ligne
Article à retrouver sur la page enrichie
La France & le Sacré Cœur -
Adoration Saint Martin : Présentation (Màj)
Voici les pages de présentation
du projet de l'
Adoration Saint Martin
tel que proposé dans le dossier
remis à Mgr Michel Santier
le 12 mars 2016. -
Le songe de saint Martin : La Compassion de saint Martin de Tours pour la France (Miséricorde divine) Dessin pour un vitrail de l’église Saint-Martin de Sury-ès-Bois (18)
En mars dernier, j'ai pu photographier le dessin sur papier de mon projet de vitrail pour l'église Saint-Martin de Sury-ès-Bois (18) et remettre à l'évêque de Créteil, Mgr Michel Santier, la totalité du projet de l'Adoration Saint Martin tel qu'il est actuellement, sous la forme d'un dossier papier illustré. Dans l'espoir qu'il transmette à son tour ce dossier à son ami du diocèse du Berry, de Bourges, Mgr Armand Maillard. Car le projet de l'Adoration Saint Martin part bien de l'église de mon village… Vous pouvez voir ici les photos de ce dessin dont l'idée remonte à fin 2014. Et ci-après la prière-poème qui soutient théologiquement l'iconographie mise en œuvre pour ce vitrail.
Le songe de saint Martin : La Compassion de saint Martin de Tours pour la France (Miséricorde divine)
Dessin pour un vitrail de l’église Saint-Martin de Sury-ès-Bois (18)
Crayon aquarelle sur papier, 50 cm x 130 cm par Sandrine Treuillard (Mars 2016).Détails
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LA COMPASSION DE SAINT MARTIN DE TOURS *
Adoration à Saint-Gervais - Veillée des Semeurs d’Espérance du 16-I-2015[i]Photographie ci-contre : unique vitrail de l'église Saint-Martin de Sury-ès-Bois, diocèse de Bourges (18), représentant l'Évêque de Tours et Apôtre de la Gaule.
Je fus baptisée le 25 mai 1975 dans cette église.
@Sandrine Treuillard, 2014
Quand l’ostensoir a été déposé sur l’autel, aussitôt je vis :
- Le visage du père Eymard malade [ii], que j’aime tant (photo ci-contre).
Je me mis à pleurer. Toujours agenouillée en adoration devant l’autel à Saint-Gervais, ce fut alors l’autel de Saint-Martin de Sury-ès-Bois que je vis, l’ostensoir exposé. En larmes je vis :- Saint Martin et Jésus Ecce Homo : présence si forte & si intime de saint Martin : la compassion de Martin pour les paysans qui ne croient pas en Jésus et ont pourtant une grande soif spirituelle.
- Le vitrail que je vais dessiner a pris une nouvelle forme. Tout le temps de l’adoration fut une émulation de l’Esprit Saint, avec des affections corporelles où la joie s’amplifiait. Je pris mon carnet et écrivis :
Le fourreau au côté droit de saint Martin couché et dormant, lové dans le cercle du vitrail, ce fourreau dépasse de sa hanche, est visible, alors que le pan gauche de la cape rouge recouvre une partie de son corps endormi
Il songe
Le fourreau est vide
La main de Dieu brandit l’Épée dans la nuit bleue
La justice de Dieu sépare les ténèbres du jour
L’Épée à double tranchant désigne deux espaces différents
Le songe de saint Martin
Il dort : on voit sa sandale de romain lacée à son tibia
Il voit en songe la partie supérieure droite du vitrail
Jésus outragé, le visage ensanglanté, la couronne d’épines ayant broyé la chair de son front, de son crâne
Son épaule gauche et sa poitrine gauche sont recouvertes de la seconde moitié de la cape rouge de Martin
Le sein droit du Seigneur est nu et visible
Là où est sa Plaie, son flanc droit est visible
L’Épée sépare le jour de la nuit
L’Épée désigne le côté du Christ
L’Épée adoube la souffrance du Christ
L’Épée, la justice de Dieu, sanctifie la souffrance du Christ
Son Épée est la Lumière
L’épée de la justice de Dieu a la couleur du jour, de l’argent lunaire
Elle contraste avec le bleu foncé de la nuit
Elle est grâce
L’épée de Dieu est la Grâce
L’épée de Dieu couleur d’argent est la source de l’eau qui coule de la plaie du côté du Christ
Ce fleuve est un ruban d’argent
Le fourreau au côté droit de Martin est vide
Martin s’abandonne au sommeil et voit Jésus Ecce Homo en songe
Il reçoit la grâce de la compassion à la souffrance du Christ
Il reçoit la grâce de devenir l’instrument de la Justice d’Amour de Dieu
Saint Martin, le soldat romain, comprend le besoin spirituel des paysans gaulois
Par la grâce de la compassion à la souffrance du Christ, devenu Évêque de Tours, saint Martin répandra le fleuve et la parole d’Amour du Dieu Sauveur
Le ruban d’argent qu’est la Loire rejoint la lumière de la Justice divine
La Loire est l’épée de Dieu, à double tranchant
le fleuve d’Amour
qui coule du Côté du Christ
le Fleuve qui restaure la Gaule
à la Bonne Nouvelle instaure
la France.
A M E N
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Adoration Saint-MartinLe sens d'une église : Saint-Martin de Sury-ès-Bois (18) – Adoration Saint Martin :
Ré-évangéliser les campagnes
[i] Note du samedi 17 février, au matin : Lors de la communion, tandis que le Seigneur fondait dans ma bouche, je demandai la faveur de ne plus éprouver la faim qui me taraudait, afin d’être toute concentrée en Jésus-eucharistie lors de l’Adoration qui allait suivre. Grâce accordée. À donc suivi cette prière qui est un poème d’Adoration, le fruit direct de cette prière d’abandon. Une grande grâce de recevoir saint Martin pour compagnon de cette année (de la vie consacrée) avec lequel approfondir ma foi, duquel découvrir la vie spirituelle et le prendre pour modèle. Saint Martin est une force, le premier saint que Dieu me donna lors de mon baptême, le 6 novembre 1974, en l’église éponyme de Sury-ès-Bois (diocèse de Bourges). À minuit, quand Romain Allain-Dupré reprit la parole pour clore la veillée, je traçais le AMEN sur le carnet, en fin de prière.
[ii] L’Apôtre de l’Eucharistie Biographie de saint Pierre-Julien Eymard, André Guitton, Nouvelle Cité, 2012.
* Courrier des lecteurs envoyé à Famille chrétienne à propos de « Notre-Dame de Vierzon profanée » FC n°1934 :
« En lisant cet article, j'ai reçu comme un choc non pas que les hosties aient été volées, mais qu'il y ait une église à Vierzon ! En effet, j'y ai passé mes trois années d'internat au lycée public Édouard Vaillant et ma conscience politique a grandi avec Lutte Ouvrière, par un camarade de classe actif dans ce parti d'extrême gauche révolutionnaire.
Savez-vous que Mgr Maillard gouverne un diocèse où il n'y a aucun séminariste ? Le diocèse de Bourges comprend pourtant aussi la belle œuvre du père Jules Chevalier, fondateur des Missionnaires du Sacré-Cœur et bâtisseur de Notre-Dame du Sacré Cœur d'Issoudun. De ce cœur de France, en Berry & Sologne, Notre Seigneur demande que l'on se soucie, du haut de nos pénates parisiennes. L'Église pourrait-elle envoyer des prêtres dans ces régions désertées ?
J'ai moi-même eu une vocation religieuse contrariée, par manque d'accompagnement. Aujourd'hui, j'ai pour mission de puiser à la source de l'Apôtre de la Gaule, saint Martin de Tours, afin de faire revivre les églises de nos campagnes, potentiels foyers d'amour eucharistique.
Répartissons les prêtres sur le territoire pour faire revivre notre foi !
Sandrine, future Jehanne de la Sainte Eucharistie » -
Le manteau de saint Martin ou le Cœur de Dieu donné en partage
« Comment faire pour que les urbains se sentent concernés par la question de la campagne ?* ». Commencer l’Adoration Saint Martin en ville pour la faire rayonner dans les campagnes.
En ville, j’ai été touchée par les sdf, par la dignité humaine mise au ban de la société.
Les pauvres, ces étrangers, rendus étrangers par leur extrême misère sociale, se voient en rupture d’avec les autres, dangereusement isolés. Les sdf sont les premiers étrangers et pauvres à avoir besoin de la reconnaissance de leur dignité, de l’espace sacré qui est en eux et qui les garde profondément ancrés dans l’humanité.
Quand saint Martin descend de son cheval et donne la moitié de son manteau au déshérité à la porte d’Amiens, Martin donne son amour à cette personne interdite de cité, déchue de la ville ou venant de la campagne pour y trouver de quoi subsister, y faire l’aumône. Chaque sdf est un étranger, un campagnard dans la ville, un déchu de civilité, un paysan, un païen urbain, un rejeté de la cité, un citoyen d’outre zone. Il n’a plus son mot à dire ni sur lui-même, ni sur la société qui l’a laissé se perdre, a encouragé, même par omission, la violation de sa personne jusqu’à une forme d’anéantissement. C’est la néantisation de l’homme, la négation de son humanité dont est coupable notre système anthropologique malade qui réduit l’homme à l’homo economicus, au matérialisme, à l’instrumentalisation des « couches hautes » de la personne humaine.
La charité de saint Martin ne fait pas que préserver du froid un homme, en cet hiver de l’an 353-354. Elle lui fait revêtir son humanité, sa dignité de personne en créant un lien fort et symbolique : la moitié de la chape que porte Martin est sur les épaules du miséreux. C’est le sens même du symbole : deux moitiés d’un même objet, qui, se retrouvant s’assemblent et font se reconnaître comme les deux parties d’un seul et même objet. La chape de saint Martin devient le symbole de l’unité, de l’union par excellence. Cette chape rouge de la charité est la pièce de tissu unique de la communion. « Un cor unum et anima una ». « Un seul cœur et une seule âme », voilà ce que dit le geste de saint Martin, qui n’est pas encore baptisé ce jour-là, recouvrant les épaules du pauvre de la moitié de son manteau. Martin transmet l’amour du Christ au pauvre, il le partage.C’est bien le Cœur de Dieu qui est donné-là en partage. C’est bien un geste de communion d’amour. Un geste eucharistique. Il partage le Cœur du Christ quand il pose sa chape sur les épaules du malheureux. Il donne un aperçu de l’amour eucharistique de Jésus : ce manteau partagé, c’est comme le pain rompu puis distribué. Le Cœur du Christ étant compris dans la sainte Eucharistie, enceint en elle… ce Cœur rayonne dans la blancheur de l’hostie consacrée… le Cœur de Dieu est dans le Corps du Christ sur l’autel…
Martin revêt le corps du pauvre du Corps du Christ quand il le vêt du manteau partagé. Le geste de Martin est eucharistique. La porte d’Amiens, au ban de la ville, et déjà seuil de la campagne, devient un lieu consacré comme un autel par le geste eucharistique de Martin descendant de son destrier et jetant la moitié de sa chape sur les épaules du démuni. C’est le sacre du misérable. Une onction d’amour sur un corps banni, et en son âme. Par ce geste, Martin devient prêtre. Le corps du malheureux est à la fois autel et sur l’autel. Son corps et son âme sont rendus sacrés par le geste rempli de l’Esprit de Jésus dont Martin est agi. À la porte d’Amiens, au ban de la cité, au seuil de la campagne, ce lieu où la rencontre de Martin et du misérable se déploie devient (con)sacré par ce geste rempli de l’onction divine, de la Miséricorde.Toute la personne du misérable est ainsi revêtue du Cœur et du Corps du Christ. « Un cor unum et anima una ». Un seul corps et une seule âme en Jésus, communion de deux êtres en l’amour du Christ.
Ainsi, le lieu de l’action où se donne en partage le Cœur et le Corps de Dieu fait homme en Jésus, par Martin, ni ville ni campagne, plus ville, pas encore campagne, no man’s land, cette banlieue est aussi consacrée par l’onction divine contenue dans l’acte eucharistique du partage et du don de le moitié de son manteau de Martin.
Le cheval, un genou à terre, incline sa tête devant la scène.
Jehanne Sandrine du Sacré Cœur & de la Sainte Eucharistie
14-21 février 2016
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Adoration Saint Martin* Question posée par Michel Corajoud, paysagiste à Paris, dans le documentaire de Dominique Marchais, Le temps des grâces.
Images
La Charité de saint Martin. Manuscrit France du Nord, 1280-1290 - Bibliothèque Nationale
Charité de saint Martin. Église Saint-Martin de Donzenac. Limousin. -
Le Sacré Cœur à Manrèse : Du buisson ardent à Jésus Eucharistie
Voici mes notes du 27 avril 2015, soir de l’arrivée au Centre Manrèse, à Clamart, pour les 5 jours d’Initiation aux Exercices spirituels de Saint Ignace de Loyola. Après la lecture priée de ce passage de l’Ancien Testament, dans ma chambre.[i]
[i] Voici la photo du Bienheureux Charles de Foucauld
dans la salle portant son nom où l’initiation avait lieu,
au Centre Manrèse de Clamart :Livre de l’EXODE 3, 1-12
L’appel & l’envoi de Moïse3 Moïse faisait paître les brebis de son beau-père Jéthro, prêtre de Madian. Il mena son troupeau au-delà du désert et parvint jusqu’à Horeb, la montagne de Dieu. 2 L’ange de l’Éternel lui apparu dans une flamme au milieu d’un buisson : Moïse aperçut un buisson qui était tout embrasé et qui, pourtant, ne se consumait pas. 3 Il se dit alors :
- Je vais faire un détour pour aller regarder ce phénomène extraordinaire et voir pourquoi le buisson ne se consume pas.
4 L’Éternel vit que Moïse faisait un détour pour aller voir et il l’appela du milieu du buisson :
- Moïse, Moïse !
- Je suis là, répondit Moïse.
5 Dieu lui dit :
- N’approche pas d’ici, enlève tes sandales, car le lieu où tu te tiens est un lieu sacré. 6 Puis il ajouta : Je suis le Dieu de tes ancêtres, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob.
Alors Moïse se couvrit le visage car il avait peur de regarder Dieu.
7 L’Éternel reprit :
- J’ai vu la détresse de mon peuple en Égypte et j’ai entendu les cris que lui font pousser ses oppresseurs. Oui, je sais ce qu’il souffre. 8 C’est pourquoi je suis venu pour le délivrer des Égyptiens, pour le faire sortir d’Égypte et le conduire vers un bon et vaste pays, un pays ruisselant de lait et de miel ; c’est celui qu’habitent les Cananéens, les Hittites, les Amoréens, les Phéréziens, les Héviens, et les Yebousiens. 9 À présent, les cris des Israélites sont parvenus jusqu’à moi et j’ai vu à quel point les Égyptiens les oppriment. 19 Va donc maintenant : je t’envoie vers le pharaon, pour que tu fasses sortir d’Égypte les Israélites, mon peuple.
11 Moïse dit à Dieu :
- Qui suis-je, moi, pour aller trouver le pharaon et pour faire sortir les Israélites d’Égypte ?
12 - Je serai avec toi, lui répondit Dieu. Et voici le signe auquel on reconnaîtra que c’est moi qui t’ai envoyé : quand tu auras fait sortir le peuple hors d’Égypte, vous m’adorerez sur cette montagne-ci.
(Bible du Semeur, 2000)
beauté des arbres
Moi, je faisais une première promenade, découverte du parc du Centre Manrèse, dans le silence et la paix de ce printemps. Je fis le tour de la chapelle minuscule St Joseph avec tendresse. Puis, au détour d’un sentier, je vis plus haut, la statue de Jésus ouvrant les bras, son Sacré Cœur offert. [*]
—> O u i , j e v i e n s v e r s t o i J é s u s !
Tu m’appelles comme le buisson ardent appela Moïse ! C’est ton Cœur ardent au milieu de ta poitrine qui m’accueille. Tu es plus qu’un ami, plus qu’un compagnon pour moi, tu es l’Époux.—> J’ai pris en photo cette statue, les détails : le calice, les 3 clous, le fouet, la couronne d’épines aux pieds de Jésus. Ses pieds transpercés. Ses mains ouvertes et transpercées. Sa poitrine ardente, le Cœur ouvert, une plaie tailladant la chair de ce Cœur offert, une flamme en sortant par le haut comme de la carotide. Un Cœur grenade ! Un Cœur si ardent qu’il est en similitude avec la charge, le potentiel que nous sentons à la vue d’une grenade prête à être dégoupillée ! Mais ce n’est pas une menace de mort que la grenade du Seigneur : son Cœur transpercé est une proposition ardente d’un amour infini, de la vie en abondance.
Je vis en cette figure de Jésus ressuscité ouvrant les bras offrant son ardent Sacré Cœur de Grenade, les instruments de la Passion à ses pieds, les plaies à ce Cœur et à ses quatre membres, mains et pieds, comme l’Adoration Eucharistique. Je vis cet ensemble de Jésus Sacré Cœur comme une immense hostie, le Saint Sacrement dans l’ostensoir. Au cœur du Saint Sacrement offert, exposé à notre adoration, est l’image spirituelle du Sacré Cœur de Jésus et de la Croix de sa Passion. Jésus au Sacré Cœur et portant les traces de sa Passion dans les 5 plaies et les instruments de son martyre à ses pieds de Ressuscité est la figure qui condense le sens de l’Eucharistie, du Saint Sacrement.
Alors j’ai pris les photos de cette statue et en détail. C’était comme un acte amoureux, une caresse et Jésus s’offrait à moi comme si je le dénudais du regard, du regard spirituel. Il me permit de faire cela, amoureusement, avec ce sentiment d’être favorisée d’une relation particulière avec Jésus au Sacré Cœur. C’était un moment comme un temps d’Adoration Eucharistique, au milieu des arbres. Et ce moment privilégié, comme Marie-Madeleine a dû en vivre avec son Christ, ce temps d’adoration eucharistique du Sacré Cœur de Jésus, du Christ Ressuscité après sa Passion, de son Cœur ardent de chair offert comme une grenade au monde que nous pourrions choisir de dégoupiller pour en faire jaillir le feu d’Amour divin, cette parfaite eucharistie du Seigneur me convoque et m’envoie en mission ! Qui est de dire, d’écrire ce que j’écris-là, ce soir, au coucher, pour le faire connaître aux autres, transmettre ces révélations du sens de l’Eucharistie de Jésus-Christ.
Ce mouvement de venir à Jésus, de s’élancer dans ses bras ouverts, de se blottir contre sa poitrine, de boire son Amour à son Sacré Cœur ardent, de voir les 5 plaies de son Cœur et de ses pieds et mains, de voir les instruments de sa Passion à ses pieds de Ressuscité qui avance vers nous les bras ouverts, Jésus, Porte du Ciel, Corps glorieux, Croix glorieuse vivante, Lumière de la Vie, ce mouvement comme une grande prière qui s’élève, qui s’élance dans ces bras, n’est-ce pas un mouvement d’adoration eucharistique ? Toute la Passion est contenue dans cette statue du Sacré Cœur de Jésus offert et Ressuscité. C’est une figure du sens profond du Saint Sacrement, de l’Eucharistie. Et cet élan est de l’ordre de la prière d’adoration eucharistique.
« Vas, dis-leur, toute ma tendresse pour eux » (Marthe Robin), me murmure ce Jésus-là. Dis-leur la grenade d’Amour à dégoupiller qu’est mon Cœur !
C’est à cela que Dieu m’appelle et me convoque à aller en mission, révéler le sens de son Sacrifice saint d’Amour eucharistique. Avec les Pères du Saint-Sacrement à la suite de saint Pierre-Julien Eymard, la Chapelle Corpus Christi, la Fraternité eucharistique.[†] [‡]
Et moi je signe Jehanne Sandrine du Sacré Cœur & de la Sainte Eucharistie
A M E N
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La France & le Sacré Cœur
L'Adoration Saint Martin
[*] Il m’attire à Lui dans sa posture d’accueil, Corps Ressuscité, en Croix glorieuse.
[†] 23 avenue de Friedland, Paris 8ème, métro Charles de Gaulle Étoile, où gît le corps de saint Pierre-Julien Eymard dans la châsse de son « saint ami » le Curé d’Ars.
[‡] En ce jour où je mets en ligne ces pages, le 28 mai 2015, voici la Pensée du jour de saint Pierre-Julien EYMARD : « Le cœur de Jésus est vivant au très saint Sacrement. Il n’est vivant que là. Donc l’Eucharistie doit être le centre de notre culte d’adoration du Sacré Cœur. » (PO 6,12)
-
L’adoration de l’étranger : Adoration Saint Martin
En cette fête de la saint Martin de Tours, approfondissons la notion d‘adoration suscitée par la lecture de l’Évangile du jour.
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (17, 11-19)
En ce temps-là,
Jésus, marchant vers Jérusalem,
traversait la région située entre la Samarie et la Galilée.
Comme il entrait dans un village,
dix lépreux vinrent à sa rencontre.
Ils s’arrêtèrent à distance
et lui crièrent :
« Jésus, maître,
prends pitié de nous. »
À cette vue, Jésus leur dit :
« Allez vous montrer aux prêtres. »
En cours de route, ils furent purifiés.
L’un d’eux, voyant qu’il était guéri,
revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix.
Il se jeta face contre terre aux pieds de Jésus
en lui rendant grâce.
Or, c’était un Samaritain.
Alors Jésus prit la parole en disant :
« Tous les dix n’ont-ils pas été purifiés ?
Les neuf autres, où sont-ils ?
Il ne s’est trouvé parmi eux que cet étranger
pour revenir sur ses pas
et rendre gloire à Dieu ! »
Jésus lui dit :
« Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé. »Jésus : « Allez vous montrer aux prêtres. »
Ils furent purifiés en cours de route : c’est l’intention qui les a sauvés. Ils étaient tout tendus du désir d’être guéris. Leur foi les a sauvés.Seul le samaritain, l’étranger, revient se prosterner devant Jésus pour rendre grâce du miracle qu’Il a opéré sur et en lui. Les neuf autres semblent bien ingrats et indifférents. Peut-être ne partagent-ils pas la joie de leur maître, Jésus, qu’ils ne semblent pas reconnaître comme ce samaritain. Par ce miracle, le samaritain a connu Jésus et reconnu en son maître l’œuvre du Très-Haut.
Les neuf autres ne vont pas jusqu’au bout de leur vocation (l’appel que Dieu leur tend) : certes, nous sommes sauvés, mais si nous ne laissons pas circuler la joie, l’amour, la reconnaissance entre le Père et notre cœur, le salut n’est permis qu’incomplètement, ce n’est qu’une amorce de rédemption, sans la contemplation. La liberté que Dieu nous laisse, de Lui rendre grâce, de L’adorer pour ses bienfaits et la gratuité de sa miséricorde, qui n’est pas donnée selon notre mérite, cette liberté Dieu la respecte. C’est le cœur de sa pédagogie : il nous donne sans mesure, il attend notre réponse, ses entrailles s’émeuvent du désir de recevoir la réponse de notre amour au Sien, mais Il ne nous force en rien. Il nous rejoint là où nous en sommes avec Lui et saura nous attendre.
Si nous parvenons à nous laisser aimer par Dieu complètement, la joie ne manquera pas de déborder et le besoin de l’exprimer se traduira dans notre prière d’action de grâce et d’adoration. Dieu nous guérit, mais pas seulement en surface, pour la seule apparence (la lèpre se voit beaucoup, elle mange le corps et le visage). Non. Il nous guérit en profondeur : la rédemption est un grand nettoyage de tout notre être, qui, si l’on s’y prête totalement, si l’on s’abandonne à cet amour divin, nous transfigurera de l’intérieur dans sa Joie. Et nous pourrons alors le contempler, le voir face à face. Exulter en Lui.
Cette Joie se traduira par la louange, l’action de grâce, l’adoration, la joyeuse célébration de renaître en Dieu, par Dieu, d’ainsi se sentir corps et âme fils et fille de Dieu, aussi proche de Jésus. Toute l’attitude du samaritain lépreux guéri déborde de joie, de reconnaissance. Cette joie l’a conduit jusqu’à la source de la vie, Jésus. Jésus, source de la miséricorde de Dieu mise à l’endroit de son cœur d’homme pour que nous venions y puiser notre joie et participer de sa Joie. La plus grande joie de Dieu est de nous y faire participer.
« L’un d’eux, voyant qu’il était guéri, revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix. Il se jeta face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce. »
Jehanne Sandrine du Sacré Cœur & de la Sainte Eucharitie
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Image : Couverture de la Revue Magnificat : La Charité de saint Martin, Gustave Moreau (1826-1898), collection particulière. © Artothek / La Collection.
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Précurseur du culte du Sacré Cœur : Saint Jean Eudes
La France & le Sacré Cœur :
Saint Jean Eudes — précurseur [1]
Saint Jean Eudes (1601-1680), prêtre normand, fut formé par le cardinal de Bérulle. Tout dévoué aux saints Cœurs de Jésus et Marie, il eut d’abord l’initiative d’une fête mariale pour honorer la source des états intérieurs de la Sainte Vierge. Il présentait son cœur, dans lequel Jésus vit et règne, comme le modèle de la vie chrétienne, la parfaite identification au Christ. Il disait d’ailleurs : « Le Cœur de Marie, c’est Jésus ». Attentif à l’unité de ce qu’il appelait le « Cœur de Jésus et de Marie », il ne sentit que tardivement l’importance d’une fête spécifique pour le Sacré-Cœur de Jésus. En 1668, il en soumit la messe et l’office à l’approbation épiscopale. Dans la circulaire envoyée pour la demande de la fête, il mit en avant que loin d’être novateur, il avait puisé dans les textes bibliques, en particulier ceux du prophète Ézéchiel, ainsi que dans la tradition cistercienne et bénédictine avec saint Bernard, sainte Mechtilde et sainte Gertrude d’Helfta. L’évêque donna son accord, et saint Jean Eudes put célébrer la première fête du Cœur de Jésus le 20 octobre 1672, quelques mois avant les apparitions de Paray-le-Monial. Le saint prêtre écrivait :
« Quelle est la fin et l’intention pour lesquelles le Roi des cœurs nous a donné cette fête de Son aimable Cœur ? C’est afin que nous rendions les devoirs d’adoration, de louange, de réparation et, pour tout dire, d’amour que nous Lui devons »[2].
Il concluait qu’une telle fête nous donne l’occasion d’aimer le Seigneur « au nom de tous ceux qui ne L’aiment point », affirmation qu’allait confirmer et approfondir le message de Paray-le-Monial.
Saint Jean Eudes, prêtre, Fondateur des Eudistes, Apôtres des Cœurs de Jésus et de Marie, (1601-1680). Son œuvre écrite Le Cœur admirable est lisible en ligne sur le site liberius.net.
« C’est ce Cœur qui est le premier principe de tout bien et la source primitive de toutes les joies et de tous les délices du Paradis. C’est de là, ô mon très doux Jésus, c’est-à-dire de votre divin Cœur, comme d’une source première, principale et inépuisable, que découle dans le cœur des enfants de Dieu toute félicité, toute douceur, toute sérénité, tout repos, toute paix, toute joie, tout contentement, toute suavité, tout bonheur et tout bien… Oh ! quel avantage de puiser en cette divine source toutes sortes de biens ! Quel bonheur de boire et d’être enivré des eaux délicieuses de cette fontaine de sainteté !… Faites donc couler en abondance, ô Dieu d’amour, la bonne odeur de vos divins parfums, qui sont les vertus admirables de votre saint Cœur, dans le plus intime de mon cœur. »[3]
LE CŒUR ADMIRABLE DE LA TRÈS SACRÉE MÈRE DE DIEU par Jean Eudes : Méditation du Magnificat.
Photos :
1 - Portrait de Saint Jean Eudes : Paul Challan-Belval, vitrailliste à Chartres
2 - Vitrail du Sacré-Cœur de Montmartre (Photo : Sandrine Treuillard)Retrouvez cet article sur la page enrichie
La France & le Sacré Cœur________________________________
[1] Extrait du livret Cœur de Jésus, Source de Miséricorde, ©Association Pour La Miséricorde Divine, 2011. Association Pour La Miséricorde Divine – 374, rue de Vaugirard, 75015 Paris. 01 45 03 17 60 - contact@pourlamisericordedivine.org. Ce livret me fut transmis par sœur Marie-Odile, Prieure du Monastère de la Visitation de Nevers, en juillet 2014 (Sandrine Treuillard).
[2] Cité par le Père Édouard Glotin in Voici ce Cœur qui nous a tant aimés, Éditions de l’Emmanuel, 2003, p.119.
[3] Le Cœur admirable, Livre XII.