L'autre face de la Visitation - la note aigüe aux entrailles (Marie et Fatma)
Une retraite & visite monastique sous le signe de Marie
Le mardi 11 février 2020, en la fête de Notre-Dame de Lourdes, je suis partie pour une retraite et visite d’une semaine à l’abbaye des trappistines Notre-Dame de Bon Secours de Blauvac, dans le Vaucluse, au pied du Mont Ventoux, en Haute-Provence. Je suis repartie le 18 février, en la fête de la visionnaire de l’Immaculée Conception à Lourdes, sainte Bernadette Soubirous.
Le matin de mon départ, je rencontrai l’abbesse des lieux, qui avait été absente une bonne partie de mon premier séjour là-bas, trois mois auparavant. Elle me dit que je devais être attentive à ce qui se passe en moi, également au niveau de ma tache au sein de l’association Artisans de Paix, dont je suis chargée de mission pour la Fraternité Eucharistique catholique.
L’événement qui a suivi dans le tgv, ce 18 février 2020, est le premier signe trinitaire et marial qui m’interpelle, suite à cette retraite et visite monastique.
À la gare tgv d’Avignon - nuée d'étourneaux
Sr Bénédicte, la sœur hôtelière — un des auteurs du livre collectif « Le Verbe s’est fait frère » sur la spiritualité islamo-chrétienne de Christian de Chergé (un de ses deux articles dans ce livre s’intitule La visitation ou le mystère de la rencontre) — m’amena en voiture à la gare de Carpentras. Elle évoqua longuement la cambodgienne Claire Ly qui a vécu le dialogue interreligieux intérieurement. D'abord enracinée dans le bouddhisme, elle fit la rencontre du Christ dans l’horreur d’un camp khmer et était devenue chrétienne (expérience à la croisée des cultures et des religions relatée dans « La Mangrove »).
Après le trajet en ter de Carpentras à Avignon, il y avait une correspondance de 40 minutes à la gare tgv. Les voyageurs se sont massés tout le long du quai au niveau du numéro de leur voiture en attendant l’arrivée du tgv, de Marseille, pour Paris. Arrêtant ma valise dans le coin salle d’attente au niveau du repère de la voiture 3 qui m’était attribuée, je m’assis. La gare tgv d’Avignon est d’une architecture fort intéressante. Mais je ne pouvais rien voir à l’extérieur : ni à droite, la voie par où le tgv allait arriver, ni à gauche. À gauche, derrière un double-panneau publicitaire, je devinais une lumière, celle du soleil déclinant.
Je m’approchai, et découvris une baie vitrée. Cette trouée sur le dehors fit chanter mon cœur : le soleil rosissait le ciel. Une nuée d’étourneaux tournoyait puissamment, d’un pilonne électrique à l’autre : deux belles tours de métal dont les traverses étaient couvertes de centaines de ces oiseaux. Je choisis de me poster debout à cet endroit où j’avais à la fois un œil sur mes bagages, et pouvant contempler cette chorégraphie des oiseaux migrateurs avec ces élégantes dames de fer, dans le feu du couchant.
À la porte coulissante derrière moi, donnant sur le quai, j’ai vu un homme portant barbe noire, de type arabe, qui cherchait manifestement sa direction. En anglais, je lui offris mon aide. Il me dit qu’il ne parlait qu’arabe. Je le conduisis au pied d’un écran pour trouver la lettre repère sur le quai, correspondant au numéro de sa voiture du tgv. Il devait se rendre au repère U. Sur son portable, il écrivit le U majuscule, en confirmation de sa bonne compréhension. Je lui indiquai la direction avec les panneaux noirs où sont inscrites les lettres repères blanches. Sa famille le suivit, avec tous les bagages.
Dans la voiture 3 - sous le signe de la Trinité
Une fois le tgv arrivé, et après embarcation et installation dans la voiture 3, place 333 (oui, c’était bien ces chiffres sous le signe insistant de la Trinité que la Providence m’avait placée pour ce voyage…[1]), je me levai pour aller aux toilettes. Celles du bas étant hors-service, je dus me rendre à l’étage. Devant monter par les escaliers, sur la plateforme je passai tout près d’une femme portant foulard, assise sur ses bagages, avec un bébé dans un couffin et un enfant de deux-trois ans dans une poussette. Elle et moi, nous nous saluâmes.
La scène du ballet des étourneaux dans le couchant avait dilaté mon cœur, j’avais le sourire, ayant fait aussi le plein d’Esprit Saint à Blauvac, j’étais toute disposée à la rencontre. Quand je revins sur mes pas pour redescendre, le petit de trois ans en bas des escaliers, dans sa poussette, me dévorait le visage, et je descendis, m’approchant. Son petit visage était un appel à l’échange. Celui de sa mère aussi était souriant. Arrivée à leur niveau, la femme m’adressa la parole. Elle me dit : « Syrian »… Je compris qu’elle était syrienne. Elle demandait de l’argent, désignant ses enfants. Comme tous les migrants, elle quêtait pour sa famille. Je lui demandai son prénom. Fatma. Oui, musulmane. Elle me dit aussi le prénom du petit de trois ans qui continuait à appeler de toute sa petite face lumineuse.
Avec des gestes, je lui dis qu’elle était musulmane et moi, chrétienne, tout en prenant entre mes doigts la petite croix de bois foncé qui pend au ruban lie-de-vin que je porte en ras-de-cou, la croix lovée dans le creux au-dessus du manubrium, l’os triangulaire qui fait la jonction entre les deux clavicules. Plusieurs fois, je lui dis que je n’avais pas d’argent liquide sur moi, quand elle réclamait des euros. Plusieurs fois, je lui proposai des biscuits que j’avais, pour le petit de trois ans. Plusieurs fois elle prononça le mot : halal.
Avec des gestes, je lui exposai ma différence, nos différences respectives et invitai au dialogue. Je désignai l’En-Haut de l’index et, avec mes doigts, je dis qu’il n’y avait qu’un seul Dieu. Quand elle eut compris que j’étais chrétienne, d’abord comme si elle ne put voir la croix à mon cou, comme si elle avait été invisible à ses yeux, quand elle put la voir et comprit que j’étais chrétienne, quand elle put l’entendre dans notre échange, son visage de souriant se transforma en regard noir et sourcilleux, ses gestes devinrent plus tranchants, comme si la croix était devenue une menace. Elle dit : « Chrétien pas bien. Musulman, bien. Toi, aussi musulman, bien ! » Je vis la virulence dans son regard, dans ses paroles qui voulaient forcer ma conversion et surtout, qui niait la foi chrétienne, se refusant à reconnaître paisiblement l’altérité.
En une fraction de seconde, je reçus tout cela et un pincement dans mes entrailles se fit clairement sentir, une douleur soudaine et aigüe, comme une corde (de boyau) aurait été pincée. Le mur de ses paroles eut l’effet d’un rideau de fer soudain baissé. Cependant, la note intérieure qui suivit ma douleur abdominale fut un silence paisible.
Fatma était toujours restée assise sur ses bagages, certainement habituée à attendre, à quêter activement en attendant, le temps, ici, que son mari trouve les places attitrées à sa famille dans la voiture 3, à l’étage. Je suis allée chercher le paquet de biscuits pour le petit. De retour sur la plateforme, je l’ouvris et en tendis un au petit, devant la mère. « Halal », redit la mère. Et le petit tendant la main : « Halal ! ». Je regardai leurs deux visages, un peu éberluée. Penaude, je replaçai le gâteau dans l’emballage individuel.
Il est vrai que se sont des biscuits industriels. De toute façon, il n’aurait pas aimé : ce ne sont pas des biscuits sucrés pour les enfants. Du haut des escaliers, le père appela Fatma pour qu’ils le rejoignent à leurs places dans le tgv. Je restai en bas et retournai à ma place 333.
L’éveil à une mission de prière pour les chrétiens persécutés
Ce n’est qu’hier, dimanche 23 février, avant le mercredi des Cendres dans deux jours, que je compris la nouvelle mission de prière que Dieu me confie. C’est une mission mariale de prier pour les chrétiens persécutés de Syrie, du Moyen-Orient. Persécution ordinaire par les musulmans ordinaires qui sont éduqués, par la loi islamique, à ignorer, à nier la foi des chrétiens, à ne les voir que comme une menace et un potentiel de conversion à un islam politique.
En une fraction de seconde, en ce pincement de mes entrailles, j’ai compris la souffrance des chrétiens persécutés ordinairement là-bas. C’est comme si j’avais, un instant, été Marie au pied de la Croix, transpercée dans mes entrailles par la douleur. J’ai vécu l’opposé de la Visitation de Marie à sa cousine Élisabeth.
À la Visitation, Élisabeth avait senti tressaillir de joie le petit Jean en ses entrailles, quand Marie entra dans sa maison, souhaitant la paix à sa cousine : « As salam alaikum ! ». Le petit Jean avait tressailli de joie en les entrailles de sa mère au toucher de l’Esprit de Jésus par ce salut de Marie. S’en était suivi l’émerveillement d’Élisabeth et le Magnificat de Marie. Marie avait reçu l’annonce de sa grossesse de Jésus par l’ange Gabriel, et s’était précipitée en toute hâte dans les montagnes pour rejoindre sa cousine âgée miraculeusement enceinte, elle, depuis 6 mois. (À ce sujet : Esprit Saint en visitation en correspondance avec Christian de Chergé ).
Notre-Dame du Calvaire à Jérusalem
La veille de mon départ de l’abbaye Notre-Dame de Bon Secours de Blauvac, le lundi 17 février, j’étais arrivée bien avant l’office de None à l’église abbatiale, pour prier. Sœur Annie, la sœur apostolique qui a choisi de vivre au service de la communauté des trappistines pendant sa retraite de religieuse, venait de s’assoir à sa place, dans la stalle. Elle ouvrit une enveloppe et ne put réprimer un petit cri de joie. Elle admira l’icône entre ses mains et se tourna vers moi, me disant qu’elle l’attendait. Elle se leva pour me la montrer.
C’était le Christ en Croix, un plan rapproché sur son visage, de son flanc droit jaillissent des filets de sang qu’un ange recueille dans un calice. Le regard du Christ est animé de sentiments complexes, tourné vers l’ange. Sr Annie me dit que cette icône avait été écrite par une bénédictine à Jérusalem, mais elle ne pouvait lire l’étiquette au verso. Je lui prêtai mes yeux et découvris le nom de la sœur de la congrégation Notre-Dame du Calvaire, au monastère du Mont des Oliviers, qui l’avait réalisée, Sr Marie Paul. Il se trouve que c’est elle qui a réalisé l’icône de la Croix de Tibhirine, dont voici le détail de la traverse, ci-dessus (voir la biographie de sr Marie Paul en note[2], en bas de cet article).
C’est à la tête de ce monastère que sœur Marie — qui a été vingt ans présidente de la congrégation Notre-Dame du Calvaire et que j’avais rencontrée en 2012 et 2013 dans son monastère de Prailles dont elle était la prieure, dans les Deux-Sèvres — a été envoyée comme nouvelle Prieure à Jérusalem (cf ici le PDF Interview dans Panorama, avril 2019 : Nous entrons dans une nouvelle ère.) Il m’a été donné la grande surprise de la revoir avant son départ pour Jérusalem fin 2019, en octobre 2019, à Vanves, au Prieuré Sainte-Bathilde, lors de l’anniversaire des cinquante ans de l'Association des Amis des Monastères à Travers le Monde (AAMTM).
Sœur Annie me proposa un petit livret de Carême pour prier 40 jours avec l’Aide à l’Église en Détresse (AED) pour les chrétiens persécutés.
Le lendemain, la rencontre de Fatma dans le tgv, l’autre face de la visitation, a confirmé cette mission de prière que le Cœur de Jésus en Croix me donne.
Ô prends mon âme - un augmentum
Confirmation appuyée hier, dimanche, d’abord lors des 10 puissantes minutes d’oraison faites dans l’axe exact de la Croix, juste après les Vêpres avec les bénédictines de Vanves dans l’église Sainte-Bathilde, avant de me rendre à la messe à Saint-Étienne, à Issy-les-Moulineaux. Tout le temps de cette messe, l’Esprit Saint continua à me décrire intérieurement la teneur de cette mission, avec gravité, comme en un augmentum. Je communiai et tout le temps du recueillement de la communion je restais à l’écart, à genoux, jusqu’après les annonces du curé. Le chant de communion était en soi une parole très claire du Seigneur pour la mission qu’il me confie.
Ce chant, je l’avais découvert suite à l’attentat de Daech contre Charlie Hebdo, à Paris, le mercredi 7 janvier 2015. Deux jours après, vendredi 9, j’étais montée à la basilique de Montmartre pour la messe du Sacré Cœur hebdomadaire, à 15h. Les bénédictines du Sanctuaire du Sacré-Cœur et de la Sainte-Eucharistie me firent découvrir ce chant d’entrée, choisi à dessein (Mère Marie-Cleophas me le confirma lors de notre entretien après cette messe) :
Ô prends mon âme
Ô prends mon âme, prends-là, Seigneur,
Et que ta flamme brûle en mon cœur.
Que tout mon être vibre pour toi,
Sois seul mon maître, ô divin roi.
R/ Source de vie, de paix, d’amour
Vers toi je crie la nuit, le jour
Guide mon âme, sois mon soutien
Remplis ma vie, toi mon seul bien.
Du mal perfide, ô garde-moi,
Sois seul mon guide, chef de ma foi,
Quand la nuit voile tout à mes yeux,
Sois mon étoile, brille des cieux.
Voici l’aurore d’un jour nouveau,
Le ciel se dore de feux plus beaux,
Jésus s’apprête, pourquoi gémir,
Levons nos têtes, il va venir.
La Visitation du cœur des mères musulmanes
Dimanche 23 février, ce fut donc ce chant de communion. Le sens des paroles a été, pour moi, dès le 9 janvier 2015, une invitation à la consécration religieuse avec le Christ. Une confirmation de ma vocation religieuse reçue le 1er novembre 2014. Ce chant est un appel lancé au Christ, une espérance qui supplie. C’est aussi la réponse à l’appel du Christ lui-même, à sa Promesse. Ce chant scelle ma mission en communion avec Lui. Cette mission de prière, telle que je la discerne avec cet événement de la rencontre de Fatma, l’autre face de la Visitation (comme on dirait le revers de la médaille), je vais la décrire maintenant.
J’ai encore reçu cette image dans la prière, ce matin (25 février) de la Vierge Marie qui se fait proche, dans l’intériorité de Fatma, la musulmane. La Vierge Marie qui est l’Aqueduc de la grâce divine (saint Bernard) pour les hommes, elle qui est la Mère du Christ, peut se faire proche du cœur de la femme musulmane. Elle seule est à-même de visiter le cœur d’une musulmane à la foi ferme, chevillée au corps. Il ne s’agit pas de la conversion de Saul de Tarse, qui fut terrassé par la lumière du Christ sur le chemin de Damas : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? ». Il s’agit de la Vierge Mère de Tendresse qui vient murmurer au cœur d’une mère musulmane que son Fils Jésus Christ existe bien, qu’il est vraiment le Fils de Dieu le Père, le Dieu unique, qu’il est vraiment mort crucifié, qu’il est vraiment ressuscité des morts, qu’il est vivant et vraiment présent par son Esprit en chaque chrétien, en chaque baptisé qui a reçu l’Esprit de Jésus. Marie peut murmurer au cœur de Fatma la souffrance qu’elle lui fait endurer, sans le savoir (Jésus en croix : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Luc 23,34), en niant la vie de son Fils. Dans l’intimité de la visite de Marie au cœur d’une mère musulmane, cette vérité de la foi chrétienne peut être dite, révélée et reçue. Seule Marie peut porter la Lumière qu’est le Christ, son Fils, au cœur d’une mère musulmane.
Ce que j’ai à faire, c’est d’avoir la certitude (la foi) que Marie peut se manifester ainsi au cœur de ces femmes musulmanes (fatima : femme ; « Fatma » est le prénom de la fille du prophète Mahomet), qui d’autant plus sont mères, comme Marie. Que, par sa manifestation intime et cordiale, elle leur fasse sentir la persécution qu’elles font vivre aux chrétiens en étant soumises à l’interdit de voir, de reconnaître, de se laisser toucher par un chrétien.
Combien de fois le Christ est-il mort au Cœur immaculé de Marie, à chaque négation de la vie du Christ en les chrétiens ? Combien de fois son Cœur de Mère du Christ est-il blessé, comme mes entrailles, dans une moindre mesure, ont été piquées dans ma rencontre avec Fatma ?
"L'événement avec Fatma", ce n'est pas simplement se recueillir avec Marie au pied de la croix. Et ce n'est pourtant pas déjà Jésus qui visite les enfers des prisonniers de leur loi, loi ici représentée par le 'Halal' et l'interdit de voir, de reconnaître, de se laisser toucher par un chrétien. Ce que le Seigneur me donne dans cette rencontre avec Fatma, c'est une mission de prière à Marie, avec Marie : lui demander à elle, qui est le passage possible avec les musulmans, de se montrer à leur intériorité pour leur révéler de l'intérieur la lumière du Christ, non pas pour qu'eux-mêmes 'apostasient' leur foi musulmane, mais qu'ils reconnaissent l'existence de la révélation chrétienne, par la rencontre de Marie, christophore.
Je demande à Marie de contribuer à ce que leur aveuglement cesse, qu'ils laissent le Christ se manifester dans chaque chrétien, sans que cela n’empêche pour autant leur pratique musulmane.
Je demande une visite lumineuse de Marie au cœur de ces musulmanes. Marie, tu portes la lumière du Christ, tu es à-même de leur parler, d'apaiser leur peur, de changer leur ignorance. Toi seule peux doucement leur apporter la Lumière.
Sandrine Treuillard
Jehanne Sandrine du Sacré Cœur & de la Sainte Eucharistie
les 24-25 février 2020
Vanves
[1] J’ai été baptisée le 25 mai 1975, en la fête de la Sainte-Trinité. C’est dans une lettre de Christian de Chergé à Maurice Boormans, que je découvris que la date de mon saint baptême correspondait à cette fête : Lettres à un ami fraternel Christian de Chergé - Prieur de Tibhirine, Éditions Bayard, 2015.
[2] LA DÉCOUVERTE D’UN DON ET D’UNE MISSION
Biographie de Sœur Marie-Paul
(10 nov. 1930 - 8 mai 2019) [Le 8 mai est aussi la fête des 19 Bienheureux Martyrs d'Algérie, dont les 7 moines de Tibhirine. Note de La Vaillante]
Bénédictine de Notre-Dame du Calvaire,
Monastère du Mont des Oliviers, Jérusalem
Sœur Marie-Paul est née le 10 novembre 1930 au Caire, en Égypte, d’origine arabe d’une famille de souche italienne. Elle décide de consacrer sa vie au seigneur et à la suite d’un pèlerinage en Terre Sainte, en 1953, elle entre au monastère du Mont des Oliviers le 14 novembre 1955. Le 25 janvier 1961, elle fait son offrande pour l’Unité et fait profession solennelle en la fête de l’Assomption, le 15 août de la même année.
En 1960, le frère Henry Corta, petit frère de Jésus et iconographe, demandant à faire un séjour prolongé au monastère propose, en échange, d’initier les sœurs à l’iconographie. Sœur Marie Paul fait partie des sœurs désignées pour suivre les cours. Frère Henry leur apprend non seulement la technique des icônes mais le sens de chaque étape en lien avec les Écritures, qu’il a découvert à partir des manuscrits grecs des archives de Paris.
Un jour, elle a une ‘révélation’ : elle qui se demandait ce qu’est le silence en Dieu dont parlaient les Pères du désert, réalise ceci : « Écrire une icône me met en Dieu ; lorsque j’écris Dieu, je suis en Dieu au-delà de tout concept humain. J’ai enfin trouvé le silence en Dieu ». Elle en conclut que si le Seigneur s’est dérangé pour répondre à sa question du silence à travers l’icône, c’est qu’il voulait vraiment cela d’elle : c’était une vraie mission.
Bientôt les commandes affluent, pour des foyers de charité, des familles, des églises, des universités. Des catholiques, des grecs melkites, des syriens catholiques, des protestants, des juifs et même des musulmans lui demandent de créer des icônes. Un véritable atelier est mis en place : les sœurs de la communauté font les premières étapes et sœur Marie Paul les dernières. Ses icônes se trouvent partout dans le monde : en France, bien sûr et en Terre Sainte, mais aussi en Europe, aux États Unis, au Canada, en Australie, en Algérie à Tibhirine et même en Chine et en Corée. Parmi les icônes les plus célèbres on trouve la Sainte Famille, le Christ et Saint Jean, les pèlerins d’Emmaüs. Sœur Marie-Paul participe ainsi à sa manière à la nouvelle évangélisation. Aux très nombreux groupes et pèlerins qui viennent la rencontrer, sœur Marie-Paul partage ses lumières sur l’Écriture à travers le message des icônes. « L’Icône, c’est toi », c’est le message qu’elle laisse à la fin du beau DVD sur son œuvre. « De silence et lumière » : Un livre d’entretiens avec Sr Marie-Paul doit paraître aux éditions Parole et Silence, en février 2020.
Extrait de la Lettre de famille de la communauté des Bénédictines de Notre-Dame du Calvaire de Jérusalem, Avent 2019 :
Le visage de la communauté, en cette année 2019, a sensiblement changé, deux sœurs, deux racines, s’en sont allées vers leur Seigneur : notre sœur d’origine juive, sœur Paula, le 12 janvier, et notre sœur d’origine arabe, sœur Marie-Paul, le 8 mai ! Si pour cette dernière, nous savions que ses jours étaient comptés puisqu’elle luttait contre un cancer depuis plus d’un an, rien ne pouvait laisser prévoir que la première s’en irait sans prévenir, sans bruit. (...)
Après le décès de sœur Paula, sœur Marie-Paul très fatiguée, doit de nouveau être hospitalisée à Saint Louis. Elle peut encore revenir quelques jours au monastère, mais après Pâques, son état s’aggrave brusquement. Le samedi 4 mai, le Père Caldélari lui donne le sacrement des malades et le 5, notre sœur devient inconsciente. Nous nous relayons auprès d’elle nuit et jour avec des amis et sa nièce venue de Jordanie. Le matin du 8 mai, sœur Gabriele nous appelle pour nous annoncer son décès juste après Laudes. Avec le sentiment d’avoir accompli sa mission et transmis le flambeau, sœur Marie-Paul a remis son esprit au Père plein de tendresse et rejoint dans la lumière sans fin Celui qu’elle a aimé et rayonné pendant sa vie. Monseigneur Marcuzzo préside la messe des funérailles, entouré du Père Abbé de Latroun, du Père Jean Daniel, assomptionniste de Saint-Pierre in Galicante, ami de longue date de notre sœur, et de nombreux prêtres du diocèse. Monseigneur Pizzaballa, Monseigneur Sabbah et Monseigneur Battish sont présents. Les sœurs d’Abu-Gosh nous renforcent pour le chant ; les sœurs de l’Emmanuel et d’autres amis de Bethléem n’ont pu venir, le check-point et certaines routes étant fermées en ce premier vendredi de Ramadan. Le Père Jean Bernard Livio viendra en septembre pour trier les archives concernant les icônes, et nous aider à réaliser un fascicule sur les icônes de l’église avec les commentaires écrits par sr Marie Paul.
Photo Gare Tgv Avignon : Jacques Mossot / Structurae
Vidéo : Bird Ballet de Neels Catillon
Photo : Nuée d'Oiseaux Sauvages d'Alain Delorme
Vidéogramme : Icône du Christ en Croix de Tibhirine, traverse reconstituée d'après les vidéogrammes de "Le défi de l'Islam (1) Christian de Chergé et Mohamed", NetForGod 2009. Cette icône se trouve dorénavant à l'Abbaye Mère de Tibhirine, à Notre-Dame d'Aiguebelle.
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La Visitation : Mystère de l'hospitalité réciproque
& figure de toute vraie rencontre - avec Christian de Chergé