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nicolas buttet

  • Que le règne eucharistique du Christ arrive ! Conférence intégrale du P. Nicolas Buttet - SC Montmartre

    À l'occasion de la Nuit d'Adoration au Sacré-Cœur de Montmartre du 20-21 avril 2018 voici la Conférence du Père Nicolas Buttet intégralement retranscrite (d'après l'audio sur YouTube), fondateur de la Fraternité Eucharistein — du samedi 21 avril 2018 — invité par Gino Testa du Groupe de prière Padre Pio de Paris — à la suite de celle (Le 'chant' du P. Eymard - Sa dernière retraite, son testament spirituel) du Père André Guitton, sss (Congrégation du Saint-Sacrement), biographe de st Pierre-Julien Eymard (communauté des Pères du Saint-Sacrement, Chapelle Corpus Christi - 23 av. de Friedland - Paris 8).

    Dans cette conférence, le p. Nicolas Buttet nous donne sa vision du premier Saint Patron (des 4) de la Fraternité Eucharistein, S. Pierre-Julien Eymard. Pour lui c'est "vraiment le grand prophète de l'Eucharistie". Il s'en explique au cours de son exposé.

    Le désenveloppement du Mystère

    Portrait seul.jpgTrès heureux de vous retrouver. Merci cher Père Guitton pour cette présentation si touchante de ce prophète de l'Eucharistie. Je pense que Pierre-Julien Eymard est vraiment le grand prophète de l'Eucharistie. Et vous savez que dans l'histoire de l'Église on appelle cela le 'désenveloppement du Mystère'. Tout est donné au départ, dans la personne de Jésus et, on le sait, la révélation s'achève avec la mort du dernier apôtre. Donc tout est dit. Mais là, les choses se désenveloppent, prennent une tournure particulière. Je vous parlais hier du Sacré Cœur. Il est bien là, ouvert sur la Croix, toute la dévotion se trouve là, il y a des textes merveilleux… Mais finalement c'est au XIIème XIIIème siècle avec sainte Gertrude d’Helfta, sainte Metchilde de Hackeborn, sainte Metchilde de Magdebourg, Hildegarde de Bingen, où tout d’un coup le Sacré Cœur prend une première… Il y a une scène très belle où Hildegarde de Bingen voit le Sacré Cœur de Jésus, repose sur le Sacré Cœur de Jésus, et elle voit saint Jean. Et elle dit à saint Jean : « Tu es un petit cachotier ! Je suis sûre que quand tu as posé ta tête sur le Sacré Cœur de Jésus tu as dû sentir l’amour fou qu’il y avait dans son Cœur, et tu ne nous as rien dit ! Tu es un petit cachotier ! » Alors, saint Jean lui dit : « Effectivement, j’ai senti cet amour fou dans le Cœur de Jésus, mais Dieu m’a confié la mission d’annoncer le Verbe fait chair. Quant aux secrets insondables de son Cœur, ils sont réservés aux temps où la charité se refroidira sur la terre. » Et donc, ça va être Marguerite-Marie Alacoque qui va recevoir cette dévotion au Sacré Cœur. Et puis on va voir que cette dévotion va se concentrer, se cristalliser, s’incarner, si j’ose dire, autour du Christ Eucharistique. Puisque c’est le Cœur Eucharistique de Jésus qui va être la grande dévotion de la fin du XIXème siècle mais un peu brève, malgré tout. Et saint Pierre-Julien Eymard en fait partie, avec tous ses amis, avec Émilie Tamisier, avec le Père Antoine Chevrier, avec le Curé d’Ars… Ils étaient tous copains, c’est incroyable, il y avait une collection de saints qui se côtoyaient et qui priaient ensemble qui était absolument extraordinaire, hein ! C’était les potes de Jésus qui s’étaient rassemblés et ils voulaient annoncer. Ça, c’est important, c’est une belle leçon parce que dans des moments de tiédeur et de froideur Dieu veut vraiment rassembler ses amis pour nous donner le feu et nous donner la grâce d’évangéliser. Et puis tout d’un coup, on va voir que quand on va plus profondément dans ce Cœur de Jésus, on a la Miséricorde et c’est saint Faustine. Finalement toute la révélation de sainte Faustine se joue autour de Jésus Eucharistie. Et je vous disais hier soir cette phrase qui me touche beaucoup : « Dis bien au monde entier qu’il n’y aura pas de paix sur la terre si l’on ne vient pas à ma Miséricorde et le trône de ma Miséricorde c’est le Saint Sacrement. » Donc : « Dis bien au monde entier qu’il n’y aura pas de paix si l’on ne vient pas au Saint Sacrement. » Et donc les prophéties du Père Pierre-Julien Eymard sur la conversion de la France, de l’Europe, sur la nécessité absolue de l’adoration, sur la grâce de l’adoration pour transformer le monde, qui est pris dans la tiédeur et dont les âmes se croient ferventes et qu’elles ne le sont pas parce qu’elles n’ont pas établi leur trône en Jésus Eucharistie… eh bien !, c’est vraiment maintenant que ce temps est là. Il nous est donné maintenant. Et avec cette Miséricorde qui jaillit du Cœur de Jésus. Et pour moi, cette prophétie de Faustine et cette prophétie de saint Pierre-Julien Eymard, est aussi importante que celle de Fatima, voyez-vous. Quand Marie dit, en 1917, que si on ne va pas se convertir, une guerre plus grave encore éclatera sous le pontificat de Pie XI… On est encore à l’époque du pape Benoît XV, Pie XII arrivera en 1922 sur le siège de Pierre, il mourra en 1938, et c’est vrai que la guerre éclate sous le pontificat de Pie XI, juste avant son décès. Marie annonce cela en 1917, et donc, à part Marie et le Ciel, personne ne peut savoir le nom du prochain pape, et elle l’annonce clairement, avec un signe aussi cosmique, qui aura lieu au début de l’année 1938, une lueur dans le ciel qui se verra de manière assez extraordinaire dans le monde un peu partout. Parce qu’on n’aura pas écouté Marie, on aura cette tragédie, voyez-vous.

    Toute prophétie est conditionnelle, soumise à la liberté des hommes

    ND d'Akita -sang.jpgToute prophétie est conditionnelle, soumise à la liberté des hommes. Ninive se convertit, l’Europe ne se convertit pas. Voilà. Et aujourd’hui, le pape François a beaucoup insisté sur le lien entre Fatima et Akita, et donc, c’est quelque chose d’assez important, ce lien entre Fatima et Akita. Notre-Dame d’Akita a été reconnu par l’Église en 1984 et 1988 par le cardinal Ratzinger à Rome. C’est chez les Servantes Eucharistique du Sacré-Cœur, en montrant qu’il faut prier Jésus Eucharistie. Donc, au cœur du renouveau du monde, au cœur du renouveau de notre vie personnelle, au cœur de la guérison du monde, il y a Jésus Eucharistie. Il fallait être fou de la part de Jésus, de se rendre présent dans cette vulnérabilité-là, vous voyez… Bien sûr, c’est Dieu transcendant qui est là, mais c’est le bébé de Marie, c’est le vrai corps que Marie a porté dans ses bras, c’est ce Jésus qu’elle a touché, qu’elle a caressé, qu’elle a pris, et Joseph, et le vieillard Siméon : « Oh qu’il est chou ce petit bébé ! » Et c’est l’émerveillement des bergers à la crèche, voyez-vous… C’est ça ! l’Eucharistie. Alors on a tellement pris de la distance avec l’Eucharistie… On ne dérangeait pas le ‘Divin Prisonnier’. « Interdiction… » Un prêtre a écrit à son évêque : « Interdiction de déranger le Divin Prisonnier. » À un moment donné on interdisait de le toucher avec les dents. Or, comme je l’ai dit hier, le mot ‘trogein’ en grec, c’est ‘broyer avec les dents en faisant du bruit’. Et on est arrivé à dire que c’est un péché mortel de toucher avec les dents l’Eucharistie. Mais comment a-t-on pu vouloir tenir à distance ce Dieu qui se fait si proche, jusqu’à se faire manger et « descendre dans les latrines de notre corps »[i] ?
    Comment a-t-on pu faire pour ne pas rentrer dans la logique évangélique et dans la logique eucharistique d’un Dieu qui s’abaisse et qui est l’ultime point de l’abaissement de Dieu ? Seule l’humilité pouvait descendre plus bas que le péché. Et l’humilité c’est Jésus à l’Eucharistie. C’est de là qu’Il vient nous rechercher, c’est de là qu’Il vient nous empoigner. C’est là qu’Il vient relever chacune et chacun d’entre nous et qui vient transformer le monde.

    Repenser l’Eucharistie avec la théologie mystique des saints

    Gaudate & exsultate.jpgAlors je pense qu’il va falloir repenser l’Eucharistie. Non pas partir de l’acte pur de la transcendance absolue et des concepts philosophiques et même théologiques sur Dieu. Il y a une théologie mystique qui est plus grande encore que la théologie spéculative, qui est la théologie des saints qui nous apprend le vrai mystère. Et Pierre-Julien Eymard est vraiment ce grand prophète de cette théologie mystique. J’en pleurais de joie quand je relisais le dernier texte du pape François (La joie et l’allégresse Gaudete et Exsultate). C’est ce qui manquait à l’Église, depuis des siècles, si j’ose dire. Les papes se sont exprimés avec beaucoup de ferveur, de justesse, de dévotion, d’intelligence et de piété aussi, sur des grands mystères de la foi, mais personne n’avait écrit une encyclique de théologie mystique. C’est-à-dire, d’une véritable théologie des saints. Qui est la science suréminente. Quand on fait de la théologie ont dit que tout est subordonné à la théologie des saints. C’est la science par excellence. On l’a complètement écarté de notre vision théologique. On n’osait même pas en parler parce que ça ne faisait pas scientifique. Mais on s’en fout ! L’important c’est de rencontrer Dieu dans son vrai mystère tel qu’Il s’est révélé à nous. Et la théologie des saints est là, dans cette délicatesse, voyez-vous… Et je vous parlais hier de Jésus qui débarque du tabernacle pour aller trouver sœur Faustine dans sa chambre… C’est ça la théologie mystique… Mais… Il veut être avec nous, Il demeure avec nous. Sa souffrance, c’est de ne pas être avec nous. Un ami chilien me racontait cette histoire, liée à S. Padre Pio, d’ailleurs : il y avait un camionneur qui faisait la traversée de la grande transaméricaine, la grande route qui traverse toute l’Amérique latine, et tout à coup il voit un type en train de faire du stop au bord de la route. Il s’arrête, il prend le gars. Le gars dit : « Vous voyagez toujours seul comme ça ? » « Je ne suis jamais seul ! » et il montre la photo de Padre Pio et dit : « Il est toujours avec moi, Padre Pio, on est toujours ensemble. » D’un coup, il n’y avait personne sur la route, et le camionneur se met à klaxonner très fort. L’autre dit : « Mais qu’est-ce que vous faites ? Il n’y a personne, il n’y a rien ! » Il répond : « Non, mais il y a une église, là-bas, il y a le clocher, alors je sais que Jésus est seul. Alors à chaque fois que je vois une église je klaxonne pour lui dire : « Hello, Jésus, c’est moi ! », je n’ai pas le temps de m’arrêter, mais je lui fais coucou, puisque tout le monde l’oublie ! » Le gars dit : « Arrêtez tout de suite ! » « Pourquoi ? » « Je suis le curé de la paroisse, je quittais le sacerdoce, je partais, je fuyais… Il faut que je retourne dans ma paroisse ! » Vous voyez la Providence de Dieu ?! Ça, c’est la tendresse de Dieu, vous voyez. Lui, il fait son coup de klaxon à Jésus.

    Enfant Jésus au tabernacle.jpgEt c’est ça : Un jour une maman rentre dans une église, elle arrive avec son enfant et lui dit : « Tu vois, là-bas, c’est la petite maison de Jésus, et la petite lumière rouge ça veut dire qu’Il est là. Alors on va faire silence, on va parler à Jésus. » Au bout d’un moment le petit garçon dit : « Maman, c’est quand que c’est vert, qu’on peut repartir ? » Je suis sûr que Jésus à craqué, vous voyez… Voilà… Comment nous rentrons dans cette proximité, cette intimité de Jésus. Avec nous. Vous savez, on accueille chez nous (à la Fraternité Eucharistein, note de La Vaillante) des jeunes traversés par l’alcool, la drogue, la dépression, la violence. Et c’est Jésus Eucharistie qui les guérit. C’est Jésus Eucharistie qui les transfigure. On a une fille qui à douze ans est partie dans la rue : la drogue, la prostitution, le sado-masochisme… enfin, un peu tout, comme ça… qui débarque chez nous à 19 ans, dans un état !…, mais complétement cassée, bourrée de phobies. Tout d’un coup elle découvre Jésus Eucharistie. Je peux vous dire que quand elle va rencontrer Jésus, mais c’est quelque chose ! C’est son Amour. C’est sa force. Elle est prise de combats, de tentations… Elle dit : « Mais c’est Jésus qui me tient. » Et sa communion…! Elle veut recevoir Jésus.

    Trek en Chine.jpgJ’étais en Chine, l’année dernière… On rencontre un gars qui faisait du trekking. On marche dans les montagnes, on visite des communautés chrétiennes du côté du Tibet… Et un gars me dit : « Ah, j’ai appris que vous traversiez la montagne… Je ne connais rien. Est-ce que je peux marcher avec vous ? » Je me dis : c’est un flic camouflé, je suis sûr qu’il va nous surveiller… Comment je vais faire pour lui dire que ce n’est pas possible ? Et en fait, je sonde un petit peu mes amis chinois aussi. Ils me disent, non, il n’est pas de la police, tu peux être confiant. Et je ne lui dis pas qu’on était chrétien. Je lui dit qu’on est des trekkers, on est des marcheurs, comme ça… Et puis on part dans la montagne. C’est trois jours de marche dans la montagne. Le premier soir, on a la messe le soir et un temps d’adoration en pleine nature, à 4000 mètres d’altitude. Et lui, là, vient vers moi et me dit : « C’est quoi ce que vous avez fait ?! » Et je réponds : « Je ne t’ai pas dit avant le départ, mais on est chrétien… » « Oui, mais c’est quoi, cette chose ronde qui est là-bas ?! » « Eh bien je vais te dire : c’est mon Dieu. » Et il se met à pleurer et il me dit : « Mais il m’a parlé, tu sais ?… Il m’a dit qu’Il m’aimait. » Et alors on est arrivé à un petit village, on a fait une nuit d’adoration. Il a passé la nuit entière devant Jésus. Il était là, il ne bougeait pas. Le lendemain matin, il me dit : « Comment on fait pour devenir comme vous ? Ça veut dire quoi ? » Alors je lui explique un petit peu… « Alors moi je veux être baptisé ! Il faut que tu me baptises, Nicolas ! » Je lui dis : « Écoutes, là, c’est trop rapide, je ne peux pas faire ça, mais… » Il me dit : « Mais, je peux continuer de voyager avec vous parce que je ne peux pas me passer de Jésus dans l’Eucharistie comme ça ! » Je dis : « Bien sûr, tu vas faire tout le voyage avec nous, tout le pèlerinage. » Et il a été baptisé à Pâques, cette année, et c’était au mois de… On s’est quitté au mois d’août l’année dernière, et il m’a envoyé des photos et derrière il m’a dit : « Y’a une surprise, y’a une surprise, y’a une surprise ! Et à Pâque il m’a envoyé la photo de lui en grand habit blanc, baptisé à Pâques. Il a créé un groupe : Faithbook. Faith ça veut dire ‘foi’ en anglais… Faithbook pour annoncer Jésus Eucharistie. Ça, c’est Jésus Eucharistie, voyez-vous… Ça c’est ce que Dieu nous demande de vivre et de découvrir aujourd’hui.

    En quoi Jésus Eucharistie est-il vraiment le lieu d’une guérison pour nous ?

    25 mai 2018 P.Buttet Journée Eucharistique StLouis d'A;.jpgAlors c’est un petit peu ce dont je vais vous parler maintenant… j’ai pris un peu de temps en introduction, mais… en quoi Jésus Eucharistie est vraiment le lieu d’une guérison pour nous ? Première chose, d’abord je crois qu’on est très obsédés par la santé aujourd’hui. Je ne sais pas si vous avez remarqué, on est très, très pris par la santé. Mais en fait, en latin, dans différentes langues, en italien, en espagnol, dans les langues latines le mot santé et salut viennent d’une même origine, d’une même étymologie. Et finalement, quand on a perdu le sens du salut, on s’est obsédé de la santé. On se dit, au Nouvel An : « Bonne santé ! » On peut mourir en bonne santé, mais être damné… Et on peut mourir très malade et être sauvé. Ce qui est important de noter c’est le bon salut. Parce que quand on dit ‘salut’, ça veut dire je te souhaite le Salut : la vie éternelle, qui peut comprendre la santé mais qui est d’abord la vie éternelle, le salut de l’âme. Et donc je pense que l’adoration eucharistique nous remet en face de l’essentiel, redit au monde qui a perdu le sens de Dieu : « Mais, retrouve le sens de Dieu, retrouve tout ce qui est important pour toi. » Dans l’Écriture sainte, voyez-vous, ce qui est important ce n’est pas d’être en bonne santé ou d’être malade. Et même pas d’être mort ! Jésus parle à des morts : « Lazare, sors ! » ou « Talita kum ! » « Je dis : lève toi ! » Et puis il ne parle pas à des vivants : à Hérode, à ceux qui le frappent… parce qu’ils sont déjà morts… dans leur cœur. La mort et la vie ne sont pas les mêmes frontières que pour nous. La santé et la maladie ne sont pas les mêmes frontières que pour nous. J’allais dire même mieux que ça : Jésus nous rejoint dans nos vulnérabilités, notre péché.

    Moïse doux.jpgIl y a une scène étonnante dans l’Écriture sainte : c’est Moïse qui négocie avec le Bon Dieu la mission que Dieu lui a confiée, d’aller libérer son peuple, de collaborer à la libération du peuple. Alors, Moïse dit d’abord : « Je suis âgé, je suis à la retraite, je ne peux pas ! » Dieu dit : « Non, ça ce n’est pas une bonne raison. » Alors Moïse dit : « J’ai un casier judiciaire en Égypte, ça ne se fait pas, il n’est pas encore périmé… » Et après il dit : « J’ai un problème : tu me demandes d’être ambassadeur et j’ai la bouche pâteuse. » Sans doute un bégaiement… Dieu dit : « Eh bien ton frère, Aaron, te donnera un coup de main ! » Mais c’est très beau, voyez-vous, l’argument ultime, la souffrance mystérieuse de Moïse, c’est cette bouche pâteuse. Et à la fin quand il meurt sur le mont Nebo quarante ans après, aux portes de la Terre promise, on nous dit qu’il mourut, les traductions disent : « Sur la parole de Dieu, sur l’ordre de Dieu… » Le texte hébreu dit : sur la bouche de Dieu. Et c’est le même mot qui est utilisé quand il dit que la bouche est pâteuse et que la bouche de Dieu le rejoint. Voyez-vous… : Dieu l’a attendu toujours sur cette bouche. L’expérience de sa pauvreté, de sa bouche pâteuse était l’expérience de Dieu qui lui parlait et qui le rejoignait. Ça, ça c’est le christianisme, voyez-vous… Ça c’est la vie avec Dieu. C’est-à-dire que le lieu de la rencontre avec Dieu c’est le lieu de ma propre vulnérabilité. C’est le lieu de ma propre pauvreté. C’est le lieu de mon propre drame. C’est là que Dieu m’attend et c’est là que Dieu me rejoint. Je ne veux pas être trop long là-dessus, il y a plusieurs choses à dire, mais… Voyez-vous, ce que Dieu nous donne, et finalement… c’est là qu’il va falloir venir pour découvrir la tendresse de Dieu et l’amour de Dieu.

    Développer aujourd’hui la véritable ferveur eucharistique de Pierre-Julien Eymard

    PJE au St Sacrement.jpgEt je pense qu’il va falloir développer aujourd’hui la véritable ferveur eucharistique de Pierre-Julien Eymard : faire travailler le saint Sacrement pour que l’irradiation de la grâce de Dieu se répande partout. Benoît XVI démontre deux drames de notre humanité et de notre christianisme aujourd’hui.

                           1- La gnose : Le salut par la connaissance, par la science, par le savoir. Et on croit que notre connaissance va nous sauver. On croit que notre savoir va nous sauver. Sur le plan mondial, c’est sûr, c’est depuis les Lumières, la science qui doit sauver l’humanité. Quand Condorcet disait : On va progressivement vers un monde… Les dix étapes de l’humanité vers le progrès parfait. L’avenir radieux intra-historique. Enfin, on avait cette idée que le monde est perpétuellement en progrès du bien vers le mieux grâce à la science. Et la science répondra à tous les problèmes. Au XXIème siècle on peut se dire qu’on a manqué le train et que le progrès technique ne signifie pas le progrès humain et progrès d’amour. C’est un échec total. Et les idéologies ont marqué l’échec. Reste qu’on est toujours marqué là-dedans, y compris dans l’Église ! La dernière parole du ‘pape intello’, Benoît XVI : « Ma plus grande crainte dans l’Église aujourd’hui c’est l’intellectualisation de la foi. » Une façon de mettre à distance Dieu par la science et par des théories. Non pas une intelligence de la foi. Une intellectualisation de la foi. L’intelligence de la foi passe par le cœur, par la lumière, par l’expérience. Et les saints ont une intelligence de la foi. Et les plus pauvres ont une intelligence de la foi. Cette fille dont je vous parlais tout à l’heure : elle vient vers moi… textuel, texto, elle me dit : « Putain, j’ai pas dormi de la nuit passée ! » Je dis : « Ah ouais… ! » Elle me dit : « Ouais, mais j’ai parlé avec la Trinité. Toute la nuit ! » Ah, j’dis : « Bien, très bien… » Elle dit : « Mais, putain, c’est un truc de ouf !!! Tu te rends compte : le Père n’aime pas comme le Fils ; le Fils n’aime pas comme le Père ; l’Esprit Saint n’aime pas comme le Père. Chacun aime de manière unique ! J’ai parlé avec les trois l’un après l’autre, mais c’était chaque fois des discussions différentes. Il y avait à chaque fois un amour totalement différent : entre l’amour que le Père avait pour moi ; que le Fils avait pour moi ; que l’Esprit Saint avait pour moi. Et nos discussions étaient complètement différentes avec les trois. » Alors je la regarde, comme, ça… Elle me dit : « J’ai dit une bêtise ? » Je dis : « Non, mais l’Église a mis cinq siècles pour découvrir ça, tu vois, dans les Conciles ? » Juste un petit détail… Et quand elle m’a dit ça, avec le ton avec lequel elle me l’a dit… je ne l’ai pas, le ton… Mais le ton avec lequel elle me l’a dit… mais j’ai découvert quelque chose ! J’avais étudié mes Conciles ! J’avais étudié un peu la Trinité, quand même… Enfin, je connais deux ou trois choses. Je ne m’étais jamais émerveillé à ce point du fait que les Personnes n’aimaient pas de la même manière. Je n’en avais pas pris conscience et c’est lorsqu’elle me l’a dit, que j’ai pris conscience de cette réalité-là, vous voyez… Alors, Dieu veut vraiment renouveler le monde… Première chose la gnose. Deuxième chose…

                                       2ème - Le pélagianisme. Pélage était un moine du IVème siècle, qui, pour faire très bref et pas tout juste, mais enfin ça vous dit un peu les choses… C’est un peu l’idée qu’on se sauve à la force du poignet. Que Dieu nous a tout donné dans notre nature et aussi par le baptême et qu’on n’a plus besoin de ce qu’on appelle la grâce actuelle, c’est-à-dire du secours permanent de Dieu pour vivre. Qu’il suffit de… à nous de travailler au salut. La Gnose était première : c’était le salut par la connaissance. Les premiers chrétiens ont vu que ça ne marchait pas, que les grands savants étaient des crétins et des gens pas du tout charitables. Et donc ils se sont dit : c’est les œuvres qui vont… mais les œuvres par nous-mêmes, à la force du poignet. Et François met cela en lumière depuis le début de son pontificat ; il a dit ça. Mais là, dans son dernier texte, Gaudete et Exsultate, il a mis en lumière le fait que c’est le grand drame de l’humanité : on a jeté de côté la grâce ! On a perdu le cœur du christianisme ! La vie de la grâce, la vie théologale. Or, l’Eucharistie nous oblige à entrer dans la vie de la grâce. Non seulement elle donne la grâce, mais elle contient l’auteur de la grâce ! Seul sacrement qui contient l’auteur de la grâce. Tous les sacrements communiquent la grâce divine, la vie divine, mais l’Eucharistie de manière suréminente et unique, non seulement communique la grâce mais contient l’auteur de la grâce, puisque Jésus y est réellement présent. Donc cela c’est déjà une chose inouïe ! Et ensuite, la vulnérabilité du Christ vient rejoindre notre vulnérabilité, qui est en même temps le Dieu tout-puissant. Donc cette tentation du transhumain, du surhomme et tout ça, elle se réalise dans la pauvreté de ce que le Christ nous révèle de lui-même en son corps eucharistique. Lui, de riche qu’il était s’est fait pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté. Et dans cette merveilleuse parole du pape Benoît XVI : « Sa façon d’être Dieu provoque notre façon d’être homme. » Il n’est pas le Dieu tout-puissant, car il veut, là… voyez-vous, à la Résurrection, Thomas ne dit pas : « Montre-nous la puissance de ta gloire et qu’on voit en toi le rayonnement cosmique de ta personne ! » Il dit : « Si je ne mets pas la main dans ses plaies, dans ses trous, je ne croirai pas. » On demande de toucher le Christ ressuscité dans ses trous des mains, des pieds et dans sa plaie du côté. Ce qui n’aurait jamais dû être ! Parce qu’un corps ressuscité est beau, n’a plus aucun défaut et il a 33 ans, nous dit saint Thomas d’Aquin. La plénitude de l’âge. Donc, comment se fait-il que le corps ressuscité du Christ ait gardé ses stigmates ? Car c’est là qu’on le rejoint. Et c’est là qu’il nous rejoint. Voyez-vous… Il se garde vulnérable et blessé contre toute logique d’un corps glorieux et les apôtres ne se trompent pas : c’est là qu’ils veulent le reconnaître. C’est là qu’ils veulent le rejoindre. La preuve que tu es ressuscité c’est que tu as encore les trous dans ta chair. C’est extraordinaire… Et la preuve que tu es vivant c’est que tu es dans la vulnérabilité de l’apparence d’un bout de pain et d’un peu de vin. Et là j’y crois ! Là, tu es crédible, Seigneur. Et il faut qu’on ait l’audace et le courage de le rejoindre dans cette même pauvreté. Voyez-vous, on fait des théories, parfois… Oui, bien sûr, c’est le Glorieux, oui, bien sûr, mais rentrons dans la logique de Dieu, dans cette tendresse de Dieu. C’est un prêtre qui disait un jour… Il était ici, à Paris, un certain âge, déjà, alors il dit : « Moi, je passe ma journée à l’église, j’accueille les gens, ceux qui veulent se confesser se confessent, ceux qui ont envie de dire un mot en me parlant… Et puis le reste du temps j’adore Jésus. » Et un jour, une personne vient et lui dit : « Mon Père, vous dormez ! Vous devriez aller vous reposer. » « Oh, il dit, madame, peut-on reprocher à un vieux chien fidèle de dormir aux pieds de son maître ?! » C’est ça, l’Eucharistie. On appelle ça l’adodoration… vous savez… Alors, s’il n’y a que ça, c’est peut-être problématique, mais enfin… !

    Adoration et guérison

                Alors, très rapidement peut-être, quelques points qui paraissent importants sur ce rapport, plus spécifiquement, entre adoration et guérison. L’adoration vient au cœur du drame du péché de l’humanité. S. Thomas d’Aquin nous dit que le péché c’est se détourner de Dieu pour se tourner vers la créature. C’est un repliement sur soi. L’homme qui préfère la créature au Créateur, et qui finalement tue en nous le désir de Dieu pour le ratatiner, le réduire au désir de la créature. C’est ça tout le drame de la Création : c’est briser la relation avec Dieu en se repliant sur une fausse relation parce qu’elle n’est pas illuminée par la présence de Dieu.

    L’adoration eucharistique nous met en état d’extase, de sortie de soi

    Adorateur Carmel Angers.jpgL’adoration eucharistique nous met en état d’extase, de sortie de soi. Elle nous fait sortir de nous. Je vous ai dit hier soir cette intuition plus forte : finalement, l’Eucharistie c’est l’ultime de l’amour humain de Dieu pour nous. Si l’amour est extatique, c’est-à-dire qu’il doit sortir de soi — pas extatique dans le sens un peu mystico-gélatineux du terme où on est collé au plafond… C’est bien si certains sont portés par Dieu là, mais ce n’est pas le but… —, c’est une sortie de soi dans l’amour. Eh bien, quel plus grand amour pouvait-il exister d’un Dieu qui sort tellement de lui-même qu’il se rend présent hors de lui-même, sans se quitter, sous l’apparence du pain, sur la table du Séder pascal, c’est-à-dire du repas de la première pâque que Jésus a célébré avec ses apôtres ? C’est inouï, ça, voyez-vous… Et c’est ça la logique de l’Eucharistie. Elle nous extasie. Vous savez que dans l’adoration regarder l’hostie est très important. Parce que le regard est le sens qui nous extasie. L’ouïe nous enstasie : les sons rentrent en nous, et quand on écoute un concert habituellement on ferme les yeux et on écoute, on laisse entrer la musique en nous… sauf si le violoniste est un artiste, une personne assez éblouissante, ou le pianiste, on voit danser les doigts sur le clavier du piano, alors on est un peu fasciné par ça, mais… Mais pour la musique, fondamentalement, c’est l’en stase, ça rentre en nous. Le regard nous extasie. L’amour nous extasie. L’amour s’émerveille. La beauté nous attire. Le plus beau des enfants des hommes, présent au saint Sacrement, nous extasie. Voyez-vous… Et donc il y a dans l’adoration eucharistique la nécessité du regard porté sur l’Hostie, qui est aussi la logique de l’amour. Des amis me racontaient qu’ils étaient en vacances à Castel Gondolfo, dans la maison du pape qui s’appelle Sainte-Marthe, avec le pape Jean-Paul II. Ils avaient huit enfants, ils avaient mangé à table, le soir, avec Jean-Paul II dont ils étaient proches. Le petit dernier était là, ils l’avaient mis à dormir dans la salle d’à côté dans le petit berceau, parce qu’il était fatigué. À la fin du repas ils disent au Pape : « Écoutez, saint Père, si ça ne vous gêne pas, on va mettre à coucher les enfants et on revient chercher le petit dernier après, comme ça on ne va pas le déranger, on va coucher les aînés d’abord… » « Pas de problème, laissez-le là, dans la salle… » Alors, ils mettent à coucher les enfants, cela prend un certain temps, et quand ils arrivent Jean-Paul II était à genoux, penché sur le berceau et il le regardait. Il dit : « Vous voyez, je m’émerveille ! » L’enfant dormait. C’est ça l’extase, voyez-vous… C’est ça l’amour, c’est ça la logique eucharistique. C’est ça le renversement. L’adoration eucharistique vient au renversement du drame du péché. En nous amenant à passer… à renverser le mouvement du péché qui est un repliement, pour entrer dans une logique d’extase qui est la sortie de soi. L’extase vers Dieu qui nous conduit… « à un exode vers les plaies de nos frères et sœurs », dit le pape François.

    De l’extase à l’exode : l’Eucharistie c’est la gratitude

    uch beau geste humble, caché.jpgDonc, on passe de l’extase à l’exode qui nous conduit véritablement à un deuxième aspect qui est juste le contraire du péché. Le péché c’est l’ingratitude, le refus de dire merci, le refus de rendre grâce, le refus de se recevoir, le refus de s’accueillir comme un don. Et l’eucharistie c’est la gratitude, c’est dire merci. ‘Eupharisto’ ça veut dire merci. J’étais un jour en Grèce, dans une léproserie. Il y avait là une dame : plus de bras, plus de jambes, plus de nez, plus d’yeux, aveugle… Un corps tout frêle sur un lit, comme une hostie sur un autel. La sœur responsable de ce centre me dit : « Cette dame est en prière toute la journée… Elle ne fait que ça. » Alors moi j’ai craqué : j’ai sauté sur son lit, je l’ai embrassée… Vous pensez, une masse comme moi qui débarque sur le lit… Cette petite dame dont il ne restait plus que le corps et le visage déformés, complètement méconnaissable… Alors, elle était un peu étonnée au départ. Puis la sœur lui explique en grec ce qui se passe à ce moment-là. Et cette dame avec le peu de lèvre qui lui restait, qui avait aussi été rongé par la lèpre, me dit : « Eupharisto… » Ça veut dire ‘merci’ en grec. Eucharistein. Et j’ai compris le sens de tout ça, voyez-vous… Voilà. Tout d’un coup je reconnais.  

                C’est quand même terrible ! : Aujourd’hui, vous allez partout en management, partout en sens du développement personnel, on ne vous parle que de la gratitude, les bouquins sortent partout sur la gratitude. On s’est fait piqué le cœur de notre vie chrétienne ! ‘eucharistein’, ça veut dire merci ! Et on découvre aujourd’hui que, comme par hasard, si l’homme ne dit pas merci, eh bien, il crève ! Si l’homme n’est pas reconnaissant, il en meurt. Dans les bordes d’entreprise, dans les stages de développement personnel, de tous les côtés, en psychologie, en psychanalyse, vous regardez les livres qui sortent sur la gratitude… c’est partout ! Retrouver la gratitude, le merci devant la vie… Et nous, on avait ça au cœur de notre vie chrétienne. L’Eucharistie, dire merci. Dire merci… et on a oublié ça. Et déjà, les pères de l’Église disaient : Ou on est dans l’eu-charistie, dans l’eu-charistia, ou on est dans l’a-charistia, l’ingratitude. Ce sont les deux mouvements de l’homme. Ou je dis merci, ou je me replie dans l’ingratitude, et je meurs. Et je crève. Quand bien même je suis croyant. J’en meurs… Et j’en crève. Donc, vous voyez, l’eucharistie va bouleverser tout cet ordre et va mettre en relation.  

    Le légalisme

                Le drame du péché originel, dans le texte, c’est quand le serpent dit : « Alors, Dieu a dit… » Ça, c’est tout le drame du péché originel. Ensuite, les tentations arrivent, mais le drame est dans cette parole du texte de la Genèse alors, Dieu a dit. Pourquoi ? Parce que c’est la première fois qu’il n’y a pas un sujet en face de Dieu. Parce que là c’était : Alors Dieu leur dit ; Alors Dieu leur parla ; Alors Dieu leur adressa la parole… Pour la première fois Dieu devient une voie off qui résonne, un principe intellectuel : « Alors, le concept Dieu a dit. » Et le mot ‘Dieu’, dans le texte de la Genèse c’est éloïm, c’est un nom commun pluriel, en hébreu. Alors que là c’était ‘Yahvé éloïm’ : la personne de Dieu leur parle. Dieu n’est plus une personne, c’est un concept, c’est un nom commun qui parle sans s’adresser à quelqu’un. Ça c’est le cœur du péché originel. Après, tout découle de ça. On arrive dans le légalisme : « Alors lui il a dit : Il ne faut pas toucher du fruit de l’arbre. » Mais non, il n’a pas dit ça, le bon Dieu !, il a dit : « Tu ne peux pas en manger. » Mais le toucher, tu fais tout ce que tu veux, tu vas faire ta tasse de soupe… Enfin, il n’a pas dit ça. Légalisme.

    Le moralisme 

                Moralisme : « Ah ! Tu connaitras la science du Bien et du Mal. » Mais non, Dieu ne connaît pas le mal, il ne connaît que le bien. Parce que le bien c’est l’aptitude à la vie. Le mal n’est rien. C’est l’anéantissement du bien.  

    Le formalisme 

                Et puis le formalisme : « toucher » ; « ne pas toucher ». Attends, non, si tu n’as pas mis les pouces comme ça… Aujourd’hui, dans l’Église, vous voyez un retour d’un certain formalisme, d’un certain traditionalisme : « Si tu n’as pas fait comme ça les choses, si tu n’as pas fait le geste juste, attention, le bon Dieu… » Mais il n’en a rien à foutre, le bon Dieu ! Ce n’est pas ce qui l’intéresse. Ce qui l’intéresse c’est que l’on soit en amour avec lui… Alors, il faut des formes, l’Église fournit des formes, bien sûr ! Je ne dis pas le contraire. Mais attention… on croit qu’on fait plaisir. Les juifs pensaient ça, les pharisiens pensaient ça. « T’as vu Seigneur : on t’a sacrifié 3000 bœufs, 5000 chèvres et on t’a tout fait grillé. T’es content ? » « Non ! Vos sacrifices de viande grasse, j’en gerbe ! », dit le bon Dieu. « J’en vomis. J’en peux plus ! Ça me sort par le trou des narines et par les oreilles. » C’est dit comme ça dans la Bible. « J’en peux plus ! Vous croyez me faire plaisir en faisant ça ! Vous ne me faites pas plaisir. » « Ce qui me fait plaisir, c’est de délivrer le pauvre ; de donner à manger à celui qui a faim ; d’aller trouver le malheureux. Ça, ça me fait plaisir », dit Dieu. « Et manger le gigot et puis aller trouver le pauvre et partager le gigot avec le pauvre. Mais vos sacrifices, j’en peux plus ! Vous croyez me faire plaisir avec ça et c’est faux. Vous ne me faites pas plaisir avec ça ! » Dieu nous veut donc dans une relation où on se fasse plaisir les uns les autres.

                Mais on voit ça : un jour j’avais un couple qui vient. C’était assez tendu. Elle dit : « Tu ne m’offre jamais rien ! » Il dit : « Écoute, pour ton anniversaire je t’ai apporté la dernière machine à café, la plus performante. C’est même moi qui suis allé l’acheter pour toi. Je n’ai pas envoyé quelqu’un. J’ai fait l’effort et te l’ai apportée. » Sa femme le regarde et dit : « Et je ne bois jamais de café. » Alors vous vous dites, oh ! mince… il y a un petit problème. Lui buvait du café mais pas sa femme. Alors vous vous dites, comment on va rattraper le coup… ? Des fois, c’est ça avec Dieu : on lui fait des trucs qui ne lui font pas plaisir. Ça te fait plaisir ? Ben non, ce n’est pas comme ça que j’aimerais que tu viennes vers moi. Ça ne me fait pas très plaisir. Reprendre le sens de la relation brisée. Reprendre le sens de ce cœur à cœur avec lui. Reprendre le sens de cette intimité. Et il est un peu joueur le bon Dieu… Une histoire authentique : c’est l’histoire d’un enfant qui était sur une chaise roulante à Lourdes, et qui dit : « Je suis sûr qu’à la bénédiction du saint Sacrement je vais marcher ! » Alors l’évêque arrive, le bénit, et rien du tout, il reste coincé sur son siège. Il regarde Jésus au saint Sacrement et dit : « Jésus, puisque c’est comme ça, j’irai tout dire à ta mère ! » Il fonce à la grotte et à la grotte il s’est levé ! Et j’imagine Jésus et Marie au Ciel en train de discuter le coup… : « Allez, vas-y, vas-y, là c’est pour toi ! » Voyez donc cet émerveillement qui est là.

    Du désespoir à la Pentecôte

    Élévat°Eucharistie Complète.jpgCe que nous fait découvrir aussi le péché, c’est le désespoir. Qu’est-ce qu’on a perdu au moment du péché originel ? On a perdu notre dignité d’enfants de Dieu. La capacité de parler à la brise légère du soir avec le Père, en toute simplicité. C’était extraordinaire, vous imaginez ? Cette idée nous est redonnée. Et Dieu n’a fait que ça, quand on lit tout l’Ancien Testament. Et même l’histoire depuis les origines. Dieu s’est dit : « Mais comment je vais faire pour apprivoiser cette humanité qui s’est détournée de moi ? » Et Il va tenter. Et toute l’histoire de l’Ancien Testament, c’est Dieu qui essaie de ré-apprivoiser l’humanité à travers son peuple, en disant : « Mais je t’aime ! Regarde-moi ! Les idées que tu as sur moi sont fausses. C’est pas comme ça… Tu crois… non… Je n’aime pas fracasser la tête des ennemis. Je n’aime pas le sang qui coule. Mais bon, je t’ai défendu quand même. Et je prends soin de toi. » Jusqu’au moment où il va nous saisir, nous empoigner, et ça, c’est la Pentecôte. Or, il y a deux Pentecôte. Il y a la Pentecôte de saint Luc, qu’on connaît bien, dans les Actes des apôtres. Le phénomène extraordinaire dont je vous parlais hier soir. Et il y a une Pentecôte plus discrète, c’est la Pentecôte de saint Jean. C’est celle qui jaillit du Cœur du Christ sur la Croix. Si on regarde un petit peu cette histoire, mais très rapidement… À un moment donné, vous savez, il y a un papa et son fiston, qui partent… Il n’est plus tout jeune, il a une trentaine d’années, ils partent sur une montagne et le fiston dit au papa : « Mais, papa… On a le feu, on a le bois, mais où est l’agneau du sacrifice ? » C’est Abraham et Isaac… Et ils ont traduit : « Mon fils, Dieu pourvoira à l’agneau. » En hébreu, ce n’est pas ça : « Mon fils, Dieu voit l’agneau. » C’est au présent. Et le présent en hébreu est un présent qui continue. Dieu a sans cesse sous les yeux l’agneau. Ah ! Alors là, on comprend mieux. Ensuite, on connaît l’histoire. En fait, c’est un bélier qui se prend la tête dans un buisson. Je ne sais pas si vous avez remarqué, c’est le papa de l’agneau. C’est le père, d’abord, qui souffre, qui parle, qui participe. C’est le papa de l’agneau qui s’est pris la tête dans le buisson d’épines. Jusqu’au jour où l’agnus se prendra la tête dans le buisson d’épines aussi. Donc, Dieu se cache toujours dans un buisson d’épines. C’est la petite leçon qu’il faut en tirer… Quand ça pique, il y a le bon Dieu qui se cache dedans. Quand ça fait mal, il y a le bon Dieu qui est là, qui nous attend… C’est là qu’on trouve le bon Dieu : dans les buissons d’épines… du quotidien. Bref ! Jusqu’au jour où on arrive au bord du Jourdain. Et tout d’un coup : « Papa, où est l’agneau du sacrifice ? » « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » : saint Jean-Baptiste désignant Jésus. Whouaaa ! on l’a trouvé ! Et alors arrive ce moment extraordinaire, où deux disciples, - les évangélistes nous disent qu’il s’agit de Jean et André – suivirent l’Agneau. L’Agneau se retourne en disant : « Que cherchez-vous ? » Ils lui disent : « Rabbi (Maître), où demeures-tu ? » « Venez et voyez », leur répond-il. Ils allèrent. Ils demeurèrent avec lui ce jour-là. Ils rentrèrent. C’était vers la dixième heure, soit vers 4h de l’après-midi. Et ça, c’est un point où j’ai un petit problème avec saint Jean, quand même… Je dis : « Mais, tu ne nous a pas dit ce qui s’est passé… Tu aurais pu nous dire. Tu était là… Nous expliquer ce que tu as vécu avec l’Agneau pour la première fois que tu le rencontrais. Tu passes la journée avec lui : pas un mot ! Si ce n’est un petit détail : il était vers la dixième heure… Qu’est-ce que l’on en a à faire, 2000 ans plus tard que c’est la dixième heure, la cinquième heure, la huitième heure… » Sauf que la dixième heure est un temps très important. Pour les juifs et pour nous. Je reviendrai pour les juifs après. Mais pour nous c’est très important : parce que les heures reviennent à la fin de l’Évangile de saint Jean, voyez-vous… À la sixième heure : une grande ténèbre se fit sur toute la terre. À la neuvième heure : Jésus poussant un grand cri remit l’esprit. Et avant que les premières lumières du shabbat, quand cette chose s’est passée, ne soient allumées, vers 5h et 1/2, le 14 nisan à cette période de l’année à Jérusalem, on a voulu descendre les condamnés à mort de la croix. Il a fallu vérifier leur mort et pour Jésus, on n’a pas brisé ses jambes mais on a transpercé le cœur. Le temps de le mettre au tombeau, de l’embaumer rapidement, de fermer le tombeau et d’arriver à la maison pour respecter le shabbat de Pâque, de Pessah’, on peut imaginer que c’est vers la dixième heure. Alors, si on prend toute l’histoire du Salut depuis Abraham : « Papa, où est l’agneau du sacrifice ? » « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » « Où demeures-tu ? » « Venez et voyez »… à la dixième heure vous comprendrez tout. Le rendez-vous que Jésus nous fixe depuis les origines, c’est la dixième heure. C’est tellement vrai que c’est l’heure de Jésus. Dans tout saint Jean : « Mon heure n’est pas venue / mon heure n’est pas venue / Mon heure n’est pas venue … » « L’heure est venue / l’heure est venue / l’heure est venue ». L’heure de Jésus c’est ça. En gros, c’est sa Passion, mais quand on zoome, c’est le cœur ouvert.

    Croix san Damiano.jpgQue disent les juifs, le Talmud ? Il dit : « À la sixième heure Dieu créa nos premiers parents, Adam et Ève - Ish et Isha. » « À la neuvième heure, Il leur donna la Loi - la Torah. » « À la dixième heure, ils transgressèrent la Loi. » « À la onzième heure, ils furent chassés du Paradis - du Gad Éden. Ah ! La dixième heure c’est le lieu du péché originel dans la tradition imagée du Talmud, c’est-à-dire dans la succession sur un jour de la grande histoire du Salut. Et à la dixième heure Jésus nous attend pour nous redonner l’Esprit Saint. Il n’y a aucun décalage entre le temps du péché et le temps du don de l’Esprit Saint. Oh ! il y a eu des milliers d’années entre deux ! Mais spirituellement il n’y a pas de décalage. Le péché est le moment où Dieu attend pour me rejoindre. La perte de l’esprit filial où Dieu m’attend pour me redonner l’esprit filial. C’est à la dixième heure que l’un et l’autre adviennent et donc c’est à la dixième heure que j’ai ce rendez-vous. Or, justement, que se passe-t-il à la dixième heure ? Eh bien, Jésus l’annonce dans l’Évangile de saint Jean. C’est le jour de la fête de Souccot. Souccot est une grande fête de la tradition juive où l’on se rappelait le séjour dans le désert. On dormait sous des tentes, on célébrait avec joie la providence divine. Et le dernier jour de la fête de Souccot, il y avait la fête de l’eau, du don de l’eau. C’était une célébration assez étonnante. Il y avait peut-être 300 000 personnes à Jérusalem, à l’époque du Christ, quand on célébrait Souccot et la fête de l’eau. Le grand prêtre descendait chercher l’eau à la fontaine de Siloë, qui était au fond du Cédron, sous le temple de Jérusalem. Qui était la seule source jaillissante d’eau vive à Jérusalem. Jérusalem est alimentée par des puits, mais là c’était l’eau qui jaillissait comme une fontaine, en saccades, nous disait-on, d’ailleurs, dans les récits antiques. Il vient chercher l’eau, il l’apporte au temple et verse l’eau sur l’autel, pour signifier la communion avec le Ciel. Parfois même on dressait une estrade en bois, où on lisait la Torah, tous les sept ans. Et les commentaires juifs, le Midrash, la Mishna, le Talmud, nous dit : « Qui n’a pas vu la joie de la fête de l’eau qui clôt la fête des Tentes ne sait pas ce que c’est que la Joie. » Il y a un commandement de la Joie. Vous devez être joyeux ! Jérusalem était éclairée de mille torches, on voyait comme en plein jour. Il y avait des torches et des bougies partout. Et c’était la Joie des joies. On ne pouvait pas ne pas être joyeux. C’était interdit. À ce moment-là Jésus se met à crier. « Si quelqu’un à soif, qu’il vienne à moi, car il est écrit de son côté jailliront des fleuves d’eau vive. » Il parlait de l’Esprit saint qu’allaient recevoir ceux qui croiraient en lui, au moment de sa glorification. Donc, au moment où c’est le don de l’eau, le rapprochement du ciel et de la terre par l’autel, une estrade en bois sur laquelle le grand prêtre proclame l’Alliance… Au moment où on parle de l’eau qui va jaillir, Jésus annonce le don de l’Esprit saint. Et même ‘pire’, si j’ose dire, le mot grec est utilisé par saint Jean : « Il crie comme un corbeau. » C’est le verbe kraso qui est utilisé en grec : « Il crie comme un corbeau. » « Ôooo… » Or, ce n’est pas très bon signe, dans l’Écriture sainte… Ceux qui crient comme des corbeaux, ceux sont les démons quand Jésus les expulse. C’est la foule qui crie : « À mort, à mort, crucifie-le ! » Dans saint Jean, il y a saint Jean-Baptiste qui crie comme un corbeau. Si vous remontez à la Genèse et à l’Arche de Noé, avant même que la colombe ne soit envoyée sur la terre, pour renouveler la face de la terre, c’est le corbeau qui est envoyé. Plusieurs fois, il va et vient. Plusieurs fois, le corbeau va et vient et ensuite Noé envoie la colombe qui repose ensuite sur la terre, sans revenir. Et la terre, ce n’est pas la terre de la patrie. Ce n’est pas Eretz en hébreu, c’est ‘Adamah : c’est la glaise dont nous sommes tirés. L’Esprit vient sur la glaise dont nous sommes tirés pour renouveler la face de la terre. Eh bien… Jésus annonce que sa Pentecôte sera au Cœur ouvert.

    Le Cœur du Christ à l’Eucharistie : la Pentecôte eucharistique

    Jean sur le cœur de Jésus.jpgOr, où est ce Cœur palpitant du Christ… ? Eh bien, il est à l’Eucharistie aujourd’hui. De sorte que la nouvelle pentecôte prophétisée par Jean XXIII, prophétisée par Marthe Robin, prophétisée par tant de saints et saintes… Prophétisée par le règne eucharistique du Christ de saint Pierre-Julien Eymard, par le triomphe du Cœur Immaculé de Marie, qui est la même chose, à Fatima… C’est à l’Eucharistie que ça se passe. Car c’est du Cœur ouvert du Christ au saint Sacrement que jaillit en permanence l’Esprit Saint. Saint Jean Chrysostome l’a dit dans son texte sur la Pentecôte eucharistique que Benoît XVI et Jean-Paul II ont repris. En disant que l’Eucharistie est une Pentecôte permanente. Alors, elle est moins spectaculaire que celle de saint Marc. Dans le Renouveau charismatique, on aimerait bien les signes et prodiges, le parlé-en-langues, les manifestations, les guérisons… Oui… Sauf que la Pentecôte de saint Luc, dans les Actes, suit la Pentecôte de saint Jean. Et c’est parce qu’il y a eu la Pentecôte de saint Jean qu’il a pu y avoir la Pentecôte de saint Luc. C’est parce qu’il y a eu l’effusion silencieuse, au pied de la Croix, de l’Esprit Saint sur l’Église naissante, avec Marie et Jean… qu’il a pu y avoir ensuite, au Cénacle, au lieu de la première messe, la Pentecôte. Saint Pierre-Julien Eymard, moi je l’aime quand il va chercher à racheter le Cénacle ! Il s’est fait avoir… comme Charles de Foucauld qui s’est fait complètement pigeonné en voulant racheter le Gethsémani… Pigeonné ! Mais c’est beau parce que ça montre le vrai désir, voyez-vous… : être au Cénacle, là où il y a l’Eucharistie et la Pentecôte. Eh bien, on est au Cénacle, à chaque messe. Le cénacle de son cœur, vous l’avez très bien dit (le P. Nicolas Buttet s’adresse alors au P. André Guitton qui a parlé précédemment du testament spirituel du P. Eymard : Le ‘chant’ de P.J. Eymard, note de La Vaillante), est le cénacle de l’Eucharistie.

    La prière

                L’Esprit Saint jaillit en permanence du Cœur du Christ pour nous redonner un cœur filial. Pour nous réapprendre à dire à Dieu : « Abba ! » « Père ! ». Pour prononcer comme des enfants ‘Abba’ : « Dis : ‘papa’ » « - Baba… » « - Non : ‘papa’ » « - Aba… ». Le bon ton de la prière. L’abandon filial. Le cœur filial. C’est ça que Dieu nous demande.

    Arturo Benedetti Michelangeli.jpgLa prière, ce n’est pas une question de parole ou de demande. La prière est une question de ton. Il y a un grand pianiste qui s’appelle Arturo Benedetti Michelangeli. Cortot disait que c’était le « nouveau Liszt ». Un homme assez particulier, assez brillant. Il arrive un jour pour jouer un concert. Il se met au piano et dit : « Ce fa ne va pas. » Et l’accordeur était là et dit : « Écoutez… J’ai vraiment vérifié et je peux vous assurer… » « - Le fa ne va pas ! Débrouillez-vous, je ne peux pas jouer avec ce piano… » Alors, l’accordeur regarde et puis il va regarder sur les feutres et il voit qu’il y avait un cheveux sur le feutre du fa. Alors il enlève le cheveu et Arturo Benedetti Michelangeli revient : « Ah oui ! Cette fois-ci c’est bon ! Qu’est-ce que vous avez fait ? » Il avait retiré un cheveu sur… Vous voyez… Ce n’est pas les paroles, c’est le ton. Est-ce que le ton de ma prière est filial ? Est-ce que j’ai cet abandon filial entre les mains du Père ? Est-ce que je suis dans cette simplicité filiale ? Je suis frappé de voir ces tout pauvres, comme ça… qui ne savent pas articuler une prière, mais Dieu craque devant eux. Parce que… « Seigneur, c’est toi. Tu es Papa, débrouille-toi, quoi… » Dieu aime quand on le prend au mot, comme ça, dans cette simplicité filiale. Une personne me dit un jour : « J’ai une prière puissante, mon Père, il faut que vous l’appreniez ! » Je ne sais pas quel saint c’était… Je lui dis : « Écoutez, moi j’en ai une plus puissante. Je vais vous la donner aussi. » « - Haaannn ! Je peux l’écrire ? » « Vous la savez déjà par cœur. » « C’est pas possible ! Je ne suis pas sûre… Moi, c’est la plus puissante que j’ai découverte… ! » « Je vais vous la dire, la plus puissante : Notre Père, qui es aux cieux, Que ton nom soit sanctifié… C’est Jésus lui-même qui nous l’a enseignée. Vous vous rendez compte ? C’est la plus puissante de toutes ! Pas comme vous l’imaginez. C’est celle qui vous redonne un cœur d’enfant. » Quand les apôtres disent à Jésus « Apprends-nous à prier », il ne dit pas d’apprendre une formule, une technique, la formule magique de la prière. Ils sont saisis par la façon avec laquelle Jésus parle avec son Père. Ils connaissaient la prière juive. Avec les phylactères, proche du cœur, sur le bras gauche, sur le front. Les papillotes, la kippa. Et ce mouvement : le balancier. Il faut se bouger… Ils connaissaient ça, mais tout d’un coup, de voir en silence, Jésus… Ils se disent : « Mais, c’est quoi ton secret ? » Et le secret n’est pas dans une formule, mais dans une relation personnelle avec le Père. C’est ça le grand secret, voyez-vous… C’est ça le gigantesque secret.

    La sainteté

                L’Eucharistie est au cœur de ce renversement total. Thérèse de l’Enfant Jésus disait : « La sainteté n’est pas dans telle ou telle pratique. Elle consiste dans une disposition du cœur qui nous rend humble et petit entre les bras de Dieu, conscient de notre faiblesse et confiant jusqu’à l’audace en sa bonté de Père. » À sainte Faustine : « Tu vois, mon enfant, que tu es par toi-même la cause de tes échecs. C’est que tu comptes trop sur toi et que tu t’appuies trop peu sur moi. Mais que cela ne t’attriste pas outre mesure. Je suis le Dieu de la miséricorde. Ta misère ne saurait épuiser mon amour puisque je n’ai pas limité le nombre de mes pardons. Saches, mon enfant, que les plus grands obstacles à la sainteté sont le découragement et l’inquiétude. Ils t’enlèvent la possibilité de t’exercer à la vertu. Toutes les tentations réunies ne devraient pas, même un instant, troubler la paix de ton cœur. Quand à l’irritabilité et au découragement, ce sont les fruits de ton amour-propre » : le diagnostic médical, par Jésus, sur notre vie intérieure. Et autre chose lié à ce drame du péché…

    L’athéisme

    La foi des démons ou l'athéisme dépassé FH.jpgChesterton, un auteur anglais, disait : « Il n’est pas vrai que lorsque l’homme a cessé d’adorer Dieu, il ne croit en rien. Il croit en n’importe quoi. » Un monde incroyant, qui refuse le Dieu de Jésus-Christ, n’est pas un monde qui ne croit en rien. Il croit en n’importe quoi. On a vu des gens extrêmement savants adhérer à des sectes complètement débiles… Le Temple solaire osait prendre la comète Cyrus pour aller dans l’espace interstellaire… enfin, il y avait des gens brillants qui étaient là ! Qui avaient fait de hautes études, bac + machin… Et crétins comme tout ! Et il y a des gens tout simples qui sont puissamment intelligents parce qu’ils ont l’intelligence de la lumière de la Parole de Dieu. Et donc, un monde sans Dieu, est un monde idolâtre. Un monde qui n’adore pas le vrai Dieu. L’homme ne peut pas ne pas adorer. L’homme ne peut pas ne pas se prosterner. Et s’il ne se prosterne pas devant le vrai Dieu, il se prosterne devant de faux dieux. Il va idolâtrer la science, le savoir… L’athéisme est impossible en lui-même. Il y a un très beau livre de Fabrice Hadjadj là-dessus, La foi des démons ou l'athéisme dépassé, où il montre que si on est dans la pure logique de l’athéisme de se couper délibérément de ce qui donne sens à la vie, l’homme ne peut que se suicider. Il ne peut qu’être conduit à la mort. Donc, l’athéisme en soi est impossible. Le problème, c’est que j’ai rejeté le Dieu de Jésus-Christ, mais que je peux très bien adorer d’autres dieux : mon ego, mon moi, ma santé, une personne, mon enfant, ma femme, mon époux, mon travail, mon sport, mon loisir, telle vedette de cinéma ou de la chanson… Bref… Il y a un culte qui est rendu, qui donne sens à mon existence. Et on comprend bien ! C’est pour ça qu’il ne faut pas être sévère face à cela, parce que ça révèle ce qu’il y a de plus profond au cœur de l’homme. L’homme ne peut pas ne pas être relié. C’est une des étymologies de religion : relié. Voilà… Et alors, l’Eucharistie vient nous libérer de ça, voyez vous…

    L’adoration

    Adoration Veillée.jpgL’homme a un lieu devant qui se prosterner. Le pape Benoît XVI disait : « Nous trouvons ici ce qui est constitutif de l’adoration eucharistique. S’agenouiller en adoration devant le Seigneur. Adorer le Dieu de Jésus-Christ qui s’est fait pain rompu par amour est le remède le plus valable et radical contre les idolâtries d’hier et d’aujourd’hui. S’agenouiller devant l’Eucharistie est une profession de liberté. Celui qui s’incline devant Jésus ne peut et ne doit se prosterner devant aucun pouvoir terrestre, aussi fort soit-il. Nous les chrétiens, nous ne nous agenouillons que devant Dieu, devant le Très-saint Sacrement, parce qu’en lui nous savons et nous croyons qu’est présent le seul Dieu véritable qui a créé le monde et l’a tant aimé au point de lui donner son Fils unique. » C’est la profession la plus révolutionnaire que nous puissions faire. J’ai vécu une expérience un peu étonnante : un jour, j’ai rencontré un jeune qui était complètement athée, qui avait quand même été baptisé dans son enfance, mais qui avait grandi dans un milieu non croyant et qui avait été loin de tout. Et puis il suit un chemin de foi et il demande la confirmation. J’étais son parrain de confirmation. On se retrouve dans une paroisse de Lyon, avec tout le côté catho… c’était l’Emmanuel qui tenait la paroisse. Avec tout son milieu professionnel - il était dans l’aviation - de gens athées, musulmans… Il avait invité tout le monde, parce que c’était un homme avec un beau relationnel, tout le monde était là à sa confirmation. À la fin, il y avait un petit repas, dans un hall de gymnastique. Il avait mis une croix, comme ça. Et à la fin, il me dit : « Il faut que tu leur parles. » « Écoute, je ne sais pas que dire… t’as les cathos pratiquants, charismatiques et puis t’as les athées et les musulmans… Qu’est-ce que tu veux que je leur raconte… ? » « Il me fait : « Ça, c’est ton problème, c’est pas le mien. Vas-y ! » Je dis : « Attends… C’est un peu fort… Attends… » «  Ouais… Je te passe la parole ! » Alors, il annonce au micro. Et moi, j’étais tellement déconcerté que je suis arrivé devant la croix, je me suis prosterné, mais complètement, le front au sol, en disant : « Jésus, là, c’est à toi de jouer, parce que moi je ne sais pas que dire… je ne sais vraiment pas ce que je vais dire ! » Je me relève. Je raconte des choses, je ne sais pas quoi, bref… À la fin, il y a un monsieur qui vient me voir et qui me dit : « Voilà… Je suis musulman. Je veux devenir chrétien. » Je dis : « Ça fait longtemps que vous songez à ça ? » Il me dit : « Non, tout à l’heure. » Je dis : « Comment ? » « Parce que quand vous vous êtes prosterné, le front par terre, en face de la croix, comme nous on le fait en direction de La Mecque cinq fois par jour, j’ai su que vous étiez devant le vrai Dieu. » Il a été baptisé deux ans plus tard. Alors, je lui ai présenté le curé de la paroisse. Je lui ai dit : « Écoutez, moi je suis absent… » Et deux ans plus tard, j’ai reçu la nouvelle qu’il avait été baptisé. Parce qu’on s’est prosterné devant le vrai Dieu, voyez-vous… Et ça, je crois que c’est un acte d’adoration incroyable. Et nous avons ce vrai Dieu…

    Abd el Kader.jpgÀ l’époque, comment s’appelle-t-il… ? Ce chef touareg, qui était venu… heu… Ah ! Ce grand… qui était venu à Paris pour les négociations… Il était avec le grand général de l’armée française qui l’accompagnait… Ah ! mince, je suis fatigué, là… Bref ! Et puis tout d’un coup le prêtre… on est au XIXème siècle, le prêtre portait le saint Sacrement à un malade avec les cierges et tout, et puis le général s’agenouille sur le trottoir. Et il dit : « Qu’est-ce que tu fais là !?… » « Je m’agenouille devant mon Dieu qui est porté par le prêtre. » Et ce chef… Abd el-Kader ! Abd el-Kader lui dit : « Vous vous agenouillez devant un Dieu porté par un prêtre ! Chez nous, on a une plus haute idée de Dieu que ça, dans l’islam ! » Et le général lui répond : « C’est parce que vous avez une idée de Dieu que vous ne pouvez pas comprendre. » Dieu n’est pas une idée : c’est le Verbe fait chair, voyez-vous… Et nous, chrétiens, on a parfois des idées de Dieu. Et on refuse de rentrer dans la logique de l’Incarnation. Dans la stupeur de l’Incarnation. Dans la stupeur de l’abaissement, de la kénose. Du lien… Donc, on est au cœur de ce renversement.

                Le cardinal Garonne disait à l’époque : « Notre temps a perdu le sens de Dieu. C’est-à-dire qu’un monde naît, il est né déjà, où ne s’affirme aucune présence spirituelle. La mobilisation s’impose donc de toutes les puissances d’adoration dont l’Église du Christ est riche. La perte sensible du goût de l’adoration eucharistique, loin de marquer une purification du sens religieux, révèle au contraire un abandon mal avisé et inconscient au courant des choses de ce monde. »

    Marie-Thérèse Dubouché.jpgUne autre grande prophète de l’Eucharistie, Théodelinde, Marie-Thérèse Dubouché. Marie-Thérèse du Sacré Cœur qui a fondé les Sœurs de l’Adoration Réparatrice disait qu’il fallait retrouver ce sens de l’adoration, que c’était là que tout allait pouvoir se transformer. « Quand nous ne ferions autre chose par notre présence perpétuelle à l’église que d’attester la Présence perpétuelle de Jésus au Très Saint Sacrement, quand nous ne prononcerions d’autres paroles que celles-ci : « Dieu est là ! », il me semble que nos vies seraient dignement et utilement employées. » C’est le sens de l’adoration perpétuelle ici à Montmartre depuis 130 ans. Donc voyez vous, cette guérison profondément théologique. Et c’est là qu’il faut comprendre à quel point le Christ vient nous rejoindre, vient nous guérir et à quel point il vient nous transformer par cette présence eucharistique.

    L’orgueil

                Il y aurait aussi peut-être un point plus anthropologique… Je le relèverai assez rapidement, il y aurait plusieurs points à relever, mais… peut-être 2 choses là dessus ; 3 choses ; 4 choses. Rapidement, il y en a plusieurs, oui : 4. Le première, c’est l’orgueil. Je ne sais pas si tout le monde voit ce que c’est, ça, l’orgueil… Ça vous dit quelque chose, ça ?… Je reviens à cette phrase de Benoît XVI : « Sa façon d’être Dieu provoque sa façon d’être homme. » Qui suis-je pour revendiquer quoi que ce soit devant ce Dieu qui s’abaisse à ce point ? Qui suis-je pour revendiquer quelque reconnaissance que ce soit devant un Dieu qui se fait si pauvre, devant moi ? Et qui me rejoint dans ma pauvreté. Qui me rejoint dans ma misère. Il est descendu jusqu’à ce point pour m’apprendre le vrai chemin de la dignité : accepter d’être ce qu’on est. Mais en même temps, reconnaître cette pauvreté, cette vulnérabilité, rejeter cet orgueil devant le Christ qui s’est abaissé, le Dieu Tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre, qui se rend présent sous l’apparence d’un bout de pain. Et comme disait un théologien : « C’est même pire aujourd’hui… Parce qu’avant de faire croire que c’est Jésus sous l’apparence de l’hostie, il faut déjà faire croire aux gens que cette petite pastille blanche qui n’a ni le goût du pain, ni l’apparence du pain, ni rien d’un pain… est un pain. » C’est-à-dire qu’on a réduit le signe eucharistique à tel point… que finalement on dit que c’est du pain mais, nos frères et sœurs orthodoxes ont vraiment du pain. Et on se dit : « Oui, c’est du pain qui devient Dieu ». Mais, nous, cette petite hostie… même à une certaine époque on se faisait un honneur de la faire la plus fine possible pour que la plus grande légèreté porte le plus grand être. Mais, non… manger, ce n’est pas déguster. On n’est pas en cuisine gastronomique, voyez vous… On est en Vie ! Je veux manger cette chair du Fils de l’homme ! Au point que des fois… J’ai un ami évêque qui est en Amérique latine, qui a célébré 5 messes dans différents quartiers d’un bidonville, le même dimanche, et un petit garçon était là à chaque messe et venait communier. Alors, à la fin, il dit : « Mon petit, dis donc ! t’aimes Jésus pour venir… » « Non… j’ai très faim ! ». Il a dit : « J’ai compris… Il avait raison. Il avait même raison comme ça !… » Il avait faim physiquement, il venait chercher l’hostie pour manger quelque chose. Le Seigneur, ensuite, Il se débrouille, dans son cœur, hein ! C’est son job.

    L’estime de soi

                Donc, premier point, l’orgueil. Mais en même temps, l’estime de soi. On cherche tous un regard qui nous fasse exister. On cherche tous un regard qui nous fasse vivre. Parce qu’on a besoin d’être regardé. Il y a des psychologues comme Erik Erikson qui montrent que le capital confiance d’un enfant se fait par le regard posé par deux ou trois personnes dans la première année de la vie. C’est le regard paternel, maternel, des frères et sœurs, des grands-parents… très peu de personnes, le capital ‘confiance’ d’une vie… - Erik Erikson montre ça - se situe à ce niveau là. On a tous ce besoin. Et parfois, quand ce regard a manqué, ou quand le regard a dévisagé plutôt que d’envisager ; quand le regard a détruit, plutôt qu’il n’a construit… alors je suis très blessé. Et sous le regard du Christ Eucharistie, je revis. Un jour une fille avait fait 5 tentatives de suicide. J’étais encore dans mon ermitage à l’époque : il y avait 480 marches d’escalier, dans une grotte, un petit rocher… Et je la vois… Il y avait une chapelle à côté. Donc, elle était montée là-haut. Elle avait 15 ans. Et quand j’ai vu la tête qu’elle tirait, je l’ai prise par les épaules et je lui ai dit : « Tu sais que tu es belle ? Dieu t’aime et je t’aime. » Ce que je ne savais pas c’est que son père lui avait dit en psychothérapie familiale : « Tu peux crever, j’en ai rien à foutre ! »… Elle a fait 5 tentatives de suicide et ce jour là elle était montée avec un pistolet dans son sac en se disant qu’avec une balle dans la tête et 135 mètres de chute à-pic elle n’allait pas se louper. On a passé 3 heures ensemble. Elle ne disait rien. « Oui / Non ». La seule chose qu’elle m’a dite c’est : « Je ne crois pas en Jésus. » Elle est descendue par les escaliers. Elle est venue le deuxième jour, le troisième jour. Le troisième jour elle est venue là. Je dis : « Écoutes, tu es trop blessée. Je vais te dire, je vais être cash avec toi. Il n’y a qu’une chose qui peut te relever : c’est te laisser regarder par Jésus. » Elle dit : « Mais je t’ai dit que je n’y croyais pas ! » Je dis : « Ça ne fait rien, Lui, Il croit en toi. » Elle dit : « Ça veut dire quoi ? » Je dis : « Eh bien tu vois, moi, je passe des nuits de prière à la chapelle, à côté. Tu peux venir passer une nuit, si tu veux. Tu viens à 10h du soir, jusqu’à 6h du matin. On va adorer Jésus. » Et je dis : « Tu vois, il y a des gens qui vont passer des heures sur la plage cet été, à se bronzer recto, verso, pile/face… » ce qui n’est pas mal en soi, mais… Mais parfois le cœur revient tout pâle, vous voyez… Là dans la chapelle, la nuit, pas de risque de coup de soleil ! Extérieur en tout cas, mais à l’intérieur, oui, dans le cœur. Je pensais à cette phrase du prophète Malachie : « Le soleil de justice brille portant dans ses rayons notre guérison » qui est la dernière prophétie de l’Ancien Testament - après c’est l’Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu -, où on annonce que le prophète Elie viendra ramener le cœur des enfants vers leur père et le cœur du père vers les enfants. Et c’est la troisième fois dans le Targum, c’est-à-dire dans le texte en araméen de l’Ancien Testament, que le mot ‘Abba’ revient. On nous dit que ‘Abba’ est là, aux portes. Dans l’Ancien Testament c’est 170 fois que ‘Abba’ est là. Donc… je lui parle de ça, elle part au pas de course et elle revient, elle me dit : « Ok ! D’accord, mais 9 nuits ! » Elle m’a dit que sa grand-mère faisait des neuvaines, alors elle voulait faire neuf nuits. Alors elle revient et le premier soir, de 10h du soir à 6h du matin, elle était les yeux rivés sur l’hostie, comme ça. Elle ne bougeait pas. Moi, j’étais comme ça à côté (il mime le fait d’être pantelant). Et je me relevais et je disais : « Houlala… ! Il faut que je m’y mette ! » Elle, rien. Je dis : « Ça a été ? », à 7h du matin, elle me dit : « Oui » « Eh ben, tu peux revenir une autre fois, si tu veux. » Elle dit : « Je viens ce soir ! » Je dis : « Non, pas toutes les nuits. On fait une nuit sur deux. C’est trop… » Elle a fait les neufs nuits. À la fin, elle ne pouvait pas parler, encore. Elle m’a écrit un mot : « Nicolas, je suis tombée si bas, si bas… qu’au fond du trou je me suis cassé le nez sur Jésus. Et comme un trampoline il m’a renvoyé la lumière ! Je me trouvais moche, nulle et conne. Et Jésus m’a dit : « Tu es ma fille bien-aimée, je t’aime » dans ces nuits d’adoration. » Elle s’est revue avec le regard de Jésus. Elle a fait sa confirmation 6 mois plus tard. Elle a passé son bac après. Elle est mariée et a deux enfants. Pour la petite histoire : il y a trois ans en arrière maintenant, je célébrais la messe à 7h du matin dans notre petite chapelle dans notre communauté et je vois un homme dans le fond de la chapelle. Et puis je me dis : « Mais, ce type, je l’ai vu quelque part mais je ne sais plus où le situer… » et je ne comprenais pas. À la fin il me dit : « Vous vous souvenez de moi ? » Je dis : « Votre visage me dit quelque chose mais je ne me souviens plus où on s’est vu. » Et il me dit le nom de cette fille. Et je comprends : c’était le papa de cette fille. Et il m’a dit : «  Je me suis converti et je suis venu à la messe ici ce matin parce que je vais garder les enfants de ma fille. Elle travaille aujourd’hui. » Elle est enseignante, elle a fait un master en lettres classiques, après… Et donc, il me dit : « Comme je vais garder les enfants je suis venu à la messe avant. Ça fait plaisir de venir à la messe ! » Je trouve ça tellement beau ! Jésus Eucharistie qui vient faire ce miracle, voyez vous… : Tu peux crever, j’en ai rien à foutre ! / Je vais garder les enfants de ma fille. Vous voyez, le chemin… Parce que le regard du Christ s’est posé là-dessus, voyez-vous… Donc, deuxième point : l’estime de soi par le regard du Christ.

    L’émotionnalité

                Troisième point : l’émotionnalité. On est pris dans un monde très émotionnel, aujourd’hui. C’est l’exaltation de l’émotion. C’était un philosophe, Michel Lacroix, qui a écrit un livre sur cette question-là. Et il a une expression dedans : ‘l’homo sentiens’. L’homme qui sent. On avait l’homo sapiens sapiens, et là c’est ‘sentiens sentiens’. Où tout est dans le ressenti. Je sens et toute l’existence est faite de ce ressenti, y compris le jugement moral. Franchement, dans l’Eucharistie, je ne sais pas si vous avez déjà vécu ça, mais… on ne ressent pas grand chose. Si on vient de temps en temps, comme ça, Dieu est bon, il peut nous donner des choses, mais à la longue, à passer des heures devant le saint Sacrement, on ne sent pas grand chose. Mais on pose des actes de foi. Et ça, ça nous structure. Quand je ne ressens rien et que je vois… comme disait un gars un jour : « J’ai l’impression d’être comme un rat crevé derrière une armoire en face d’un bout de carton blanc ! ». Je dis : « Ah ! Très bien. Toi, tu n’es pas un rat crevé derrière une armoire. Tu es un être vivant racheté par le sang du Christ ! Et le bout de carton blanc c’est ton Sauveur, Jésus-Christ ! Et tu poses cet acte de foi et ça te structure. » Ils ont besoin d’être structurés par la foi qui perfectionne la raison et qui vient guérir nos émotions, qui vient ordonner notre sensibilité. Non pas pour la nier, mais pour l’ordonner et pour la guérir d’un monde extrêmement émotionnalisé. L’adoration eucharistique doit être aussi une guérison de notre émotionnalité pour resituer notre vie en perspective d’une rationalité perfectionnée par la foi, d’une vérité qui nous libère.

    L’acédie

    Ste Teresa de CALCUTTA.jpgLe dernier point, c’est l’acédie. L’acédie est une tristesse spirituelle. Le pape en parle, d’ailleurs, dans son dernier texte. S. Thomas d’Aquin nous dit que c’est le dégoût de la joie qui naît de l’amour de Dieu. Il rattache l’acédie à un des fruits de l’amour de Dieu répandu en nos cœurs par l’Esprit Saint. Il y a trois fruits, dit-il : la paix, la joie et la miséricorde, qui se traduit en œuvre de miséricorde. Deux fruits internes : la paix, la joie. Un fruit externe : la miséricorde. Et la joie est rongée par la tristesse, par la tiédeur, par le manque de ferveur. Par le ”bof !”, ”rien à faire… !”, ”tout m’ennuie…”. L’acedia dans les textes d’Evagre le Pontique, un Père du désert, c’est celui qui prononce à moitié les paroles de la prière, qui est toujours en train de regarder par la fenêtre, qui veut toujours être ailleurs que là où il est, qui en a marre de tout, qui ne supporte plus rien, qui s’énerve facilement… parce qu’il n’y a plus la joie d’être aimé de Dieu et d’aimer Dieu. L’adoration eucharistique est un lieu de renouveau de la ferveur, de l’amour. D’abord, c’est le sacrement de l’Amour. Qui communique l’Amour ? La grâce propre de l’Eucharistie, c’est l’amour. Mais c’est un lieu où je vais être revivifié dans cet amour ! Et finalement, j’allais dire… c’est parfois un peu au degré d’adoration que je juge un peu mon amour, si j’ose dire… Il y aura la miséricorde et l’amour à l’égard de mes frères et sœurs. C’est Mère Teresa : c’est parce qu’on a contemplé, adoré Jésus au saint Sacrement ici, dans la chapelle, qu’on est capable de le reconnaître sous le visage du frère ou de la sœur, souffrant derrière. J’étais un jour à Calcutta, je parlais avec Mère Teresa devant la porte d’entrée, et tout d’un coup il y a une sœur qui sort et Mère Teresa dit : « Sister ! Come here ! ». La sœur qui était en train de partir revient. « Ma sœur, vous restez ici aujourd’hui. Vous n’allez pas dans les centres du mouroir. » Et la sœur dit : « Ah bon ? C’était prévu… » « Non ! Avec la tête que vous tirez, les pauvres ont déjà suffisamment à supporter sans supporter votre tristesse ! ». En direct ! J’étais à côté, j’ai entendu, hein ! Houlala… j’ai fait semblant de rien… « Oui, ma Mère !… » « Allez à la chapelle trouver Jésus, vous allez faire le ménage après, ici. » Wahouw ! Avec la tête que vous tirez les pauvres ont déjà suffisamment à supporter sans supporter encore votre tristesse. Ouf ! La douce et sainte Mère Teresa… Directe et percutante.

                Donc, voilà, je crois qu’il faut qu’on arrête pour aller célébrer la messe. Merci Seigneur. Amen.       

     

    Capture d’écran 2018-10-01 à 15.18.48.pngP. Nicolas Buttet, fondateur de la Fraternité Eucharistein
    21 avril 2018, salle Saint-Ephrem, Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, Paris 18ème

     

     

    [1] Voici le texte de Benoît XVI, citant S. Bonaventure : « Laissons-nous remplir à nouveau de cette joie : Où y a-t-il un peuple à qui Dieu est aussi proche que notre Dieu est proche de nous ? Si proche qu'il est l'un de nous, au point de nous toucher de l'intérieur. Oui, d'entrer en moi dans la Sainte Eucharistie. Une pensée qui peut être déconcertante. Sur ce processus, saint Bonaventure a utilisé, une seule fois, dans ses prières de Communion, une formulation qui secoue, qui effraie presque. Il a dit : Mon Seigneur, comment a-t-il pu te venir à l'esprit d'entrer dans les latrines sales de mon corps ? Oui, Il entre dans notre misère, il le fait avec conscience et il le fait pour nous pénétrer, pour nous nettoyer et pour nous renouveler, afin que, grâce à nous, en nous, la vérité soit dans le monde et le salut se réalise". »

     

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    Adoration Saint Martin — Ré-évangéliser les campagnes (Centre-Val-de-Loire)

    et
    Catéchèse Eucharistique Corpus Christi #JubiléPJEymard2018

     

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  • Le 'chant' du P. Eymard - Sa dernière retraite, son testament spirituel

    Retranscription d'après l'enregistrement
    des Bénédictines du Sacré-Cœur de Montmartre

    P André Guitton sss.jpgLe p. André Guitton, sss (Père du Saint-Sacrement, communauté au 23 avenue de Friedland, Paris 8, Chapelle Corpus Christi) ouvre sa conférence par un Notre Père avec l’assemblée présente, salle Saint Ephrem, Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, ce matin du 21 avril 2018. Il nous confie à l’intercession de Notre-Dame du Saint-Sacrement, saint Joseph, saint Pierre-Julien Eymard et tous les « saints et saintes de Dieu ». 

     

    Petite histoire des éditions des Œuvres complètes de S. P-J. Eymard

    Bannière Chapelle Corpus Christi.jpgBonjour à tous, je suis très heureux d’être parmi vous. Je ne sais pas pourquoi je suis venu, mais j’ai été invité et j’ai eu la simplicité d’accepter cette invitation, comme une grâce. Et puis j’ai rencontré le père Nicolas Buttet, tôt ce matin, pour harmoniser nos interventions orales. Je ne connaissais pas le thème de la conférence qu’il va nous donner tout à l’heure, et j’ai pensé, puisqu’il est question cette année du 150ème anniversaire de la mort de saint Pierre-Julien Eymard, vous présenter sa vie, non pas comme un récit biographique – il y a des livres pour cela, et même si on a évoqué quelques points de sa vie, tout à l’heure, à l’instant… - mais à partir d’une de ses retraites, la dernière qu’il a faite comme retraite personnelle.

                Comme on l’a noté tout à l’heure, le Père Eymard n’est pas un écrivain, en ce sens qu’il n’a pas publié, sinon simplement les livres des Constitutions des Pères du Saint-Sacrement, des Servantes du Saint-Sacrement et une petite revue qui a duré deux ans. Mais il a laissé beaucoup d’écrits. Et à sa mort tous ses textes ont été collationnés, recueillis, conservés, transmis. Ça a été aussi le point de départ d’une édition que l’on a faite pour la piété des fidèles dans les années 1870-76, sous le titre de La divine Eucharistie, en 4 séries, mais qui ne sont pas des éditions qui correspondent aux normes actuelles de l’édition ; qui sont arrangées, reconstruites. Et il a fallu attendre l’ère électronique pour pouvoir saisir, organiser, puis éditer d’abord de façon électronique (sur internet), et ensuite en édition imprimée grâce au frère Poswick de l’abbaye de Maredsous et de son équipe qui ont collationné cette immense masse de documents. Il y avait dans les archives 70 000 pages qui ont été numérisées en 43 000 photos, et là-dedans, une vingtaine de milles pages ont servi de base à l’édition électronique. On a travaillé, pendant 3 ans, d’arrache-pied. On avait un terme. Parce qu’on était en 2002, et on leur a dit : « En 2006, c’est le 150ème anniversaire de la fondation. Ce serait bien que ce soit terminé le 13 mai 2006… » Alors le frère Poswick a dit : « Bon d’accord, on se met au travail. Je vous enverrai tous les mois 300 pages à vérifier, à corriger, à annoter, à traduire, à préparer pour l’édition. Vous me les remettez dans les deux mois qui suivent, moyennant quoi, en l’espace de 2 ans et 1/2 nous pourrons balayer tout l’ensemble. Ce sera fait. » Et ça a été un énorme travail de va et vient dans les petites équipes que nous étions. Et effectivement, le 13 mai 2006, nous avons présenté à l’avenue de Friedland, une première édition, une première partie. Et au mois de décembre de la même année à la Grégorienne, à Rome, nous avons présenté l’édition électronique en ligne, devant les supérieurs majeurs des congrégations religieuses. Et c’était vraiment un événement. Puis, après, on a procédé à l’édition imprimée. On s’est aperçu que l’édition électronique pouvait avoir bien des fautes… et ça passait. Mais l’édition imprimée, ça ne passe pas ! On a tout repris à zéro, on a tout corrigé, on a tout complété, on a tout harmonisé en faisant de chaque document, à ce moment-là, numéroté, et avec sa côte authentifiée. Il y en a plus de 16 000. Et le tirage a été fait : il y a eu 17 volumes, en partenariat avec les éditions Centro Eucharistico di Ponteranica en Italie, l’édition de nos pères (du Saint-Sacrement) italiens et avec Nouvelle Cité de Bruyères-le-Châtel, en France. Ceci, en guise d’introduction.

     

    La dernière retraite personnelle du P. Eymard à Saint-Maurice : son testament spirituel

                En réfléchissant à ce que je pourrais vous dire aujourd’hui, j’ai pensé prendre dans ses retraites, précisément. Deux volumes de l’édition intégrale sont ses Retraites et notes personnelles. Le 5ème volume contient toutes ses retraites personnelles. Il faut vous dire que le P. Eymard écrivait beaucoup et conservait tout. Si bien que nous avons sa première retraite - qui est celle de sa première communion à La Mure en date du 15 février 1823 -, jusqu’à sa dernière retraite qu’il va faire à Saint-Maurice, près de Paris, dans le noviciat de la communauté, au mois d’avril-mai 1868. Et nous avons ses notes de retraites de séminariste, de jeune prêtre, de prêtre de paroisse, de mariste, de père du Saint-Sacrement. C’est extraordinaire parce que ce n’était vraiment pas fait pour être édité. Mais évidemment, nous avions tous les droits et nous l’avons fait.

                Sa dernière retraite de Saint-Maurice, du 27 avril au 2 mai 1868, est vraiment comme son testament spirituel. Si vous voulez retrouver les grands repères, vous les trouverez dans les feuillets qu’on vous a remis. Né à La Mure d’Isère le 4 février 1811, baptisé le lendemain, dans une famille nombreuse. Son père avait eu 6 enfants du premier mariage. Devenu veuf, il eut 4 autres enfants de son second mariage. Beaucoup de décès. Restent à sa naissance simplement 2 du premier mariage encore survivants. Dont sa marraine et son parrain. Famille très chrétienne, laborieuse : le père a un petit commerce dans la petite cité de La Mure. Et puis, désir religieux, profondément. Puis le désir d’être prêtre qui sera contrarié par son père. Néanmoins, malgré les difficultés, après la mort de son père, qui finalement va accepter, en 1831 il entre au Grand Séminaire de Grenoble. Il est ordonné prêtre le 20 juillet 1834. Il sera prêtre du diocèse de Grenoble pendant 5 ans. D’abord 3 ans à Chatte, près de Saint-Marcellin, dans la vallée de l’Isère, et puis 2 ans comme curé à Monteynard, près de La Mure. Puis, désir de la vie religieuse : il rentre chez les maristes en 1839, heureux d’avoir la vie de communauté qui était mariale, et missionnaire. Mais il ne part pas en mission, sa santé ne le lui permet pas. Il est directeur spirituel au collège de Belley. Appelé par le père Colin, le fondateur, comme assistant général, tout jeune qu’il soit. Puis visiteur général, directeur du Tiers-ordre de Marie, à Lyon. Puis directeur, puis supérieur du collège de La Seyne s/ Mer : les maristes sont des éducateurs.

    Eymard Jeune Mariste ?.png            Dans cet itinéraire il va recevoir des grâces, que l’on dira grâces de vocation, qui vont l’orienter vers un choix qui sera décisif, pour lui aussi, de quitter la société de Marie pour fonder à Paris la Société du Saint-Sacrement, avec Mgr Sibour, l’archevêque. Il fonde à Paris, dans un milieu de pauvreté et il va développer sa congrégation. L’archevêque lui avait dit, en le recevant, après sa retraite : « Je ne suis pas pour ces choses-là, c’est purement contemplatif ! » Il pensait que c’était simplement une société d’adorateurs du saint Sacrement. Et le Père Eymard avait sursauté intérieurement, mais très calme, quand même, il dit : « Nous voulons adorer et faire adorer. Et en premier lieu créer l’œuvre de la première communion des jeunes ouvriers. » Paris, en 1856, est en plein chantier, en pleine effervescence de la révolution industrielle qui canalisait de toute la province des jeunes qui venaient à Paris pour travailler, mais dans la banlieue dont plus personnes ne s’occupait. Et lui va mettre sur pied une œuvre pour catéchiser ces jeunes : les rencontrer, les former, les discipliner, les former humainement, bien sûr. Et puis, le 15 août 1859, il a la joie d’avoir les douze premiers communiants, des jeunes, dans sa chapelle de la rue du Faubourg Saint-Jacques qui sont les prémices de 800 jeunes, des garçons, qu’il va catéchiser. Sans compter les filles lorsque Marguerite Guillot va le rejoindre pour former le noyau de la congrégation des Servantes du Saint-Sacrement. C’est à Marseille, sa deuxième fondation, que sera créée l’Agrégation du Saint-Sacrement, qui elle, se situe davantage dans le culte de l’Eucharistie, dans l’aide pour participer à l’adoration dans ces centres pour l’adoration qu’il crée. Troisième communauté à Angers. L’approbation du Saint Siège en 1863 : l’occasion d’une première retraite de fondateur.

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                En 1864, il imagine qu’il peut fonder une communauté du Saint-Sacrement, non seulement à Jérusalem, mais dans le Cénacle. Rien que ça ! Ça revient aux pères du Saint-Sacrement, c’est évident pour lui ! Et il ne soupçonne pas, évidemment, les difficultés énormes que cela pourrait soulever. Avec beaucoup de candeur et avec une opiniâtreté qui était digne de sa vocation, il va se heurter à des fins de non-recevoir. Il part à Rome pour défendre sa cause (auprès de Pie IX qui l’a en grande estime. Mais Pie IX ne peut rien : il convoque une commission de cardinaux qui étudient. Et puis il y a Noël, l’Épiphanie… ”l’épiphanat” : à ce moment-là, il n’y a plus personne qui travaille au Vatican. Alors, c’est renvoyé. Et le Père Eymard quitte le séminaire français où il est hébergé pour aller chez les rédemptoristes et faire à ce moment-là une retraite, jusqu’à ce que la décision soit prise. Le ”jusqu’à-ce-que” va durer 65 jours. Et le Père Eymard, chaque jour : trois méditations dans l’édition impressionnante où il va s’examiner lui-même. « J’ai l’impression d’avoir fait beaucoup de choses mais n’avoir pas fait l’essentiel », qui était sa propre sanctification. Il est venu pour le Cénacle, et puis tout d’un coup, il perçoit que peut-être, au fond, ce n’était pas l’essentiel, le Cénacle à Jérusalem, mais le cénacle en lui. Et à travers cet approfondissement sous l’action de la grâce, le 21 mars 1865, il va faire le don de sa personnalité, de son moi, une grâce qu’il reçoit durant son action de grâces et dont vous avez le texte ici, dans le dépliant, en dessous de la photo de la châsse. « Rien pour moi, personne. » Rien pour moi, comme personne. Ça ne veut pas dire rien pour moi, ni personne. Mais Rien pour moi comme personne. « Rien par moi. Modèle : Incarnation du Verbe. » Et dès lors, il va être tout comme dépouillé de lui-même, comme centre, et, par ailleurs, « tout revêtu de Jésus-Christ ». Il termine ainsi : « Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga. 2,20). Dès lors, le Père Eymard entre dans la nuit de l’Esprit. Dorénavant c’est un état mystique, comme les grands mystiques l’on connu. Comme Thérèse de Lisieux après son acte d’offrande à l’Amour miséricordieux. Dans la foi pure, sans aucune consolation, il va poursuivre et au milieu de nombreuses tribulations. Il va continuer, mais la requête à Jérusalem, comme vous le devinez, a été négative. Il s’est abandonné totalement au Seigneur mais avec le cénacle en lui. Et c’est extraordinaire, parce que nous soupçonnons à peine ce que cela représente. Et dès lors, effectivement, les tribulations, les difficultés vont survenir.

      

    Trois méditations de la Retraite de Saint-Maurice, du 28 avril 1868

    St Pierre-Julien Eymard malade.jpg            Alors, je pensais vous remettre cette feuille double qui est tirée de sa dernière retraite du 28 avril 1868, qui doit être lue [— et on vous le communiquera d’une façon ou d’une autre : voir sur ce lien (qui comporte l’introduction à cet enseignement) —] à la lumière de l’état dans lequel vit S. Pierre-Julien Eymard. Tout dépouillé de lui-même et tout entier donné au Christ, donné à sa mission, donné à ses frères. Et c’est merveilleux parce que dans cette retraite qu’il commence en disant Je suis venu pour prier, il a conscience qu’il est usé, mais il continue à prêcher l’Eucharistie et à vivre. C’est un moment de grâce qu’il vit dans une propriété qui est à Saint-Maurice, Montcouronne - je ne sais pas si vous voyez dans la région parisienne où cela se trouve, du côté de Dourdan, du côté de Saint-Gomez-la-Ville, qui reste d’ailleurs presque telle quelle aujourd’hui… Une belle maison bourgeoise de la fin du XVIIIème siècle, avec 4 hectares d’enclos, où il avait installé son noviciat. Tranquille, heureux ! Il disait : « Ce sera la maison… On ouvrira les portes de la chapelle et les oiseaux viendront chanter leur Créateur ! » On croirait entendre François, n’est-ce pas ? Et il était là, vraiment heureux. Ça a été un moment pour lui de réconfort. Ce 28 avril a été un moment merveilleux parce qu’il fait comme l’anamnèse, la mémoire de ce qu’il a vécu. Mais pensons que c’est un homme qui est dans cet état dépouillé de lui-même et entièrement donné. Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christi qui vit en moi.

                La première méditation de ce 28 avril, c’est d’abord à la Très-Sainte Vierge. On ne va pas le relire en entier, mais…


    NR 45,2 [mardi 28 avril 1868] 2e jour

    de 6 h à 7 h

    1re méditation – À la très Sainte Vierge

    Grâces

    Que de grâces Dieu m’a faites jusqu’à ce jour !

    Comme il m’a aimé ! – À l’excès.

    Que m’a-t-il refusé ? – Rien.

    Que ne me donne-t-il pas à présent !

    Je l’aime peu, et il m’aime tendrement.

    Je le déshonore par ma vie, et il m’honore encore plus par ses dons et […].

    Je le sers si mal, et il me garde à son service, comme si j’étais un bon serviteur.

    Je suis si lâche et si infidèle à mes devoirs, à l’honneur de sa gloire, et il me laisse l’honneur et la puissance.

    Il m’a confié la gloire de sa Société. Hélas ! Je la vole, je la vends, cette gloire. Et il ne reste à mon Maître qu’un serviteur infidèle et un ministre paresseux.

    Qui de nous deux va se lasser ? Sera-ce moi ?

    Quelle a été la source de mon peu de correspondance à la grâce ?

    Je ne me suis jamais donné absolument, exclusivement.

    J’ai servi Dieu par gloire propre.

     

                Impressionnant de la part d’un homme qui est au sommet de la sainteté à laquelle Dieu l’appelle, mais qui se trouve tellement décalé par rapport à l’appel qu’il reçoit, en lui.
     

    J’ai servi Dieu pour mon amour-propre.

    Je n’ai jamais embrassé résolument et constamment la pratique de l’humilité de Jésus. J’ai voulu être quelque chose avec Lui, par Lui. Voilà le dernier mot du vieil homme en moi. 


                Mais, comme c’est sous la protection de la Vierge Marie, il dit tout simplement… Mais il est dans la nuit de l’esprit. Si je vous ai parlé de la Grande Retraite de Rome (1865), c’est qu’on ne peut pas comprendre ce texte si on ne sait pas dans quel état spirituel il se trouve. Il doit être entièrement réinterprété à la lumière de ces états.

     

    Ô Marie ! Qui m’avez conduit et donné à Jésus, il faut maintenant me reconduire, me redonner à Jésus que j’ai perdu !

     

                Parce que c’est par elle qu’il a vraiment cheminé. Cet abîme d’indignité et cet élan extraordinaire vers un plus comme impossible. 


                La deuxième méditation nous fait relire la vie du Père Eymard, par le Père Eymard, donc, trois mois avant son départ pour le Ciel. Elle est intitulée Foi eucharistique. C’est vraiment très beau. C’est très beau parce qu’on a le Père Eymard dans sa limpidité, dans la clarté de son âme et avec son cheminement, les grâces qu’il a reçu. Il nous y donne la clef d’interprétation de toute sa vie, à travers ces notes qu’il écrit pour lui-même. Ce n’est pas pour nous, ça ne nous concerne pas du tout ! Mais nous sommes-là par-dessus et nous voyons le Père Eymard qui écrit ces choses-là.

                La plus grande grâce de ma vie a été une foi vive au très Saint Sacrement, dès mon enfance. Le Père Fiorenzo Salvi, qui a préfacé l’édition intégrale des écrits du Père Eymard, cite ceci comme le fil rouge qui nous permet de comprendre le P. Eymard dans tout son cheminement. Parce qu’il a un cheminement extraordinaire. Et alors de reprendre à ce moment-là les grandes étapes de sa vie. Mais sous l’angle, précisément, de cette foi vive au très Saint Sacrement. Les grands repères pour lui. Il a dit : dès mon enfance.

     

    NR 45,3

    2e jour – de 10 h à 11 h

    2e méditation – Foi eucharistique

    La plus grande grâce de ma vie a été une foi vive au très Saint Sacrement, dès mon enfance :

    – grâce de communion : le désir de ma 8e année : tout vers elle.

     

                Il a 8 ans, il désire communier profondément : mais on est en 1823, le jansénisme marquait très profondément la piété chrétienne, même après la Révolution, et à ce moment-là on attend 12 ans pour communier. Il faut dire que jusqu’au décret libérateur de S. Pie X, en 1910, c’était la norme : 12 ans pour communier. Et lui, à 8 ans, il est tout vers la communion et dit à sa sœur et marraine : « Que tu es heureuse, toi… » (il doit dire ‘vous’ à Marianne, d’ailleurs, parce qu’en famille, à cette époque-là…) : Que vous êtes heureuse de pouvoir communier et communiez pour moi. Et il se penchait vers elle, Jésus est présent en toi, et moi… Et lui se sentait… C’est quand même très beau, parce que… Grâce de communion. Ensuite :
     

    – grâce de dévotion : visite journalière au très Saint Sacrement.


                Figurez-vous que dans ses notes de l’époque - parce qu’on en a aussi -, il a retrouvé dans Les Visites au Saint Sacrement de S. Alphonse de Liguori - qui n’était pas encore saint en ce temps-là -, l’histoire du frère (je ne sais pas si c’est Élie ou autre chose), où il dit : un ami ne pourrait pas passer devant la porte de son ami sans aller lui rendre visite. Quand vous passez devant une église, allez visiter votre ami, Jésus ! Il reprend ces choses-là.
     

    – grâce de vocation : à Fourvière : Notre Seigneur est au très Saint Sacrement, seul, sans un corps religieux qui le garde, l’honore, le fasse glorifier ! Pourquoi ne pas établir quelque chose, un Tiers-Ordre, etc. à La Seyne (saint Joseph), grâce de donation, de fusion, de bonheur, et qui a duré jusqu’à l’approbation apostolique, si douce.

     
                Grâce de vocation. Il passe par-dessus : il est ordonné prêtre, mais là il n’en dit rien : grâce de vocation : à Fourvière. Là, nous sommes en 1851, le P. Eymard est mariste. En 1845 il y a eu quand même un événement. Il y a des grâces qui jalonnent la vie du P. Eymard. Comme jeune vicaire, en 1836-37, au calvaire de Saint-Romans - dans l’Isère, près de Saint-Marcellin -, il a la révélation que le mystère de la Croix n’est pas simplement le mystère des souffrances de Jésus mais de son amour infini et pour chacun. Donc, pour lui, personnellement. Alors qu’il a vécu jusque-là dans une piété assez rigoureuse et rigoriste. Et pénitentielle, à faire des sacrifices… Mais il va s’ouvrir à cette dimension de l’Amour. En 1845, il va prêcher l’Eucharistie : Jésus, Jésus-Christ et Jésus-Christ Eucharistie, reprenant, parodiant, pourrait-on dire, la parole de Saint Paul. À Fourvière, c’est le 21 janvier 1851 qu’il passe dans la petite chapelle de Fourvière - la grande basilique n’existe pas à ce moment-là, c’est la petite chapelle qui est sur le côté -, c’est le début de l’après-midi et il est absorbé par une pensée qu’il note et cite telle quelle : Notre Seigneur est au très Saint Sacrement, seul, sans un corps religieux qui le garde, l’honore, le fasse glorifier ! Pourquoi ne pas établir quelque chose, un Tiers-Ordre, etc. Quand Pierre-Julien dit Notre Seigneur est au très Saint Sacrement, seul ce n’est pas dans le sens romantique du divin prisonnier qui a cours aussi à cette époque-là. Jésus, tout seul… Non. Comme il le dit lui-même un peu après, c’est que l’Eucharistie ne produit pas dans l’Église les fruits qu’elle devrait produire. Donc, un corps religieux, quelque chose, et c’est une pensée. Il n’y a pas de vision, mais simplement une pensée qui lui vient, une parole intérieure.     

    – grâce de vocation : à Fourvière : Notre Seigneur est au très Saint Sacrement, seul, sans un corps religieux qui le garde, l’honore, le fasse glorifier ! Pourquoi ne pas établir quelque chose, un Tiers-Ordre, etc. à La Seyne (saint Joseph), grâce de donation, de fusion, de bonheur, et qui a duré jusqu’à l’approbation apostolique, si douce.

     
                À la Seyne s/ Mer (saint Joseph) : il s’agit du 18 avril 1853, après la messe, d’ailleurs aussi, en action de grâces : grâce de donation, de fusion, de bonheur, et qui a duré jusqu’à l’approbation apostolique, si douce. À la Seyne il reçoit une grâce dans la même ligne de fondation, de force, pour entreprendre tout ce qui sera nécessaire, quelques soient les difficultés, mais de les dépasser, et ça ne lui coûte pas. C’est une grâce de douceur, 'fortiter' & 'suaviter' ("Elle déploie sa vigueur d’un bout du monde à l’autre, elle gouverne l’univers avec bonté." Sg 8,1) ‘suaviter’ : c’est vraiment la douceur de l’Esprit Saint, la puissance de l’Esprit Saint qui lui est donnée. Et Dieu sait s’il y a… lorsque viendra ce moment, par exemple, où il devra renoncer à son état de mariste, ce n’était pas de gaîté de cœur… Il avait confié à son supérieur général, le p. Favre, qui était allé à Rome pour les affaires de la congrégation, en 1856, au mois de février-mars, il lui avait confier le souci de demander au saint Père ce qu’il fallait faire : s’il devait quitter ou s’il ne devait pas quitter la congrégation mariste. C’est beau, parce qu’avec le saint Père on avait le dernier mot, il n’y avait plus de recours, mais… par chance, ou par grâce, quand le p. Favre est revenu et que le P. Eymard l’a retrouvé près de Mâcon, à Chaintré, au noviciat des maristes, et lui a demandé : « Mais le Pape, qu’est-ce qu’il a dit ? », le p. Favre alors lui dit : « Mon pauvre ami, figure-toi, j’ai complètement oublié ! » Alors, on revenait à la case départ ! Et lui qui mettait toute sa confiance ! Il y avait quelque chose d’une simplicité : « Si le Pape dit oui, il n’y a pas de problème, c’est que le p. Favre dira oui, parce qu’il ne peut pas aller (contre l’avis du Pape). » Mais il y a quand même des médiations humaines. Elles existent et elles ont leur sens aussi. Et c’est alors que le P. Eymard dit : « Mais quoi qu’en pensent les autres secrétaires, les monsignori à Rome sur toutes ces affaires-là… » C’est alors que le p. Favre, qui faisait aussi part de son autorité, de cette vérification de la grâce qui est quand même singulière, parce que le Père Eymard était un religieux profès perpétuel qui avait exercé des charges très importantes dans la congrégation, alors le p. Favre lui pose la question : « Quel signe avez-vous de votre vocation ? » Et c’est à ce moment-là qu’il dit : « Je n’ai rien d’extraordinaire, ni vision, ni apparition, ni quoi que ce soit d’extraordinaire » - même s’il a eu des grâces singulières - « mais depuis quatre ans j’éprouve un attrait de plus en plus fort pour me consacrer à cette œuvre. » Le p. Favre lui dira : « Mais je ne peux pas. Je ne fais pas de visite… » « Ah, mais je vais demander à l’évêque ! » « Mais l’évêque… » « Si, si, l’évêque peut me relever de mes vœux… » Et quand le p. Favre a perçu à ce moment-là, la solidité, l’appel, la présence d’un appel qui vraiment venait d’ailleurs, sur le champ, il l’a relevé de ses vœux. Sur le champ ! Alors que normalement c’est le pouvoir du supérieur général avec l’avis de son Conseil. Mais c’était tellement un événement que sur le champ il l’a relevé de ses vœux. Sauf qu’il fallait bien, après, une formulation canonique et en référer au Conseil. Le P. Eymard a aussi été convoqué au Conseil général et il a été très humilié, lorsque d’aucun lui ont reproché… Enfin, peu importe… On ne faisait pas de cadeau, j’allais dire, d’une certaine façon. Et à ce moment-là il a demandé au p. Favre : « Vous suspendez la décision que vous avez prise. Je pars, je quitte Lyon, je quitte la Société, je pars dans un endroit où je ne connais personne. Je confierai à des hommes expérimentés la décision et leur décision sera définitive. » C’était le 22 avril 1856. Il quitte Lyon le 30 avril, il vient à Paris où il était venu jadis comme visiteur général pour visiter la communauté mariste de Paris. Il demande l’hospitalité pour faire sa retraite à la Mère Thérèse Dubouché de l’Adoration réparatrice. Et le 1er mai, c’était le jour de l’Ascension en 1856, il va célébrer à Notre-Dame-des-Victoires à 6h du matin. Puis il revient… Et à ce moment-là, la Mère Dubouché, dira : « Désolé, mais monsieur Gaume, le supérieur ecclésiastique, ne m’a pas permis de… » Elle le regardait embarrassée… « Il faut chercher ailleurs… » Et le P. Eymard va trouver, finalement, au 114 rue d’Enfer, là où sont actuellement les Sœurs aveugles de Saint Paul, qui est le 88 de l’avenue Denfert-Rochereau, juste à côté de l’infirmerie Marie-Thérèse, des prêtres du diocèse, une maison qui appartenait au diocèse, qui était la maison d’un grand homme… Oui, d’un grand homme : Chateaubriand. Le Pavillon Chateaubriand. Mme de Chateaubriand avait acheté l’infirmerie Marie-Thérèse pour les prêtres âgés du diocèse, en 1822, comme œuvre d’assistance, la première du genre, et comme la propriété qui était à côté… il devait y avoir je ne sais quelle chose qui devait s’installer… plus ou moins… ce n’était pas le Moulin Rouge mais c’était quand même assez divertissant… et ça pouvait troubler la tranquillité des prêtres… À ce moment-là, le vicomte avait acheté la propriété et il avait construit son pavillon où il a vécu pendant une dizaine d’années. Mais comme il était criblé de dettes, dix ans après il la cédait à l’archevêché, ce qui a soldé les dettes, et cela a appartenu à l’archevêché. C’est une maison qui était un peu à l’abandon. Et le Père Eymard va faire sa retraite là. Il va rencontrer Monseigneur Sibour qui le confiera à son auxiliaire Léon Sibour (qui était aussi le cousin de l’archevêque), qui va le suivre durant ces quelques jours de retraite entre Ascension et Pentecôte 1856. Et lorsque le mardi de la Pentecôte, le 13 mai, il va rencontrer l’archevêque, alors qu’il cherchait à rencontrer l’auxiliaire, l’archevêque lui dira : « Mais, vous êtes ces prêtres… » Le P. Eymard : « Oui… » L’archevêque : « Ah, non, c’est purement contemplatif, je ne suis pas pour ces choses là… Non, non ! » C’est à ce moment-là qu’il va dire : Nous adorons sans doute, mais nous voulons aussi faire adorer. Nous devons nous occuper de la première communion des adultes. Nous voulons mettre le feu aux quatre coins de la France, et d’abord au quatre coins de Paris, qui en a tant besoin.[1] Et il va créer l’œuvre de la première communion. Il va débuter, sans relation, sans connaissance, à Paris, dans un monde inconnu, sans ressource. Et avec sa seule foi. Comme lui-même le dira ailleurs : Dieu le veut. Et l’homme, plus rien, les moyens viendront. Mais Dieu le veut. D’abord, les vocations se font attendre. Il fera la première exposition du saint Sacrement le 6 janvier 1857, dans la première communauté du Saint-Sacrement.  
     

    – grâce d’apostolat : foi en Jésus. Jésus est là. Donc à Lui, pour [ou par] Lui, en Lui.

     
    Jésus est là mais c’est le mouvement même de la doxologie de la célébration. À lui, pour lui, en lui. Ce dynamisme de l’Eucharistie.

    Renouvellement

    J’ai bien demandé à Notre Seigneur de me renouveler dans cette grâce première. Jésus est là, seul, oublié des siens – stérile en son Sacrement.

     
    Stérile en son Sacrement, voilà le sens de ‘seul’.
     

    J’ai bien demandé la résurrection de cette grâce – de mon état si peiné, si triste, si désolé depuis trois ans.

    Oui, mon cœur a toujours aimé Jésus Hostie. Personne ne l’a eu ce cœur. Mais mon esprit, mais ma vie extérieure, mais mes rapports trop naturels, trop expansifs, voulant me faire louer de ma vocation, me consoler dans les âmes qui semblaient l’aimer, qui pouvaient le glorifier en moi : voilà le tombeau de cette grâce première.

     
    Il va demander à ce moment-là, précisément :

    Oh ! Jésus ! Des profondeurs, je crie vers toi. [Ps 129,1]. – Ressuscite en moi la grâce première. [Reprends ta conduite première] [Cf. 2Tm 1,6 – Ap 2,4].

     
    Le texte de l’Apocalypse. 


                Nous voici à la troisième méditation, pour aller très rapidement, mais c’est toute la vie du Père Eymard qui est évoquée.

     

    NR 45,4

    2e jour – de 3h à 4h

    3e méditation – Vocation eucharistique

    1° Notre Seigneur m’a appelé à son service eucharistique malgré mon indignité.

    Il m’a choisi pour travailler à sa Société malgré mon incapacité et mon infirmité.

    Il m’a conduit de la mort, et par la mort, à la vie de la Société.

     
    Le mystère pascal.

    Tout ce qu’on disait impossible est arrivé facilement, et à l’heure de Dieu.

     
    Et Dieu sait s’il y a eu des choses impossibles dans la vie du P. Eymard !
     

    À Dieu seul, amour et gloire !

    2° Preuves de grâces :

    – Dieu m’a conduit par degrés à sa Société. Il m’en montrait par fractions les sacrifices. Enfin, à La Seyne, il me les a tous demandés, jusqu’à la séparation [de la Société de Marie], – jusqu’à la croix, – jusqu’à l’abandon.

    Or, avec quel bonheur j’ai dit oui à tout, après cette bienheureuse messe ! Et Dieu a tout agréé, et conduit à bonne fin.

     
    C’est donc le 18 avril 1853, à la Seyne s/ Mer, l’épisode qu’on a évoqué plus haut.
     

    – La douceur si grande, qui a duré tant d’années, et toujours croissante par l’Eucharistie, me dit le oui de Dieu.

     
    C’est au milieu des épreuves. Il y a des épreuves, des souffrances. Il y a aussi des grâces de consolation. Recevoir à travers les événements le ‘oui’ de Dieu.
     

    La force qui en sortait, comme le fruit de sa fleur, m’assure le cœur de Dieu.

     
    Je pense que c’est d’une beauté merveilleuse… Puis… Alors-là, c’est… Nous avons dit que la nuit de l’esprit c’est la nuit de l’épreuve.


    – les sacrifices de mort à la pensée de l’œuvre, lors de Rome (P. Favre)3.
    – La mort à la Société de Marie, si pénible.
    – La mort à la réception de l’Archevêque de Paris, après treize jours d’agonie4.

     
    Je ne suis pas pour ces choses là - Pourtant Mgr D. Sibour était un homme très pieux. Et très soucieux. Il est le premier archevêque de Paris à avoir pris conscience du fait de la banlieue qui commence à entourer Paris avec le développement industriel. Et soucieux de la pastorale qui était celle de la paroisse à l’intérieur des murs et qui débordait à ce moment-là les murs de la capitale.


    – La mort au personnel quand, abandonné, tout seul.

     
    Son premier compagnon c’était un capitaine de vaisseau, le commandant de Cuers. Au début, c’était tellement difficile, qu’un beau jour le Père de Cuers l’a laissé, tout seul. Alors lui est allé au prie-Dieu et s’est mis à l’adorer. Et le Père de Cuers est revenu le lendemain.  


    – La mort à Paris, quand le Cardinal voulait nous renvoyer (sainte Thérèse)5.
    – La mort par les sujets.
    – La mort à Rome, lors du Décret6.
    – La mort la plus sensible (séparation du premier [compagnon])7.
    – La mort à l’estime des Évêques par Nemours8.

     
    La communauté des Servantes du Saint-Sacrement qui se termine lamentablement.


    – des miens par…
    – de moi par les plus pénibles épreuves depuis le… au…

    Et cependant la vie suit la mort. C’est la voie de la Société et la mienne.


    3 La rencontre à Chaintré le 22 avril 1856 avec le P. Favre, Supérieur général.

    4 La rencontre avec Mgr D. Sibour le 13 mai 1856.

    5 Le 15 octobre 1857, convocation du cardinal François Morlot qui lui demande les titres de l'approbation de l'institut.

    6 Au mois de mai 1863, à Rome où une accusation calomnieuse l'atteint.

    7 Le départ du P. de Cuers pour fonder son œuvre, en juin 1867.

    8 La fermeture de la communauté des Servantes de Nemours au mois de mai 1867.

     

    Voilà, le P. Eymard tel qu’en lui-même il se révèle. Et si nous prenions alors un peu plus loin, dans cette même retraite qui est très courte, nous verrions la profondeur de sa souffrance lorsqu’il évoque les difficultés, les épreuves qu’il connaît, qui nous laisse entrevoir combien il…
     

    Amour propre (…) 

    Il faut que l’amour de Jésus ait bien décru en moi, si j’en juge par l’état de ma vie : depuis deux [ans] et demi.

    - Jadis, mon esprit vivait de la vérité, du travail pour Jésus, des sacrifices pour sa gloire. Il était libre et fort, joyeux. La peine n'entrait pas dans son état intérieur. Et maintenant, il vit de ses peines en soi-même. Il souffre du prochain au fond de son être. C'est une tentation presque continuelle. L'amour-propre de l'esprit est froissé, est humilié, est dépité. Ce qui ne serait pas, si Jésus était sa vie. Donc…

    - Mon cœur est occupé, tenté, des consolations humaines, – et faible dans les témoignages d'estime et de dévouement. Il est trop faible quand sa vanité ou sa petite vertu est flattée.

    + x Ah! quand Jésus le remplissait, il n'avait même pas la pensée de dire ses peines. Rien ne transpirait sur ses traits. Il n'y avait de place que pour Jésus.

    Quand les épreuves venaient du dehors ou du dedans, un quart d'heure devant le très Saint Sacrement me fortifiait, me rassérénait. Et aujourd'hui, des heures me laissent le cœur brisé.

    Puis j'ai de la peine à me recueillir, à entrer dans l'intérieur des vérités, de Jésus, de moi. Je suis comme un malade qui ne sait parler que de ses douleurs ou de ses déceptions. Je suis dans le négatif.

    Aussi le sentiment intérieur est-il mort dans mes adorations. Mon âme est glacée. Jésus ne fait plus luire son bon soleil. Quel galérien je suis ! 

    (NR 45,11 – 4ème jour, 3ème méditation)


    Il va quand même retrouver une grâce, un peu plus loin, où il dira :


    Oh ! que j'aurais besoin de cette oraison de repos, aux pieds du Maître : 
    Venez à l'écart dans un lieu désert, et reposez-vous un peu [Mc 6,31] ; – de ce repos aux pieds de Jésus, repos qui aspire vers sa grâce, sa bonté, sa miséricorde – un regard d'amour.

    C'est le calme et la paix de tout soi-même, sommeil affectueux et réparateur.

    J'ai eu un petit moment ce repos.

    Oh ! que je désire l'autre oraison dont parle le Sauveur. Je la conduirai au désert, et je parlerai à son cœur [Os 2,16]. 

    (NR 45,14 – 5ème jour, 3ème méditation)

     

    [1] Citation reprise dans la biographie Saint Pierre-Julien Eymard - L’Apôtre de l’Eucharistie, André Guitton, éditions Nouvelle Cité, p. 110. L’épisode y est décrit de façon très complète.


    Lien aux Œuvres complètes en ligne de S. Pierre-Julien Eymard
    :
    http://www.msv3.org/Main.aspx?BASEID=EYM2014

    Bannière Chapelle Corpus Christi.jpgConférence donnée dans le cadre du Jubilé de S. P-J. Eymard que vous retrouverez à la page enrichie sur ce lien : Fraternité Eucharistique Corpus Christi #JubiléPJEymard2018

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  • Que le règne eucharistique du Christ arrive ! Conférence du P. Nicolas Buttet - SC Montmartre

    À l'occasion de la Nuit d'Adoration au Sacré-Cœur de Montmartre du 20-21 avril 2018 : Conférence du Père Nicolas Buttet, fondateur de la Fraternité Eucharistein — du samedi 21 avril 2018 — invité par Gino Testa du Groupe de prière Padre Pio de Paris — à la suite de celle (Le 'chant' de st P-J. Eymard) du Père André Guitton, sss (Congrégation du Saint-Sacrement), biographe de st Pierre-Julien Eymard, de la communauté des Pères du Saint-Sacrement, Chapelle Corpus Christi - 23 av. de Friedland - Paris 8.
    En voici la 'vidéo'-audio enregistrée par les soins des Bénédictines du Sacré-Cœur de Montmartre.

     

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Il est bien là, ouvert sur la Croix, toute la dévotion se trouve là, il y a des textes merveilleux, comme ça… Mais finalement c'est au XIIème XIIIème siècle avec sainte Gertrude d’Helfta, sainte Metchilde de Hackeborn, sainte Metchilde de Magdebourg, Hildegarde de Bingen, où tout d’un coup le Sacré Cœur prend une première… Il y a une scène très belle où Hildegarde de Bingen voit le Sacré Cœur de Jésus, repose sur le Sacré Cœur de Jésus, et elle voit saint Jean. Et elle dit à saint Jean : « Tu es un petit cachotier ! Je suis sûre que quand tu as posé ta tête sur le Sacré Cœur de Jésus tu as dû sentir l’amour fou qu’il y avait dans son Cœur, et tu ne nous as rien dit ! Tu es un petit cachotier ! » Alors, saint Jean lui dit : « Effectivement, j’ai senti cet amour fou dans le Cœur de Jésus, mais Dieu m’a confié la mission d’annoncer le Verbe fait chair. Quant aux secrets insondables de son Cœur, ils sont réservés aux temps où la charité se refroidira sur la terre. » Et donc, ça va être Marguerite-Marie Alacoque, qui va recevoir cette dévotion au Sacré Cœur. Et puis on va voir que cette dévotion va se concentrer, se cristalliser, s’incarner, si j'ose dire, autour du Christ Eucharistique. Puisque c’est le Cœur Eucharistique de Jésus qui va être la grande dévotion de la fi du XIXème siècle mais un peu brève, malgré tout. Et saint Pierre-Julien Eymard fait partie, avec tous ses amis, avec Émilie Tamisier, avec le Père Antoine Chevrier, avec le Curé d’Ars… Ils étaient tous copains, c’est incroyable, il y avait une collection de saints qui se côtoyaient et qui priaient ensemble qui était absolument extraordinaire, hein ! C’était les potes de Jésus qui s’étaient rassemblés et ils voulaient annoncer. Ça, c’est important, c’est une belle leçon, parce que dans des moments de tiédeur et de froideur, Dieu veut vraiment rassembler ses amis pour nous donner le feu et nous donner la grâce d’évangéliser. Et puis tout d’un coup, on va voir que quand on va plus profondément dans ce Cœur de Jésus, on a la Miséricorde et c’est sainte Faustine. Finalement, toute la révélation de sainte Faustine se joue autour de Jésus Eucharistie. Et je vous disais, hier soir, cette phrase qui me touche beaucoup : « Dis bien au monde entier qu’il n’y aura pas de paix sur la terre si l’on ne vient pas à ma Miséricorde. Et le trône de ma Miséricorde c’est le Saint Sacrement. » Donc : « Dis bien au monde entier qu’il n’y aura pas de paix si l’on ne vient pas au Saint Sacrement. » Et donc, les prophéties du Père Pierre-Julien Eymard sur la conversion de la France, de l’Europe, sur la nécessité absolue de l’adoration, sur la grâce de l’adoration pour transformer le monde qui est pris dans la tiédeur et dont les âmes se croient ferventes et qu’elles ne le sont pas, parce qu’elles n’ont pas établi leur trône en Jésus Eucharistie… eh bien !, c’est vraiment maintenant que ce temps est là. Il nous est donné maintenant. Et avec cette Miséricorde qui jaillit du Cœur de Jésus. Et pour moi, cette prophétie de Faustine et cette prophétie de saint Pierre-Julien Eymard, est aussi importante que celle de Fatima, voyez-vous. Quand Marie dit, en 1917, que si on ne va pas se convertir, une guerre plus grave encore éclatera sous le pontificat de Pie XI… On est encore à l’époque du pape Benoît XV, Pie XII arrivera en 1922 sur le siège de Pierre, il mourra en 1938 et c’est vrai que la guerre éclate sous le pontificat de Pie XI, juste avant son décès. Marie annonce cela en 1917, et donc, à part Marie et le Ciel, personne ne peut savoir le nom du prochain pape, et elle l’annonce clairement, avec un signe aussi cosmique, qui aura lieu au début de l’année 1938, une lueur dans le ciel qui se verra de manière assez extraordinaire dans le monde, un peu partout. Parce qu’on n’aura pas écouté Marie, on aura cette tragédie, voyez-vous. Toute prophétie est conditionnelle, soumise à la liberté des hommes. Ninive se convertit, l’Europe ne se convertit pas. Voilà. Et aujourd’hui, le pape François a beaucoup insisté sur le lien entre Fatima et Akita, et donc, c’est quelque chose d’assez important, ce lien entre Fatima et Akita. Notre-Dame d’Akita a été reconnu par l’Église en 1984 et 1988 par le cardinal Ratzinger à Rome, c’est chez les Servantes Eucharistique du Sacré-Cœur, en montrant qu’il faut prier Jésus Eucharistie. Donc, au cœur du renouveau du monde, au cœur du renouveau de notre vie personnelle, au cœur de la guérison du monde, il y a Jésus Eucharistie. Il fallait être fou de la part de Jésus, de se rendre présent dans cette vulnérabilité-là, vous voyez… Bien sûr, c’est Dieu transcendant qui est là, mais c’est le bébé de Marie, c’est le vrai corps que Marie a porté dans ses bras, c’est ce Jésus qu’elle a touché, qu’elle a caressé, qu’elle a pris, et Joseph, et le vieillard Siméon : « Oh qu’il est chou ce petit bébé ! » Et c’est l’émerveillement des bergers à la crèche, voyez-vous… C’est ça ! l’Eucharistie. Alors on a tellement pris de la distance avec l’Eucharistie… On ne dérangeait pas le ‘Divin Prisonnier’. « Interdiction… » Un prêtre a écrit à son évêque : « Interdiction de déranger le Divin Prisonnier. » À un moment donné on interdisait de le toucher avec les dents. Or, comme je l’ai dit hier, le mot ‘trogein’ en grec, c’est ‘broyer avec les dents en faisant du bruit’. Et on est arrivé à dire que c’est un péché mortel de toucher avec les dents l’Eucharistie. Mais comment a-t-on pu vouloir tenir à distance ce Dieu qui se fait si proche, jusqu’à se faire manger et « descendre dans les latrines de notre corps »[1]  ? (suite à retranscrire…)       

     

    [1] Voici le texte de Benoît XVI, citant S. Bonaventure : « Laissons-nous remplir à nouveau de cette joie : Où y a-t-il un peuple à qui Dieu est aussi proche que notre Dieu est proche de nous ? Si proche qu'il est l'un de nous, au point de nous toucher de l'intérieur. Oui, d'entrer en moi dans la Sainte Eucharistie. Une pensée qui peut être déconcertante. Sur ce processus, saint Bonaventure a utilisé, une seule fois, dans ses prières de Communion, une formulation qui secoue, qui effraie presque. Il a dit : "Mon Seigneur, comment a-t-il pu te venir à l'esprit d'entrer dans les latrines sales de mon corps ?". Oui, Il entre dans notre misère, il le fait avec conscience et il le fait pour nous pénétrer, pour nous nettoyer et pour nous renouveler, afin que, grâce à nous, en nous, la vérité soit dans le monde et le salut se réalise. »

     

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    P. Nicolas Buttet
    Fondateur de la Fraternité Eucharistein

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  • L'adoration eucharistique assume toute ma chair et ma psychologie pour la tourner vers Dieu

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurL’Eucharistie et la guérison

    Enseignement par le Père Nicolas Buttet, fondateur de la Fraternité Eucharistein,  pendant le Congrès sur l'Adoration Eucharistique, Adoratio 2017, avec pour thème "Adorer au Cœur du Monde".

     

     

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurPremière réflexions introductives. D’abord, on a beaucoup de confusion entre la santé et le salut. Finalement ce que nous désirons profondément c’est être sauvés, c’est la vie éternelle. Et puis, on a reporté aujourd’hui, un petit peu, sur la santé la quête de vie éternelle. Il y a une sorte d’obsession de la santé et une sorte de désaffection pour l’idée du salut, de la rédemption, de la vie éternelle, de sorte que, finalement, on estime plus important parfois la santé que le salut. Il ne faut pas opposer l’un à l’autre. Dans le livre des Chroniques on nous dit que Asa eut les pieds malades, une maladie très grave, et même alors il n’a pas recourt dans sa maladie au Seigneur, mais aux médecins seulement. Il ne va pas chez le Seigneur, il est malade, ça ne va pas bien du tout et il ne va pas chez le Seigneur. C’est quand même terrible. Et puis, inversement, dans l’Évangile de saint Marc, on nous parle de cette femme atteinte d’hémorragies et elle avait beaucoup souffert de nombreux médecins et elle avait dépensé tout son avoir sans aucun profit, même que ça allait pire après, qu’avant. Elle va vers Jésus et elle va être guérie. Alors, pour la petite histoire, saint Luc ne parle pas qu’elle avait souffert des médecins. Comme il était toubib lui-même, il ne voulait pas d’ennui avec la profession, il dit juste que c’était compliqué pour elle. Donc, on se rend compte que, tout d’un coup, on a une frontière un peu particulière et saint Augustin nous dira : « Quelques fois le médecin se trompe en promettant au malade la santé du corps. Dieu te donne, à toi qu’il a fait, une guérison certaine et gratuite. Le Christ est à la fois le médecin des corps et des âmes. Dieu guérit parfaitement toute maladie, mais Il ne guérit pas sans le malade. » Première remarque dans cette relation santé/salut qu’il s’agit de bien intégrer.

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurDeuxième remarque : Est-ce que le malade doit être guérit dans la Bible ? Comme être vivant ou mort, ce n’est pas tout à fait ce qu’on croit. Évidemment la frontière ne passe pas entre une santé physique ou psychique et une maladie physique ou psychique. Elle passe entre être avec Dieu ou être sans Dieu. Quand quelqu’un est avec Dieu, même s’il est malade il est en bonne santé, quelque part. Quand quelqu’un est mort avec Dieu, Dieu lui parle. Á Lazare, vous imaginez !, le frère de Marie-Madeleine. Ça fait quatre jours qu’il est au tombeau, ça sent déjà mauvais et Jésus lui dit : « Sors ! ». On ne parle pas aux morts ! Alors que, à Hérode qui vient lui poser des questions à sa Passion, il ne répond pas parce qu’il est déjà mort dans le cœur. Il y a des vivants qui sont morts, il y a des morts qui sont vivants. Et finalement la frontière n’est pas tout à fait là où on pense qu’elle est. Finalement, au cœur de tout ça, c’est la présence de Jésus. Quand Mère Teresa était malade à l’hôpital, pour une nouvelle crise cardiaque qu’elle venait de faire, le médecin hindou dit au prêtre qui était à côté de Mère Teresa : « Père, allez vite chercher la petite boîte ! ». Le prêtre dit : « La boîte de médicaments ? Quel médicament ? Quelle boîte ? ». « Mais non ! La petite boîte qu’ils apportent et qu’ils mettent dans sa chambre. Quand la boîte est là, Mère Teresa la regarde tout le temps. Si vous la mettez, l’apportez dans sa chambre, elle sera toute calme. » Le prêtre a compris qu’il s’agissait du Tabernacle, la Présence réelle. Et le médecin rajoute : « Quand cette boîte est là dans sa chambre elle ne fait que regarder, regarder, regarder encore cette boîte. » Et donc Mère Teresa avait la grâce d’avoir la Présence réelle dans sa chambre d’hôpital. Et quelque fois Dieu a des manières assez surprenantes de nous voir. Je prends un exemple : Dans les Actes des Apôtres vous savez qu’il y a cet eunuque éthiopien, premier ministre de la reine d’Éthiopie qui retourne chez lui depuis Jérusalem et qui est en train de lire, seul. Alors, il faut s’imaginer ce qu’est un eunuque. C’est une personne qui ne peut plus avoir d’enfant. Dans la tradition antique la postérité était capitale. C’était une façon d’exister socialement. C’est la seule façon d’exister. C’est une sorte de malédiction de ne pas avoir de descendance. Il avait tout le pouvoir politique qu’il voulait. Il avait la reconnaissance de la reine et des gens qui s’inclinent et lui font des courbettes. Mais fondamentalement son être humain est complètement atrophié et sa suite n’est pas là. Il est en train de lire un texte un peu particulier quand Philippe le rattrape. Ce texte que l’on retrouve dans les Actes des Apôtres et qui est une citation du prophète Isaïe : « Dans son humiliation,  ̶ c’est le même mot qui est utilisé en grec pour parler de l’humiliation de Marie : « Il a baissé les yeux sur l’humiliation de sa servante » ­­ ̶  son jugement a été levé et sa postérité, qui en parlera ? ». Donc, il a un texte où lon parle de la postérité. Le type est seul sur son char, il va faire des jours de voyage, et Dieu vient mettre le doigt en plein où il a mal. Ta postérité, qui est-ce qui va en parler, un jour ? Non Seigneur, on ne veut pas de ça, pas de ça ! Ma postérité, c’est mon drame secret. C’est mon infirmité. C’est la question qui me travaille en permanence et quand je suis seul en silence, c’est ça qui me fait mal. « Ta postérité, qui en parlera ? » Et Dieu dit : c’est justement là que je vais te rejoindre. C’est dans cette question-là. Dans cette souffrance-là. Dans ce drame de ta vie. Dans ce qui fait, finalement, la vraie question de ton existence. Tu n’auras pas de postérité. Ton pouvoir c’est bien, ton avoir c’est bien, tout ça c’est bien, mais il y a une chose à côté de laquelle tu es en train de passer. Et Dieu lui dit ça et met le doigt en plein où ça fait mal, pour lui dire c’est là que je te rejoins et c’est là que je vais t’apporter la guérison. Et la guérison ce n’est pas qu’il aura une postérité. La guérison c’est qu’il va être investi par la grâce de Dieu en raison même de cette fêlure et c’est là qu’il va recevoir le baptême que Philippe va lui donner. Vous voyez, quelque part Dieu vient nous rejoindre, et c’est ça l’adoration eucharistique, on en reparlera tout à l’heure…

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurTroisième remarque : Je crois que l’adoration répond aussi à ce grand appel de Jésus : « Venez à moi vous tous qui peinez et ployez sous le poids du fardeau je vous soulagerai. Mettez-vous à mon école, prenez mon joug, apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur et vous trouverez le soulagement. Oui, mon joug est aisé et mon fardeau léger. » Qu’est-ce que le joug dans la tradition antique et aujourd’hui encore d’ailleurs ? Le joug c’est ce qui permet d’unir deux animaux afin de labourer plus facilement le champ. Le joug n’est pas un fardeau qui pèse, le joug est un moyen d’alléger le travail, de rendre plus facile le travail. Si un bœuf laboure seul le champ, c’est difficile, s’ils sont deux, avec le copain à côté, le pote, avec le joug qui les unit, c’est plus facile. Le joug est une façon d’alléger l’épreuve et la souffrance. Jésus nous invite à venir nous unir et ce joug c’est l’Esprit Saint que Jésus nous donne en permanence au Saint Sacrement. Á sainte Gertrude d’Helphta Jésus disait : « Là, dans l’Eucharistie, dans la généreuse bonté de mon cœur, je guéris les blessures de tous les hommes, je procure le soulagement aux pécheurs, j’enrichis la pauvreté par les dons et les vertus, et je console chacun dans ses épreuves. » Il y a dans cette expérience que là, devant Jésus, je vais pouvoir trouver la guérison. Là, devant Jésus, je vais pouvoir venir déposer mon fardeau pour prendre son joug, c’est-à-dire avoir son secours et son aide qui, joints à ma propre responsabilité, mon propre effort, va me permettre de sortir de cette épreuve dans laquelle je suis plongé. D’être là avec ce cri : « Toi seul, Seigneur, peut me sauver ! » Saint Pierre dira : « Lui-même a porté nos péchés dans son corps, sur le bois, afin que morts à nos péchés nous vivions pour la justice. Par ses blessures nous trouvons la guérison. » Et ce corps du Christ vivant ressuscité mais stigmatisé, on pourrait dire, dans l’humilité de la présence sous l’apparence du pain, est un lieu permanent de perfusion de l’Esprit Saint et de perfusion de la vie divine par nos propres fêlures qui passent par ses propres fêlures à Lui.

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurUn dernier point, quand même : Guérir ou soigner ? Un médecin ne peut pas guérir, il ne peut que soigner. Tout thérapeute ne peut que soigner. Il ne peut pas guérir. La guérison est un processus propre du corps, un processus qui ne peut revenir qu’à Dieu seul, quelque part. On peut faire en sorte que le corps aille mieux par une certaine thérapie, mais le processus de guérison est impossible. Il se fait par la dynamique propre de la vie qui m’habite. Dieu seul est capable de guérir. Un médecin peut soigner. Un thérapeute peut soigner. Mais Dieu seul peut guérir. Il n’y a pas de guérison en dehors de Dieu. On peut soigner, on peut « care » disent les anglais, on peut prendre soin, mais on ne peut pas guérir fondamentalement, puisque le processus de guérison ne dépend pas des médicaments ou de la thérapie, il dépend du processus propre, de dynamiques soit du corps, soit de la psychologie de la personne. Tous les thérapeutes en psychologie, en psychiatrie, savent bien que finalement s’il n’y a pas une collaboration de la personne, un oui de la personne, il n’y a pas de processus de guérison possible. Ultimement, c’est cet acquiescement de la personne qui va amener à ça.

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurDéjà les juifs avaient compris que tout ce mystère se jouait autour du pain, puisqu’il y avait un pain particulier, un pain azyme, la matsa shemoura, qui était un pain extrêmement important. « Matsa » c’est le pain azyme, « shemoura » veut dire surveiller. On surveillait attentivement toute la fabrication et toute la cuisson et puis là, autour… Ce pain était servi dans le remake, ou l’after de Pâque et on dit que c’était le pain de la foi et de la guérison. Déjà dans la tradition juive on avait l’idée qu’autour du pain de la foi se jouait la guérison.

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurDonc Jésus est présent, Jésus est là, il est présent partout, c’est sûr… Un jour on demandait à une classe d’enfants : « Où est Jésus ? » « - Dans mon cœur ! » Un autre dit : « Á l’église, au Tabernacle ! » « - Oui, très bien ! » « - Au milieu de nous, quand deux ou trois sont réunis en son nom ! » « Très bien ! » « - Moi monsieur, moi monsieur, j’sais ! » « - Il est où ? » « - Á la salle de bain ! » « - Á la salle de bain ! ?? Pourquoi tu dis ça ? » « Ben, chaque matin quand maman fait sa toilette et que papa est devant la porte il tape, il tape et il dit : « Bon Dieu ! T’es encore là ! ». Non, Dieu n’est pas étranger à nos vies, mais il y a un lieu dans lequel Il veut être, corporellement présent et c’est ça qui change tout, corporellement présent, c’est au Saint Sacrement. Il est là réellement, spirituellement et corporellement. Charnellement présent, réellement présent.

    Alors, j’aimerais voir quatre aspects, rapidement. Le premier aspect est un aspect plus théologique : Comment l’Eucharistie devient un lieu de guérison. Deuxièmement un aspect plus anthropologique, humain : Comment l’Eucharistie est un lieu de guérison très personnel, très concret. Troisièmement : Comment l’Eucharistie peut être une guérison politique, économique, cosmique, si j’ose dire. Et dernièrement : Comment l’Eucharistie est déjà une préfiguration de la guérison ultime qu’est la parousie, la venue en gloire du Christ.     

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurLe premier point. Comment l’adoration eucharistique est au cœur du drame de l’humanité. Le drame de l’humanité c’est le péché. La folie d’amour de Dieu c’est la création, c’est la rédemption qui va s’en suivre, bien sûr, mais le drame, c’est le péché. Et le péché, nous dit saint Thomas d’Aquin, c’est se détourner de Dieu pour se tourner vers la créature. C’est ce mouvement fou de l’homme qui préfère la créature au Créateur. Ou qui n’aime pas les créatures sous le regard du Créateur. Parce qu’il ne s’agit pas de rejeter la créature mais de voir les créatures en tant que don du Créateur et de voir le Créateur toujours là en premier. Comme dit le vieux proverbe chinois : « Quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt. » Ou alors, dans une classe, on demande : Mais d’où vient le lait ? Et un enfant dit du berlingot, de la brique. Oui, c’est vrai, mais il y a peut-être une vache derrière… Donc, nous sommes un peu bloqués sur les créatures sans voir qu’il y a un Créateur derrière. Alors, l’adoration va se mettre là : quand nous nous mettons en adoration, nous proclamons la source, nous proclamons Dieu. Nous renversons ce mouvement du péché qui est de préférer la créature au Créateur pour dire que je préfère le Créateur et le Rédempteur à la créature. Je viens affirmer de manière profonde et forte que le Créateur est au cœur de ma vie, de mon existence. Le péché me replie sur moi-même, l’adoration, disait le pape Benoît XVI, est une extase, une sortie de soi, là où les yeux m’amènent. Il y a un grand guide de montagne, René Desmaison, qui répondait à pourquoi vous êtes monté sur des montagnes, à faire des choses folles ? Il disait : « Je voulais marcher là où mes yeux me portaient. » Je voulais poser mes pieds là où mes yeux m’avaient attiré. Eh bien, voyez-vous, l’adoration, c’est ça : je regarde Jésus. Et je veux être là où est celui que je contemple. Je suis en extase de moi-même qui me met en exode de moi-même. Benoît XVI va dire : « L’extase initiale se traduit dans un pèlerinage, un exode permanent allant du je enfermé sur lui-même vers sa libération dans le don de soi. Et précisément ainsi vers la découverte de soi, plus encore, vers la découverte de Dieu. » Donc de l’exode à l’extase. Et de l’extase à l’exode. Je sors de moi, je suis en sortie de moi vers ce Dieu. Ça c’est le renversement du mouvement du péché. Le péché. Le péché me replie sur moi-même, me replie sur mon ego, m’enferme en moi-même dans l’enfermement,  ̶  et dans enfermement il y a lenfer aussi, vous voyez, une fermeture totale. Ça cest le drame qui peut sexprimer de manière spirituelle, de manière psychique, psychologique, de manière égoïste, pécamineuse, sans souci de l’autre et Dieu va briser ce mouvement pour me mettre hors de moi. Le pape François disait : « C’est dans le don de soi, dans le fait de sortir de soi-même que se trouve la véritable joie et que par l’amour de Dieu, le Christ, lui, a vaincu le mal. » Même des gens comme Boris Cyrulnik, psychiatre athée, d’origine juive, qui dit, mais écoutez : « La seule guérison possible dans les grands traumatismes c’est de sortir de soi et de regarder à l’extérieur. » Ce que le bon sens a compris, l’Eucharistie nous permet de le vivre, l’adoration eucharistique nous permet de le vivre. Sortir dans un exode qui nous tourne vers le Rédempteur qui est là, qui lui-même nous envoie vers les plaies de nos frères et sœurs. Un petit enfant disait un jour : « Cher Dieu, ça doit être difficile pour toi d’aimer toutes les personnes du monde. Il n’y en a que quatre dans notre famille et je n’y arrive jamais ! » Dieu nous amène à partir de cette extase vers Lui dans un exode et de l’exode vers Lui, un mouvement, se mettre en route, sortir de ma terre pour aller vers la terre de Dieu, sa terre charnelle qui est Présence au Saint Sacrement, et de là, aller vers la chair de mes frères et sœurs souffrants pour semer cet amour que Lui-même me donne.

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurDeuxième aspect important, théologique : Vous savez que l’on dit que l’Eucharistie est la prolongation de l’action de grâce pour la communion et la préparation dans le désir de la communion suivante. Ce qui est vrai théologiquement. Mais Benoît XVI avait souligné un aspect très important. Il disait déjà que, d’un point de vue naturel, l’homme est appelé à vivre dans la justice, qui est une vertu, et la justice consiste à rendre à chacun ce qui lui est dû. Or, il y a un premier élément constitutif de la vertu de justice, qui s’appelle la vertu de religion. D’un point de vue philosophique les grecs en ont parlé quatre siècles avant Jésus-Christ, soit cinq siècles, même, qui consiste à rendre à Dieu un culte d’adoration, d’action de grâce et de louange car il est la source de tout bien et à cette hauteur de tous les biens, on va lui rendre l’adoration, l’action de grâce et la louange qui lui est due. Eh bien voyez-vous, l’adoration eucharistique permet de remplir ce devoir fondamental de l’être humain à l’égard de son Dieu Créateur, de lui rendre ce qui lui est dû : l’adoration, la louange et l’action de grâce. De sorte que Benoît XVI pouvait même dire que, quelque part, avant même, du point de vue non pas de l’ordre chronologique, où l’Eucharistie, la messe, précède l’adoration, mais du point de vue de l’excellence, l’adoration précède encore tout. Et l’adoration est l’accomplissement du devoir premier du cœur de l’homme, en justice. Et je crois que c’est important de revenir à cela.

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurSaint Augustin disait que « personne ne mange cette chair sans auparavant l’avoir adorée. Nous pécherions si nous ne l’adorions pas. » Alors lui il l’entendait de manière très concrète puisqu’on communiait dans la main. On va recevoir le corps du Christ, on va L’adorer avant de Le porter à sa bouche. C’est ce que disait saint Augustin dans cette façon de faire. Mais profondément, cite Benoît XVI, il va faire précéder dans l’ordre de l’excellence l’adoration par rapport au reste pour montrer que c’est le premier devoir de l’être humain, en justice, que de dire : « Mais Dieu, Tu es mon Seigneur et mon Tout ! » Et donc de s’amener vers la gratitude et l’action de grâce, de dire merci. De dire merci à Dieu. C’est le mot efcharisto. Eucharistie ça veut dire merci. C’est l’attitude de l’homme qui dit merci, tout bien vient de Toi. L’ingratitude, l’acharistia en grec, est une catastrophe. Et l’eucharistia est le chemin de la délivrance. Même psychologiquement, aussi aujourd’hui. On se rend compte que la chose la plus importante pour vivre, dans la psychologie positive, c’est de dire merci, d’être dans l’action de grâce. Ceux qui rouspètent tout le temps, ceux qui marmonnent tout le temps, ceux qui sont dans la plainte tout le temps, dans le murmure, eh bien, c’est une tragédie. Le peuple hébreu quand il a commencé à murmurer, plutôt que de traverser le désert en quarante jours a mis quarante ans. Ce n’est pas très agréable, ça fait un peu plus long, vous voyez. Refusant l’eucharistie, ils sont enfermés dans l’acharistia et donc se sont retrouvés dans cette tragédie du murmure perpétuel. Eh bien, l’adoration eucharistique nous sort et nous disons : « Merci à toi Jésus, Gloire à Toi, Gloire à Toi ! » Donc, de sorte qu’à l’adoration on ne commence pas par soi mais on commence par le Christ : Ô Jésus, Toi, Toi, Toi… Vous voyez, ce mouvement de sortie de soi. Il y a un très beau conte soufi de la tradition mystique musulmane : c’est un fiancé qui rentre d’un long voyage et il se réjouit de rencontrer sa fiancée. Il frappe à la porte et la voix aimée à l’intérieur dit : « Mais qui est-ce ? » Il dit : « C’est moi, je suis ton fiancé, ça y est, je suis revenu ! C’est moi ! » La porte ne s’ouvre pas. Il se dit : « Mais ce n’est pas possible ! Elle n’a pas pu m’oublier, elle n’a pas pu m’abandonner… » Alors, il va dans le désert, il prie, il réfléchit, il jeûne. Il revient quelques jours plus tard, il frappe à la porte. La même voix aimée, dedans, dit : « Qui est-ce ? » Il dit : « C’est moi, je suis ton bien-aimé, je suis ton fiancé, je suis revenu du long voyage. Ouvre-moi ! » Et la porte ne s’ouvre pas. Alors il repart dans le désert, il prie, il jeûne, il réfléchit et il revient. Une troisième fois il frappe à la porte. La même voix aimée : « Mais qui est-ce ? » Á ce moment-là il va dire : « C’est toi, ma bien-aimée, c’est toi ! » Et la porte s’ouvre. Vous voyez, l’adoration eucharistique nous fait passer du moi à toi. Un philosophe juif et poète à sa manière, Martin Buber, a fait un poème extraordinaire. Du, qui veut dire en allemand toi. En haut Toi, en bas Toi, à gauche Toi, au-dessus Toi, dans le malheur Toi, dans la joie Toi, Toi, Toi, Toi, rien que Toi, uniquement Toi.  Eh bien l’adoration c’est ça, voyez-vous… Je passe du je au Toi.

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurPeut-être un autre point très important dans l’adoration eucharistique, que j’aimerais soulever… Saint Thomas d’Aquin nous dit qu’il y a deux drames qui rongent le cœur de l’homme. C’est la présomption et le désespoir. La présomption c’est croire qu’on peut faire par nous-même les choses. Et le désespoir, c’est se retrouver dans cette pauvreté, cette vulnérabilité où on ne sait plus où donner de la tête, jusqu’à la dépression. Et saint Thomas d’Aquin dit que la présomption et le désespoir sont les deux péchés contre la vertu d’espérance. Ah, c’est intéressant, la vertu d’espérance ! Et l’espérance, dit-il, se nourrit de la prière. Et la prière en particulier du Notre Père qui es au cieux. Or, saint Paul nous dit que personne ne peut dire Abba, Père, sans la puissance de l’Esprit Saint. Or, il se trouve une chose incroyable : l’Eucharistie est justement le lieu de la pentecôte perpétuelle. Saint Jean Chrysostome, un père de l’Église, disait que, à l’origine, la Pentecôte n’était pas qu’un fait initial, c’était un mouvement qui avait été inauguré une fois et que Dieu ne cessait pas de donner l’Esprit Saint, et que l’Esprit Saint est un jaillissement permanent du Cœur eucharistique de Jésus. Il y a deux Pentecôte, on les connaît tous : celle de saint Luc dans les Actes des Apôtres cinquante jours après Pâque, où une flamme arrive, où l’Esprit Saint arrive, de grands signes et de grands phénomènes, avec les flammes sur la tête des apôtres. Ils sortent, Pierre fait un sermon et trois mille conversions. Un ami prêtre m’a dit un jour : « Tu te rends compte ! Un sermon, trois mille conversions ! Moi, trois mille sermons et pas une conversion ! » Je dis : « Non… Le Seigneur travaille quand même, pas de souci ! » Voilà. Et il y a une Pentecôte dont on parle moins, c’est la Pentecôte de saint Jean. Saint Jean ne situe pas la Pentecôte de la même manière que saint Luc, mais pour Jean la Pentecôte est immédiatement à la Croix. Au dernier jour de la fête de Soukkot, la fête des Tentes, où le peuple juif vivait sous des tentes en dehors de leur maison, rappelant le séjour au désert, le dernier jour il y avait un rite particulier où le grand prêtre descendait à la fontaine de Siloé, qui était la seule fontaine jaillissante d’eau vie à Jérusalem. Le reste c’était des puits. Il allait chercher l’eau vive, l’amenait sur l’autel du Temple pour verser l’eau en offrande. Et à ce moment-là, dans une acclamation,  ̶  le commentaire du Talmud dit qui n’a pas vu la joie de la fête de l’eau qui clôt la fête des Tentes ne peut pas connaître la joie. C’était l’apothéose de la joie.  Et Jésus crie à ce moment-là : « Si quelqu’un a soif qu’il vienne à moi, car il est écrit de son sein jaillira l’eau vive. Il parlait de l’Esprit Saint qui jaillirait de son côté, à sa glorification », c’est-à-dire au moment de la Pâque. Donc, pour saint Jean le Cœur ouvert du Christ est la Pentecôte. Or, le Cœur du Christ ne cesse de palpiter au Saint Sacrement. Et l’Esprit Saint ne cesse d’être donné. De sorte que, en l’adoration eucharistique, Dieu vient me libérer de la présomption et du désespoir. Qui suis-je pour, pardonnez-moi l’expression un peu directe, me la péter devant le Bon Dieu, au Saint Sacrement ? Qui suis-je pour avoir quelque sentiment d’orgueil devant Jésus au Saint Sacrement ? Lui, le Tout-puissant s’est fait dans une telle vulnérabilité, sous l’apparence d’un bout de pain inerte, et c’est Dieu qui est là. Et en même temps qui suis-je pour désespérer, puisque la grâce m’est donnée. Puisqu’Il s’est revêtu de mon humanité, Il a pris l’humilité de descendre et vient aux tréfonds me rechercher et m’empoigner. On a accueilli une fille chez nous qui avait fait cinq tentatives de suicides, des violences extrêmes, la drogue depuis douze ans, son copain était un dealer qui s’est fait assassiné, dans la rue comme ça… Enfin voilà, c’était vraiment un truc incroyable. Et quand elle a débarqué chez nous, elle était en hôpital psychiatrique juste avant. Elle avait fracassé l’infirmière qui était venue lui faire une piqûre de calmants, du coup l’infirmière avait dû être hospitalisée pour coups et blessures. Elle avait quinze ans, on ne savait plus que faire d’elle. Alors on l’a amenée chez nous. Un jour elle a pété les plombs, c’était horrible. Et puis elle me dit : « J’me casse ! » J’dis : « Écoute, de toute façon il n’y a plus personne qui peut te supporter ici, donc… Mais avant, on cause. » Et puis elle me dit : « J’ai pas envie de parler avec toi, tu dégages, connard ! »  Très bien. Alors j’dis : « Mais on cause. » Alors je la poursuis, j’arrive à la chambre, elle m’envoie la porte à la figure, je bloque la porte. Je dis : « Écoute, j’ai dit qu’on causait ! » Elle me dit : « T’as pas l’droit de rentrer ici ! » J’dis : « Écoute, c’est ni chez toi, ni chez moi, c’est chez le Bon Dieu, donc on est chez le Bon Dieu tous les deux. » Elle commence à faire sa valise. Á ce moment-là je ferme la valise, je m’assieds dessus, j’dis : « J’t’ai dit qu’on causait avant que tu te casses, quoi ! » Et là, elle vient vers moi avec le poing comme ça, vous savez… Alors j’enlève vite mes lunettes parce que j’me dis qu’il vaut mieux un œil au beurre noir qu’un œil crevé. Et elle s’arrête à ça de moi avec le poing ! J’étais très content, d’ailleurs. Et elle me dit : « Mais pourquoi je suis comme ça, Nicolas ? » « Ah !, j’dis, ça c’est une très bonne question, assied-toi. » On a passé un long moment à discuter, et puis à la fin, elle me dit : « J’fais quoi, maintenant ? » « Si tu veux t’casser, tu veux t’casser… Á moins que tu aies une autre idée, maintenant. » « Tu veux que j’aille où ? » J’dis : « J’suis tout à fait d’accord avec toi, à part la rue, tu n’as rien. » Elle me dit : « Tu m’gardes encore ici ? » J’dis : « Ouais ! Mais à une condition. C’est que quand tu pètes les plombs, tu vas à la chapelle. » Elle me dit : « Non ! mais moi je n’y crois pas à ton machin de Jésus, avec ton machin blanc, là ! J’y crois rien ! » J’dis : « C’est pas ça que je t’ai dit. Je t’ai dit : Il n’y en a qu’un seul qui te supporte ici, c’est Jésus. Et la chapelle est insonorisée. Et il n’y a personne qui te supporte, par ailleurs. Donc, quand tu as envie de péter les plombs, tu vas chez Jésus péter les plombs. D’abord on n’entend pas, ensuite c’est Lui qui te supportera. » Et elle faisait ça très gentiment d’ailleurs, par obéissance. Et un jour, elle sortait de la chapelle, je la vois arriver. Je passais juste devant la chapelle à ce moment-là, c’est vraiment providentiel et elle me dit : « Aïe ! Aïe ! Nicolas ! » J’dis : « Quoi ? » « - Le cœur !... » J’dis : « Saute dans la voiture, on part à l’hôpital tout de suite ! » Je me suis dit, avec toutes les substances qu’elle a prises, le cœur est en train de… Elle dit : « Non, c’est pas ça, c’est l’amour de Jésus ! » « Ah, j’dis, c’est bon ! » Elle me dit : « Tu vois, j’ai dit à Jésus : Tu as une heure, montre suisse en main, tu as une heure pour me dire si tu existes ou pas. Soit tu existes et tu fais quelque chose, soit, s’il n’y a pas de réponse, je vais me suicider. Peut-être, si tu existes, on se retrouvera de l’autre côté. Mais moi je ne supporte plus la vie comme ça. » Elle s’est mise à genoux, une heure montre en main. Après une heure, elle s’est levée et elle a dit : « Tu n’m’as rien dit. Peut-être qu’on se reverra de l’autre côté, si tu existes. » Et à ce moment-là elle me dit : « Je ne sais pas ce qui s’est passé Nicolas, j’ai senti mon cœur brûler, je me suis effondrée au pied du… Elle était à ça de Jésus ! Á ça de l’ostensoir, au bord de l’autel, comme ça ! Elle a dit : « J’l’ai pas quitté des yeux, hein ! J’te lâche pas ! J’te lâche pas les baskets ! » Elle m’a dit : «  J’me suis effondrée là, je sors maintenant de la chapelle. Il m’a dit qu’Il existait et qu’Il m’aimait. » Elle avait des médocs à n’en plus finir. On a fait le pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle. Elle a fait un chemin comme ça. Bref, elle a fait son Bac, elle a terminé son Master en Sciences Po, croyante et tout… Avec cette expérience du Christ qui vient sauver, qui vient regarder. Tout d’un coup, entre la présomption et le désespoir, il y a le cœur de l’enfant de Dieu qui nous est restitué par l’effusion de l’Esprit Saint jaillissant du Cœur eucharistique du Christ. De sorte qu’il y a cette Pentecôte permanente qui est là, et qui fait que tout d’un coup je peux venir à ce Cœur miséricordieux.

    Á sainte Faustine Jésus disait : « Tu vois, mon enfant, ce que tu es par toi-même, la cause de tes échecs, c’est que tu comptes trop sur toi et que tu t’appuies trop peu sur moi. Mais que cela ne t’attriste pas outre mesure, je suis le Dieu de la Miséricorde, ta misère ne saurait épuiser mon Amour, puisque je n’ai pas limité le nombre de mes pardons. Sache, mon enfant, que les plus grands obstacles à la sainteté sont le découragement et l’inquiétude. Toutes les tentations réunies ne devraient pas, même un instant, troubler la tranquillité intérieure. Quant à l’irritabilité et au découragement, ce sont les fruits de ton amour propre. » Le diagnostic est clair, c’est bien, on sait où on en est.

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurUne autre chose fondamentale dans l’adoration eucharistique c’est qu’on a le choix entre adorer et idolâtrer. Le cœur de l’homme est ainsi fait qu’il ne puisse pas ne pas s’attacher à quelque chose. Qu’il ne puisse pas aller à un endroit où le sens de sa vie prend source, où il s’accroche. L’athéisme comme tel est impossible. J’aurais de toute façon une idole à la place de Dieu. Je peux être athée d’un certain Dieu, du Dieu de Jésus-Christ, je peux être athée d’un autre Dieu, peu importe… Mais je ne peux pas vivre d’un athéisme. J’aurais nécessairement quelque chose qui tient lieu : mon travail, mon sport, ma littérature, ma science, mon art, une personne, mon moi, mon ego… bref, quelqu’un tiendra lieu de Dieu qui remplira cette tâche dans mon existence. C’est subtil, parfois… Un petit enfant de cinq ans : « Maman, t’aimes mieux qui le plus au monde ? – Mais mon p’tit chou ! tu sais bien que je te préfère à tout ! – Ah, c’est là le problème, alors, maman. » C’est que tu n’as pas quelqu’un devant, qui est là et qui pourrait dire : eh bien, oui, c’est parce que j’aime Dieu en premier que je peux t’aimer toujours mieux. Donc l’idolâtrie sera toujours là et Benoît XVI disait : Enfin, avec Jésus au Saint Sacrement, on a quelqu’un devant qui plier le genou : « Celui qui plie le genou devant l’Eucharistie fait une profession de liberté. Il ne pourra plus jamais plier le genou devant quelque idole que ce soit. » Je suis libre quand je plie le genou devant Dieu, quand je m’agenouille devant le Seigneur et Sauveur, quand je me prosterne devant l’unique Seigneur. Ce geste d’adoration devient une contestation révolutionnaire face à notre monde des idoles. Adorer le Saint Sacrement, répandre l’adoration sur la terre entière devient la plus grande contestation révolutionnaire mais dans un sens prophétique et positif du terme de la révolution. Non pas dans un sens destructeur mais au contraire dans la proclamation d’un nouvel ordre du monde qui est un peu déboussolé, qui est un peu désorienté. Un monde qui a perdu l’Orient devient désastré. Il a perdu l’astre. Et c’est une catastrophe. Replier le genou devant celui qui est le Soleil levant qui porte en ses rayons notre guérison, le Christ, Soleil levant, c’est se tourner vers l’Orient, c’est réorienter le cœur de l’homme et le monde et retrouver l’astre du matin qui vient illuminer notre monde. Voilà. C’est ce renversement qui s’opère comme ça. Et je pense qu’il y a une profession de foi prophétique par l’adoration permanente du Saint Sacrement. Un jour à Lyon, un jeune qu’on avait accueilli qui s’était converti et qui allait être confirmé. Il avait invité à la fois des amis de la paroisse, des cathos bien engagés et ses amis du travail qui était athées, musulmans… Á la fin, il m’a dit : « Il faudrait que tu parles… Un petit mot comme ça, devant tout le monde… » J’dis : « Écoute, j’peux pas parler aux gens de ta paroisse de l’Emmanuel de la même manière que je vais parler à un musulman, ou à un athée… Enfin, c’est pas possible ! » Il fait : « Débrouille-toi, ça c’est ton problème, c’est pas le mien ! » C’était un hall de gymnastique, il avait mis une croix quelque part et il y avait un petit pique-nique, là, un petit buffet. Et puis… j’étais tellement perdu que je me suis prosterné devant la croix en mettant le front par terre et disant : « Jésus ! il n’y a plus que Toi qui peut me dire ce qu’il faut dire. » Je me relève. Je raconte, je ne sais pas ce que j’ai raconté… Á la fin, un monsieur vient me voir et me dit : « Voilà… j’aimerais vous dire que je suis musulman, j’aimerais devenir chrétien. » Je dis : « Ah bon ! Vous y pensez depuis longtemps ? » Il me dit : « Non, depuis tout à l’heure. » Je dis : « Quand ça ? » « Quand vous vous êtes prosterné le front par terre devant la Croix du Christ, comme nous on fait en direction de La Mecque, mais vous devant la Croix du Christ, j’ai su que vous adoriez le vrai Dieu ! » Et deux ans après il a été baptisé à Saint-Jean, à la cathédrale de Lyon. Dieu s’est servi de ce geste que j’avais fait de manière "égoïste", en disant Seigneur, moi je ne sais pas ce qu’il faut dire. Je n’avais aucune intention en posant ce geste. Dieu s’est servi de ce geste qui n’avait aucune intention. Je crois qu’il n’a pas écouté ce que j’ai dit après, il a bien fait d’ailleurs, tellement bouleversé par ce que Dieu lui avait donné, ou ce que l’Esprit Saint lui avait donné, par ce geste d’adoration. Professer le Christ dans l’adoration c’est délivrer l’homme de toutes les idoles.

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurPeguy disait : « Tous les prosternements du monde ne valent pas le bel agenouillement droit d’un homme libre. Toutes les soumissions, tous les accablements du monde ne valent pas une belle prière bien droite, agenouillée, de ces hommes libres-là. Toutes les soumissions du monde ne valent pas le point d’élancement, bel élancement droit d’une seule invocation d’un libre amour. » C’est bouleversant, ça, voyez… Donc l’adoration est là au cœur du drame de notre humanité pour renverser les choses.

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurDu point de vue anthropologique, le premier drame de l’humanité, c’est l’orgueil. Quand on est devant le Saint Sacrement exposé, quand on regarde Jésus dans son look du bout de pain, dans son apparence d’un bout de pain, dans cette vulnérabilité-là, vraiment, on est bouleversé. Le Tout-Puissant s’est fait le désarmé. Le Seigneur des armées est devenu le Seigneur désarmé. Désarmé, vulnérable, pauvre. Il ne peut même pas sortir du Tabernacle tout seul. Bon, des fois, il le fait. Avec sainte Faustine, un jour, Il débarque dans sa chambre et Il se pose sur ses mains, et dit : J’en ai marre, ici, il n’y a personne qui m’aime. Il n’y a que toi, donc je quitte cette maison et j’me casse ! Et Faustine négocie, elle dit : Tu ne peux pas Jésus, quand même, non… Il était sorti du Tabernacle, du ciboire, comme ça, et puis Il lui dit, bon, tu m’as convaincu, rapporte-moi au Tabernacle. Elle lui dit non, t’es venu tout seul, tu retournes… Il dit, non, j’y retournerai avec toi. Il lui a fait trois fois le coup comme ça. Trois fois Il lui a dit, non, je ne veux plus rester ici, ça va pas. Et trois fois Faustine dit, mais non, Jésus, écoute… Faut pas faire comme ça, elles sont bien mes sœurs quand même, tu sais…  Et donc, elle ramènera trois fois Jésus au Tabernacle. Á part ça, il a besoin des mains du prêtre ou du diacre, pour sortir, être exposé. Benoît XVI dit : « Sa façon d’être Dieu provoque notre façon d’être homme. » C’est prodigieux cette phrase, aussi. Qui es-tu devant ce Dieu pour revendiquer quoi que ce soit ? Au point que Jean-Paul II a pu dire : « La première tâche de la théologie est l’intelligence de cet abaissement de Dieu  ̶  quon appelle en grec la kénose, en français venant du grec  ̶  le Dieu qui se vide de lui-même, vrai et grand mystère pour l’esprit humain. » Dieu s’abaisse jusqu’à la Croix, jusqu’à l’Hostie. « C’est pourtant dans ce mystère de l’abaissement de Dieu que le mystère de l’homme s’éclaire totalement. Le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné. »

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurDeuxième point : l’égoïsme et le repliement sur soi. Nous sommes libres mais nous avons tous besoin d’être libérés. Si de manière générale, théologiquement, l’adoration renverse le mouvement du péché, qui est la préférence de la créature pour le Créateur, d’un point de vue très concret, l’adoration me donne ce goût de la liberté, élargit mon espace, élargit mon cœur. Dans la confiance de la présence de Celui qui me regarde et qui m’aime il y a un mouvement de libération qui peut se faire.  

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurTroisième point de ce côté-là : les troubles de l’estime de soi, les maladies du refus de vivre. Vous savez, on est très marqué par rapport à ça : Je ne m’estime pas, je ne vaux rien, je suis nul, c’est n’importe quoi, rien à foutre… C’est une fille que j’avais accueillie, qui avait fait aussi plusieurs tentatives de suicide. Qui était dans un état aussi incroyable. Elle a passé neuf nuits d’adoration. Neuf nuits de 10h du soir à 6h du matin. Sans trop y croire, d’ailleurs. Après ces neuf nuits elle m’a écrit un mot. Elle ne pouvait pas encore parler parce qu’elle était tellement blessée, traumatisée. Je lui avais dit, t’es trop cassée. Il n’y a qu’une chose qui peut te relever c’est te laisser regarder par Jésus. Elle me dit : « Mais j’y crois pas ! » « Ça fait rien, Lui croit en toi. Alors si tu veux passer une nuit d’adoration, je peux accepter. » La première nuit, de 10h du soir à 6h du matin, elle n’a pas bougé. Moi j’avais la tête qui tombait. Elle rien, rien. Je dis : « Tu peux revenir une fois, si tu veux. » Elle me dit : « Je reviens ce soir. » Je dis : « Non, pas toutes les nuits, une nuit sur deux, quand même ! » Et donc, elle a fait les neuf nuits. Elle m’a écrit : «  Tu vois, Nicolas, je me trouvais moche, nulle et conne. Et Dieu dans l’adoration m’a dit : «  Tu es belle, tu as du prix à mes yeux et je t’aime. » Et j’ai compris que ce qui compte c’est pas ce que moi je pense de moi, même pas ce que mon père pense de moi.  ̶  Qui avait dit en psychothérapie systémique : « Tu peux crever, j’en ai rien à faire », ce qui n’était pas son intention profonde, mais dans le désespoir et la souffrance qu’il avait, c’est la seule chose qu’il a pu sortir, mais elle l’a pris en pleine figure, comme une parole vraie.  ̶  Et puis, c’est pas ce que pensent les copains de moi. Ce qui compte, c’est ce que Jésus pense de moi. » Et ça a été le chemin de la libération.

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurOn est vraiment aux antipodes, dans les Métamorphoses d’Ovide, avec le mythe de Narcisse. Ovide dit : « Il meurt victime de ses propres yeux. » C’est extraordinaire : à force de regarder là-dedans, il est séduit par lui-même, il meurt victime de son propre regard replié sur lui-même. Nous, nous allons vivre du regard du Christ posé sur nous. Á l’adoration où Jésus est exposé, nous nous exposons à son regard de miséricorde. Jean-Paul II dans la Théologie du corps dit : « L’homme accueille par un regard celle qui lui est donnée. » Il y a toujours un regard qui est là, voyez-vous. Au cœur de ce mystère, il y a ce regard. François Roustang, un thérapeute psychanalyste, disait : « Dans le regard sur ma propre chair, sur ma propre corporéité, sur ma propre sensibilité, j’ai la certitude d’être vivant en tant que tel, d’une pleine évidence telle qu’elle rejette dans l’ombre toutes les modalités de la vie individuelle. Je suis vivant, je suis assuré d’être vivant et cela me donne une fermeté et un aplomb que je n’avais jamais ressenti auparavant. » Pour lui, il le dit de manière psychanalytique athée, c’est-à-dire que le regard de l’autre me sort de mon narcissisme destructeur, de mon renfermement sur ce regard qui me fait mourir, parce qu’il m’enferme sur moi-même, et me met en présence de Celui qui m’extasie, justement, et qui me regarde. Cette parole d’un psychanalyste s’applique dans sa perfection et son excellence à l’adoration eucharistique. Jésus, avec son regard d’amour, il est là, il a ses yeux. J’étais avec un petit enfant, un jour, cinq ans, devant le Saint Sacrement. Il regarde l’Hostie comme ça, il dit : « Jésus, Toi tu ne me vois pas, hein, mais moi je sais que c’est Toi qui es là ! » Alors : « Oui, oui, Il te voit aussi… » Je l’ai trouvé tellement beau… Tu ne me vois pas, mais moi je sais… On est complice. Et le Pape François disait : « Dans l’adoration, j’ai l’expérience que Dieu m’aime. Cette sécurité, personne ne pourra nous l’enlever, personne ne pourra nous l’arracher. Personne. » Dieu est là. C’est juste l’inverse du regard de Sartre. Dans Les mots, Sartre raconte qu’il était dans le salon de la maison familiale. Il avait joué avec des allumettes, il avait mis le feu au tapis. Le tapis a cramé. Il a réussi à éteindre mais il restait les marques et il dit : Dieu m’a vu, j’étais devenu une cible vivante. J’essayais d’échapper à son regard. J’ai été me cacher sous la table du salon, il me voyait toujours. J’étais à la salle de bain, il me voyait toujours. Alors, je me suis mis à jurer comme mon grand-père. Sacré nom de Dieu, de nom de Dieu, de nom de Dieu, tu ne me regarderas plus ! Je n’ai pas immédiatement cru que Dieu n’existait pas, mais je ne voulais plus qu’il me regarde. Vous voyez l’image qu’il avait du regard de Dieu. Le père Fouettard. Je suis athée de ce Dieu-là de Sartre. Le Dieu auquel je crois n’est pas un Dieu qui regarde pour juger ou accuser. C’est un Dieu qui regarde pour relever, faire exister. Et au Saint Sacrement il me relève et me fait exister. On apprend par Jésus l’expérience de cela. Quand Jacob se bat dans son combat contre Dieu dans cette nuit à Penuel, le nom Penuel veut dire la face de Dieu, se tourner vers le seul vrai Dieu. Et saint Ambroise commentant Marie-Madeleine dit : « Qui cherche-tu ? demande le Christ à Marie. Regarde-moi ! Tant que tu ne me regardes pas je t’appelle femme. Tu me regardes, je t’appelle Marie. Tu reçois le nom de celles qui engendrent le Christ, car, en me regardant spirituellement, tu engendres le Christ dans ton âme. » Et Hagar, chassée par sa maîtresse, Saraï, pas très gentille, là, l’envoie au désert. Elle est là, elle croit qu’elle va mourir. Elle a son enfant d’un côté et va de l’autre côté. Et tout d’un coup, Dieu vient la visiter et lui montre le puits. Elle a l’audace, pour une esclave non juive, de donner un nom à Dieu. Elle va donner à Dieu le nom : « Toi tu es Dieu qui me voit ». Atta-El-roï. C’est pourquoi on appelait ce puits le puits pour le vivant qui me voit. C’est la seule qui ose donner un nom à Dieu. Vous voyez la liberté d’une esclave ! Elle ose donner un nom parce qu’elle a fait l’expérience que dans sa misère et dans la mort qui s’annonçait, pour sa descendance et pour elle, Dieu la voyait et lui a donné la vie. Il lui a donné l’eau vive. Donc n’ayons pas peur de nous présenter à Dieu comme ça, devant lui.

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurUn autre point. On vit beaucoup dans l’affectivité, l’émotion, le ressenti. L’adoration eucharistique est une guérison de mon émotionnalité. Je ne sais pas si ceux qui adorent régulièrement parmi vous ont beaucoup de guili-guili qui partent de l’occiput à la pointe du petit orteil, mais… Moi, en tout cas, c’est pas trop le cas, depuis des années que je fais cela… Par contre, je vois une chose qui est absolument prodigieuse qui se passe en moi. Ce n’est pas ma sensibilité qui rejoint Dieu. D’ailleurs, elle ne permet jamais de rejoindre Dieu. Elle peut être un cadeau, il ne faut pas rejeter les cadeaux de Dieu dans notre sensibilité, si sa bonté, sa tendresse nous donne ça. Mais c’est un cadeau de Dieu, ce n’est pas Dieu lui-même. Dieu lui-même ne se touche que par la foi, l’espérance et la charité. Par les vertus que l’on appelle théologales. Et donc, l’adoration eucharistique… Si les Pères de l’Église disaient il faut fixer son regard  ̶  et toute l’adoration eucharistique au XIIIème siècle est née du fait que l’on voulait voir Dieu avec nos yeux de chair, puisque certains contestaient sa présence réelle  ̶  On a toujours dit : oui, mais nos yeux de chair, qui sont le vecteur de ce regard posé sur Dieu, portent un autre regard, ceux de l’âme, qui est perfectionné par la foi, l’espérance et la charité. Donc, toute l’adoration eucharistique consiste à poser des actes de foi, d’espérance et de charité. Je crois que Tu es là, Seigneur. Je T’aime, Seigneur, je T’adore et je compte sur Toi, parce que sans Toi, je ne peux rien faire. Et un jour je te verrai face à face. Acte de foi, acte d’espérance et de charité. De sorte que quelques soient mes émotions, quand je ressens, je dis merci Jésus, mais ce n’est pas ça ce à quoi je veux m’attacher. C’est à Toi que je veux m’attacher. Ce n’est pas pour tes cadeaux que je T’aime, c’est pour Toi-même. Et quand je ne ressens rien, encore mieux : je peux au moins m’attacher à Toi par la foi, l’espérance et la charité. Et donc je suis lié à Lui de manière indéfectible. Un jour, un petit enfant de 6 ans, qui préparait sa première communion, devant le Saint Sacrement : « Nicolas, c’est fou, hein ? de penser que c’est Jésus qui est là ! » Je dis, génial, on va… Il me dit : « Enfin, c’est la Toute-Puissance de Dieu, quoi ! » Oui, t’as raison, c’est vrai, la Toute-Puissance peut se faire toute petite.

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurL’adoration nous délivre des maladies de la subjectivité ̶ qui se transforment d’ailleurs en pathologies : boulimie, anorexie, dépression, crise identitaire, toxicomanies diverses… ̶  pour nous établir dans une structuration de notre être profond par la dimension essentielle de notre dignité humaine, qui est l’âme spirituelle, qui elle-même est faite d’intelligence et de volonté, qui elles-mêmes, ces facultés, sont perfectionnées par la foi, l’espérance et la charité. Ce qui ne me désincarne pas, ce serait une tragédie, mais qui assume toute ma chair et ma psychologie pour la tourner vers Dieu.


    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurUn autre point qui me paraît important. Parfois, on a une maladie que l’on appelle l’acédie. Acédie veut dire la perte du désir, la perte de la soif, la perte de la faim ; le train-train, la paresse ; l’assoupissement, le manque de force et de détermination pour aller vers Dieu. L’adoration m’amène à crier vers Dieu en permanence. L’adoration est vraiment ce cri qui me tourne vers Dieu perpétuellement. Paul Claudel disait : « Lève les yeux et tiens-les fixés devant toi. C’est là ! Et regarde l’azyme (le pain) dans la monstrance. Le voile des choses, pour moi, sur un point est devenu transparent. J’étreins la substance, enfin, à travers l’accident. » C’est-à-dire : j’étreins Jésus à travers l’apparence du pain. Il y a donc là un désir. L’adoration est le lieu du désir. C’est Toi que je veux ! J’ai faim de Toi, j’ai soif de Toi ! Je le mange des yeux ! Je le mange du regard et je nourris ma foi, mon espérance et ma charité. Je n’arrête pas de le désirer. Saint Augustin dit : « Le gémissement de mon cœur me faisait rugir. Et qui connaissait la cause de mon rugissement ? Tout mon désir est devant Toi. Non pas devant les hommes mais devant Dieu. Car ton désir c’est ta prière. Si le désir est continuel, la prière est continuelle. » Ça, c’est beau ! Donc, j’apprends le désir. En même temps devant le Saint Sacrement, j’apprends à être moi-même, aussi. Ma vulnérabilité, ma pauvreté, je suis là. Le monde nous pousse à la performance, nous pousse à la réussite. Nietzsche avait parlé du surhomme, aujourd’hui c’est le transhumanisme qui fait fureur partout. J’en parlais avec un spécialiste du transhumanisme ici, en France, Laurent Alexandre, qui me disait : « Mais qui, aujourd’hui, voudrait vivre avec 120 de QI ? Mais c’est 175 minimum, voire 200 ! Il n’y a plus de raison de vivre avez 120 ! » Je dis : « Moi, je n’ai encore jamais rencontré une seule personne qui m’a parlé de son QI ! Mais toutes les personnes que j’ai rencontrées m’ont parlé de leur cœur. Qui souffraient de ne pas être aimées. De ne pas avoir l’amour. De ne pas trouver sens à la vie. Ça oui. Mais personne ne m’a dit, là, j’ai un problème avec mon QI. Jamais. Ou alors avec des gros intellos. Mais c’était très bien pour eux. » Finalement, devant cet appel au culte de la performance et à la fatigue d’être soi (Nietzsche) il y a, devant Jésus, la pauvreté, l’expérience que ma vulnérabilité est aimée, que ma vulnérabilité est le lieu de l’entrée de la grâce, que ma pauvreté est le lieu par lequel Dieu va passer. C’est le lieu par lequel Dieu va me rejoindre. La désappropriation radicale de l’humanité de Jésus dans l’Eucharistie est un lieu pour que je puisse aussi m’abandonner tel que je suis. Ma pauvreté est la porte d’entrée de la grâce. Ma misère est la porte d’entrée de la grâce. Elle est le reposoir de la miséricorde de Dieu et le lieu par lequel Dieu va tout transformer. Et c’est par-là que ça se passe, voyez-vous. C’est capital de redécouvrir cela. De redécouvrir que la vulnérabilité est au cœur de l’existence humaine et au cœur de l’étreinte divine. Dieu vient épouser ma vulnérabilité. Ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin du médecin. Ce sont les malades. « Je suis venu pour les pécheurs et pas pour les justes. » Vous voyez. Et quand j’arrive comme ça devant Dieu, je peux Lui dire : « Tu n’es pas venu pour rien, Seigneur, tu n’es vraiment pas venu pour rien. Tu as trouvé ton bonhomme devant Toi. »

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurJe pense qu’il y a aussi dans l’adoration eucharistique quelque chose d’assez extraordinaire qui se produit. C’est une… Je disais tout à l’heure que si l’homme est fait pour trouver le sens à sa vie, pour ad-orer, ̶  adorer veut dire "mettre une source à sa bouche pour en vivre". On ne peut pas vivre sans eau. Ou je mets ma bouche à la source de Dieu ; ou je la mets à dautres sources frelatées. Il y a une autre chose qui me caractérise : je ne peux pas vivre sans une certaine dépendance. Si je ne dépends pas de l’unique nécessaire qui est Dieu, je vivrais dans des dépendances affectives diverses. Mon cœur sera balloté. Et ce cœur balloté va se trouver aussi, parfois, souillé. Et Dieu vient me redonner par l’adoration eucharistique la possibilité de m’attacher à l’unique nécessaire, Lui, et une purification aussi du cœur, une chasteté. « Tu nous as fait pour Toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose pas en Toi » dit saint Augustin. Il y a, par ce regard posé sur le Christ, une chasteté qui nous est donnée. Jésus dit : « Ton regard, c’est la fenêtre de ton cœur. Garde ton regard pur afin que ton regard soit pur. » On a accueilli une fille qui était dans la prostitution sadomasochiste, dix ans de prostitution, de violence et d’horreur « mais je ne peux même pas, Nicolas, te raconter ce que j’ai fait, parce que tu ne supporterais pas d’écouter ce que moi j’ai vécu. » Et à l’adoration eucharistique, elle passait des heures chaque jour. Elle s’en est sortie. Elle fait de belles études maintenant. Et un jour elle vient vers moi et elle me dit : « Mais tu sais, Nicolas, il semble que Jésus m’a recréé ma virginité. « Je dis, d’accord. Elle me dit : « Je la sens même physiquement. Mon corps qui me faisait mal en permanence, ma féminité qui avait mal en permanence… » pas tant physiquement… Je ne sais pas, je n’ai pas exploré ce qu’elle voulait me dire dans ces mots… Mais en tout cas, dans sa chair meurtrie par ce qu’on lui avait fait par son corps, sa virginité lui était restituée par l’adoration eucharistique. Le regard chaste du Christ et son regard à elle posé sur le Christ venaient à la fois purifier son cœur et purifier son corps. Je crois que dans un monde très marqué par ça, par l’érotisme et la pornographie, l’adoration devient un lieu de guérison profonde. Qui a posé son regard sur le corps du Christ ne peut pas regarder le corps de l’autre n’importe comment. De la même manière que lorsque l’on a touché le corps du Christ on ne peut plus toucher son corps ou le corps de l’autre n’importe comment. La charnalité du Christ, la corporalité du Christ au Saint Sacrement me met en rapport immédiat avec mon corps. Et le respect du corps du Christ et l’adoration du corps du Christ renverse aussi ce mouvement-là. « Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu. »


    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurTout ça passe aussi par ce fameux regard dont je vous parlais. Je crois que c’est très important. Si l’on expose Jésus au Saint Sacrement, c’est pour le regarder, voyez-vous. Autrement, c’est pas le Tabernacle. En Suisse, j’étais dans une chapelle, un jour… Il n’y a que les suisses pour faire ça… Le tabernacle était un coffre-fort. Les portes blindées du coffre-fort, vous voyez. Il fallait y penser, moi je n’y avais pas pensé… Mais… Voilà. En fait, c’est vrai, c’est un trésor, Jésus. Le seul trésor. C’est même plus important que tout ce qu’il y a dans les coffres-forts de toutes les banques suisses. Ce n’est même pas cette porte blindée qui empêchait Jésus de rayonner. Alors, pourquoi l’expose-t-on s’il est là dans le Tabernacle ? C’est parce qu’il y a ce mystère du regard qui peut se poser sur le vrai corps du Christ, sur la vraie corporalité. Le cardinal Journet avait cet exemple, il disait : Imaginez deux amoureux qui se téléphonent. Ils se parlent : je t’aime, moi aussi, mon petit lapin, ma petite chérie… tout ce qu’on veut comme petits diminutifs et tout d’un coup, paf ! ils tombent l’un sur l’autre. Ils se voient et ils s’embrassent. Vous voyez la différence ? Entre le coup de fil et l’étreinte. Si vous n’avez pas compris, vous ne pouvez pas comprendre l’adoration eucharistique. Si vous avez compris la différence qu’il y a entre un coup de fil et une étreinte, vous avez compris l’adoration eucharistique. C’est-à-dire qu’à un moment donné, vous passez d’une communication avec Jésus, d’une présence réelle, spirituelle, à une présence réelle, spirituelle et corporelle. Et la chair est importante.


    Et donc, dans la chair, le regard, qui est le sens qui m’extasie le plus
    ̶ alors que louïe menstasie, fait rentrer en moi les sons et fait vibrer en moi le son qui rentre en moi  ̶  le regard, ladoration mextasie, me sort de moi-même et me permet de voir celui qui maime. Á sainte Gertrude d’Helfta Jésus dit : « Autant de fois l’homme regarde avec amour et révérence l’Hostie qui contient sacramentellement le Corps et le Sang du Christ, autant il augmente ses mérites futurs. J’ai réservé des trésors d’amour et des récompenses particulières pour chaque regard qu’on aura dirigé vers le Saint Sacrement. » Á l’adoration, à l’élévation. Alors, ses sœurs baissaient la tête à l’élévation. Et elle, elle trichait.  Elle regardait par-dessous comme ça. Et puis elle dit : « Jésus, ça t’embête ? – Non, ça me fait tellement plaisir. » Au point que le pape Pie X a dû accorder une indulgence particulière de plus de sept ans à quiconque au moment de l’élévation à la messe regarde Jésus en disant : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ». Parce que l’amour veut regarder. L’amour regarde. Je voyais un couple, récemment. Ils viennent vers moi, ils ne se regardaient pas l’un l’autre. Ils disent : « On peut parler avec vous ? On a un problème. » Je dis : « Je savais. » « - Quelqu’un vous a dit ? » « - Non, j’ai vu. Vous ne vous êtes pas regardés depuis que vous êtes entrés ici. Vous n’avez pas échangé de regard entre vous. Quand on ne peut plus se regarder, on ne peut plus se voir. » C’est Raymond Devos, l’humoriste, qui disait : « Ma femme et moi on était tellement timide, qu’on n’osait pas se regarder. Après, on ne pouvait plus se voir. » Se regarder et se voir.


    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurAutre maladie très forte aujourd’hui : la solitude. On parle beaucoup de cette maladie de la solitude. Et elle est réelle pour tant de personnes. Si je vais à l’adoration, le Christ vient rejoindre ce qui est le plus profond, ce qui est ma solitude. Mais ma solitude en tant que capacité d’être moi-même. Ce que Jean-Paul II appelait la solitude originelle dans le texte de la Genèse. Cette capacité d’exister sous le regard de Dieu, seul, qui me permet la vraie relation avec l’autre et avec les choses. Dieu, en venant combler ma solitude affective par sa Présence réelle, vient me restituer à cette solitude profonde qu’est la solitude originelle, seule capable de me mettre en relation avec les autres de manière juste et guérissante. Je passe donc, avec l’adoration, de Dieu pour moi, à moi pour Dieu. Je peux être capable de venir enfin dans ce qui est l’apothéose de ma dignité humaine, de m’offrir totalement à Dieu, de me donner à Dieu. Lui s’est offert à moi : « Prenez, mangez. » Ce n’est pas rien ! Il s’offre à moi pour que je m’offre à Lui.


    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurEt Dieu devient aussi la force des martyrs. Le bienheureux Fulton Sheen disait que ce qui l’a bouleversé dans sa vie 
    ̶  c’était un évêque américain, il a fait des émissions télévisées, des millions de personnes regardaient ça, Pie XII le regardait, ou l’écoutait à la radio, en tout cas  ̶  et donc, il dit : Enfant, jai appris ça un jour, à l’époque de la révolution des boxers en Chine, en 1917. Des gens sont venus dans une église, ont profané le Saint Sacrement, ont mis le prêtre aux arrêts dans le presbytère. Et le prêtre voyait une jeune fille de onze ans, une petite chinoise. Ils avaient jeté le Saint Sacrement par terre et le prêtre savait exactement qu’il y avait trente-deux hosties dans le tabernacle, trente-deux parcelles du Corps du Christ qui étaient là. Et le prêtre voyait depuis sa fenêtre, toutes les nuits, quand les gardes dormaient ou étaient distraits, cette fille qui allait là-bas. Pendant une heure, elle adorait Jésus sur le sol et avec sa langue, elle prenait une hostie, comme ça. Un jour, deux jours, trente et un jours. Il dit : Le trente deuxième jour, j’ai vu arriver cette fille : « L’enfant revînt et échappant à la vigilance des gardes, s’agenouillait, se baissait à quatre pattes après avoir passé une heure en adoration et lapait une hostie de sa langue. Un jour, il ne restait plus qu’une dernière hostie que la petite consomma comme d’habitude. Mais elle fit, sans le vouloir, un bruit qui éveilla l’attention du garde. Celui-ci courut derrière elle, l’attrapa, et la frappa avec la crosse de son arme. » Il l’a tuée comme ça. Fulton Sheen dit : « Depuis ce récit j’ai fait la promesse que jusqu’à ma mort je passerai une heure d’adoration chaque jour devant le Saint Sacrement. Une promesse que j’ai tenue pendant les soixante années de ma vie sacerdotale. » Puisque c’est devant le Saint Sacrement exposé, dans sa chapelle privée, qu’il est mort le 9 décembre 1979.


    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurJe vous parle aussi, mais j’irai très vite, de l’aspect cosmique et social. En un mot : ou le monde est dévoré par la consommation et défiguré par la consommation, ou il est transfiguré par l’adoration. C’est l’alternative dans laquelle nous nous trouvons. Ou la défiguration par la consommation, ou la transfiguration par l’adoration. L’adoration nous donne un vrai rapport aux choses et aux biens. Non pas un rapport de possession, de maîtrise et d’absorption. Mais un rapport de respect et d’utilisation pour le bien de tous. L’Eucharistie est donc à la charnière, aussi, d’un monde nouveau. Elle est aussi l’adoration réparatrice. C’est là que le monde nouveau est en train de se créer. Saint Pierre-Julien Eymard disait : « Le culte de l’adoration est nécessaire pour sauver la société. La société se meurt parce qu’elle n’a pas de centre de vérité, de charité. Mais elle renaîtra pleine de vigueur quand tous ses membres viendront se réunir autour de la vie à Jésus dans l’Eucharistie. Il faut Le faire sortir de sa retraite pour qu’Il se mette de nouveau à la tête des sociétés chrétiennes qu’Il dirigera et sauvera. Il faut lui construire un palais, un trône royal, une cour de fidèles serviteurs, une famille d’amis, un peuple d’adorateurs. Maintenant, il faut se mettre à l’œuvre, sauver les âmes et le monde par la divine eucharistie. Réveiller la France et l’Europe engourdis dans un sommeil d’indifférence parce qu’elles ne connaissent pas le don de Dieu, Jésus, l’Emmanuel eucharistique. C’est la torche de l’amour qu’il faut porter dans les âmes tièdes et qui se croient pieuses et ne le sont pas, parce qu’elles n’ont pas établi leur centre et leur vie dans Jésus-Eucharistie. » Au point que Jean-Paul II pouvait dire que tous les maux de la terre peuvent être guéris grâce à l’adoration permanente du Saint Sacrement. Quand on demandait à Mère Teresa comment faire pour guérir ce monde et ramener… – ce sont des américains qui avaient écrit L’Amérique à Jésus 
    : « Instaurez dans toutes vos paroisses l’adoration perpétuelle du Saint Sacrement. » Voilà la réponse de Mère Teresa. Guérison aussi des communautés paroissiales grâce à ça. Benoît XVI disait que la vraie crise de l’Occident c’était la crise de la foi. Comment ramener les gens à la foi et à l’expérience de Jésus ? Il disait : « Une telle voie pourrait être des petites communautés où se vivent les amitiés qui sont approfondies dans la fréquente adoration communautaire de Dieu. » Voilà le remède que Benoît XVI trouve. Il disait cela en Allemagne, dans l’Église organisée d’Allemagne, extrêmement structurée, riche et tout ce que vous voulez, mais morte, disait Benoît XVI, parce qu’elle n’a pas son centre de gravité là où c’est important. Au monde de la violence va s’établir le monde de la paix du Christ eucharistique. Jésus dit à Faustine : « Dis bien au monde entier qu’il n’y aura pas de paix dans le monde si l’on ne vient pas à ma miséricorde. Or, le trône de ma miséricorde sur la terre, c’est l’Eucharistie, c’est le Tabernacle. » Ça veut dire : Dis bien au monde entier qu’il n’y aura pas de paix dans les cœurs, dans les familles, dans la société, si l’on ne vient pas à l’Eucharistie. Et pas de paix, à mon avis c’est aussi grave que ce que Marie disait à Fatima : « Si l’on ne vient pas à Jésus, une guerre plus grave éclatera sous le pontificat de Pie XI. » C’était Benoît XV qui était pape à l’époque. Pie XI arrive en 22 alors que cette révélation est en 17. Et la guerre éclatera en 38 avec soixante millions de morts. Cette parole à sainte Faustine est capitale. La paix que nous cherchons, la paix que nous désirons, en Syrie, partout, c’est au cœur miséricordieux eucharistique du Christ qu’on va pouvoir la puiser et la voir.

    eucharistie,adoration,adoration eucharistique,adoration saint martin,nicolas buttet,foi,christianisme,politique,transmission,éducation,vulnérabilité,sacré coeur,sacré cœurUltimement, le dernier point, le quatrième point c’est que l’Eucharistie est déjà la vie éternelle. Jésus va venir dans la gloire, on appelle ça la parousie. La venue ultime : plus de larmes, plus rien, les cieux nouveaux, une terre nouvelle. Nous croyons à ça ! Parousie veut dire en grec venue mais aussi présence. Il y a déjà dans la parousie eucharistique la présence du Christ, déjà les cieux nouveaux et la terre nouvelle. Et c’est ce qu’on va recevoir tout à l’heure. Amen.

    Père Nicolas Buttet
    Enseignement L’Eucharistie et la guérison
    du mercredi 12 juillet 2017
    Basilique Ste Marie-Madeleine, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (Var).

    Congrès sur l'Adoration Eucharistique, Adoratio 2017,

    avec pour thème "Adorer au Cœur du Monde"
    du 9 au 14 juillet 2017.

     

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