Au terme de sa vie, le 'chant' de S. Pierre-Julien Eymard
À l’occasion d’une nuit d’adoration le vendredi 20 avril 2018 en la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre à Paris, organisée par M. Gino TESTA, du Groupe de prière de Padre Pio et animée par le P. Nicolas BUTTET, fondateur de la Fraternité Eucharistein, il m’a été demandé de participer le samedi 21 à une matinée studieuse où j’évoquerais la vie et la mission de S. Pierre-Julien EYMARD, en ce 150e anniversaire de sa mort.
Plutôt que de reprendre un exposé biographique, j’ai pensé offrir aux participants le texte des trois méditations du 28 avril 1868 – 3 mois avant sa mort – de sa Retraite dite de Saint-Maurice (Essonne) du 27 avril – 2 mai 1868.
Il s’agit de notes personnelles : dans un texte concis il évoque, sous le signe de l’action de grâce, les grandes étapes de sa vie, de prêtre, de mariste, de fondateur. Sa vie singulièrement mouvementée – ‘J’ai été un peu comme Jacob, toujours en chemin, notait-il en 1865 – apparaît unifiée. D’emblée, il note la plus grande grâce de sa vie. Et comment les différents événements qu’il rappelle le conduisent à sa vocation d’adorateur et d’apôtre de l’Eucharistie. Toujours le Saint Sacrement a dominé, note-t-il également dans un autre texte.
Non seulement le P. Eymard est au terme de sa vie, mais depuis le 21 mars 1865, date à laquelle il s’est engagé par vœu à faire le don de sa personnalité au Seigneur, il vit dans la nuit de l’esprit, sans consolation intérieure, aux prises avec de nombreuses difficultés, dans un abandon total au bon vouloir de Dieu. Les notes qu’il transcrit sont lourdes de cette ultime expérience spirituelle.
Nous en devinons à mi-mots la profondeur. Il écrit ainsi le 30 avril : Quand les épreuves venaient du dehors ou du dedans, un quart d’heure devant le très Saint Sacrement me fortifiait, me rassérénait. Et aujourd’hui, des heures me laissent le cœur brisé. Au terme de sa retraite, à travers les orientations qu’il prend, il n’entend être tout simplement que le journalier de Dieu.
La conférence a été enregistrée, ainsi que celle du P. Nicolas Buttet qui a suivi, par les soins des Bénédictines du Sacré-Cœur de Montmartre. La vidéo-Audio est sur ce lien et ci-dessus. La retranscription intégrale de l'enseignement du P. André Guitton est lisible sur ce lien : Le 'chant' du P. Eymard - Sa dernière retraite, son testament spirituel.
Voici le texte des 3 méditations du 28 avril, tel que le P. Eymard l’a rédigé et tel qu’il est édité dans l’édition de ses Œuvres complètes.
NR 45,2 [mardi 28 avril 1868] 2e jour
de 6 h à 7 h
1re méditation – À la très Sainte Vierge
Grâces
Que de grâces Dieu m’a faites jusqu’à ce jour !
Comme il m’a aimé ! – À l’excès.
Que m’a-t-il refusé ? – Rien.
Que ne me donne-t-il pas à présent !
Je l’aime peu, et il m’aime tendrement.
Je le déshonore par ma vie, et il m’honore encore plus par ses dons et […].
Je le sers si mal, et il me garde à son service, comme si j’étais un bon serviteur.
Je suis si lâche et si infidèle à mes devoirs, à l’honneur de sa gloire, et il me laisse l’honneur et la puissance.
Il m’a confié la gloire de sa Société. Hélas ! Je la vole, je la vends, cette gloire. Et il ne reste à mon Maître qu’un serviteur infidèle et un ministre paresseux.
Qui de nous deux va se lasser ? Sera-ce moi ?
Quelle a été la source de mon peu de correspondance à la grâce ?
Je ne me suis jamais donné absolument, exclusivement.
J’ai servi Dieu par gloire propre.
J’ai servi Dieu pour mon amour-propre.
Je n’ai jamais embrassé résolument et constamment la pratique de l’humilité de Jésus. J’ai voulu être quelque chose avec Lui, par Lui. Voilà le dernier mot du vieil homme en moi.
Ô Marie ! Qui m’avez conduit et donné à Jésus, il faut maintenant me reconduire, me redonner à Jésus que j’ai perdu !
NR 45,3
2e jour – de 10 h à 11 h
2e méditation – Foi eucharistique
La plus grande grâce de ma vie a été une foi vive au très Saint Sacrement, dès mon enfance :
– grâce de communion : le désir de ma 8e [année] : tout vers elle.
– grâce de dévotion : visite journalière au très Saint Sacrement.
– grâce de vocation : à Fourvière : Notre Seigneur est au très Saint Sacrement, seul, sans un corps religieux qui le garde, l’honore, le fasse glorifier ! Pourquoi ne pas établir quelque chose, un Tiers-Ordre, etc. à La Seyne (saint Joseph), grâce de donation, de fusion, de bonheur, et qui a duré jusqu’à l’approbation apostolique, si douce.
– grâce d’apostolat : foi en Jésus. Jésus est là. Donc à Lui, pour [ou par] Lui, en Lui.
Renouvellement
J’ai bien demandé à Notre Seigneur de me renouveler dans cette grâce première. Jésus est là, seul, oublié des siens – stérile en son Sacrement.
J’ai bien demandé la résurrection de cette grâce – de mon état si peiné, si triste, si désolé depuis trois ans.
Oui, mon cœur a toujours aimé Jésus Hostie. Personne ne l’a eu ce cœur. Mais mon esprit, mais ma vie extérieure, mais mes rapports trop naturels, trop expansifs, voulant me faire louer de ma vocation, me consoler dans les âmes qui semblaient l’aimer, qui pouvaient le glorifier en moi : voilà le tombeau de cette grâce première.
Oh ! Jésus ! Des profondeurs, je crie vers toi. [Ps 129,1]. – Ressuscite en moi la grâce première. [Reprends ta conduite première] [Cf. 2Tm 1,6 – Ap 2,4].
NR 45,4
2e jour – de 3h à 4h
3e méditation – Vocation eucharistique
1° Notre Seigneur m’a appelé à son service eucharistique malgré mon indignité.
Il m’a choisi pour travailler à sa Société malgré mon incapacité et mon infirmité.
Il m’a conduit de la mort, et par la mort, à la vie de la Société.
Tout ce qu’on disait impossible est arrivé facilement, et à l’heure de Dieu.
À Dieu seul, amour et gloire !
2° Preuves de grâces :
– Dieu m’a conduit par degrés à sa Société. Il m’en montrait par fractions les sacrifices. Enfin, à La Seyne, il me les a tous demandés, jusqu’à la séparation [de la Société de Marie], – jusqu’à la croix, – jusqu’à l’abandon.
Or, avec quel bonheur j’ai dit oui à tout, après cette bienheureuse messe ! Et Dieu a tout agréé, et conduit à bonne fin.
– La douceur si grande, qui a duré tant d’années, et toujours croissante par l’Eucharistie, me dit le oui de Dieu.
La force qui en sortait, comme le fruit de sa fleur, m’assure le cœur de Dieu.
Puis :
– les sacrifices de mort à la pensée de l’œuvre, lors de Rome (P. Favre)3.
– La mort à la Société de Marie, si pénible.
– La mort à la réception de l’Archevêque de Paris, après treize jours d’agonie4.
– La mort au personnel quand, abandonné, tout seul.
– La mort à Paris, quand le Cardinal voulait nous renvoyer (sainte Thérèse)5.
– La mort par les sujets.
– La mort à Rome, lors du Décret6.
– La mort la plus sensible (séparation du premier [compagnon])7.
– La mort à l’estime des Évêques par Nemours8.
– des miens par…
– de moi par les plus pénibles épreuves depuis le… au…Et cependant la vie suit la mort. C’est la voie de la Société et la mienne.
NR 45,4.3 La rencontre à Chaintré le 22 avril 1856 avec le P. Favre, Supérieur général.
NR 45,4.4 La rencontre avec Mgr D. Sibour le 13 mai 1856.
NR 45,4.5 Le 15 octobre 1857, convocation du cardinal François Morlot qui lui demande les titres de l’approbation de l’institut.
NR 45,4.6 Au mois de mai 1863, à Rome où une accusation calomnieuse l’atteint.
NR 45,4.7 Le départ du P. de Cuers pour fonder son œuvre, en juin 1867.
NR 45,4.8 La fermeture de la communauté des Servantes de Nemours au mois de mai 1867.
[Extrait de La Retraite de Saint-Maurice – 27 avril – 2 mai 1868 – Œuvres complètes, vol. V, NR 45 , p. 391]
André Guitton, sss
Chapelle Corpus Christi
23 av. de Friedland - Paris 8
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