« La grâce de mon saint baptême » chez st Pierre-Julien Eymard
Comprendre l’Eucharistie dans sa totalité avec st Pierre-Julien Eymard
Cycle #JubiléPJEymard2018
Fraternité Eucharistique Chapelle Corpus Christi Paris 8 — 10 février 2018
‘LA GRÂCE DE MON SAINT BAPTÊME’
chez Saint Pierre-Julien EYMARD
Nous venons de célébrer le 207e anniversaire de la naissance de saint Pierre-Julien à La Mure (4 février 1811). Dans le cadre du Jubilé du 150e anniversaire de sa mort, je vous propose un essai sur le baptême, tel que le P. Eymard nous en a laissé le témoignage à travers ses écrits.
Brièvement, nous savons combien le P. Eymard a gardé vivant le souvenir de la grâce de son baptême. Régulièrement, lors de ses séjours à La Mure, il rend visite aux fonts baptismaux de la paroisse. Dans ses écrits les dates anniversaires de sa naissance et de son baptême, les 4 et 5 février, sont citées plus de 80 fois, souvent avec la mention de sainte Agathe, fêtée le 5.
En ce qui concerne ma recherche, je me limite à une sélection de ses écrits : quelques extraits de sa correspondance à ses sœurs, et un parcours sélectif de ses notes de retraites personnelles. Dans son itinéraire spirituel, sur le thème du baptême, je note, de façon schématique à partir des textes que j’ai consultés, deux périodes :
1 - la période mariste, de 1841 à 1856
2 - la période du fondateur, de 1856 à 1865.
1 - La période mariste (1841-1856)
Ce que j’appelle la ‘période mariste’ s’étend, en réalité, de sa naissance à la fondation. Je n’ai pas pris en compte le Vade mecum semper, de sa période de vicaire à Chatte, qui aurait pu fournir un éclairage utile. Pas davantage son abondante production des Conférences au Tiers-Ordre de Marie. Je me suis limité à ses retraites personnelles mensuelles à la date du 4 ou 5 février des années 1841 (NR 15, 2) ; 1843 (NR 21, 1) ; 1844 (NR 25, 8) et 1856 (NR 40, 5) Cf : Œuvres complètes de saint Pierre-Julien Eymard en ligne – S’y ajoutent les deux lettres à Marianne, sa marraine de 1841 (CO 17 et de 1846 (CO 60) - (PDF)
Notons que les retraites mensuelles, dans la tradition de la vie religieuse de l’époque sont « des préparations à la mort ». La mort est une réalité permanente, partout présente ; elle frappe à tout âge ; il faut s’y préparer, se tenir prêt. – De ce fait il est difficile de vouloir tirer de ces notes la pensée exacte du P. Eymard sur le baptême. En 1841, le P. Eymard est âgé de 30 ans et il jouit alors d’une santé relativement bonne. Dans ses notes, il est question du temps qui passe, de la souffrance, de la mort, de l’état de son âme sur la mort. Autant d’approches pessimistes ou négatives.
Nous retrouvons ces mêmes notes dans les deux lettres de circonstance à sa marraine, au jour anniversaire de son baptême en 1841 et 1846. Au désir de la sainteté, se mêle le désir de la mort pour aller au ciel. Je commence à languir sur la terre. Je vous aime bien toujours, mais ne m’en voulez pas si mon amour pour vous se borne à votre perfection au ciel, écrit-il en 1841. Un amour intemporel, désincarné, non pas envers sa sœur telle qu’elle est, mais selon l’image qu’il s’en fait.
En 1846, alors qu’il célèbre l’anniversaire de son baptême, comme le plus beau jour de ma vie, note-t-il, il ne peut s’empêcher d’y mêler le regret d’une mort prématurée. C’est un si beau jour pour moi, écrit-il, c’est le plus beau jour de ma vie, c’est aujourd’hui que j’ai eu le bonheur d’être baptisé. Hélas ! si j’étais mort après, je serais maintenant au ciel, mais le bon Dieu ne l’a pas voulu et m’a laissé jusqu’aujourd’hui dans cette vallée d’exil, de larmes et de combats. Et d’évoquer à sa chère marraine que le premier arrivé au ciel, qu’il laisse sur son passage un bâton de soutien, puis, la porte ouverte ; au moins là, il n’y a plus de distance, ni de séparation.
Du moins, ce qui pouvait réjouir Marianne, ce sont les souvenirs de son enfance : elle a été pour lui comme une grande sœur, de 12 ans son aînée. Il évoque son affection pleine de vigilance, sa piété, son soutien dans les épreuves. Il lui porte une affection profonde, des millions de fois (quelle expression merveilleuse de son amour !) je vous ai appelée de ce doux nom (de marraine). Je vous dois beaucoup, lui écrit-il, surtout de m’avoir retenu dans ma jeunesse loin des occasions de mal, de sorte que je puis dire que c’est en partie à vous que je dois ma vocation à l’état ecclésiastique (1841).
Cette approche du baptême est l’écho de l’enseignement de l’Église en cette première partie du 19e siècle – et par-delà. Le catéchisme s’attache alors davantage à décrire sa matière et sa forme ainsi que ses effets : il efface le péché originel ainsi que tous les péchés à l’âge adulte, il confère la grâce sanctifiante et prépare à l’héritage du ciel. La prédication est moralisante. Comme les autres sacrements, il est perçu comme un des moyens de sanctification, même s’il est le premier dans l’ordre des sacrements.
Cette vision correspond assez bien à cette première période de l’itinéraire du P. Eymard, telle que le P. Saint-Pierre l’a décrite dans sa thèse L’Heure du Cénacle et qu’il a intitulée, à partir d’une citation du Père : Pro te moriar ! – Seigneur, que je meure pour toi ! Une période marquée par l’ascèse, la peur du péché, de la mort et du jugement. Avant qu’il ne découvre le vrai sens de sa mission : Pro te vivam ! – Que je vive pour toi !
2 - La période du Fondateur (1856 -1868)
La seconde période, nous la trouvons, comme condensée, dans la 2e Retraite du Père à Rome, où il séjourne depuis le mois de novembre 1864, au Séminaire français. Il vient régler l’affaire du Cénacle, la fondation d’une communauté du Saint-Sacrement à Jérusalem là où Jésus a institué l’Eucharistie. En face des difficultés multiples et de la lenteur de l’instruction de la cause, il se retire près de Sainte-Marie Majeure chez les rédemptoristes et commence une retraite qui s’achèvera avec la décision, — finalement négative. Durant plus de 9 semaines, il va se consacrer à une retraite personnelle, avec la question initiale : Seigneur, que veux-tu que je fasse ?
Précisément, au jour anniversaire de son baptême, le 5 février 1865 (PDF), il médite sur la grâce gratuite et toute miséricordieuse du saint baptême que j’ai reçue, avec trois méditations dans la journée. Déjà tout est dit dans cette phrase d’ouverture : J’ai vu ce qu’il est une récréation en Notre Seigneur Jésus-Christ, une seconde vie en Jésus-Christ, mais en Jésus-Christ crucifié. — Il faut noter l’expression : J’ai vu, qui revient 60 fois dans ses retraites personnelles, dont 37 fois en cette Grande retraite de Rome. Il ne s’agit pas seulement d’une perception intellectuelle, mais d’une prise de conscience, d’une expérience spirituelle, d’une motion de la foi sous l’action de l’Esprit Saint.
Dans cette perspective, le baptême est conçu comme la participation au mystère pascal, à la mort-résurrection de Jésus-Christ, une seconde vie en Jésus-Christ, mais en Jésus crucifié. — Suivent des citations tirées des épîtres de saint Paul, Galates et Romains, et une citation de l’évangile de saint Luc : Baptisés, vous avez revêtu le Christ — Ceux qui appartiennent au Christ ont crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises. — Ensevelis avec le Christ par le baptême dans la mort . — On ne peut être disciple du Christ sans haïr sa propre vie. Le P. Eymard cite ces textes de mémoire : ils se réfèrent à la croix du Christ à laquelle nous sommes associés par le baptême ; — à la mort du Christ avec qui nous sommes ensevelis ; — à sa résurrection, nous avons revêtu le vêtement du Seigneur ressuscité : nous avons revêtu le Christ, son corps de gloire dans notre condition terrestre. De ce mystère célébré comme une immersion dans la mort du Christ, nous avons été tirés de l’eau comme participant à sa résurrection. C’est de ce même mystère que découlent les effets du baptême : renoncement au péché et à ce qui y conduit et surtout dotation singulière des baptisés : filiation divine, incorporation au Christ et à l’Église comme membres vivants, et au terme participation à la gloire du Christ ressuscité.
À la lumière du baptême qu’il a reçu, le P. Eymard fait une relecture de sa vie et de la mission qui lui a été confiée : chrétien, prêtre et fondateur. Il prend conscience de la part de péché en sa vie et il pleure. Il s’ouvre également à l’action de grâce pour tant de bienfaits. Une voie nouvelle s’ouvre devant lui, celle qu’il appelle « la partie illuminative » de sa retraite, avec une double et unique orientation : Notre Seigneur, ma loi – c’est l’Évangile – Notre Seigneur sacramentel, ma fin – c’est sa mission de fondateur.
Il y a là, à partir de son baptême, une vision unifiée de son existence, comme l’a noté le P. Manuel Barbiero. De son baptême, dérivent à la fois sa vocation chrétienne, sa vocation sacerdotale et sa vocation religieuse qui trouve son achèvement en sa vocation de fondateur. C’est une note que l’on retrouve dans le déroulement de sa Grande retraite de Rome (comme de celle de Saint-Maurice en 1868), — une vision ‘holistique’ de sa vie dans la diversité de ses états, entièrement unifiée. Témoin sa 1ère méditation du 1er février 1865 : Comme le bon Dieu m’a aimé ! Il m’a conduit par la main jusqu’à la Société du Très Saint-Sacrement. Toutes mes grâces ont été des grâces de préparation. Tous mes états, un noviciat ! Toujours le Très Saint Sacrement a dominé. (NR 44, 14).
Pour être complet, le 5 février 1865 le P. Eymard poursuit sa recherche avec l’évocation de « la bonté de Dieu depuis mon baptême », et une 3e méditation sur « La chair, ennemie de l’Esprit Saint » — Comme en écho à ce qu’il notait en sa 1ère méditation : Il faut embrasser la voie du dépouillement du vieil homme. Il n’y a que celle-là de vraie. Toute autre est une illusion ou une paresse.
D’où vient cette ‘conversion’ du P. Eymard ?
La question vaut d’être posée. Mais la réponse n’est pas simple, car elle suppose une recherche méthodique dans tous les écrits datés du Père. Ce qui dépasse de très loin l’objet de notre rencontre. Qu’il suffise d’évoquer deux grâces particulières qui ont marqué l’itinéraire spirituel du Père.
Il y a d’abord la grâce reçue au calvaire de Saint-Romans. Le jeune abbé Eymard, vicaire à Chatte, a reçu dans ce modeste sanctuaire une lumière sur le mystère de la Croix. À l’encontre d’une piété doloriste, il fait l’expérience de la tendresse miséricordieuse de Dieu dans le don de son Fils Jésus : celui-ci a donné sa vie par amour pour le salut du monde, et son amour nous atteint de façon personnelle. Le P. Eymard a résumé ainsi quelque chose de cette grâce dans cette recommandation à Mme Natalie Jordan : Voir de prime abord les choses sous le côté de la bonté de Dieu pour l’homme, la raison de cette grâce, ce qu’elle a coûté à Notre Seigneur, son actualité, sa permanence pour nous (27 août 1867, CO 2011).
Une seconde étape est franchie avec la Fête-Dieu à Saint-Paul de Lyon, le 25 mai 1845. Au cours de la procession paroissiale qu’il préside — deux heures qui lui ont paru qu’un instant — il a été pénétré de la foi et de l’amour à Jésus dans son divin Sacrement. Dès lors, il s’engage à ne prêcher que Jésus-Christ et Jésus-Christ eucharistique. Enfin, il demande au Seigneur l’esprit des Épîtres de saint Paul, ce grand amant de Jésus-Christ et il s’engage à en lire au moins deux chapitres par jour (25 mai 1845, NR 27,3). Cette familiarité avec les écrits de l’Apôtre n’est pas sans lien avec les citations qu’il en fait de mémoire dans sa prédication et ses écrits. Le P. Cave a souligné la dimension christocentrique de cette révélation ; elle est tout autant eucharistique : le Christ en son Sacrement est la source de tout amour.
Il faut ajouter, sans nul doute, sa grâce de fondateur de la Société du Saint-Sacrement (Religieux, Servantes et Agrégés), avec le culte de l’Eucharistie, sa prédication sur l’Eucharistie, l’importance de la communion et de l’adoration, son ministère auprès des jeunes ouvriers avec l’œuvre de la Première communion des adultes où il catéchise des jeunes, laissés pour compte de la pastorale paroissiale, et célèbre occasionnellement des baptêmes d’adultes.
En guise de conclusion
Le P. Eymard, toujours en chemin, a connu une évolution dans son approche du baptême. Il en a toujours vécu intensément. Au début avec une note plus volontariste, avec la pratique des vertus chrétiennes, le sens du devoir, le souci de la perfection pour acquérir le bonheur du ciel. Une période afflictive par certains aspects, marquée par l’observance des commandements et la pratique de la vertu, très généreuse. Puis il découvre qu’il y a une autre voie que celle du devoir : celle de l’amour. Dès lors, il fait fructifier ‘la grâce de son saint baptême’, qu’il perçoit comme une configuration au Christ mort et ressuscité. S’en suit le ‘dépouillement du vieil homme’, selon la pensée paulinienne, et tout autant le ‘revêtement de l’homme nouveau’. C’est l’Esprit Saint qui agit et transforme sa vie. Une transformation qui trouve son expression la plus haute dans le ‘don de la personnalité’, reçu en cette même retraite de Rome le 21 mars 1865. C’est alors qu’il a reçu, à défaut de la fondation d’une communauté au Cénacle de Jérusalem, le ‘cénacle en moi et la gloire de Dieu en moi’, comme il l’avait pressenti le 5 février dans sa 3e méditation. C’est la synthèse de sa vie baptismale qui s’épanouit dans sa vie eucharistique.
Faut-il ajouter qu’il réalisait ainsi le ‘renouvellement, sans cesse repris, des vœux de son baptême lors de la préparation à sa première communion le 15 février 1823 : Acte d’offrande : Mon doux Jésus, je me donne à vous, comme vous vous êtes donné tout à moi. – Mon Dieu, mon tout. Julien (NR, 1).
André Guitton, sss
Paris, le 10 février 2018
Questions :
- Demande de clarification
- Où situer la ‘nouveauté’ dans l’approche du baptême chez le P. Eymard ?
- De quelle façon ma vie chrétienne en est-elle éclairée ?
- Lien entre baptême et Eucharistie ?
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