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esprit saint

  • Le Temple futur - ou de la littérature apocalyptique en temps de crise

    Note liminaire
    Le texte que vous vous apprêtez à lire
    est le fruit d'une méditation personnelle de la Parole de Dieu
    qui n'engage que son auteur.

     

    Invocation de l’Esprit Saint – Réception de la Parole de Dieu

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    Le Christ mesurant le monde entier - Manuscrit allemand du 15e siècle

    Vendredi 6 novembre 2020

    Au moment de l’oraison, après la psalmodie des Laudes, je me vois poussée à l’invocation de l’Esprit Saint, directement par le parler en langues (sans chant préalable).

    Consonances orientales. ”Abba” s’échappe plusieurs fois de ma bouche, dans un souffle, au milieu des syllabes qui me sont étrangères.

    Puis, j’ouvre la petite Bible de Jérusalem qui tient dans la main, au hasard. Je place mon index sur la fine page de papier-bible. J’ouvre les yeux. Elle est à l’envers. Je la retourne et lis la phrase qui m’est donnée : 


    41
    Il y avait quatre tables d'un côté et quatre tables de l'autre côté du porche, soit huit tables sur lesquelles on immolait.

    Je remonte alors au début du paragraphe et lis :


    38
    Il y avait une chambre dont l'entrée était dans le vestibule du porche. C'est là qu'on lavait l'holocauste. 39 Et dans le vestibule du porche, il y avait, de chaque côté, deux tables pour y égorger les holocaustes, les sacrifices pour le péché et les sacrifices de réparation. 40 Du côté extérieur, pour qui montait à l'entrée du porche, vers le nord, il y avait deux tables, et de l'autre côté, vers le vestibule, deux tables. 41 Il y avait quatre tables d'un côté et quatre tables de l'autre côté du porche, soit huit tables sur lesquelles on immolait. 42 En outre, il y avait quatre tables en pierre de taille, pour les holocaustes, longues d'une coudée et demie, larges d'une coudée et demie et hautes d'une coudée, sur lesquelles on déposait les instruments avec lesquels on immolait l'holocauste et le sacrifice. 43 Des rigoles, d'un palme de large, étaient aménagées à l'intérieur, tout autour. C'est sur ces tables qu'on mettait la viande des offrandes.[1]

    [1] Précision trouvées dans Sondez les Écritures : « Des équipements pour les sacrifices : versets 38-43 :

    Près de la porte du nord et au-dedans de l’édifice, se trouveront huit tables destinées à la préparation des sacrifices (verset 41). Quatre tables supplémentaires en pierre taillée serviront à entreposer les couteaux pour égorger les sacrifices qui seront ensuite pendus à des crochets doubles fixés au mur du portique nord (versets 42, 43 a).

    Tout cela nous fait penser au sacrifice du Seigneur, jugé sur le “Pavé” (Jean 19. 13), puis pendu au bois de la croix (Actes 5. 30  ; 10. 39  ; Galates 3. 13), hors de la porte (Hébreux 13. 12), pour nous ouvrir l’accès à la présence de Dieu (Hébreux 10. 19). »

    Puis, en haut de la page, je lis le nom du livre biblique dans lequel j’ai reçu ce paragraphe : Ézéchiel. Je tourne la page précédente et y découvre le chapitre 40 dans lequel ce passage se situe. La Bible de Jérusalem a placé un intertitre en chapeau : 4. La « Torah » d’Ézéchiel. Puis, avant le numéro du chapitre 40, ce titre, en gras : Le Temple futur. Pour comprendre la situation du passage reçu dans le livre du prophète Ézéchiel, je lis ce premier paragraphe :


    1
    La vingt-cinquième année de notre captivité, au commencement de l'année, le dix du mois, quatorze ans après que la ville eut été prise, en ce jour même, la main de Yahvé fut sur moi. Il m'emmena là-bas : 2 par des visions divines, il m'emmena au pays d'Israël et me déposa sur une très haute montagne, sur laquelle semblait construite une ville, au midi. 3 Il m'y amena, et voici qu'il y avait un homme dont l'aspect était comme celui de l'airain. Il avait dans la main un cordeau de lin et une canne à mesurer, et il se tenait dans le porche. 4 L'homme me dit : "Fils d'homme, regarde bien, écoute de toutes tes oreilles et fais bien attention à tout ce que je vais te montrer, car c'est pour que je te le montre que tu as été amené ici. Fais connaître à la maison d'Israël tout ce que tu vas voir."

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    Parcours d'Ézéchiel dans le Temple in Sondez les Écritures

     

    Le Temple futur

    Dans sa vision, Ézéchiel est donc transporté dans une ville et sur les lieux du Temple futur minutieusement montré par cet homme. Après avoir détaillé le mur extérieur au Temple ; le porche oriental ; le parvis extérieur ; le porche septentrional ; le porche méridional ; le parvis intérieur - porche méridional ; le porche oriental ; enfin, le porche septentrional, Ézéchiel découvre les annexes des porches (Ez 40, 38) qui correspond au paragraphe où j’ai reçu le verset initial (40, 41). Dans la Bible du Semeur, Ez 40, 38 est intitulé le parvis intérieur, ce qui est très éclairant sur l’ordonnancement spatial du Nouveau Temple. Les annexes des quatre porches cardinaux donnent donc sur le parvis intérieur. J’y reviendrai plus loin.

    La vision du Temple avec le fleuve Kédar.jpg

    Ézéchiel et la vision du Temple in Des trésors cachés dans le sable

    Puis, pour comprendre le contexte et les conditions de la prophétie d’Ézéchiel, je suis allée lire l’introduction à ce Livre dans la Bible de Jérusalem. Je la reprends ici-même :

    « Ézéchiel. — À la différence du livre de Jérémie, celui d’Ézéchiel se présente comme un tout bien ordonné. Après une introduction 1-3, où le prophète reçoit de Dieu sa mission, le corps du livre se divise clairement en quatre parties :

    — les chap. 4-24 contiennent presque uniquement des reproches et des menaces contre les Israélites avant le siège de Jérusalem ;

    — les chap. 25-32 sont des oracles contre les nations, où le prophète étend la malédiction divine aux complices et aux provocateurs de la nation infidèle ;

    — dans les chap. 33-39, pendant et après le siège, le prophète console son peuple en lui promettant un avenir meilleur ;

    — il prévoit enfin, chap. 40-48, le statut politique et religieux de la communauté future, rétablie en Palestine.»

     

    C’est donc au tout début de cette dernière partie que j’ai reçu le passage, ce matin. Ce matin d’un vendredi, en début d’une deuxième vague de Covid 19, à l’automne 2020, plus virulente que la première du printemps dernier. Il est important de contextualiser la réception de cette Parole divine qui m’est donnée aujourd’hui. Elle m’est donnée pour nos contemporains et pas à simple titre individuel. Ce don de la Parole en ce vendredi 6 novembre 2020 délivre son sens dans le contexte actuel où nous la recevons. Voici ce que poursuit l’introduction à ce livre prophétique, de la Bible de Jérusalem :

    « Ézéchiel a exercé son activité parmi les exilés de Babylonie entre 593 et 571 (av. J-C.). Ézéchiel est un prêtre. Le Temple est sa préoccupation majeure, qu’il s’agisse du Temple présent, souillé par des rites impurs et que quitte la Gloire de Yahvé, ou du Temple futur, dont il décrit minutieusement le plan et où il voit revenir Dieu. Il a le culte de la Loi et, dans son histoire des infidélités d’Israël, le reproche d’avoir « profané les sabbats » revient comme un refrain. Il a horreur des impuretés légales et un grand souci de séparer le sacré du profane. »

    Ce que je souligne en caractère gras me semble entrer en correspondance avec notre époque. Non pas au niveau du Temple, de l’Église en elle-même, mais au niveau de la société dans son ensemble où la question de Dieu semble vouloir être totalement évacuée.

     

    La vision d’Ézechiel

    Voici l’éclairage qu’apporte l’introduction de ce même livre d’Ézéchiel dans la Bible du Semeur :

    « La prophétie d’Ézéchiel est comme ponctuée par les déplacements de la gloire de l’Éternel, symbole de la grandeur et de la présence de Dieu. Elle apparaît au prophète lors de son appel. Quand la sentence tombe contre Jérusalem et contre son Temple, la gloire de l’Éternel, qui avait envahi le Temple au moment de sa dédicace sous Salomon (1R 8, 10-11), se retire du dessus du coffre de l’alliance (9, 3). Elle se dirige alors vers l’entrée du Temple (10, 18-19) puis quitte l’édifice de Jérusalem pour se placer sur le mont des Oliviers, à l’est de la ville (11, 22-23).

    Dans sa vision de la nouvelle Jérusalem et du nouveau Temple, situés au sein d’une nouvelle création (chap. 40 à 48), le prophète verra la gloire revenir de l’est (43, 1-3) pour remplir à nouveau le Temple (44, 4).

    Jésus-Christ, gloire de l’Éternel (Jn 1, 14), se retirera lui aussi sur le mont des Oliviers (Mt 21, 17 ; Lc 21, 37). Mais, un jour, la gloire de Dieu, déjà présente dans l’Église (1Co 3, 16), habitera la Nouvelle Jérusalem (Ap 21, 10-11). »

    Notre passage se situe exactement au début de la vision du Temple de Jérusalem, dont il décrit minutieusement le plan et où il verra revenir Dieu, au sein de cette nouvelle création. « Ézéchiel est surtout un visionnaire », nous rappelle la Bible de Jérusalem dans son introduction au livre :

    « Ses quatre visions, 1-3 ; 8-11 ; 37 ; 40-48, ouvrent un monde fantastique : (…), un Temple futur dessiné comme sur un plan d’architecte, d’où jaillit un fleuve de rêve dans une géographie utopique. Ce pouvoir d’imaginer s’étend aux tableaux allégoriques que trace le prophète. »

     

    Les rigoles du Temple futur

    Dans notre passage est décrit la chambre où on lavait les animaux vivants de l’holocauste, dans le vestibule du porche. Dans ce vestibule du porche, il y avait deux tables pour y égorger les animaux. Une table consacrée aux sacrifices pour le péché, une table consacrée aux sacrifices pour la réparation. Du côté extérieur aussi sont disposées des tables sur lesquelles on immolait. Un système de rigoles était aménagé à l’intérieur, tout autour, permettant de canaliser l’évacuation du sang des animaux immolés sur les tables prévues à cet usage. Et il y avait quatre tables sur lesquelles on déposait les instruments avec lesquels on immolait l'holocauste et le sacrifice.

    esprit saint,foi,covid-19,christianisme,sandrine treuillard,conscienceLa description architecturale de notre passage évoque le sang des holocaustes sans en prononcer le mot. C’est un vendredi, aujourd’hui, que je reçois ce passage. Le vendredi est le jour de la Passion du Christ, Agneau de Dieu immolé sur la Croix pour le rachat de toute l’humanité. Son sang pénètre le bois de la croix, et s’écoule de ses pieds pour féconder la terre. C’est la croix qui canalise le Sang du Dieu fait homme sacrifié pour l’humanité entière. Le passage que nous lisons aujourd’hui doit être lu comme un signe des temps. L’introduction au livre d’Ézéchiel de la Bible de Jérusalem peut encore nous guider vers une interprétation contemporaine du paragraphe reçu ce jour :

    « Ézéchiel rompt avec la tradition de la solidarité dans le châtiment et affirme le principe de la rétribution individuelle. Prêtre, si attaché à son Temple, il rompt aussi, comme avait déjà fait Jérémie, avec l’idée que Dieu est lié à son sanctuaire. En lui se marient l’esprit prophétique et l’esprit sacerdotal qui étaient restés souvent opposés : les rites — qui subsistent — sont valorisés par les sentiments qui les inspirent. Toute la doctrine d’Ézéchiel est centrée sur le renouvellement intérieur : il faut se faire un cœur nouveau et un esprit nouveau, ou plutôt Dieu lui-même donnera un « autre » cœur, un cœur « nouveau », et mettra dans l’homme un esprit « nouveau ».

    Cette spiritualisation de toutes les données religieuses est le grand apport d’Ézéchiel. Par un autre de ses aspects, Ézéchiel est à l’origine du courant apocalyptique. Ses visions grandioses préludent à celles de Daniel et il n’est pas étonnant que dans l’Apocalypse de saint Jean on retrouve si souvent son influence. »

     

    Un regard dans le rétroviseur : de la littérature de crise

    Je ne puis m’empêcher de regarder dans le rétroviseur : pendant le premier confinement, au bout de 12 jours aux Bleineries à Sury-ès-Bois — dans le Cher chez mes parents où je suis restée presque 3 mois —, après la Neuvaine de l’Annonciation invoquant la Vierge pour venir en aide aux soignants et aux malades, le samedi 28 mars 2020, dans ma prière matinale j’avais reçu la Parole de Dieu dans le Lévitique (4, 27-35) (Cf : Des vidéos-prières #Covid19 en offrande du soir à l'Île Saint-Pardoux - Relecture de ce qui est advenu en ce lieu) qui décrivait les sacrifices d’expiation. Là aussi, il était question d’immolation d’animaux et le sang pour expier une faute individuelle était évoqué explicitement.

    Puis, plus tard dans ce premier confinement, le vendredi 24 avril, qui correspondait à l’entrée en Ramadân des musulmans, je reçus la Parole de Dieu dans le Livre de l’Apocalypse (10, 1-11) (cf : Le livre de l’Apocalypse et le petit livre Coran). Suite à cela, me fut donné le conseil de lecture suivant : Présences d’Évangile I : Lire les Évangiles et l’Apocalypse en Algérie et ailleurs, du jésuite Christophe Theobald (éditions de l’Atelier, 2011). Dans ce livre, Christophe Theobald précise que l’on peut définir la littérature apocalyptique « comme une littérature de crise :

    « Crise » est un terme médical qui désigne, dans l’évolution d’une maladie, l’état critique entre deux états d’équilibre du corps. Ce terme s’applique également aux sociétés. On peut espérer que la crise de la société [algérienne] est le temps de passage entre deux équilibres ; équilibre qui d’ailleurs ne signifie jamais stabilité définitive, ainsi la marche où chaque pas est une rupture d’équilibre. »

     

    L'actualité du Covid vide de son contenu humain et spirituel la question de notre rapport à la maladie et à la mort

    Dans le paragraphe d’Ézéchiel de ce matin (40, 38-43), nous n’en sommes pas encore à la manifestation rafraîchissante en temps de crise et qui viendra plus tard dans le récit, du fleuve qui jaillit du côté du Temple.[2]

    [2] Ez 47, 1 : Il me ramena à l'entrée du Temple, et voici que de l'eau sortait de dessous le seuil du Temple, vers l'orient, car le Temple était tourné vers l'orient. L'eau descendait de dessous le côté droit du Temple, au sud de l'autel.

    Mais, ce que je trouve remarquable, c’est que le mot même de sang ne figure pas dans le passage, où tout est minéral (tables en pierre de taille), stricte description de l’architecture pourtant faite pour recevoir la chair encore fraîche des holocaustes et encore toutes chaudes du sang qui gorgeait leur chair. Seule la description des rigoles aménagées à l’intérieur, tout autour des tables, dans le vestibule du porche évoque la canalisation et l’évacuation des filets du sang animal lors de l’égorgement pour l’immolation.

    Ce paragraphe (et les précédents) se borne à décrire l’architecture, l’ordonnancement spatial du Temple et les fonctions du mobilier architectural pour les rites de purification, les sacrifices des animaux offerts en holocaustes (Ez 40, 39 : « les sacrifices pour le péché et les sacrifices de réparation »). Cela me renvoie dans notre aujourd'hui à la litanie des chiffres et pourcentages de l'actualité du Covid, qui vide de son contenu humain et spirituel la question de notre rapport à la maladie et à la mort.

     

    Ritualiser le soin, l’accompagnement en fin de vie et la mort

    Il me renvoie à la gestion de la crise sanitaire du Coronavirus, d’après un témoignage venu du Québec [vidéo ou Catherine Dorion lit la lettre de Amina Khilaji (sur Facebook)], lors de la première vague de la pandémie, quand les résidences pour personnes âgées étaient saturées (les CHSLD, au Québec) au point de ne pouvoir s’occuper des malades décemment, qui mourraient quasiment dans l’abandon, sans digne accompagnement en leur fin de vie. Cadavres enveloppés dans des sacs plastiques. Pas de dernier adieu, pas de funérailles. Une mort anonyme, sans plus de relation ni familiale et fraternelle, ni au Tout-Autre. Je retrouve le témoignage de cette jeune femme, Amina Khilaji, qui avait perdu sa mère d’un cancer, et dont elle s’était occupée plusieurs années pendant son adolescence. Forte de cette expérience, elle s’est portée volontaire pour aider au soin des malades âgés de la Covid 19 dans les structures québécoises submergées, structures différentes de nos EPHAD français, les CHSLD. Son témoignage poignant nous montre la réalité de la maladie et de la mort en face, et l’état de submersion des structures qu’a engrangé la pandémie. Réalité de la maladie et de la mort que nous nous sommes habitués à éloigner le plus possible de nos yeux, de nos pensées, de nos consciences et qui nous revient comme chargée de la violence d’un boomerang. La souffrance de cette bénévole (qui voulait bien venir en aide à ses ainés en souffrance) prisonnière d’un système depuis longtemps engrangé et dans les circonstances hyper-accentuées de la pandémie relève le besoin, la nécessité criante de ritualiser le soin, l’accompagnement en fin de vie et la mort. De ne pas voir les événements uniquement du point de vue des chiffres impersonnels, du décompte des morts et des infectés du virus, et des probabilités chiffrées de l’avancée de la pandémie. Vision qui est absence de vision et aveu d’impuissance.

     

    Introduire du symbolique pour affronter la maladie et la mort de façon responsable et humaine

    Ce que me révèle le paragraphe d’Ézéchiel 40, 38-43 de notre tranche de vie actuelle, c’est cette mise à distance de la réalité physique de la mort, qui est un déni, et donc de l’impossibilité d’introduire du symbolique pour affronter la maladie et la mort de façon responsable et humaine. Le détail des rigoles tout autour de la chambre dont la fonction est de canaliser l’eau du lavage et du sang des animaux égorgés sur les tables et de l’évacuer au dehors, ces canalisations à ciel ouvert, larges d’une paume (8 centimètres) suggèrent sans le nommer ici, le sang, la vie répandue en « sacrifices pour le péchés » et « sacrifices de réparation ». Tout le Temple est bâti pour ritualiser le rapport à la mort, à la vie, à Dieu, rituel dont l’homme a besoin pour vivre en accord avec la Vie qui le dépasse. La pandémie de Covid 19 révèle par sa violence combien nous sommes allés trop loin dans l’absence de symbolisation, de ritualisation de la maladie et de la mort. Le nouveau Temple décrit à Ézéchiel lors de ses visions nous donne un aperçu du remède à la crise pandémique que nous vivons. Nous devons nous pencher sur ce remède, qui est au niveau symbolique et spirituel que nos sociétés occidentales ont mis à mal.

     

    Exilés de notre humanité profonde

    Je reprends la suite de la citation de Christophe Theobald :

    « La situation est bien évidemment plus grave quand il s’agit de grandes crises où l’on peut se demander : « Jusques à quand cela va durer ? ». Le peuple juif a posé cette question au temps de l’Exil (exil à Babylone, avec Ézéchiel, ici, précisément, nda) ou… de l’Exode. Dans toute la littérature apocalyptique, l’Exode est la figure fondamentale. »

    Notre exil ou exode contemporain, en 2020, est celui de notre humanité profonde. Un exil intérieur, une coupure radicale d’avec ce qui nous fait être des êtres humains : déni de la souffrance, de la mort et donc déni de notre capacité à symboliser la souffrance, la maladie, la mort, à les ritualiser, à vivre les passages douloureux de l’existence humaine à l’aide de la spiritualité qui est le cœur de la dignité humaine. « (Mais,) comme dans un fondu enchaîné, la littérature apocalyptique superpose différentes figures. Au premier plan, on voit l’Exode mais un regard exercé découvre derrière cette figure l’événement de l’Exil. Cette technique est le cœur même de la littérature apocalyptique : capacité à superposer des images, à introduire des comparaisons et, ainsi, à suggérer des passages. De cette manière-là, la littérature apocalyptique lit l’histoire juive comme une histoire d’espérance. » Christophe Theobald, quelques lignes plus bas, poursuit :

    « Le sentiment d’être en danger de mort est le point de départ de ce genre d’écriture. C’est le moment d’une crise absolue où l’homme se trouve au point le plus bas, sur la terre, « par terre ». Mais quand le peuple crie : « Jusques à quand ? », le visionnaire de la littérature apocalyptique révèle à certains qu’un « monde nouveau » viendra d’en haut, du ciel, « bientôt ».[3]

    [3] Présences d’Évangile I : Lire les Évangiles et l’Apocalypse en Algérie et ailleurs, du jésuite Christophe Theobald, éditions de l’Atelier, 2011, pp. 131-132.

     

    Le parvis intérieur du Nouveau Temple

    Le passage d’Ézéchiel 40, 38-43 qui nous décrit la chambre consacrée au lavage et à l’égorgement des offrandes animales nous conduit au parvis intérieur du Nouveau Temple. Plus loin, au chapitre 43, le prophète se trouvera à nouveau emmené par l’homme dans ce même lieu du Nouveau Temple, le parvis intérieur, où le Seigneur reviendra (citation de la Bible de Jérusalem) :  

    1 Il me conduisit vers le porche, le porche qui fait face à l'orient, 2 et voici que la gloire du Dieu d'Israël arrivait du côté de l'orient. Un bruit l'accompagnait, semblable au bruit des eaux abondantes, et la terre resplendissait de sa gloire. 3 Cette vision était semblable à la vision que j'avais eue lorsque j'étais venu pour la destruction de la ville, et aussi à la vision que j'avais eue sur le fleuve Kebar. Alors je tombai la face contre terre.

    4 La gloire de Yahvé arriva au Temple par le porche qui fait face à l'orient. 5 L'esprit m'enleva et me fit entrer dans le parvis intérieur, et voici que la gloire de Yahvé emplissait le Temple. 6 J'entendis quelqu'un me parler depuis le Temple, tandis que l'homme se tenait près de moi. 7 On me dit : Fils d'homme, c'est ici le lieu de mon trône, le lieu où je pose la plante de mes pieds. J'y habiterai au milieu des Israélites, à jamais ; et la maison d'Israël, eux et leurs rois ne souilleront plus mon saint nom par leurs prostitutions et par les cadavres de leurs rois, 8 en mettant leur seuil près de mon seuil et leurs montants près de mes montants, en établissant un mur commun entre eux et moi. Ils souillaient mon saint nom par les abominations auxquelles ils se livraient, c'est pourquoi je les ai dévorés dans ma colère. 9 Désormais ils éloigneront de moi leurs prostitutions et les cadavres de leurs rois, et j'habiterai au milieu d'eux, à jamais.  

    10 Et toi, fils d'homme, décris ce Temple à la maison d'Israël, afin qu'ils rougissent de leurs abominations.[4] (Qu'ils en mesurent le plan.) 11 Et s'ils rougissent de toute leur conduite, enseigne-leur la forme du Temple et son plan, ses issues et ses entrées, sa forme et toutes ses dispositions, toute sa forme et toutes ses lois. Mets tout cela par écrit devant leurs yeux, afin qu'ils observent sa forme et toutes ses dispositions et qu'ils les réalisent. 12 Voici la charte du Temple : au sommet de la montagne, tout le territoire qui l'entoure est un espace très saint. (Telle est la charte du Temple.)

    [4] Je trouve cette analyse très éclairante sur le blog « Des trésors cachés dans le sable », article intitulé Ézéchiel et la vision du Temple : chapitres 40 à 48, intertitre èth : l'Aleph et le Tav :

    « Au verset 10 du chapitre 43, comme dans de très nombreux passages de l'Écriture, un petit mot, "èth", apparaît à trois reprises. Ce mot est formé de deux lettres : Aleph et Tav, respectivement la première et la dernière lettre de l'Alphabet hébreu (l'AlephBeth). Les rabbins en ont conclu que ce mot symbolisait les Écritures dans leur totalité. D'autres ont cru reconnaître en ce Aleph Tav le Messie en personne. On peut aisément reconnaître que dans un cadre aussi glorieux, la présence du Messie soit plus qu'évidente, lui qui incarne la révélation parfaite de Dieu, rédigée dans les Écritures. Mais ce petit mot "èth" pourrait également être comme un rappel incitant le peuple d'Israël à consulter ces Écritures. Car si cette portion du livre d’Ézéchiel est complète quant à sa description, elle ne peut être observée et comprise que si elle s'inscrit dans un cadre plus large. Celui de l'exil du peuple hébreu d'une part, comme de celui d'un historique à la fois national et religieux auquel le prophète se réfère, d'autre part. Ce cadre étant largement décrit dans les pages de ces Écritures où le livre d’Ézéchiel a pleinement sa place. »

    Suivent les dimensions de l’autel, la description d’un fossé qui court autour de sa base, le sommet de l’autel avec son foyer, etc… et les prescriptions concernant l’autel que déclare le Seigneur, l’Éternel, par la bouche de l’homme qui s’adresse à Ézéchiel, le Fils d’homme. Détails du rite d’expiation, des offrandes d’holocauste, d’aspersion du sang d’un jeune taureau… ; détails des jours pour le rite de purification : de quel animal, de qui les officieront et comment… pendant sept jours. Ez 43, 27 : « Passé cette période, le huitième jour et les jours suivants, les prêtres offriront sur l'autel vos holocaustes et vos sacrifices de communion. Et je vous serai favorable, oracle du Seigneur Yahvé ». Au terme desquels huit jours, le Seigneur les accueillera donc, à nouveau.

     

    Être attentifs à la transformation qui s’annonce au cœur de la crise

    « — Comment se produit la transformation qui s’annonce au cœur de la crise ? Une des grandes figures des temps anciens revient : Hénok dont la Genèse dit que « Dieu l’avait enlevé » (Gn 5, 21-24) vient révéler le kairos, chance qui passe et moment de la transformation du monde. Puis, ce sera le tour de Moïse et d’Élie ou encore d’Esdras qui a fait la réforme après le retour de l’exil, d’Adam et du Fils de l’homme de jouer le rôle de révélateur. L’apocalyptique ne parle pas de leur réincarnation mais de leur retour. (…) Dans une situation de crise de société comme celle que l’on traverse ici (en Algérie, nda), on se dit parfois que seul « un homme véritable » pourrait rétablir la situation. »

    « — Comment cette révélation parvient-elle jusqu’à l’homme ? Elle passe par l’intermédiaire d’un livre. On en mesure ici (en Algérie, nda) l’enjeu face à l’islam qui donne une importance particulière au Coran. (…) Il y a un premier « livre », et c’est la Création tout entière ; mais pour lire ce « livre » de la vie et de l’histoire, il en faut un second, celui que « l’auteur » reçoit de la main d’un des révélateurs. » [5]

    [5] Présences d’Évangile I : Lire les Évangiles et l’Apocalypse en Algérie et ailleurs, du jésuite Christophe Theobald, éditions de l’Atelier, 2011, pp. 132-133. pp. 132-133.

    Pour nous ici, l’auteur est le prophète Ézéchiel souvent appelé « fils d’homme » qui reçoit sa vision par l’intermédiaire d’un homme qui l’emmène dans les différents lieux du Temple nouveau.

     

    Nos cœurs brisés, nos esprits humiliés, reçois-les

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    CRUCIFIXION - Prédelle de la Pala dell’Osservanza, vers 1441-1442
    ‘Maestro dell’Osservanza’
    (Sano di Pietro [Sienne, 1410 – 1481]?) 
    Provenance : Anciennement, Église de San Maurizio (supprimée en 1783, avant d’être détruite)

    Sienne, Pinacoteca Nazionale.

    Cette tache rouge du vêtement de Marie Madeleine répandue au pied de la croix, semble elle-même couler de la croix. Comme si Marie Madeleine éplorée, étreignant les pieds sanglants de son bien-aimé, représentait l'humanité tout entière, repentie et miséricordiée par Dieu. Jésus est devenu le Temple futur, de son côté droit jaillit les fleuves d'eau vive et son précieux Sang rédempteur. L'économie du Salut christique est résumé en cette peinture : vive eucharistie de l'Amour partagé où l'Église reçoit son Dieu fidèle à son Alliance. Le Sang de Dieu abreuve la Terre, Sa promise.

    Pour clore cette méditation, je retiendrai le cantique des laudes de ce jour, 10 novembre 2020, qui rejoint ce thème de la repentance :

     

    CANTIQUE D'AZARIAS (DN 3)

    26 Béni sois-tu, Seigneur, Dieu de nos pères,
    loué soit ton nom, glorifié pour les siècles !

    27 Oui, tu es juste
    pour nous avoir ainsi traités.

    29 Car nous avons péché ; +
    quand nous t'avons quitté, nous avons fait le mal :
    en tout, nous avons failli.

    34 À cause de ton nom,
    ne nous quitte pas pour toujours *
    et ne romps pas ton alliance.

    35 Ne nous retire pas ton amour, +
    à cause d'Abraham, ton ami,
    d'Isaac, ton serviteur, *
    et d'Israël que tu as consacré.

    36 Tu as dit que tu rendrais leur descendance
    aussi nombreuse que les astres du ciel, *
    que le sable au rivage des mers.

    37 Et nous voici, Seigneur,
    le moins nombreux de tous les peuples, *
    humiliés aujourd'hui sur toute la terre,
    à cause de nos fautes.

    38 Il n'est plus, en ce temps,
    ni prince ni chef ni prophète, +
    plus d'oblation ni d'holocauste ni d'encens, *
    plus de lieu où t'offrir nos prémices
    pour obtenir ton amour.

    39 Mais, nos cœurs brisés,
    nos esprits humiliés, reçois-les, *
    comme un holocauste de béliers, de taureaux,
    d'agneaux gras par milliers.

    40 Que notre sacrifice, en ce jour,
    trouve grâce devant toi, *
    car il n'est pas de honte
    pour qui espère en toi.

    41 Et maintenant, de tout cœur, nous te suivons,
    nous te craignons et nous cherchons ta face.

     

    Jehanne Sandrine du SC & de la SE.jpg

     

    Sandrine Treuillard

    Jehanne Sandrine du Sacré Cœur & de la Sainte Eucharistie

    6-18 novembre 2020,
    Vanves

     

     

     

    Légende de la peinture illustrant le paragraphe intitulé Les rigoles du Temple futur :
    Crucifixion de Sano di Pietro (Sienne, 1410 – 1481), Samuel H. Kress Collection

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  • Covid-19 : Ouvrir toute église rurale pour prier Notre Dame de Lourdes (17-25 mars 2020)

    L'espérance de retour en France par les églises rurales

    Homélie (extraits) de Mgr Jérôme Beau à l'Annonciade de Saint-Doulchard (Bourges) à 18'50" : 3ème dimanche du Carême - 15 mars 2020

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    Le Rocher qui nous abreuve, c'est l'Eucharistie, et les Sacrements. C'est le Christ lui-même. 

    Annonciade 15 mars 2020 6 Orant.jpg« Entrer dans cette relation avec celui qui est le Rocher, le Christ, nourri par les sacrements : le Pardon et l'Eucharistie. Celui qui ne cesse d'être avec nous. Je peux transmettre beaucoup de connaissance, sur le Christ, sur la Bible, sur la théologie. Mais il y a une chose que je ne peux pas faire : c'est vous ouvrir à la rencontre du Christ, que vous puissiez dire oui à l'amitié avec le Christ. Et cependant, c'est cela être chrétien (là Mgr Jérôme Beau commence à toucher sa croix). C'est vivre cette rencontre et en vivre à chaque instant de sa vie comme étant sa force. La force que vous avez reçue lorsque vous avez reçu le don de l'Esprit Saint lors de votre confirmation. Et c'est la mémoire de ce don de Dieu. L'espérance ne trompe pas, car "l'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le don de l'Esprit Saint". Vous vous rappelez de votre confirmation et donc vous vous rappelez comment cette confirmation a été le don de Dieu comme une force d'espérance dans votre vie. (Rappel de la devise épiscopale de Mgr Beau : "Pour l'espérance du monde"). Cette force d'espérance dont nous parle saint Paul, dans l'épître aux Romains. Oui, l'espérance ne déçoit pas. Mais l'espérance n'est jamais un optimisme béat. L'espérance est la force du courage qui se manifeste dans le don de soi-même. Et peut-être que l'épreuve que de nombreuses nations traversent aujourd'hui à travers la pandémie du Corona Virus, nous rappelle que l'espérance tient au courage du don de soi-même. C'est ce courage-là qu'il faut savoir voir. Le Seigneur dans sa bonté ne vient pas aplanir le chemin de tel façon qu'il n'y ait aucun obstacle. Il nous donne de traverser les obstacles et les épreuves par la seule force qui vient de Dieu : la charité. Car la charité ne nous tromperas jamais. "Si tu savais le don de Dieu…" si tu te laissais aimer par Dieu, alors tu aurais la force de témoigner et de traverser les réalités les plus fortes, les plus grandes épreuves, par la puissance de l'amour et de la miséricorde de Dieu. »

    priants des campagnes,mgr jérôme beau,adoration saint martin,france,foi,christianisme,coronavirus,covid-19,espérance,esprit saintJ'invite tous les diocésains à faire une Neuvaine à Notre-Dame de Lourdes dans les églises de chaque village, même et surtout s'ils sont seuls, à ouvrir chaque église.

    « C'est peut-être cela la force qu'il faut pour les chrétiens de France aujourd'hui : la force de ne pas oublier que le Salut passe aussi par la prière. J'invite tous les diocésains (du Berry) à faire du 17 au 25 mars (Annonciation) une Neuvaine à Notre-Dame de Lourdes et à le faire dans les églises de chaque village, même et surtout s'ils sont seuls, à ouvrir chaque église, chaque jour du 17 au 25 mars, à 15h30, pour prier le chapelet, Notre Dame de Lourdes : à la fois pour tous ceux qui sont malades, pour le personnel soignant, et pour éradiquer ce virus Covid-19, pour nous, évidemment, pour la France et pour le monde. Nous pouvons faire confiance à Notre Dame de Lourdes : c'est une bonne Mère, elle entend notre prière, et elle sait la transmettre au Fils qui la dit au Père. Si nous avons la foi, la force de la prière pourra toujours nous aider. »

    Monseigneur Jérôme Beau
    Archevêque du Diocèse de Bourges
    (24'20" à 27' sur la vidéo)

     

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  • Esprit Saint en Visitation : Méditation sur la Visitation avec Christian de Chergé

    Esprit Saint en Visitation
    en correspondance avec Christian de Chergé

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                      C’est Jésus qui est dans le secret de Dieu [1].

                 C’est Jésus qui est dans le sein de Marie, et c’est le secret de Dieu. Marie ne le sait même pas elle-même, même si elle en a reçu l’annonce. C’est Élisabeth qui le lui révèlera, alors qu’elle-même porte Jean depuis 6 mois et que Marie vient à peine d’être fécondée par l’Esprit. Elle porte le Verbe en elle qui n’est pas encore chair, puisque Jésus n’est humainement qu’une minuscule cellule. Déjà pleinement Dieu, étant le Verbe, pur Esprit de Dieu descendu en le sein de la Vierge. Marie en est là au moment de la Visitation.

                Jésus est en secret en Marie jusqu’à la Visitation. Poussée par l’Esprit reçu à l’Annonciation, Marie s’élance pour aller aider son aînée qui donnera naissance à un enfant dans trois mois. Elle pénètre le seuil de la maison de Zacharie et adresse le salut en ces termes : « La paix soit avec vous ! » C’est alors que dans la rencontre avec Élisabeth l’Esprit Saint révèle le mystère qui est en Marie par la bouche de sa cousine.


    la visitation,christian de chergé,christian salenson,foi,christianisme,islam,esprit saint,magnificat,sandrine treuillard            Oui, le petit Jean en le sein d’Élisabeth tressaille d’allégresse au contact de l’Esprit dont est comblée Marie, et c’est la bouche d’Élisabeth qui le formule après que son être entier en ait été informé. Marie ne sent rien encore en son sein virginal, elle est tout emplie d’abord de la foi et de l’Esprit. L’Esprit Saint la couvrit de son ombre, il est venu dans les plis virginaux de ses entrailles. Jésus fait homme n’est pas encore charnel. Il est pur Esprit de Dieu en elle. Comme l’Esprit de Jésus est premier lors de la Création, son incarnation vient ensuite dans l’histoire humaine.

                Le petit Jean a vent de Jésus alors qu’Il n’est encore qu’Esprit. Jésus est conçu du Père par l’Esprit en Marie. Il est parole vivante de l’Esprit en Marie pour le petit Jean qui le reçoit donc d’abord comme Verbe, pur Esprit de Dieu. Cette réception du petit Jean se manifeste en joie, en tressaillements dans la matrice d’Élisabeth. La joie se communique ainsi à Élisabeth, pleine de reconnaissance. Car, avec la joie, Élisabeth reçoit un autre don de l’Esprit : la connaissance. Elle sait que Marie, devant elle, est la Mère du Sauveur…

                Quand Marie adresse la paix au seuil de la maison de Zacharie, le petit Jean reçoit directement la paix de Jésus Christ. Lui même empli d’Esprit Saint dès sa conception, le petit Jean reconnaît son Sauveur qui n’est encore qu’un amas de cellules, mais déjà une personne divine. En les deux femmes, Dieu est plus intime à elles-mêmes qu’elles-mêmes.  


    la visitation,christian de chergé,christian salenson,foi,christianisme,islam,esprit saint,magnificat,sandrine treuillardJean, en Élisabeth, est dans le secret de Dieu. Le Verbe en Marie se communique à Jean. C’est l’Esprit de Jésus communiqué au petit Jean qui fait parler à Élisabeth la langue de l’Esprit. Comme la paix qu’adresse Marie, d’abord, est Paix du Christ. La langue de l’Esprit reconnaît la vie de l’Esprit. Il y a là une circulation de l’Esprit du Verbe en Marie, à Jean en les entrailles d’Élisabeth, et de son sein tressaillant à sa bouche, d’où le souffle divin s’exhale et s’articule.

                 Marie est traversée par cette circulation de l’Esprit qui va et vient en elle, depuis elle, et retourne vers elle faisant surgir à son tour ce souffle de vie divine : le Magnificat. Ce souffle de la Vie de Jésus, né du Père avant tous les siècles, repasse en elle par toutes les étapes depuis la création de l’homme, Adam, la naissance d’Israël. C’est la généalogie de Jésus en un formidable passage de l’Esprit. Elle clame et fait mémoire de la vie de l’Esprit de Jésus, premier-né avant toute créature, qui d’abord planait sur les eaux et planait sur toute l’existence humaine. L’Esprit du Christ a été insufflé dans l’histoire humaine du premier Testament.

                Marie dans son Magnificat fait l’anamnèse de la présence de l’Esprit de celui qui vient en elle. Elle devient témoin de tout le premier Testament et sa bouche, tout son être empli de l’Esprit rend grâce de l’action de Dieu dans l’humanité. C’est l’Esprit de Jésus qui parle en elle. Sa langue est celle de l’Esprit. Elle récapitule en le Magnificat l’histoire sainte de son peuple avec Dieu. Cette récapitulation c’est le Verbe de Dieu qui s’articule par elle, en tout l’être de Marie, corps et âme. L’histoire sainte récapitulée en Marie, le magnificat, c’est la prononciation du nom de Jésus, la prononciation du Verbe qui vient s’incarner en elle pour toute l’humanité.  

                Jésus, en Esprit, est présent à toute l’histoire que récapitule Marie. Il est en gestation dans le sein du Père dès avant tous les siècles et dans les siècles précédents l’Annonciation. Né du Père avant tous les siècles, l’Esprit de Jésus vient. Jésus vient.

     

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    Sandrine Treuillard
    30 avril-1er mai 2019

    Comment j’ai été amenée à écrire ce texte, voir en note [2]

     

    [1] En correspondance avec le texte du Bx Christian de Chergé, extrait de la Retraite sur le Cantique des cantiques (présentée et commentée par Christian Salenson, éditions Nouvelle Cité, 2013) qu’il prêcha aux Petites sœurs de Jésus, à Mohammedia, au Maroc, en 1990.

                  « Profiter de la fête de la Vierge pour revenir sur le mystère de la Visitation. Il est évident que ce mystère de la Visitation, nous devons le privilégier dans l’Église qui est nôtre. 

              J’imagine assez bien que nous sommes dans cette situation de Marie qui va voir sa cousine Élisabeth et qui porte en elle un secret vivant qui est encore celui que nous pouvons porter nous-mêmes, une Bonne Nouvelle vivante. Elle l’a reçue d’un ange. C’est son secret et c’est aussi le secret de Dieu. Et elle ne doit pas savoir comment s’y prendre pour livrer ce secret. Va-t-elle dire quelque chose à Élisabeth ? Peut-elle le dire ? Comment le dire ? Comment s’y prendre ? Faut-il le cacher ? Et pourtant, tout en elle déborde, mais elle ne sait pas.

                    D’abord, c’est le secret de Dieu. (…) »

    Voir aussi à ce sujet le texte de sœur Bénédicte Avon La visitation ou le mystère de la rencontre in Le Verbe s'est fait frère - Christian de Chergé et le dialogue islamo-chrétien, éditions Bayard (Spiritualité), 2010.  

    [2] C’est le 16 février 2019, durant une retraite anamnèse avec la Communauté du Chemin Neuf, que je reçus le baptême dans l’Esprit Saint ou effusion de l’Esprit. C’était à genoux, au pied du tabernacle, dans la chapelle de ce qui fut le couvent des Dominicaines de Béthanie, à Saint-Sulpice de Favières, congrégation fondée par le bienheureux Jean-Joseph Lataste au XIXème siècle. En recevant l’effusion de l’Esprit, un frère et deux sœurs (de la Communauté du Chemin Neuf) qui priaient sur nous (nous étions deux femmes à recevoir ce baptême dans l’Esprit) eurent pour moi deux images, d’une part ; et d’autre part, de la Parole de Dieu, le début d’un psaume et un extrait d’évangile. C’est cet Évangile en saint Luc, chapitre 1, verset 39 à 45, qui décrit l’épisode de la Visitation. Alors même que cet Évangile était lu, à la fin, l’autre partie des retraitants qui était rassemblée devant l’autel de la chapelle, se mit à entonner : Magnificat… J’étais moi-même au comble de la joie avec Marie à la Visitation exultant son Magnificat.

                      Or, depuis décembre 2018, j’avais rencontré la spiritualité de Christian de Chergé par le Prier 15 jours qui lui est consacré, de Christian Salenson (éd. Nouvelle Cité). Le dernier chapitre (15ème jour) développe le mystère de l’hospitalité réciproque et la figure de toute vraie rencontre qu’est la Visitation, pour Christian de Chergé. Avec l’effusion de l’Esprit reçu le 16 février 2019 et l’Évangile de Luc 1, 39-45, ma proximité avec le bienheureux fut scellée. Je ne cesse de m’identifier à la Vierge Marie qui reçoit grâce sur grâce de la part de Dieu. La grâce de Dieu qui forme en moi le Verbe, qui incarne en moi le Christ, par son Esprit saint qui nous visite en ces temps qui sont les derniers. La grâce de la Visitation c’est de vivre le Christ en soi, c’est de vivre du Christ et de le reconnaître en l’autre. Mais, au moment des rencontres vraies nous n’avons pas conscience de vivre cela. Nous sommes abandonnés dans la Visitation. Nous ne savons pas à cet instant t que c’est le Christ qui vit en nous. Si nous le savions, nous ne le vivrions pas. C’est cela qui est le secret de Dieu. C’est sa discrétion. C’est seulement ensuite, en relecture de notre vie, que nous pouvons authentifier la présence du Christ en telle ou telle rencontre. C’est par cette sorte d’innocence que la rencontre est vraie, authentique. Une forme d’humilité, de simplicité dans la rencontre, en même temps que ce don généreux de soi dans l’accueil de l’autre, mais à notre insu. (Ajout du 2 février 2020, 15h, en la fête de la Vie consacrée, Monastère de la Visitation, chambre Saint Jean, Paris 14ème.)    

     

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    Artisans de Paix ou le désir de rencontrer l'(A)autre

    et la sous-page
    La Visitation :  Mystère de l'hospitalité réciproque
    & f
    igure de toute vraie rencontre - avec Christian de Chergé

     

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  • La branche d'hysope - Les Larmes de Pierre & La Visitation

    Méditation commencée avec la peinture reproduite en couverture de la Revue Magnificat du mois de mai 2019, Saint Joseph et Jésus enfant (v. 1650), par Sebastián Martínez (1615-1667), Madrid (Espagne), musée du Prado.

    Sebastian Martinez (v.1650) - Prado.jpg

    La branche d’hysope

                Je vois cette branche, peut-être d’hysope, droite comme un bâton et fleurie en son extrémité. Ce bâton que Joseph semble tendre à Jésus enfant d’environ 4 ans, qui lui, tend la main vers les raisins blancs de la corbeille de fruits. Finalement, si ces fruits symbolisent sa Passion à venir, défendus pour le moment par Joseph, son père adoptif, la branche droite fleurie semble indiquer qu’il sera le Bon Pasteur des brebis que nous sommes tous. Un mystère circule entre ces deux personnes de la sainte Famille. Le regard du petit s’accroche à celui de son père ; les joues roses esquissant la gravité naissante qui va peut-être s’exhaler, dans quelques secondes, de cette bouche, de ce petit nez, en pleurs de contrariété. Mais, la lumière caressante sur ce visage transfigure la naturalité de l’enfant, le bénit : lui donne une force surnaturelle et divine. Il ne pleurera pas — comme tout enfant l’aurait fait alors —, devant les fruits défendus, le bras tiré pour interrompre son geste de saisir un grain du raisin blanc, à sa portée. Ce visage est lui-même le fruit préféré du Père, qu’il a choisi d’illuminer de sa divinité.

                Oui, la main de Joseph prend fermement le bras du jeune Sauveur, tandis que ses yeux semblent déjà plongés dans une méditation profonde, au delà du quotidien, non pas à la surface des choses, mais « méditant chaque événement en son cœur », telle Marie qu’il a prise chez lui.

                Ces échanges de regard, ce mystère enveloppant les deux figures, cette lumière dorée — qu’on dirait d’un crépuscule, d’ombres accompagnée — c’est l’amour de Dieu fait chair et présent à l’humanité. Ce mystère des regards et de la lumière donne un relief particulier à ce bâton, droit et fleuri : surnaturel.

                Oui, c’est aussi l’annonce de sa Passion, la branche d’hysope au bout de laquelle une éponge gorgée de vinaigre sera plantée, dont les lèvres du Christ en croix seront imbibées, pour seul cruel breuvage à sa soif (Jn 19,29). Ces fleurs qui remplacent l’éponge vinaigrée, sont déjà la vie. Issies du souffle de la vie que le Ressuscité répandra sur ses disciples rassemblés dans la peur au Cénacle. Et déjà sur ceux présents au pied de la Croix quand, ayant rendu son souffle au Père, son Cœur sera transpercé ; d’où jailliront les fleuves de l’eau vive de son Esprit.

                Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : « Tout est accompli. » Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit. (Jn, 19,30)

     

    Les Larmes de saint Pierre

                Et puis, voulant lire le commentaire de cette peinture par le rédacteur Pierre-Marie Varennes, en fin de la Revue Magnificat —que j’ai lu et qui m’a appris le sens des fruits vers lesquels la main de l’enfant est suspendue —, j’ai vu, d’abord, l’œuvre méditée sur la page de droite : Les Larmes de saint Pierre (v. 1612) par un autre espagnol, Juan Bautista Maíno, qui se trouve au Louvre.

                Oh lala ! Quelle merveille ! Avant de lire le texte, j’ai pleuré, à la vue de cette image si puissante et éloquente. Et, après avoir lu le texte, j’ai pleuré davantage.

    Les Larmes de saint Pierre Juan Bautista Maíno.jpg

                 C’est alors que j’ai repensé à ces moments si beaux avec le père orthodoxe Marc-Antoine Costa de Beauregard, à Avon chez les Carmes, le samedi 19 janvier dernier.

                Il nous était permis de lui faire parvenir de petits papiers avec des questions auxquelles il répondrait, dans le flux de sa parole sur le Grand Carême orthodoxe. C’est alors que je déchirai un morceau d’une page de mon petit carnet — celui que je porte toujours dans mon sac, au cas où —, et j’y inscrivis ceci : « Et les larmes de Pierre ? » Le père Emilian Marinescu, orthodoxe roumain qui avait invité le père Marc-Antoine, se retourna vers moi au crissement du papier, et je le lui tendis. Nous échangeâmes un clin d’œil. Quand il put le faire, il tendit mon petit bout de papier au père Marc-Antoine qui ne tarissait pas sur le sujet du merveilleux sens du carême orthodoxe.

                Il roulait le petit bout de papier entre ses doigts, tout en parlant. Tous les yeux étaient posés sur ses lèvres, sur sa barbe clairsemée de patriarche qui monte et descend sous sa bouche, quand il parle. C’est sa bouche qui produit tous ces souffles articulés et pleins d’amour…

                C’est alors que je fus doucement mortifiée… : ma question entre ses doigts, roulée, c’était un peu moi, mon ego pétri, signe de ma patience mise à l’épreuve… Allait-il enfin lire ma question avant que le papier ne devienne illisible ? Dans cette nonchalance — non pas négligence mais détachement — comme si ce papier était l’occasion d’un divertissement pour ses doigts, alors que sa parole inspirée poursuivait sa pensée —, ma patience était mise à l’épreuve, mon orgueil doucement humilié. Dans ce geste de rouler le papier entre ses doigts en un jeu sans fin répété, avec ma question inscrite Et les larmes de Pierre ?, mon ego en était secrètement mortifié : « Quand va-t-il lire ma question ? Va-t-il finir par la lire ou le bout de papier va-t-il passer directement à la corbeille ?… » Le diviseur était de la partie en moi, et personne d’autre ne le sut… Il m’empêchait de me concentrer sur ce que le père disait, focalisant toute mon attention sur cette ‘balayure’ de papier où mon ego se réduisit. Ce fut un véritable combat spirituel, en miniature…

                Mais enfin, il finit sa phrase — à plusieurs reprises il sembla finir sa pensée… La fois fut venue où ce fut la dernière phrase : il déroula le papier, ses yeux se posèrent enfin dessus. Il était à l’envers. Il dit : « Il est à l’envers ! ». Il a beaucoup d’humour, le père Marc-Antoine Costa de Beauregard. Il le retourna et le lut tout bas : « Ah ! les larmes de Pierre !… C’est très beau !… »  Et après un temps où il se laissa pénétrer par ce drame de Pierre, sa parole repris son cours de plus belle…

                Ouf ! J’étais soulagée, délivrée de mon bout de papier…

     

    La Visitation

    La Visitation d'Arcabas.jpgEn milieu d’après-midi, quand il dut repartir chez d’autres amis catholiques — en cette fin de semaine pour l’Unité des chrétiens —, je regardais les livres posés sur la table au fond de la salle — celui sur la confession orthodoxe attira mon attention. Le père Marc-Antoine allait partir, debout, dos à la porte. Je vins à lui, simplement. Et, tout aussi simplement, il m’embrassa en me prenant les mains. À ma grande surprise, il me fit ce baiser de la paix, sur les deux joues, avec ferveur et grande amitié. Ce baiser inattendu scella quelque chose au delà de nos personnes. Peut-être que saint Pierre y était pour quelque chose. En tout cas, la Paix de Notre Seigneur Jésus Christ y demeure encore… Car en Jésus Christ, vous êtes tous fils de Dieu par la foi. En effet, vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ ; il n’y a plus ni juif ni païen, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus (Gal. 3, 26-28).

                C’est ainsi que ce jour, dimanche du Bon Pasteur, me revient cette rencontre avec le père orthodoxe Marc-Antoine Costa de Beauregard et je la vois, cette rencontre, comme la figure de l’hospitalité réciproque en Jésus Christ, comme la Visitation recommencée entre la Vierge et sa cousine Élisabeth, si chère à Christian de Chergé.

                Dieu soit béni, éternellement, qui vit dans nos entrailles, celles de la foi !

     

    Jehanne Sandrine du SC & de la SE.jpg

     

     

     

    Sandrine Treuillard
    Jehanne Sandrine du Sacré Cœur & de la Sainte Eucharistie

    Dimanche du Bon Pasteur, 12 mai 2019, Vanves

     

     

     

     

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  • La pentecôte eucharistique commence à la Croix

    Couv 1 pensée par jour PJ Eymard.JPGLe terme pentecôte eucharistique vient de saint Pierre-Julien Eymard qui l'emploie deux fois dans tous ses écrits, sans en préciser le sens. Sœur Suzanne Aylwin, Servante du Saint-Sacrement de la communauté de Sherbrooke (Canada), auteur de Une pensée par jour avec saint Pierre-Julien Eymard (éditions Médiaspaul, 2010), relève cet extrait où l'"on comprend ce qu’il entend par Pentecôte eucharistique" : 

    « L'archange ne dit pas seulement à Marie : “Le Saint-Esprit viendra en vous”, mais il ajoute : “Il vous couvrira de son ombre” [Lc 1,35]. Dieu est un feu consumant [Dt 4,24]. Quand Dieu vient en nous, il y vient avec sa nature divine et si le Saint-Esprit n'était en nous comme un voile, nous serions à l'instant consumés. Qu'est-ce qu'une paille au milieu d'un grand feu ? Que sommes-nous dans la divinité ? Le Saint-Esprit, comme une nuée, tempère ces ardeurs, n'en laisse transpirer que ce qu'il faut. Il fait comme au mont Sinaï. Il nous est nécessaire dans nos rapports avec Notre Seigneur. Notre Seigneur est homme, je le sais, mais il est Dieu aussi et nous avons besoin du Saint-Esprit pour recevoir Dieu. » (PP 32,2) 

    Pour ma part, je poursuis ma recherche pour rejoindre la pensée du Saint Esprit qu'avait le Père Eymard en méditant ce terme de Pentecôte eucharistique. Voici :

    « En cette fête de saint Maximilien-Marie Kolbe,
    nous nous souvenons du repas où le Roi des martyrs offrit sa vie pour nous
    et de la croix où il remet son esprit à son Père. »

    Sur la Croix, Jésus expire son Esprit entre les mains de Dieu le Père : son Âme monte au Ciel dans la kénose, et dans le même temps, quand le soldat romain transperce son Côté, le Sang et l’Eau s’écoulent de son Cœur pour la Terre et tous ses habitants.

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    Jésus-Christ est le médiateur sur l’ostensoir de la Croix. Cette Croix si visible sur le mont Golgotha a fait le vide autour d’elle pour ne laisser que Jean, Marie, les soldats et les deux autres larrons à son pied. Il est visible sur sa Croix mais personne ne le voit que Marie-Madeleine et quelques femmes avec Jean et Marie. Á la fois exposé aux yeux de ceux qui osent voir son supplice, et si humble. Je ne parviens pas à exprimer ce contraste que je perçois de l’humilité du Christ sur la Croix exposée. Ce qui attire à Lui tous les hommes, c’est son humilité qui est tout intérieure, dans la prière en union avec son Père. Je perçois l’amour dans cette humilité, je perçois le retrait de la prière sur la Croix. Il est là, dans le monde, avec nous et pour nous, mais Il n’est pas du monde. Il est en union avec Dieu le Père et c’est ce qui nous attire à Lui. C’est le lieu même de son retrait en Dieu qui nous attire à sa Croix. Ce n’est pas le supplice, ni même sa souffrance qui attire notre regard sur Jésus à la Croix. C’est la communion avec le Père qui nous attire. C’est cet amour que nous percevons à la Croix qui nous attire. Et c’est cet amour qui jaillit de la Croix que nous recevons. Cet amour sur la Croix nous le recevons dans la kénose du Christ quand son souffle le quitte pour le Père et que son Sang nous éclabousse de grâce. L’Eau aussi lors de la kénose de Jésus-Christ nous inonde de la lumière de son Esprit. Et nous recevons aussi son Âme quand Il rend l’Esprit, en expirant. Son Âme est répandue avec le souffle de l’Esprit dans son Sang et l’Eau issie de son Cœur sur nous. L’Esprit de vie qui planait sur les eaux au Commencement, c’est aussi l’Esprit de Jésus. Sur la Croix, l’Esprit Saint de toujours devient une personne de la Trinité, par la Vie du Christ qu’Il remet, rend à son Père et nous donne. La pentecôte eucharistique commence à la Croix. C’est quand la Terre reçoit le dernier souffle à la fois humain et divin du Christ. Á son dernier souffle, tout est accompli. Il se vide de Lui-même dans le don total. Sur la Croix, la communion trinitaire est parfaite, quand Jésus expire. Il nous distribue ses grâces en même temps qu’Il expire. Il rend à Dieu ce qui appartient à Dieu. Son Âme. Et de son Corps mutilé Il est donné tout entier aux hommes dans la merveille eucharistique de sa kénose où le don de son Sang et de l’Eau baigne dans la lumière de son Esprit. Son Âme est auprès du Père et pourtant, son Âme est partout depuis cette pentecôte eucharistique de la Croix. Elle rayonne depuis la Croix. Depuis la Croix nous pouvons la recevoir si nous levons les yeux vers elle. Son Corps saint ne cesse de nous inonder de sa grâce, de sa lumière d’amour. Lors de l’adoration eucharistique, nous adorons sa Croix. Nous ne cessons pas de recevoir son Esprit depuis la Croix, depuis ce moment de la Croix chaque fois que nous tournons notre visage vers Lui, Jésus Eucharistie.

    Jehanne Sandrine du SC & de la SE.jpgSandrine Treuillard  —  Sury-ès-Bois, le 14 août 2017

    Engagée dans la Fraternité Eucharistique, de 2015 à 2018,
    branche laïque de la Congrégation du Saint Sacrement (sss),
    rattachée à la Chapelle Corpus Christi, 23 avenue de Friedland, Paris 8.

     

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    Saint Pierre-Julien Eymard, Prophète de l'Eucharistie, un saint d'avenir

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    Prier avec Hozana & la Communauté St Pierre-Julien Eymard - Prophète de l'Eucharistie 

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  • Christian de Chergé, Pentecôte 1994 : Le « martyre » de l’Esprit saint à Tibhirine : Artisans de Paix - 28ème Réunion interreligieuse de prières

    Voici le chant chrétien et les textes que j’ai choisis et lus/priés au milieu de mes frères et sœurs d’Artisans de Paix, le 2 juin 2019, au Monastère de l’Inspir des Sœurs Bouddhistes de Noisy-le-Grand (91). Le thème était l’Esprit Saint, préparant la Pentecôte du 9 juin. En note, le détail des participants et du déroulé de ces 2h15 de Réunion interreligieuse de prières.[i]

    Sandrine Treuillard
    Chargée de mission pour la Fraternité Eucharistique (catholique) d'Artisans de Paix

    Logo Artisans de Paix.jpg

    Viens Esprit Créateur

    1 - Viens Esprit créateur, nous visiter,
    Viens éclairer l'âme de tes fils ;
    Emplis nos cœurs de grâce et de lumière,
    Toi qui créas toute chose avec amour.

    2 - Toi le don, l'envoyé du Dieu très Haut
    Tu t'es fait pour nous le défenseur ;
    Tu es l'amour, le feu, la source vive,
    Force et douceur de la grâce du Seigneur.

    3 - Donne-nous les sept dons de ton amour,
    Toi le doigt qui œuvre au nom du Père ;
    Toi dont il nous promit le règne et la venue,
    Toi qui inspires nos langues pour chanter.

    4 - Mets en nous ta clarté, embrase-nous,
    En nos cœurs, répand l'amour du Père ;
    Viens fortifier nos corps dans leurs faiblesses,
    Et donne nous ta vigueur éternelle.

    5 - Chasse au loin l'ennemi qui nous menace,
    Hâte-toi de nous donner la paix ;
    Afin que nous marchions sous ta conduite,
    Et que nos vies soient lavées de tout péché.

    6 - Fais-nous voir le visage du très Haut,
    Et révèle-nous celui du Fils ;
    Et toi, l'esprit commun qui les rassemble,
    Viens en nos cœurs, qu'à jamais nous croyions en toi.

    7 - Gloire à Dieu notre Père dans les cieux,
    Gloire au Fils qui monte des enfers ;
    Gloire à l'Esprit de force et de sagesse,
    Dans tous les siècles des siècles.
    Amen.

     

    « Dès sa conception au IXè siècle, vraisemblablement par Raban Maur, cet hymne, le Veni Creator, n’a cessé de résonner dans la chrétienté, spécialement en la fête de la Pentecôte, comme une longue et solennelle invocation de l’Esprit Saint sur l’Église et sur toute l’humanité. Dans les églises chrétiennes d’Occident, l’avènement du XXIè siècle et du nouveau millénaire a été salué par ce chant solennel. Dès les premières décennies du second millénaire, il a inauguré chaque nouvelle année, chaque conclave et chaque concile œcuménique, chaque synode et chaque réunion importante de la vie de l’Église, chaque ordination sacerdotale et épiscopale et, par le passé, chaque sacre royal. » Raniero Cantalamessa, Introduction à Viens Esprit Créateur – Méditations sur le Veni Creator, Éditions des Béatitudes, 2008

     

    Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 14, 15-21

    Jésus vient de laver les pieds de ses disciples. Lors de ce dernier repas au Cénacle avant sa Passion, il leur donne ses dernières recommandations et annonce l'héritage de l'Esprit Saint.  

    Cœur Eucharistique de Jésus.jpg

    15 Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements. 16 Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : 17 l’Esprit de vérité, lui que le monde ne peut recevoir, car il ne le voit pas et ne le connaît pas ; vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous, et il sera en vous. 18 Je ne vous laisserai pas orphelins, je reviens vers vous. 19 D’ici peu de temps, le monde ne me verra plus, mais vous, vous me verrez vivant, et vous vivrez aussi. 20 En ce jour-là, vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, que vous êtes en moi, et moi en vous. 21 Celui qui reçoit mes commandements et les garde, c’est celui-là qui m’aime ; et celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; moi aussi, je l’aimerai, et je me manifesterai à lui. »

     

    Le texte d’un saint

    Christian de Chergé (portrait de face).jpgPour ce morceau choisi dans la tradition catholique, je vais vous emmener dans un autre monastère : Notre-Dame de l’Atlas à Tibhirine, en Algérie. Nous sommes en 1994. C’est le prieur du monastère, Christian de Chergé, qui donne son homélie de la Pentecôte. C’est le début des années noires en Algérie (1992-2006). Dom Christian a déjà rédigé son testament spirituel en deux fois : à Alger, le 1er décembre 1993, « au moment où, après les attentats dans le métro de Paris et la prise d’otage des passagers d’un Airbus français qui s’était terminée dans le sang à l’aéroport de Marseille, le GIA (Groupe islamiste armé) demandait à tous les étrangers de quitter l’Algérie, les menaçant de mort. » Il termina la rédaction de son testament spirituel à Tibhirine, le 1er janvier 1994, après que « douze ouvriers Croates chrétiens aient été égorgés à Tamezguida, à quelques kilomètres du monastère et, » après que « durant la soirée du 24 décembre, six islamistes armés » se soient « présentés au monastère en présentant des requêtes et des exigences. Durant les jours suivants les moines avaient longuement réfléchi en communauté sur l’opportunité de rester ou de partir. Ils avaient finalement opté unanimement pour rester. Parmi les raisons de rester étaient leur solidarité avec la population locale. » (Citations de Armand Veilleux, ocso. Voir sa conférence La rencontre de l’Autre au cœur de la violence : Le message des sept moines de Tibhirine). 

                À la date de la Pentecôte, le 22 mai 1994, deux religieux français installés en Algérie ont déjà payés de leur vie, et le prieur fera mention de ses amis à la fin de son texte. Le 8 décembre 2018, à Oran, Christian de Chergé a été béatifié avec les 6 autres moines de Tibhirine, et les 12 autres religieux martyrs d’Algérie, assassinés entre 1994 et 1996.

                Cette homélie de Pentecôte commence avec de fortes allusions à la foi musulmane puisque Dom Christian avec toute sa communauté vit en terre d’islam, par choix, comme les 18 autres martyrs. À Tibhirine, il a fondé avec les musulmans spirituels locaux un groupe de réunion interreligieuse : le « Ribât es-Salam », le lien de la paix, qu’il évoque aussi dans ce texte.

     

    Christian de Chergé,
    in L’invincible espérance

    Le « martyre » de l’Esprit saint
    Pentecôte
    22 mai 1994

         « C’est l’Esprit qui rend témoignage… »
                                                            1 Jn 5,6

     

                Pentecôte… au lendemain de l’’Aïd-el-Adhâ, de la « fête du sacrifice », de la « grande fête » (‘Aïd-el-Kebir). La Pentecôte aussi, une « grande fête » ! « Alors, qu’est-ce que tu sacrifies, qu’est-ce que tu égorges ? » me demandait un jeune du voisinage. On pourrait être tenté de répondre : j’offre la foule des TÉMOINS qui, depuis cet événement-là que nous célébrons, n’ont cessé de livrer leur vie pour l’annonce de l’Évangile, à l’exemple de leur Maître et Seigneur.

                En effet, la Pentecôte n’est-elle pas d’abord la grande fête du TÉMOIGNAGE, c’est-à-dire du « martyre » (en grec), ou encore de la « shahâda » (en arabe). Les apôtres étaient là, cloîtrés dans leur peur, mais fidèles à attendre en prière ce que Jésus avait promis. Et voici que les portes s’ouvrent. Un grand courant d’air dans tout leur être. Les langues se délient. Les cœurs s’élargissent aux dimensions du monde, réuni là et qu’ils ne voyaient pas. Bientôt Pierre prendrait la parole : « Ce Jésus… Dieu l’a ressuscité. Nous en sommes témoins » (Ac 2,32). Plus tard, il ajouterait la précision nécessaire qui avait échappé au premier moment tant ils ne faisaient qu’un avec la force neuve qui les portait à témoigner : « … nous sommes témoins de ces choses, nous et l’ESPRIT SAINT que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent » (Ac 5,32).

                Jésus leur avait annoncé : « Quand viendra le Défenseur que je vous enverrai d’auprès du Père, l’Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra TÉMOIGNAGE en ma faveur. Et vous aussi – vous ensuite – vous rendrez témoignage » (Jn 15,26). C’est la Bonne Nouvelle, l’évangile de ce jour. Nous proclamons que l’Esprit saint nous a été donné, et nous témoignons qu’il témoigne en nous. C’est la « grande fête » du témoignage de l’Esprit, sans lequel le témoignage de l’Église, celui des apôtres, le nôtre, serait nul et vain. Nous célébrons le DON de ce Témoin qui n’en finit plus de se communiquer, de génération en génération, de langue en langue, de vie en vie, comme dans une course de relais, portant la flamme de l’Amour jusqu’aux extrémités des cœurs.

                Nous célébrons le « martyre » de l’Esprit saint. « Pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15,13). C’est là le témoignage de Jésus, son mystère pascal. C’est là, de toute éternité, le témoignage de Dieu. Si l’Esprit saint est le « martyr » par excellence, c’est parce qu’il est le don vivant que le Père et le Fils se font mutuellement de tout ce qu’ils sont. Il est la VIE en Dieu, éternellement donnée, et désormais communiquée à la terre pour une nouvelle création impliquant le sang et la souffrance d’un enfantement laborieux.

                Il semble bien en dehors du temps ce premier « témoignage » de l’Esprit présidant à la genèse, dans la sérénité d’une construction parfaite. Tout était bon… il planait sur les eaux de ce baptême primordial, dans l’amour du Père où le Verbe éveillait toutes choses. Ce « martyre »-là était celui d’un bonheur partagé. Il ignorait la souffrance et le sang répandu. Il se suffisait à lui-même. Il s’inscrivait profond, comme un sceau, une image, une ressemblance. Encore aujourd’hui, il émerge parfois, trace vierge d’une grâce initiale dans un cœur d’enfant que le mal a pu effleurer sans le déflorer… 

                En Jésus, ce témoignage est ressuscité. L’homme est restitué à lui-même. De toutes ses forces, l’Esprit vient témoigner que c’est cela que le Père a voulu pour nous. Que c’est cela qu’il vient accomplir en nous, dans la patience de nos chemins cahotants. Et ce témoin est là, qui veille et ne désespère pas. Il sait qu’en tout homme le Christ se cherche et s’accomplit. « L’Esprit saint en personne atteste que nous sommes enfants de Dieu » (Rom 8,16). Il est le témoin qui suscite les témoins, il est le « martyr » sans lequel il n’y a pas de martyre. Lui seul peut authentifier le témoignage. Elle est sûre, cette parole de Jésus : « Ne vous faites pas de souci ! L’Esprit saint vous donnera de dire et de faire… » Et ce témoin, ce « shahîd », nous dit de ne pas se satisfaire d’une « shahâda » purement verbale : « Ils disent et ne font pas ! » Ce« shahîd » nous dit que le témoin se reconnaît à ses fruits. D’après saint Paul (2e lecture), voilà ce que produit le témoin quand son témoignage lui vient de l’Esprit : « Amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, humilité, maîtrise de soi. » (Ga 5,2 sq.). 

                Et l’Esprit lui-même nous invite aujourd’hui « à élargir notre regard pour contempler son action présente en tout lieu et en tout temps » (RM n°29)[1]. Nous pouvons tous en témoigner – et plus encore dans la situation douloureuse qui est la nôtre – nombreux sont autour de nous ceux qui triomphent des forces du mal et de désespérance parce qu’il y a en eux paix et patience, humilité, justice, maîtrise et oubli de soi… Ils sont cachés, comme l’Esprit en Dieu ; l’Esprit n’a pas de voix… Quand ils émergent, c’est parce que nous avons besoin de bornes témoins sur notre chemin. Ainsi, le cheikh Bouslimani : militant islamiste, et aussi cheville ouvrière d’une sorte de « Caritas » musulmane. Sollicité par des extrémistes de donner une fetwa (un jugement) autorisant la violence au nom de l’islam, il a préféré l’arrestation, la torture et finalement la mort. Pour nous tous, il est un témoin, parce qu’il n’a pas voulu pécher « contre l’Esprit saint ». Nous attestons que son « martyre » vient de l’Esprit, et nous proclamons que ce savant du droit musulman a partagé la grâce des simples et des tout-petits qui est de rendre témoignage à la vérité. 

                 Ainsi l’islam ne se trompe pas lorsqu’il inscrit le nom de « shahîd » parmi les 99 plus beaux noms de Dieu. Dieu est le témoin par excellence. La spécificité de ce Témoin-là, dit le Coran, c’est qu’il se suffit à lui-même (8 fois dans le Coran). Cela veut dire qu’il n’y a pas besoin « de deux ou trois témoins » quand c’est Dieu qui témoigne. En fait, ce témoin unique, c’est l’Esprit saint ; et voici qu’il témoigne qu’en Dieu les témoins sont deux, le Père et le Fils ! Il s’offre à nous comme le témoin de l’un et de l’autre, et c’est sa façon de nous introduire dans l’amour qui unit l’un à l’autre. « Celui-ci est mon Fils bien-aimé », atteste le Père, mais c’est l’Esprit qui nous le fait entendre. « Abba ! Père ! » atteste le Fils, mais c’est l’Esprit qui le murmure, en lui comme en nous. Sa Pâque à lui, c’est de passer de l’un à l’autre dans un total oubli de soi.

                Car le signe particulier de ce témoin, nous dit Jésus, c’est « qu’il n’a rien en propre, rien à lui » (Jn 16, 13 sq.). Tout, il le reçoit ; tout, il le donne, sans rien retenir. Le témoignage de l’Esprit, c’est l’esprit de pauvreté. Il faut avoir un cœur de pauvre pour être témoin selon l’Esprit saint. L’homme a été créé par Dieu, voulu par le Père, avec ce cœur-là, un cœur de fils. La Pentecôte c’est renaître à cette vocation. Ces apôtres apeurés que nous voyons confinés en prière, ils ont fait ce chemin-là qui est de se reconnaître démunis face à une mission trop grande pour eux, de tout attendre de Dieu jusqu’au premier mot de leur témoignage, d’attendre Dieu de Dieu, pour que ce soit Lui qui témoigne. Et le miracle va naître de la rencontre de deux pauvretés, celle des apôtres et celle de cette foule qui est là, dans l’attente. Dans cet événement tout le monde semble témoigner, chacun dans sa langue, et selon sa grâce propre.

                Si nous pensons à notre frère Henri et à notre sœur Paule-Hélène[2] – et comment ne pas y penser ? –, nous savons que leur témoignage ne peut se passer de ceux qu’en disent tous ceux qui ont longuement bénéficié de leur vie si vraiment donnée. Ils étaient venus, l’un et l’autre, avec un cœur de pauvre, prêts à accueillir, et ils ont confessé avoir beaucoup reçu de cette foule de gens pauvres qui les pleurent avec nous, témoignant qu’ils doivent beaucoup. L’Esprit faisait ainsi le « lien de la paix », et c’est lui qui nous aide à vivre leur sacrifice comme une Pentecôte en proclamant sur eux et avec eux « les merveilles de Dieu ».

                Je laisse la parole à Henri, lors d’une réunion de notre ribât, il y a un an : « Nous sommes tous habités par l’Esprit… Dieu chemine avec ce peuple, avec cette religion, mais je ne comprends pas (je suis comme Marie). Je suis en recherche de ce plan. Je me laisse questionner, et je questionne. Je déstabilise un peu l’autre, et l’autre me déstabilise. Il faut toujours essayer de découvrir ce qu’il y a de positif en chacun, et l’encourager. Être veilleurs, c’est être éveilleurs, c’est aider les gens à vivre selon l’Esprit. »

     

    Bénédiction finale

    Psaume 132 (133)

    Oui, il est bon, il est doux pour des frères
    de vivre ensemble et d’être unis. 

    On dirait un baume précieux,
    un parfum sur la tête,
    qui descend sur la barbe, la barbe d’Aaron,
    qui descend sur le bord de son vêtement. 

    On dirait la rosée de l’Hermon
    qui descend sur les collines de Sion.
    C’est là que le Seigneur envoie la bénédiction,
    la vie pour toujours.

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    [i] Constitution de l’assemblée :

    Mots d’accueil de Sœur GIAC NGHIEM, Prieure du Monastère de l’Inspir
    Et de Paula KASPARIAN, Présidente d’Artisans de Paix

    Chant chrétienSandrine TREUILLARD

    A l’écoute des signes annoncés par nos textes fondateurs respectifs :

    L’un et l’autre Testament : Sandrine TREUILLARD
    Coran : Théophile (Ahmad’Ali) de WALLENSBOURG
    Sutras Bouddhique : Sœur GIAC NGHIEM

    Invocation musulmane, Dikhr
    Théophile (Ahmad’Ali) de WALLENSBOURG

    Contemplant le témoignage de ceux en lesquels ces textes ont pris corps :

    Tradition chrétienne : Sandrine TREUILLARD
    Tradition islamique : Théophile (Ahmad’Ali) de WALLENSBOURG
    Tradition Bouddhique : Sœur GIAC NGHIEM

    Offrande de prière bouddhique
    Jean-Luc CASTEL et Vincent PILLEY

    Devenant chacun et ensemble,  prière vivante accueillant la Paix parmi nous,
    La recevant les uns des autres et  nous La donnant les uns aux autres :

    À l’écoute du Souffle ténu qui prend corps parmi nous,
    Se risquer à parler à Celui que certains appellent Dieu
    et que d’autres ne nomment pas,
    Se taire si l’on préfère ; en tous les cas, recevoir et transmettre la lumière.

    Offrande de prière bouddhique
    Moniales du MONASTÈRE DE L’INSPIR

    Témoins des Fraternités Artisans de Paix dont l’espérance prend corps parmi nous,
    Donner à goûter la paix dans le monde d’aujourd’hui, bénédictions et envoi :

    Fraternité eucharistique : Sandrine TREUILLARD
    Fraternité islamique : Théophile (Ahmad’Ali) de WALLENSBOURG
    Fraternité bouddhique : Sœur GIAC NGHIEM et ses Moniales

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    [1] Redemptoris Missio : Lettre encyclique du pape Jean-Paul II, du 7 décembre 1990.

    [2] 8 mai 1994 : Sur les hauteurs de la Casbah, à Alger, se tient un ancien palais oriental. C’est là qu’est aménagé la bibliothèque Ben Cheneb, fréquentée par des étudiants. L’établissement est confié à la direction du frère Henri Vergès, mariste, ex-professeur de mathématiques. Il est assisté de la sœur Paule-Hélène Saint-Raymond, Petite Sœur de l’Assomption, autrefois ingénieur à l’institut français du pétrole et ancienne de l’école Sainte-Marie de Neuilly. Trois agresseurs en tenue de policiers font irruption dans la bibliothèque et les abattent. L’imam de la mosquée locale dénonce ce crime et est assassiné à son tour. (source : Famille chrétienne n° 2134)

     

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  • Les sept Demeures spirituelles d'Artisans de Paix

    Logo Artisans de Paix.jpgLe 23 avril 2019, à La Maison Soufie de Saint-Ouen, a eu lieu la première exploration du Cycle 2019 des Sept Demeures spirituelles d’Artisans de Paix. Les participants étaient réunis en cercle. C’est Paula Kasparian, présidente de l’association, qui commençait par décrire chaque Demeure, à l’aide du discernement spirituel de sa propre expérience sur ce chemin dont elle témoigne - et dont elle est l’initiatrice (voir les 33 premières minutes filmées). Une fois la Demeure présentée, je lisais le passage évangélique correspondant que j’avais choisis, en l‘introduisant dans son contexte au préalable. Puis, les personnes présentes de confessions musulmane, bouddhiste, chrétienne… réagissaient, partageant une expérience, une lecture, un songe même… Enfin, le carme d’Avon, Philippe Hugelé, présentait la Demeure correspondante du Château de l’Âme de Thérèse d’Avila.
    Ce jour-là, nous avons pu pénétrer jusqu’en la 4ème Demeure. À une date ultérieure qui sera précisée, nous poursuivrons jusqu’en la septième.

    Voici le texte avec lequel je suis venue à La Maison Soufie. J’ai souhaité conserver les gras et les italiques dans cette publication pour vous montrer aussi une méthode de travail, celui de la diction, de la transmission orale du texte dans ce contexte du partage. C’est pour moi une manière de partition où je différencie dans le souffle, le timbre et le ton de ma voix ce qui est gras, italique ou régulier.

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    Je commence cette exploration en vous lisant un extrait de Quand tu étais sous le figuierd’Adrien Candiard. Il y est question de vocation, de l’écoute attentive du vrai désir que Dieu a mis en nous. ”Être sous le figuier” signifie ”lire l’Écriture sainte”, se laisser pénétrer par la parole de Dieu. Quand Paula a lu ce texte, elle m’a dit que c’était le ton exact de la première Demeure de son “Livre des grâces“.

    Aussi, c’est votre écoute attentive et particulière à chacun, tout intérieure, que je sollicite, à la lecture des passages que j’ai choisi, pour vous entraîner dans ces Demeures spirituelles. Par cette écoute, l’Esprit de Dieu nous parle.


    Adrien Candiard
    écrit : « On trouve de tout dans ses désirs : de la jalousie, de l'ambition, du désir sexuel Mais il s'agit de passer de ses multiples désirs au désir le plus profond, le vrai, celui qui nous permettra de hiérarchiser tout le reste. Il n'y a pas deux amours, comme il n'y a pas deux royaumes de Dieu. Et pardonnez-moi d'insister : il n'y a pas deux désirs. Bien sûr, des désirs, nous en avons des dizaines, qui s'opposent, qui se font la guerre, qui se concurrencent. Mais nous n'en avons qu'un véritable, et c'est celui-là que nous devons suivre. Accompagner une vocation, ce n'est pas se demander ce que Dieu veut pour la personne ; c'est l'aider à se demander ce qu'elle veut au fond d'elle-même, ce qu'elle veut réellement. Parce qu'en réalité, c'est la même chose. Nous n'avons pas de meilleurs indicateurs de la volonté que l'écoute attentive du vrai désir qu'il a mis en nous, et que personne ne connaît sinon nous-mêmes.

    Je sais bien que nous nous méfions de nous-mêmes, et nous avons souvent raison de le faire. Alors méfiez-vous de vous-mêmes tant que vous voudrez, mais faites confiance à Dieu. Il sait ce qu’il fait, lui. Il ne nous a pas créés distraitement, un peu trop vite, sans faire attention. Il faut faire confiance à l’acte créateur.

    Discerner notre vocation, réaliser notre vocation, vivre une vie chrétienne, c’est apprendre à nous libérer du poids de nos fantaisies, de nos envies du moment, de nos tocades, pour nous concentrer sur notre désir le plus vrai, celui qui nous constitue et nous fait avancer, celui qui nous appelle vers le bien. Celui auquel le Christ faisait allusion quand il nous a dit, à nous aussi : Quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu.

    Que ta volonté soit faite, Seigneur. Ta volonté, c’est-à-dire la mienne, c’est-à-dire celle que tu as placée en moi, et qui ne me laissera jamais tranquille, tant qu’elle ne m’aura pas conduit jusqu’à toi. »

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    1. Première Demeure : Un immense Désir : l’Amour fort comme la mort. C’est en suivant cette Aspiration que l’on va vers soi-même

    Je vais vous lire l’appel particulier, la vocation de Nathanaël dans l’Évangile de Jean. Quand Jésus appelle ses disciples à le suivre, il dévoile en chacun la ressemblance, cette image de Dieu originelle enfouie en tout homme. Jésus les regarde du regard d’amour inconditionnel de Dieu dont il est lui-même l’image parfaite et sans péché : Dieu fait homme. Quand Jésus dit : ”Je t’ai vu”, toute la miséricorde de Dieu son Père s’exprime. C’est le « je te connais », « je t’aime », « tu as du prix à mes yeux » du Premier Testament, dans la bouche de Jésus. Pas seulement dans son regard et sa bouche mais aussi dans ses gestes, ses attitudes, ses silences, ses retraits, ses réserves. Jésus, corps et esprit, manifeste l’amour de Dieu pour chacun. Écoutons : 

    La vocation de Nathanaël (Jn 1, 45-51) : « Philippe trouve Nathanaël et lui dit : « Celui dont il est écrit dans la loi de Moïse et chez les Prophètes, nous l’avons trouvé : c’est Jésus fils de Joseph, de Nazareth. »

    Nathanaël répliqua : « De Nazareth peut-il sortir quelque chose de bon ? » Philippe répond : « Viens, et vois. »

    Lorsque Jésus voit Nathanaël venir à lui, il déclare à son sujet : « Voici vraiment un Israélite : il n’y a pas de ruse en lui. »

    Nathanaël lui demande : « D’où me connais-tu ? » Jésus lui répond : « Avant que Philippe t’appelle, quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu. »

    Nathanaël lui dit : « Rabbi, c’est toi le Fils de Dieu ! C’est toi le roi d’Israël ! » 

    Jésus reprend : « Je te dis que je t’ai vu sous le figuier, et c’est pour cela que tu crois ! Tu verras des choses plus grandes encore. » Et il ajoute : « Amen, amen, je vous le dis : vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme. » »

    Quand Jésus dit qu’« il n’y a pas de ruse en Nathanaël », il signifie que Nathanaël cherche Dieu de tout son cœur quand il lit l’Écriture sainte. À la profession de foi de Nathanaël, Jésus nous fait la promesse d’une abondance de grâce spirituelle. Promesse d’un accomplissement en Dieu si nous marchons à sa suite.

    1. Deuxième Demeure : Le Combat spirituel

    Le regard d’amour que Dieu pose sur tout homme, et la grâce qu’il en reçoit, sont toujours contrés par le Diviseur, Satan, le Démon… Dès sa naissance, Jésus, le Sauveur des hommes, est menacé de mort. D’où la fuite en Égypte et le massacre des Innocents. Toute sa vie terrestre le Christ vivra des combats spirituels contre le Prince de ce monde. Ils sont le gage de notre Salut et le Christ en sort toujours victorieux parce qu’il s’abandonne sans cesse à Dieu son Père. Même et surtout sur la Croix. Tout chrétien à la suite de Jésus, n’étant pas plus grand que son Maître, est aussi éprouvé, à sa mesure, et selon le dessein que Dieu a sur lui, tout au long de sa progression spirituelle. C’est l’or au creuset purifié par le feu. La qualité de l’amour se reconnaît à l’obéissance, en la remise confiante à Dieu dans l’épreuve.

    Livre de l’Apocalypse (Ap. 12, 1-6) : « Un grand signe apparut dans le ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles. Elle est enceinte, elle crie, dans les douleurs et la torture d’un enfantement.

    Un autre signe apparut dans le ciel : un grand dragon, rouge feu, avec sept têtes et dix cornes, et, sur chacune des sept têtes, un diadème. Sa queue, entraînant le tiers des étoiles du ciel, les précipita sur la terre. Le Dragon vint se poster devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer l’enfant dès sa naissance.

    Or, elle mit au monde un fils, un enfant mâle, celui qui sera le berger de toutes les nations, les conduisant avec un sceptre de fer. L’enfant fut enlevé jusqu’auprès de Dieu et de son Trône, et la Femme s’enfuit au désert, où Dieu lui a préparé une place, pour qu’elle y soit nourrie pendant mille deux cent soixante jours. »

    1. Troisième Demeure : L’Illumination spirituelle

    Jean le Précurseur, aîné de Jésus de 6 mois, n’a cessé de désigner Jésus comme étant plus grand que lui. Jésus, le Verbe, était à peine conçu dans le sein de Marie que Jean, dans les entrailles d’Elisabeth, a tressailli de joie lors de leur première rencontre (la Visitation). Jean désigne l’Agneau de Dieu à ses disciples qui iront, verront et demeureront avec lui. Mais au moment où Jésus demande le baptême de Jean, Jean ne comprend pas le dessein de Dieu sur le Christ. Jésus n’a certes pas besoin d’être baptisé. Mais Jean et nous avec lui avons besoin de percevoir ce signe surnaturel explicite de l’Esprit de Dieu sur le Christ. Le Baptême du Christ révèle l’entreprise qu’a Dieu pour nous, par Jésus. Sa chrismation nous illumine.[1]


    Jean baptise le Christ
    (Mat 3, 13-17) : « Alors paraît Jésus. Il était venu de Galilée jusqu’au Jourdain auprès de Jean, pour être baptisé par lui. Jean voulait l’en empêcher et disait : « C’est moi qui ai besoin d’être baptisé par toi, et c’est toi qui viens à moi ! » Mais Jésus lui répondit : « Laisse faire pour le moment, car il convient que nous accomplissions ainsi toute justice. » Alors Jean le laisse faire.

    Dès que Jésus fut baptisé, il remonta de l’eau, et voici que les cieux s’ouvrirent : il (Jean le baptiste) vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. Et des cieux, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie. » »

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    1. Quatrième Demeure : Le Souffle de l’Offrande : le Souffle de l’Esprit Saint.

    Avec le don de l’Esprit à la Pentecôte, reçu au Cénacle 50 jours après la Résurrection de Jésus-Christ, l’Esprit Saint permet aux Apôtres qui le reçoivent de témoigner de la Bonne Nouvelle du Ressuscité. L’action de l’Esprit Saint fait de la première communauté chrétienne l’Église témoin de Jésus-Christ, par toute la terre. Recevoir l’Esprit, c’est recevoir la force du Ressuscité pour l’annoncer.

    Le don de l’Esprit (Actes 2, 1-8) : « Quand arriva le jour de la Pentecôte, au terme des cinquante jours, ils se trouvaient réunis tous ensemble.

    Soudain un bruit survint du ciel comme un violent coup de vent : la maison où ils étaient assis en fut remplie tout entière. Alors leur apparurent des langues qu’on aurait dites de feu, qui se partageaient, et il s’en posa une sur chacun d’eux.

    Tous furent remplis d’Esprit Saint : ils se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit.

    Or, il y avait, résidant à Jérusalem, des Juifs religieux, venant de toutes les nations sous le ciel. Lorsque ceux-ci entendirent la voix qui retentissait, ils se rassemblèrent en foule. Ils étaient en pleine confusion parce que chacun d’eux entendait dans son propre dialecte ceux qui parlaient. Dans la stupéfaction et l’émerveillement, ils disaient : « Ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens ? Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans son propre dialecte, sa langue maternelle ? »

    1. Cinquième Demeure : L’élection

    L’obéissance à l’Esprit Saint est la marque de cette union des volontés de Dieu et de l’homme. Toute élection est envoi en mission. Ainsi, Jean Baptiste, aussi appelé le Précurseur, est élu pour préparer la venue de Jésus, le désigner. L’action de Dieu sur toute sa vie se déploiera en ce sens. Dès sa conception, Dieu l’a choisi à dessein.

    L’annonce à Zacharie (Lc 1,13-17) : L’ange lui dit : « Sois sans crainte, Zacharie, car ta supplication a été exaucée : ta femme Élisabeth mettra au monde pour toi un fils, et tu lui donneras le nom de Jean.

    Tu seras dans la joie et l’allégresse, et beaucoup se réjouiront de sa naissance, car il sera grand devant le Seigneur. Il ne boira pas de vin ni de boisson forte, et il sera rempli d’Esprit Saint dès le ventre de sa mère ; il fera revenir de nombreux fils d’Israël au Seigneur leur Dieu ; il marchera devant, en présence du Seigneur, avec l’esprit et la puissance du prophète Élie, pour faire revenir le cœur des pères vers leurs enfants, ramener les rebelles à la sagesse des justes, et préparer au Seigneur un peuple bien disposé. »

    1. Sixième Demeure : Les fiançailles spirituelles

    L’onction amoureuse, la douce ivresse de l’Esprit Saint reçu à l’Annonciation, pousse Marie à visiter sa cousine Élisabeth. La grossesse d’Élisabeth est bien avancée, puisqu’elle en est à son sixième mois. Jean bouge dans le ventre d’Élisabeth. Jésus n’est encore qu’une petite cellule, pur Esprit, Parole de Dieu élisant demeure en Marie. Le Bx Christian de Chergé, Prieur des moines de Tibhirine assassinés en Algérie en 1996, a développé une lecture très sensible du mystère de la Visitation, éminemment pertinente pour nous. « Mystère de l’hospitalité réciproque », la Visitation vue comme « figure de toute vraie rencontre », devient le paradigme de la rencontre interreligieuse entre le chrétien et le musulman. En effet, chacun porte en soi l’Esprit de Dieu. C’est l’autre qui reconnaît la présence de Dieu en celui qu’il rencontre. C’est l’Esprit qui circule, plein d’accueil et de charité, d’une personne à l’autre, et témoigne de la Présence de Dieu en soi, en l’autre.

    La Visitation (Luc 1, 39-45) : En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée.

    Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth.

    Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint, et s’écria d’une voix forte : 

    « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? Car, lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi. Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. »

    Ainsi, Marie entre dans la maison et adresse son bonjour : « La paix soit avec vous ! » « As salam alaikum ». Et Élisabeth révèle à Marie le mystère qui l’habite, grâce à l’action de l’Esprit saint en Jean qu’elle porte, qui lui-même a reconnu la présence de Dieu en Marie, à peine enceinte de Jésus. L’Esprit circule entre les êtres (et c’est cela l’interreligieux), ainsi animés d’amour et de reconnaissance. Nous pouvons imaginer que dans une accolade, un embrassement, elles échangent un baiser, ce lien de la paix. Ribât es Salâm, lien de la paix, est le nom du groupe spirituel instauré au monastère de Tibhirine avec les musulmans.

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    1. Septième demeure : Le mariage spirituel 

    Restons dans la Visitation. L’Esprit circule entre les êtres ainsi animés d’amour et de reconnaissance. Dans la salutation de Marie, Élisabeth perçoit quelque chose de la merveille qui l’habite. Peut-être dans sa voix… L’Esprit circule dans les êtres, et des uns aux autres. Aussi et peut-être d’abord entre les deux enfants, en leur sein. Et, à la reconnaissance que formule Élisabeth de l’inhabitation de Dieu en Marie, de la bouche de Marie l’action de grâce jaillit. Un pur chant de l’Esprit où elle fait mémoire de l’alliance de Dieu avec son peuple, Israël, alliance qui se joue nouvellement en elle par l’Incarnation de Jésus. Ce cantique évangélique s’appelle Le Magnificat et est chanté aux vêpres, chaque jour. Toute âme chrétienne peut s’identifier à Marie portant en elle le Sauveur et l’exaltant. C’est la première eucharistie de l’Évangile : action de grâce, mémoire, acquiescement à la volonté de Dieu, communion, don de soi, louange. Marie a reçu Jésus, la Parole de Dieu qui advient en elle. Elle a couru par la montagne à la rencontre de sa cousine. Intérieurement, elle a eu tout le loisir de lui dire : « Viens ! ». Élisabeth le confirme dès son entrée dans la maison : Il est là. Dieu parmi nous, en nous. Il se manifeste par la bouche de Marie. Ce chant est la Joie incarnée. Douce et forte à la fois, une extase pleine d’harmonie. Une sortie de soi en communion avec Dieu et avec l’autre, dans le cercle de l’alliance.

     

    Le Magnificat (Lc 1, 46-55) :

    « Marie dit alors :

    « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur !

    Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse.

    Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom !

    Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent.

    Déployant la force de son bras, il disperse les superbes.

    Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles.

    Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides.

    Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour,

    de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais. » »

     

    Comme l’écrit Christian Salenson [dans Catéchèses mystagogiques pour aujourd’hui – Habiter l’Eucharistie (ch. Une vie eucharistique avec Marie)], Marie « lisait les Écritures », était pétrie de judaïté. Et elle a été « visitée par la Parole. Plus encore, elle va concevoir le Verbe de Dieu. La Parole va prendre corps en elle. »

    De même, « l’Église, quand elle se met à l’écoute des Écritures prend le risque d’être enfantée par la Parole. Toi, quand tu lis les Écritures, tu es en situation d’annonciation ! Tu prends le risque que la Parole prenne corps en toi, « efficace et incisive plus qu’une épée à deux tranchants »[2]. La Parole peut pénétrer en toi jusqu’au plus profond de ton être, jusqu’aux « articulations »[3] de ton existence.
    La Parole éternelle de Dieu ne désire rien tant que de s’incarner, de trouver une chair, que de prendre corps dans une existence comme elle a pris corps dans la Vierge Marie. »

    artisans de paix,christianisme,islam,paula kasparian,sandrine treuillard,la maison soufie,esprit saint,adrien candiard,foi,consciencePar là, nous revenons à la première Demeure, à notre vocation de lire l’Écriture sainte pour y recevoir l’amour de Dieu. La boucle est bouclée. Ou plutôt, l’alliance se concrétise, le cercle s’anime du mouvement de la vie, du souffle de l’Esprit. Comme dans le labyrinthe de Chartres que reprend le logo de l’association, en le parcourant il nous semble par moment nous éloigner du centre. Mais c’est pour mieux y revenir, et s’en rapprocher. Car finalement, le centre demeure en nous. Dieu nous habite comme Marie est investie par l’Esprit à l’Annonciation. Mais nous en prenons conscience par vague, dans notre marche oscillante. Notre désir nous le rappelle. Et c’est lors de nos visitations, dans la vraie rencontre de l’(A)autre, que cette inhabitation nous est confirmée.

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    Sandrine Treuillard
    22 avril 2019, Lundi de Pâques

    Chargée de mission de la Fraternité Eucharistique (catholique) d'Artisans de Paix

     

     

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    [1] « Une fois remonté de la piscine des saintes eaux, ce fut la chrismation, l’image exacte de celle dont fut chrismé le Christ. Je veux dire l’Esprit Saint… Le Christ a été chrismé de l’huile spirituelle d’allégresse, c’est-à-dire de l’Esprit Saint appelé huile d’allégresse, car il est l’auteur de l’allégresse spirituelle. » Cyrille de Jérusalem, in 3ème catéchèse mystagogique.

    [2] He 4,12

    [3] He 4,12

     

    Retrouvez ce texte sur la page enrichie
    Artisans de Paix ou le désir de rencontrer l'(A)autre

    et la sous-page
    La Visitation :  Mystère de l'hospitalité réciproque
    & f
    igure de toute vraie rencontre - avec Christian de Chergé

     

     

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  • Les trois algériens de l’Annonciation et l'oiseau spirituel

    Bonjour Élisabeth, Guy & Muguette, 

    J'ai repris ce jour la lecture de votre blog Tibhirine 2019.

    Merci pour le titre "Un peuple fabuleux", qui me touche beaucoup, car j'aime aussi l'Algérie, même si je n'y ai (encore) jamais mis les pieds.

    J'ai un beau frère kabyle, Menad, et ma nièce, Esther, qui a 6 ans et 1/2, a du sang algérien pour moitié dans les veines ! En février dernier, elle y a fait son premier séjour.

    J’ai reconnu l’allusion au texte du Père Armand Veilleux, la rencontre de l’Autre au cœur de la violence, dans le premier jour de votre An 2 à Tibhirine.

    Demain, jeudi 28, je pars pour l'Abbaye de Hautecombe où a lieu, jusqu'à dimanche, une session œcuménique :

    La vie de l'Esprit : une expérience de l'Unité.

    Avant mon départ, je viens vous raconter ceci qui m'est arrivé il y a deux jours et noté dans mon journal spirituel, et que je mets un peu en forme ici, pour vous. J’intitule ce texte Les trois algériens de l’Annonciation.

     

    albatros.jpgCe mardi 25 mars 2019, jour de l'Annonciation, il était midi quand je revenais d'une course dans les Hauts de Vanves. Arrivée au carrefour de la rue de la forge et à la naissance de l'allée aux arbres en fleurs, sur la place Kennedy, là, devant le Franprix, j’ai vu une voiture s’arrêter au niveau du passage-piétons alors que deux hommes en tenue de peintres en bâtiment s’y engageaient. Elle les laissa passer, tandis que le troisième homme était resté en arrière, sur le trottoir, une baguette de pain à la main. Il interpela les deux autres qui avaient ‘forcé’ l’arrêt de la voiture en s’engageant sur le passage-piétons. Lui choisit de laisser passer la voiture, puis rejoignit les deux autres en disant quelque chose que je perçus mal, ponctué d’un ‘kif-kif’. Ce faisant, j’avais moi-même traversé la rue de la forge, arrivant par la place de la République, étant passée devant l’église Saint-Rémy. Quand je m’engageai dans l’allée des arbres aux fleurs d’ivoire, je me suis retrouvée au même niveau que les trois travailleurs en bâtiment qui allaient prendre leur pause-déjeuner. Celui qui tenait la baguette et semblait doucement tancer les deux autres, m’adressa la parole. Il continuait ce qu’il leur adressait mais, soudain, il m’inclut comme témoin de sa pensée. La phrase qu’il disait en traversant la rue, tout en désignant de sa baguette ses deux compères, était : « Les algériens traînent toujours ! ». Il répéta cette phrase, cette fois à mon intention : « Les algériens, ça traîne toujours ! » avec son accent typique. C’est par mon visage que je lui ai répondu, par une moue, de surprise mêlée à ma tristesse, et à de la compassion, alors que je comprends très bien ce sentiment d’errance des immigrés et fils d’immigrés. Oui, ce sentiment d’errance m’est familier et je pensais en moi-même, tous ces gestes et ces pas se faisant, que moi aussi je suis encore en errance, pas fixée, française, oui, là, mais en attente de me fixer vraiment. Il a dit de très belles paroles, sans animosité. Des paroles teintées d’une sagesse populaire, d’une expérience que le temps a polie et rendue sage. Il put me dire qu’il était né en Espagne et que maintenant il vivait en France. Que les algériens sont comme des oiseaux*. Ils touchent la terre mais n’y restent pas. Il se confiait sans se lamenter, exprimait sa souffrance avec légèreté, et celle des siens. Je lui fis comprendre que je le comprenais. J’en avais moi-même gros sur le cœur, pour d’autres raison que les leurs, et, gardant tout à l’intérieur, sa peine toucha la mienne, la rencontra, la bonifia. Dans mon cœur, je lui répondais que moi non plus je ne suis pas fixée. Il disait que ‘nous les français’ nous sommes fixés et que ‘nous les algériens, on est comme des oiseaux’. Au bout de l’allée, comme j’allais traverser la rue pour continuer dans le Parc Pic, rentrant ‘chez moi’ (chez Philippe le jardinier, en fait, chez lequel je suis hébergée à titre gratuit, lui-même chrétien et miraculé de la guerre d'Algérie, porte-drapeau…), et lui bifurquant à droite avec ses deux compagnons de travail qui l’avaient devancé, je lui dis que, peut-être, un jour, j’allais aller moi aussi en Algérie… Et il me répondit : « Oui madame ! Inch ‘Allah ! » sans y croire lui-même, habitué à rêver la réalité pour la supporter, et moi y croyant tout de même un peu plus que lui. « Inch’ Allah ! » lui ai-je répondu à mon tour. Et il brandissait la baguette de pain, déjà un peu plus loin, en signe d’à-Dieu… Je n’ai pas eu le temps de lui dire que ma nièce était ‘kif-kif’ franco-algérienne, que j’avais eu un petit Augustin perdu en fausse couche ainsi nommé à cause du grand Augustin d’Hippone… Mais j’y ai pensé très fortement, et à toutes les strates de ma vie qui croisent des algériens ou des fils d’algériens connus de par mon passé, et d’autres au présent. Comme ceux de La Maison Soufie à Saint-Ouen.

    Le lendemain matin, j’ai pensé à cette scène, et je l’ai écrite dans mon journal spirituel. C’était le jour de l’Annonciation. J’avais ‘le nez dans le guidon’, ce jour-là, pleine de tristesse. Ils étaient trois. Comme les trois hommes de passage par la tente d’Abraham, l’attendant sous l’arbre de Mambré, alors qu’il demanda à Sara d’aller préparer trois galettes…

    Je ne pense pas que ces trois algériens soient spécialement religieux ; de culture et tradition musulmane, oui, mais sans doute pas pratiquants, dans notre société française laïcisée. Je ne pus m’empêcher de penser à Christian de Chergé, à Tibhirine, à mes lectures de Christian Salenson à son sujet et à ce désir qui m’habite de vivre le dialogue interreligieux tel que le Ribât es-Salâm, à Notre-Dame de l’Atlas, l’avait engagé, avec les leçons que nous pouvons en tirer pour continuer. Ici en France et en Algérie.  

    perdrix.jpgCes trois algériens ont été trois oiseaux dont l’un m’effleura de son aile, de façon si proche, qu’il fit une mince entaille en mon cœur de petite perdrix française dont les traces des pattes s’effacèrent dans le Parc Pic, aussitôt passée…

    Sandrine Treuillard
    25-27 mars 2019, Vanves

     

    * À l'écoute de cette émission du 21 avril 2019, Louis Pernot nous dévoile le sens de l'oiseau spirituel, à partir de la 21ème minute et 20 secondes. Je retranscris ses mots :

    Commentaire du Psaume 55, verset 7 par le Pasteur Louis Pernot - émission Hébreu biblique du 21 avril 2109, sur Fréquence protestante.

    Voici les 8 premiers versets (trad. AELF) de ce psaume de David 54 (55) (David signifie ”amour” en hébreu, nous précise L. Pernot).

    02 Mon Dieu, écoute ma prière, n'écarte pas ma demande. *

    03 Exauce-moi, je t'en prie, réponds-moi ; inquiet, je me plains.

    04 Je suis troublé par les cris de l'ennemi et les injures des méchants ; * ils me chargent de crimes, pleins de rage, ils m'accusent.

    05 Mon cœur se tord en moi, la peur de la mort tombe sur moi ; *

    06 crainte et tremblement me pénètrent, un frisson me saisit.

    07 Alors, j'ai dit : « Qui me donnera des ailes de colombe ? + Je volerais en lieu sûr ; *

    08 loin, très loin, je m'enfuirais pour chercher asile au désert. »

    09 J'ai hâte d'avoir un abri contre ce grand vent de tempête ! *

    Le verset 7 est ainsi traduit de l’hébreu par Louis Pernot :

    « Qui me donnera un plumage de la colombe afin que je m’envole et que je demeure ? »

    Et il le commente ainsi :

                esprit saint,algérie,tibhirine,armand veilleux,artisans de paix,foi,sandrine treuillard,christianisme,islam,laïcité,communauté du chemin neuf« La colombe est un animal important dans la Bible. Malheureusement, souvent mal compris dans notre société actuelle, puisqu’aujourd’hui la colombe est le symbole de la paix. Alors que dans la Bible, la colombe renvoie en fait à Noé sur son arche qui laisse s’envoler l’oiseau. Donc la colombe - qui est en plus un corbeau, au début -, s’envole et à un moment donné elle revient avec un rameau d’olivier dans le bec, pour signifier qu’il y a de la terre ferme quelque part. Et à un autre moment elle s’en va et ne revient pas, ce qui prouve qu’elle a dû trouver un endroit où se poser. La colombe est donc là le signe du fait que l’épreuve est terminée. Et donc ”qui me donnera un plumage de colombe ?” ne signifie pas forcément que je puisse m’envoler moi-même (encore que… c’est ce qu’il dit après), mais que moi-même j’ai cette capacité à pouvoir signaler la fin de l’épreuve.

                Mais ce qui est intéressant c’est qu’il ne demande pas simplement une colombe pour lui indiquer que, en effet, le déluge ou l’épreuve s’arrête. Mais il veut lui-même être colombe et lui-même s’envoler et trouver une demeure loin de là où il est. C’est-à-dire qu’il veut lui-même être signe, peut-être, pour les autres, de la fin de l’épreuve. Parce que la colombe, elle sert pour les autres. La colombe n’est qu’un signe pour Noé. Et finalement peut-être que la solution est non seulement d’avoir pour soi un signe qu’il y a une terre ferme quelque part, qu’il y a une espérance, qu’”il y a un endroit où on pourra reposer ses pattes”, mais aussi de l’être pour les autres. Et c’est quand on l’est pour les autres qu’on l’obtient pour soi. C’est pourquoi le psalmiste dit là une chose absolument merveilleuse mais tout à fait originale. Il ne dit pas ”Envoie-moi, Seigneur, une colombe pour que je puisse savoir qu’il y a quelque part du repos”. Il dit : « Qui me donnera à moi d’être colombe ? », je dirais, sous entendu, pour les autres, c’est-à-dire que je puisse être effectivement signe de libération pour les autres. Et c’est quand on est signe d’espérance pour les autres que l’on peut, à fortiori, trouver de l’espérance pour soi.

    esprit saint,algérie,tibhirine,armand veilleux,artisans de paix,foi,sandrine treuillard,christianisme,islam,laïcité,communauté du chemin neuf« Avoir les ailes de la colombe » c’est encore autre chose puisque si la colombe est le signe de cette libération dans la Bible, elle est aussi l’image du Saint Esprit. En effet, lors de la Création, il est écrit : « L’esprit de Dieu planait à la surface des eaux ». Le Saint Esprit est l’image de l’oiseau qui plane au-dessus de sa Création. C’est pourquoi la colombe, en particulier, est le symbole du Saint Esprit, de cette présence de vie qui plane en descendant du ciel vers la terre, c’est-à-dire de Dieu vers les hommes. (C’est pourquoi les protestantes sur leur croix huguenote portent cette colombe à laquelle elles sont toutes très attachées et qui représente le Saint Esprit.) Le psalmiste demande donc d’avoir les ailes de la colombe, c’est-à-dire d’être revêtu du plumage du Saint Esprit. Ça, c’est vraiment une très belle chose. En effet, on ne peut pas être soi-même l’incarnation de l’Esprit. L’Esprit, nous en bénéficions. Mais ce qu’il demande, c’est d’avoir les ailes du Saint Esprit et que grâce à ce plumage du Saint Esprit que Dieu peut nous donner, nous puissions nous envoler, c’est-à-dire nous rapprocher de Dieu et remonter vers Dieu plutôt que de rester dans la fange, dans la boue et dans l’épreuve de cette terre. Et c’est l’Esprit lui-même, le Saint Esprit de Dieu, cette puissance de Dieu, qui peut nous permettre de nous envoler pour monter vers Lui. Et là, il y a une théologie très sûre, qui n’est justement pas une théologie ni du mérite, ni de l’action propre de l’homme - c’est-à-dire théologie des œuvres qui pourrait dire ”sois sages”, « fais des bonnes œuvres”, ”repends-toi et à ce moment-là tu pourras t’élever vers Dieu” - mais il dit qu’il ne pourra s’élever vers Dieu que si Dieu lui donne les ailes de la colombe, c’est-à-dire que si Dieu lui donne les ailes du Saint Esprit.

                Nous ne pouvons donc nous élever vers Dieu que par l’aide de Dieu et non pas par nos propres mérites ou nos propres œuvres. Et, effectivement, « Qui donnera ? », bien entendu, c’est Dieu. On sait très bien qu’il n’y a que Dieu qui peut nous donner cette puissance de l’Esprit. Il dit donc « et enfin je m’envolerai », c’est-à-dire je vais pouvoir aller vers Dieu, m’élever vers Dieu, monter vers le ciel, « et je demeurerai ». Alors, où est-ce qu’il va demeurer ? Si l’oiseau s’envole où va-t-il demeurer ? Il va demeurer dans le ciel. Il ne va pas s’envoler pour aller demeurer par terre. Alors peut-être que ”demeurer dans le ciel” c’est justement faire sa demeure en Dieu. Et la meilleure chose qu’on puisse faire c’est demeurer dans la présence de Dieu et demeurer avec Dieu, comme Dieu également doit demeurer en nous. Cet aspect a été développé très longuement dans l’Évangile de Jean quand Jésus dit : « Afin que je demeure en toi et que tu demeures en moi, que mes disciples demeurent en moi, qu’ils demeurent en toi ». Ainsi, l’idée de demeurer en Dieu est la chose absolument essentielle.

                Maintenant, l’idée de demeurer en elle-même peut-être aussi de demeurer, c’est-à-dire de trouver un endroit où habiter, tout simplement. Parce qu’il peut y avoir un sentiment, dans celui qui est éprouvé, qu’« il n’a plus aucun endroit où reposer sa tête » et qu’« il ne trouve de repos nulle part ». L’éprouvé a besoin de trouver un endroit de repos, un endroit de confort et de tranquillité et ce lieu peut-être justement la présence de Dieu qui lui permet de demeurer. À moins que, justement, il s’envole et qu’il demeure, sous entendu, nulle part, parce que le Talmud dit qu’en fait la colombe ne se repose jamais, qu’elle ne trouve aucun endroit pour se reposer. Il paraît que certains oiseaux ne se posent jamais nulle part, qu’ils volent toute leur vie. Le Talmud avait remarqué cela, sans doute, et il dit que la colombe – ce n’est peut-être pas vrai de la colombe… - mais il dit que quand la colombe est fatiguée, elle replie une aile pour la reposer pour voler avec l’autre. Ce n’est sans doute pas très ornithologiquement juste, mais l’idée est assez belle : la demeure que propose le psalmiste, ce n’est pas de dire : ”je vais être peinard dans mon coin, ne plus bouger, ne plus rien faire et rester tranquille”, dans une sorte d’ataraxie, mais c’est une demeure en vol. Il va voler, aller vers Dieu, être en mouvement, et être en marche, et là va être sa demeure. Une demeure dynamique qui consiste à demeurer en Dieu en restant toujours en l’air avec Dieu et c’est ainsi qu’il peut trouver le repos auquel il aspire.

                Voilà donc la prière du psalmiste dans cette grande épreuve que nous avons évoqué dans le psaume 55, verset 7 et nous continuerons à partir du verset 8 la prochaine fois. »                       

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    Artisans de Paix - ou le désir de rencontrer l'(A)autre

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