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  • Prier avec le Souffle — — 32e Réunion de prières interreligieuse pour la paix — Artisans de Paix

    32e Réunion de prières interreligieuse pour la paix

    Logo Artisans de Paix.jpgARTISANS DE PAIX

    Zaouïa Naqshabandi de Richardville (91)

    dans le cadre de la SERIC

    7 novembre 2022

    Prier avec le Souffle

     

     


    Photographies de la soirée par un participant (Xiao DU)

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    1 - LE CHANT

    Ô Père des Lumières

    Lucernaire (Hymne à la Lumière)
    (Rimaud/Bénédictines de Vanves)

     

    1 – Ô Père des lumières,
    Lumière éternelle
    Et source de toute lumière,
    Tu fais briller au seuil de la nuit
    La lumière de ton visage :
    Les ténèbres pour toi ne sont pas ténèbres,
    Pour toi les nuits sont aussi claires que le jour ! R/


    R/
    Que ma prière devant toi
    s'élèvent comme un encens
    et nos mains comme l'offrande du soir !

    2 – Ô Père des lumières,
    Lumière éternelle
    Et source de toute lumière,
    Tu fais briller au seuil de la nuit
    La splendeur du ressuscité :
    Nous n'avons plus besoin de lune ou de soleil :
    Nous avançons à la lumière de l'Agneau ! R/

    3 – Ô Père des lumières,
    Lumière éternelle
    Et source de toute lumière,
    Tu fais briller au seuil de la nuit
    La clarté de ton Esprit Saint :
    Nous tenons allumées nos lampes pour les noces,
    Et nous allons à la rencontre de l'Époux ! R/

     

    2 – L’ÉVANGILE  

                Quand Paula m’a dit le thème de ce soir, Prier avec le Souffle, c’était un mercredi. Devant le Saint-Sacrement, pendant l’adoration, j’ai pensé à l’épisode de l’évangile quand Jésus ressuscité souffle sur les disciples. C’est le premier soir de la Résurrection, à peine 3 jours après sa mort sur la croix. Il est apparu toute la journée, depuis l’aube : dans le jardin du tombeau vide à Marie-Madeleine ; aux disciples attristés sur le chemin d’Emmaüs ; à Pierre… Le soir, Jésus apparaît dans la salle du Cénacle où ils sont réunis, complètement désorientés, renfermés à double-tour par crainte des Juifs qui ont tué leur Maître. Jésus souffle sur eux après leur avoir transmis, par deux fois, sa Paix de Ressuscité, la Paix qui l’unit à Dieu le Père.

                Évangile selon saint Jean 20, 19-23

    19 Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! »

    20 Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur.

    21 Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »

    22 Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint.

    23 À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. »

     

                Puis, je pensais qu’il fallait revenir à la source de ce Souffle de la Résurrection, c’est-à-dire à celui qu’il expira sur la croix, remettant son âme au Père, en l’Évangile de saint Luc :

                Évangile de saint Luc 23, 44-48

    44 Il était déjà presque midi ; l’obscurité se fit dans tout le pays jusqu’à trois heures, 45 car le soleil s’était caché. Le rideau du Temple se déchira par le milieu.

    46 Alors, Jésus poussa un grand cri : « Père, entre tes mains je remets mon esprit. » Et après avoir dit cela, il expira.

    47 À la vue de ce qui s’était passé, le centurion rendait gloire à Dieu : « Sûrement, cet homme, c’était un juste. » 48 Et tous les gens qui s’étaient rassemblés pour ce spectacle, voyant ce qui était arrivé, s’en retournaient en se frappant la poitrine.

     

                Délicatesse et force du Souffle du Christ : fortiter et suaviter. Force et douceur. Efficacité du Souffle du Verbe fait chair, comme sa parole « est vivante, énergique et plus coupante qu’une épée à double tranchants » (He. 4,12)

                Toute parole du Christ est performative, elle opère ce qu’elle énonce, ce qu’elle dit. En ce sens, elle est aussi prière, parce que si la parole de Jésus dit et opère ce qu’elle dit, c’est parce qu’il est sans cesse en lien avec Dieu le Père qui fait tout ce que Jésus, son Fils unique et parfait, lui demande. Leur union divine indéfectible a la Toute-Puissance d’opérer, de réaliser la demande du Fils par le Père, dans l’Esprit Saint. C’est ce qu’on appelle la circumincession de la sainte Trinité : quand le Fils parle et agit, il parle et agit en union avec le Père et l’Esprit. 

                Quand le Ressuscité ”déboule” au Cénacle, il donne par deux fois la paix aux disciples tétanisés. Dans un premier temps, ça les détend : douceur de la paix du Christ. Puis ça leur procure de la joie : joie de voir Jésus vivant, bien sûr, et que c’est bien lui et pas un fantôme, preuves à l’appui : ses plaies de Crucifié. Mais cette Joie est aussi et surtout un don de l’Esprit en acompte du Don qui va suivre : le Souffle de l’Esprit Saint lui-même qui habite en Jésus et qui « procède du Père et du Fils » (Credo). Jésus souffle l’Esprit Saint sur eux, son haleine de Ressuscité. Ça ne sent pas la mort, mais la vie. Son haleine de Ressuscité leur communique alors un pouvoir particulier que Jésus énonce ainsi : « À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus » (v.23).

                J’ai alors perçu un parallèle troublant entre ces deux extraits d’Évangile. Comme une réponse donnée aux hommes par le Souffle du Christ. Vous allez comprendre…

                Dans le second extrait d’Évangile, nous sommes plongés dans les ténèbres en plein milieu de l’après-midi ; le rideau du Temple se déchire et le cri de Jésus est associé à ce déchirement et à cette nuit. Mais… « les ténèbres pour toi ne sont pas ténèbres, pour toi les nuits sont aussi claires que le jour ! » comme nous le rappelle le lucernaire chanté au début de cette réunion de prières. Car… Ô Jésus !, tu remets ton esprit entre les mains du Père : « Et après avoir dit cela, il expira ».

                Ça y est, il est mort ! Après le supplice, le long chemin du calvaire depuis le jardin de Gethsémani où Judas est venu le cueillir par un baiser… où la puissance des ténèbres a commencé : la corde qui ronge les poignets, les soufflets, gifles, crachats ; la flagellation ; le visage tuméfié sous la couronne d’épines, le roseau moqueur à la main et le vêtement pourpre ; la croix qui lacère les épaules ; les trois clous, l’enfoncement du pied de la croix en terre, le sang qui irrigue le bois et la terre… les 7 paroles du Christ en croix. Ça y est, le supplice a pris fin, « Jésus de Nazareth, le roi des juifs » est enfin mort ! Soulagement. OUF !!!

                Mais c’est un baiser que Jésus expire sur la croix : l’Amour FOU de Dieu. Un baiser au Père : tout son corps, son sang, sa vie est un baiser au Père, un oui définitif, une preuve d’amour et d’obéissance dans cet Amour. C’est aussi un baiser à toute l’humanité, le baiser du salut pour tous les hommes.

                Au pied de la croix, ce baiser ultime agit immédiatement, bien qu’en secret : d’abord dans le cœur du centurion « qui rendait gloire à Dieu : « Sûrement, cet homme, c’était un juste. » Et dans le cœur de « tous les gens qui s’étaient rassemblés pour ce spectacle », qui, « voyant ce qui était arrivé, s’en retournaient en se frappant la poitrine. » Le baiser d’amour fou de Jésus sur la croix opère la conversion de ceux qui se laissent toucher par sa mort : son Souffle remis et retourné à la Source. Souffle qui est le Don de la Vie de Dieu pour les hommes.

                Vous le voyez donc, dans la finale de ces deux extraits d’Évangile, c’est le Souffle de la vie qui a le dernier mot :

                1° Le Christ en croix manifestant l’Amour infini de Dieu par son Souffle qui donne sa Grâce à ceux restés au pied de la croix : grâce de la foi, du repentir, de la conversion. De la reconnaissance que Jésus est le juste et le Messie attendu des Juifs.

                2° L’haleine que le Ressuscité souffle à ses disciples au Cénacle a le pouvoir de les mouvoir, de se faire engouffrer le vent dans leur voile pour aller apporter sa paix, la Paix du Christ que nous recevons et échangeons à chaque messe. Paix du Christ Jésus reçu depuis l’Eucharistie que nous sommes envoyés, tout comme les disciples, à communiquer au monde, à en être les fidèles témoins.

                L’haleine du Ressuscité donne aussi le pouvoir aux disciples de pardonner les péchés ”en son Souffle” – comme on dirait en son nom – ou de ne pas les pardonner. Ce choix qui est laissé aux disciples de pardonner (« remettre les péchés ») ou de ne pas pardonner (« ne pas remettre les péchés ») manifeste la liberté constitutive du don de la vie de Dieu : notre liberté d‘enfants de Dieu. Mais au fond, bien sûr, c’est toujours Dieu qui pardonne : les disciples sont les vecteurs, les véhicules du pardon de Dieu. Liberté leur est laissée d’exercer ce don ou pas. Liberté de se laisser traverser par le « Souffle du Don » de Dieu ou pas. Cette liberté de pardonner ou pas au nom de Dieu est aussi une responsabilité fraternelle. La dynamique du pardon touche à la circumincession des trois personnes de la Trinité qui nous est communiquée par le Souffle de l’Esprit de Jésus. La liberté inclut notre responsabilité d’enfants de Dieu d’annoncer à nos frères et sœurs en humanité le salut du Christ transmis par ce « Souffle du Don » qui nous envoie en nous transfusant sa dynamique.

     

    3 - LE TEXTE DE LA TRADITION CHRÉTIENNE 

    le souffle du don.jpgQuand j’ai mis entre guillemets « le souffle du don », c’était pour annoncer, de façon encore voilée, le titre du Journal de frère Christophe, moine de Tibhirine, qui répond avec éloquence et adéquation au thème de ce soir : Prier avec le Souffle. « le souffle du don » de frère Christophe Lebreton est a été écrit entre le 8 août 1993 et le 19 mars 1996, jour anniversaire de sa consécration à Marie, quelques jours avant l’enlèvement des 7 moines de Tibhirine. Ils ont été béatifiés le 8 décembre 2018, à Oran, avec les 12 autres religieux martyrs d’Algérie.

     

     

                Dès le 22 août, fr. Christophe écrit dans son « cahier de prière », comme il appelait son Journal : « Assassinats à Alger. Après tant d’autres. Ce cahier ne peut rester à l’abri de cette violence. Elle me traverse ». « Tout au long des mois qui suivront, Christophe se laissera traverser par cette violence »[1]. J’ajoute : Comme le Christ s’est prêté librement aux mains de ses bourreaux. En lisant le Journal de fr. Christophe (qui porte le nom du Christ, comme son Prieur Christian de Chergé…), nous voyons comment il se laisse traverser par la violence et comment sa propre violence se convertit. En lisant, nous voyons le travail de l’Esprit en lui, du Souffle de Jésus Christ qui opère sa conversion pour le préparer au don de lui-même, en conformité avec Lui, jusqu’à verser son sang par amour de l’Algérie, du petit peuple qui souffrait, et que les moines du monastère de l’Atlas se sont refusé à quitter par amour de leurs voisins musulmans, devenus leur famille implicitement choisie par le vœu de stabilité inscrit dans la Règle de Saint Benoît des trappistes.

    Le 2e jour fr. Christophe réfléchit à son entreprise d’écriture : « Transcrire un baiser ».

    Au 20e jour : « … J’écrirai au désert. Je défendrai ta cause. Si ton Souffle prend ma main : j’obéirai à ton langage. »

    Le 15 décembre, il est à la trappe de Fès. À son retour, le 22 décembre : « Il y a eu des choses vécues ici à Tibhirine. / Surtout : le massacre des [12] Croates travaillant à creuser un tunnel et habitant en bas de chez nous. / Apprendre cela à Fès et puis vivre l’événement qui nous touche ici n’est pas identique. / Je retrouve une communauté très marquée, impressionnée : approfondie dans son identité chrétienne, humaine et… contemplative. / Je dois essayer d’intégrer en moi ce qu’ils ont vécus. »

                Mais il n’en aura pas le temps. Deux jours plus tard, dans la nuit de Noël, c’est la « visite du Père Noël » (mot de fr. Paul) : Sayah Attia, « le bourreau des Croates », « et l’émir des terroristes de la région centrale »[2], nommés « frères de la montagne » par les moines, déboule en armes avec ses compères au monastère et veut « emprunter » le docteur, fr. Luc, qui tenait le dispensaire et soignait tout homme sans demander de quel bord il était. Le Prieur, fr. Christian, tient tête par trois fois à Sayah Attia qui le menaçait en disant que les moines n’avaient pas le choix. « Si, nous avons le choix ». Fr. Christophe et Philippe, quand ils avaient entendu fr. Célestin crier à l’arrivée des maquisards armés, étaient descendus se cacher dans l’une des grosses cuves à vin désaffectées de la cave. 2 heures dans la cuve où ils ont dû retenir leur souffle… Ils en sont remontés tout étonnés et honteux de voir leurs frères encore là, en vie, chantant l’office de Noël. Le 14 janvier 1994, fr. Christophe note : « À Vigiles, cette nuit, j’ai lu l’histoire du Déluge. / Et puis j’ai lu l’histoire de ta Passion et de ta Glorification. / Le sens de ce Noël 93, tu le dis à Pilate : / Je suis né / et je suis venu dans le monde / pour rendre témoignage à la vérité. / Ton souffle nous compromet : corps et biens / dans ton témoignage, / le témoignage de Jésus, c’est le souffle de la prophétie. / Faut-il faire un effort de communication pour essayer de faire entendre que ce souffle nous a bouleversés, traumatisés dit-on… / et pour ma part, je voudrais ne pas trop m’en distraire, rester branché au lieu d’expiration : ta Croix / ici s’ouvre le Chemin de l’Église / on fait ici stabilité de pèlerin, de passant. » Le 16/01 : « Dans la nuit, j’ai rendu de ta part ce service infini de dire : je te pardonne / Est-ce que je sais mon corps pour toi et toi pour mon corps. / Je ne puis dire si je suis uni à toi, simplement je pleure et supplie de n’être jamais séparé de toi, / temple du Souffle qui est en moi / venant du Père, par toi donné, / et je ne m’appartiens pas : Marie est en moi le garant de ce détachement qui en elle fut total, radical. / Près d’elle : je suis. Alors je pourrai te glorifier par mon corps. / Christian, rencontré longuement ce matin (…). J’en suis venu à parler de ce qui s’est passé le 24 au soir : qui fut vécu comme une fuite, puis une attente, puis une remontée de l’abîme. » Le 17/01, il recopie deux passages de M. Alain Chevalier à propos de l’Évangile de saint Jean :

    30 Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : « Tout est accompli. » Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit. (Jn 19,30)

    « Le fait (Jn 19,30) de transmettre le Souffle à un groupe dont la caractéristique est son approche de la croix dans une attitude de foi et indépendamment de tout autre titre… est bien dans la droite ligne du propos johannique. » Et, au sujet du passage d’évangile que j’ai choisi de vous lire tout à l’heure, en Jean 20 : « Le v. 23 annonce qu’à la suite du Fils et animé par son souffle va se poursuivre dans le monde un ministère de pardon et de condamnation, un ministère de jugement (krisis). Dans la perspective johannique, c’est toute la communauté qui continue dans le monde la démarche du Fils. »

                Le 20/01 : « Donne-moi à boire : de toi. La bouche grande ouverte : j’aspire. / Ce que tu me (nous) dit est : souffle de vie. / Je reçois mission de source : c’est Toi en moi, jaillissant en Vie éternelle. / Mission de respiration. » 25/01 : Conversion de saint Paul : « Cet Évangile n’est pas d’inspiration humaine. Dieu m’a appelé par son chérissement à le découvrir en moi pour que je l’annonce. Nul ne vient au Fils que par le Don du Père. Nul ne conçoit le Fils sinon le Père. Le Souffle seul sonde la Relation. / Te découvrir en moi, Jésus Fils du Père, c’est aussi me reconnaître merveille au regard de la Miséricorde. Venez voir, il m’a dit tout ce qui me concerne. / La mission, avant toute annonce, est écoute du Fils, accueil de ton Évangile en moi. L’Église, c’est d’abord un corps évangélisé. Et la maison de ton souffle de vérité : c’est charnel et pas une construction abstraite ou un échafaudage théorique. / Quand le disciple que tu aimes entend : voici ta mère / c’est Révélation en moi / de ton Je. »

                Le 1er février : « Nouvelle disposition du chœur. Elle accentue le recueillement, favorise l’écoute en communion. Je suis en vis-à-vis de toi – crucifié qui m’attires en ta vie. L’autel nous relie. J’ai tant besoin de ton Souffle. Ami, pour faire acte de foi, acte de chant – que jamais il ne se hausse plus haut que celui du serviteur. N’en déplaise aux liturges. » Le 2/02 : « Les échanges et les votes communautaires du temps de Noël ont bien manifesté ce nous vivant, survivant. Sa vocation ultime n’est pas la défense d’un temple [le monastère]. Nous avons fait l’expérience d’être ton corps / traversé par un glaive / habité par ton Souffle / c’est Lui qui défend notre identité christique. » Le 8/02 : « Peuple porteur du Nom, notre identité tient à dire Notre Père. La Croix : identité d’inspiration et d’expiration dans le Souffle remis. Absence en moi : de joie, de charité. Ne pas désespérer. Avec les survivants de Sarajevo, avec le peuple des humiliés, tenir entre tes mains = tenus de supplier : vite Notre Père, délivre-moi, délivre-nous du mal. » 56 jours après la « visite du Père Noël », le 19/02 : « À Médéa [ville dont dépend Tibhirine, en bas], l’autre nuit encore, ils ont fait œuvre de mort, ils ont aggravé la ténèbre. Mais il y a ce temps spécial ouvert pour nous, pour moi, dans la Nuit de ta naissance. Et on a dit : jusqu’à Pâques. Au-delà ne doit pas être envisagé, c’est un temps renouvelé, coulant de Source. Mais d’ici là, j’ai une conversion radicale à faire : devenir petit enfant. Puisque né de nouveau ce 24 décembre : tu m’as tiré de la fosse et fait remonter de l’abîme. Pour vivre : par toi, avec toi, à toi et en toi vers le Père. »

    Le 1er mars 94 : « Prier. À Jérusalem, au Liban, en Algérie, à Sarajevo… partout, c’est dangereux. Le priant est vulnérable, désarmé. / La prière de l’enfant : ta croix nous y invite. Elle m’attire… à Tibhirine. La prière de qui n’a pas d’autre défenseur que toi : tenu par ton Souffle. » Le 04/03 : « Tu me parles – quand je dis et chante : Pour moi grâce à ton amour, j’accède à ta maison. / Là en moi – si loin, si proche : / En Toi, j’ai accès à mon je, livré à l’amour dont tu es aimé, si quelqu’un m’aime – / et comment dire je t’aime sinon grâce à ton Souffle même / nous viendrons chez lui / moi et mon Père. » Le 6/03 : « Jésus serein ? Le zèle de ta maison me dévorera. Angoissé à mort… ta sérénité est celle du Priant. Levant les yeux au ciel, tu dis : l’heure est venue, Père. / Dans ta Prière, toute l’angoisse humaine est surmontée : par le Don qui investit entièrement ta liberté. / Le port d’attache, c’est ton Corps de Bien-aimé. / Ne me retiens pas car je monte vers mon Père et votre Père. / Dans la nuit du 24-25 décembre [1993], on est passé de la maison au corps. »

    Le 13/03 : « Belle eucharistie. Sur ta parole, Jésus, j’ai pris le Don, le Don qui te donne, je l’ai pris comme on prend un baiser : la meilleure part… au vol. Je l’ai saisi et ne le lâcherai pas. Obéir, c’est communier au Don. »

    Le 16/03 : « Le Don qui prend au corps – sinon c’est une idée de don. / Perdre ma vie, c’est le Don : à prendre ou à laisser. »

    Le 19/03, anniversaire de sa consécration à Marie qu’il aimait tendrement. « Le Souffle du Don » traverse ce jour de la saint Joseph : « Aujourd’hui, j’entends au fond de moi ton bonheur d’être en moi : Toi, l’Aimé de l’Amour. / L’expérience si pauvre – et dérisoire à en pleurer ou à en rire – de cet étudiant tourangeau disant je t’aime sans que nulle réponse ne vienne. / C’est ton je t’aime m’attirant dans la réciprocité du Don. / Ta liberté, Jésus, est liberté d’allure : là où je vais / après / nous y sommes : il s’agit de te suivre. »

    Le 06/05 : « Terrible répression : autour de nous. L’épicentre, c’est ta croix où tu te dessaisis de ta vie pour ceux que tu aimes : ici, aujourd’hui. » 8 mai 1994 : « À 14h, au centre de Ben Chnets à la Casbah, Henri Vergès, frère mariste, et Paule-Hélène, petite sœur de l’Assomption, sont assassinés. Nul n’a de plus grand amour que celui qui se dessaisit de sa vie pour ceux qu’il aime. » 10/05 : « Prier devrait conduire toute mon existence – quotidienne – à l’heure de passer de ce monde au Père. / C’est ici que m’attire ce que tu dis. Combien ton Église tient à toi : à ton Souffle de vérité. Tu lui envoies le Défenseur et dans la mort de Paule-Hélène et d’Henri : il démasque le Mensonge. Il fait tenir debout : à ce poste de travail où ton Amour même les tenait : se donnant là jusqu’à l’extrême. Ce témoignage passe par des servantes et serviteurs – amis – il vient de loin – il va et se mêle à l’Eucharistie. »

    Le 12 décembre 1995 : « Ma vie offre-t-elle prise à ton Souffle… épris de toi qui viens ? Marie : elle, debout, en plein vent, libre de Toi. »

     

    4 – LA BÉNÉDICTION

                Poème tiré de AIME JUSQU’AU BOUT DU FEU – Frère Christophe moine-martyr de Tibhirine – 100 poèmes de vérité et de vie – choisis et présentés par frère Didier, moine à l’abbaye Notre-Dame de Tamié – Éditions Monte-Cristo, Toussaint 1997.

                AIME JUSQU’AU BOUT DU FEU est un message d’amour pour le monde entier. C’est pourquoi le poème ICI ET LÀ de Fr. Christophe a été traduit en arabe, latin, italien, allemand, portugais, japonais, anglais, russe, polonais, espagnol, chinois, hébreu, hongrois, langue africaine, grec…

     

    Portrait fr Christophe Lebreton.jpgIci et là

     

    L’offrande de Jésus
    me passe entre les mains

    je sais où va sa vie
    je pars

    pour autant   ,   frères
    étant donné      Amour
                  je demeure

     

     

    Logo Fraternités AdP.jpg

     

     

     

    Sandrine Treuillard
    de la Fraternité eucharistique catholique d’Artisans de Paix

     

     

    Retrouvez tous les textes sur la page enrichie 
    Artisans de Paix – ou le désir de rencontrer l'(A)autre


    N O T E S

    [1] Citation de Dom Armand Veilleux qui préface le Journal. LE SOUFFLE DU DON – Journal de frère Christophe – Tibhirine 1993-1996. 1ère édition Bayard/Centurion, 1999. 2ème édition Bayard 2012, préface de Mgr Henri Teissier en plus de celle de Dom A. Veilleux.

    [2] John Kiser PASSION POUR L’ALGÉRIE – LES MOINES DE TIBHIRINE – L’enquête d’un historien américain, Éditions Nouvelle cité, 2006. 

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  • Toucher la paix, la partager, la rayonner : Le mystère de la Visitation

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    Réunion de prières interreligieuse 

    Artisans de Paix - Novembre 2019

     

    Toucher la paix,
    la partager, la rayonner :

    Le mystère de la Visitation

     

    Au cours de la semaine de l’amitié islamo-chrétienne (SERIC), le 25 novembre 2019 a eu lieu la 29ème Réunion interreligieuse de prières d’Artisans de Paix à la Zaouia Soufie Naqshbandi de Richarville (Essonne), dont voici le déroulé[1]. Cette rencontre avait pour thème Toucher la paix, la partager, la rayonner.

                      Comme chargée de mission de la Fraternité eucharistique catholique d’Artisans de Paix, j’ai choisi d’évoquer le mystère de la Visitation relaté dans l’Évangile de Luc. Le Mystère de la Visitation est la figure de toute vraie rencontre et mystère de l’hospitalité réciproque, pour Christian de Chergé (prieur des 7 moines trappistes de Tibhirine assassinés en Algérie en 1996, et l’un des 19 martyrs religieux des Années noires en ce pays. Béatifiés à Oran, le 8 décembre 2018). L’extrait d’un de ses textes à ce sujet est reproduit ci-après (III - Partager la paix).

                      Pour commencer, je vais à la source de la paix dans le Premier Testament, avant d’introduire à l’Évangile de Luc dans le Nouveau Testament. Survolons donc le texte biblique qui évoque la paix et se fait annonciateur du Prince de la Paix…

    Sandrine Treuillard

     

    I - La paix depuis la Genèse      Dans le Premier Testament

    « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. Or, la terre était informe et vide. Les ténèbres couvraient l’abîme, et l’Esprit de Dieu planait au-dessus des eaux. »[2] Ces mots sont les premiers de la Bible, dans le Livre de la Genèse. Dieu s’apprête à créer la lumière et toute sa Création. « Le souffle planait sur les eaux »[3] : la paix, l’harmonie primordiale de la Création régnait sur elle.


    1 - La paix : un fruit de l’Esprit


    Esprit de Dieu planant sur les eaux Enlum Bible Sens 14è.jpgRevoyons cette image, plus loin dans la Genèse : la colombe, après le Déluge, rapporte en son bec un rameau, signifiant par-là que la terre ferme et verdoyante a réapparu à sa surface, que le courroux de Dieu avait inondée. Dieu s’était en effet repenti d’avoir créé l’homme qui, bien qu’à son image mais libre, devînt très indisposé à le suivre dans la voie du Bien. Avec le Déluge, Dieu voulut reprendre sa Création, comme le peintre lors d’un repentir efface une partie du tableau et corrige le geste d’une main, par exemple. Dès la Genèse, la colombe représente l’Esprit. Comme lors du geste créateur de Dieu, elle apparaît à Noé, au-dessus des eaux dont l’arche est environnée.

                La colombe en vol, tenant en son bec le rameau, représente la paix comme fruit de l’Esprit. Quand l’Esprit survolait les eaux, aux commencements de la Création, ce souffle était la paix originelle elle-même. La paix a quelque chose de la Sagesse et de la pureté divine. Dieu l’a placée au cœur même de la Création, c’est-à-dire de toute créature, de la nature, y compris au cœur de l’homme créé à sa ressemblance, à son image. La paix est constitutive de la Création. Elle est consubstantielle au Créateur. C’est l’harmonie spirituelle de Dieu avec toute sa Création.

                La paix, c’est Dieu lui-même. C’est d’ailleurs un des noms de Dieu invoqué par les musulmans dans la prière du Dikhr…


    2 - Le Verbe fait chair : Prince de la Paix


    Le Verbe a planté sa tente parmi nous.jpgDès 740 avant notre ère, dans le premier Testament, le prophète Isaïe annonce la naissance du Christ. Il y est désigné comme Prince de la Paix :

    « Car pour nous un enfant est né, un fils nous est donné. Il exercera l’autorité royale ; il sera appelé Merveilleux Conseiller, Dieu Fort, Père à jamais et Prince de la Paix. Il étendra sa souveraineté et il instaurera la paix qui durera toujours au trône de David et à tout son royaume. Sa royauté sera solidement fondée sur le droit et sur la justice dès à présent et pour l’éternité. Voilà ce que fera le Seigneur des armées célestes dans son ardent amour. »[4] 

    « Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous » (Jn 1, 14). Par Jésus-Christ, Dieu vient restaurer sa Création, sa créature humaine pervertie par le péché depuis Adam. Par Jésus-Christ, Dieu fait œuvre de recréation et de paix pour la terre et les hommes qu’il aime. Par Jésus-Christ, Dieu vient dans l’histoire de l’humanité recréer l’homme à son image. Le Christ est contemporain du geste créateur de Dieu, quand « le souffle de Dieu planait sur les eaux », comme l’indique l’évangéliste Jean dans son Prologue : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu. C’est par lui que tout est venu à l’existence, et rien de ce qui est ne s’est fait sans lui » (Jn 1, 1-3). 

                Le Christ est le Prince de la Paix. Il est le Fils de Dieu. Par et avec Jésus Christ, Dieu nous rend l'harmonie spirituelle de l’origine en apportant la restauration de notre relation avec Lui.

     
    3 - La Paix du Christ

    La Paix du Christ.jpgÀ la dernière Cène, avant sa Passion, Jésus donne sa Paix à ses disciples.
    Jésus nous donne la Paix venue de Dieu son Père, comme la vie-même de Jésus est restauration de notre lien à Dieu le Père (c’est le sens de la Rédemption). Jésus la donne aussi sur la croix : « Car Dieu a jugé bon qu’habite en lui toute plénitude et que tout, par le Christ, lui soit enfin réconcilié, faisant la paix par le sang de sa Croix, la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel » (Col 1, 19-20).
     

    Esprit St au Cénéacle Pentecôte Paix du Christ.jpgAprès sa Résurrection, le Christ se manifestera et se montrera aux disciples réunis dans le Cénacle, en commençant par leur donner la paix. Quand Jésus donne sa paix, c’est celle de Dieu le Père qu’il nous transmet. La paix de Jésus, celle du Père et leur Esprit, c’est tout Un. Nous sommes là au cœur du mystère de la Trinité. La paix est cette vie qui circule entre le Père, le Fils et l’Esprit Saint. Cette harmonie entre les trois personnes de la Trinité produit la paix. Celui qui la véhicule, c’est l’Esprit Saint.

                Depuis l’Ascension, quand Jésus-Christ a rejoint le Père dans le Royaume céleste, nous recevons la paix de Jésus par l’Esprit Saint. La messe est un moment important ou recevoir cette paix en communauté ecclésiale. Mais elle peut être reçue a tout moment, au contacte de la nature, dans la prière, la vie quotidienne, les rencontres… C’est toujours une manifestation de l’Esprit Saint.

    II - Toucher la paix, la partager         Introduction à l’Évangile

                Pour évoquer cette paix dans l’Écriture Sainte, dans les trois états proposés (toucher, partager, rayonner la paix) par la présidente de notre association, Paula, j’ai choisi l’épisode de la Visitation, dans l’Évangile de saint Luc.

                Luc relate l’épisode que l’on nomme la Visitation dès le premier chapitre de son récit de la Bonne Nouvelle. La Visitation est la rencontre de Marie, qui vient de vivre l’Annonciation, avec sa cousine Élisabeth enceinte de 6 mois de Jean (le Baptiste). Pour aller à la Visitation, il faut cependant voir les circonstances de la conception de Jean (l’annonce à Zacharie) et celles de la conception de Jésus (l’Annonciation).  


    1 - Toucher la paix             
    L’annonce à Zacharie

    Annonce à Zacharie.jpgAprès le prologue de son évangile, Luc décrit les circonstances de l’annonce de la naissance de Jean le Baptiste « qui sera rempli d’Esprit Saint dès le sein maternel ». C’est l’ange du Seigneur qui parle ainsi quand il apparaît au futur père, Zacharie, alors qu’il offre l’encens dans le sanctuaire. Zacharie et Élisabeth étaient un couple stérile et avancé en âge. Ils ont touché la paix. Ou plutôt : c’est la paix qui est venue les toucher et qu’ils ont reçue, avec la joie inespérée d’engendrer un fils, Jean (Dieu exauce), le Précurseur du Christ. La conception de Jean est donc le miracle de Dieu pour Zacharie & Élisabeth, et pour toute l’humanité.


    2 - Toucher la paix             
    L’Annonciation

    Lumière Ventre Marie.jpgEn deuxième lieu, Luc l’évangéliste décrit l’annonce de la naissance de Jésus qu’on appelle l’Annonciation. Dans l’annonce faite à Marie, une vierge déjà promise à Joseph, l’ange Gabriel, lui dit qu’elle tombera enceinte du Fils du Dieu Très-Haut. Comme elle est d’abord bouleversée de voir entrer chez elle un ange, et lui adresser la Parole de Dieu, celui-ci lui dit alors : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. » Il la rassure, l’apaise par ces mots pour l’introduire au message qu’il lui porte de l’action de Dieu sur elle, en elle, et pour l’humanité : « Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. » À la question de Marie « comment cela se fera-t-il puisque je suis vierge ? », l’ange lui révèle que « l’Esprit Saint descendra sur elle, et que la puissance du Dieu très-haut la couvrira de son ombre. »

    Embryon.jpgComme pour Zacharie & Élisabeth, Marie reçoit la paix de Dieu : pour elle-même et pour tous les hommes. Par le Verbe qui prendra chair en son corps, elle touche la paix, et portera le Prince de la Paix en elle avant de lui donner naissance. Aussitôt après avoir reçu les explications de l’ange, Marie se soumet à la volonté de Dieu par ce qu’on appelle son ‘Fiat’ : « Voici la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi selon ta parole. » C’est par l’Esprit Saint que Dieu engendre son Fils en Marie. L’ange lui a annoncé qu’elle portera Jésus Christ, le Verbe fait chair, en elle. Jésus, le fils de Marie, est la paix en personne, de la part de Dieu, pour tous les hommes.


    3 - Partager la paix        
    La Visitation (Évangile selon saint Luc 1, 39-45)

    Esprit Saint en Visitation.jpgL’ange la quitte et quelques jours plus tard, Marie se met en route pour rendre visite à sa cousine Élisabeth, dont elle a appris, lors de l’Annonciation, qu’elle était aussi enceinte depuis six mois. Et c’est l’épisode qui nous intéresse ici : la Visitation.

                C’est donc remplie de l’Esprit Saint, la vie de Jésus commencée en son sein, qu’elle part vers la montagne chez sa parente, Élisabeth. 



    « 
    39 En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée.

    40 Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth.

    41 Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint, 42 et s’écria d’une voix forte :

    « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni.

    43 D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ?

    44 Car, lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi.

    45 Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. » »[5]

     

    III - Partager la paix         Le texte    Le mystère de la Visitation

                de Christian de Chergé, est extrait de sa Retraite sur le Cantique des cantiques qu’il prêcha en 1990, à des Petites sœurs de Jésus (filles du bx Charles de Foucauld), à Mohammedia, au Maroc, dans le contexte où quelques chrétiens vivent au sein de la société musulmane. C’était 6 ans avant sa mort et celle des 6 autres moines de Tibhirine, en Algérie, dont il était le prieur. Ce texte est intitulé Le mystère de la Visitation par Christian Salenson qui a retranscrit d’après les enregistrements audio, commenté et publié toute cette Retraite sur le Cantique des Cantiques (éditions Nouvelle Cité, 2013).

                « Profiter de la fête de la Vierge pour revenir sur le mystère de la Visitation. Il est évident que ce mystère de la Visitation, nous devons le privilégier dans l’Église qui est nôtre. 

                J’imagine assez bien que nous sommes dans cette situation de Marie qui va voir sa cousine Élisabeth et qui porte en elle un secret vivant qui est encore celui que nous pouvons porter nous-mêmes, une Bonne Nouvelle vivante. Elle l’a reçue d’un ange. C’est son secret et c’est aussi le secret de Dieu. Et elle ne doit pas savoir comment s’y prendre pour livrer ce secret. Va-t-elle dire quelque chose à Élisabeth ? Peut-elle le dire ? Comment le dire ? Comment s’y prendre ? Faut-il le cacher ? Et pourtant, tout en elle déborde, mais elle ne sait pas.

                D’abord, c’est le secret de Dieu. Et puis, il se passe quelque chose de semblable dans le sein d’Élisabeth. Elle aussi porte un enfant. Et ce que Marie ne sait pas trop, c’est le lien, le rapport, entre cet enfant qu’elle porte et l’enfant qu’Élisabeth porte. Et ça lui serait plus facile de s’exprimer si elle savait le lien. Mais sur ce point précis, elle n’a pas eu de révélation, sur la dépendance mutuelle entre les deux enfants. Elle sait simplement qu’il y a un lien puisque c’est le signe qui lui a été donné : sa cousine Élisabeth.

                Et il en est ainsi de notre Église qui porte en elle une Bonne Nouvelle – et notre Église c’est chacun de nous – et nous sommes venus un peu comme Marie, d’abord pour rendre service (finalement c’est sa première ambition)… Mais aussi, en portant cette Bonne Nouvelle, comment nous allons nous y prendre pour le dire… Et nous savons que ceux que nous sommes venus rencontrer, ils sont un peu comme Élisabeth, ils sont porteurs d’un message qui vient de Dieu. Et notre Église ne nous dit pas et ne sait pas quel est le lien exact entre la Bonne Nouvelle que nous portons et ce message qui fait vivre l’autre. Finalement, mon Église ne me dit pas quel est le lien entre le Christ et l’islam.

                Et voici que, quand Marie arrive, c’est Élisabeth qui parle la première. Pas tout à fait exact car Marie a dit : As salam alaikum ! Et ça c’est une chose que nous pouvons faire ! On dit la paix : La paix soit avec vous ! Et cette simple salutation a fait vibrer quelque chose, quelqu’un en Élisabeth. Et dans sa vibration, quelque chose s’est dit… Qui était la Bonne Nouvelle, pas toute la bonne Nouvelle, mais ce qu’on pouvait en percevoir dans le moment. D’où me vient-il que… l’enfant qui est en moi a tressailli ? Et vraisemblablement, l’enfant qui était en Marie a tressailli le premier. En fait, c’est entre les enfants que s’est passé cette affaire là…

                Et Élisabeth a libéré le Magnificat de Marie. Et finalement, si nous sommes attentifs et si nous situons à ce niveau-là notre rencontre avec l’autre, dans une attention et une volonté de le rejoindre, et aussi dans un besoin de ce qu’il est et de ce qu’il a à nous dire, vraisemblablement, il va nous dire quelque chose qui va rejoindre ce que nous portons, montrant qu’il est de connivence… Et nous permettant d’élargir notre Eucharistie, car finalement le Magnificat que nous pouvons, qu’il nous est donné, de chanter, c’est l’Eucharistie. La première Eucharistie de l’Église, c’était le Magnificat de Marie. Ce qui veut dire le besoin où nous sommes de l’autre pour faire Eucharistie : pour vous et pour la multitude… »

    Esprit Saint en Visitation.jpg

    IV - Rayonner la paix       Le chant 

    Luc 1, 46-56 (Le Magnificat)

    45 Marie dit alors :

    « Mon âme exalte le Seigneur,

    47 exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur !

    48 Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse.

    49 Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom !

    50 Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent.

    51 Déployant la force de son bras, il disperse les superbes.

    52 Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles.

    53 Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides.

    54 Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour,

    55 de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais. »

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    V - Toucher la paix, la partager, la rayonner      
    Bénédiction finale

    PSAUME 18 A

    02 Les cieux proclament la gloire de Dieu,
    le firmament raconte l'ouvrage de ses mains.
    03 Le jour au jour en livre le récit
    et la nuit à la nuit en donne connaissance.

    04 Pas de paroles dans ce récit,
    pas de voix qui s'entende ;
    05 mais sur toute la terre en paraît le message
    et la nouvelle, aux limites du monde.

    Là, se trouve la demeure du soleil : +
    06 tel un époux, il paraît hors de sa tente
    il s'élance en conquérant joyeux.

    07 Il paraît où commence le ciel, +
    il s'en va jusqu'où le ciel s'achève :
    rien n'échappe à son ardeur.

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                      Abdelkader Abdellaoui, Muqadam de la Zaouia de Richarville, nous a présenté la Sourate 18 pour évoquer la relation maître-disciple chez les soufis. J'y ai répondu par l'article de Roger Michel : Scandale du mal et patience de Dieu (Sourate 18) avec le texte de Christian de Chergé extrait de l'ouvrage : Le Verbe s'est fait frère - Christian de Chergé et le dialogue islamo-chrétien.[6]

                      Après les bénédictions mutuelles, pour conclure fraternellement cette réunion de prières interreligieuse, la Zaouia a offert au sept participants une soupe de lentilles parfumée à la coriandre. Enfin, les clémentines de culture biologique qu’avait apportées la bouddhiste de Nichiren, Claire Tardieu, nous désaltérèrent plaisamment. Le tout dans la chaleur du poêle et la présence des maîtres soufis Naqshbandis, dont nous croisions le regard dans les visages photographiés…

     

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    N O T E S

    [1] Déroulé de la Vingt neuvième Réunion de prières interreligieuse

    Mots d’accueil d’Abdel Kader ABDELLAOUI, Muqadam de la Zaouia de Richarville et de Paula KASPARIAN, Présidente d’Artisans de Paix.

    Psalmodie

    À l’écoute des signes annoncés par nos textes fondateurs respectifs :

    Bible : Sandrine TREUILLARD
    Coran : Abdel Kader ABDELLAOUI
    Sutras Bouddhique : Marc & Claire TARDIEU

    Invocation musulmane, Dikhr

    Contemplant le témoignage de ceux en lesquels ces textes ont pris corps :

    Tradition chrétienne : Sandrine TREUILLARD
    Tradition islamique : Abdel Kader ABDELLAOUI
    Tradition Bouddhique : Jean-Luc CASTEL                                                                      

    Chant chrétien

    Devenant chacun et ensemble, prière vivante accueillant la Paix parmi nous, la recevant les uns des autres et nous La donnant les uns aux autres : à l’écoute du Souffle ténu qui prend corps parmi nous, se risquer à parler à Celui que certains appellent Dieu et que d’autres ne nomment pas, se taire si l’on préfère ; en tous les cas, recevoir et transmettre la lumière.

    Offrande de prière bouddhique

    Bénédictions et envoi : Témoins des Fraternités Artisans de Paix dont l’espérance prend corps parmi nous, donner à goûter la paix dans le monde d’aujourd’hui :

    Fraternité eucharistique : Sandrine TREUILLARD
    Fraternité islamique : Abdel Kader ABDELLAOUI
    Fraternité bouddhique : Jean-Luc CASTEL, Marc & Claire TARDIEU

    [2] Traduction de la Bible du Semeur, 2000.

    [3] Traduction de l’AELF.

    [4] Traduction de la Bible du Semeur, 2000.

    [5] Traduction de l’AELF.

    [6] Article de Roger Michel : Scandale du mal et patience de Dieu (Sourate 18) avec le texte de Christian de Chergé extrait de Dieu pour tout jour, Chapitres à la communauté de Tibhirine (1989-1996) : collection "Cahiers de Tibhirine" n°1, 2004, Abbaye Notre-Dame d'Aiguebelle, p. 200 : Jeudi 20 juillet 1989 (Saint Élie), Élie et les pensées de Dieu… dans l'ouvrage : Le Verbe s'est fait frère - Christian de Chergé et le dialogue islamo-chrétienÉditions Bayard, 2010. Livre collectif avec des membres de l'ISTR de Marseille : Anne-Noëlle Clément, Christian Salenson, Sr Bénédicte Avon, Roger Michel.

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    Artisans de Paix ou le désir de rencontrer l'(A)autre

    et la sous-page
    La Visitation :  Mystère de l'hospitalité réciproque
    & f
    igure de toute vraie rencontre - avec Christian de Chergé

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