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10 minutes de présentation aux élèves d’une classe de 3ème au collège Saint-Germain de Charonne - Paris 20ème sur le thème de la fraternité & de l'hospitalité interreligieuse.
Le vendredi 22 octobre 2021
Bonjour, je m’appelle Sandrine. Je suis donc la chrétienne de cette équipe d’Artisans de Paix.
Après la présentation du point de vue juif de Serge, de l’hospitalité d’Abraham, je vais vous présenter un épisode du tout début de l’Évangile écrite par Luc. Le Livre de la Genèse, où est décrit l’hospitalité d’Abraham, est aussi lu et médité par les chrétiens dans la Bible, puisque Jésus Christ étant juif, tout le Premier/Ancien Testament est son héritage et l’héritage de tous les chrétiens.
Les chrétiens ont donc comme recueil de la Parole de Dieu, la Bible. La Bible comprend le Premier ou Ancien Testament des juifs. Un Testament, dans le sens des Écritures saintes, c’est ce qui témoigne de la foi, de l’Alliance de Dieu avec les hommes. C’est la conversation de Dieu avec les hommes, écrite par l’intermédiaire de prophètes. Il y a donc d’abord l’ensemble des Livres du Premier Testament, la parole de Dieu avec le peuple juif. Puis, à partir de l’année zéro de l’ère chrétienne, à partir de la naissance de Jésus Christ, la Bible s’est enrichie du Second ou Nouveau Testament.
C’est la personne de Jésus Christ qui fait de nous des chrétiens. Le nom de chrétien vient de Christ, qui veut dire celui qui est oint avec de l’huile sainte, qui est l’élu de Dieu, choisi par Dieu, consacré à Dieu. Le Second Testament, tout comme le premier, est un ensemble de livres qui caractérise le témoignage chrétien. Ces livres témoignent de la vie de Jésus durant son passage sur la terre, d’avant sa conception jusqu’à ses 33 ans, puisqu’Il a été crucifié à l’âge de 33 ans. 4 personnes ont écrit la vie de Jésus que l’on appelle la Bonne Nouvelle de Jésus Christ ou Évangile. Ces 4 personnes, les évangélistes, qui ont écrit la vie de Jésus se nomment : Matthieu, Marc, Luc et Jean. À ces 4 évangiles s’ajoutent d’autres livres : d’abord Les Actes des Apôtres. Les Actes des Apôtres témoignent de la vie de l’Esprit Saint pour les premiers chrétiens, une fois que Jésus Christ est mort sur la croix et ressuscité. Car la foi du Chrétien réside dans l’expérience vécue dans notre vie de la présence vivante de Dieu qui est l’Esprit de Jésus mort et ressuscité, et donc bien vivant en nous et dans le monde, sous la forme de son Esprit.
Dans le Nouveau Testament, il y a aussi de nombreuses lettres : de Pierre qui a connu Jésus de très près et est devenu le chef de l’Église chrétienne. Il y a aussi de nombreuses lettres de Paul qui a répandu la Bonne Nouvelle dans tout le pourtour de la Méditerranée et jusqu’à Rome. Et d’autres lettres d’autres témoins de la vie de Jésus. Il y a enfin un dernier livre qui conclut toute la Bible et le Second/Nouveau Testament : Le Livre de l’Apocalypse, qui est la Révélation finale de la vie de Jésus Christ ressuscité.
L’épisode lié à l’hospitalité, dont je vais vous parler maintenant, est dans le 3ème livre des Évangiles, la Bonne Nouvelle de Jésus Christ écrite par l’évangéliste Luc. Luc était un médecin. Il commence son récit par l’annonce d’un miracle à un vieux prêtre qui offre de l’encens au Temple. Un ange apparaît à ce prêtre âgé qui s’appelle Zacharie. Ce messager de Dieu, l’ange Gabriel, est debout près de l’autel et révèle à Zacharie que sa femme, Élisabeth, va tomber enceinte alors qu’elle est, elle aussi, âgée. Tous les deux n’avaient pas pu avoir d’enfant durant leur vie de couple. Le miracle qu’annonce l’ange Gabriel est donc celui de la venue d’un enfant pour ce vieux couple stérile : un garçon qui s’appellera Jean.
Ce même messager de Dieu, l’ange Gabriel, va apparaître 6 mois plus tard à une jeune femme, vierge, qui n’a pas connu d’homme charnellement. L’ange rentre chez elle et lui annonce que là, elle va tomber enceinte miraculeusement, de Dieu. Vous imaginez comme Marie, c’est son nom, est bouleversée quand l’ange débarque chez elle et lui dit que Dieu va la couvrir de son ombre, que son fils s’appellera Jésus – ce qui veut dire le Sauveur –, et que cet enfant sera le fils de Dieu lui-même ! Marie interroge l’ange : « Comment cela va-t-il se faire, puisque je n’ai aucune relation charnelle, ni sexuelle avec un homme ? » L’ange lui répond que tout est possible à Dieu et que, la preuve, sa cousine Élisabeth qui était stérile avec son mari Zacharie, eh bien Élisabeth en est déjà à son 6ème mois de grossesse ! Et l’ange la quitte sur cette annonce ! Cet épisode de l’Évangile de Luc s’appelle l’Annonciation.
Marie est donc enceinte. En tous cas, c’est ce que l’ange Gabriel lui a dit. Et elle le croit. Elle est remplie de l’Esprit de Jésus en elle-même. Cet Esprit de Jésus qui n’est encore qu’un tout petit haricot dans ses entrailles de jeune fille, la pousse à aller voir sa cousine Élisabeth qui vit, elle, une grossesse miraculeuse depuis 6 mois ! Le ventre de Marie est encore tout plat. Celui d’Élisabeth déjà bien rond… Alors, Marie se jette sur les chemins, elle traverse les montagnes pour aller rendre visite à sa cousine Élisabeth, qui, à son âge, doit bien peiner à porter un enfant. Il reste encore 3 mois de grossesse pour Élisabeth. On peut imaginer tout ce qui se passe dans la tête de Marie, pendant qu’elle est en chemin vers la maison de Zacharie et Élisabeth. Son excitation, son émerveillement, sa joie… !
Et Marie arrive à la maison du vieux couple. Elle frappe à la porte, elle entre, elle dit : « La paix soit sur cette maison ! ». C’est la salutation habituelle quand on entre chez quelqu’un. Et quand sa voix retentit dans la maison et va jusqu’aux oreilles d’Élisabeth, il se passe quelque chose de très beau et d’extraordinaire dans le ventre d’Élisabeth qui porte le petit Jean : l’enfant bondit de joie dans le ventre de sa mère à la voix de Marie ! Et Élisabeth lui dit ce qu’elle ressent dans son corps, de la vie joyeuse du petit Jean à l’arrivée de Marie dans la maison. En fait, Jean est joyeux parce qu’il rencontre pour la première fois le petit Jésus dans le ventre de Marie. Bien que Jésus ne soit que ”même pas” un petit haricot dans le ventre de Marie, le bébé de 6 mois, Jean, sent l’Esprit, la vie de Jésus, sa présence en Marie.
Cette rencontre de Marie et Élisabeth, toutes les deux enceintes, est bien sûr une rencontre entre les deux femmes elles-mêmes. Mais c’est surtout la rencontre des enfants qui grandissent en elles : à l’ombre des entrailles de Marie, encore dans le secret, pour Marie ; et très visiblement en Élisabeth. Jean bondit d’allégresse à la venue de Jésus. La mission de Jean est et sera toujours joyeuse de montrer Jésus, de l’indiquer, de le faire connaître.
Cet épisode de la Visitation est donc pour nous, ici et maintenant, la figure de toute vraie rencontre. Une rencontre vraie, c’est quand ce qui est précieux en nous est révélé à l’autre que nous rencontrons et quand, réciproquement, nous est révélé ce qui est précieux en lui.
La Visitation nous présente un mystère : quelque chose qui nous dépasse et nous révèle la présence de quelque chose de plus grand que nous, en nous, en l’autre et entre nous. Cette rencontre vraie et profonde nous pousse à la joie du partage, à la confiance et à l’affection fraternelle. En fait, la Visitation c’est l’Esprit Saint en visitation : c’est l’Esprit qui fait jaillir la joie dans la rencontre.
Sandrine Treuillard Chargée de mission de la Fraternité eucharistique catholique d'Artisans de Paix
Après les quatre interventions du juif, de la chrétienne, du musulman et du bouddhiste et le petit échange entre eux, a été proposé l'exercice suivant :
Le 16 mai dernier, jour de mon anniversaire de naissance, j’ai publié ce post (ci-dessous) faisant mémoire de la providence divine dans ma vie, de ma conception à ma naissance. Je m’arrêtai à l’allusion suivante : « Le 25 mai 1975, à un an et 9 jours, je fus baptisée. Cette année-là, ce dimanche était celui de la solennité de la Sainte Trinité. Mais, c’est là une autre histoire que je vous conterai à une autre occasion… »
Des baptêmes… Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit
C’est durant l’été 2019, à la lecture des lettres que Christian de Chergé adressait à celui qui fut son professeur d’islamologie au PISAI, à Rome, le Père Blanc Maurice Boormans, dans sa lettre du dimanche 25 mai 1975, que je découvris que ce dimanche-là, de mon baptême, était la solennité de la Sainte Trinité. Je lisais ces lettres au père Maurice Boormans suite à mes lectures concernant le prieur de Tibhirine et son expérience vécue du dialogue spirituel avec l’Islam. Dans ces différents ouvrages du père Christian Salenson (directeur de l’ISTR de Marseille), j’appris à connaître et à aimer la spiritualité de Christian de Chergé dans son ouverture au dialogue avec les musulmans. Je fus alors conduite tout naturellement à reconnaître la source de cet enjeu existentiel pour frère Christian. D’abord, dans son enfance algérienne, quand sa mère lui apprit le respect des musulmans qui priaient Dieu en se prosternant. Et plus tard, quand il fut tout jeune officier durant la guerre d’Algérie, il noua amitié avec Mohammed, un arabe musulman, père de dix enfants qui lui sauva la vie en le défendant devant l’agressivité de certains de ses frères musulmans. Mohammed, le lendemain de cette altercation, fut retrouvé égorgé près de son puits. Ce n’est que bien des années plus tard que Christian de Chergé commença à s’ouvrir de cet événement-source de son amour pour l’islam et de sa vocation à donner sa vie pour l’Algérie. Dans le sacrifice de sa vie de Mohammed, frère Christian y vit l’offrande du Christ lui-même, mort pour lui (frère Christian). Le meurtre de son ami musulman est en correspondance intime et profonde avec son propre travail au long cours d’offrande de lui-même réalisé au jour le jour, au sein de sa communauté monastique à Notre-Dame de l’Atlas, et en fraternité avec les habitants de Médéa et tous les algériens, qu’il manifeste de façon condensée dans le Testament spirituel qu’il rédigea entre le 1er décembre (fête du bx Charles de Foucauld) 1993 et le 1er janvier 1994 (je souligne ici en caractère gras), un peu plus de deux ans avant sa mort :
« S'il m'arrivait un jour - et ça pourrait être aujourd'hui - d'être victime du terrorisme qui semble vouloir englober maintenant tous les étrangers vivant en Algérie, j'aimerais que ma communauté, mon Église, ma famille, se souviennent que ma vie était DONNÉE à Dieu et à ce pays. Qu'ils acceptent que le Maître Unique de toute vie ne saurait être étranger à ce départ brutal. Qu'ils prient pour moi : comment serais-je trouvé digne d'une telle offrande ? Qu'ils sachent associer cette mort à tant d'autres aussi violentes, laissées dans l'indifférence de l'anonymat.
Ma vie n'a pas plus de prix qu'une autre. Elle n'en a pas moins non plus. En tout cas, elle n'a pas l'innocence de l'enfance. J'ai suffisamment vécu pour me savoir complice du mal qui semble, hélas, prévaloir dans le monde et même de celui-là qui me frapperait aveuglément. J'aimerais, le moment venu avoir ce laps de lucidité qui me permettrait de solliciter le pardon de Dieu et celui de mes frères en humanité, en même temps que de pardonner de tout cœur à qui m'aurait atteint. Je ne saurais souhaiter une telle mort. Il me paraît important de le professer. Je ne vois pas, en effet, comment je pourrais me réjouir que ce peuple que j'aime soit indistinctement accusé de mon meurtre. C'est trop cher payer ce qu'on appellera, peut-être, la « grâce du martyre » que de la devoir à un Algérien, quel qu'il soit, surtout s'il dit agir en fidélité à ce qu'il croit être l'Islam.
Je sais le mépris dont on a pu entourer les Algériens pris globalement. Je sais aussi les caricatures de l'Islam qu'encourage un certain islamisme. Il est trop facile de se donner bonne conscience en identifiant cette voie religieuse avec les intégrismes de ses extrémistes. L'Algérie et l'Islam, pour moi, c'est autre chose, c'est un corps et une âme. Je l'ai assez proclamé, je crois, au vu et au su de ce que j'en ai reçu, y retrouvant si souvent ce droit fil conducteur de l'Évangile appris aux genoux de ma mère, ma toute première Église. Précisément en Algérie, et, déjà, dans le respect des croyants musulmans. Ma mort, évidemment, paraîtra donner raison à ceux qui m'ont rapidement traité de naïf, ou d'idéaliste : « Qu'il dise maintenant ce qu'il en pense ! » Mais ceux-là doivent savoir que sera enfin libérée ma plus lancinante curiosité. Voici que je pourrai, s'il plaît à Dieu, plonger mon regard dans celui du Père pour contempler avec Lui ses enfants de l'Islam tels qu'Il les voit, tout illuminés de la gloire du Christ, fruits de Sa Passion investis par le Don de l'Esprit dont la joie secrète sera toujours d'établir la communion et de rétablir la ressemblance en jouant avec les différences. (…) »
Dans la dernière phrase citée, frère Christian en appelle à la Sainte Trinité pour décrire la façon qu’a Dieu de regarder tous ses enfants les hommes, avec le même amour. Deux événements déclencheurs durant ces années noires en Algérie, correspondant aux deux dates mentionnées en fin du Testament, lui firent écrire ce texte d’une grande beauté spirituelle. En voici l’explication par le père trappiste Armand Veilleux (je souligne par les italiques) :
« La première date (1er décembre 1993) correspond au moment où, après les attentats dans le métro de Paris et la prise d’otage des passagers d’un Airbus français qui s’était terminée dans le sang à l’aéroport de Marseille, le GIA (Groupe islamiste armé) demandait à tous les étrangers de quitter l’Algérie, les menaçant de mort. C’est le jour où Christian rédigea la première mouture de son Testament. Le texte reçut sa forme finale un mois plus tard (1er janvier 1994). Entre-temps, divers événements tragiques étaient survenus. D’abord douze ouvriers Croates chrétiens avaient été égorgés à Tamezguida, à quelques kilomètres du monastère et, durant la soirée du 24 décembre, six islamistes armés s’étaient présentés au monastère en présentant des requêtes et des exigences. Durant les jours suivants les moines avaient longuement réfléchi en communauté sur l’opportunité de rester ou de partir. Ils avaient finalement opté unanimement pour rester. (…)[i] »
Dans certains contextes, l’offrande de soi-même implique l’acceptation d’être confronté à la mort violente. C’est Dieu qui dispose du don que nous faisons de nous-même. Le choix des modalités ne nous appartient pas. Comme frère Christian avait ‘vu’ mourir ce père de famille musulman à sa place, en représailles pour l’avoir défendu la veille, le prieur de Tibhirine et ses frères ont acquiescé par avance à la probabilité de la mort violente. « Le serviteur n’est pas plus grand que son maître », avait prévenu Jésus avant sa Passion (Jn 13,16).
Mais pourquoi vous parlé-je de tout cela ? Le point de départ en était le jour de mon baptême, en la solennité de la Sainte Trinité, le 5 mai 1975, date dont la signification me fut révélée par une lettre de Christian de Chergé. J’ai été amenée à vous faire entrer dans l’acte d’offrande du bienheureux prieur de Tibhirine, d’abord manifesté dans son Testament spirituel « Quand un A-DIEU s’envisage », et qui se réalisa dans les faits par l’enlèvement des 7 moines de l’Atlas (25-26 mars 1996) puis leur assassinat, fin mai 1996. Martyre, baptême de sang, comme le Christ leur Maître. Offrande libre d’eux-mêmes dont ils avaient discernés ensemble la possibilité. Et c’est bien de l’offrande de soi dont je souhaite m’entretenir avec vous. De cette vocation-là. Bien sûr, il ne s’agit pas de comparaison, ici. Mais de communion des saints.
Dans la communion des saints
Car, cette année 1994 fut pour moi marqué par le sceau de l’offrande. Ce sceau de l’offrande, manifesté dans une sculpture, marque ma vie actuelle et explique ma vocation à devenir moniale trappistine, d’une part ; et à poursuivre ma découverte et ma pratique du dialogue spirituel avec les soufis Naqshabandi, initié en région parisienne avec l’association Artisans de Paix, d’autre part. Christian de Chergé m’apparaît être la figure de sainteté que Dieu m’envoie pour ouvrir mon propre chemin, à sa suite. C’est dans un esprit de filiation spirituelle que j’évoque son expérience de vie et d’offrande.
Dans son livre intitulé Présences d’Évangile I – Lire les Évangiles et l’Apocalypse en Algérie et ailleurs, au premier chapitre L’Église « sacrement de la rencontre »… le théologien jésuite Christoph Theobald explique que
« tout homme est appelé à la sainteté, peu importe sa condition sociale, sa religion, etc. (…) En chaque être humain que nous rencontrons sommeille cette possibilité d’une démesure proprement divine, la capacité d’aimer, de se donner concrètement dans telle ou telle situation (comme le Samaritain) et de devenir absolument unique, « sacrement-personne en relation » pour celui qui est en face »[ii]. « L’invitation à « devenir saint comme lui… (le Christ Nda) » (Mt 5,48) n’est nullement un appel à l’héroïsme : paradoxalement, la « démesure de Dieu » est « à la mesure de chacun » ; elle rend chacun unique. (…) L’Esprit Saint conseille chacun le moment venu, sur ce qui est à sa mesure, mais sans jamais passer aussi par le conseil fraternel. Ce point est important à souligner parce qu’il est difficile de sortir du régime de la comparaison et d’accueillir, face à autrui, l’unicité de son propre chemin – l’unicité de l’itinéraire des moines de l’Atlas est à recevoir par chacun de nous dans cet Esprit qui dépasse toute comparaison. »[iii]
C’est d’abord par les homélies du père Armand Veilleux que je fus amenée à acquérir (sans le lire encore) le Prier 15 jours avec Christian de Chergé, de Christian Salenson, en février 2018. Puis, lors de la rencontre de ce père trappiste – le moine Armand Veilleux est abbé émérite de l’abbaye Notre-Dame de Scourmont (Chimay), en Belgique -, présent toute l’année 2018 au siège de l’Alliance InterMonastère - au Conseil duquel il travaille comme représentant l’Ordre Cistercien de la Stricte Observance -, au Prieuré Sainte-Bathilde de Vanves - que je fréquente quotidiennement pour les vêpres et la messe -, juste à son retour d’Oran, de la béatification de ses frères de Tibhirine (dont il était l’ami, en plus du visiteur canonique), nous prîmes rendez-vous pour nous rencontrer le lendemain, le 10 décembre 2018. Ce soir-là, je commençai le Prier 15 jours avec Christian de Chergé dont le 3ème jour me bouleversa, chapitre intitulé par Christian Salenson Chemin de croix :
« Et si nous parlions de la croix ? me demandait récemment l’un de nos amis soufis (dans la voiture qui nous ramenait tous deux du Maroc où il avait voulu faire retraite auprès de nos frères de Fès). Si nous parlions de la croix ?
- Laquelle, lui demandai-je ?
- La croix de Jésus, évidemment.
- Oui, mais laquelle ? Quand tu regardes une image de Jésus en croix, combien vois-tu de croix ?
Il hésitait.
- Peut-être trois... sûrement deux. Il y a celle de devant et celle de derrière.
- Et quelle est celle qui vient de Dieu ?
- Celle de devant... disait-il.
- Et quelle est celle qui vient des hommes ?
- Celle de derrière...
- Et quelle est la plus ancienne ?
- Celle de devant... C’est que les hommes n’ont pu inventer l’autre que parce que Dieu d’abord avait inventé la première.
- Et quel est le sens de cette croix de devant, de cet homme aux mains étendues ?
- Quand j’étends les bras, disait-il, c’est pour embrasser, c’est pour aimer.
- Et l’autre ? C’est l’instrument de l’amour travesti, défiguré, de la haine figeant dans la mort le geste de la vie.
L’ami soufi avait dit : « Peut-être trois ? » Cette troisième croix, n’était-ce pas moi, n’était-ce pas lui, dans cet effort qui nous portait, l’un et l’autre, à nous démarquer de la croix de « derrière », celle du mal et du péché, pour adhérer à celle de « devant », celle de l’amour vainqueur. »[iv]
Saint Bernard, le réformateur cistercien et fondateur de l'abbaye de Clairvaux, était aussi présent ce soir de la veille de ma première rencontre du père Armand Veilleux : par une image qui court de la fin du deuxième Sermon sur l’Avent et tout au long du troisième, où Bernard évoque la fleur qu’est Jésus, au bout de la tige qu’est Marie. Au fond, c’est le Christ Jésus qui est présent à toutes ces rencontres. Nous sommes compris dans un réseau qui n’est autre que la communion des saints, et nous sommes appelés à être « « sacrement-personne en relation » pour autrui », comme le dit Christoph Theobald.
Après ma lecture du Prier 15 jours qui m’introduisit à la spiritualité du bienheureux prieur de Tibhirine, dont le dernier chapitre (15ème jour) développe le mystère de l’hospitalité réciproque et la figure de toute vraie rencontre qu’est la Visitation pour Christian de Chergé, j’ai reçu l’effusion de l’Esprit Saint, appelé aussi baptême dans l’Esprit. C’était le 16 février 2019, lors d’une retraite de guérison (anamnèse) organisée par la Communauté du Chemin Neuf, dans l’ancien couvent des dominicaines de Béthanie (le bienheureux Jean-Joseph Lataste en est le fondateur – et, dans la communion des saints, il participa à ma guérison lors de cette session), à Saint-Sulpice de Favières (Essonne). En recevant l’effusion de l’Esprit, un frère et deux sœurs (de la Communauté du Chemin Neuf) qui priaient sur nous (nous étions deux femmes à recevoir le baptême dans l’Esprit) eurent pour moi deux images, d’une part ; et d’autre part, de la Parole de Dieu, le début d’un psaume et un extrait d’Évangile. C’est cet Évangile en saint Luc, chapitre 1, versets 39 à 45, qui décrit l’épisode de la Visitation. Alors même que cet Évangile m’était lu, à la fin, l’autre partie des retraitants qui était rassemblée devant l’autel de la chapelle se mit à entonner : Magnificat… qui est la prière d’action de grâce qui traverse Marie aux versets suivants de l’Évangile qui m’était lu (Lc 1,46-55). J’étais moi-même au comble de la joie avec Marie à la Visitation exultant son Magnificat.
Avec l’effusion de l’Esprit reçu le 16 février 2019 et l’Évangile de Luc 1, 39-45, ma proximité avec le bienheureux Christian de Chergé fut scellée. Je ne cesse de m’identifier à la Vierge Marie qui reçoit grâce sur grâce de la part de Dieu. La grâce de Dieu qui forme en moi le Verbe, qui incarne en moi le Christ, par son Esprit saint qui nous visite en ces temps qui sont les derniers. La grâce de la Visitation c’est de vivre le Christ en soi, c’est de vivre du Christ et de le reconnaître en l’autre. Mais, au moment des rencontres vraies nous n’avons pas conscience de vivre cela. Nous sommes abandonnés dans la Visitation. Nous ne savons pas à cet instant t que c’est le Christ qui vit en nous. Si nous le savions, nous ne le vivrions pas. C’est cela qui est le secret de Dieu. C’est sa discrétion. C’est seulement ensuite, en relecture de notre vie, que nous pouvons authentifier la présence du Christ en telle ou telle rencontre. C’est par cette sorte d’innocence que la rencontre est vraie, authentique. Une forme d’humilité, de simplicité dans la rencontre, en même temps que ce don généreux de soi dans l’accueil de l’autre, mais à notre insu.[v] L’Offerta – de la vocation à s’altérer soi-même
Revenons-en à l’année 1994. J’avais 20 ans. Ayant terminée ma seconde année aux Beaux-Arts de Bourges, la Providence voulue que je sois invitée par la Commission Européenne pour l’Art et la Culture à représenter la France parmi des étudiants en art venus de différents pays d’Europe, pour réaliser une œuvre (picturale ou sculpturale) avec l’Academia di Belle Arti de Viterbo, donnant lieu à une exposition collective au Palais des Papes de Viterbo à l’issue d’un mois de visites des sites et monuments de la région, le Latium, à 80 km au nord de Rome. Par goût de la découverte, j’acceptai le défi. Pendant deux mois, à l’aide d’une méthode des années 50, je m’initiai à l’italien. On me paya tous les frais en échange de quoi je pris des photographies tout au long de ce mois d’août et fis un diaporama compte-rendu au Rotary-Club de Bourges qui co-finançait le projet. Je consultai un volume sur l’art étrusque, riche en photographies d’urnes cinéraires et de peintures murales des tombes, pour appréhender ce qui soutenait cette civilisation pré-romaine.
Sur place, ce furent deux semaines intenses de visite s’étendant jusqu’au XXè siècle, en passant par l’amphi-théâtre étrusco-romain de Sutri, par le puits San Patrizio à double volutes d’escaliers, à Orvieto ; l’église baroque Santa Chiara de cette même ville ; les jardins baroques de Bomarzo ; le jardin renaissance virtuose en parcours d’eau et fontaines de Bagnaia ; la Villa Farnese à Caprarola dont l’architecture amorce le dessin des rues du village à ses pieds ; une nuit à la belle étoile au lac de Bolsena ; le bain thermal de Bagno Vignoni, de nuit aussi, dédié à sainte Catherine de Sienne (voir le film de Andreï Tarkovski Nostalghia, 1983) ; le lac de Vico ; Tarquinia, la ville étrusque ; Civita di Bagnoregio, une ville du moyen-âge dangereusement perchée sur un pic… jusqu’à la ‘cava di peperino grigio’, la carrière de la pierre ‘tendre’ volcanique locale que j’allais utiliser pour ma ‘sculpture’… à Soriano nel Cimino. Le Palais des Papes où nous allions faire l’exposition collective à la fin de ce mois d’août 1994 est en peperino grigio. Les fontaines indénombrables de Viterbo sont en peperino grigio. Les maisons. Les églises. Les bénitiers… Les énergies telluriques et volcaniques me traversèrent durant ce mois caniculaire. La langue italienne m’était familière. Je giflai un ‘garçon pur souche de Viterbo’ qui s’approcha trop près de moi dans une de ses rues. Et photographiai un groupe d’enfants qui acceptèrent de cesser leurs jeux le temps de la prise de vue.
Pour accompagner le projet dessiné de ma sculpture, - dans le catalogue d’exposition qu’il fallait donner au bout des 15 premiers jours pour l’imprimer avant le vernissage -, je donnai un poème qui résumait bien mon expérience des lieux, traduit en italien, et dont je me souviens des derniers mots : « trasuderebbe le fontane liberate dagli Elfi » ; « les fontaines suinteraient libérées par les Elfes » dans lequel poème j’évoquai le culte de Mithra, la végétation pesante… Une atmosphère spirituelle, les énergies naturelles traversant toute chose là-bas. Ce que je savais du Palais des Papes, c’était la pièce dans laquelle j’allais installer ma sculpture. Je la choisis pour son volume presque carré. Je fis désobstruer la fenêtre qui rendait la pièce obscure. La lumière du soleil et le bruit de l’eau s’y engouffrèrent.
On installa la demi-vasque de pierre volcanique au sol, au pied de la fenêtre, au milieu de la pièce. Les lettres qu’on applique sur les pierres tombales sont bien lisibles sur le côté diamétral du demi-cercle de la vasque, comme sur un mur miniature, le titre de la sculpture : ‘L’offerta’ (L’offrande), MCMXCIV, 1994 en chiffres romains. Sur le carton plume en demi-cercle au sol, complétant le cercle commencé par la demi-vasque, j’épinglai les longues feuilles de laurier rose ramassées au pied-même du Palazzo des Papi. Je mis de l’eau dans la demi-vasque. On monta sur un escabeau, au-dessus de ce petit plan d’eau pour fixer le fil de nylon, de manière à suspendre le citron desséché juste un peu au-dessus de la surface de l’eau. Le vent passant par la fenêtre pouvait légèrement le faire balancer…
C’est dans une peinture de Piero della Francesca, La Conversation sacrée (La Vierge et l'Enfant entourés de saints et d'anges, 1472), que l’on voit un œuf suspendu au niveau du ligament élastique de la coquille Saint-Jacques (ligament qui permet l’articulation des deux coquilles quand la conque est complète). « L’œuf d'oie qui pend au plafond (et qui pointe vers le nombril de Jésus), est le symbole de la perfection ou de la naissance dans la tradition alchimique, des quatre éléments du Monde ou de la Création. Il est accroché à la conque signifiant la fécondité. Toutes les têtes des personnages saints sont sur un même axe horizontal (principe d’isocéphalie), celui-là même de l'horizon perspectif contenant le point de fuite central, confondu avec le regard de la Vierge. L'axe vertical (œuf-nombril du Christ) rééquilibre l'axe horizontal précédent » formant ainsi une croix virtuelle (source wikipédia).
Le lendemain matin de l’installation, quand je retournai auprès de la sculpture installée pour la photographier, quelle ne fut pas ma surprise horrifiée de constater ce que je pris d’abord pour du vandalisme… Me demandant bien qui pouvait m’en vouloir à ce point, ou en vouloir à ma sculpture… Quelle violence ! Les épingles que j’avais plantées à la verticale, dans le carton-plume traversant la fine chair des feuilles de laurier pour les mettre à plat, comme un tapis, ces épingles étaient toutes couchées, sens dessus-dessous… Je me demandais quel courage il fallait avoir eu pour marcher sur des épingles, car c’était dangereux… J’étais à genoux devant ce ‘spectacle’ observant ce chahut, penchée sur le phénomène… Et je compris. Relevant la tête, je compris. Une aile de papillon flottait sur l’eau de la demi-vasque. En une nuit, beaucoup d’eau s’était évaporée sous l’effet de la chaleur caniculaire de ce mois d’août. Pour les feuilles, c’est le même effet d’assèchement qui avait manifesté la force de rétractation du végétal : les feuilles elles-mêmes en se rétractant avaient couché, déplacé les épingles. Personnes n’avait marché dessus…
C’est alors que je compris la véritable nature de cette sculpture-installation. La lumière solaire pénétrant dans la pièce projetait, si je puis dire ainsi, son ‘ombre lumineuse’ sur la sculpture, comme l’ombre d’un cadran solaire, marquant le temps. Le vent et le son, venus de l’extérieur, animaient les éléments naturels constitutifs de la sculpture. L’eau s’évaporait. Les feuilles de lauriers se rétractaient et manifestaient la violence de la nature en couchant la multitude des épingles (élément ‘culturel’, fabriqué industriellement par l’homme). Cette sculpture-installation était en mouvement. C’est la transformation de la matière par la lumière, le vent, la chaleur qui provoquait ce mouvement, qui finalement, ne parle que du temps. Le temps qui passe. « Le temps est supérieur à l’espace » du Pape François dans La Joie de l’Évangile résume bien la nature de cette sculpture installée. Le processus du temps qui modifie les éléments et parle de leur interactions. L’offerta, l’offrande, devenait alors une sorte d’autel du temps. Une offrande en action ; une offrande vivante se donnant. Une offrande s’altérant. Cette sculpture décrit le processus de l’offrande, qui est tout autre chose qu’un objet mort et inanimé qu’on dépose dans le vide. Ces manifestations physiques renvoient à une manifestation métaphysique et spirituelle. Et même religieuse : une offrande est un don à quelqu’un, la manifestation d’une action de grâce au sein d’une relation. Toute la sculpture - qui s’étend à la pièce entière, comme une chambre lumineuse(en regard de la camera oscura, la chambre obscure en photographie) -, son processus de vie est lié au temps, grâce à la lumière solaire et à la chaleur qui interagissent avec l’eau et les feuilles, avec les volumes de la pierre excavée, le courant d’air avec le citron desséché suspendu. Bref, une sorte de cadran solaire qui en fait une sculpture du temps. Une photographie (écriture de la lumière) en mouvement. Le temps est supérieur à l’espace. Et le métaphysique est supérieur au physique. Avec L’offerta les phénomènes physiques renvoient à une seule et même réalité unique. Cette installation devenait le signe d’une réalité invisible. Réalité invisible qui se manifeste dans le temps et les éléments altérés par le temps qui passe en transformant le vivant. Révélation du processus de la vie dans cette boîte fermée - qu’était à l’origine cette pièce d’exposition - par la lumière qui y pénétrait et agissait sur cette sculpture L’offerta.
Lac de Vico
Dans cette période de ma vie (à 20 ans, je me croyais séparée de l’amour du Christ depuis 7 ans, et cela allait durer encore 14 ans, jusqu’en 2008), cette sculpture marque la découverte, ou plutôt la redécouverte autrement, en l’expérimentant à travers la création, d’un temps cultuel. L’évaporation de l’eau et la rétractation des feuilles étaient devenus comme une libation, un holocauste ; la fonction de l’encens qui s’élève des mains de l’homme vers Dieu « en offrande du sacrifice du soir » (office des vêpres, que je ne connaissais pas encore). Prémices de l’offrande de soi. Cette sculpture, à mon corps défendant, est devenue un rituel. Une prière vespérale (quand je l’installai ̶ ce qui prit du temps tout en étant une occasion de silence et de solitude : le temps de planter les épingles dans la chair des feuilles oblongues pour les assembler comme un tapis). Ou des laudes (quand je vins la photographier). Cette sculpture, est, en fait, un autel. Cela se voit tout de suite. La fenêtre, avec sa tâche de lumière rectangulaire et trapézoïdale, a libéré tout le potentiel spirituel de la pièce quand je l’ai faite désobstruer. Par cette sculpture-installation, je recontactais le spirituel archaïque en acte. Le rituel des libations de l’Antiquité. Le sacrifice des holocaustes bibliques. Ce besoin de se donner à plus grand que soi par des voies symboliques, dans une liturgie. Cette sculpture était déjà une prière d’offrande de soi (eucharistie). Là, déposée-là. Offerte au temps. Au soleil, à la chaleur, au vent. S’évaporant. La pierre restant au sol comme un autel.
Après la première contrariété de ma croyance au vandalisme, découvrant la merveille sous mes yeux de la force de vie des éléments naturels, j’acceptai que la sculpture soit altérée. Qu’elle soit transformée, devenue autre. Et c’est cette acceptation, cette adhérence à l’altération de ma volonté ̶ comme je ne l’avais pas voulue, cette altération n’étant pas une chose que j’avais prévue comme dans un scénario ̶ , qu’elle devenait offrande vraie, véridique. Dans la perte de ma propre volonté, dans le don de moi-même, elle devînt authentique. Par la violence des phénomènes naturels je compris que cette offrande me dépassait, que cette sculpture excédait ce que j’avais fait, pensé… qu’elle allait au-delà de ce que j’avais réalisé. J’étais dépossédée par mon ‘œuvre d’art’. Cette dépossession est la marque de la main de Dieu sur elle, en moi. Ce n’était plus/pas une simple œuvre d’art de mains et de pensées humaines. Le doigt de Dieu la transportait dans la dimension spirituelle que je n’avais qu’entrevue en la baptisant « L’offerta ». Dieu en fit un signe, une théophanie, un ‘sacrement de la vie’. Un sacrement de la prière, sur l’autel qu’est cette sorte de bénitier baptisé L’offrande. Processus de ces métamorphoses, transformations de la nature ‘eau’, ‘végétal’, par le souffle du vent. Et le souffle de l’Esprit qui se glisse dans les symboles hissa sans peine la sculpture de simple ‘œuvre d’art’ à un signe quasiment sacramentel, renvoyant à une réalité spirituelle que j’avais perçue durant cette expérience des lieux, des cultures et des époques de la région visitée. L’offerta était devenue une synthèse phénoménologique du spirituel éprouvé, expérimenté dans ma rencontre des lieux et des temps de la région, dans les énergies naturelles, telluriques, volcaniques, végétales, minérales et humaines. Comme à l’amphithéâtre étrusco-romain de Sutri où je perçus la présence passée de la foule des humains, dans ce lieu vaste et vide. Je percevais la présence d’une multitude humaine alors même que ce lieu était vide.
Machina eucharistica
Et c’est bien à une autre Présence que cette sculpture installée dans cette pièce particulière du Palais des Papes de Viterbo renvoyait. Manifestation d’un don de soi à plus grand que soi, à l’Altérité absolue et fondatrice, créatrice et à l’origine de soi. Perception du religieux. Avec le regard de l’âme.
La grâce de l’altération, c’est de devenir un alter Christus. Machina eucharistica signifie ce devenir, ce processus (le temps est supérieur à l’espace du Pape François), cette transformation intérieure, diffusion en nous de l’Esprit du Christ qui nous eucharistie en Lui. Par la communion de toute notre vie à sa Personne, qui est trinitaire, nous devenons « sacrement-personne en relation », nous sommes un autre Christ. Nous prenons ses attitudes, ses gestes, ses pensées grâce à la vigilance intérieure qui nous garde en la présence christique. Nous adoptons alors, jour après jour, « une manière d’être avec autrui » qui est son mode d’être à Lui (« modus conversationis Christi » de saint Thomas d’Aquin)[vi].
Il y a 26 ans, j’avais 20 ans et voilà ce que me dit ce que je produisis alors, dépassée par l’œuvre que je réalisai. Cette année 1994 est aussi l’année où commencèrent les attentats en Algérie et l’assassinat des religieux chrétiens en Algérie. Christian de Chergé avait rédigé son testament spirituel et l’avait comme scellé, mis au secret, demandant à ce qu’on ne le découvre et ne le lise qu’à sa mort. Dans son Testament, il fait l’offrande de lui-même. La décision de s’offrir librement soi-même était posée, déposée dans ce texte le 1er janvier 1994. Son martyre fut consommé deux en plus tard, fin mai 1996.
Quand j’ai découvert, durant l’été 2019, que j’avais reçu le baptême le jour de la solennité de la Sainte Trinité, dans sa lettre du 25 mai 1975 à Maurice Boormans, j’ai su (de la science que donne l’Esprit Saint, le regard de connaissance de la foi), j’ai su que Christian de Chergé était dans ma vie comme un précurseur, comme s’il préparait le chemin que j’allais emprunter derrière lui, à sa suite, dans ma propre offrande de moi-même. C’était 25 ans après son testament spirituel, 25 ans après « L’offerta ». L’offerta était comme les prémices à mon désir, à ma vocation religieuse. Depuis que, par le père Armand Veilleux, j’ai découvert les écrits et la spiritualité de Christian de Chergé, je n’ai eu de cesse de percevoir sa présence providentielle, donnée par Dieu à moi, m’accompagnant sur mon chemin dans le dialogue avec les musulmans, mon désir de lire le Coran, d’une part, et dans l’appel à la vie trappistine, d’autre part.
De la violence – ou des personnes en relation sacramentelle
Christoph Theobald explique comment dans l’histoire de l’humanité et à travers les Écritures, nous rencontrons
« des personnes rendues capables de rayonner par leur simple présence parce qu’en elles, pensées (l’intériorité), paroles et actes concordent dans une sorte de simplicité de conscience que les Évangiles désignent par « le oui qui est oui » et « le non qui est non » (cf. Mt 5, 37 ; 2 Co 1, 17-20 ; Jc 5, 12).
On peut décrire cette même sainteté encore d’une autre manière en se référant à la célèbre règle d’or de Matthieu et Luc : « Tout ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux ! Voilà la loi et les prophètes » (Mt 7,12). Cette règle n’est pas propre au Nouveau Testament ; elle existe dans le judaïsme, dans la culture grecque, chinoise, etc., et, actuellement, elle est utilisée fréquemment dans les grands débats sur la justice et les droits de l’homme, vérifiant ainsi l’orientation universelle de l’Évangile. On peut en effet comprendre cette maxime comme simple indicateur de la réciprocité fondamentale qui régule nos relations humaines les plus élémentaires (…).
Mais discrètement la règle d’or fait appel à une attitude démesurée : la capacité de « se mettre à la place d’autrui » sans quitter sa propre place. La sainteté évangélique consiste précisément dans l’application démesurée de la règle d’or, toujours vécue dans telle ou telle situation concrète :
- Quand il s’agit de « se mettre à la place d’autrui » par sympathie et compassion actives : « Qui est mon prochain ?... Un homme descendit de Jérusalem… qui est mon prochain ? Celui dont je me rends proche » (cf. Lc 10, 25-37). Inversion excessive, nullement exigible mais proposée concrètement dans telle ou telle situation inattendue : « Tout ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux ».
- Quand il s’agit de se mettre à la place d’autrui, au point de prendre sur soi sa violence: « Si tu vas à l’autel et tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi… va d’abord te réconcilier avec lui… » (Mt 5, 23-24). C’est la même inversion (ou capacité de se mettre dans la peau d’autrui) qui conduit ici au courage messianique, nullement exigible, de s’exposer à la violence d’autrui. »[vii]
C’est par la violence de la nature ̶ en réponse à ma volonté première de la contraindre : "crucifier" des feuilles fraîchement cueillies en les épinglant de force afin qu’elles s’aplatissent contre le carton-plume pour en faire un tapis !, avait été ma première violence… Égorger un chevreau en holocauste n’est cependant pas moins violent. Dans cette installation, je fis acte rituel renvoyant au culte biblique du Premier Testament. ̶ C’est par la violence de la nature que j’ai accepté de me déposséder, de me laisser déposséder moi-même par la sculpture-installation que j’avais réalisée.
Allons plus loin… J’évoquais plus haut la foule invisible comme présence humaine appartenant au passé dans l’amphithéâtre étrusco-romain (IIè siècle avant J-C. - Ier siècle) de Sutri. Je perçus véritablement cette foule, à l’aide d’un sens spirituel. Comme si ce sens spirituel me connectait à la mémoire du lieu, contenue dans la pierre de tuf. Cette foule humaine appartenant au passé, je l’ai comme retranscrite dans le tapis des feuilles de laurier fixées une à une, se chevauchant les unes les autres, épinglées ensemble à plat, comme autant de martyrs de premiers chrétiens. L’idée d’holocauste et même de crucifixion était présente, suggérée dans cette foule muette de feuilles épinglées qui se rebellèrent sous l’effet de la chaleur en désordonnant les épingles. Les pierres crieront… (Lc 19,40) :
36 À mesure que Jésus avançait, les gens étendaient leurs manteaux sur le chemin. 37 Alors que déjà Jésus approchait de la descente du mont des Oliviers, toute la foule des disciples, remplie de joie, se mit à louer Dieu à pleine voix pour tous les miracles qu’ils avaient vus, 38 et ils disaient : « Béni soit celui qui vient, le Roi, au nom du Seigneur. Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux ! » 39 Quelques pharisiens, qui se trouvaient dans la foule, dirent à Jésus : « Maître, réprimande tes disciples ! » 40 Mais il prit la parole en disant : « Je vous le dis : si eux se taisent, les pierres crieront. »
J’étais dépassée à plus d’un titre par cette sculpture bien vivante. Elle était devenue une sorte de sacrement, se référant à une réalité invisible plus grande qu’elle-même. Avec L’offerta, j’acceptai de m’offrir moi-même, manifestant mon plus grand désir, religieux. Et je ne le savais pas.
Le testament spirituel de Christian de Chergé est cet acte libre, de la part d’un homme mûr. Acte de remise confiante de soi à la providence divine, par amour. Conscient d’être chrétien, prêtre et moine, frère « priant parmi d’autres priants » en Algérie. Aujourd’hui, je suis consciente et libre d’offrir ma vie en union avec le Christ pour mes contemporains, sachant que d’autres m’ont précédée et préparent la voie que j’emprunte avec ce grand désir d’être offrande, de libérer les fontaines de grâces en moi, de porter du fruit pour les autres, avec les dons que Dieu a déposé en moi.
Le fruit actuel est la lecture du Qur’ân (le Coran), dans la version traduite en français de Maurice Gloton, conseil de lecture de Abd El Hafid Benchouk, le chargé de mission de la Fraternité islamique d’Artisans de Paix. Cette lecture spirituelle du Qur’ân, je l’entreprends à la suite de Christian de Chergé, dans un même esprit de communion spirituelle à une Parole divine révélée, mais dans un autre contexte fraternel : en France, avec des musulmans soufis français, et sans connaître la langue dans laquelle le Qur’ân a été révélé à Muhammad. Mon témoignage de cette expérience spirituelle aura sa propre valeur dans ce contexte et ne se compare pas à l’expérience jusqu’au témoignage du sang des 19 religieux béatifiés d’Algérie. Ce qui me conduit, c’est l’amour qui me fait désirer lire le Qur’ân et l’amour que je reçois faisant cette lecture. C’est sans doute ce même amour qui animait frère Christian pour l’Islam et l’Algérie, jusqu’au don de lui-même.
Dans L’offerta, les forces de la nature en puissance manifestent une force invisible et spirituelle que j’avais éprouvée intensément durant ce mois à la découverte des sites et du patrimoine culturel, religieux et naturel de la région. Je retrouve dans la forme de cette sculpture-installation le cercle et donc mon blason spirituel (dessiné 20 ans plus tard) et le logo d’Artisans de Paix (dessiné en 2018, 24 ans plus tard). C’est le cercle de l’Eucharistie. Offrande de soi. Action de grâce.
Sandrine Treuillard Jehanne Sandrine du Sacré Cœur & de la Sainte Eucharistie En la fête de la Visitation et de la Pentecôte Dimanche 31 mai 2020 Les Bleineries 18260 Sury-ès-Bois
[ii] Christoph Theobald, Présences d’Évangile I – Lire les Évangiles et l’Apocalypse en Algérie et ailleurs, Les Éditions de l’Atelier/Les Éditions Ouvrières, Paris, 2011, premier chapitre L’Église « sacrement de la rencontre »…, L’appel universel à la sainteté, p.46.
[iv]Prier 15 jours avec Christian de Chergé - Prieur des moines de Tibhirine de Christian Salenson, éditions Nouvelle Cité, 2017.
[v]Note du 2 février 2020, 15h, en la fête de la Vie consacrée, Monastère de la Visitation, chambre Saint Jean, Paris 14ème, ajoutée au texte Esprit Saint en Visitation : Méditation sur la Visitation avec Christian de Chergé, du 30 avril-1er mai 2019. Ce texte est en correspondance avec le texte du Bx Christian de Chergé, extrait de la Retraite sur le Cantique des cantiques (présentée et commentée par Christian Salenson, éditions Nouvelle Cité, 2013) qu’il prêcha aux Petites sœurs de Jésus, à Mohammedia, au Maroc, en 1990. Je cite l’extrait de ce texte qui a été l’amorce du mien, avec « d’abord, c’est le secret de Dieu » :
« Profiter de la fête de la Vierge pour revenir sur le mystère de la Visitation. Il est évident que ce mystère de la Visitation, nous devons le privilégier dans l’Église qui est nôtre.
J’imagine assez bien que nous sommes dans cette situation de Marie qui va voir sa cousine Élisabeth et qui porte en elle un secret vivant qui est encore celui que nous pouvons porter nous-mêmes, une Bonne Nouvelle vivante. Elle l’a reçue d’un ange. C’est son secret et c’est aussi le secret de Dieu. Et elle ne doit pas savoir comment s’y prendre pour livrer ce secret. Va-t-elle dire quelque chose à Élisabeth ? Peut-elle le dire ? Comment le dire ? Comment s’y prendre ? Faut-il le cacher ? Et pourtant, tout en elle déborde, mais elle ne sait pas.
D’abord, c’est le secret de Dieu. (…) »
Voir aussi à ce sujet le texte de sœur Bénédicte Avon La visitation ou le mystère de la rencontrein Le Verbe s'est fait frère - Christian de Chergé et le dialogue islamo-chrétien, éditions Bayard (Spiritualité), 2010.
[vi]Cf Christoph Theobald, Présences d’Évangile I –Lire les Évangiles et l’Apocalypse en Algérie et ailleurs, Les Éditions de l’Atelier/Les Éditions Ouvrières, Paris, 2011, troisième chapitre Présence, témoignage, mission, accompagnement, Des différences théologiques, Présence et témoignage p. 102.
[vii] Id., premier chapitre L’Église « sacrement de la rencontre »…, Santé et sainteté, pp.44-45.
Vendredi 24 avril 2020 ‘Les Bleineries’ 18260 Sury-ès-Bois (Cher – Centre-Val de Loire)
Réveil vers 7h. Levée. Je prie l’Office des Lectures du vendredi 2, avec le psaume 37. Puis, pour recevoir la Parole, j’ouvre la Bible de Segond au hasard et tombe sur ce passage :
LIVRE DE L'APOCALYPSE(Trad. Bible Louis Segond)
Chapitre 10
1 Je vis un autre ange puissant, qui descendait du ciel, enveloppé d'une nuée ; au-dessus de sa tête était l'arc-en-ciel, et son visage était comme le soleil, et ses pieds comme des colonnes de feu. 2 Il tenait dans sa main un petit livre ouvert. Il posa son pied droit sur la mer, et son pied gauche sur la terre ; 3 et il cria d'une voix forte, comme rugit un lion. Quand il cria, les sept tonnerres firent entendre leurs voix. 4 Et quand les sept tonnerres eurent fait entendre leurs voix, j'allais écrire ; et j'entendis du ciel une voix qui disait : Scelle ce qu'ont dit les sept tonnerres, et ne l'écris pas. 5 Et l'ange, que je voyais debout sur la mer et sur la terre, leva sa main droite vers le ciel,6 et jura par celui qui vit aux siècles des siècles, qui a créé le ciel et les choses qui y sont, la terre et les choses qui y sont, et la mer et les choses qui y sont, qu'il n'y aurait plus de temps, 7 mais qu'aux jours de la voix du septième ange, quand il sonnerait de la trompette, le mystère de Dieu s'accomplirait, comme il l'a annoncé à ses serviteurs, les prophètes.
8 Et la voix, que j'avais entendue du ciel, me parla de nouveau, et dit : Va, prends le petit livre ouvert dans la main de l'ange qui se tient debout sur la mer et sur la terre. 9 Et j'allai vers l'ange, en lui disant de me donner le petit livre. Et il me dit : Prends-le, et avale-le ; il sera amer à tes entrailles, mais dans ta bouche il sera doux comme du miel. 10 Je pris le petit livre de la main de l'ange, et je l'avalai ; il fut dans ma bouche doux comme du miel, mais quand je l'eus avalé, mes entrailles furent remplies d'amertume. 11 Puis on me dit : Il faut que tu prophétises de nouveau sur beaucoup de peuples, de nations, de langues, et de rois.
Puis, je me mets à faire ma gymnastique devant la fenêtre ouverte, avec les oiseaux, la nature déjà bien éveillée dans la lumière solaire. C’est en fin de gym, tapotant ma tête que le rêve est remonté à mon souvenir. Je me suis arrêtée pour l’écrire à Camel puis à Paula. Je voulais l’écrire à Abd El Hafid, mais je n’ai pas retrouvé son numéro dans mon carnet d’adresse. Le voici :
« Cette nuit j’ai rêvé que je devais lire le premier verset du Coran. J’étais dans un lieu musulman mais les gens n’étaient pas en tenue de religieux, en banlieue. Il y avait deux hommes, l’un qui écoutait, l’autre qui agissait. Celui qui agissait s’affaira pour me rapporter un petit Coran qu’il trouva dans un bureau. Ce Coran tenait dans ma paume. Je lus le premier verset, et cela suffisait[i]. J’ai rendu le petit livre Coran. Tout était plein de joie simple. »
Détail d'une calligraphie ottomane de la Basmala : Premier verset du Qur'ân qui le contient tout, et qui introduit les 114 sourates: "Par le Nom d'Allâh, le Tout-Rayonnant d'Amour, le Très-Rayonnant d'Amour" Cette calligraphie rend palpable ce qu'elle décrit : "le Tout-Rayonnant d'Amour" contient — "le Très-Rayonnant d'Amour" diffuse. Amour issu de la 'matrice', principe féminin de Dieu. (Théophile de Wallensbourg, lors de la Retraite interreligieuse d'Artisans de Paix, Centre spirituel des Carmes d'Avon, 1er décembre 2019.)
Je pense que je suis appelée à lire le Coran[ii], à en faire une lectio divina, à la suite de Christian de Chergé qui le faisait.
Il y a quelques soirs, j’ai terminé la lecture de la Petite Philocalie de la Prière du Coeur par Jean Gouillard (éd. du Seuil, 1953 et 1979), dont l’Appendice fut un très beau cadeau que je vous donne à lire sur ce lien pdf : UNE TECHNIQUE SOUFIE (NAQSHABANDI) DE LA PRIÈRE DU CŒUR. Abd El Hafid Benchouk, le chargé de mission de la Fraternité islamique d’Artisans de Paix, appartient à cette obédience soufie Naqshabandi.
C’est ce soir l’entrée en Ramadan de nos frères musulmans[ii]. Qu’il leur soit doux et fructueux. Que nous en recevions les effluves.
« Gloire à Dieu, Seigneur des Mondes. » (premier verset du Coran, de la sourate d'ouverture "la suffisante".)
Sandrine Treuillard Chargée de mission de la Fraternité eucharistique (catholique) Artisans de Paix
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[i]Al-Fatiha (arabe : سُّورَةُ الفَاتِحَة, Sūrat al-Fātiḥah) est la sourate d'ouverture du Coran. Composée de sept versets, elle met l'accent sur la souveraineté et la miséricorde d'Allah. Elle peut être traduite par « l'entrée », « le prologue », « la liminaire » ou encore « l'ouverture ». Mahomet la nomme « la mère du Coran » (Oumm-ul-Kitab). Fakhr al-Dīn al-Rāzī relève douze noms différents donnés à la Fatiha : la "louange", la "Mère du Coran", les "sept répétés", "la complète", "la suffisante", "la Fondation", "la Guérison", "l'Adoration", "la Demande", "la Supplication", "l'Enchantement", "la protectrice", "le trésor", et "la lumière". Le nom de cette sourate ne dérive pas du contenu de la sourate mais de sa fonction de liminaire. Le premier verset (Basmala), dont la translittération est « bismillāh ar-rahmān ar-rahīm » (« Au nom de Dieu, le Tout miséricordieux, le Très Miséricordieux »), peut être familier à l'oreille d'un non arabophone ou d'un non musulman car il est omniprésent dans les sociétés musulmanes, notamment sous sa forme contractée « Bismillâh ». Cette formule apparaît au début de chaque sourate du Coran, exceptée la neuvième, At-Tawba (et elle est répétée deux fois dans la 27e, An-Naml). Elle est un verset uniquement dans la Fatiha. (source : wikipedia)
96.1.اقْرَأْ بِاسْمِ رَبِّكَ الَّذِي خَلَقَ Iqra/ bi-ismi rabbika allathee khalaqa Lis au nom de ton Seigneur qui a tout créé,
96.2.خَلَقَ الْإِنسَانَ مِنْ عَلَقٍ Khalaqa al-insana min AAalaqin qui a créé l'homme d'une adhérence !
96.3.اقْرَأْ وَرَبُّكَ الْأَكْرَمُ Iqra/ warabbuka al-akramu Lis, car la bonté de ton Seigneur est infinie !
96.4.الَّذِي عَلَّمَ بِالْقَلَمِ Allathee AAallama bialqalami C'est Lui qui a fait de la plume un moyen du savoir
96.5.عَلَّمَ الْإِنسَانَ مَا لَمْ يَعْلَمْ AAallama al-insana ma lam yaAAlam et qui a enseigné à l'homme ce qu'il ignorait.
« Le commandement Divin de proclamer l'islam commence par un ordre sublime : Iqra'. Généralement traduit par « lis », ce mot signifie aussi « répète à haute voix » ou « récite ». Il s'adresse à l'humanité, le Prophète représentant l'humanité dans son rapport à Dieu. Iqra' est donc une injonction universelle, une offre invitant chaque individu à s'éloigner de l'imperfection et à s'approcher de la vertu et du bonheur dans les deux mondes.
Iqra' est l'ordre de lire les signes que le Créateur a placés dans la création de sorte que nous puissions comprendre quelque chose de Sa Miséricorde, de Sa Sagesse et de Sa Puissance. C'est l'ordre d'apprendre, par l'expérience et la compréhension, le sens de Sa création. C'est aussi la certitude que la création peut être lue et qu'elle est intelligible. Plus nous apprenons à mieux la lire, plus nous saisissons mieux que le monde créé est un seul univers dont la beauté et l'harmonie reflètent la Suprême Tablette Gardée (85 : 22) sur laquelle, par le Décret Divin, toutes choses sont inscrites. » Début de l'article de Fethullah GülenPourquoi le premier verset coranique révélé commence-t-il par l’injonction Iqra' (Lis ! )?.
[ii]« Rappelons que le jeûne du Ramadan est le quatrième pilier de l’islam qui compte au total cinq pratiques obligatoires. Il vise à « atteindre la piété », est-il écrit dans le Coran, en réorientant son regard vers le divin par le jeûne. Ce jeûne rituel fut décrété deux ans après l'Hégire, c'est-à-dire deux ans après la fuite du prophète Muhammad de la Mecque vers Médine, qui marque le début du calendrier musulman. La 27e nuit du Ramadan est la plus importante. Elle commémore la Nuit du Destin, au cours de laquelle, selon la tradition musulmane, l’ange Gabriel transmet le Coran à Muhammad. Tous les musulmans qui ont dépassé l’âge de la puberté sont invités à jeûner du lever du soleil – dès que l’on peut « distinguer un fil blanc d’un fil noir », dit le Coran – à son coucher. Ils doivent s’abstenir de boire, de manger, de fumer et de relations sexuelles. Les repas qui marquent la rupture du jeûne, après le crépuscule et avant l’aube, se prennent ensemble, de façon festive en temps normal. Nous présentons à nos amis musulmans nos vœux les meilleurs pour que ce mois de Ramadan soit pour eux un mois de retour au Tout-Puissant et Miséricordieux, de vie en Sa présence, d'attention aux plus démunis et de partage malgré l'impossibilité des rencontres et prières publiques. » Paula Kasparian, lettre du 23 avril 2020 auxArtisans de Paix.