Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Du micro en chaire ou comment s'incarner père aujourd'hui : Fabrice Hadjadj


fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceJ’avais le choix entre parler avec un micro ou parler en chaire. J’ai préféré parler en chaire. J’espère que vous allez m’entendre jusqu'au bout… Ça va ? Voyez-vous, c’était fait pour ça. La chaire que nous n’employons plus était justement une manière de surélever celui qui parlait, parce que comme le son tend à retomber, tout le monde l’entendait. En revanche, si vous faites un sermon depuis l’autel, finalement les gens vous entendent moins. J’ai fait deux conférences aujourd’hui avec un micro, dans une église, vous êtes les quatrièmes, et là je me suis dit que ce serait bien de le faire sans micro. On ne réfléchit jamais à ce que fait le micro. Le micro se propose comme un instrument, technique, qui vient simplement nous aider, de telle sorte que la voix est amplifiée. Donc ça, comme un petit plus. Mais en réalité l’introduction de cette technique, de cette technologie, qui apparaissait juste comme un instrument, vous voyez, a transformé les usages liturgiques. Avant, on proclamait l’Evangile. On était obligé de projeter sa voix. Quand vous lisez l’Évangile en projetant votre voix, forcément, vous ne pouvez pas entrer dans de la petite psychologie, de l’intimisme, parler de ‘Jésus’. Ce côté qui est lié à une sorte d’“efféminement”, un peu, on pourrait dire, de la pratique liturgique. Autrefois, vous étiez là-bas, vous étiez obligé de projeter votre voix, et c’était justement une messe solennelle, avec une vraie proclamation. Mais ce qui s’est passé, c’est que quand on a introduit le micro, on a changé le style de la célébration qui devenait intimiste, gentillet, entre nous, sentimental. Et puis, surtout, il n’y avait plus de messe solennelle : on n’a fait qu’amplifier des messes basses. Tout devenait dans le style, de l’ordre de la messe basse. Alors, vous savez qu’il y a des querelles liturgiques sur la forme ordinaire, extraordinaire, les rubriques à suivre ou pas. Mais il y a très peu de réflexion sur l’introduction de certaine technologie qui ont transformé nos usages liturgiques. La lumière électrique : est-ce qu’une église est faite pour être éclairée avec un éclairage électrique ? Autrefois, il y avait des bougies. Les flammes faisaient danser les couleurs des statues. Le micro fait que l’espace d’une église qui était comme une caisse de résonnance est devenu un problème. Parce que dès que vous commencez à mettre un micro, vous devez sonoriser ; mais quand vous sonorisez, vous êtes obligé de compenser les problèmes de réverbérations de l’église ; vous devez donc acheter des enceintes très spécifiques, allongées, pour que le son passe mieux… Et même, on va dire : « On va condamner la chaire. » Vous voyez, cette chaire, normalement on ne l’utilise plus depuis quelques décennies. De telle sorte que l’église devient un problème : il vaudrait mieux une salle de concert, ou une salle de cours. Parce qu’elle résonne trop, tout d’un coup. Pourquoi est-ce que je commence par cela ? D’abord parce que je dois tout le temps parler sur le même thème mais je ne supporte pas de dire la même chose, donc j’ai pris un autre point de départ. J’ai changé les conditions de la conférence pour vous parler autrement que je ne l’ai fait dans les autres conférences. J’ai prévu pour la dernière conférence que je dois faire à 21h30 de boire plusieurs bières, comme ça je serai dans un état différent.

fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceMais ce que je veux vous dire c'est que nous touchons à un problème très contemporain, qui est le fait que la technologie se présente comme une aide, comme un petit plus, alors qu’en fait elle transforme notre condition. Vous voyez, comme j’ai dit : l’introduction du micro transforme l’espace liturgique, transforme le style de célébration. On va vous dire qu’il y a de petites choses qu’on va vous apporter qui vont vous aider par la technologie, mais qui en fait vont transformer vos modes de vie. Quand on a inventé la voiture, on a dit, la voiture est un moyen qui vous permet d’aller plus rapidement d’un point à un autre. C’est magnifique. C’est hyper efficace. Et en réalité, ce qui s’est passé, c’est qu’on a transformé les villes, on a transformé les paysages, pour les adapter à la circulation des voitures. Et qu’on a transformé nos modes de vie, puisqu’on s’est mis à travailler plus loin, de telle sorte qu’on passe toujours autant de temps dans les transports, voire même plus aujourd’hui, qu’autrefois.


fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceAlors le sujet qu’on m’a proposé de traiter, c’est : devenir homme, devenir père. Vous allez me dire : Quel est le rapport ? Mais justement, devenir homme, devenir père, à l’âge de la technologie, c’est là qu’est le problème. Les conditions de notre vie ont été modifiées par notre environnement technologique. Je vois plusieurs Iphones branchés. Vous n’êtes pas forcément en train de jouer à PokemonGo dans cette église… Ne serait-ce que ça, vous voyez j’ai quand même un micro devant moi, qui ne me sert pas mais qui sert à un enregistrement, d’autres personnes sont en train d’enregistrer… C’est vachement bien, en fait, la chaire, parce que vous êtes surveillé, quoi ! C’est beaucoup mieux, maintenant je comprends ! C’était très intelligent. Ce n’est pas que des questions acoustiques, c’était une question optique aussi. On pouvait voir tout le monde, et de haut. Déjà, par exemple, cet enregistreur fait que je ne m’adresse pas, ou plus, qu’à vous. Si je n’étais seulement qu’avec vous, je n’adresserais des choses qu’à vous et maintenant que je sais que c’est enregistré, il y a des choses que je ne pourrai pas dire. Et de fait, car il y a des choses qui ne peuvent pas sortir de cette enceinte. Si par exemple je critique l’islam, en disant, comme le disait Michel Houellebecq, que « c’est la religion la plus con », je m’expose à une fatwa si c’est communiqué, vous voyez, quelqu’un qui enlève l’enregistreur. Si je commence à dire quelque chose pour vous à cet instant… Parce que je m’adresse à vous comme routiers. Si c’est enregistré, c’est d’autres qui vont entendre et ça ne va pas forcément les concerner, ils ne sont pas forcément de la route. Donc, vous comprenez, déjà, cet instrument modifie mon comportement. Et aujourd’hui, les conditions de l’existence technologiques modifient nos comportements. Et modifient, en fait, le rapport à la vie humaine et à la famille. Vous savez que le pape François a écrit une encyclique, LaudatoSi, sur l’écologie intégrale, mais surtout, une encyclique qui parle de quelque chose de très particulier. Il dit que notre monde est infecté par ce qu’il appelle un paradigme technologique, ou un paradigme techno-économique. Ce paradigme n’est pas simplement le fait qu’il y a des objets technologiques mais que désormais nous vivons sous l’influence de ces objets. Alors même que nous n’utiliserions pas ces objets, le mode de fonctionnement de ces objets devient notre manière d’être. Quand, autrefois, on était dans une époque de culture, c’est-à-dire où le rapport de base au monde était l’agriculture, nos représentations étaient profondément liées à l’agriculture. De telle sorte qu’on savait que pour que quelque chose soit efficace il fallait respecter un végétal, son mode de croissance ; il fallait respecter les saisons ; on savait qu’il y avait une incertitude, ça prenait du temps ; on ne pouvait pas faire pousser de l’herbe en tirant dessus. Maintenant, nous sommes dans une société où le modèle est celui de l’informatique et où notre rapport au monde est lié à ce que j’appelle une ‘push-button-attitude’. Nous appuyons sur des boutons, nous avons un effet immédiat. De telle sorte que notre rapport au monde va changer. Si vous êtes dans un monde agricole et que je vous parle d’obéissance, comment est-ce que vous allez penser l’obéissance ? L’obéissance dans cet imaginaire agricole est quelque chose qui prend du temps. C’est la pousse d’un végétal. Alors que si vous êtes dans le modèle techno-économique, l’obéissance ça doit être immédiat. Et vous allez penser à l’obéissance sous cette forme-là. Obéir c’est : j’appuie sur un bouton, j’ai un résultat. Regardez quand le Christ parle de l’obéissance dans la parabole du semeur, ce qui pousse trop vite n’est pas bon. La vitesse n’est pas un gage de fidélité, de persévérance. Et donc, de véritable obéissance. En revanche, ce qui va pousser lentement, disons à la bonne vitesse, plus lentement qu’un escargot, là il y aurait la véritable obéissance.

fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceLes rythmes de nos vies ont changé, notre rapport au monde a changé : nous voulons une efficacité immédiate. Nous avons perdu le sens du temps long. Et, avec cette modification qui vient de la technologie, ce qui est changé, c’est notre humanité-même, qui de plus en plus veut passer par ce rapport immédiat au monde. Avec le désir où j’ai des résultats immédiats, mais ça veut dire aussi : je trouve rapidement le bien-être, je vais trouver… je ne sais pas moi, des implants cérébraux qui vont me permettre de vivre dans une sorte d’orgasme permanent. Imaginez… C’est un projet déjà en place, hein ! Il y a donc quelque chose qui s’est modifié de notre humanité. Et notre technologie va en plus modifier notre rapport au don de la vie. Parce que pourquoi dans ces conditions-là même continuer à être père ? D’une part, on va se représenter notre vie, dans cette impatience-là, comme une vie qui n’a pas forcément à enfanter, parce qu’enfanter c’est entrer dans le temps de la maturation, dans un temps long. Mais en plus, si on met au monde des enfants, mieux vaut les mettre au monde par le biais de la technologie.

fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceDes technologies se sont présentées comme thérapeutiques. On présente des avancées comme des choses thérapeutiques mais qui en fait ont changé radicalement notre rapport à l’enfantement. Ça a été le grand drame de quelqu’un que vous connaissez peut-être, le professeur Lejeune dont la cause est en béatification. Le professeur Lejeune a inventé le diagnostic prénatal. C’est une chose incroyable, le diagnostic prénatal. C’est savoir le code génétique d’un enfant avant même de le voir. Avant même qu’il soit né. Imaginez qu’on ait inventé ça avant la Nativité, ce qu’on aurait célébré, c’est le diagnostic prénatal du Christ, parce que c’était son entrée dans une sorte de visibilité humaine, génétique, on aurait eu un code. S’il y avait eu l’échographie, on aurait célébré la première échographie du Christ. La fête de la Nativité c’est l’entrée de Jésus dans la visibilité. Mais à partir du moment où vous avez cette technologie-là, vous avez un truc qui fait qu’on anticipe sur la naissance. La naissance n’est plus l’événement qu’on croyait. Le professeur Lejeune a inventé ce diagnostic, bien sûr, pour pouvoir soigner les personnes trisomiques. Pour qu’on puisse notamment… C’est lui qui avait découvert que ce qu’on appelait le mongolisme autrefois, relevait d’un chromosome, le chromosome 21. Et c’est lui qui a découvert que ça n’était pas une régression de la race blanche vers la race jaune, comme certains le pensaient, notamment Down ; ça n’était pas non plus dû à des mauvais comportements des parents. C’était quelque chose qui pouvait advenir, génétiquement, aléatoirement. Et il invente donc ce test.

fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceAujourd’hui, ce test est employé pour éliminer les populations trisomiques. C’est-à-dire qu’il a inventé quelque chose en disant : « On va bien s’en servir. C’est une technologie, il suffit d’en faire bon usage. » Mais en réalité la technologie va induire un type de comportement où on pratique, en France vous le savez bien, déjà, ce qu’on appelle un eugénisme. Non pas positif, mais négatif, c’est-à-dire où on élimine tout ce qui ne nous paraît pas être conforme à une bonne vie humaine. Mais il va falloir aller plus loin. Á partir du moment où vous avez la possibilité par exemple de modifier génétiquement votre enfant pour être sûr qu’il n’aura pas tel ou tel cancer, ou qu’il l’aura très tard. Modifier génétiquement votre enfant pour être sûr qu’il aura les capacités cognitives très développées, de telle sorte qu’il pourra entrer à l’Ecole Normale Supérieure, à Polytechnique ou à HEC. Á partir du moment où vous êtes sûr même qu’on pourra lui assurer une longévité plus grande. Voire même lui assurer l’immortalité. Qu’est-ce que vous allez faire ? Vous allez dire que vous voulez le bien de votre enfant, vous allez dire : « Fabriquez-le. Je ne veux pas être père, je veux me tourner vers des ingénieurs, des experts qui eux vont fabriquer une vie meilleure. »

fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceNous sommes dans cette situation-là. Une situation où l’homme disparaît au profit d’une sorte de cyborg performant et où le père doit laisser la place à l’expert. C’est la situation généralisée de notre société. De telle sorte que se posent pour nous des questions absolument neuves. Á partir du moment où on peut modifier l’être humain, la question se pose de savoir pourquoi rester humain. Non seulement devenir humain, mais à la limite pourquoi le rester ? Et puis, une autre question fondamentale : pourquoi donner la vie ? Non seulement pourquoi la donner, pourquoi continuer avec l’humanité dont on sait qu’elle est finie, limitée, etc., mais même aussi pourquoi la donner par cette voie qui est celle ancestrale de la transmission de père en fils par la voie sexuelle ? Est-ce qu’il ne faudrait pas déléguer cela à des gens qui feront des enfants absolument compétents, adaptés, résistants aux conditions nouvelles du monde techno-industriel ? Vous savez que dès lors si vous dites : « Non il faut continuer à être humains, et donc renoncer à certains phénomènes technologiques ; il faut continuer à avoir des enfants sur le mode sexuel, c’est-à-dire aléatoire, avec des risques ; il faut continuer à être des pères et des mères plutôt que des experts en pédagogie… » … On va dire que vous êtes cruels. On va dire que vous êtes réactionnaires. Et c’est ce qui se passe aujourd’hui.

fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceLe grand paradoxe de notre époque est que les chrétiens qui sont normalement les témoins de la charité, de la compassion, apparaissent comme des personnes cruelles. Elles sont contre l’euthanasie. C’est la compassion, l’euthanasie ! Elles sont contre le fait qu’on puisse, par exemple, modifier le génome pour faire des êtres immortels. Imaginez, vous avez un gamin, il est né, vous l’avez eu comme ça. Il a ses copains à l’école qui ont été modifiés génétiquement, et puis vous allez lui dire : « Nous on est chrétiens, mon chéri tu dois crever ! ». C’est normal. On en est là. Alors, qu’est-ce qui nous pousse, nous, à vouloir rester humains et à vouloir continuer d’essayer de le devenir ? D’abord, vous faites cette expérience dans le scoutisme de ce qu’est une vie simplement humaine. D’abord, et surtout les routiers, vous marchez. C’est un truc incroyable de marcher aujourd’hui ! Vous marchez. Je ne parle pas des machines qui marchent, parce qu’elles marchent aussi. Nous, nous ne marchons plus. Je ne parle pas non plus de faire dix milles pas par jour selon les recommandations de l’OMS. Ça c’est encore la logique du calcul, ce n’est pas la marche. Vous, vous vivez la marche comme une expérience humaine de proximité, de parole, de rencontre. Mais ça n’existe quasiment plus ! Aujourd’hui, il faut croire en Dieu pour marcher ! Regardez, si ce n’est pas pour le fitness. On est dans une société où les gens ne marchent quasiment plus. Ils prennent la voiture, ils ont des trucs… Pour mener une vie simplement humaine, il va falloir croire en Dieu, pour continuer à avoir des enfants selon la loi naturelle, avec un père et une mère. Et même, il va falloir croire en Dieu, pour dire moi je ne veux pas être de l’humanité 2.0 augmentée par la technologie. Et même pas n’importe quel Dieu : il faudra croire au Dieu qui s’est fait homme. Et qui nous garantit qu’être humain, que c’est en étant humain que l’on devient vraiment divin. Non pas en sortant de l’humanité.

fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceLe Christ a mené une vie d’homme. Il a mené une vie de charpentier. Trente ans à Nazareth, de charpente, et après, trois années de marche et de prédication. Quand vous marchez, vous renouez aussi avec la vie apostolique. Les apôtres qui marchaient, qui faisaient des kilomètres et qui parlaient aux gens qu’ils rencontraient. Qui leur parlaient du Royaume. Tout proche. « Le Royaume est proche de vous. » Le Royaume en fait se joue dans cette proximité humaine. Voilà ce qu’était la vie du Christ. Or, on sait que c’est la vie de l’homme parfait. 0n sait qu’on ne peut pas aller plus loin que cette vie-là. On sait même que mourir à trente-trois ans, ça peut être la chose la plus extraordinaire, la plus merveilleuse qui se fait dans l’Histoire. C’est quand même difficile à accepter, hein ! Mais on le sait. La grâce divine nous fait accepter notre condition humaine sur elle : mortelle. La grâce divine nous fait plus entrer dans cette condition-là et nous rappelle que le travail manuel, le travail du charpentier, peut être un travail divin. Parce que c’est ce rapport avec la nature, avec le monde tel qu’il est donné par Dieu. Ce rapport de culture et pas ce simple rapport d’ingénierie.

fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceVous comprenez maintenant ce qui se joue aujourd’hui. Mon but n’est pas de condamner toute forme de technique, puisqu’au contraire je fais l’éloge de la technique comme savoir-faire, de la technique qui était encore une culture, qui accompagnait la nature, qui était encore humaine. Je critique certains types de technologie qui, d’une certaine façon, vont contre la technique. Parce que ce qui est en train de se passer, c’est que le progrès technologique est une régression de la technique. Le projet technologique entraîne une disparition des savoir-faire humains. Humain, ça veut dire avec les mains. Ça veut dire l’artisanat, ça veut dire les arts, ça veut dire… toutes ces choses-là. La réalité de notre existence aujourd’hui, qui nous fait rêver d’être des cyborgs. Nous rêvons d’être des cyborgs parce que nous avons créé une société qui nous empêche de déployer nos vraies potentialités humaines. En fait, c’est quand vous n’avez pas commencé à être humain que vous rêvé d’être un surhomme. Mais quand vous voyez ce que c’est qu’être humain et tout ce qu’on peut déployer en étant humain, à ce moment-là vous n’avez pas du tout envie de devenir un cyborg. Si vous savez jouer d’un instrument de musique, si vous savez vous servir d’une feuille et d’un stylo, pourquoi auriez-vous besoin de la dernière version de GTA ? Dante a écrit La Divine Comédie avec du papier et un stylo, hein ! Léonard de Vinci ou Mozart de quoi ont-ils eu besoin ? Ils ont déployé des choses dont on peut dire qu’elles sont divines, dans leur beauté. Mais ils n’ont pas besoin d’avoir une super technologie. Simplement c’était leurs mains, et leurs mains animées par leur esprit et par leur cœur avec une contemplation du réel. Qui était une contemplation amoureuse, attentive, que nous avons perdue.

Donc, en réalité, le progrès technologique aboutit à une régression technique, et c’est parce qu’on a perdu les savoir-faire d’autrefois, parce que, finalement, nous ne pouvons plus être Charles Ingalls que nous rêvons d’être Robocop. Mais Charles Ingalls, c’est la vie humaine, simple. La famille, la paternité. On coupe du bois, on retape la maison. On va chez la vieille grand-mère qui est toute seule à côté. On fait des fêtes de village, on joue du violon. On connaît des danses folkloriques, on sait chanter ensemble autour d’une table. On sait faire la cuisine. Une vie de hobbit, quoi. Bien sûr, vous savez bien que c’est le thème fondamental du Seigneur des anneaux ! Cette critique de la logique d’une puissance toujours plus grande et un combat, finalement, pour pouvoir mener la vie simple de la comté. Avec cette idée qu’une graine qui pousse c’est même plus grand que toute la magie. Une phrase qu’on trouve chez Tolkien. Le fait de manger des aliments qu’on a cultivé soi-même, à partir du don de la semence et de la pousse des plantes, c’est quelque chose finalement de plus extraordinaire que d’avoir des super pouvoirs. Et pourquoi ? Parce que ça vous met en communication avec le cosmos. Parce que ça vous fait célébrer le Dieu créateur. Parce que ça vous fait chanter les bontés qui viennent d’au-delà de vous. Alors que quand vous êtes tout-puissant, que vous êtes l’œil de Sauron, qui regarde tout, qui contrôle tout, qui surveille tout, en fait, vous avez perdu la possibilité de l’action de grâce.

fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceDonc, régression liée au développement technologique, régression technique et même régression morale. Parce que, je ne sais pas si vous avez remarqué, plus se développe la technologie, plus les objets se raffinent, plus nous devenons primaires. Je ne sais pas si vous avez remarqué ce truc-là ? Et… en fait je découvre qu’il y a une sorte de chaise, en plus ils s’asseyaient, ils faisaient semblant d’être debout. Mes chers frères… Vous voyez, c’est ça, c’est toute cette science-là qu’on a perdue… ! Je ne sais pas si vous avez remarqué… les appareils technologiques qui nous poussent à vivre dans un monde où on appuie sur un bouton et où on a des effets extraordinaires cultivent en nous l’impatience. Cette mécanique de la ‘push-button-attitude’ où on veut des résultats immédiats fait qu’on est devenus de plus en plus impatients. Regardez ! : Dès que votre ordinateur rame un peu… Vous avez des types, pourtant qui avaient l’air à peu près intelligents, ils se mettent à parler à leur machine et à l’insulter. Et même ces gens qui disent « eh, moi, je ne prie pas Dieu et tout ça… » sont devant l’ordinateur et disent : « Allez, s’te plaît, marche, s’te plaît… » Ils font des prières. Á leur écran. Parce qu’ils n’en peuvent plus. Parce qu’en réalité, cette technologie qui ne nous donne pas la patience du travail des mains, la patience d’un apprentissage, d’un savoir-faire, la patience de la culture, de l’agriculture, de l’élevage… parce qu’on n’a plus cette patience-là, nous entrons dans un domaine qui est de plus en plus pulsionnel. Et d’ailleurs, pulsionnel, c’est la pulsion, c’est appuyer sur des boutons. Ça veut dire ça. Donc, nous avons largement régressé, nous avons grandi en impatience.

fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceVous avez un auteur très intéressant, un auteur anglais qui s’appelle G.J. Ballard, auteur notamment d’un roman assez célèbre qui s’intitule Crash. David Cronenberg a fait un film à partir de ce roman, un film assez trash, d’ailleurs… Il a fait aussi d’autres romans comme Immeuble de grande hauteur, etc. Je crois qu’il y a un film avec Jeremy Irons qui est sorti là-dessus… où il montre que c’est une sorte d’immeuble immense où il y a mille appartements, où tout est organisé, il y a des jacuzzis, des piscines à certains étages, des supermarchés à l’intérieur. Mais voilà que des ascenseurs se détraquent. Et à partir de ce détraquage de l’ascenseur les gens sont dans une sorte d’impatience, d’hystérie, et on voit que petit à petit, à cause du détraquement des machines, comme les gens n’ont pas appris à se maîtriser devant le réel, mais à croire qu’ils dominaient le réel parce qu’ils étaient face à du virtuel, en fait, dans cette domination qu’ils avaient dans le monde virtuel, quand ils sont confrontés à du réel, à une panne.. ils perdent les pédales. Et alors tous les gens bourgeois qui vivaient dans cet immeuble, des ingénieurs, des cinéastes… commencent à devenir fous, et la vie de l’immeuble se change en une vie de plus en plus primitive. Ils vont faire des razzias sur les étages inférieurs, des clans vont se créer entre ceux qui sont en haut, ceux qui sont en bas… Parce que justement la technologie a développé leur côté pulsionnel.

fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceL’enjeu à être humain c’est donc de retrouver cette vie simple. Qui est aussi la vraie vie spirituelle. Regardez la vie monastique : c’est une vie déconnectée. C’est une vie souvent liée à la terre, liée au travail manuel : ora et labora dit la devise bénédictine. On se rend donc compte que si Jésus était charpentier ce n’était pas un hasard. C’est qu’il y a un lien entre cette vie simple, entre le travail de nos mains et l’élévation de notre esprit. C’est souvent cela qu’on a perdu. Et vous, en réapprenant le travail des mains, par des installations, au scoutisme, peut-être qu’un jour, aussi, le scoutisme s’intéressera au travail de la terre… en marchant, en vivant cette vie de proximité, vous êtes des défenseurs de l’humanité. Et vous êtes les êtres les plus spirituels à une époque où tout se dissipe dans le virtuel. Ce que vous faites là est d’une importance majeure pour devenir humain.

fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceMaintenant, qu’en est-il de la paternité ? Il faut bien que j’en dise quelques mots. Qu’est-ce que ça veut dire être père ? Pourquoi est-ce que c’est l’autre dimension du déploiement de l’humanité ? Je voudrais juste d’abord vous faire une remarque : vous ne pouvez pas être pères si vous êtes seulement entre routiers. Il faut qu’intervienne cet être complètement inattendu dans ce lieu, même si on en trouve quelques spécimens intrus, ici-même, il faut qu’il y ait la rencontre avec la femme. La rencontre avec une femme va vous faire sortir de la logique de la planification technologique. L’homme croise une femme, il avait des tas de projets, tout d’un coup, non, c’est fini. Il est dépassé. Et ce n’est pas parce qu’il a des affinités simplement avec elle. Ce n’est pas comme un bon copain, une femme. Bon copain : on partage les mêmes sujets de discussion, on a les mêmes préoccupations. Non. Une femme, on l’aime d’abord parce que c’est une femme. On ne l’aime pas parce qu’elle nous ressemble, mais parce qu’elle est autre. C’est très mystérieux. Déjà, ce n’est pas être dans la logique de la réalisation de soi à travers un projet où je maîtrise tout. Et la relation érotique, la relation homme-femme est déjà une relation qui échappe au règne de la technologie. Si vous regardez dans 1984, ce grand roman contre des utopies technologiques, c’est précisément la rencontre d’une femme qui va faire que Wilson, le héros, va s’extraire tout d’un coup du monde totalitaire dans lequel il est.


fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceParce que la rencontre d’une femme, c’est une relation primitive. Ça existe depuis l’origine des temps, c’est l’aventure de base. Vous marchez ensemble, entre hommes, et je vous ai dit, c’est déjà défendre l’humanité. Mais il y a cet autre aspect de l’humanité qui est la rencontre avec l’autre sexe et qui est vraiment un événement absolu. Je vous rappelle que... Je ne sais pas si vous connaissez cette histoire que racontait Alfred Hitchcock, le grand réalisateur. C’est l’histoire d’un scénariste qui, pendant la nuit, a l’idée d’un scénario absolument incroyable, auquel personne n’avait vraiment pensé. Il se dit, c’est génial, avec ça, à Hollywood, je vais avoir un succès fou, les gens vont dire c’est ce qu’on attendait… Et il se recouche et quand il se lève le lendemain matin, il a complètement oublié. Alors, il se dit, bon, si ça me revient, il faut vraiment que je m’en souvienne. Alors au milieu de la nuit il se souvient encore de ce super scénario, il dit là, maintenant, je vais m’en souvenir. Il se recouche, le lendemain matin il a encore oublié. Alors il dit, bon, là, il faut absolument que je prenne un cahier et je vais noter mon idée si elle me revient pendant la nuit ! Et dans la nuit, l’idée lui revient, il la note dans le cahier : l’argument, le scénario absolument génial et puis… il laisse le cahier. Il dit : « demain matin je pourrai relire ça à tête reposée. » Il se lève le lendemain matin, avec grande joie il ouvre son cahier, et qu’est-ce qu’il voit comme scénario extraordinaire ? Un homme tombe amoureux d’une femme. C’est tout.

fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceAlors vous comprenez pourquoi il croyait l’avoir oublié quand il était réveillé ! Mais, parce qu’effectivement, c’est la base, c’est l’exclamation d’Adam au départ. Les animaux, il arrive à les nommer, il est encore debout, il n’a pas encore perdu toute contenance, mais quand la femme est devant lui, il dit : « Ah ! ». Il est dans une exclamation, il entre dans un cantique, il est dépassé. Et déjà, vous voyez, accepter cette aventure où l’on est dépassé. Mais être dépassé, ça veut dire aussi entrer dans cette aventure. C’est donc ne pas réduire la femme à un objet de jouissance. Sinon, vous n’entrez pas dans cette aventure. Vous en faites un lieu de soulagement, de délassement physiologique, mais ce n’est pas la véritable aventure de la rencontre avec une femme. Et cela vous entraîne, en plus, dans un autre truc : la paternité. Alors, le truc complètement fou, parce que quand vous réfléchissez bien... Moi, quand je vais vers ma femme, je pense à ma femme… J’aime ma femme et puis tout d’un coup elle m’apprend qu’on va avoir un enfant. Quel rapport ? Non mais, franchement, quel rapport ? Parce que dans l’étreinte, je ne pense pas aux enfants, sinon je serais un pervers. Je pense pas aux enfants, je pense pas à ça, enfin, c’est pas à ça qu’on pense ! On est dans quelque chose qui est l’amour. L’homme se tourne vers sa femme, ce n’est pas avec le projet d’avoir des enfants. Simplement s’il laisse faire l’amour tel qu’il est tout d’un coup apparaît cette surabondance à laquelle il n’est donc pas préparé.

fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceVous avez un enfant, vous n’avez pas pris des cours pour en avoir. Vous vous rendez compte. On vous fait passer des permis pour conduire une voiture, on ne vous fait pas passer des permis pour être père. Alors que c’est beaucoup plus dangereux. Pour la vie des autres. Pour la vie de l’enfant. Alors certains pourraient dire : « Vous devriez passer des permis. » Et c’est ça que veulent vous dire les experts. Les experts vont vous dire : « Il faut passer des permis parce que c’est seulement si vous avez passé des permis que tout va bien se passer. Il y aura un code de l’enfantement, comme il y a un code de la route. » Mais pourquoi ce n’est pas cela, la paternité ? Parce que la paternité c’est précisément l’aventure des aventures.

fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceVous savez que c’est une phrase de Charles Péguy qui dit que le père de famille est l’aventurier des temps modernes. Ce n’est pas une phrase comme ça, sentimentale, pour faire l’éloge du père de famille dans un monde qui méprise les pères et qui vénèrent les experts. C’est parce que c’est vrai ! Regardez toutes les grandes aventures que vous connaissez sont souvent des histoires de rapport au père, et où le héros lui-même va devoir avoir un enfant. Je parle d’aventures récentes qui ont dépassé la figure du héros comme ‘lone some cow-boy’, vous voyez. Qui n’a pas de parents, pas d’enfants. Regardez Harry Potter. C’est vraiment la question de la paternité qui est en jeu. Et le dernier opus, d’ailleurs, le montre spécialement. Est-ce que vous vous rendez compte que dans le dernier opus, que le grand combat de Harry Potter, le grand défi de Harry Potter, la grande aventure pour lui, ce n’est pas de réussir ses examens à Poudlard, ce n’est pas de gagner la coupe de feu, ce n’est pas d’avoir vaincu Valdemort : c’est d’avoir à élever ses fils et filles. Et notamment, il a des difficultés avec son fils Albus. C’est la première fois qu’on parle de Harry Potter dans cette église, et surtout qu’on parle de Harry Potter en chaire… Ce que je veux vous dire ici, c’est que c’est une question… J’aurais pu parler de Star Wars aussi. Ce sont des histoires de paternité qui sont en jeu, tout le temps. La grande aventure de Dark Vador c’est la question de sa paternité. Et dans la suite, c’est encore des histoires de paternités qui vont être en jeu.

fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceDonc, pourquoi est-ce la grande aventure ? Pourquoi êtes-vous un véritable aventurier quand vous devenez père ? Eh bien, parce que, d’une part, vous entrez dans quelque chose qui dépasse vos compétences. Il n’y a pas d’experts en éducation. Ce n’est pas possible. C’est une contradiction dans les termes. Ou alors c’est réduire l’éducation à une technique. Pourquoi ne peut-il pas y avoir d’experts dans ce domaine-là ? Parce que l’enjeu c’est de transmettre la vie. Et de dire qu’il est bon d’être vivant. Ce n’est pas de devenir compétent dans tel ou tel domaine, ce n’est pas simplement d’aider votre fils à être bon en math, ou à réussir les concours des grandes écoles. On s’en fou de ça. Le plus important, qui dépasse les compétences techniques et qui ne relève pas d’une compétence mais que le père peut faire c’est, voilà : « J’ai consenti à la vie, je t’ai accueilli, j’ai accueilli la vie, et à ce moment-là, dans ma responsabilité, je suis le témoin que la vie est bonne. Alors même que je n’y comprends rien. Alors même que je suis nul. Alors même que je commets des tas d’erreurs. » Et l’essentiel, ce n’est pas le fait de développer les compétences de l’enfant, mais de passer du temps avec lui, de montrer qu’il est bon qu’il soit là. Et dès lors, on reconnaît quelque chose qui dépasse nos programmes, qui dépasse nos plans, qui est l’aventure même d’une vie qui nous échappe. Qui est un évènement permanent qui se renouvelle de génération en génération.

fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceC’est aussi s’ouvrir à la vie au sens où l’on reconnaît qu’on n’est pas le père. Un père est toujours un fils. C’est même parfois pendant très longtemps, un gamin. Vous avez fait l’expérience… Bon, moi, je suis père de sept enfants, j’ai quarante-cinq ans, et au fond de moi je vois tout ce qui reste de l’adolescent que j’ai été. Je n’en suis pas complètement débarrassé. Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que nous sommes des pères, mais aucun d’entre nous n’est le Père. Et c’est ça ce qui se passe. C’est que dans notre incompétence, dans nos défaillances, à travers ces défaillances quelque chose va se jouer. On aura donné une torgnole trop forte à notre enfant, on aura crié abusivement, on aura commis des tas d’erreurs. Mais on ira vers notre enfant en lui disant : « Ce n’est pas moi le maître de la vie. Moi-même je suis un fils, moi-même je suis un pécheur, je te demande pardon. Et à travers mes défaillances je peux me tourner avec toi vers le Père des Miséricordes. » Et qu’est-ce que vous pouvez donner de plus grand à un enfant ?


fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceVous connaissez ce passage du recouvrement au temple. Jésus dit : « Je dois être aux œuvres de mon Père. » Mais en, fait, tout père a pour tâche première de donner l’amour de la vie à son enfant, avant telle ou telle compétence. Parce que lui, il a accueilli la vie et donc il l’engage à le faire aussi. Mais aussi, il doit le tourner vers celui qui est le Père. De telle sorte que son fils, désormais, ce n’est pas sa chose. Ce n’est pas un être qui s’inscrit simplement dans un planning familial. Dans un désir ou dans un droit à avoir un enfant pour compenser les frustrations qu’on a eu nous-mêmes, par exemple, en projetant sur lui une réussite qu’on n’a pas eue. Ce n’est pas ça. C’est reconnaître qu’avec cet enfant s’ouvre un à venir. Le mot avenir c’est le mot qui constitue aventure : ce qui advient. Que tout d’un coup l’avenir se ré-ouvre à travers cet enfantement. Et on va être pris dans une aventure qu’on n’avait pas prévue, avec des enfants qui vont nous entraîner dans des tas d’histoires dramatiques qu’on n’avait pas envisagées. Mais c’est ça l’aventure de la vie. L’aventure première.

Et c’est pour cette aventure-là que l’on devient aussi un combattant, qu’on devient un vrai guerrier. Parce qu’un vrai guerrier ce n’est pas simplement d’avoir des muscles, hein ! C’est d’avoir une femme et des enfants à défendre. C’est à partir de cette aventure-là que se pose la question de l’avenir, aussi, d’une société. Et c’est comme ça aussi qu’on s’engage vraiment en politique. C’est à partir de cette ouverture à une vie qui nous dépasse, à un temps qui ne sera plus le nôtre mais celui de nos enfants que l’on peut aussi être prêt à mourir.

Il y a une chose qui m’a toujours frappée : j’ai toujours eu assez peur de la mort. Je ne m’imaginais pas de m’offrir en sacrifice. Je suis même assez douillet, quand je saigne je tourne un peu de l’œil, etc. Mais à partir du moment où j’ai eu un enfant, moi qui suis si faible, à la limite… tout d’un coup j’étais prêt à mourir pour quelqu’un d’autre. Vous voyez, c’est très étonnant, hein. Tout d’un coup c’est là qu’une force m’était donnée et que tout d’un coup je devenais un homme. Avec sa virilité, avec sa force de combat, avec son désir aussi de vivre des choses simples. Parce qu’on redécouvre là que la chose merveilleuse c’est de se retrouver autour d’une table avec sa famille, ses amis, à pouvoir manger ensemble, ou à pouvoir chanter ensemble. Et c’est ça la vie simplement humaine.


fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceC’est la vie que garantit le Christ. C’est la vie qu’il garantit sur cette terre, déjà, au centuple. N’oubliez pas qu’il y a des promesses pour le temps, pas simplement pour l’éternité. Mais aussi pour l’éternité. Parce que le Christ ressuscité, que fait-il ? Est-ce qu’il fait des trucs de superman, des trucs de super technologie ? Est-ce qu’il fait de grands sons et lumière ? Il se retrouve au milieu de ses disciples. Et il mange avec eux. Et il leur lit les Écritures comme il l’avait fait autrefois. Il parle avec eux. Il mène cette vie simple que le scoutisme essaie de réintroduire dans une vie de plus en plus technologisée et virtualisée.

Alors continuez toujours ainsi ! Ultreïa ! Merci.

fabrice hadjadj,transmission,éducation,politique,christianisme,foi,conscience,vulnérabilité,Écologie humaine,la franceFabrice Hadjadj
29 octobre 2016
Conférence donnée en l'église de Givry (89),
au pied de la Colline éternelle de Vézelay,
devant les Routiers Scouts d'Europe en pèlerinage.
 
                                            

                                                            

 

Peintures
Saint Vincent de Paul prêchant - Noël Hallé (1711-1781), Cathédrale Saint-Louis, Versailles.
Hortus Deliciarum (détail) - Jérome Bosch, XVIIe, Musée du Prado.
L'enfant retrouvé dans le temple - Philippe de Champaigne, 1663, Musée des Beaux-Arts d'Angers.
Les Pèlerins d'Emmaüs - Mathieu Le Nain, XVIIe siècle, Musée du Louvre, Paris.

 

Lien permanent 0 commentaire

Les commentaires sont fermés.