À l'occasion de la Nuit d'Adoration au Sacré-Cœur de Montmartre du 20-21 avril 2018 voici la Conférence du Père Nicolas Buttet intégralement retranscrite (d'après l'audio sur YouTube), fondateur de la Fraternité Eucharistein — du samedi 21 avril 2018 — invité par Gino Testa du Groupe de prière Padre Pio de Paris — à la suite de celle (Le 'chant' du P. Eymard - Sa dernière retraite, son testament spirituel) du Père André Guitton, sss (Congrégation du Saint-Sacrement), biographe de st Pierre-Julien Eymard (communauté des Pères du Saint-Sacrement, Chapelle Corpus Christi - 23 av. de Friedland - Paris 8).
Dans cette conférence, le p. Nicolas Buttet nous donne sa vision du premier Saint Patron (des 4) de la Fraternité Eucharistein, S. Pierre-Julien Eymard. Pour lui c'est "vraiment le grand prophète de l'Eucharistie". Il s'en explique au cours de son exposé.
Le désenveloppement du Mystère
Très heureux de vous retrouver. Merci cher Père Guitton pour cette présentation si touchante de ce prophète de l'Eucharistie. Je pense que Pierre-Julien Eymard est vraiment le grand prophète de l'Eucharistie. Et vous savez que dans l'histoire de l'Église on appelle cela le 'désenveloppement du Mystère'. Tout est donné au départ, dans la personne de Jésus et, on le sait, la révélation s'achève avec la mort du dernier apôtre. Donc tout est dit. Mais là, les choses se désenveloppent, prennent une tournure particulière. Je vous parlais hier du Sacré Cœur. Il est bien là, ouvert sur la Croix, toute la dévotion se trouve là, il y a des textes merveilleux… Mais finalement c'est au XIIème XIIIème siècle avec sainte Gertrude d’Helfta, sainte Metchilde de Hackeborn, sainte Metchilde de Magdebourg, Hildegarde de Bingen, où tout d’un coup le Sacré Cœur prend une première… Il y a une scène très belle où Hildegarde de Bingen voit le Sacré Cœur de Jésus, repose sur le Sacré Cœur de Jésus, et elle voit saint Jean. Et elle dit à saint Jean : « Tu es un petit cachotier ! Je suis sûre que quand tu as posé ta tête sur le Sacré Cœur de Jésus tu as dû sentir l’amour fou qu’il y avait dans son Cœur, et tu ne nous as rien dit ! Tu es un petit cachotier ! » Alors, saint Jean lui dit : « Effectivement, j’ai senti cet amour fou dans le Cœur de Jésus, mais Dieu m’a confié la mission d’annoncer le Verbe fait chair. Quant aux secrets insondables de son Cœur, ils sont réservés aux temps où la charité se refroidira sur la terre. » Et donc, ça va être Marguerite-Marie Alacoque qui va recevoir cette dévotion au Sacré Cœur. Et puis on va voir que cette dévotion va se concentrer, se cristalliser, s’incarner, si j’ose dire, autour du Christ Eucharistique. Puisque c’est le Cœur Eucharistique de Jésus qui va être la grande dévotion de la fin du XIXème siècle mais un peu brève, malgré tout. Et saint Pierre-Julien Eymard en fait partie, avec tous ses amis, avec Émilie Tamisier, avec le Père Antoine Chevrier, avec le Curé d’Ars… Ils étaient tous copains, c’est incroyable, il y avait une collection de saints qui se côtoyaient et qui priaient ensemble qui était absolument extraordinaire, hein ! C’était les potes de Jésus qui s’étaient rassemblés et ils voulaient annoncer. Ça, c’est important, c’est une belle leçon parce que dans des moments de tiédeur et de froideur Dieu veut vraiment rassembler ses amis pour nous donner le feu et nous donner la grâce d’évangéliser. Et puis tout d’un coup, on va voir que quand on va plus profondément dans ce Cœur de Jésus, on a la Miséricorde et c’est saint Faustine. Finalement toute la révélation de sainte Faustine se joue autour de Jésus Eucharistie. Et je vous disais hier soir cette phrase qui me touche beaucoup : « Dis bien au monde entier qu’il n’y aura pas de paix sur la terre si l’on ne vient pas à ma Miséricorde et le trône de ma Miséricorde c’est le Saint Sacrement. » Donc : « Dis bien au monde entier qu’il n’y aura pas de paix si l’on ne vient pas au Saint Sacrement. » Et donc les prophéties du Père Pierre-Julien Eymard sur la conversion de la France, de l’Europe, sur la nécessité absolue de l’adoration, sur la grâce de l’adoration pour transformer le monde, qui est pris dans la tiédeur et dont les âmes se croient ferventes et qu’elles ne le sont pas parce qu’elles n’ont pas établi leur trône en Jésus Eucharistie… eh bien !, c’est vraiment maintenant que ce temps est là. Il nous est donné maintenant. Et avec cette Miséricorde qui jaillit du Cœur de Jésus. Et pour moi, cette prophétie de Faustine et cette prophétie de saint Pierre-Julien Eymard, est aussi importante que celle de Fatima, voyez-vous. Quand Marie dit, en 1917, que si on ne va pas se convertir, une guerre plus grave encore éclatera sous le pontificat de Pie XI… On est encore à l’époque du pape Benoît XV, Pie XII arrivera en 1922 sur le siège de Pierre, il mourra en 1938, et c’est vrai que la guerre éclate sous le pontificat de Pie XI, juste avant son décès. Marie annonce cela en 1917, et donc, à part Marie et le Ciel, personne ne peut savoir le nom du prochain pape, et elle l’annonce clairement, avec un signe aussi cosmique, qui aura lieu au début de l’année 1938, une lueur dans le ciel qui se verra de manière assez extraordinaire dans le monde un peu partout. Parce qu’on n’aura pas écouté Marie, on aura cette tragédie, voyez-vous.
Toute prophétie est conditionnelle, soumise à la liberté des hommes
Toute prophétie est conditionnelle, soumise à la liberté des hommes. Ninive se convertit, l’Europe ne se convertit pas. Voilà. Et aujourd’hui, le pape François a beaucoup insisté sur le lien entre Fatima et Akita, et donc, c’est quelque chose d’assez important, ce lien entre Fatima et Akita. Notre-Dame d’Akita a été reconnu par l’Église en 1984 et 1988 par le cardinal Ratzinger à Rome. C’est chez les Servantes Eucharistique du Sacré-Cœur, en montrant qu’il faut prier Jésus Eucharistie. Donc, au cœur du renouveau du monde, au cœur du renouveau de notre vie personnelle, au cœur de la guérison du monde, il y a Jésus Eucharistie. Il fallait être fou de la part de Jésus, de se rendre présent dans cette vulnérabilité-là, vous voyez… Bien sûr, c’est Dieu transcendant qui est là, mais c’est le bébé de Marie, c’est le vrai corps que Marie a porté dans ses bras, c’est ce Jésus qu’elle a touché, qu’elle a caressé, qu’elle a pris, et Joseph, et le vieillard Siméon : « Oh qu’il est chou ce petit bébé ! » Et c’est l’émerveillement des bergers à la crèche, voyez-vous… C’est ça ! l’Eucharistie. Alors on a tellement pris de la distance avec l’Eucharistie… On ne dérangeait pas le ‘Divin Prisonnier’. « Interdiction… » Un prêtre a écrit à son évêque : « Interdiction de déranger le Divin Prisonnier. » À un moment donné on interdisait de le toucher avec les dents. Or, comme je l’ai dit hier, le mot ‘trogein’ en grec, c’est ‘broyer avec les dents en faisant du bruit’. Et on est arrivé à dire que c’est un péché mortel de toucher avec les dents l’Eucharistie. Mais comment a-t-on pu vouloir tenir à distance ce Dieu qui se fait si proche, jusqu’à se faire manger et « descendre dans les latrines de notre corps »[i] ? Comment a-t-on pu faire pour ne pas rentrer dans la logique évangélique et dans la logique eucharistique d’un Dieu qui s’abaisse et qui est l’ultime point de l’abaissement de Dieu ? Seule l’humilité pouvait descendre plus bas que le péché. Et l’humilité c’est Jésus à l’Eucharistie. C’est de là qu’Il vient nous rechercher, c’est de là qu’Il vient nous empoigner. C’est là qu’Il vient relever chacune et chacun d’entre nous et qui vient transformer le monde.
Repenser l’Eucharistie avec la théologie mystique des saints
Alors je pense qu’il va falloir repenser l’Eucharistie. Non pas partir de l’acte pur de la transcendance absolue et des concepts philosophiques et même théologiques sur Dieu. Il y a une théologie mystique qui est plus grande encore que la théologie spéculative, qui est la théologie des saints qui nous apprend le vrai mystère. Et Pierre-Julien Eymard est vraiment ce grand prophète de cette théologie mystique. J’en pleurais de joie quand je relisais le dernier texte du pape François (La joie et l’allégresse Gaudete et Exsultate). C’est ce qui manquait à l’Église, depuis des siècles, si j’ose dire. Les papes se sont exprimés avec beaucoup de ferveur, de justesse, de dévotion, d’intelligence et de piété aussi, sur des grands mystères de la foi, mais personne n’avait écrit une encyclique de théologie mystique. C’est-à-dire, d’une véritable théologie des saints. Qui est la science suréminente. Quand on fait de la théologie ont dit que tout est subordonné à la théologie des saints. C’est la science par excellence. On l’a complètement écarté de notre vision théologique. On n’osait même pas en parler parce que ça ne faisait pas scientifique. Mais on s’en fout ! L’important c’est de rencontrer Dieu dans son vrai mystère tel qu’Il s’est révélé à nous. Et la théologie des saints est là, dans cette délicatesse, voyez-vous… Et je vous parlais hier de Jésus qui débarque du tabernacle pour aller trouver sœur Faustine dans sa chambre… C’est ça la théologie mystique… Mais… Il veut être avec nous, Il demeure avec nous. Sa souffrance, c’est de ne pas être avec nous. Un ami chilien me racontait cette histoire, liée à S. Padre Pio, d’ailleurs : il y avait un camionneur qui faisait la traversée de la grande transaméricaine, la grande route qui traverse toute l’Amérique latine, et tout à coup il voit un type en train de faire du stop au bord de la route. Il s’arrête, il prend le gars. Le gars dit : « Vous voyagez toujours seul comme ça ? » « Je ne suis jamais seul ! » et il montre la photo de Padre Pio et dit : « Il est toujours avec moi, Padre Pio, on est toujours ensemble. » D’un coup, il n’y avait personne sur la route, et le camionneur se met à klaxonner très fort. L’autre dit : « Mais qu’est-ce que vous faites ? Il n’y a personne, il n’y a rien ! » Il répond : « Non, mais il y a une église, là-bas, il y a le clocher, alors je sais que Jésus est seul. Alors à chaque fois que je vois une église je klaxonne pour lui dire : « Hello, Jésus, c’est moi ! », je n’ai pas le temps de m’arrêter, mais je lui fais coucou, puisque tout le monde l’oublie ! » Le gars dit : « Arrêtez tout de suite ! » « Pourquoi ? » « Je suis le curé de la paroisse, je quittais le sacerdoce, je partais, je fuyais… Il faut que je retourne dans ma paroisse ! » Vous voyez la Providence de Dieu ?! Ça, c’est la tendresse de Dieu, vous voyez. Lui, il fait son coup de klaxon à Jésus.
Et c’est ça : Un jour une maman rentre dans une église, elle arrive avec son enfant et lui dit : « Tu vois, là-bas, c’est la petite maison de Jésus, et la petite lumière rouge ça veut dire qu’Il est là. Alors on va faire silence, on va parler à Jésus. » Au bout d’un moment le petit garçon dit : « Maman, c’est quand que c’est vert, qu’on peut repartir ? » Je suis sûr que Jésus à craqué, vous voyez… Voilà… Comment nous rentrons dans cette proximité, cette intimité de Jésus. Avec nous. Vous savez, on accueille chez nous (à la Fraternité Eucharistein, note de La Vaillante) des jeunes traversés par l’alcool, la drogue, la dépression, la violence. Et c’est Jésus Eucharistie qui les guérit. C’est Jésus Eucharistie qui les transfigure. On a une fille qui à douze ans est partie dans la rue : la drogue, la prostitution, le sado-masochisme… enfin, un peu tout, comme ça… qui débarque chez nous à 19 ans, dans un état !…, mais complétement cassée, bourrée de phobies. Tout d’un coup elle découvre Jésus Eucharistie. Je peux vous dire que quand elle va rencontrer Jésus, mais c’est quelque chose ! C’est son Amour. C’est sa force. Elle est prise de combats, de tentations… Elle dit : « Mais c’est Jésus qui me tient. » Et sa communion…! Elle veut recevoir Jésus.
J’étais en Chine, l’année dernière… On rencontre un gars qui faisait du trekking. On marche dans les montagnes, on visite des communautés chrétiennes du côté du Tibet… Et un gars me dit : « Ah, j’ai appris que vous traversiez la montagne… Je ne connais rien. Est-ce que je peux marcher avec vous ? » Je me dis : c’est un flic camouflé, je suis sûr qu’il va nous surveiller… Comment je vais faire pour lui dire que ce n’est pas possible ? Et en fait, je sonde un petit peu mes amis chinois aussi. Ils me disent, non, il n’est pas de la police, tu peux être confiant. Et je ne lui dis pas qu’on était chrétien. Je lui dit qu’on est des trekkers, on est des marcheurs, comme ça… Et puis on part dans la montagne. C’est trois jours de marche dans la montagne. Le premier soir, on a la messe le soir et un temps d’adoration en pleine nature, à 4000 mètres d’altitude. Et lui, là, vient vers moi et me dit : « C’est quoi ce que vous avez fait ?! » Et je réponds : « Je ne t’ai pas dit avant le départ, mais on est chrétien… » « Oui, mais c’est quoi, cette chose ronde qui est là-bas ?! » « Eh bien je vais te dire : c’est mon Dieu. » Et il se met à pleurer et il me dit : « Mais il m’a parlé, tu sais ?… Il m’a dit qu’Il m’aimait. » Et alors on est arrivé à un petit village, on a fait une nuit d’adoration. Il a passé la nuit entière devant Jésus. Il était là, il ne bougeait pas. Le lendemain matin, il me dit : « Comment on fait pour devenir comme vous ? Ça veut dire quoi ? » Alors je lui explique un petit peu… « Alors moi je veux être baptisé ! Il faut que tu me baptises, Nicolas ! » Je lui dis : « Écoutes, là, c’est trop rapide, je ne peux pas faire ça, mais… » Il me dit : « Mais, je peux continuer de voyager avec vous parce que je ne peux pas me passer de Jésus dans l’Eucharistie comme ça ! » Je dis : « Bien sûr, tu vas faire tout le voyage avec nous, tout le pèlerinage. » Et il a été baptisé à Pâques, cette année, et c’était au mois de… On s’est quitté au mois d’août l’année dernière, et il m’a envoyé des photos et derrière il m’a dit : « Y’a une surprise, y’a une surprise, y’a une surprise ! Et à Pâque il m’a envoyé la photo de lui en grand habit blanc, baptisé à Pâques. Il a créé un groupe : Faithbook. Faith ça veut dire ‘foi’ en anglais… Faithbook pour annoncer Jésus Eucharistie. Ça, c’est Jésus Eucharistie, voyez-vous… Ça c’est ce que Dieu nous demande de vivre et de découvrir aujourd’hui.
En quoi Jésus Eucharistie est-il vraiment le lieu d’une guérison pour nous ?
Alors c’est un petit peu ce dont je vais vous parler maintenant… j’ai pris un peu de temps en introduction, mais… en quoi Jésus Eucharistie est vraiment le lieu d’une guérison pour nous ? Première chose, d’abord je crois qu’on est très obsédés par la santé aujourd’hui. Je ne sais pas si vous avez remarqué, on est très, très pris par la santé. Mais en fait, en latin, dans différentes langues, en italien, en espagnol, dans les langues latines le mot santé et salut viennent d’une même origine, d’une même étymologie. Et finalement, quand on a perdu le sens du salut, on s’est obsédé de la santé. On se dit, au Nouvel An : « Bonne santé ! » On peut mourir en bonne santé, mais être damné… Et on peut mourir très malade et être sauvé. Ce qui est important de noter c’est le bon salut. Parce que quand on dit ‘salut’, ça veut dire je te souhaite le Salut : la vie éternelle, qui peut comprendre la santé mais qui est d’abord la vie éternelle, le salut de l’âme. Et donc je pense que l’adoration eucharistique nous remet en face de l’essentiel, redit au monde qui a perdu le sens de Dieu : « Mais, retrouve le sens de Dieu, retrouve tout ce qui est important pour toi. » Dans l’Écriture sainte, voyez-vous, ce qui est important ce n’est pas d’être en bonne santé ou d’être malade. Et même pas d’être mort ! Jésus parle à des morts : « Lazare, sors ! » ou « Talita kum ! » « Je dis : lève toi ! » Et puis il ne parle pas à des vivants : à Hérode, à ceux qui le frappent… parce qu’ils sont déjà morts… dans leur cœur. La mort et la vie ne sont pas les mêmes frontières que pour nous. La santé et la maladie ne sont pas les mêmes frontières que pour nous. J’allais dire même mieux que ça : Jésus nous rejoint dans nos vulnérabilités, notre péché.
Il y a une scène étonnante dans l’Écriture sainte : c’est Moïse qui négocie avec le Bon Dieu la mission que Dieu lui a confiée, d’aller libérer son peuple, de collaborer à la libération du peuple. Alors, Moïse dit d’abord : « Je suis âgé, je suis à la retraite, je ne peux pas ! » Dieu dit : « Non, ça ce n’est pas une bonne raison. » Alors Moïse dit : « J’ai un casier judiciaire en Égypte, ça ne se fait pas, il n’est pas encore périmé… » Et après il dit : « J’ai un problème : tu me demandes d’être ambassadeur et j’ai la bouche pâteuse. » Sans doute un bégaiement… Dieu dit : « Eh bien ton frère, Aaron, te donnera un coup de main ! » Mais c’est très beau, voyez-vous, l’argument ultime, la souffrance mystérieuse de Moïse, c’est cette bouche pâteuse. Et à la fin quand il meurt sur le mont Nebo quarante ans après, aux portes de la Terre promise, on nous dit qu’il mourut, les traductions disent : « Sur la parole de Dieu, sur l’ordre de Dieu… » Le texte hébreu dit : sur la bouche de Dieu. Et c’est le même mot qui est utilisé quand il dit que la bouche est pâteuse et que la bouche de Dieu le rejoint. Voyez-vous… : Dieu l’a attendu toujours sur cette bouche. L’expérience de sa pauvreté, de sa bouche pâteuse était l’expérience de Dieu qui lui parlait et qui le rejoignait. Ça, ça c’est le christianisme, voyez-vous… Ça c’est la vie avec Dieu. C’est-à-dire que le lieu de la rencontre avec Dieu c’est le lieu de ma propre vulnérabilité. C’est le lieu de ma propre pauvreté. C’est le lieu de mon propre drame. C’est là que Dieu m’attend et c’est là que Dieu me rejoint. Je ne veux pas être trop long là-dessus, il y a plusieurs choses à dire, mais… Voyez-vous, ce que Dieu nous donne, et finalement… c’est là qu’il va falloir venir pour découvrir la tendresse de Dieu et l’amour de Dieu.
Développer aujourd’hui la véritable ferveur eucharistique de Pierre-Julien Eymard
Et je pense qu’il va falloir développer aujourd’hui la véritable ferveur eucharistique de Pierre-Julien Eymard : faire travailler le saint Sacrement pour que l’irradiation de la grâce de Dieu se répande partout. Benoît XVI démontre deux drames de notre humanité et de notre christianisme aujourd’hui.
1- La gnose : Le salut par la connaissance, par la science, par le savoir. Et on croit que notre connaissance va nous sauver. On croit que notre savoir va nous sauver. Sur le plan mondial, c’est sûr, c’est depuis les Lumières, la science qui doit sauver l’humanité. Quand Condorcet disait : On va progressivement vers un monde… Les dix étapes de l’humanité vers le progrès parfait. L’avenir radieux intra-historique. Enfin, on avait cette idée que le monde est perpétuellement en progrès du bien vers le mieux grâce à la science. Et la science répondra à tous les problèmes. Au XXIème siècle on peut se dire qu’on a manqué le train et que le progrès technique ne signifie pas le progrès humain et progrès d’amour. C’est un échec total. Et les idéologies ont marqué l’échec. Reste qu’on est toujours marqué là-dedans, y compris dans l’Église ! La dernière parole du ‘pape intello’, Benoît XVI : « Ma plus grande crainte dans l’Église aujourd’hui c’est l’intellectualisation de la foi. » Une façon de mettre à distance Dieu par la science et par des théories. Non pas une intelligence de la foi. Une intellectualisation de la foi. L’intelligence de la foi passe par le cœur, par la lumière, par l’expérience. Et les saints ont une intelligence de la foi. Et les plus pauvres ont une intelligence de la foi. Cette fille dont je vous parlais tout à l’heure : elle vient vers moi… textuel, texto, elle me dit : « Putain, j’ai pas dormi de la nuit passée ! » Je dis : « Ah ouais… ! » Elle me dit : « Ouais, mais j’ai parlé avec la Trinité. Toute la nuit ! » Ah, j’dis : « Bien, très bien… » Elle dit : « Mais, putain, c’est un truc de ouf !!! Tu te rends compte : le Père n’aime pas comme le Fils ; le Fils n’aime pas comme le Père ; l’Esprit Saint n’aime pas comme le Père. Chacun aime de manière unique ! J’ai parlé avec les trois l’un après l’autre, mais c’était chaque fois des discussions différentes. Il y avait à chaque fois un amour totalement différent : entre l’amour que le Père avait pour moi ; que le Fils avait pour moi ; que l’Esprit Saint avait pour moi. Et nos discussions étaient complètement différentes avec les trois. » Alors je la regarde, comme, ça… Elle me dit : « J’ai dit une bêtise ? » Je dis : « Non, mais l’Église a mis cinq siècles pour découvrir ça, tu vois, dans les Conciles ? » Juste un petit détail… Et quand elle m’a dit ça, avec le ton avec lequel elle me l’a dit… je ne l’ai pas, le ton… Mais le ton avec lequel elle me l’a dit… mais j’ai découvert quelque chose ! J’avais étudié mes Conciles ! J’avais étudié un peu la Trinité, quand même… Enfin, je connais deux ou trois choses. Je ne m’étais jamais émerveillé à ce point du fait que les Personnes n’aimaient pas de la même manière. Je n’en avais pas pris conscience et c’est lorsqu’elle me l’a dit, que j’ai pris conscience de cette réalité-là, vous voyez… Alors, Dieu veut vraiment renouveler le monde… Première chose la gnose. Deuxième chose…
2ème - Le pélagianisme. Pélage était un moine du IVème siècle, qui, pour faire très bref et pas tout juste, mais enfin ça vous dit un peu les choses… C’est un peu l’idée qu’on se sauve à la force du poignet. Que Dieu nous a tout donné dans notre nature et aussi par le baptême et qu’on n’a plus besoin de ce qu’on appelle la grâce actuelle, c’est-à-dire du secours permanent de Dieu pour vivre. Qu’il suffit de… à nous de travailler au salut. La Gnose était première : c’était le salut par la connaissance. Les premiers chrétiens ont vu que ça ne marchait pas, que les grands savants étaient des crétins et des gens pas du tout charitables. Et donc ils se sont dit : c’est les œuvres qui vont… mais les œuvres par nous-mêmes, à la force du poignet. Et François met cela en lumière depuis le début de son pontificat ; il a dit ça. Mais là, dans son dernier texte, Gaudete et Exsultate, il a mis en lumière le fait que c’est le grand drame de l’humanité : on a jeté de côté la grâce ! On a perdu le cœur du christianisme ! La vie de la grâce, la vie théologale. Or, l’Eucharistie nous oblige à entrer dans la vie de la grâce. Non seulement elle donne la grâce, mais elle contient l’auteur de la grâce ! Seul sacrement qui contient l’auteur de la grâce. Tous les sacrements communiquent la grâce divine, la vie divine, mais l’Eucharistie de manière suréminente et unique, non seulement communique la grâce mais contient l’auteur de la grâce, puisque Jésus y est réellement présent. Donc cela c’est déjà une chose inouïe ! Et ensuite, la vulnérabilité du Christ vient rejoindre notre vulnérabilité, qui est en même temps le Dieu tout-puissant. Donc cette tentation du transhumain, du surhomme et tout ça, elle se réalise dans la pauvreté de ce que le Christ nous révèle de lui-même en son corps eucharistique. Lui, de riche qu’il était s’est fait pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté. Et dans cette merveilleuse parole du pape Benoît XVI : « Sa façon d’être Dieu provoque notre façon d’être homme. » Il n’est pas le Dieu tout-puissant, car il veut, là… voyez-vous, à la Résurrection, Thomas ne dit pas : « Montre-nous la puissance de ta gloire et qu’on voit en toi le rayonnement cosmique de ta personne ! » Il dit : « Si je ne mets pas la main dans ses plaies, dans ses trous, je ne croirai pas. » On demande de toucher le Christ ressuscité dans ses trous des mains, des pieds et dans sa plaie du côté. Ce qui n’aurait jamais dû être ! Parce qu’un corps ressuscité est beau, n’a plus aucun défaut et il a 33 ans, nous dit saint Thomas d’Aquin. La plénitude de l’âge. Donc, comment se fait-il que le corps ressuscité du Christ ait gardé ses stigmates ? Car c’est là qu’on le rejoint. Et c’est là qu’il nous rejoint. Voyez-vous… Il se garde vulnérable et blessé contre toute logique d’un corps glorieux et les apôtres ne se trompent pas : c’est là qu’ils veulent le reconnaître. C’est là qu’ils veulent le rejoindre. La preuve que tu es ressuscité c’est que tu as encore les trous dans ta chair. C’est extraordinaire… Et la preuve que tu es vivant c’est que tu es dans la vulnérabilité de l’apparence d’un bout de pain et d’un peu de vin. Et là j’y crois ! Là, tu es crédible, Seigneur. Et il faut qu’on ait l’audace et le courage de le rejoindre dans cette même pauvreté. Voyez-vous, on fait des théories, parfois… Oui, bien sûr, c’est le Glorieux, oui, bien sûr, mais rentrons dans la logique de Dieu, dans cette tendresse de Dieu. C’est un prêtre qui disait un jour… Il était ici, à Paris, un certain âge, déjà, alors il dit : « Moi, je passe ma journée à l’église, j’accueille les gens, ceux qui veulent se confesser se confessent, ceux qui ont envie de dire un mot en me parlant… Et puis le reste du temps j’adore Jésus. » Et un jour, une personne vient et lui dit : « Mon Père, vous dormez ! Vous devriez aller vous reposer. » « Oh, il dit, madame, peut-on reprocher à un vieux chien fidèle de dormir aux pieds de son maître ?! » C’est ça, l’Eucharistie. On appelle ça l’adodoration… vous savez… Alors, s’il n’y a que ça, c’est peut-être problématique, mais enfin… !
Adoration et guérison
Alors, très rapidement peut-être, quelques points qui paraissent importants sur ce rapport, plus spécifiquement, entre adoration et guérison. L’adoration vient au cœur du drame du péché de l’humanité. S. Thomas d’Aquin nous dit que le péché c’est se détourner de Dieu pour se tourner vers la créature. C’est un repliement sur soi. L’homme qui préfère la créature au Créateur, et qui finalement tue en nous le désir de Dieu pour le ratatiner, le réduire au désir de la créature. C’est ça tout le drame de la Création : c’est briser la relation avec Dieu en se repliant sur une fausse relation parce qu’elle n’est pas illuminée par la présence de Dieu.
L’adoration eucharistique nous met en état d’extase, de sortie de soi
L’adoration eucharistique nous met en état d’extase, de sortie de soi. Elle nous fait sortir de nous. Je vous ai dit hier soir cette intuition plus forte : finalement, l’Eucharistie c’est l’ultime de l’amour humain de Dieu pour nous. Si l’amour est extatique, c’est-à-dire qu’il doit sortir de soi — pas extatique dans le sens un peu mystico-gélatineux du terme où on est collé au plafond… C’est bien si certains sont portés par Dieu là, mais ce n’est pas le but… —, c’est une sortie de soi dans l’amour. Eh bien, quel plus grand amour pouvait-il exister d’un Dieu qui sort tellement de lui-même qu’il se rend présent hors de lui-même, sans se quitter, sous l’apparence du pain, sur la table du Séder pascal, c’est-à-dire du repas de la première pâque que Jésus a célébré avec ses apôtres ? C’est inouï, ça, voyez-vous… Et c’est ça la logique de l’Eucharistie. Elle nous extasie. Vous savez que dans l’adoration regarder l’hostie est très important. Parce que le regard est le sens qui nous extasie. L’ouïe nous enstasie : les sons rentrent en nous, et quand on écoute un concert habituellement on ferme les yeux et on écoute, on laisse entrer la musique en nous… sauf si le violoniste est un artiste, une personne assez éblouissante, ou le pianiste, on voit danser les doigts sur le clavier du piano, alors on est un peu fasciné par ça, mais… Mais pour la musique, fondamentalement, c’est l’en stase, ça rentre en nous. Le regard nous extasie. L’amour nous extasie. L’amour s’émerveille. La beauté nous attire. Le plus beau des enfants des hommes, présent au saint Sacrement, nous extasie. Voyez-vous… Et donc il y a dans l’adoration eucharistique la nécessité du regard porté sur l’Hostie, qui est aussi la logique de l’amour. Des amis me racontaient qu’ils étaient en vacances à Castel Gondolfo, dans la maison du pape qui s’appelle Sainte-Marthe, avec le pape Jean-Paul II. Ils avaient huit enfants, ils avaient mangé à table, le soir, avec Jean-Paul II dont ils étaient proches. Le petit dernier était là, ils l’avaient mis à dormir dans la salle d’à côté dans le petit berceau, parce qu’il était fatigué. À la fin du repas ils disent au Pape : « Écoutez, saint Père, si ça ne vous gêne pas, on va mettre à coucher les enfants et on revient chercher le petit dernier après, comme ça on ne va pas le déranger, on va coucher les aînés d’abord… » « Pas de problème, laissez-le là, dans la salle… » Alors, ils mettent à coucher les enfants, cela prend un certain temps, et quand ils arrivent Jean-Paul II était à genoux, penché sur le berceau et il le regardait. Il dit : « Vous voyez, je m’émerveille ! » L’enfant dormait. C’est ça l’extase, voyez-vous… C’est ça l’amour, c’est ça la logique eucharistique. C’est ça le renversement. L’adoration eucharistique vient au renversement du drame du péché. En nous amenant à passer… à renverser le mouvement du péché qui est un repliement, pour entrer dans une logique d’extase qui est la sortie de soi. L’extase vers Dieu qui nous conduit… « à un exode vers les plaies de nos frères et sœurs », dit le pape François.
De l’extase à l’exode : l’Eucharistie c’est la gratitude
Donc, on passe de l’extase à l’exode qui nous conduit véritablement à un deuxième aspect qui est juste le contraire du péché. Le péché c’est l’ingratitude, le refus de dire merci, le refus de rendre grâce, le refus de se recevoir, le refus de s’accueillir comme un don. Et l’eucharistie c’est la gratitude, c’est dire merci. ‘Eupharisto’ ça veut dire merci. J’étais un jour en Grèce, dans une léproserie. Il y avait là une dame : plus de bras, plus de jambes, plus de nez, plus d’yeux, aveugle… Un corps tout frêle sur un lit, comme une hostie sur un autel. La sœur responsable de ce centre me dit : « Cette dame est en prière toute la journée… Elle ne fait que ça. » Alors moi j’ai craqué : j’ai sauté sur son lit, je l’ai embrassée… Vous pensez, une masse comme moi qui débarque sur le lit… Cette petite dame dont il ne restait plus que le corps et le visage déformés, complètement méconnaissable… Alors, elle était un peu étonnée au départ. Puis la sœur lui explique en grec ce qui se passe à ce moment-là. Et cette dame avec le peu de lèvre qui lui restait, qui avait aussi été rongé par la lèpre, me dit : « Eupharisto… » Ça veut dire ‘merci’ en grec. Eucharistein. Et j’ai compris le sens de tout ça, voyez-vous… Voilà. Tout d’un coup je reconnais.
C’est quand même terrible ! : Aujourd’hui, vous allez partout en management, partout en sens du développement personnel, on ne vous parle que de la gratitude, les bouquins sortent partout sur la gratitude. On s’est fait piqué le cœur de notre vie chrétienne ! ‘eucharistein’, ça veut dire merci ! Et on découvre aujourd’hui que, comme par hasard, si l’homme ne dit pas merci, eh bien, il crève ! Si l’homme n’est pas reconnaissant, il en meurt. Dans les bordes d’entreprise, dans les stages de développement personnel, de tous les côtés, en psychologie, en psychanalyse, vous regardez les livres qui sortent sur la gratitude… c’est partout ! Retrouver la gratitude, le merci devant la vie… Et nous, on avait ça au cœur de notre vie chrétienne. L’Eucharistie, dire merci. Dire merci… et on a oublié ça. Et déjà, les pères de l’Église disaient : Ou on est dans l’eu-charistie, dans l’eu-charistia, ou on est dans l’a-charistia, l’ingratitude. Ce sont les deux mouvements de l’homme. Ou je dis merci, ou je me replie dans l’ingratitude, et je meurs. Et je crève. Quand bien même je suis croyant. J’en meurs… Et j’en crève. Donc, vous voyez, l’eucharistie va bouleverser tout cet ordre et va mettre en relation.
Le légalisme
Le drame du péché originel, dans le texte, c’est quand le serpent dit : « Alors, Dieu a dit… » Ça, c’est tout le drame du péché originel. Ensuite, les tentations arrivent, mais le drame est dans cette parole du texte de la Genèse alors, Dieu a dit. Pourquoi ? Parce que c’est la première fois qu’il n’y a pas un sujet en face de Dieu. Parce que là c’était : Alors Dieu leur dit ; Alors Dieu leur parla ; Alors Dieu leur adressa la parole… Pour la première fois Dieu devient une voie off qui résonne, un principe intellectuel : « Alors, le concept Dieu a dit. » Et le mot ‘Dieu’, dans le texte de la Genèse c’est éloïm, c’est un nom commun pluriel, en hébreu. Alors que là c’était ‘Yahvé éloïm’ : la personne de Dieu leur parle. Dieu n’est plus une personne, c’est un concept, c’est un nom commun qui parle sans s’adresser à quelqu’un. Ça c’est le cœur du péché originel. Après, tout découle de ça. On arrive dans le légalisme : « Alors lui il a dit : Il ne faut pas toucher du fruit de l’arbre. » Mais non, il n’a pas dit ça, le bon Dieu !, il a dit : « Tu ne peux pas en manger. » Mais le toucher, tu fais tout ce que tu veux, tu vas faire ta tasse de soupe… Enfin, il n’a pas dit ça. Légalisme.
Le moralisme
Moralisme : « Ah ! Tu connaitras la science du Bien et du Mal. » Mais non, Dieu ne connaît pas le mal, il ne connaît que le bien. Parce que le bien c’est l’aptitude à la vie. Le mal n’est rien. C’est l’anéantissement du bien.
Le formalisme
Et puis le formalisme : « toucher » ; « ne pas toucher ». Attends, non, si tu n’as pas mis les pouces comme ça… Aujourd’hui, dans l’Église, vous voyez un retour d’un certain formalisme, d’un certain traditionalisme : « Si tu n’as pas fait comme ça les choses, si tu n’as pas fait le geste juste, attention, le bon Dieu… » Mais il n’en a rien à foutre, le bon Dieu ! Ce n’est pas ce qui l’intéresse. Ce qui l’intéresse c’est que l’on soit en amour avec lui… Alors, il faut des formes, l’Église fournit des formes, bien sûr ! Je ne dis pas le contraire. Mais attention… on croit qu’on fait plaisir. Les juifs pensaient ça, les pharisiens pensaient ça. « T’as vu Seigneur : on t’a sacrifié 3000 bœufs, 5000 chèvres et on t’a tout fait grillé. T’es content ? » « Non ! Vos sacrifices de viande grasse, j’en gerbe ! », dit le bon Dieu. « J’en vomis. J’en peux plus ! Ça me sort par le trou des narines et par les oreilles. » C’est dit comme ça dans la Bible. « J’en peux plus ! Vous croyez me faire plaisir en faisant ça ! Vous ne me faites pas plaisir. » « Ce qui me fait plaisir, c’est de délivrer le pauvre ; de donner à manger à celui qui a faim ; d’aller trouver le malheureux. Ça, ça me fait plaisir », dit Dieu. « Et manger le gigot et puis aller trouver le pauvre et partager le gigot avec le pauvre. Mais vos sacrifices, j’en peux plus ! Vous croyez me faire plaisir avec ça et c’est faux. Vous ne me faites pas plaisir avec ça ! » Dieu nous veut donc dans une relation où on se fasse plaisir les uns les autres.
Mais on voit ça : un jour j’avais un couple qui vient. C’était assez tendu. Elle dit : « Tu ne m’offre jamais rien ! » Il dit : « Écoute, pour ton anniversaire je t’ai apporté la dernière machine à café, la plus performante. C’est même moi qui suis allé l’acheter pour toi. Je n’ai pas envoyé quelqu’un. J’ai fait l’effort et te l’ai apportée. » Sa femme le regarde et dit : « Et je ne bois jamais de café. » Alors vous vous dites, oh ! mince… il y a un petit problème. Lui buvait du café mais pas sa femme. Alors vous vous dites, comment on va rattraper le coup… ? Des fois, c’est ça avec Dieu : on lui fait des trucs qui ne lui font pas plaisir. Ça te fait plaisir ? Ben non, ce n’est pas comme ça que j’aimerais que tu viennes vers moi. Ça ne me fait pas très plaisir. Reprendre le sens de la relation brisée. Reprendre le sens de ce cœur à cœur avec lui. Reprendre le sens de cette intimité. Et il est un peu joueur le bon Dieu… Une histoire authentique : c’est l’histoire d’un enfant qui était sur une chaise roulante à Lourdes, et qui dit : « Je suis sûr qu’à la bénédiction du saint Sacrement je vais marcher ! » Alors l’évêque arrive, le bénit, et rien du tout, il reste coincé sur son siège. Il regarde Jésus au saint Sacrement et dit : « Jésus, puisque c’est comme ça, j’irai tout dire à ta mère ! » Il fonce à la grotte et à la grotte il s’est levé ! Et j’imagine Jésus et Marie au Ciel en train de discuter le coup… : « Allez, vas-y, vas-y, là c’est pour toi ! » Voyez donc cet émerveillement qui est là.
Du désespoir à la Pentecôte
Ce que nous fait découvrir aussi le péché, c’est le désespoir. Qu’est-ce qu’on a perdu au moment du péché originel ? On a perdu notre dignité d’enfants de Dieu. La capacité de parler à la brise légère du soir avec le Père, en toute simplicité. C’était extraordinaire, vous imaginez ? Cette idée nous est redonnée. Et Dieu n’a fait que ça, quand on lit tout l’Ancien Testament. Et même l’histoire depuis les origines. Dieu s’est dit : « Mais comment je vais faire pour apprivoiser cette humanité qui s’est détournée de moi ? » Et Il va tenter. Et toute l’histoire de l’Ancien Testament, c’est Dieu qui essaie de ré-apprivoiser l’humanité à travers son peuple, en disant : « Mais je t’aime ! Regarde-moi ! Les idées que tu as sur moi sont fausses. C’est pas comme ça… Tu crois… non… Je n’aime pas fracasser la tête des ennemis. Je n’aime pas le sang qui coule. Mais bon, je t’ai défendu quand même. Et je prends soin de toi. » Jusqu’au moment où il va nous saisir, nous empoigner, et ça, c’est la Pentecôte. Or, il y a deux Pentecôte. Il y a la Pentecôte de saint Luc, qu’on connaît bien, dans les Actes des apôtres. Le phénomène extraordinaire dont je vous parlais hier soir. Et il y a une Pentecôte plus discrète, c’est la Pentecôte de saint Jean. C’est celle qui jaillit du Cœur du Christ sur la Croix. Si on regarde un petit peu cette histoire, mais très rapidement… À un moment donné, vous savez, il y a un papa et son fiston, qui partent… Il n’est plus tout jeune, il a une trentaine d’années, ils partent sur une montagne et le fiston dit au papa : « Mais, papa… On a le feu, on a le bois, mais où est l’agneau du sacrifice ? » C’est Abraham et Isaac… Et ils ont traduit : « Mon fils, Dieu pourvoira à l’agneau. » En hébreu, ce n’est pas ça : « Mon fils, Dieu voit l’agneau. » C’est au présent. Et le présent en hébreu est un présent qui continue. Dieu a sans cesse sous les yeux l’agneau. Ah ! Alors là, on comprend mieux. Ensuite, on connaît l’histoire. En fait, c’est un bélier qui se prend la tête dans un buisson. Je ne sais pas si vous avez remarqué, c’est le papa de l’agneau. C’est le père, d’abord, qui souffre, qui parle, qui participe. C’est le papa de l’agneau qui s’est pris la tête dans le buisson d’épines. Jusqu’au jour où l’agnus se prendra la tête dans le buisson d’épines aussi. Donc, Dieu se cache toujours dans un buisson d’épines. C’est la petite leçon qu’il faut en tirer… Quand ça pique, il y a le bon Dieu qui se cache dedans. Quand ça fait mal, il y a le bon Dieu qui est là, qui nous attend… C’est là qu’on trouve le bon Dieu : dans les buissons d’épines… du quotidien. Bref ! Jusqu’au jour où on arrive au bord du Jourdain. Et tout d’un coup : « Papa, où est l’agneau du sacrifice ? » « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » : saint Jean-Baptiste désignant Jésus. Whouaaa ! on l’a trouvé ! Et alors arrive ce moment extraordinaire, où deux disciples, - les évangélistes nous disent qu’il s’agit de Jean et André – suivirent l’Agneau. L’Agneau se retourne en disant : « Que cherchez-vous ? » Ils lui disent : « Rabbi (Maître), où demeures-tu ? » « Venez et voyez », leur répond-il. Ils allèrent. Ils demeurèrent avec lui ce jour-là. Ils rentrèrent. C’était vers la dixième heure, soit vers 4h de l’après-midi. Et ça, c’est un point où j’ai un petit problème avec saint Jean, quand même… Je dis : « Mais, tu ne nous a pas dit ce qui s’est passé… Tu aurais pu nous dire. Tu était là… Nous expliquer ce que tu as vécu avec l’Agneau pour la première fois que tu le rencontrais. Tu passes la journée avec lui : pas un mot ! Si ce n’est un petit détail : il était vers la dixième heure… Qu’est-ce que l’on en a à faire, 2000 ans plus tard que c’est la dixième heure, la cinquième heure, la huitième heure… » Sauf que la dixième heure est un temps très important. Pour les juifs et pour nous. Je reviendrai pour les juifs après. Mais pour nous c’est très important : parce que les heures reviennent à la fin de l’Évangile de saint Jean, voyez-vous… À la sixième heure : une grande ténèbre se fit sur toute la terre. À la neuvième heure : Jésus poussant un grand cri remit l’esprit. Et avant que les premières lumières du shabbat, quand cette chose s’est passée, ne soient allumées, vers 5h et 1/2, le 14 nisan à cette période de l’année à Jérusalem, on a voulu descendre les condamnés à mort de la croix. Il a fallu vérifier leur mort et pour Jésus, on n’a pas brisé ses jambes mais on a transpercé le cœur. Le temps de le mettre au tombeau, de l’embaumer rapidement, de fermer le tombeau et d’arriver à la maison pour respecter le shabbat de Pâque, de Pessah’, on peut imaginer que c’est vers la dixième heure. Alors, si on prend toute l’histoire du Salut depuis Abraham : « Papa, où est l’agneau du sacrifice ? » « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » « Où demeures-tu ? » « Venez et voyez »… à la dixième heure vous comprendrez tout. Le rendez-vous que Jésus nous fixe depuis les origines, c’est la dixième heure. C’est tellement vrai que c’est l’heure de Jésus. Dans tout saint Jean : « Mon heure n’est pas venue / mon heure n’est pas venue / Mon heure n’est pas venue … » « L’heure est venue / l’heure est venue / l’heure est venue ». L’heure de Jésus c’est ça. En gros, c’est sa Passion, mais quand on zoome, c’est le cœur ouvert.
Que disent les juifs, le Talmud ? Il dit : « À la sixième heure Dieu créa nos premiers parents, Adam et Ève - Ish et Isha. » « À la neuvième heure, Il leur donna la Loi - la Torah. » « À la dixième heure, ils transgressèrent la Loi. » « À la onzième heure, ils furent chassés du Paradis - du Gad Éden. Ah ! La dixième heure c’est le lieu du péché originel dans la tradition imagée du Talmud, c’est-à-dire dans la succession sur un jour de la grande histoire du Salut. Et à la dixième heure Jésus nous attend pour nous redonner l’Esprit Saint. Il n’y a aucun décalage entre le temps du péché et le temps du don de l’Esprit Saint. Oh ! il y a eu des milliers d’années entre deux ! Mais spirituellement il n’y a pas de décalage. Le péché est le moment où Dieu attend pour me rejoindre. La perte de l’esprit filial où Dieu m’attend pour me redonner l’esprit filial. C’est à la dixième heure que l’un et l’autre adviennent et donc c’est à la dixième heure que j’ai ce rendez-vous. Or, justement, que se passe-t-il à la dixième heure ? Eh bien, Jésus l’annonce dans l’Évangile de saint Jean. C’est le jour de la fête de Souccot. Souccot est une grande fête de la tradition juive où l’on se rappelait le séjour dans le désert. On dormait sous des tentes, on célébrait avec joie la providence divine. Et le dernier jour de la fête de Souccot, il y avait la fête de l’eau, du don de l’eau. C’était une célébration assez étonnante. Il y avait peut-être 300 000 personnes à Jérusalem, à l’époque du Christ, quand on célébrait Souccot et la fête de l’eau. Le grand prêtre descendait chercher l’eau à la fontaine de Siloë, qui était au fond du Cédron, sous le temple de Jérusalem. Qui était la seule source jaillissante d’eau vive à Jérusalem. Jérusalem est alimentée par des puits, mais là c’était l’eau qui jaillissait comme une fontaine, en saccades, nous disait-on, d’ailleurs, dans les récits antiques. Il vient chercher l’eau, il l’apporte au temple et verse l’eau sur l’autel, pour signifier la communion avec le Ciel. Parfois même on dressait une estrade en bois, où on lisait la Torah, tous les sept ans. Et les commentaires juifs, le Midrash, la Mishna, le Talmud, nous dit : « Qui n’a pas vu la joie de la fête de l’eau qui clôt la fête des Tentes ne sait pas ce que c’est que la Joie. » Il y a un commandement de la Joie. Vous devez être joyeux ! Jérusalem était éclairée de mille torches, on voyait comme en plein jour. Il y avait des torches et des bougies partout. Et c’était la Joie des joies. On ne pouvait pas ne pas être joyeux. C’était interdit. À ce moment-là Jésus se met à crier. « Si quelqu’un à soif, qu’il vienne à moi, car il est écrit de son côté jailliront des fleuves d’eau vive. » Il parlait de l’Esprit saint qu’allaient recevoir ceux qui croiraient en lui, au moment de sa glorification. Donc, au moment où c’est le don de l’eau, le rapprochement du ciel et de la terre par l’autel, une estrade en bois sur laquelle le grand prêtre proclame l’Alliance… Au moment où on parle de l’eau qui va jaillir, Jésus annonce le don de l’Esprit saint. Et même ‘pire’, si j’ose dire, le mot grec est utilisé par saint Jean : « Il crie comme un corbeau. » C’est le verbe kraso qui est utilisé en grec : « Il crie comme un corbeau. » « Ôooo… » Or, ce n’est pas très bon signe, dans l’Écriture sainte… Ceux qui crient comme des corbeaux, ceux sont les démons quand Jésus les expulse. C’est la foule qui crie : « À mort, à mort, crucifie-le ! » Dans saint Jean, il y a saint Jean-Baptiste qui crie comme un corbeau. Si vous remontez à la Genèse et à l’Arche de Noé, avant même que la colombe ne soit envoyée sur la terre, pour renouveler la face de la terre, c’est le corbeau qui est envoyé. Plusieurs fois, il va et vient. Plusieurs fois, le corbeau va et vient et ensuite Noé envoie la colombe qui repose ensuite sur la terre, sans revenir. Et la terre, ce n’est pas la terre de la patrie. Ce n’est pas Eretz en hébreu, c’est ‘Adamah : c’est la glaise dont nous sommes tirés. L’Esprit vient sur la glaise dont nous sommes tirés pour renouveler la face de la terre. Eh bien… Jésus annonce que sa Pentecôte sera au Cœur ouvert.
Le Cœur du Christ à l’Eucharistie : la Pentecôte eucharistique
Or, où est ce Cœur palpitant du Christ… ? Eh bien, il est à l’Eucharistie aujourd’hui. De sorte que la nouvelle pentecôte prophétisée par Jean XXIII, prophétisée par Marthe Robin, prophétisée par tant de saints et saintes… Prophétisée par le règne eucharistique du Christ de saint Pierre-Julien Eymard, par le triomphe du Cœur Immaculé de Marie, qui est la même chose, à Fatima… C’est à l’Eucharistie que ça se passe. Car c’est du Cœur ouvert du Christ au saint Sacrement que jaillit en permanence l’Esprit Saint. Saint Jean Chrysostome l’a dit dans son texte sur la Pentecôte eucharistique que Benoît XVI et Jean-Paul II ont repris. En disant que l’Eucharistie est une Pentecôte permanente. Alors, elle est moins spectaculaire que celle de saint Marc. Dans le Renouveau charismatique, on aimerait bien les signes et prodiges, le parlé-en-langues, les manifestations, les guérisons… Oui… Sauf que la Pentecôte de saint Luc, dans les Actes, suit la Pentecôte de saint Jean. Et c’est parce qu’il y a eu la Pentecôte de saint Jean qu’il a pu y avoir la Pentecôte de saint Luc. C’est parce qu’il y a eu l’effusion silencieuse, au pied de la Croix, de l’Esprit Saint sur l’Église naissante, avec Marie et Jean… qu’il a pu y avoir ensuite, au Cénacle, au lieu de la première messe, la Pentecôte. Saint Pierre-Julien Eymard, moi je l’aime quand il va chercher à racheter le Cénacle ! Il s’est fait avoir… comme Charles de Foucauld qui s’est fait complètement pigeonné en voulant racheter le Gethsémani… Pigeonné ! Mais c’est beau parce que ça montre le vrai désir, voyez-vous… : être au Cénacle, là où il y a l’Eucharistie et la Pentecôte. Eh bien, on est au Cénacle, à chaque messe. Le cénacle de son cœur, vous l’avez très bien dit (le P. Nicolas Buttet s’adresse alors au P. André Guitton qui a parlé précédemment du testament spirituel du P. Eymard : Le ‘chant’ de P.J. Eymard, note de La Vaillante), est le cénacle de l’Eucharistie.
La prière
L’Esprit Saint jaillit en permanence du Cœur du Christ pour nous redonner un cœur filial. Pour nous réapprendre à dire à Dieu : « Abba ! » « Père ! ». Pour prononcer comme des enfants ‘Abba’ : « Dis : ‘papa’ » « - Baba… » « - Non : ‘papa’ » « - Aba… ». Le bon ton de la prière. L’abandon filial. Le cœur filial. C’est ça que Dieu nous demande.
La prière, ce n’est pas une question de parole ou de demande. La prière est une question de ton. Il y a un grand pianiste qui s’appelle Arturo Benedetti Michelangeli. Cortot disait que c’était le « nouveau Liszt ». Un homme assez particulier, assez brillant. Il arrive un jour pour jouer un concert. Il se met au piano et dit : « Ce fa ne va pas. » Et l’accordeur était là et dit : « Écoutez… J’ai vraiment vérifié et je peux vous assurer… » « - Le fa ne va pas ! Débrouillez-vous, je ne peux pas jouer avec ce piano… » Alors, l’accordeur regarde et puis il va regarder sur les feutres et il voit qu’il y avait un cheveux sur le feutre du fa. Alors il enlève le cheveu et Arturo Benedetti Michelangeli revient : « Ah oui ! Cette fois-ci c’est bon ! Qu’est-ce que vous avez fait ? » Il avait retiré un cheveu sur… Vous voyez… Ce n’est pas les paroles, c’est le ton. Est-ce que le ton de ma prière est filial ? Est-ce que j’ai cet abandon filial entre les mains du Père ? Est-ce que je suis dans cette simplicité filiale ? Je suis frappé de voir ces tout pauvres, comme ça… qui ne savent pas articuler une prière, mais Dieu craque devant eux. Parce que… « Seigneur, c’est toi. Tu es Papa, débrouille-toi, quoi… » Dieu aime quand on le prend au mot, comme ça, dans cette simplicité filiale. Une personne me dit un jour : « J’ai une prière puissante, mon Père, il faut que vous l’appreniez ! » Je ne sais pas quel saint c’était… Je lui dis : « Écoutez, moi j’en ai une plus puissante. Je vais vous la donner aussi. » « - Haaannn ! Je peux l’écrire ? » « Vous la savez déjà par cœur. » « C’est pas possible ! Je ne suis pas sûre… Moi, c’est la plus puissante que j’ai découverte… ! » « Je vais vous la dire, la plus puissante : Notre Père, qui es aux cieux, Que ton nom soit sanctifié… C’est Jésus lui-même qui nous l’a enseignée. Vous vous rendez compte ? C’est la plus puissante de toutes ! Pas comme vous l’imaginez. C’est celle qui vous redonne un cœur d’enfant. » Quand les apôtres disent à Jésus « Apprends-nous à prier », il ne dit pas d’apprendre une formule, une technique, la formule magique de la prière. Ils sont saisis par la façon avec laquelle Jésus parle avec son Père. Ils connaissaient la prière juive. Avec les phylactères, proche du cœur, sur le bras gauche, sur le front. Les papillotes, la kippa. Et ce mouvement : le balancier. Il faut se bouger… Ils connaissaient ça, mais tout d’un coup, de voir en silence, Jésus… Ils se disent : « Mais, c’est quoi ton secret ? » Et le secret n’est pas dans une formule, mais dans une relation personnelle avec le Père. C’est ça le grand secret, voyez-vous… C’est ça le gigantesque secret.
La sainteté
L’Eucharistie est au cœur de ce renversement total. Thérèse de l’Enfant Jésus disait : « La sainteté n’est pas dans telle ou telle pratique. Elle consiste dans une disposition du cœur qui nous rend humble et petit entre les bras de Dieu, conscient de notre faiblesse et confiant jusqu’à l’audace en sa bonté de Père. » À sainte Faustine : « Tu vois, mon enfant, que tu es par toi-même la cause de tes échecs. C’est que tu comptes trop sur toi et que tu t’appuies trop peu sur moi. Mais que cela ne t’attriste pas outre mesure. Je suis le Dieu de la miséricorde. Ta misère ne saurait épuiser mon amour puisque je n’ai pas limité le nombre de mes pardons. Saches, mon enfant, que les plus grands obstacles à la sainteté sont le découragement et l’inquiétude. Ils t’enlèvent la possibilité de t’exercer à la vertu. Toutes les tentations réunies ne devraient pas, même un instant, troubler la paix de ton cœur. Quand à l’irritabilité et au découragement, ce sont les fruits de ton amour-propre » : le diagnostic médical, par Jésus, sur notre vie intérieure. Et autre chose lié à ce drame du péché…
L’athéisme
Chesterton, un auteur anglais, disait : « Il n’est pas vrai que lorsque l’homme a cessé d’adorer Dieu, il ne croit en rien. Il croit en n’importe quoi. » Un monde incroyant, qui refuse le Dieu de Jésus-Christ, n’est pas un monde qui ne croit en rien. Il croit en n’importe quoi. On a vu des gens extrêmement savants adhérer à des sectes complètement débiles… Le Temple solaire osait prendre la comète Cyrus pour aller dans l’espace interstellaire… enfin, il y avait des gens brillants qui étaient là ! Qui avaient fait de hautes études, bac + machin… Et crétins comme tout ! Et il y a des gens tout simples qui sont puissamment intelligents parce qu’ils ont l’intelligence de la lumière de la Parole de Dieu. Et donc, un monde sans Dieu, est un monde idolâtre. Un monde qui n’adore pas le vrai Dieu. L’homme ne peut pas ne pas adorer. L’homme ne peut pas ne pas se prosterner. Et s’il ne se prosterne pas devant le vrai Dieu, il se prosterne devant de faux dieux. Il va idolâtrer la science, le savoir… L’athéisme est impossible en lui-même. Il y a un très beau livre de Fabrice Hadjadj là-dessus, La foi des démons ou l'athéisme dépassé, où il montre que si on est dans la pure logique de l’athéisme de se couper délibérément de ce qui donne sens à la vie, l’homme ne peut que se suicider. Il ne peut qu’être conduit à la mort. Donc, l’athéisme en soi est impossible. Le problème, c’est que j’ai rejeté le Dieu de Jésus-Christ, mais que je peux très bien adorer d’autres dieux : mon ego, mon moi, ma santé, une personne, mon enfant, ma femme, mon époux, mon travail, mon sport, mon loisir, telle vedette de cinéma ou de la chanson… Bref… Il y a un culte qui est rendu, qui donne sens à mon existence. Et on comprend bien ! C’est pour ça qu’il ne faut pas être sévère face à cela, parce que ça révèle ce qu’il y a de plus profond au cœur de l’homme. L’homme ne peut pas ne pas être relié. C’est une des étymologies de religion : relié. Voilà… Et alors, l’Eucharistie vient nous libérer de ça, voyez vous…
L’adoration
L’homme a un lieu devant qui se prosterner. Le pape Benoît XVI disait : « Nous trouvons ici ce qui est constitutif de l’adoration eucharistique. S’agenouiller en adoration devant le Seigneur. Adorer le Dieu de Jésus-Christ qui s’est fait pain rompu par amour est le remède le plus valable et radical contre les idolâtries d’hier et d’aujourd’hui. S’agenouiller devant l’Eucharistie est une profession de liberté. Celui qui s’incline devant Jésus ne peut et ne doit se prosterner devant aucun pouvoir terrestre, aussi fort soit-il. Nous les chrétiens, nous ne nous agenouillons que devant Dieu, devant le Très-saint Sacrement, parce qu’en lui nous savons et nous croyons qu’est présent le seul Dieu véritable qui a créé le monde et l’a tant aimé au point de lui donner son Fils unique. » C’est la profession la plus révolutionnaire que nous puissions faire. J’ai vécu une expérience un peu étonnante : un jour, j’ai rencontré un jeune qui était complètement athée, qui avait quand même été baptisé dans son enfance, mais qui avait grandi dans un milieu non croyant et qui avait été loin de tout. Et puis il suit un chemin de foi et il demande la confirmation. J’étais son parrain de confirmation. On se retrouve dans une paroisse de Lyon, avec tout le côté catho… c’était l’Emmanuel qui tenait la paroisse. Avec tout son milieu professionnel - il était dans l’aviation - de gens athées, musulmans… Il avait invité tout le monde, parce que c’était un homme avec un beau relationnel, tout le monde était là à sa confirmation. À la fin, il y avait un petit repas, dans un hall de gymnastique. Il avait mis une croix, comme ça. Et à la fin, il me dit : « Il faut que tu leur parles. » « Écoute, je ne sais pas que dire… t’as les cathos pratiquants, charismatiques et puis t’as les athées et les musulmans… Qu’est-ce que tu veux que je leur raconte… ? » « Il me fait : « Ça, c’est ton problème, c’est pas le mien. Vas-y ! » Je dis : « Attends… C’est un peu fort… Attends… » « Ouais… Je te passe la parole ! » Alors, il annonce au micro. Et moi, j’étais tellement déconcerté que je suis arrivé devant la croix, je me suis prosterné, mais complètement, le front au sol, en disant : « Jésus, là, c’est à toi de jouer, parce que moi je ne sais pas que dire… je ne sais vraiment pas ce que je vais dire ! » Je me relève. Je raconte des choses, je ne sais pas quoi, bref… À la fin, il y a un monsieur qui vient me voir et qui me dit : « Voilà… Je suis musulman. Je veux devenir chrétien. » Je dis : « Ça fait longtemps que vous songez à ça ? » Il me dit : « Non, tout à l’heure. » Je dis : « Comment ? » « Parce que quand vous vous êtes prosterné, le front par terre, en face de la croix, comme nous on le fait en direction de La Mecque cinq fois par jour, j’ai su que vous étiez devant le vrai Dieu. » Il a été baptisé deux ans plus tard. Alors, je lui ai présenté le curé de la paroisse. Je lui ai dit : « Écoutez, moi je suis absent… » Et deux ans plus tard, j’ai reçu la nouvelle qu’il avait été baptisé. Parce qu’on s’est prosterné devant le vrai Dieu, voyez-vous… Et ça, je crois que c’est un acte d’adoration incroyable. Et nous avons ce vrai Dieu…
À l’époque, comment s’appelle-t-il… ? Ce chef touareg, qui était venu… heu… Ah ! Ce grand… qui était venu à Paris pour les négociations… Il était avec le grand général de l’armée française qui l’accompagnait… Ah ! mince, je suis fatigué, là… Bref ! Et puis tout d’un coup le prêtre… on est au XIXème siècle, le prêtre portait le saint Sacrement à un malade avec les cierges et tout, et puis le général s’agenouille sur le trottoir. Et il dit : « Qu’est-ce que tu fais là !?… » « Je m’agenouille devant mon Dieu qui est porté par le prêtre. » Et ce chef… Abd el-Kader ! Abd el-Kader lui dit : « Vous vous agenouillez devant un Dieu porté par un prêtre ! Chez nous, on a une plus haute idée de Dieu que ça, dans l’islam ! » Et le général lui répond : « C’est parce que vous avez une idée de Dieu que vous ne pouvez pas comprendre. » Dieu n’est pas une idée : c’est le Verbe fait chair, voyez-vous… Et nous, chrétiens, on a parfois des idées de Dieu. Et on refuse de rentrer dans la logique de l’Incarnation. Dans la stupeur de l’Incarnation. Dans la stupeur de l’abaissement, de la kénose. Du lien… Donc, on est au cœur de ce renversement.
Le cardinal Garonne disait à l’époque : « Notre temps a perdu le sens de Dieu. C’est-à-dire qu’un monde naît, il est né déjà, où ne s’affirme aucune présence spirituelle. La mobilisation s’impose donc de toutes les puissances d’adoration dont l’Église du Christ est riche. La perte sensible du goût de l’adoration eucharistique, loin de marquer une purification du sens religieux, révèle au contraire un abandon mal avisé et inconscient au courant des choses de ce monde. »
Une autre grande prophète de l’Eucharistie, Théodelinde, Marie-Thérèse Dubouché. Marie-Thérèse du Sacré Cœur qui a fondé les Sœurs de l’Adoration Réparatrice disait qu’il fallait retrouver ce sens de l’adoration, que c’était là que tout allait pouvoir se transformer. « Quand nous ne ferions autre chose par notre présence perpétuelle à l’église que d’attester la Présence perpétuelle de Jésus au Très Saint Sacrement, quand nous ne prononcerions d’autres paroles que celles-ci : « Dieu est là ! », il me semble que nos vies seraient dignement et utilement employées. » C’est le sens de l’adoration perpétuelle ici à Montmartre depuis 130 ans. Donc voyez vous, cette guérison profondément théologique. Et c’est là qu’il faut comprendre à quel point le Christ vient nous rejoindre, vient nous guérir et à quel point il vient nous transformer par cette présence eucharistique.
L’orgueil
Il y aurait aussi peut-être un point plus anthropologique… Je le relèverai assez rapidement, il y aurait plusieurs points à relever, mais… peut-être 2 choses là dessus ; 3 choses ; 4 choses. Rapidement, il y en a plusieurs, oui : 4. Le première, c’est l’orgueil. Je ne sais pas si tout le monde voit ce que c’est, ça, l’orgueil… Ça vous dit quelque chose, ça ?… Je reviens à cette phrase de Benoît XVI : « Sa façon d’être Dieu provoque sa façon d’être homme. » Qui suis-je pour revendiquer quoi que ce soit devant ce Dieu qui s’abaisse à ce point ? Qui suis-je pour revendiquer quelque reconnaissance que ce soit devant un Dieu qui se fait si pauvre, devant moi ? Et qui me rejoint dans ma pauvreté. Qui me rejoint dans ma misère. Il est descendu jusqu’à ce point pour m’apprendre le vrai chemin de la dignité : accepter d’être ce qu’on est. Mais en même temps, reconnaître cette pauvreté, cette vulnérabilité, rejeter cet orgueil devant le Christ qui s’est abaissé, le Dieu Tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre, qui se rend présent sous l’apparence d’un bout de pain. Et comme disait un théologien : « C’est même pire aujourd’hui… Parce qu’avant de faire croire que c’est Jésus sous l’apparence de l’hostie, il faut déjà faire croire aux gens que cette petite pastille blanche qui n’a ni le goût du pain, ni l’apparence du pain, ni rien d’un pain… est un pain. » C’est-à-dire qu’on a réduit le signe eucharistique à tel point… que finalement on dit que c’est du pain mais, nos frères et sœurs orthodoxes ont vraiment du pain. Et on se dit : « Oui, c’est du pain qui devient Dieu ». Mais, nous, cette petite hostie… même à une certaine époque on se faisait un honneur de la faire la plus fine possible pour que la plus grande légèreté porte le plus grand être. Mais, non… manger, ce n’est pas déguster. On n’est pas en cuisine gastronomique, voyez vous… On est en Vie ! Je veux manger cette chair du Fils de l’homme ! Au point que des fois… J’ai un ami évêque qui est en Amérique latine, qui a célébré 5 messes dans différents quartiers d’un bidonville, le même dimanche, et un petit garçon était là à chaque messe et venait communier. Alors, à la fin, il dit : « Mon petit, dis donc ! t’aimes Jésus pour venir… » « Non… j’ai très faim ! ». Il a dit : « J’ai compris… Il avait raison. Il avait même raison comme ça !… » Il avait faim physiquement, il venait chercher l’hostie pour manger quelque chose. Le Seigneur, ensuite, Il se débrouille, dans son cœur, hein ! C’est son job.
L’estime de soi
Donc, premier point, l’orgueil. Mais en même temps, l’estime de soi. On cherche tous un regard qui nous fasse exister. On cherche tous un regard qui nous fasse vivre. Parce qu’on a besoin d’être regardé. Il y a des psychologues comme Erik Erikson qui montrent que le capital confiance d’un enfant se fait par le regard posé par deux ou trois personnes dans la première année de la vie. C’est le regard paternel, maternel, des frères et sœurs, des grands-parents… très peu de personnes, le capital ‘confiance’ d’une vie… - Erik Erikson montre ça - se situe à ce niveau là. On a tous ce besoin. Et parfois, quand ce regard a manqué, ou quand le regard a dévisagé plutôt que d’envisager ; quand le regard a détruit, plutôt qu’il n’a construit… alors je suis très blessé. Et sous le regard du Christ Eucharistie, je revis. Un jour une fille avait fait 5 tentatives de suicide. J’étais encore dans mon ermitage à l’époque : il y avait 480 marches d’escalier, dans une grotte, un petit rocher… Et je la vois… Il y avait une chapelle à côté. Donc, elle était montée là-haut. Elle avait 15 ans. Et quand j’ai vu la tête qu’elle tirait, je l’ai prise par les épaules et je lui ai dit : « Tu sais que tu es belle ? Dieu t’aime et je t’aime. » Ce que je ne savais pas c’est que son père lui avait dit en psychothérapie familiale : « Tu peux crever, j’en ai rien à foutre ! »… Elle a fait 5 tentatives de suicide et ce jour là elle était montée avec un pistolet dans son sac en se disant qu’avec une balle dans la tête et 135 mètres de chute à-pic elle n’allait pas se louper. On a passé 3 heures ensemble. Elle ne disait rien. « Oui / Non ». La seule chose qu’elle m’a dite c’est : « Je ne crois pas en Jésus. » Elle est descendue par les escaliers. Elle est venue le deuxième jour, le troisième jour. Le troisième jour elle est venue là. Je dis : « Écoutes, tu es trop blessée. Je vais te dire, je vais être cash avec toi. Il n’y a qu’une chose qui peut te relever : c’est te laisser regarder par Jésus. » Elle dit : « Mais je t’ai dit que je n’y croyais pas ! » Je dis : « Ça ne fait rien, Lui, Il croit en toi. » Elle dit : « Ça veut dire quoi ? » Je dis : « Eh bien tu vois, moi, je passe des nuits de prière à la chapelle, à côté. Tu peux venir passer une nuit, si tu veux. Tu viens à 10h du soir, jusqu’à 6h du matin. On va adorer Jésus. » Et je dis : « Tu vois, il y a des gens qui vont passer des heures sur la plage cet été, à se bronzer recto, verso, pile/face… » ce qui n’est pas mal en soi, mais… Mais parfois le cœur revient tout pâle, vous voyez… Là dans la chapelle, la nuit, pas de risque de coup de soleil ! Extérieur en tout cas, mais à l’intérieur, oui, dans le cœur. Je pensais à cette phrase du prophète Malachie : « Le soleil de justice brille portant dans ses rayons notre guérison » qui est la dernière prophétie de l’Ancien Testament - après c’est l’Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu -, où on annonce que le prophète Elie viendra ramener le cœur des enfants vers leur père et le cœur du père vers les enfants. Et c’est la troisième fois dans le Targum, c’est-à-dire dans le texte en araméen de l’Ancien Testament, que le mot ‘Abba’ revient. On nous dit que ‘Abba’ est là, aux portes. Dans l’Ancien Testament c’est 170 fois que ‘Abba’ est là. Donc… je lui parle de ça, elle part au pas de course et elle revient, elle me dit : « Ok ! D’accord, mais 9 nuits ! » Elle m’a dit que sa grand-mère faisait des neuvaines, alors elle voulait faire neuf nuits. Alors elle revient et le premier soir, de 10h du soir à 6h du matin, elle était les yeux rivés sur l’hostie, comme ça. Elle ne bougeait pas. Moi, j’étais comme ça à côté (il mime le fait d’être pantelant). Et je me relevais et je disais : « Houlala… ! Il faut que je m’y mette ! » Elle, rien. Je dis : « Ça a été ? », à 7h du matin, elle me dit : « Oui » « Eh ben, tu peux revenir une autre fois, si tu veux. » Elle dit : « Je viens ce soir ! » Je dis : « Non, pas toutes les nuits. On fait une nuit sur deux. C’est trop… » Elle a fait les neufs nuits. À la fin, elle ne pouvait pas parler, encore. Elle m’a écrit un mot : « Nicolas, je suis tombée si bas, si bas… qu’au fond du trou je me suis cassé le nez sur Jésus. Et comme un trampoline il m’a renvoyé la lumière ! Je me trouvais moche, nulle et conne. Et Jésus m’a dit : « Tu es ma fille bien-aimée, je t’aime » dans ces nuits d’adoration. » Elle s’est revue avec le regard de Jésus. Elle a fait sa confirmation 6 mois plus tard. Elle a passé son bac après. Elle est mariée et a deux enfants. Pour la petite histoire : il y a trois ans en arrière maintenant, je célébrais la messe à 7h du matin dans notre petite chapelle dans notre communauté et je vois un homme dans le fond de la chapelle. Et puis je me dis : « Mais, ce type, je l’ai vu quelque part mais je ne sais plus où le situer… » et je ne comprenais pas. À la fin il me dit : « Vous vous souvenez de moi ? » Je dis : « Votre visage me dit quelque chose mais je ne me souviens plus où on s’est vu. » Et il me dit le nom de cette fille. Et je comprends : c’était le papa de cette fille. Et il m’a dit : « Je me suis converti et je suis venu à la messe ici ce matin parce que je vais garder les enfants de ma fille. Elle travaille aujourd’hui. » Elle est enseignante, elle a fait un master en lettres classiques, après… Et donc, il me dit : « Comme je vais garder les enfants je suis venu à la messe avant. Ça fait plaisir de venir à la messe ! » Je trouve ça tellement beau ! Jésus Eucharistie qui vient faire ce miracle, voyez vous… : Tu peux crever, j’en ai rien à foutre ! / Je vais garder les enfants de ma fille. Vous voyez, le chemin… Parce que le regard du Christ s’est posé là-dessus, voyez-vous… Donc, deuxième point : l’estime de soi par le regard du Christ.
L’émotionnalité
Troisième point : l’émotionnalité. On est pris dans un monde très émotionnel, aujourd’hui. C’est l’exaltation de l’émotion. C’était un philosophe, Michel Lacroix, qui a écrit un livre sur cette question-là. Et il a une expression dedans : ‘l’homo sentiens’. L’homme qui sent. On avait l’homo sapiens sapiens, et là c’est ‘sentiens sentiens’. Où tout est dans le ressenti. Je sens et toute l’existence est faite de ce ressenti, y compris le jugement moral. Franchement, dans l’Eucharistie, je ne sais pas si vous avez déjà vécu ça, mais… on ne ressent pas grand chose. Si on vient de temps en temps, comme ça, Dieu est bon, il peut nous donner des choses, mais à la longue, à passer des heures devant le saint Sacrement, on ne sent pas grand chose. Mais on pose des actes de foi. Et ça, ça nous structure. Quand je ne ressens rien et que je vois… comme disait un gars un jour : « J’ai l’impression d’être comme un rat crevé derrière une armoire en face d’un bout de carton blanc ! ». Je dis : « Ah ! Très bien. Toi, tu n’es pas un rat crevé derrière une armoire. Tu es un être vivant racheté par le sang du Christ ! Et le bout de carton blanc c’est ton Sauveur, Jésus-Christ ! Et tu poses cet acte de foi et ça te structure. » Ils ont besoin d’être structurés par la foi qui perfectionne la raison et qui vient guérir nos émotions, qui vient ordonner notre sensibilité. Non pas pour la nier, mais pour l’ordonner et pour la guérir d’un monde extrêmement émotionnalisé. L’adoration eucharistique doit être aussi une guérison de notre émotionnalité pour resituer notre vie en perspective d’une rationalité perfectionnée par la foi, d’une vérité qui nous libère.
L’acédie
Le dernier point, c’est l’acédie. L’acédie est une tristesse spirituelle. Le pape en parle, d’ailleurs, dans son dernier texte. S. Thomas d’Aquin nous dit que c’est le dégoût de la joie qui naît de l’amour de Dieu. Il rattache l’acédie à un des fruits de l’amour de Dieu répandu en nos cœurs par l’Esprit Saint. Il y a trois fruits, dit-il : la paix, la joie et la miséricorde, qui se traduit en œuvre de miséricorde. Deux fruits internes : la paix, la joie. Un fruit externe : la miséricorde. Et la joie est rongée par la tristesse, par la tiédeur, par le manque de ferveur. Par le ”bof !”, ”rien à faire… !”, ”tout m’ennuie…”. L’acedia dans les textes d’Evagre le Pontique, un Père du désert, c’est celui qui prononce à moitié les paroles de la prière, qui est toujours en train de regarder par la fenêtre, qui veut toujours être ailleurs que là où il est, qui en a marre de tout, qui ne supporte plus rien, qui s’énerve facilement… parce qu’il n’y a plus la joie d’être aimé de Dieu et d’aimer Dieu. L’adoration eucharistique est un lieu de renouveau de la ferveur, de l’amour. D’abord, c’est le sacrement de l’Amour. Qui communique l’Amour ? La grâce propre de l’Eucharistie, c’est l’amour. Mais c’est un lieu où je vais être revivifié dans cet amour ! Et finalement, j’allais dire… c’est parfois un peu au degré d’adoration que je juge un peu mon amour, si j’ose dire… Il y aura la miséricorde et l’amour à l’égard de mes frères et sœurs. C’est Mère Teresa : c’est parce qu’on a contemplé, adoré Jésus au saint Sacrement ici, dans la chapelle, qu’on est capable de le reconnaître sous le visage du frère ou de la sœur, souffrant derrière. J’étais un jour à Calcutta, je parlais avec Mère Teresa devant la porte d’entrée, et tout d’un coup il y a une sœur qui sort et Mère Teresa dit : « Sister ! Come here ! ». La sœur qui était en train de partir revient. « Ma sœur, vous restez ici aujourd’hui. Vous n’allez pas dans les centres du mouroir. » Et la sœur dit : « Ah bon ? C’était prévu… » « Non ! Avec la tête que vous tirez, les pauvres ont déjà suffisamment à supporter sans supporter votre tristesse ! ». En direct ! J’étais à côté, j’ai entendu, hein ! Houlala… j’ai fait semblant de rien… « Oui, ma Mère !… » « Allez à la chapelle trouver Jésus, vous allez faire le ménage après, ici. » Wahouw ! Avec la tête que vous tirez les pauvres ont déjà suffisamment à supporter sans supporter encore votre tristesse. Ouf ! La douce et sainte Mère Teresa… Directe et percutante.
Donc, voilà, je crois qu’il faut qu’on arrête pour aller célébrer la messe. Merci Seigneur. Amen.
P. Nicolas Buttet, fondateur de la Fraternité Eucharistein
21 avril 2018, salle Saint-Ephrem, Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, Paris 18ème
[1] Voici le texte de Benoît XVI, citant S. Bonaventure : « Laissons-nous remplir à nouveau de cette joie : Où y a-t-il un peuple à qui Dieu est aussi proche que notre Dieu est proche de nous ? Si proche qu'il est l'un de nous, au point de nous toucher de l'intérieur. Oui, d'entrer en moi dans la Sainte Eucharistie. Une pensée qui peut être déconcertante. Sur ce processus, saint Bonaventure a utilisé, une seule fois, dans ses prières de Communion, une formulation qui secoue, qui effraie presque. Il a dit : Mon Seigneur, comment a-t-il pu te venir à l'esprit d'entrer dans les latrines sales de mon corps ? Oui, Il entre dans notre misère, il le fait avec conscience et il le fait pour nous pénétrer, pour nous nettoyer et pour nous renouveler, afin que, grâce à nous, en nous, la vérité soit dans le monde et le salut se réalise". »
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Adoration Saint Martin — Ré-évangéliser les campagnes (Centre-Val-de-Loire)
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