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  • Artiste : témoin d'intériorité & d'extériorité - Quelle forme au témoignage ?

    L'encielement Édith & Etty 4.jpgLe 25 février 2014, à 04:45 Gérard Leclerc a écrit : 

    Pardonnez-moi, mais c'est un peu par hasard que j'ai pris connaissance de vos textes, à vrai dire suite à une Insomnie. Et j'ai été extrêmement intéressé et touché par tout. Par exemple votre découverte de cet auteur très singulier qu'est Pascal Quignard, et plus encore ce que vous dites de l'immense Édith Stein. 

    Merci pour votre belle expérience intérieure. 

    Cordialement, 
    Gérard Leclerc


    L'encielement Édith & Etty 7.jpgLe 13 février 2014 à 15:29, Sandrine Treuillard a écrit : 

    Cher Marc, 

    Je voulais te répondre plus longuement et d'abord te remercier d'avoir amorcé ce dialogue. 

    Hier j'étais à ma tâche de gouvernante (d'un enfant de 14 ans dont je m'occupe depuis ses 9 ans), & j'ai profité de la journée d'hier & de la nuit pour méditer ce que tu m'as écrit.

    J'ai en effet "repris à mon compte" une partie de ce texte de « La Joie de l'Évangile » du Pape François Le temps est supérieur à l'espace sur « Machina Perceptionis ». 

    Je voulais te répondre en tant qu'artiste.  

    Mon cheminement intérieur, spirituel, en tant qu'artiste (qui forme un tout) a été contextualisé dans une époque, une sensibilité sociale puis politique. Une sensibilité avant tout liée à des lieux & à un sentiment religieux, & d'abord païen, de la nature dans ces lieux de campagne et de petites villes rurales (le Cher, villages au nord de Bourges, & le Loiret, Briare-le-Canal, puis à nouveau le Cher, Vierzon).

    La petite église romane de mon village d'origine (Sury-ès-Bois), où j'ai été baptisée à l'âge de un an, a été la première architecture à accueillir & à canaliser mon sentiment religieux, & la vie mystique qui avait commencé très tôt dans mon enfance. 

    Les séances de catéchisme avec une dame du village qui nous transmettait sa foi & son amour, puis avec le prêtre de la paroisse, & les pèlerinages à la Basilique de Saint-Benoît-sur-Loire, Vézelay, la visite de la châsse de sainte Bernadette à Nevers, & surtout le témoignage d'une carmélite au Carmel de Nevers, ont encore renforcé cet élan religieux que j'avais développé naturellement au contact de la nature, de ce Pays Fort, paysan… si bien, que lors de la profession de foi/Communion, à mes 12 ans, j'entrais tout sourire dans les ordres, devenais l'épouse de Jésus, avais le grand désir de consacrer ma vie à la religion catholique, carmélite (cloîtrée, absolument).

    Mais la vie en avait décidé autrement. 

    Je devins femme durant cette douzième année, mon corps me faisait vivre des choses sexuels dont je débordais sans les comprendre, ni les maîtriser, avec un grand sentiment de culpabilité, laissée à moi-même, sans accompagnement personnel qui aurait pu permettre de canaliser ces énergies & de comprendre ce que la puberté fait vivre à chacun. 

    À mes 13 ans, lors de la Confirmation, j'eus l'horrible sentiment d'être abandonnée de Dieu : je ne recevais plus ce que je lisais entre les lignes dans les Évangiles, cet amour de Jésus qui m'irriguait alors, j'eus le sentiment de trahir l'Église qui confirmait ma foi en le catholicisme (au passage, une étymologie du catholicisme : "selon le tout", "cat" : selon ; "holisme" : le tout). 

    J'ai vécu depuis lors 21 ans d'enfer sur terre, ce qu'on appel la déréliction. L’enfer étant cette coupure d’avec l’Amour de Dieu. 

    Au contact de Pascal Quignard, en le lisant, puis en lui écrivant, j'ai touché à nouveau à ce sentiment religieux de mon enfance & prime adolescence. 

    En 2005, j'eus quelques expériences de respiration en apnée. 

    De ces expériences est née la performance (« Ce qu'il y a de pierre en moi ») à laquelle tu assistas sur l'île Pomègues à Marseille, & dont les "Instants Vidéo" ont été l'écrin avec « Par ce passage… infranchi » initié par Christophe Galatry. 

    Puis, j'explorais en vidéo cet espace-temps spirituel en contemplant la nature dans la durée du temps présent. 

    Je continuais de découvrir Quignard. En lisant « L'être du balbutiement » (Essai sur Sacher-Masoch), je tombai sur une description de mon processus en vidéographie qui me subjugua, tant ce qu'il écrivit à l'âge de 20 ans me semblait parler directement de ce que je vivais en filmant. 

    Ce passage s'intitule « Sur la question de l'Exspectatio », une notion d'Augustin d'Hippone (saint Augustin, en Afrique du Nord…). 

    À la suite de ceci, tout naturellement, je lu les « Confessions » de saint Augustin. 

    Et là, c'est en 2007-2008, je fais retour à la source, à l'origine de mon sentiment religieux de la vie. Mais ce n'est pas encore consciemment déclaré. 

    Je pars en Sicile & Naples pour la seconde fois en février 2008. Je ne comprends rien à ce que je vis, à ce pour quoi je suis là-bas. 

    À mon retour, je revois Quignard qui me rapporte mes lettres pour que je les photocopie.

    C'est Pâques 2008. J'eus alors une expérience lors d'une séance de respiration en apnée qui me fit très peur, de l'ordre d'une manifestation spirituelle dans le corps, un parcours initiatique intérieur en 45 minutes, où un chant s'éleva en moi, une vibration s'augmentant des pieds à la tête, très musicale, qui se termina par le son le plus aigu que jamais je n'imaginais que mon corps puisse produire, avec la sensation couplée d'un faisceaux de lumière sortant par le haut de mon crâne… 

    Ce fut la dernière respiration en apnée, je décidai de cesser, j'avais été atteinte par quelque chose qui m'effraya. 

    Le 21 juin 2008, je rencontre Rémi sur le Marché de la poésie, place Saint-Sulpice, sur le stand de Jérôme Mauche qui deviendra mon témoin lors de notre mariage religieux le 14 février 2009. 

    Rémi avait été lui-même baptisé la nuit de Pâques 2008. 

    Cet été là, je lui demandai de m'emmener à la basilique de Saint-Benoît-sur-Loire, attirée par une force irrésistible. 

    C'est là que j'eus ma "reconversion", quand je mis si longtemps à franchir le seuil de la basilique, un remuement intérieur inédit, le temps, justement, n'était pas celui naturel & habituel, & j'avançai sur la gauche, une phrase s'est dite à mon cœur "J'entre dans la maison du Seigneur" et je m'écroule en pleurs derrière le premier pilier. 

    Ce que je vis alors, avant de me mouvoir sur la gauche, immobilisée par l'émotion, je le vis lors de la vision intérieure de cette séance de respiration en apnée, aux alentours de Pâques : la nef romane baignée d'une douce lumière… 

    Je demandai alors à Rémi, qui me ramassa à la petite cuillère, de rester à l'office du soir des moines bénédictins (les Vêpres). À la prière du "Notre Père", une grande émotion m'étreint. 

    Je suis alors accueillie à nouveau par Dieu. 

    Toutes mes explorations en vidéographie prennent alors enfin leur sens qui était caché au sein de ma pratique. Filmer, prier & célébrer se confondent, se répondent… Je suis enfin centrée, rassemblée, unifiée dans mon être entier. 

    Le social dans tout cela : Lutte ouvrière à l'internat au lycée de Vierzon de 16 à 18 ans. 

    Mon père "patron" d'un ouvrier, artisan ébéniste amoureux de son métier & ne comptant pas ses forces, compagnon du devoir sur le tard, son nom "L'amour du bois". 

    Longtemps je lui en ai voulu d'être l'esclave de son travail, sans percevoir l'amour qu'il déployait à l'exercer (déformation de mon regard due en grande partie au militantisme obtus de Lutte Ouvrière). Quand j'entrai à 18 ans aux Beaux-Arts de Bourges, j'en étais là. 

    J'ai recontacté ma vérité intérieure bien longtemps après les 7 années qui ont séparé l'entrée & la sortie des écoles d'art. C'est en filmant que j'y ai vraiment accédé. En contemplant. En écrivant aussi. 

    foiLa dernière vidéographie « Institut de beauté » qui date de juin 2012 est un achoppement qui résume assez bien les rapports esthétiques, artistiques, intérieures… au "loisir" de filmer, au "loisir" de "travailler" dans la nature, au "loisir" d'observer avec bonheur mon père se réaliser dans son domaine, La Sourdaie. 

    Je ne t'avais pas envoyé ce film, un problème technique jamais résolu m'avait empêchée d'en produire des dvds. Il est entièrement en ligne sur Youtube, & le texte qui l'accompagne sur ce lien est ce que je souhaitais te donner à lire, qui est en relation avec la société, les événements au sein d'un processus historique du rapport au travail. 

    foi"Institut de beauté" : Portrait d'un homme dans son paysage

    J'ai aussi produit un texte qui fait office de manifeste, en lien avec la grande phénoménologue allemande, Édith Stein, disciple de Hüsserl, juive convertie au catholicisme, devenue carmélite et exterminée à Auschwitz en 1942 : 

    "En fait d'impressionnabilité, l'enfant, l'artiste & le saint son frères". 

    Elle est aussi docteur de l'Église, ses textes sur la femme, la transmission, l'amour de Dieu sont magnifiques.

    foiActuellement, je boucle une vidéographie que j'espère t'envoyer à tant : il me reste à poser le titre & génériques : "Enciellement Édith Etty". 

    Je pense que ce n'est pas un hasard si tu as répondu à ce mail « Le temps est supérieur à l'espace », même si nous ne sommes plus, en cette fin de lettre, au même point qu'en son commencement… 

    Je te remercie amicalement de m'avoir "provoquée" à t'écrire tout ceci, et je termine en t'indiquant une autre lecture rafraîchissante : "Connaître & aimer son pays"…

    Car toute ma vie est sous le signe de connaître, reconnaître, aimer…

    Bien à toi, cher Marc,
    Sandrine

     

     

    MarcMercier-Bergers vallée du Jourdain.jpgLe 17 févr. 2014 à 06:47, Marc Mercier a écrit : 

    Chère Sandrine, 

    Je te remercie d'avoir pris ce temps pour me confier cette histoire de vie. Je perçois quelque chose, je crois, de ton cheminement. 

    C'est étrange de lire cela depuis la Palestine où je suis en ce moment. J'étais hier à Bethléem et ce soir je dormirai à Jérusalem. Territoire où règne la plus absolue des injustices. Comme à chaque fois où je m'y rends, je reviens chargé du devoir de témoigner, de dire ce que j'ai vu et entendu. Avec cette question : comment traduire poétiquement et politiquement une colère ? 

    Je te souhaite une douce journée et t'envoie cette image de bergers de la vallée du Jourdain, rieurs malgré tout, 

    Bien à toi,
    Marc

    MarcMercier-Bergers vallée du Jourdain.jpg


    Le 9 mars 2014 à 10:44, Marc Mercier a écrit : 

    Bonjour Sandrine, 

    Voici un petit compte rendu de mon séjour en Palestine… 

    Bien à toi,
    Marc 

     

    RETOUR DE PALESTINE DE DEUX MEMBRES DES INSTANTS VIDÉO (Marseille) 

    Une délégation composée de huit représentants d’associations membres du REF (Réseau Euromed France) s'est rendue en Palestine afin de rencontrer des associations et personnalités politiques locales. 

    Du 13 au 19 février, Nacer El Idrissi (ATMF), Tarek Ben Hiba (FTCR), Marc Mercier et Naïk M’Sili (Instants Vidéos Numériques et Poétiques), Stéphane Assézat (AP2i), Ahmed Jemai (Agence Act’Médias Presse), Giovanna Tanzarella (Fondation René Seydoux) et Marion Isvi (Chargée de mission du REF) sont allés à Ramallah, Jérusalem, Bethléem, Bil’in, Naplouse et dans la Vallée du Jourdain pour faire le point sur la situation sur place. 

    Tentative de restitution de ce que nous avons vu et entendu. 

    Un compte-rendu plus complet rédigé par l'ensemble de la délégation du REF sera bientôt rendu public. Ce document a été écrit à partir des notes de voyage de Marc Mercier. 

     

    13 février 

    Nous sommes dans l'avion Air France qui nous mène depuis Paris à Tel Aviv. Soudain, une voix nous annonce : « Dans 30 minutes, nous entrerons dans l'espace aérien d'Israël. Nous vous demanderons de ne plus circuler dans la cabine ». Naïk a demandé à un steward les raisons de cette annonce : « Ce sont les Israéliens qui exigent que nous fassions cet appel. Nous sommes même sensés donner les noms des personnes qui n'appliquent pas ces consignes. » 

    Aéroport, quelques interrogatoires prolongés pour trois ou quatre d'entre nous, un pied de caméra cassé… 

    Le soir, Ramallah. Au sortir d'un restaurant, nous assistons à une dispute entre un jeune niché dans une voiture de luxe et un petit groupe de jeunes gens. Nous apprenons que la colère provient du fait que le conducteur est membre d'une famille de riches corrompus, proche de l'Autorité Palestinienne. 

    Nous discutons longuement avec eux de la situation actuelle de la Palestine. Ils ne sont pas très optimistes : « Ils sont forts. Nous sommes faibles ». « Résister, c'est déjà rester vivre en Palestine ». 

    Nous finissons par leur poser deux questions que nous reposerons systématiquement à tous nos interlocuteurs, auxquelles (à notre grande surprise), nous obtiendrons toujours les mêmes réponses : 

    — Que pensez-vous que nous (étrangers) pouvons faire pour vous aider dans votre lutte pour la libération de la Palestine ? Tous ont répondu : Faire connaître cette initiative non-violente de la société civile palestinienne : le BDS (Boycott. Désinvestissement. Sanctions). 

    — Que souhaitez-vous ? Deux états ou un seul ? Tous répondent qu'étant donné l'état d'avancement de la colonisation, du morcellement de la Cisjordanie, de la coupure avec Gaza, la solution des deux États n'est plus sérieusement envisageable. Nous voulons un seul État. Une Palestine laïque dans laquelle vivront ensemble des musulmans, chrétiens, juifs, samaritains, athées…  

     

    Marc Mercier Bill'In %22bataille%22.jpg14 février
    Matin 

    Notre délégation se rend au village de Bil'in située à une douzaine de kilomètres à l'ouest de Ramallah, à proximité du mur de séparation israélien et de la colonie de Modin Illit. Depuis la Conférence de Solidarité qui s'est tenue les 20 et 21 février 2006 pour que cessent les expropriations de terres, les Palestiniens ont initié une résistance populaire pacifiste en organisant notamment une manifestation hebdomadaire face au mur. Nous avons pu constater le caractère international de la mobilisation. Certains d'entre nous ont eu le désagrément de tester l'effet sur les yeux et la gorge des bombes lacrymogène lancées par les soldats israéliens, sous les applaudissements de colons regroupés sur une colline derrière le mur. 

    Nous avons aussi rencontré un Palestinien qui a pris l'initiative d'une collecte internationale pour planter 1 million d'oliviers en remplacement du million arrachés par les colons. 

    Après-midi 

    Nous nous rendons à Naplouse. Visite « politique » de la vieille ville qui porte encore les traces des massacres (plus de 500 morts et des milliers de blessés rien qu'entre 2000 et 2005) perpétués par l'armée d'occupation israélienne.

    Nous sommes reçus par une association d'aide aux jeunes enfants créée après 2002 pour que puissent s'exprimer (par des pratiques artistiques notamment) les traumatismes, et aussi pour tenter de renouer une confiance entre enfants et adultes qui n'ont pas été en capacité de les protéger et qui ne sont pas en mesure de leur assurer un avenir décent. Ils apprennent aussi à inventer collectivement des actes de résistance pacifique, comme rédiger et apporter des messages de paix aux soldats des cheik-points, ou y organiser des piques-niques familiaux auxquels sont conviés les soldats, même si ceux-ci les chassent très rapidement. Ces activités ne visent pas à échapper à la réalité, à évacuer la colère mais à la métamorphoser en une énergie créatrice. 

    Que faire pour aider l'association ? Ils ont besoin d'échanges d'expériences, d'avoir des éclairages culturels venus d'ailleurs, que nous venions voir la réalité de la vie ici et témoigner. 

     

    MarcMercier-Bergers vallée du Jourdain.jpg15 février
    Matin 

    Vallée du Jourdain 

    Nous sommes accueillis par des paysans et éleveurs du secteur et l'association UAWC. Jéricho, seule ville palestinienne (25 000 habitants) de la Vallée du Jourdain. Ailleurs, des villages (96% sont en zone C, donc sous contrôle israélien), 21 colonies, des zones militaires… Le Jourdain n'est plus qu'une petite rivière (l'eau est détournée en amont par la Jordanie et Israël), asséchant petit à petit la Mer Morte. 60 000 palestiniens exploitent 5% du territoire, 6 200 israéliens le reste. Seulement 22% de l'eau est accessible aux Palestiniens qui, depuis les Accords d'Oslo n'ont plus le droit de forer des puits. Quant aux puits déjà existants, la plupart leur sont interdits.

    Les terres auxquelles les paysans et éleveurs n'ont plus accès sont soit celles que se sont accaparées les colons, soit des terrains militaires (eux-mêmes cernés par des zones de sécurité), ou des zones jugées « dangereuses » à cause de mines datant de la guerre contre la Jordanie, même si il y a encore peu de temps elles étaient cultivées sans dommage, ou bien des zones de protection de la nature pour préserver des plantes !!! 

    Nous sommes allés dans le village de Bardala où, grâce à une aide internationale, les paysans ont pu construire quelques citernes pour parer aux pénuries d'eau. 

    Nous apprenons aussi que les paysans n'ont pas le droit d'être sur leurs terres avant 6h ni après 18h. 

    Nous roulons en direction d'un village, laissant sur notre passage des colonies entourées d'une végétation abondante qui contraste avec l'aridité des villages palestiniens pourtant juste à côté, soudain nous voyons un panneau en hébreux et en anglais indiquant que cette route mène à un village palestinien et qu'il peut être dangereux pour un Israélien de l'emprunter.

    Marc Mercier Prudence aux Israéliens en village Pales.jpg

    Nous nous arrêtons dans une vallée où nous sommes accueillis près d'un puits « fermés » par un paysan. Derrière lui, l'horizon. Cependant, nous apercevons non loin une ligne droite de terre retournée : « ils » sont en train de construire un nouveau mur » !!! 

    Soir 

    Il pleut. Cela peut paraître anecdotique, mais nous pensons aux agriculteurs (pour qui cette eau est la bienvenue) sur le chemin du retour vers Ramallah où nous avons rendez-vous avec deux députés de la gauche palestinienne. 

    Tout d'abord, avec Mustapha Barghail. Il nous fait un exposé (avec des images, des cartes, un film) sur l'évolution déplorable de la situation. 

    Il nous parle de ses inquiétudes si venait à être adopté le « Plan Kerry », du nom du secrétaire d'État américain qui accompagne les négociations actuelles entre Israël et l'Autorité Palestinienne, qui s'éloignent des résolutions de l'ONU, remettant en cause le « droit au retour », « Jérusalem Est comme capitale de la Palestine » et même l'idée d'un État palestinien indépendant. 

    Pour modifier le rapport de force à ce jour défavorable aux Palestiniens, Mustapha Barghail préconise la résistance populaire, le BDS et l'unification des forces palestiniennes. 

    Il qualifie les accords d'Oslo de « scélérats ». 

    Il dit que la situation actuelle est comparable à l'Apartheid en s'appuyant sur cette définition : « L'Apartheid, ce sont deux peuples vivant sur une même terre mais avec des droits différents ». 

    Il dit ne pas se battre seulement pour l'indépendance, mais aussi pour la liberté, l'égalité, la justice. 

    Puis nous rencontrons Khalida Jarrar, députée notamment en charge des dossiers concernant les prisonniers politiques. 

    Elle a la même inquiétude que Mustapha Barghail quant au plan Kerry. 

    Les prisonniers : environ 5000, dont 14 parlementaires, 280 enfants (certains ont 9 ans), 16 femmes, des malades… De nombreux cas de tortures. Pas de véritables procès, car ils sont jugés par des militaires. Sans parler des détentions dites « administratives ». Par ce système hérité du mandat britannique, Israël peut arrêter qui bon lui semble sans acte d'accusation, sans jugement pendant 6 mois et reconduire l’emprisonnement sans limitation. 

    Depuis 1967, près de 750 000 Palestinien-ne-s ont connu la prison. 

    Elle nous propose de soutenir la « campagne internationale pour la libération des prisonniers politiques » (http://www.addameer.org), de soutenir les campagnes de boycott du BDS : 
    http://www.bdsfrance.org 

     

    Marc Mercier Maison Hébron Porte Fenêtre.jpg16 février
    Matin

    Hébron 

    Nous sommes accueillis par l'Association pour des échanges culturels France/Hébron. La ville de 200 000 habitants est divisée en 2 zones : H1 sous autorité palestinienne, H2 sous contrôle israélien. 

    Nous partons visiter la vieille ville où règne une véritable situation d'Apartheid avec une implantation de colonies, des rues interdites aux palestiniens, 2/3 de la mosquée est devenue une synagogue… Il faut passer un cheik-point pour entrer dans la vieille ville. Ce sont des soldats israéliens qui contrôlent l'entrée de la mosquée. Certaines rues sont couvertes de grillages pour que les Palestiniens cessent de recevoir sur la tête des détritus, bouteilles vides… Tout est fait pour que les Arabes partent, déjà 80% des maisons et des magasins sont fermés. 

    Un exemple de résistance : une famille palestinienne n'a plus accès à la rue où se trouve la porte de leur maison. Une solution aurait été d'ouvrir une porte de l'autre côté donnant sur un parking où ils ont accès. Ce serait accepter la situation. Ils ont opté pour une échelle leur permettant d'entrer provisoirement par la fenêtre. 

    L'Association qui nous guide dans la ville, nous invite à visiter un petit centre culturel pour enfants, des ateliers de peintures, un petit espace de jeux… Petit oasis. Un thé nous est offert. 

    Après-midi 

    Bethléem. Camp de réfugiés de Aïda collé au mur. Association culturelle Al Rowwad dirigée par Abdel Fattah Abusrour. 

    Nous allons voir un nouveau mur qui a pour caractéristique d'avoir des portes dont certaines sont grandes ouvertes, c'est à se demander si ce genre d'édifices muraux servent vraiment à garantir une quelconque sécurité comme le prétendent les Israéliens. Notre hôte palestinien nous annonce qu'il n'a pas le droit d'être là où nous sommes car c'est un espace devenu sous contrôle israélien. Nous passons donc la porte où logiquement nous devrions déboucher sur un territoire sous contrôle palestinien. Et bien, non. Question : que sépare ce mur ? Il faut avoir des notions de surréalisme pour répondre à une telle question.  

    Marc Mercier Mur surréaliste avec porte Bethléem.jpg

     

    Entretien avec Abdel Fattah 

    Il définit le projet du Centre culturel ainsi : « La belle résistance contre la laideur et la violence de l'occupation ». 

    Il dit : « Trouver d'abord la paix en soi ». « On veut voir nos enfants grandir, s'épanouir ». Le Centre culturel Al Rowwad n'est pas pour lui un projet, mais « une mission de vie ». Les adultes sont auprès des enfants « responsables d'un modèle d’existence, de l'héritage qu'ils leur livreront ». « La Palestine n'est pas une cause humanitaire. On est pauvre, à cause de l'occupation ». « Nous voulons des partenariats, pas de charité ». « Nous ne devons faire aucun compromis sur nos valeurs, liberté, égalité… ». 

    Il espère la constitution d'un seul État (la Palestine), laïc, où chaque individu sera un citoyen comme un autre… Le peuple palestinien ne doit pas se laisser imposer un agendas par Israël, les USA, l'Europe… Il doit imposer ses propres priorités. 

    Il pense aussi que le BDS est très important pour affirmer une solidarité internationale.  

     

    17 février
    Matin 

    Ramallah 

    La délégation se rend à une réunion avec PNGO (l'équivalent du REF en Palestine), sauf Naïk et Marc qui se réunissent avec la Quattan Foundation, partenaire principales des Instants Vidéo pour l'organisation du festival (biennale) d'art vidéo et de performance /si:n/ dont la 4ème édition aura lieu en juillet 2015. Est notamment émise l'idée de formaliser un lien (peut-être autour d'un thème ou d'un titre commun) entre le festival en Palestine, celui d'Alexandrie et celui de Marseille. 

    Le REF et PNGO décident de rédiger un communiqué commun : 

    DÉCLARATION COMMUNE
    PNGO - REF 

    Dans le cadre d'une mission effectuée par le Réseau Euromed France (REF) du 13 au 19 avril 2014 en Palestine, les membres de la délégation REF ont constaté ce qui suit : 

    La situation actuelle dans les territoires palestiniens occupés connaît une aggravation de la fragmentation des territoires due à l'occupation par l'État d'Israël, ce qui a pour conséquence un accroissement de la ségrégation et de l'apartheid. 

    Les agriculteurs de la vallée du Jourdan, les étudiants d'Hébron, les enfants de Naplouse, les réfugiés de Aida, les citoyens de Ramallah, ont tous témoigné de leurs souffrances quotidiennes et d'un sentiment d'injustice croissant.   

    Le 17 février 2014, à Ramallah, une rencontre s'est tenue entre la délégation du REF et une délégation du PNGO (Palestinian Non-Governmental Organizations Network). Cette rencontre a débouché sur une déclaration commune : 

    1. Les deux délégations expriment leur rejet de la politique d'apartheid et de ségrégation menée par l'État d'Israël. 

    2. Les deux délégations soutiennent les résistances du peuple palestinien pour la réalisation de ses aspirations nationales à un État indépendant avec Jérusalem comme capitale ainsi que le droit au retour des réfugiés et le droit à l'autodétermination du peuple palestinien. 

    3. La délégation du REF s'engage à mieux faire connaître la campagne BDS et la campagne internationale pour la libération des prisonniers palestiniens.
    Ramallah, 17 février 2014   


    18 février
    Matin 

    Jérusalem 

    Après une promenade sur l'esplanade du Dôme du Rocher (sous contrôle israélien), nous visitons la vieille ville pour mesurer dans les détails l'état d'avancement de la colonisation de Jérusalem Est avec un responsable de l'association Nidal. Nous pouvons parler d'une colonisation méthodique, maison par maison, de la ville. Il n'y a plus d'unité spatiale, mais une mosaïque. Chaque espace plus ou moins totalement accaparé est surveillé par des « miliciens » privés, armés, arrogants. Pour forcer les Palestiniens à partir, par exemple, ces dix derniers jours, 40 familles se sont vues l'eau coupée. Des maisons palestiniennes s'effondrent car des colons ont creusé dans les sous-sols… etc etc… 

    Après-midi 

    Nous allons à l'Ouest de Jérusalem, chez Michel Wareschawski, président du Centre d'Information Alternative (AIC), journaliste et militant pacifiste de gauche israélien. 

    Il nous parle de la dépolitisation des jeunes palestiniens, due à la crise des partis politiques et aussi aux effets du libéralisme qui rend les gens individualistes. 

    Il pense que la question de un ou deux États n'est pas pertinente. L'idée d'un seul État serait l'expression d'un échec politique, car ce projet s'inscrit dans un temps très long, trop long. Une pensée politique doit travailler sur des solutions à court terme. 

    Il considère que la 2ème intifada n'est pas un soulèvement populaire, mais une réaction contre la tentative de reconquête par Israël des maigres acquis d'Oslo. 

    Il dit qu'aujourd'hui Israël craint de ne plus peser assez sur la situation du Moyen-Orient (depuis le Printemps arabe) et craint d'être lâché par les USA (qui donne chaque année à Israël l'équivalent de 3,5 milliards de dollars). 

    Il pense que le BDS est une bonne initiative, mais que chacun doit le faire à sa façon, comme il peut. Et qu'il est important de poursuivre des actions de coopération sociale, culturelle, avec les Palestiniens pour les aider à tenir bon. 

    Il a soutenu les Mouvement des Indignés israéliens même s'ils n'ont pas traité de la question palestinienne. D'abord, parce qu'ils n'ont pas prononcé de slogans racistes et parce qu'ils ont défendu l'idée d'un État laïc, citoyens… 

    Il dit que 35% des garçons ne font plus l'armée, et 70% des filles. Nous sommes surpris par ces chiffres. À vérifier.   

    Rencontre avec l'Association israélienne B'TSELEM
    Soir

    Repas avec notre chauffeur qui a souhaité nous faire rencontrer quelques amis dont l'ex-prisonnier franco-palestinien Salah Hamouri. 

    Salah a été accusé d’avoir eu l’intention d’assassiner un rabbin, dirigeant d’un parti politique intégriste. Civil, il a été jugé par un tribunal militaire illégal qui ne pouvant apporter la moindre preuve, ni le moindre témoignage contre lui malgré la quinzaine de renvois de son procès, a imposé un odieux chantage : accepter de plaider coupable et avoir une peine de 7 ans ou être condamné à 14 ans de détention. 

    Salah n’a jamais reconnu les accusations portées contre lui, son avocate a accepté le marché pour lui épargner une peine très lourde. 

    Il a été libéré un peu avant la fin de sa peine dans le cadre des négociations pour la libération du soldat franco-israélien Gilad Shalit retenu à Gaza par le Hamas. 

    Salah nous a parlé de ses conditions de détention, ainsi que celles des autres prisonniers. Il a dit combien était importante pour les détenus de recevoir des courriers de soutien du monde entier.   

     

    19 février 

    Aéroport de Tell Aviv 

    Passage de la douane sans trop d'encombres, quelques fouilles de sac, des questions stupides du type quel est le nom de vos parents ? Un douanier s'inquiète du fait que j'avais dans ma valise quatre fois le même livre concernant l'artiste palestinien Bashar Alhroub. Je lui montre que j'ai écrit un texte dedans. Il me demande pourquoi je m'intéresse à l'art palestinien. Je réponds que je ne m'intéresse pas à l'art palestinien, mais à l'art en général. Il me demande pourquoi cet artiste m'intéresse. Je lui dit que c'est à cause de la façon dont il traite la lumière, le gris, le noir… Bref, une discussion qui frôle le théâtre de l'absurde ! 

    Marc Mercier

    ------------------
    Échange antéchronologique des mails précédents
    12 février 2014 12:55, Marc Mercier a écrit :

    L'essentiel est de cheminer Sandrine. 

    Je ne m'étais pas aperçu dans mon propre cheminement que les classes sociales avaient disparues. Elles existaient avant Marx, non ? Ce qui est certain, néanmoins, c'est que cette stratégie des pouvoirs à vouloir faire croire aux "pauvres gens" qu'ils ont des intérêts communs "supérieures" avec ceux qui les saignent, est une "idée" beaucoup plus ancienne que le communisme, si je ne m'abuse… 

    Bien à toi,
    Marc 

    ------------------ 
    Le 12 févr. 2014 à 12:21, Sandrine Treuillard a écrit :

    Bonjour Marc, 

    Tu penses encore comme un communiste,
    et c'est ce qui est révolu… 

    Je viens de l'extrême gauche, & j'ai cheminé. 

    Bien à toi,
    Sandrine 

    ------------------ 
    Le 12 février 2014 09:53, Marc Mercier a écrit : 

    Bonjour Sandrine, 

    J'ai lu ce texte, mais je trouve étrange que tu puisses le prendre à ton compte. 

    Ne serait-ce que ce paragraphe :

    « Pour avancer dans cette construction d’un peuple en paix, juste et fraternel, il y a quatre principes reliés à des tensions bipolaires propres à toute réalité sociale. Ils viennent des grands postulats de la Doctrine Sociale de l’Église, lesquels constituent «  le paramètre de référence premier et fondamental pour l’interprétation et l’évaluation des phénomènes sociaux ». À la lumière de ceux-ci,  je désire proposer maintenant ces quatre principes qui orientent spécifiquement le développement de la cohabitation sociale et la construction d’un peuple où les différences s’harmonisent dans un projet commun. Je le fais avec la conviction que leur application peut être un authentique chemin vers la paix dans chaque nation et dans le monde entier. » 

    C'est un appel à la collaboration des classes sociales comme si patrons et ouvriers (pour dire vite) pouvaient partager un projet commun et former un peuple. Il ne peut y avoir de peuple que dans l'égalité économique et sociale, sans rapport de subordination. Ce texte montre surtout que l'Église a toujours été du côté du sabre, du puissant, appelant les classes exploitées à se soumettre à l'ordre existant et qu'en récompense de cette sage soumission les portes du paradis leur seront ouvertes. Je ne comprends pas que l'on puisse croire à de telles chimères. 

    Mais bon, aujourd'hui on entend tellement de choses incroyables qu'on croyait révolues… 

    Bien à toi,
    Marc

    ------------------
    Le 10 févr. 2014 à 16:45, Sandrine Treuillard a écrit : 

    Bonjour,

    Ce texte parle si bien de l'expérience du temps
    que je suis tentée de le reprendre à mon compte
    pour analyser l'expérience du filmage, en vidéographie… 

    Le temps est supérieur à l’espace

    Bien à vous,
    Sandrine

     

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  • Théorie du Genre : destruction de la personne

    RÉFLEXION SUR LE GENDER ET SES CONSÉQUENCES SUR L’HUMANITÉ
    Entretien avec Yann Carrière, docteur en psychologie 

     

    DÉFINIR LE GENDER

    Yann Carrière Doct en psycho Théorie du Genre.jpgDéfinir est une démarche de rigueur. Or la rigueur, comme il m’a été rétorqué une fois à l’université, c’est un truc d’homme hétérosexuel blanc du XVIIIème siècle. Avec la théorie du genre, on est dans un domaine où on est systématiquement pas rigoureux. C’est une technique de prise de pouvoir. C’est comme ça que la théorie du genre a pris le pouvoir à Pékin en 1995 en faisant signer, par des étrangers qui ne connaissaient pas l’emploi du mot gender en anglais, quelque chose qu’ils pouvaient  croire correspondre simplement à une autre désignation des sexes (masculin, féminin), mais qui en réalité renvoie aussi à une théorie assez confuse où un ensemble de mouvements d’idées (mouvements idéologiques et politiques)  qui a derrière lui des implications radicales. Je crois que c’est Marguerite Peeters qui parle de couches comme pour un oignon. Vous avez des façades dans le genre qui sont tout à fait respectables, et en effet le genre, comme aspect social de l’identité sexuée, c’est quelque chose de tout à fait scientifique. Si on l’approche de manière rigoureuse, on peut essayer de voir effectivement comment sont variables les aspects sociaux de l’identité sexuée. Mais si on s’en tient à ça, et ça c’est la façade soft que les idéologues du gender présentent quand ils veulent faire passer leurs idées, c’est une recherche scientifique légitime.

    Et puis vous avez, très lié au reste, le noyau dur, pour qui le gender est une approche uniquement en terme de pouvoir. C’est-à-dire que les hommes et les femmes n’existent pas : parler d’hommes et de femmes, c’est juste transmettre une vision complètement politique, hiérarchisée et oppressive de la société et c’est cela qu’il faut détruire. Et à ce moment-là, il faut détruire toute l’hétérosexualité, l’identité d’homme et l’identité de femme. Donc il n’y a pas de définition, c’est normal et c’est très utile pour les idéologues du gender.

    En fait, c’est George Orwell qui, en écrivant « 1984 », avait onze ans d’avance. La théorie du gender, qui est une théorie fascisante, a pris le pouvoir au niveau mondial à l’ONU en 1995 à Pékin. George Orwell n’avait que onze ans d’avance. Et pas en disant « Il n’y a pas d’homme, il n’y a pas de femme ». On est vraiment dans « la guerre, c’est la paix », on est vraiment dans la redéfinition des mots ; qui n’est pas seulement un trait du genre, on trouve ça déjà dans les idéologies de libération ; mais c’est une stratégie générale qui est utile pour noyer l’esprit. Depuis des décennies, on substitue au raisonnement et à l’intellect des fonctionnements par émotions et par images, notamment grâce à la publicité. Le brouillage des mots fait partie de cette dégradation, en partie voulue et délibérée, de la réflexion intellectuelle.

    Si on empêche de penser, c’est presque la mort de l’humanité. Le vivant et l’humain fonctionnent sur la discrimination. La première discrimination, c’est peut-être « cette plante est-elle comestible ou pas ? Je vais discriminer ce qui est bien de ce qui est mal. » C’est comme ça que la vie fonctionne et que la pensée fonctionne. Et il y a une menace, à partir du moment où on refuse de penser, (« supprimez le mot ‘race’ de la constitution, cachez ce mot » - on ne peut même plus nommer des choses – « homme, femme », on ne peut plus nommer la différence, etc.), eh bien c’est un aspect extrêmement mortifère. Mortifère assumé. Vous avez un des plus brillants auteurs de la théorie du genre qui s’appelle Lee Edelmann, il a écrit un livre qui s’appelle « No future : Queer Theory and the Death Drive » (death instinct as a drive - l’instinct de mort), et il le revendique. C’est-à-dire que les Queers sont ceux qui contestent cette proportion obligatoire - et donc oppressive – de l’humanité à se reproduire. Et il prend comme exemple (il insiste) le film d’Hitchcock « Les oiseaux » parce qu’il dit : « typiquement, ce sont les enfants qui sont les victimes ». Et il dit « les Queers sont ceux qui s’opposent à cette reproduction imposée ». Et il revendique cette place. Donc à partir de cette non-définition, on débouche sur la non-pensée, et sur quelque chose qui tue l’humanité, en fin de compte. Et c’est revendiqué, c’est-à-dire que chez les gens du Gender, vous avez des gens brillants, il faut le reconnaitre ; après on verra pourquoi et en quoi ça déconne, mais ce ne sont pas eux qui sont les plus dangereux, ce sont ceux qui les récupèrent. Il y a toujours deux couches dans l’idéologie : il y a ceux qui y croient, et les cyniques qui manipulent les idéologies. Eh bien ils sont brillants, et ils assument ce qu’ils disent. En particulier Lee Edelmann, qui dit parfaitement « Mais oui, nous sommes du côté de la pulsion de mort. »

     

    LE GENDER ET LA SCIENCE

    YC1.jpgVoici en gros les idées de la théorie du genre : il n’y a pas de différences entre les hommes et les femmes ; les différences, c’est un système social construit oppresseur qu’il s’agit de détruire. En gros, c’est ça. Donc une idée au départ en elle-même ni scientifique, ni pas scientifique. Ce qui va être scientifique sera la manière dont on va la creuser, et en particulier la manière dont on va accepter de lui faire passer les tests des preuves de la réalité. Et de voir si, expérimentalement, la théorie donne des résultats qu’on peut prévoir, etc. Les principaux auteurs ne se réclament pas du tout d’une approche scientifique. Mais même s’ils se le réclamaient, il y a un vice de fond dans l’idée principale de l’idéologie du genre : il n’y a pas de différence entre les hommes et les femmes, parce que scientifiquement c’est la seule chose qu’on ne pourra jamais prouver. Pourquoi ? Parce que quoi que soit ce que vous fassiez comme confrontation au réel, comme expérience, comme expérimentation, parce que c’est bien cela la science, ce sera toujours quelque chose de limité et fini. Et donc si dans cette expérience limitée et finie vous trouvez qu’il n’y a pas de différences entre les hommes et les femmes, vous n’aurez pas prouvé qu’il n’y a pas de différences : vous aurez prouvé que sur ce champ-là, dans ces conditions-là, il n’y a pas de différences. On pourra toujours vous rétorquer « oui mais les différences, pour les voir, il fallait faire autre chose, et vous ne l’avez pas fait ». On peut prouver qu’il y a des différences. Mais pour prouver qu’il n’y a pas de différences, il faut faire une infinité d’expérimentations tout le temps. Donc c’est la seule hypothèse idiote, en fait, qu’il n’y ait pas de différences entre les hommes et les femmes. On peut choisir plein d’hypothèses, mais celle-là est la plus absurde parce que c’est celle qu’on ne pourra jamais assumer.

     

    LE GENDER ET LA CONTINUATION DU FÉMINISME RADICAL

    YC2.jpgLe féminisme libéral : « nous voulons les mêmes droits » est le féminisme auquel moi j’adhère à cent pour cent. Il n’y a aucune raison de faire des droits différents avec les hommes et les femmes. Et puis, là, certains ont eu des attentes déçues. Parce que comme l’explique le journaliste norvégien dans « Norwich on paradox », si vous donnez les mêmes droits à des gens qui sont différents, qui ont des préférences différentes comme les hommes et les femmes, au résultat final vous aurez des divergences importantes. C’est-à-dire que si les femmes préfèrent les études de lettres et de psychologie et les hommes les études d’ingénieur, la société va se diversifier selon les genres et va décevoir tous ceux qui pensaient qu’ils auraient des femmes partout et surtout aux postes de pouvoir. Alors là, soit on accepte la réalité, soit on la refuse et on se réfugie dans l’idéologie. C’est là qu’intervient le féminisme radical qui, par analogie avec la conception marxiste des oppresseurs et des opprimés, a dit « c’est parce qu’il y a un système peu visible et une idéologie peu visible qui oppriment les femmes au bénéfice des hommes ».

    Là, on commence à entrer dans quelque chose de dangereux parce que ça suscite la haine. Parce que ça stigmatise – en psychologie on parle de clivage – les bons d’un côté, les méchants de l’autre. Évidemment, les méchants, tout le monde va se mettre à les détester. Et ça, c’est l’irruption et la domination de ce type de féminisme dans les années quatre-vingt. Ça a été la raison de l’émergence de la misandrie, c’est-à-dire le sexisme contre les hommes, des quotas qui empêchent les hommes d’avoir la juste rétribution de leurs efforts, de leurs goûts ou de leurs compétences, et cela donne lieu – et ça, c’est important de le dire – à deux énormes mensonges qui dominent aujourd’hui notre société, bien avant l’irruption de la théorie du genre : les mensonges sur les violences conjugales et les mensonges sur les prétendues inégalités salariales.

     

    VIOLENCES CONJUGALES ET INÉGALITÉS SALARIALES

    YC3.jpgUn mot sur ces deux mensonges parce qu’ils donnent une idée de comment fonctionnent nos médias et notre démocratie, qu’il est très important d’avoir si on veut comprendre comment fonctionne l’implantation d’une idéologie comme le genre et comment la combattre.

    Depuis qu’on fait des études sur les violences conjugales, c’est-à-dire les années 1970, toutes les études ont toujours trouvé qu’il y a autant, sinon plus d’hommes battus que de femmes battues. Toutes les études. Il n’y en a pas d’autres. Si on fait une étude sérieuse en interrogeant hommes et femmes, on trouve qu’il y a autant d’hommes battus que de femmes battues, et autant de femmes violentes que d’hommes violents, voire un peu plus. Évidemment, vous voyez bien que ce n’est pas du tout ce qui est transmis ni par les médias, ni par le gouvernement. Il y a donc des mensonges délibérés, il y a des livres écrits là-dessus mais tout le monde s’en fout. L’important est de montrer que le féminisme radical a raison et que via cette violence, les femmes sont opprimées et qu’il faut toujours les avantager puisqu’elles sont toujours opprimées.

    Le deuxième mensonge est celui sur les inégalités salariales qui est continuellement asséné par les médias et le gouvernement. Il existe des disparités salariales, mais si on cherche les raisons pour les expliquer, on les trouve. Un auteur américain comme Warren Farrell je crois, qui est tout à fait accepté par les féministes, a listé vingt-cinq variables qui, quand on les introduit dans l’analyse des différences, suppriment toute différence ; et même révèlent que les femmes sont plutôt plus payées que les hommes. Et ça, même les gens en France qui sont statisticiens peuvent le savoir. Pourquoi ce mensonge ? Pour pouvoir toujours avoir l’idée que les femmes sont opprimées. Personne n’est excusé de croire à ce mensonge, à mon avis, parce qu’il peut vérifier autour de lui. Et puis même la logique du système capitaliste, si vraiment les femmes étaient payées 20% de moins que les hommes, à travail égal et à performances égales, tout le monde se précipiterait pour les embaucher. Ca commence à se voir, que ça ne marche pas, cette théorie. Par exemple, si on prend la catégorie de femmes auto-employées, aucun système ne les opprime, ce sont elles qui font leur entreprise et décident de combien elles sont payées, et elles sont moins payées que les hommes. Il y a des explications à ça : c’est qu’elles font des choix différents des hommes. Par exemple, pour celles qui sont médecins, elles vont décider de voir moins de gens, mais de prendre plus de temps avec. Alors évidemment, elles vont gagner plutôt moins d’argent. Et là, la théorie de l’oppression, la théorie du féminisme radical ne marche plus. Alors comment expliquer ? La théorie du genre est géniale. Déjà, on y arrivait avec les derniers travaux du ministre radical, Carole Gilligan. C’est le problème de la socialisation. C’est-à-dire que les femmes se limitent elles-mêmes.

     

    LA DOMINATION MASCULINE

    YC4.jpgL’éducation conditionne des tout-petits : les garçons à être dominants et à revendiquer, et les filles à être soumises et à se déprécier. Et ça, ça va être le gros travail de Carole Gilligan dans les années quatre-vingt-dix en faisant des études pas du tout sérieuses sur le plan méthodologique mais très à la mode sur le plan idéologique, en même temps que les livres de Judith Butler (ce sont toujours les mêmes époques : « Gender trouble » de Butler date des années 90, et les études de Gilligan aussi). Voilà comment le relais se fait. Parce qu’on ne peut plus arguer qu’il y a un système. Le mythe du plafond de verre, quand on le regarde de près, en fait ça ne marche pas du tout. En revanche, si on dit que c’est dès le conditionnement, dès la constitution de l’identité que tout s’installe, alors on a une bonne idée. Et ça aboutit à ce que vous trouvez maintenant sur les sites américains d’éducation : si on tolère que les petits garçons se conduisent différemment des petites filles, alors on perpétue l’oppression des femmes. Conclusion : il faut empêcher les petits garçons d’être différents des petites filles. Et c’est cela, l’ambition de la théorie du genre dans l’éducation.

     

    LES DISCRIMINATIONS

    YC5.jpgIl m’arrive de donner des conférences et j’ai remarqué qu’il y a vraiment une difficulté, voire une incapacité pour des personnes y compris qui ont fait des études supérieures, à raisonner de manière satisfaisante pour conjuguer à la fois les contraintes de la réalité et les aspirations légitimes à l’égalité et à l’absence de discriminations injustes. En fait, le raisonnement à tenir à tout moment est relativement simple : il est de dire que si on prend des groupes, il est normal d’avoir des différences statistiques entre les hommes et les femmes, ne serait-ce que de taille, de force musculaire au niveau des bras ; mais ce n’est pas un prétexte justifié pour brimer un homme ou une femme en fonction des caractéristiques de son groupe.

    Quand je donne des conférences, je prends l’exemple des bûcherons. Il n’y a pas de raison d’interdire à une femme d’être bûcheron si elle en a la force, l’agressivité, l’énergie et l’envie d’être bûcheron. En revanche, il ne faut pas s’étonner s’il y a plus de bûcherons hommes que femmes parce qu’en principe, au niveau du corps, dans la force des bras et des muscles, les hommes sont plus costauds et ils ont peut-être plus de plaisir à le faire. Eh bien ce raisonnement, si tout le monde le tenait, il suffirait à résoudre tous les problèmes de discrimination. Parce qu’on accepterait à la fois les différences générales quelles qu’elles soient, et évidemment qui sont toujours bonnes ou mauvaises pour les uns et les autres, tout dépend de quel côté on se place. Et on serait toujours en train de traiter avec équité les personnes qu’on a devant soi en fonction de leur réalité : il peut y avoir des hommes féminins, des femmes masculines etc. Mais ça, je me rends compte quand je donne des conférences que bien des gens ne sont plus capables de ce raisonnement.

     

    LA PERVERSITÉ DU GENDER

    YC6.jpgJe pense que le plus simple est de reprendre l’analogie avec le communisme. Qu’a fait le communisme, qui est le fascisme le plus violent qu’ait connu l’humanité au XXème siècle ?

    Au nom du bien, et de la défense des prolétaires qui est une bonne cause, il a massacré des paysans, des bourgeois, des millions et des millions de personnes. Et ça, c’est pervers. C’est pervers au sens étymologique, parce que le pervers retourne la logique naturelle. Le communisme était censé faire le bien et il a fait le mal. Dans ce sens-là, le gender se promet de prendre la suite ; c’est-à-dire qu’il ne promet pas une société sans classes, mais il promet une société sans sexes, puisqu’il y aura une infinité de genres.

     

    LA PATHOLOGIE DU NARCISSISME

    YC7.jpgOn est dans la pathologie du narcissisme. Simone de Beauvoir a dit « On ne naît pas femme, on le devient ». Au départ, c’est une intention libératrice quand elle l’écrit dans « Le deuxième sexe » de 1949. Seulement quelques temps plus tard, une féministe, Betty Friedan, lui dit « Mais vous savez, il y aura toujours des femmes qui voudront être mères et privilégieront ça au travail ». Simone de Beauvoir lui répond, du moins c’est ce qui est écrit dans le livre de Christina Hoff Sommers : « Eh bien dans ce cas, il faudra le leur interdire ». Ce qui signifie « je libère les gens mais je ne tolère pas qu’ils aient un avis différent du mien ». Ça, c’est du narcissisme : « je réorganise le monde ». Et les gens qui ont une dynamique narcissique sont souvent des révolutionnaires, des leaders, et en ce sens-là ils peuvent être bénéfiques ; mais il y a une dérive possible qui est « je libère le monde uniquement dans le sens de mon idéal et il n’est pas question que je tolère que l’autre ait aussi son avis ».

    Dans le Genre, c’est ça qui se passe. Au départ de la théorie du genre, et notamment chez Judith Butler, vous avez une ambition légitime, une ambition bénéfique, qui est de défendre les gens qui n’ont pas la chance de tomber facilement dans une catégorie hommes ou femmes : soit parce qu’ils sont hermaphrodites, soit parce qu’ils ont une orientation sexuelle non hétérosexuelle. Ils vont avoir du mal à se caser dans le monde très normé, et parfois, ça peut aller, comme elle le soulignait elle-même, jusqu’au meurtre. On peut tuer des gens parce qu’ils sont homos. Et c’est tout à fait louable, en tout cas à mon avis, de vouloir aménager le monde pour que ces gens-là trouvent au mieux leur place.

    Seulement, la théorie du genre qui se répand aujourd’hui, ce n’est pas du tout ça. La théorie du genre qui se répand aujourd’hui, c’est dire « pour que ces gens trouvent leur place, il faut détruire la structure psychique de tous les gens qui trouvaient naturellement leur place en hommes et femmes et en hétérosexuels ». Et là, c’est pervers. Vous voyez bien qu’à nouveau, au nom de la libération d’une petite quantité de gens (mais ça vaut toujours le coup de s’occuper des gens même s’ils ne sont pas nombreux), on va opprimer la majorité. Et comme dans le communisme, il y a un retournement pervers.

     

    LA NÉGATION DE LA RÉALITÉ

    YC8.jpgEn psychanalyse, les pervers nient une partie de la réalité qui est la différence des sexes. Donc effectivement, la théorie du genre est emblématique en niant une partie de la réalité, qui est la différence des sexes, mais je voudrais rétropédaler par rapport à votre question : la négation de la réalité est une très vieille tradition en occident même ; et quand on veut se pencher sur les racines des dysfonctionnements actuels, il faut absolument prendre ça en compte. Moi, je remonterais presque jusqu’au nominalisme au Moyen Âge, qui réduisait la possibilité de faire une adéquation vraiment à la réalité. Mais après, quand vous avez Descartes qui dit « Je suppose que rien n’existe et je m’aperçois qu’il ne reste plus que ma pensée », on est aussi dans le doute de la réalité. Quand vous avez Rousseau qui dit « Commençons par écarter tous les faits », on est aussi dans l’éloignement de la réalité. De ce point de vue-là, les théoriciens du gender ne font pas de saut qualitatif important, mais prolongent une longue tradition. Et à la limite, si on n’est pas content, ça veut dire qu’il faut se poser la question « comment tout a dérivé depuis Saint Thomas d’Aquin ? ». J’exagère à peine.

     

    LE NARCISSIQUE ET LA RÉALITÉ

    YC9.jpgQuand on parle de toute puissance narcissique, en tant que psychologue c’est là que je place la racine du mal. On parlait de nier la réalité. Le narcissique est à cheval entre ses rêves et la réalité et quand il est en bonne santé, il arrive à jongler entre les deux. Mais quand il commence à délirer, comme dans ses mouvements révolutionnaires, il veut plier la réalité à son rêve (communiste ou gender) et à ce moment-là, il va massacrer ceux qui lui résistent.

    La première limite, la limite minimale, la limite symbolique à la toute-puissance du narcissisme, c’est l’idée de Dieu : c’est l’idée que « moi, je ne suis pas tout, et je ne suis pas tout-puissant ». Vous avez des gens qui ont étudié les leaders, je pense à Kohut, un grand spécialiste du narcissisme, et je pense aussi à un Australien qui s’appelle Hawks. Ils ont remarqué qu’il y a deux types de gourous. Il y a les gourous qui se croient eux-mêmes la Divinité, et il y a ceux qui se croient messagers de la divinité. Ceux-ci ont leur narcissisme grandiose divisé en deux parties : eux et la divinité qu’ils représentent.

    Évidemment, il y en a qui finissent mieux que les autres. Parce que si vous vous octroyez la divinité à vingt, trente, quarante ans ça peut encore marcher, à cinquante, soixante, soixante-dix ans la réalité vous rattrape et vous montre que la divinité n’est pas si glorieuse que ça. Ceux-là ne finissent pas très bien. Mais ceux qui sont simplement des messagers peuvent maintenir leur équilibre psychique plus longtemps. Parce que le grandiose, l’idéal, il est en Dieu. Et moi je crois que si on veut vraiment lutter contre ces délires qui arrivent régulièrement à l’humanité, il faut se pencher sur le lien avec la croyance en Dieu. Les deux grands fascismes qui ont massacré des millions de gens au XXème siècle sont des idéologies athées, que ce soit le communisme ou le nazisme.

    Comme on dit « la crainte de Dieu est le début de la sagesse ». Si je ne suis pas le plus grand, je vais me relier au monde et aux autres différemment.

     

    LE GENDER, UN MOUVEMENT POLITIQUE MONDIAL

    YC10.jpgCe mouvement d’idées n’est pas resté un mouvement d’idées : il est devenu un mouvement politique, un mouvement qui a pris le pouvoir, un mouvement qui s’impose au monde entier depuis Pékin 1995. Et là, c’est une autre sorte de danger, et c’est même, à mon avis, un alignement fascisant de la société. C’est-à-dire que progressivement, vous n’avez plus le droit de penser différemment que ce que dit la théorie du genre.

    J’ai répondu à des intervenants dans une entreprise où j’étais, qui faisaient de la propagande sur la théorie du genre, subventionnée par la Direction des Ressources Humaines.Ce que nous disait le psychiatre, c’est que dans des années il n’y aura plus de normes, nous serons tous des exceptions et ce sera peut-être difficile à gérer. Je lui ai répondu « Mais attendez monsieur, si nous sommes tous des exceptions, il n’y a plus d’exceptions. Il n’y a plus de loi, il n’y a plus de règle : on a un magma informe de gens paumés parce qu’ils n’ont plus d’identité et contrairement à ce que vous dites, ce n’est pas difficile à gérer, c’est extrêmement facile à manipuler. » Et ça, en tant que psychologue, c’est un message fort : si on détruit les repères des gens, ça donne des gens paumés faciles à manipuler.

    Dans les années 1990, j’ai été amené à enseigner une théorie du management, qui s’appelle le chaos management. Le chaos du management, c’est casser les repères des gens pour les rendre plus créatifs et plus productifs. Mais ils sont aussi plus faciles à manipuler. Cette théorie, je n’en entends plus beaucoup parler en tant que théorie, mais en revanche je la vois appliquée partout, que ce soit dans les entreprises ou au niveau politique actuellement. Casser les repères des gens rejoint la prédiction de Marx. Marx disait « le capitalisme détruira tout ce qui s’oppose à lui ». Donc toutes les structures anciennes, les nations, les familles etc. sont en train d’être brisées à travers le monde : soit par les guerres, soit pas l’immigration, etc.

    Ce qui se cache derrière est une mise en ordre, au niveau mondial et politique, de l’humanité, qui à mon avis va dans le sens – mais là je peux me tromper parce que ce n’est pas mon domaine – d’une sorte de mise en esclavage au profit des grandes puissances financières. C’est une hypothèse que je risque. En tout cas, ce dont je suis sûr, c’est que c’est dangereux, parce que ce n’est pas une idéologie, c’est un mouvement politique qui s’impose avec violence au monde.

     

    QUAND LES DÉLIRES S’IMPOSENT AU RÉEL

    YC11.jpgComment une erreur cognitive, ou ce qui peut apparaître à certains ou à certaines comme un gentil délire, donne des résultats terribles si on veut le forcer avec violence sur la réalité : c’est l’affaire Jandré Botha en Afrique du Sud. C’est cette affaire de deux lesbiennes dont l’une a un petit garçon, et sa compagne veut que le petit garçon l’appelle « papa ». Ce qui est parfaitement conforme à la théorie du genre. Le genre, c’est une question de rôle social construit : je ne vois pas pourquoi le petit garçon, même si je suis une femme, ne m’appellerait pas « papa ». Il a refusé, et il a été torturé à mort. Voilà ce qui se passe quand les délires sont imposés par la violence au réel. Ça donne des massacres comme on a connu au XXème siècle.

    Donc ce n’est pas une théorie, c’est vrai que penser est toujours dangereux mais ce qui se passe n’est pas la théorie du genre : ce qui se passe, c’est l’imposition au niveau mondial de la théorie du genre. Et comme toutes les questions de diversité, de ce que je constate, que ce soit dans les entreprises ou dans les gouvernements, les questions de diversité servent, même si elles ont un bon fond au départ, de cache-sexe à des manœuvres de pouvoir et de domination sociale.

     

    LE GENDER À L’ÉCOLE

    YC12.jpgAu niveau de l’école, la première conséquence est une amplification de ce qu’a très bien décrit l’Américaine Christina Hoff Sommers dans son livre « The war against boys », La guerre contre les garçons. Derrière les discours lénifiants sur « déconstruire les stéréotypes », clairement, les Américains sont parfois plus francs, ils disent : « si on permet aux petits garçons d’être différents des petites filles, on perpétue l’oppression des femmes. On va donc interdire aux petits garçons d’être différents des petites filles. » On va donc les inviter fortement à jouer à la poupée, à porter des robes, on va supprimer les cours de récréation pour qu’ils ne puissent pas courir, etc. C’est ce que décrit Christina Hoff Sommers dans son livre. Et donc, on a vraiment, là, les traits d’un fascisme qui fabrique un homme nouveau, ou un androgyne nouveau, un homme-femme, si vous voulez. On a vu avec Simone de Beauvoir que ce n’est pas mieux intentionné vis-à-vis des femmes, mais malgré tout comme un des principaux axes est de libérer les femmes, la haine, ou l’agression, ou la rage est dirigée contre les garçons et les hommes.

     

    LA DESTRUCTION DE LA PERSONNE

    YC13.jpgLe but visé, à mon avis, ou l’intérêt, ce pour quoi cette idéologie rend service, c’est parce qu’elle aboutit à la destruction de la personne. Le sous-titre de Judith Butler, c’est Féminisme et subversion de l’identité. Ce n’est pas Subversion de l’identité sexuée. C’est subversion de l’identité tout court. C’est-à-dire que dans cette idéologie post-moderne, la personne, le sujet n’existe pas. Le chemin pris par Descartes « Je pense, donc je suis » a été mené jusqu’au bout, mais « je » n’existe pas. Donc, nous sommes juste un petit noyau de vie manipulé par des rapports de pouvoir qui nous font homme ou femme : c’est ça, le gender. Mais que la personne n’existe pas, ça, c’est génial pour un état totalitaire. Parce que ça va à l’encontre de toute la civilisation chrétienne qui est fondée sur la dignité de la personne faite à l’image de Dieu.

    La personne n’est pas intéressante pour un système capitaliste, que ce soit du point de vue employeur ou consommateur. Et d’ailleurs, vous n’avez plus de Direction du Personnel, mais une Direction des Ressources Humaines qui s’occupe des compétences des gens. Vous avez des portefeuilles de compétences sur pattes, en gros ; ambulants, qu’on va exploiter au mieux, mais la personne, c’est gênant, parce que ça a des besoins, notamment spirituels. De même du côté de la consommation, on ne va pas se soucier de la personne, on va faire du marketing en fonction du fait que vous êtes – je ne sais pas, moi – musulman, chrétien, juif, ou en fonction de ce que vous êtes mère de famille, père isolé, parent isolé etc. et on va créer en vous des actes compulsifs d’achat, c’est ça le but du marketing. Mais il ne se soucie pas de la personne, c’est un encombrement, il faut la bipasser. Et quel meilleur moyen de la bipasser que d’enlever toute structure à l’identité ?

    Bien sûr, c’est totalitaire, mais c’est bougrement commode si on a en vue un monde organisé uniquement sous le prima de la consommation et du fonctionnement capitaliste.

     

    LE GENDER, LA VIOLENCE ET LE SACRÉ

    YC14.jpgLe fondateur de la chaire de sociologie à Harvard est quelqu’un qui s’appelait Pitirim Sorokin et qui a beaucoup travaillé sur les groupes et la notion de l’amour. Il a écrit un livre qui s’appelle « The power of love », Le pouvoir de l’amour. Et il avait remarqué qu’on pouvait glisser assez rapidement de l’amour d’un groupe à la haine des autres groupes. Pas besoin d’insister : le nazisme, le communisme, etc., c’est vraiment typiquement ça : l’amour des Allemands – la haine des Juifs ; l’amour des prolétaires – la haine des bourgeois et des oppresseurs…

    Alors, moi, ce qu’il me semble, c’est que en réalité, notamment dans une société qui a refusé Dieu, le besoin de sacré de l’homme est tellement fort qu’on va avoir tendance à idéaliser, à sacraliser une partie de l’humain. Et typiquement, à notre époque qui idéalise les victimes, les pauvres victimes d’injustices vont être idéalisées. On va complètement investir ce groupe. Ça peut être les femmes, ça peut être les homosexuels, ça peut être les hommes, ça dépend des circonstances. Le problème, c’est que s’il n’y a pas un régulateur qui est Dieu au-dessus de tout le monde, à ce moment-là l’idéalisation d’un groupe va être concomitante de la déshumanisation de l’autre groupe. Forcément, parce que s’il y a oppresseur et opprimés, on va porter aux nues les opprimés, et les oppresseurs sont des méchants qui perdent leur statut d’humains et on va les massacrer.

    Et donc, voilà une autre raison pour laquelle il est important que le narcissisme soit mobilisé au niveau de Dieu. C’est Dieu qui est grand. Et une deuxième notion très importante du christianisme qui permet la régulation, c’est la notion de péché originel, qui fait que le mal est présent en tout le monde, donc on ne peut pas utiliser le mécanisme du clivage en disant « les bons d’un côté, et les gentils de l’autre ». Et c’est aussi en ça que l’éloignement de la religion chrétienne fait qu’on délire de plus en plus, parce qu’on va investir les gentils d’un côté et on va massacrer les autres.

     

    L’OBJECTIF FINAL DU GENDER

    YC16.jpgC’est un mouvement qui cherche à détruire. Et ce qui est curieux, c’est qu’il y ait un ennemi privilégié. Et l’ennemi privilégié, c’est le christianisme et l’Église catholique. Pour deux raisons essentiellement : d’abord parce que c’est une organisation internationale qu’on pourrait qualifier d’idéologique, qui propose aux gens une structuration (on a vu que le but était de déstructurer l’humanité pour la manipuler) ; et en particulier parce que la notion de personne est très ancré dans la foi catholique et la foi chrétienne, l’homme ou la femme à l’image de Dieu, et que c’est ça qu’il s’agit de détruire toujours dans le but de manipuler les gens. Ce qui rend les gens in-manipulables, c’est leur relation à Dieu. Donc c’est ça qu’il faut détruire.

     

    Entretien : Matthias Barbier et Louis-Marie de l’Épinois de Réinformation-TV

    Transcription réalisée par Sophie Naumiak pour La Vaillante

     

     

    http://reinformation.tv/

    http://www.vigi-gender.fr/

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  • L'islam et la France, un amour possible ?

    Conférence de Camel Bechikh, Président de Fils de France (Association Culturelle et Éducative des Musulmans de Moissy) à Moissy, en novembre 2013.
    Avec l'aimable autorisation de Camel Bechikh, La Vaillante reprend la retranscription réalisée par Fils de France de la vidéo postée en fin de ce message. Vous retrouverez les retranscriptions de ses interventions publiques sur la page Une raison d'espérance.

     

    camel bechikh,christianisme,foi,lmpt,conscience,théorie du genre,éducation,transmission« Merci à l'association de Moissy, d'inviter Fils de France. Comme le disait Selim, la position de Fils de France est un peu iconoclaste, parce que nouvelle dans le paysage islamique français. À Fils de France, nous faisons le pari de dire que non seulement il n'y a pas d'antagonisme entre l'identité musulmane et l'identité française, mais plus que ça, au-delà de la non-antinomie, il peut même y avoir une symbiose positive et épanouissante dans le fait que nous soyons de spiritualité musulmane et de nationalité française. Évidemment, le champ est un peu brouillé en ce moment car nous parlons plus d'islamophobie, qui devient presque le vecteur essentiel de notre perception à la France, or la France et l'islam ont une relation très ancienne depuis le Moyen-Âge, puisque, vous le savez peut-être, il y a eu ce qu'on appelait l’Émirat de Narbonne, où du VIIIème siècle au XIème siècle, les musulmans avaient administré un territoire propre des Pyrénées aux Alpes Maritimes d'aujourd'hui. Dans cet Émirat de Narbonne, les musulmans faisaient battre monnaie avec une face en caractère latin et une face en caractère arabe. C’est très intéressant car au VIIIème siècle, en plein Moyen-Âge, on aurait pu penser que cette présence musulmane aurait donné lieu à des combats incessants. Évidemment, au départ il y a eu des batailles pour occuper les territoires puisque le propre d'un peuple, d'une civilisation, c'est aussi l'expansion des territoires. Il y a eu la colonisation occidentale et bien avant il y a eu une colonisation européenne, byzantine, perse et évidemment arabo-musulmane. Tout cela est le B-A-BA de l'histoire des peuples.

    Camel Moissy 2.jpgJe voudrais prendre l'exemple de cet Émirat de Narbonne, un exemple que j'avais déjà donné au Bourget au Rassemblement Annuel des Musulmans de France il y a deux ans, pour expliquer que dans les années 60, on a fait des fouilles archéologiques à côté de la Cathédrale de Narbonne et lorsqu'on a fait ces fouilles archéologiques, on a découvert les fondations d'une mosquée. C'était la mosquée de l’Émirat. Étrangement cette mosquée, alors que les musulmans sont en situation de domination, n'est pas éloignée de l’Église mais elle est collée à l’Église. Déjà, d'une : l'église n'était pas détruite, cela n'est pas une révélation pour vous et moi, mais en plus les musulmans cherchent une certaine forme de proximité entre les deux lieux de culte. Si on fait l'analogie, la comparaison entre la forme architecturale de cette mosquée et celles qui sont construites en Afrique du Nord à la même période, on s'aperçoit que le minaret doit se trouver sur le mur mitoyen qui est le mur reliant les deux édifices, or sur ce mur mitoyen, on retrouve le clocher. Ce qui a fait dire aux archéologues qu'en situation de domination militaire, administrative, les musulmans n'ont pas détruit l'église, ils n'ont pas non plus construit la mosquée, l'édifice loin de l'église mais ils sont allés au-delà de cela, ils ont collé la mosquée à l'église, ils utilisaient en même temps que les chrétiens le clocher pour faire l'appel à la prière. Nous sommes au VIIIème siècle donc en termes d'exemple de cohabitation, je dirais que c'est assez éloquent. La France est une République laïque mais c'est un pays de confession catholique, de confession chrétienne. Son identité est principalement chrétienne et les valeurs du christianisme, du catholicisme sont de fait extrêmement proches de notre spiritualité musulmane.

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    Si on envisage le rapport entre les deux religions finalement, il ne peut être que vertueux. Je vous rappelle que le Prophète Muhammad (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui) invite les primo musulmans à fuir Qoraïche, il les envoie sous la direction de Uthman Ibn 'Affan (que Dieu l'agréé) en Abyssinie auprès d'un roi chrétien juste comme l'appelle le Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui). L'idée de départ est qu’entre le christianisme et l'islam il n'y a pas d'antinomie, même si quand, bien évidemment, les deux religions sont prises dans l'histoire, dans la politique, il peut y avoir des frictions, notamment les croisades. Mais si nous envisageons l'ensemble des rapports entre le catholicisme et l'islam depuis l'avènement de l'islam au VIIème siècle, on s'aperçoit qu'il y a d'avantage de rapports vertueux entre les deux spiritualités plutôt que des conflits. La France étant profondément chrétienne, il est de fait, de la part de ses valeurs profondes, pas d’antinomie, pas d'opposition possible entre notre foi et l'identité principale de la France qui est le christianisme. Cela est la première chose. Ensuite la France devient une république : du fait de la révolution de 1789 nous passons de la Monarchie à la République et la République ambitionne un projet nouveau qui s'appelle la sécularisation, c'est-à-dire qu'on sépare la religion et le pouvoir. Cela s'appelle aussi la laïcité. Cette laïcité, cette sécularisation, s'est beaucoup construite dans l'anticléricalisme, dans le fait d'être contre la religion. La République s'est construite en grande partie contre la religion, ce que je veux dire par là, c'est que lorsque nous, en tant que musulmans, nous arrivons près d'un siècle et demi plus tard en France et que nous connaissons des perturbations dans l'expression de notre foi dans l'espace public, il faut juste se rappeler que ce n'est pas complètement une situation qui vise les simples musulmans mais c'est une situation historique qui vise d'abord la religion. Je donne aussi cet exemple assez souvent qui est celui du mot "liberté" : le sens du mot "liberté" en France est « comment se défaire de la religion, comment se libérer de la religion ». Quand on prend le mot "liberté" aux États-Unis c'est exactement le contraire, c'est « pouvoir pratiquer librement sa religion ». Pourquoi ? Parce que l'Amérique s'est créée du fait des migrations des différents types de protestantismes persécutés par le catholicisme en Europe. Ces gens-là, à un moment, ont fui le catholicisme et se sont retrouvés en Amérique. Et leur principale préoccupation était la liberté religieuse. On a donc le même mot, mais de part et d'autre de l'Atlantique il a un sens inversé. Je vous dis tout ça, pourquoi ? Pour qu'en tant que musulmans français, nous ayons bien conscience que si parfois il y a des frictions entre notre identité musulmane et notre système français, ce n'est pas à destination unique de notre foi musulmane. C'est que nous sommes pris dans une histoire contemporaine qui s'est d'abord créée sur le fait de se séparer de la religion. En partant de là, on peut aussi considérer la laïcité comme une chance puisqu'elle permet de faire en sorte que l'ensemble des religions puissent cohabiter sans que les religions fortes prennent le pouvoir et ne domestiquent, ne persécutent les religions faibles. Je vous rappelle, comme je le disais tout à l'heure, que les protestants ont souffert de ces persécutions, que les athées ou que différentes congrégations à l'intérieur même du catholicisme ont souffert de ces persécutions. Par conséquent, à un moment donné, le législateur a initié un système de gouvernance nouveau qui était la laïcité et qui permettait à l'ensemble des religions de pouvoir cohabiter entre elles. Ceci dit, il faut distinguer trois types de laïcité : il y a la laïcité juridique qui, si elle était appliquée, ne poserait de problème à personne ; il y a la laïcité qu'on peut qualifier d'anthropologique qui est complètement intégrée dans les us et coutumes des gens, même les catholiques les plus pratiquants ont intégré le fait qu'il y ait la séparation du pouvoir et de la religion, de l’État et des Églises ; et la laïcité militante, c'est celle qui se situe dans le champ associatif et qui se construit de l'anti-religion. Il y a donc trois types, trois niveaux de laïcité. Quand en tant que musulman nous avons un souci de pratique religieuse, il est bon de savoir à quel canal nous avons à faire, de manière à ne pas commettre d'injustice, à ne pas mettre tout le monde dans le même panier. L'islam est une religion universelle, l'islam est né chez les arabes, révélé chez des tribus arabes qui avaient eux-mêmes leurs us et coutumes. Mais l'arabité de l'islam est un point de départ, ce n'est pas un point d'arrivée. Le point d'arrivée est de pouvoir proposer cette foi à des gens de différentes époques, de différentes cultures, qu'ils puissent l'accepter ou la rejeter. Je vais vous donner un exemple assez éloquent. Vous savez ce qu'est une société patriarcale ? Une société patriarcale est une société comme elles le sont généralement dans le pourtour méditerranéen, où les hommes ont le pouvoir, où les hommes sont au centre de la société et la plupart des ensembles culturels, la majorité, fonctionnent selon un mode patriarcal. La plupart des sociétés dans le monde, qu'elles soient industrielles ou traditionnelles fonctionnent sous un mode patriarcal où l'homme est au centre de la société et possède les pouvoirs.

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    Aujourd'hui, le plus grand ensemble ethnique au monde, huit millions d'individus, qui a conservé un système matriarcal où les femmes possèdent tous les pouvoirs, les biens, les terres et qui fait essentiellement hériter ses filles est une société musulmane que l'on trouve en Indonésie et qui s'appelle les Minangkabau. Pourquoi je vous dis cela ? C'est pour exprimer la plasticité de la religion musulmane. La religion musulmane est ferme dans sa 'Aquida, dans son dogme, l'Unicité de Dieu est indiscutable, le fait de croire aux anges, aux Livres, aux Prophètes, au Destin, ce sont des piliers de la Foi qui sont indiscutables. Les 'ibada, les adorations, le fait que nous prions cinq fois par jour, que nous jeûnons un mois dans l'année et que nous faisons une fois le Pèlerinage dans notre vie etc. sont des choses indiscutables mais aménageables, si nous sommes en voyage ou si nous sommes malades, bref vous connaissez bien ou mieux que moi ces choses-là. Et il y a une troisième partie que nous appelons el mu'amalat, les actions courantes du fait de la vie en société qui sont constamment en variance. C'est-à-dire que selon les sociétés que l'islam rencontre, il y a une capacité d'adaptation aux us et coutumes locales avec bien entendu la part d'éthique, de morale obligatoire dans ces actions courantes. Si par exemple, je fais un contrat, il y a des éléments stables dans le contrat qui sont l'honnêteté, la parole donnée, la véracité etc. Ensuite, la manière dont va se dérouler la transaction commerciale peut varier d'une culture à une autre. Donc l'islam encadre la troisième partie qu'on appelle el mou'amalat par ses principes moraux qui sont la justice, la véracité, la générosité, l'abnégation, le fait d'être magnanime etc. Toutes les qualités morales que le Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui) portait en lui, il était rappelez-vous, « le Coran qui marchait » comme disait 'Aïcha (Que Dieu l'agréé), et toutes ces qualités morales doivent uniquement accompagner les us et coutumes des civilisations, des ensembles culturels que l'islam rencontre. Indéniablement, si on prend un sénégalais et si on prend un indonésien, ils mangent différemment, s'habillent différemment, ils pensent peut-être même différemment, mais si on les met dans une pièce l'un et l'autre, ils sauront tous les deux comment faire la Salat Dohr : il n'y en n’a pas un qui fera quatre unités de prière et l'autre trois unités mais tous deux savent que la prière de Dohr est de quatre unités. Ce que je veux dire par là est qu'il y a dans la religion musulmane des choses qui sont inscrites dans le marbre et il y a un ensemble de choses qui sont amenées à bouger. La célèbre parole d’Ibn Qayyim el Jawziya qui dit « l'avis juridique change selon l'époque, le lieu et l'individu », c'est-à-dire que pour une même question il peut y avoir une formulation différente de la part des savants. Et comment nous en sommes arrivés là ? C'est qu'il y a ce fameux hadith du Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui) qui dit « Le Prophète était avec les compagnons et un homme est entré et lui a dit "Ô Prophète si je tue quelqu'un, est-ce que Dieu me pardonne ?", le Prophète lui a répondu "Non !". La personne est repartie et une autre entre et pose la même question au Prophète "Ô Prophète, si je tue quelqu'un, est-ce que Dieu me pardonne ?" et le Prophète de répondre "Oui !". Et les compagnons de s'étonner bien évidemment, " Ô Prophète, comment as-tu pu répondre différemment à une même question ?", le Prophète de répondre "le premier, je lui ai dit "non" car c'est quelqu'un qui partait pour tuer quelqu'un, qui avait l'intention de tuer quelqu'un, alors que le deuxième je lui ai dit "oui" parce qu'il cherchait à se repentir d'un acte qu'il avait commis dans le passé". » Ainsi à une même question, il peut y avoir une réponse différenciée. Ce que je veux dire par là est que notre situation aujourd'hui sociologique, historique, se situe dans une nouvelle réalité qui s'appelle la France, qui s'appelle l'Europe, qui s'appelle l'Occident. Si nous continuons à vouloir maintenir la culture maghrébine, je ne dis même pas arabe, je dis bien maghrébine et plein d'autres choses encore, dans un ensemble qui culturellement est homogène depuis quasiment deux mille ans, nous allons maintenir l'islam comme un corps étranger. Et nous serons toujours vus dans notre foi comme des étrangers parce que culturellement parlant, nous confondons la Foi musulmane qui est universelle, qui rencontre les cultures et s'y adapte et la maghrebinité qui fait qu'on peut être maghrébin musulman mais aussi maghrébin hindou, maghrébin bouddhiste et je ne sais quoi d'autre. Il est essentiel de situer, à chacun sa place, la notion de culte et la notion de culture. Et ce que nous disons nous à Fils de France, si notre culte est musulman, notre culture est française, un peu plus française que celle de nos parents qui eux étaient des primo-migrants, mais notre culture est un peu moins française que celle de nos enfants, qui sera un peu moins française que celle de nos petits-enfants, et moins française que celle de nos arrières petits-enfants et ainsi de suite, jusqu'à ce que nous arrivions à des générations de musulmans où ils ne se poseront même plus la question de savoir s’ils mettent des babouches ou pas des babouches. Pour eux, l'histoire de la babouche sera une chose complètement exotique. En revanche, le fait de prier cinq fois par jour demeure au-delà du temps, et au-delà de l'espace. Ce que je veux dire, ce n'est pas parce qu'on mange beaucoup de couscous qu'on est meilleur musulman, donc il y a des automatismes culturels qu'il va falloir penser pour les distinguer et ne pas les encombrer de la Foi musulmane. Parce que la Foi musulmane, de fait elle épouse, rencontre et s'adapte aux différents espaces qu'elle rencontre.

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    Donc pas d'antinomie profonde entre notre identité musulmane et l'identité profonde catholique de la France. Je ne sais pas si vous le savez mais la France est le seul pays au monde à avoir été sacré par l'Église. La France est le pays au monde à avoir le plus de Saints canonisés. Il y a des saints espagnols, des saints italiens, eh bien la France compte le plus de saints au monde canonisés par le Vatican. La France naît du Baptême de Clovis. Il y a une imprégnation profonde des valeurs catholiques avec l'identité française, même si aujourd'hui nous sommes dans une République laïque, qui distingue en termes de gouvernance l'Église et l’État. Hier, c'était la fête de la Toussaint, la Toussaint était férié pour l'ensemble des français. Si le calendrier français est rythmé par des fêtes catholiques et bien c'est parce que la France est un pays catholique.

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    D'ailleurs certains sociologues parlent de la France comme d’une catholaïcité. Si nous musulmans, nous n'envisageons pas le lieu de notre vie dans son histoire large et dans son identité large, nous passons à côté de tout. Si nous pensons que la France c'est TF1, la Star Academy et H&M, eh bien on n'a rien compris à cet espace culturellement extrêmement riche qui s'appelle la France. La France est construite sur des identités culturelles très fortes, Pays Basque, Bourgogne, Bretagne, Flandres, Auvergne, Ardennes etc. Donc avec des dialectes différents, avec des nourritures différentes, avec des façons de s'habiller différentes qui sont en train d'être complètement éradiquées par la mondialisation. Mais la beauté d'un pays finalement, c'est sa diversité. Dieu dit dans la Sourate Al Hujurat (Les appartements) « (...) Nous avons fait de vous des nations et des tribus, afin que vous vous entre-connaissiez. Le plus noble d'entre vous, auprès de Dieu, est le plus pieux (...) ». Si ces cultures disparaissent eh bien on va à l'encontre de la Volonté de Dieu d'avoir créé des peuples différents. Et la mondialisation aujourd'hui menace l'identité française, mais pas seulement. Moi je suis d'origine algérienne et quand je vais en Algérie, par exemple… une fois je recherchais une tenue traditionnelle de Tlemsen, je vous défis aujourd'hui de trouver un couturier qui la fasse, ça n'existe plus ! En l'espace de dix ans, ça a été totalement éradiqué ! Remplacé par le qamis saoudien fabriqué en Chine. C'est triste parce que ces cultures-là, elles ont mis du temps à se créer, à se former, tous les pays du monde possèdent une diversité culturelle qu'il faudrait entretenir puisque c'est la volonté divine. Donc nous, en tant que musulmans, nous sommes dans ce qu'on appelle en sociologie un processus d'acculturation, le "a" n'étant pas privatif : ça ne veut pas dire qu'on n'a pas de culture mais que nous sommes en train de passer de la culture de nos parents, qui était une culture maghrébine, à la culture de nos enfants, de nos petits-enfants et arrières petits-enfants qui est française. Mais comme le disais tout à l'heure le conférencier précédent, encore faut-il distinguer ce qui relève dans la culture du réel et du factice, du traditionnel, du naturel, de la synthèse et de l'artificiel. Indéniablement lorsque nos jeunes se tournent vers une sous culture américaine, ils sont dans un égarement culturel, je dirais. Puisque ce n'est pas leur culture en vérité. Nike, ce n'est pas notre culture, le rap n'est pas notre culture.

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    Nous habitons, nous vivons dans le pays le plus touristique au monde, le plus visité au monde ! Pourquoi ? Parce que c'est le pays le plus beau du monde, le pays le plus riche au monde en matière de culture, de patrimoine, d'ensemble urbain etc. Donc, on ne peut pas passer à côté de tout ça ! On ne peut pas s'américaniser et dire « la France c'est la colonisation, moi, je n'aime pas la France », sans dire qu'on est en train de s'américaniser. Finalement, à choisir entre l'ensemble culturel le plus visité au monde, qui a produit en termes d'art, d'artisanat, de littérature… parmi les choses les plus brillantes que l'humanité ait connu, moi, sincèrement, je préfère l'entité culturelle française dans sa complexité, sa beauté esthétique, au Mc Do américain ! Et quand je parlais tout à l'heure de processus d'acculturation — le passage de la culture de nos parents vers la culture de notre pays — ça passe par une réflexion ! Ça passe par le fait de faire des choix, des choix de vie notamment. Et ça passe aussi par le fait de pouvoir décrypter les arnaques, les artefacts qui nous ont été livrés dans les années 80, 90, notamment par SOS racisme. SOS racisme, nous a livré un logiciel en boîte pour détester la France, en nous victimisant à outrance : ils ont fait de nous des pleurnichards à vie. Et ça continue par d'autres formes d'ailleurs. Quand je parle d'islamophobie, bien sûr je dis qu'il ne faut pas laisser passer les actes islamophobes, mais ça se passe à travers le juridique, à travers le droit. Accompagner la lutte contre l'islamophobie par de la pleurnicherie, par de la victimisation, c'est contre-productif ! Il faut juste envisager les faits et combattre juridiquement et y opposer un discours digne et sain de ce qu'est réellement notre religion, mais surtout essayer de comprendre les peurs des autres. Parce qu’on peut évidemment dire « on nous aime pas ! », en vérité ce n’est pas tant qu'on ne nous aime pas mais qu'on ne nous connaît pas. Les musulmans de France ne sont pas connus et les musulmans de France ont finalement très peu fait pour mieux se faire connaître. Pour un tas de raisons d'ailleurs qui sont légitimes parce que lorsqu’on est en position d'acculturation, qu'on n'est pas vraiment français, qu'on n'est pas vraiment algérien ou marocain, on est dans une situation identitaire très inconfortable, on n'a pas les outils nécessaires pour traduire ce qu'on est ou ce qu'on n'est pas, d'ailleurs. Donc, on se réfugie parfois dans une forme hyper visible de religiosité pour exister dans l'espace, en disant « je ne suis pas français, je ne suis pas algérien, d'ailleurs je suis musulman ». Mais en vérité, ce n'est pas suffisant. Parce que l'islamité ne se traduit pas d'abord par le vêtement comme manière d'exister dans la société, c'est d'abord un comportement. On va puiser dans nos actes d'adoration, dans la 'Aquida, dans les 'ibadat, on va puiser dans les deux premiers niveaux pour les reverser dans le troisième niveau qui est el mou'amalat. Ça veut dire que plus je prie, plus je lis le Coran, plus je me rapproche de Dieu… plus je deviens véridique, plus je deviens honnête, plus je deviens sensible aux malheurs des autres, plus j'essaie d'avoir de l'empathie, plus j'aime, plus je me transforme intérieurement et plus cette formation intérieure produit un élément positif, admirable, apaisé, paisible et apaisant dans l'espace social. Nous sommes en vérité un peu dans le schéma inverse. Nous sommes, et notamment par le biais de l'islamophobie, constamment dans une situation de confrontation. Alors qu'en vérité, il n'y a pas lieu à ce qu'il y ait confrontation. Puisque nous, nous devons envisager au contraire la paix. Pourquoi ? Parce que la paix est l'essence de notre religion. Le mot islam est construit à partir du mot salam, Salam étant l'un des attributs de Dieu. Nous sommes 'abdosalam, les adorateurs de Celui qui incarne la paix. Nous devrions donc être au service permanent de la paix dans ce pays. Au lieu de ça, je m'aperçois que beaucoup d'acteurs ou une partie des acteurs de la communauté musulmane, même s’ils ne sont pas liés directement à la foi musulmane ou aux mosquées etc., sont des entrepreneurs de guerre. Nous sommes constamment dans un rapport post-colonial, et nous voilà asservi à l'homme blanc, mauvais par nature alors que nous, nous venons du Sud... Toute une rhétorique dont internet nous nourrit, qui est finalement le prolongement de ce qui a été institutionnalisé à l'époque par le parti socialiste qui était SOS racisme et qui se retrouve aujourd'hui d'une manière moins institutionnelle mais tout aussi réelle, qui est celui de se victimiser en permanence et de produire sur cette victimisation un discours belliqueux, belliciste qui cherche l'affrontement. Ce qui est antinomique avec nos valeurs. Parce que l'islam est basé sur la paix. Salam étant un attribut de Dieu, nous sommes les serviteurs de la paix. Est-ce que les attributs divins sont là pour être réciter sans être vécus ? Évidemment non, ils sont là pour d'abord être vécus puis récités. Les caractéristiques de Dieu doivent constituer notre manière de nous porter. On se dirige vers la sainteté. Mais finalement, on peut s'apercevoir les uns les autres pour être honnête, dans notre communauté, on a plus tendance à soigner les apparences exotériques, les apparences extérieures de notre foi, plutôt que les aspects ésotériques qui sont les aspects intérieurs de notre foi. En vérité, on va être extrêmement pointilleux sur le halal par exemple : c'est bien mais je m'aperçois qu'il y a une inversion des priorités. Je vois beaucoup de gens qui ne pratiquent pas, ou pire qui pratiquent des choses illicites, qui commettent de petites délinquances mais qui ne se posent pas la question de savoir si leur comportement est en accord avec l'éthique musulmane. Mais s’il s'agit d'aller manger un hamburger halal, là ça devient extrêmement tranché. En vérité, il y a une inversion des valeurs. Ce qui est le plus difficile, c'est de modifier son comportement, c'est un jihad, ce fameux grand jihad. Le grand jihad est celui qu'on mène contre soi-même pour modifier son comportement. Ça c'est très difficile. En revanche, aller au burger halal ou au Mac Donald, faire le choix entre deux fast-foods qui sont des importations américaines, est relativement simple. En plus, on nourrit sa bonne conscience en plus de nourrir son ventre, on nourrit sa bonne conscience en ayant acheté un hamburger halal. En vérité le vécu des attributs divins est complètement délaissé. Il faut être honnête à l'endroit de ce que nous sommes, sommes-nous réellement "ceux qui croient" et "font de bonnes actions" ? Où sommes-nous juste "ceux qui croient" sans avoir capté les richesses de la Foi ? La Foi qui se vit à travers les attributs divins. J'en reviens à notre idée de « l'islam et la France, un amour possible ? » point d'interrogation. Bien évidemment, si nous vivons notre spiritualité de manière profonde, avec l'empathie nécessaire vis à vis de nos frères catholiques et nos sœurs catholiques, et bien il y a toutes les raisons de penser que nous allons vers un avenir vertueux.

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    Vous savez, je suis porte parole national de La Manif Pour Tous. Vous savez ce que c'est la Manif Pour Tous ? La Manif Pour Tous c'est un grand mouvement populaire qui s'est levé conte le mariage des homosexuels en France. Pire que ça : contre l'adoption des enfants par les homosexuels en France. Intérieurement, dites-vous maintenant ce que chacun d'entre vous avait fait lorsque nous avons appelé les musulmans à manifester. Il y a eu des centaines de milliers de tracts distribués chaque vendredi pendant les manifestations devant les mosquées. Très peu de musulmans malheureusement ont été présents à ces manifestations, très peu. Et parce que nous ne nous sommes pas engagés, nous portons en partie la responsabilité de ce mariage homosexuel. Et nous portons la responsabilité en partie que des enfants auront comme parents deux homosexuels, deux hommes ou deux femmes dès le berceau. C'est vachement joyeux, vous ne trouvez pas ? On a tous eu un papa ou une maman ou les accidents de la vie ont fait que nous avons manqué d'un papa ou d'une maman. C'est l'horreur, c'est horrible ! Papa où t'es ? Maman où t'es ? Le cri du papa absent ou de la maman absente. Eh bien, en partie parce que les musulmans de France ne se sont pas levés contre cette loi, nous portons une partie de la responsabilité. Une partie de la responsabilité, je n'ai pas dit la responsabilité, mais une partie. Il y a eu des fuites du gouvernement, des fuites qui ont dit que si les musulmans s'étaient engagés en masse, il aurait été retiré ! Vous êtes sceptiques ? Nous en reparlerons après ! Moi, en tous cas, je me sens personnellement coupable, en partie coupable du fait que demain des enfants soient privés d'un père ou d'une mère, et que le droit ait été modifié quant à la filiation. Il y a des enfants qui ne sauront pas d'où ils viennent. La filiation est coupée. Dieu dit dans le Coran : « Ô hommes, Nous vous avons créé d'un mâle et d'une femelle... » Donc Dieu nous a créé à partir d'un homme et d'une femme et à partir de cet homme et de cette femme a été créé un nombre conséquent d'hommes et de femmes. Ce verset-là est répété dans toutes les mosquées du monde. Chaque vendredi incarne la filiation. Le fait que nous savons d'où nous venons. La loi sur ce mariage homosexuel, et bientôt la PMA dont je vous dirai un petit mot tout à l'heure, et bientôt la GPA, feront que les enfants naîtront sans filiation, la filiation sera coupée puisqu'on donnera une ovule ou un sperme selon que le couple soit de deux hommes ou de deux femmes, l'enfant sera coupé de sa filiation. Évidemment ce n'est pas trop tard, le mouvement de La Manif Pour Tous continue. Nous avons encore la lutte contre la PMA, puisqu'elle n'est pas encore juridiquement actée, comme on dit en mauvais français, mais le gouvernement prépare la PMA. Le Conseil d’Éthique qui disposait de dix-sept religieux en son sein et qui donne son avis sur l'éthique d'une loi, eh bien, on a viré dernièrement tous les religieux qui le composaient et on les a remplacé par des non religieux. Pourquoi ? Parce qu'on leur dit que la PMA (la PMA est le fait qu'un couple de femmes puisse avoir une gamète homme pour pouvoir avoir un enfant) sera acceptée si le Conseil d’Éthique se prononce en faveur. Donc, il y a un mois, le Conseil d’Éthique a été bouleversé et on a remplacé les religieux par des non religieux. La PMA n'est pas encore arrivée mais elle arrivera puisque c'est dans les projets du gouvernement, puisqu'il le prépare en chamboulant le Conseil d’Éthique. Ainsi les couples de femmes pourront avoir droit à la maternité et donc les couples d'hommes diront qu'au nom de l'égalité : «  ils l'ont accepté pour les femmes, maintenant reste à faire pour nous les hommes. » Sauf que les hommes ne peuvent pas porter d'enfants, donc ils feront appel à des mères porteuses. Ces gens-là achèteront un ovule, insémineront une femme dans le tiers-monde, parce que bien évidemment pour huit mille euros, ce n'est pas une européenne qui va le faire. Ça se passera en Inde, au Nigeria ou je ne sais où ailleurs et les couples d'hommes pourront accéder à la paternité en achetant des bébés, finalement.

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    Maintenant, j'en reviens à notre histoire entre islam et France, amour possible ou pas possible ? Évidemment oui c'est possible. Nous avons tout un tas de causes communes qui permettraient de mieux faire connaître les gens. Parce que quand vous avez distribué des tracts, lorsque vous avez manifesté, fait un sitting avec des gens qui n'étaient pas musulmans mais qui étaient catholiques convaincus, des chrétiens convaincus ou des juifs convaincus, eh bien vous vous trouvez tout de suite un certain nombre de points communs qui vont vous rapprocher. Moi, j'ai vu des catholiques très pratiquants, de conditions sociales très favorisées mais qui m'ont dit n'avoir jamais rencontré de musulman. Et depuis que je distribue des tracts avec Myriam et Leïla qui portent le voile, on se rend compte que notre anthropologie est identique. On a envie d'avoir une vie de famille saine, on n'a pas envie de voir des publicités comme celle que vous voyez dernièrement sur l'adultère "Eden.com". Vous avez vu ça ? C'est un site sur l'adultère. C'est-à-dire qu'aujourd'hui on est en train de commercialiser de l'adultère alors que l'adultère est interdite par la loi, puisque les époux lorsqu'ils se marient à la mairie se doivent mutuellement la fidélité. On est dans un monde où les valeurs qui sont les valeurs fondatrices de la France sont les valeurs fondatrices et fondamentales de notre religion. Nous avons un combat à mener, le halal c'est bien, le hijab aussi, pourquoi pas ?, mais fondamentalement ? Est-ce que le fait de faire la promotion de l’adultère, d'exploser la cellule familiale est un gain en terme de projet, d'environnement pour nos vies futures et les générations futures ? Évidemment non ! Ce qui sera présent demain se décide aujourd'hui. Donc, nous avons tout à faire en tant que musulman français avec les autres confessions et même les non confessions parce qu'il y a des gens qui sont athées mais qui ont du bon sens, pour s'ériger contre ce processus qui détruisent les sociétés. Si on prend les valeurs fondamentales de la parole donnée, le fait de donner sa parole, le respect intergénérationnel, le fait de respecter les personnes âgées, le fait de respecter la vie, le fait de respecter les valeurs familiales… tout ça se sont des choses qui nous sont très chères en tant que musulmans. Toutes ces valeurs là sont aussi les valeurs fondatrices de la France qui les a perdues en partie à cause de la Révolution française, qui les a perdues encore en plus grande partie à cause de Mai 68. Mais tout ça, se sont des chantiers pour nous en tant que musulmans, en tant que musulmanes. Évidemment, quand je dis ça j'enfonce des portes ouvertes parce que vous savez aussi bien que moi ce que je suis en train de vous dire, ce n'est uniquement qu'un rappel. J'ai tellement entendu de musulmans me dire : "de toute façon moi, le mariage homosexuel ne me concerne pas parce que dans ma vie ce n'est pas quelque chose qui existe". C'est faux, parce que de toute façon c'est quelque chose qui va vous toucher d'une manière ou d'une autre. Si ce n'est pas vous, ce sera vos enfants, si ce n'est pas vos enfants, ce sera vos petits enfants.

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    Vous savez ce qu'est la théorie du genre ? La théorie du genre, c'est une théorie qui nous arrive des États-Unis, qui est en train officiellement d'entrer dans nos écoles françaises, qui dit que la sexualité d'un individu n'est pas le fait de son appartenance biologique mais il est le fait de déterminismes culturels et sociaux. Je m'explique : ce n'est pas parce que vous avez un corps de femme ou un corps d'homme que vous êtes un homme ou une femme. Non, c'est la société qui vous dit que vous êtes un homme ou une femme. Donc si on fait jouer des enfants, des garçons à la poupée et des filles aux voitures ou aux pistolets, ils seront libres de dire "je suis un homme" ou "je suis une femme". On peut être pendant un certain temps un homme puis revenir à une femme etc. Ce n'est pas de la science fiction ce que je suis en train de vous dire, c'est la réalité. Najat Vallaut-Belkacem a inauguré une crèche dédiée à la théorie du genre, où on a séparé les garçons des filles, de manière imperméable : du côté garçons des poupées et du côté des filles des voitures. C'est ça la théorie du genre et c'est en train d'arriver et La Manif Pour Tous a créé des comités de vigilance sur le genre. Ces comités de vigilance sont ouverts à toutes et à tous, mais si les musulmans n'y participent pas, c'est un coup d'épée dans l'eau. Donc moi je pense qu'on peut s'aimer, on doit s'aimer et on va s'aimer. Parce que nous avons beaucoup de choses en commun, beaucoup plus de choses qui nous rapprochent que de choses qui nous font diverger. D'une part et d'une autre part parce qu'il y a un ensemble de luttes sociétales dans lesquelles les musulmans doivent être aux premiers plans, aux premières loges. Il suffit de conscientiser, de rationaliser, de penser, de faire passer ces choses-là par notre esprit, par notre raison, par notre logos et se dire comment moi en tant que musulman, priant cinq fois par jour, jeûnant un mois dans l'année, et pour les plus pieux, les lundis et jeudis, lisant mes deux hizbs de Coran par jour, faisant mes invocations le matin et le soir, espérant aller visiter les lieux saints, comment socialement, je me positionne sur ces questions-là ? Parce que lui, le catholique, il fait la même chose, et finalement comme on fait la même chose, eh bien on se rencontre sur les mêmes points. Donc comme on se rencontre sur les mêmes points, eh bien on vit des choses en commun. Et comme on vit des choses en commun, on n'a plus la télévision, on n'a plus le Point ni l'Express qui fait la médiation et l'interface entre les musulmans et les non musulmans, et enfin, nous avons une société unie, un socle commun, solide qui se crée sur des valeurs. »

     

     

    Votre discours consiste à oublier la culture d'origine ?

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    Non, ce n'est pas oublier. Souvent dans mes conférences, j'ai été très clair. Ce n'est pas de l'amnésie, tout au contraire : le devoir de mémoire est l'origine, et la filiation au sens historique, culturel et évidemment familial, doit être constamment rappelé. Il est très intéressant que les générations futures de jeunes d'origine algérienne, marocaine etc., puissent aller retrouver la tombe des anciens au village etc., parce que c'est très constructeur de l'identité, c'est-à-dire qu'il faut vraiment savoir d'où l'on vient. Ce que je veux dire c'est qu'il y a une forme de fantasme, d'illusion dans l'aspect culturel. Quand on glorifie l'arabité pour accéder à l'islam, je pense qu'on est en train de trahir l'islam car l'islam n'est pas la religion des arabes mais la religion de l'humanité. Les arabes — il y en a d’ailleurs qui sont chrétiens — ont des us et coutumes, des cultures et des traditions qui sont emprunts de l'arabité mais ne sont pas musulmans. Il ne faut pas confondre les deux. Confondre les deux signifie emprisonner une spiritualité qui se veut légère et universelle à quelque chose qui est très circonstancié qui sont nos origines. Mais ça ne veut pas dire qu'on va jouer l'amnésie, être plus français que les français, ce n'est pas ça ! C'est quelque chose qui simplement intègre dans notre dynamique historique, sociétale, le fait que, qu'on le veuille ou non, nous sommes moins maghrébins que nos parents et nous le sommes un peu plus que nos enfants et que nos enfants le sont un peu plus que nos petits enfants etc. C'est-à-dire qu'il y a une marge inéluctable du fait que nous soyons scolarisés, que nous vivions, que nous soyons inondés de messages etc. Moi, je vais souvent en Algérie et je fais en sorte que mes enfants aillent en Algérie mais en même temps, ils ont le drapeau français dans leur chambre. Ça ne veut pas dire que nous sommes dans une confrontation, ça veut dire : vous avez votre véhicule, vous avez une destination, votre pare-brise est grand comme ça et vous avez deux rétroviseurs qui vous permettent de regarder derrière. Mais si vous regardez constamment derrière, vous allez aller dans le décor. Or, le fait de regarder derrière est très utile pour pouvoir marcher droit, donc le fait de connaître son origine, le fait même d'entretenir vis-à-vis de nos enfants l'idée que nous venons d'un pays qui a été ceci ou cela, mais que notre avenir se porte dans une direction, fera que naturellement l'apport dont vous parlez se fait à travers ce que nous sommes. L'arabité est quelque chose de fantastique : l'arabité n'est pas raciale. Quoi de commun racialement entre un libanais et un soudanais ? Rien, pourtant ils sont arabes. L'arabité est une entité linguistique. Les gens sont arabes parce qu'ils parlent arabe mais en plus de ça il y a certaines caractéristiques, assez bien d'ailleurs caricaturalement développées dans Tintin au pays de l'or noir, c'est-à-dire des excès de grande générosité, l'hospitalité, mais en même temps l'impulsivité etc. qui sont très caractéristiques, très liées à l'identité des arabes. Moi, ça me fait très plaisir. Par exemple quand j'étais gamin, j'étais horrifié quand je trouvais quelqu'un qui mangeait un petit pain au chocolat devant moi et qui ne m'en proposait pas. On n'est pas habitué à ça, parce que dans  notre culture d'origine arabe, quand tu manges quelque chose, tu le partages. C'est normal. Vous comprenez ce que je veux dire ? Cette idée de l'arabité en tant que valeur qui va apporter en terme de générosité (d'ailleurs les français sont aussi généreux). Mais il ne faut pas folkloriser, fantasmer ou pire que ça, emprisonner notre religiosité. Quand je vois par exemple des convertis qui se mettent à parler avec quasiment un accent du bled, qui se déguisent pour aller à la mosquée, qui e baladent chez eux avec des sdaris, je dis qu'il y a de fait une fusion qui n'est pas souhaitable entre une religiosité universelle et une culture contextuelle.

    Vous dites que les musulmans ne sont pas allés manifester à La Manif Pour Tous et qu'ils sont en partie responsables du passage de cette loi...

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    Quand je dis que nous sommes en partie responsables, je veux dire que quand je vois des manifestations sur la Palestine, lorsque Gaza est bombardé, à juste titre les musulmans manifestent. J'ai conduit plusieurs convois humanitaire à Gaza donc je sais ce que c'est, je sais de quoi je parle, j'ai été responsable d'organismes d'aides humanitaires destinées à la Palestine, eh bien à mon sens, la cause palestinienne est moins grave du point de vue sociétale que le mariage gay. Parce que le conflit palestinien de toute façon se réglera et on doit faire valoir les droits des palestiniens à travers notre engagement aussi. Là, on est en contradiction avec El fitra, cette nature humaine. C'est la nature humaine qui est contredite par une loi et ça, en tant que musulmans qui avons très clairement distingué l'homme de la femme et entretenu l'idée de la filiation… cette loi entre en contradiction directe avec nos valeurs.

    Vous nous proposez d'aller plutôt vers le cassoulet halal que le burger halal en somme ?

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    Pourquoi j'avais opposé le kebab Mac Do au bistrot ? J'ai tenté de dire par cet exemple-là que les lieux de socialisation, ou en tout cas le commerce lié à la gastronomie, n'est pas anodin en France. La cuisine française, avec la cuisine chinoise et la cuisine marocaine, est des plus élaborée au monde. Ce que je crois c'est qu’en n'adoptant pas, ou en ne découvrant pas, ou en ne s'appropriant pas un art culinaire représentant une classe majeure dans l'art culinaire en règle générale, nous passons à côté de quelque chose… Alors on peut ne pas aimer le cassoulet mais on peut aimer le pâté aux pommes de terre, le magret de canard ou le lapin à la moutarde… la variété culinaire française et son élaboration sont si incroyablement diverses et raffinées que face à la pauvreté d'un hamburger ou d'un sandwich grec, on est face à une misère culinaire. On va faire des pieds et des mains, et à juste titre, lorsqu'une espèce animale disparaît parce qu'elle a mis des siècles et des siècles à évoluer et que quand elle disparaît, c'est le patrimoine de l'humanité qui disparaît, mais les arts, cultures, us et coutumes liés à un peuple ont aussi mis des années, des siècles et des siècles à se développer et à aboutir. Donc si nous en tant que citoyens français, musulmans ou pas musulmans, cédons à la mondialisation en délaissant le formidable patrimoine que nous ont légué les générations antérieures, eh bien on loupe un coche. Après ce n'est pas la question de halal ou pas halal, un magret de canard, le canard doit être halal tout simplement. Faisons découvrir ensemble à nos enfants, au lieu de simple pâtes-frites etc. Ce n'est pas beaucoup plus cher, c'est très ludique, c'est extrêmement appréciable à cuisiner et c'est beau ! Et ça fait partie des choses qui font qu'on construit, sans avoir à réciter la marseillaise tous les matins, une identité plus apaisée.

    Que pensez-vous de cette nouvelle Chartre de la laïcité à l'école ? Et de cette morale laïque militante ?

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    La Charte de la laïcité de Vincent Peillon à l'école, eh bien c'est très bien dit par Vincent Peillon : il dit que la Révolution française n'est pas arrivée à bout du catholicisme et qu'il faut effacer toutes traces du catholicisme en France. Mais quand on vous dit « toutes traces de catholicisme », le catholicisme n'est qu'un corps, je dirais. Ce qu'on veut c'est effacer la morale catholique. Et la morale catholique, c'est la morale musulmane. Ce sont les mêmes, la morale juive aussi bien évidemment. Lorsqu'on veut tuer la famille, on veut tuer la distinction homme-femme. Lorsque les enfants donnent des ordres aux parents, lorsque l'autorité devient un fait de subversion, eh bien nous sommes dans une société d'anarchie : les repères sont complètement détruits et c'est une société où l'économie de marché, où la consommation pourra davantage s'épanouir. Je n'invente rien : en 1972, quatre ans après 1968, un philosophe qui s'appelle Michel Clouscart, un marxiste, explique comment par Mai 1968, en disant qu'il faut une liberté sexuelle totale, qu'il faut plus de loisir, qu'il faut moins travailler, donc en détruisant les valeurs d'une société, on va pouvoir étendre les ressources du Marché de la consommation, donc du libéralisme.  Est-ce que vous me comprenez ? C'est-à-dire qu'on va détruire des valeurs morales pour nous amener à devenir de simples consommateurs, c'est tout ! Lorsqu'on éduque nos enfants, il y a des valeurs profondes de croyances, de vérité, d’abnégation, de générosité, et quand il est habité, structuré par des valeurs eschatologiques, le jour du jugement dernier, la présence des anges… eh bien, bien évidemment, que Pokemon et compagnie lui feront moins envie. C'est le vide spirituel, le vide identitaire qui a besoin d'être rempli par ces messages, ces bombardements médiatiques, de la sur-image, du surmarketing. Il y a un lien intrinsèque entre le fait de tuer une morale et la consommation. Et quand on parle de morale laïque, ce n'est rien de plus que tuer ce qui restait de morale chrétienne en France. Et ça, c'est aussi notre combat, parce qu'on a les mêmes valeurs. Aujourd'hui on commence à détruire des églises en France : les musulmans devraient être à la pointe de cette contestation de cette destruction des églises ! Parce que symboliquement parlant, détruire une église c'est grave ! Moi, ça me met en colère. Parce que demain, s’il se passait la même chose dans les pays musulmans, on serait très content de voir des chrétiens s'ériger contre la destruction des mosquées ou des synagogues. Parce qu'il y a un combat commun, on a des valeurs communes, des idées communes et il y a surtout un pays commun. Nous sommes dans un même espace.

    Quand on connaît le parcours sulfureux de l'avocat Karim Achoui, que pensez-vous de son initiative de créer la LDJM (Ligue de Défense Judiciaire des Musulmans) pour défendre les droits des musulmans ?

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    Concernant la LDJM, moi je crains que l'islam soit devenu un produit marketing. L'islam devient un moyen de vendre, un moyen commercial et, étrangement, une spiritualité qui devrait nous pousser à moins consommer devient quelque part une identité musulmane qui nous pousse à davantage consommer. Lorsque je vois que dans les grandes surface par exemple, il y a des grands rayons halal, finalement pourquoi l'islam est-il banni de l'école et a-t-il une si grande place dans les marchés ? Pourquoi ? : parce qu'à l'école, on transmet des valeurs et aujourd'hui dans certaines écoles on impose la Charte de la laïcité. Donc dans ces écoles-là, pas de morale, surtout pas catholique, surtout pas juive et surtout pas musulmane. En revanche dans les supermarchés, pour faire tourner la machine néo-libérale, l'islam a une place et un rayonnage où personne n'a rien à redire tant que vous donnez de l'argent. Donc, nous sommes dans une société qui ne retient pas l'idée des valeurs mais qui se sert des valeurs pour faire consommer. Et il est dangereux de voir des musulmans qui estampillent un tas de produits qui n'ont rien à faire dans le halal comme étant halal. J'ai vu des pubs sur internet "voyage halal" ! Je ne mens pas, je suis sérieux. En fait, aujourd'hui, les musulmans se ré-islamisent, donc ça devient une niche marketing, donc on va essayer d'avoir leur bonnes faveurs commerciales en passant par leur islamité, en passant par leur spiritualité. Mais c'est odieux comme manière de faire ! Ce qui est halal, et bien on le sait, il y a le Coran pour distinguer, c'est pour cela qu'on l'appelle "El fourqane", le discernement, Celui qui permet de distinguer le vrai, du faux. Donc voyage halal, défilé de mode de hijab. On en arrive à une spiritualité qui devrait nous distinguer, nous éloigner de la surconsommation et finalement cette spiritualité devient un faire-valoir pour la consommation. C'est là que nous en tant que musulmans, nous devrions faire fonctionner nos méninges. C'est-à-dire : qu'est ce qui relève authentiquement de la spiritualité, de la foi et qu'est-ce qui relève d'un acte de consommation qui me permette d'exister en tant que musulman dans l'espace public ? Concernant la LDJM, je crains que ce soit un fait marketing, quasiment commercial, qui touche l'affect des musulmans, leur pathos, leur sensibilité, leur sentimentalité, pour capter un fait juridico-marketing. Maintenant, il est évident que quand une musulmane est agressée, comme quand une non-musulmane est agressée, il y a des tribunaux, il y a un Droit qui existe et tout ça doit être porté devant les tribunaux. Mais devenir un objet marketing captant la sensibilité des musulmans, là je dis faites attention. Moi, je suis parti aux États-Unis, je suis allé rencontrer l'Anti Diffamation Ligue, c'est une organisation juive aux États-Unis qui lutte contre l'antisémitisme. Mais, il faut voir à quel point cet organisme a besoin de l'antisémitisme pour exister. Et quand il n'existe pas, il est obligé de l'inventer. Le moindre graffitis sur une synagogue devient un acte antisémite. Alors qu'en vérité, il n'y a pas d'acte antisémite. Ça veut dire qu'on enclenche une machine qui va avoir besoin de s'alimenter, et même si il n'y a plus d'islamophobie ou d'actes islamophobes, il va quasiment falloir en créer. Je ne sais pas si je suis clair… La machine se nourrit comme ça, on fait tourner la boutique. Donc, il faut distinguer ce qui relève de la légitimité, du droit, porter plainte de manière tout à fait conventionnelle quant il s'agit d'un acte islamophobe et la capacité d'acteurs à pouvoir domestiquer cette islamophobie pour pouvoir en faire un fond de commerce. Voilà, je suis un peu sévère dans mes mots mais il se passe exactement la même chose avec la communauté juive aux États-Unis. Et je n'ai pas fantasmé, parce que je suis allé les rencontrer dans leur bureau à Washington pour comprendre quels étaient les mécanismes de la victimisation qui permettaient de faire d'une minorité victimisée une minorité agissante dans le champ politique. Alors si nous faisons cela en France, qui n'est pas une société communautariste à l’anglo-saxonne, mais une société où la citoyenneté est partagée par tous, nous entrons en confrontation avec le logiciel basique de la constitution et de l'identité française et nous nous mettrons de fait à l'écart de l'ensemble de nos compatriotes français. Concernant l'islamophobie, toujours, je voudrais juste rappeler — et ce n'est pas pour dire que c'est normal ou pas normal, mais c'est important que ce soit rappeler aux musulmans — que la cathophobie au XVIIIème siècle a fait près de 600 000 morts, le génocide de Vendée. Durant la Révolution française, les révolutionnaires sont allés un peu loin, c'est-à-dire qu'ils voulaient interdire les églises, interdire la religion, brûler les Évangiles etc. En Vendée, un certain nombre de français, de catholiques, se sont levés contre la Révolution française. Ils les ont zigouillés à hauteur de 600 000 personnes. En ne tuant pas que les hommes, mais aussi les femmes et les enfants. Alors ceci n'excuse pas cela, ce n'est pas ce que je suis en train de dire. Je dis simplement qu'il faut que nous, en tant que musulmans, ayons une vision globale de ce qu'est l'histoire française parce que c'est aussi notre histoire, parce que nous sommes français, et savoir intégrer nos problématiques dans une dynamique historique et sociétale, de telle manière à ce que nous ne regardions pas seulement notre propre nombril, en disant que nous n'avons pas été les seuls à souffrir dans ce pays là, non ! Il y a une dimension anti-religieuse, anti-cléricale où le concept de liberté se crée en distinction, voire en opposition, voire en persécution de la religion en France. Mais il faut aussi envisager la chance qu'est la laïcité qui permet que les religions fortes ne prennent pas le pas sur les religions faibles, et la laïcité, comme le disait un sage, est la branche sur laquelle tout le monde est assis, s'il y en a un qui veut la scier c'est tout le monde qui tombe.

    Vous parlez uniquement des Catholiques et des Musulmans mais jamais de la communauté juive, pourquoi ?

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    De la communauté juive, très souvent je ne parle pas, je parle principalement des catholiques. Mais comme je ne parle pas des juifs, je ne parle pas non plus des protestants, ni des orthodoxes, ni des bouddhistes, ni des hindouistes etc. Parce qu'en faites ces religions : juives… même si la religion juive est plus ancienne en France que le christianisme. Le judaïsme arrive en France avec l'Empire Romain et les premiers évangélistes arrivent durant le premier siècle. Donc en terme de nombre c'est le catholicisme qui chapote, c'est pour ça que je parle souvent de "catholaïcité" et que je ne parle pas du judaïsme, du protestantisme, de l'hindouisme etc. Et surtout, je pense que fondamentalement, le catholicisme, pour peu qu'on essaie de le comprendre, de le connaître, partage des valeurs. Je reprends l'exemple de la Toussaint, j'ai appris hier que la Toussaint avait aussi comme sens le fait que tout être humain pouvait, s’il le voulait, devenir saint. C'est-à-dire que quand on parle en islam de muslim, mu'mim, mouhsin — le mouhsin est celui par lequel Dieu voit, entend — celui qui est habité par Dieu est élevé au rang de Saint. Et la Toussaint, dans son sens catholique, pas musulman, c'est de dire que la Sainteté est accessible aux humains, ce n'est pas quelque chose qui est du domaine de l'angélisme. J'ai trouvé le sens très percutant dans notre spiritualité. D'ailleurs si je vous fais lire une page des Confessions de St Augustin, ou si je vous fais lire une page de Rabi'a el 'Adawiyya, vous serez très embarrassés pour savoir qui a dit quoi. Parce qu'en vérité et fondamentalement, la mystique catholique et la mystique musulmane sont très très proches dans le sens et dans les valeurs. Alors bien évidemment, je ne parle pas du dogme, etc.

     

     

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  • Camel Bechikh : « Ce que j’aurais voulu dire le 2 février 2014 »

    Pour une politique familiale forte


    CB LMPT 2 février 2014.jpgLa politique familiale forte impose la mise en perspective des idées qui nous ont, au fil du temps, amenés à des politiques familiales faibles ! 

    Politiques familiales faibles ayant exposé dangereusement, puis explosé la famille française et ses valeurs.

    Il faut aujourd’hui le reconnaître, la pensée dominante, depuis le XVIIème en France, en construisant une république laïque a aussi tenté d’éteindre la France catholique. Mais que devient la France sans le souffle catholique qui l'a fait naître ? Ce souffle, fixant les points cardinaux des valeurs du respect de la vie, des valeurs de protection des plus faibles, des plus pauvres, de la famille...

    Je ne rentrerai pas dans les détails car si vous êtes présents aux côtés de La Manif Pour chrétiens, juifs, musulmans, athées… Tous, depuis plus d’un an, c’est que chacun d’entre vous à terminé de comprendre comment nous en sommes arrivés là, mais surtout, comment nous allons en sortir.

     

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    Marthe Robin, malheureusement trop peu connue des français, donna son avis sur la dégradation sociale et morale de la France en 1971 :

    « Ce n'est rien à côté de ce qui va arriver. Vous n'imaginez pas jusqu'où l'on descendra ! Mais le renouveau sera extraordinaire, comme une balle qui rebondit ! Non, cela rebondira beaucoup plus vite et beaucoup plus haut qu'une balle ! » 

    Il ne fait aucun doute qu’après l’avortement, le mariage pour tous, la théorie du genre… nous ayons atteint l’abîme, mais il ne fait aucun doute non plus que l’ensemble des dernières mobilisations populaires, La Manif Pour Tous en tête, forment ce début de Renaissance française.

    À ce titre, rendons hommage à celles et ceux dans l’ombre qui ont permis que nous soyons une de fois de plus si nombreux et, une pensée particulière pour notre présidente, Ludovine de la Rochère, pour avoir su maintenir l’élan malgré les épreuves traversées par le mouvement.

    Enfin merci aux musulmans de France qui ont joué un rôle décisif ces jours derniers pour que jamais l’école ne devienne un lieu totalitaire, un lieu d’endoctrinement de la morale laïque. Merci à eux pour leurs efforts afin que la France reste fidèle à son baptême, à son souffle et ne troque jamais son âme...

    Vive La Manif Pour Tous,

    Vive la France !

     

    CB LMPT 2 février 2014.jpg

    J'ajoute un petit post scriptum à ce discours, tel que j'aurais voulu le manifester le 2 février : Tous les jeudis, à 18h30, une Messe pour la France est célébrée avec les Bénédictines au Sacré-Cœur de Montmartre, précédée à 18h par les Vêpres, la litanie des saints de France en assurant la transition…

     

    Une raison d'espérance

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  • Le temps est supérieur à l’espace

    Blason Pape François.jpgEn chaque nation, les habitants développent la dimension sociale de leurs vies, en se constituant citoyens responsables au sein d’un peuple, et non comme une masse asservie par les forces dominantes. Souvenons-nous qu’ « être citoyen fidèle est une vertu, et la participation à la vie politique une obligation morale »[i]. Mais devenir un peuple est cependant quelque chose de plus, et demande un processus constant dans lequel chaque nouvelle génération se trouve engagée. C’est un travail lent et ardu qui exige de se laisser intégrer, et d’apprendre à le faire au point de développer une culture de la rencontre dans une harmonie multiforme.

             

    Blason Pape François.jpg

    Pour avancer dans cette construction d’un peuple en paix, juste et fraternel, il y a quatre principes reliés à des tensions bipolaires propres à toute réalité sociale. Ils viennent des grands postulats de la Doctrine Sociale de l’Église, lesquels constituent «  le paramètre de référence premier et fondamental pour l’interprétation et l’évaluation des phénomènes sociaux »[ii]. À la lumière de ceux-ci,  je désire proposer maintenant ces quatre principes[iii] qui orientent spécifiquement le développement de la cohabitation sociale et la construction d’un peuple où les différences s’harmonisent dans un projet commun. Je le fais avec la conviction que leur application peut être un authentique chemin vers la paix dans chaque nation et dans le monde entier.

     

    Le temps est supérieur à l’espace

              

    Blason Pape François.jpg

    Il y a une tension bipolaire entre la plénitude et la limite. La plénitude provoque la volonté de tout posséder, et la limite est le mur qui se met devant nous. Le "temps", considéré au sens large, fait référence à la plénitude comme expression de l’horizon qui s’ouvre devant nous, et le moment est une expression de la limite qui se vit dans un espace délimité. Les citoyens vivent en tension entre la conjoncture du moment et la lumière du temps, d’un horizon plus grand, de l’utopie qui nous ouvre sur l’avenir comme cause finale qui attire. De là surgit un premier principe pour avancer dans la construction d’un peuple : le temps est supérieur à l’espace.

             

    Blason Pape François.jpg

    Ce principe permet de travailler à long terme sans être obsédé par les résultats immédiats. Il aide à supporter avec patience les situations difficiles et adverses, ou les changements des plans qu’impose le dynamisme de la réalité. Il est une invitation à assumer la tension entre plénitude et limite, en accordant la priorité au temps. Un des péchés qui parfois se rencontre dans l’activité socio-politique consiste à privilégier les espaces plutôt que les temps des processus. Donner la priorité à l’espace conduit à devenir fou pour tout résoudre dans le moment présent, pour tenter de prendre possession de tous les espaces de pouvoir et d’auto-affirmation. C’est cristalliser les processus et prétendre les détenir. Donner la priorité au temps c’est s’occuper d’initier des processus plutôt que de posséder des espaces. Le temps ordonne les espaces, les éclaire et les transforme en maillons d’une chaîne en constante croissance, sans chemin de retour. Il s’agit de privilégier les actions qui génèrent les dynamismes nouveaux dans la société et impliquent d’autres personnes et groupes qui les développent, jusqu’à ce qu’ils fructifient en événements historiques importants. Sans inquiétude, mais avec des convictions claires et de la ténacité.

      

    Articles 220 à 223

    de l’Exhortation apostolique

    du Saint-Père François

    La joie de l’Évangile

    EVANGELII GAUDIUM

     

     


    [i] CONFERENCE DES ÉVÊQUES CATHOLIQUES DES ÉTATS-UNIS, Lettre pastorale Forming Consciences for Faithful Citizenship (2007), 13.

    [ii] CONSEIL PONTIFICAL JUSTICE ET PAIX, Compendium de la Doctrine Sociale de l’Église, n. 161.

    [iii] Ici, deux de ces principes seulement sont repris.

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  • La vocation de la France

    la france,foi,Écologie humaineSi la vocation chrétienne de la France existe, si la France entre dans le plan de Dieu pour que l’Évangile soit annoncé aux nations et incarné en elles, cette vocation s’enracine sur une culture humaine qui est élevée, « assomptée » à un niveau supérieur, pénétrée par la grâce pour le service de la foi et de l’humanité.

    La France a été et demeure le « pays de l’homme ». Je veux dire par là un lieu ou les diverses dimensions de la créature humaine ont pu se déployer. L’homme y a été « découvert » en ses multiples aspects, cultivé, éduqué. En particulier dans sa capacité à réfléchir, à communiquer, à s’engager, à être reconnu dans sa dignité, à exercer sa liberté, à vivre dans la dignité. La France est un pays « anthropocentré ». Jean-Paul II l’a bien dit au Bourget en expliquant que les diverses traditions du pays avaient voulu « servir l’homme ». C’est vrai. L’humanité est belle, elle a été créée par Dieu, elle mérite d’être servie, ornée, embellie. On a donc exploré les diverses attitudes de l’homme face à lui-même, face aux autres, face à Dieu. La France est un pays de découvertes, mais le plus grand territoire à explorer, c’est nous-mêmes.

    Une vocation n’existe évidemment que référée à Dieu. Cette terre a été bénie par Dieu et elle l’est encore. L’homme est aimé par Dieu. Il vaut quelque chose. Il est même d’une immense grandeur puisque Dieu lui-même s’est fait homme. La France est un pays où l’homme a rencontré Dieu. Il l’a aimé et l’a servi avec beaucoup de courage. Les saints français sont des hommes et des femmes originaux et courageux.

    Ce service s’est effectué dans l’amour. La France est un pays où on a beaucoup aimé. On a aimé les hommes, les femmes, les enfants, Dieu, le Christ, la Vierge Marie, reine de ce pays depuis 1638. ON a aimé les lieux, la langue, les autres pays aussi, souvent, avec qui on a dialogué et dont on a reçu : que serions-nous sans l’Italie.

    Keyserling (Hermann Von Keyserling, Analyse spectrale de l’Europe, p.59) écrivait déjà au début du XXème siècle : « Or, aujourd’hui, point de doute, l’amour comme tel n’est plus à la mode, en Europe ; cette évolution a pu se produire parce que, dans son sens spirituel, l’amour est une œuvre d’art créée par des motifs spirituels qui ne furent pas toujours en vigueur. » Et en effet, la période qui suivit lui donna raison : le XXème siècle fut tout, sauf le siècle de l’amour. Pourtant la petite Thérèse de Lisieux avait montré, au début de cette période troublée, que le christianisme n’est que la religion de l’amour. Aujourd’hui un monde est à construire où à reconstruire. Si la France est « la fille aînée de l’Église » et l’« éducatrice des peuples », ce sont des leçons d’amour qu’elle doit donner :

             Le dernier asile de l’amour : Mais je ne puis pas terminer sans avoir examiné un tout autre problème qui assure peut-être à la France, par le seul fait qu’elle existe, ses plus grandes possibilités d’avenir. Le fait est que le monde qui naît court un grand danger dont la plupart ne semble même pas se douter, autrement ils ne vivraient pas en l’air comme ils le font. Ce danger c’est que l’amour risque de mourir sur terre.

    (Hermann Von Keyserling, Analyse spectrale de l’Europe, p.57)

     

    ***

     

             La vocation de la France, c’est d’être le pays de l’homme, de l’homme aimé par Dieu et par les autres, aimant Dieu et les autres. C’est une vocation universelle. L’histoire récente a réduit l’influence de la France, elle n’est plus le modèle de la civilisation. Mais cependant le charisme demeure, même s’il est en partie caché. Si la France redevenait elle-même, elle serait capable de parler à toutes les nations. Y a-t-il beaucoup de peuples qui portent en eux-mêmes ce charisme ? 

     

    BERNARD PEYROUS

    in Connaître et aimer son pays

     

    la france, foi, Écologie humaine 

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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  • Le socle des valeurs communes en France est celui du catholicisme

    CB AF 18.01.14-3.jpg

    « Aujourd’hui les peuples d’Europe (ou une partie des peuples d’Europe) grâce à ce mouvement populaire*, que je qualifierai — et dans ma bouche c’est très valorisant — de conservateur, retrouvent son habitus européen. Je le crois profondément. Il est aujourd’hui plus facile d’annoncer un certain nombre de positions en lien avec l’identité de la France traditionnelle que ce n’était le cas il y a quelques années en arrière. Je crois qu’il y a la France réelle et la France virtuelle. Il y a la France réelle, celle qui est imbibée des valeurs du catholicisme et il y a la France virtuelle de la pensée dominante qui implique, pour ne pas être ostracisé dans son milieu professionnel et familial, de répéter un certain nombre de litanies mais qui ne sont pas intrinsèquement vécues par les individus. Je pense, nous pensons, j’espère… que le socle des valeurs communes en France est celui du catholicisme. Valeurs qui par ailleurs sont transformées après 1789 et après 1905 dans une autre forme : on va parler de Droits de l’Homme… Mais ce n’est qu’une religiosité habillée de façon sécularisée. Il reste intrinsèquement au centre de ces valeurs « liberté, égalité, fraternité » la doctrine sociale de l’Église. Je crois qu’on a habillé différemment cet habitus des valeurs catholiques mais il reste profondément ancré. Cet ancrage est la chance ultime pour la France de reconsidérer l’union de ses différents peuples, de ses différentes populations. Je pense qu’il y a un peuple français, une culture française et il y a en effet des singularités ici et là, mais finalement nous savons encore qui nous sommes.

     

    Comme postulat à toutes ces notes d’espoir il me semble fondamental que les gens dans cette salle, parce que vous êtes parmi les forces vives de cette renaissance française du fait de votre engagement à l’AF — et si vous êtes là aujourd’hui c’est parce que vous avez un intérêt charnel pour la question — c’est la question de l’engagement. Si vous êtes venus aujourd’hui, vous avez un intérêt pour la chose mais il serait dommage que cet engagement ne se situe que dans le fait d’assister à une conférence ou à un colloque. Je crois que nous sommes tous responsables du destin de la France, nous sommes tous une part de ce maillon intergénérationnel, nous avons reçu une France dont nous avons envie d’être fiers et nous devons la transmettre aux générations futures. À ce titre-là ça ne repose pas sur l’autre, ça repose considérablement d’abord sur soi, sur le couple, sur la famille, sur l’action sociale dans un quatrième temps. J’aimerais citer une référence que je pense que tous les patriotes français devraient posséder, c’est « Connaître et aimer son pays » de Bernard Peyrous, prêtre à Paray-le-Monial, qui a une vision supra-intelligente du rapport entre la foi et l’idée d’aimer son pays. Parce que l’on peut très vite et de manière très maladroite convoquer la foi pour devenir une espèce de bouclier identitaire qui créerait plus de dissension, plus de fragmentation, plus de division au sein du peuple français. Il est très facile de céder à une religiosité identitaire, quelle soit musulmane, catholique, juive… qui est une religiosité de rejet qui fragiliserait de fait la France, au lieu d’une spiritualité telle que la décrit Bernard Peyrous : aimante, intelligente et qui lie parfaitement l’abscisse et l’ordonnée qui serait l’horizontalité des rapports entre les gens et la verticalité du rapport au divin. »

     

    * La Manif Pour Tous

     

    Camel Bechikh
    Président de l’association Fils de France
    Logo Fils de France.jpg

     

     

    18 janvier 2014
    Table ronde « La France et ses peuples »
    Colloque « Carrefour Royal » organisé par l’Action Française

     

    Source vidéo : Agence Info Libre 

     

     

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  • Les mots de Marthe Robin nous fortifient : plonger dans l'Amour, revivre notre baptême…

    En cette fête de la saint Rémi, je vous invite à plonger dans ces pages extraites du Journal de Marthe Robin, du 15 janvier 1931, comme s’il s’agissait de revivre notre baptême. C’est comme cela que j’en ai reçu la lecture moi-même hier soir.

    C’est une manière aussi de nous fortifier pour la Marche Pour La Vie de dimanche 19 janvier prochain.

    Je dédie ces mots à tous leurs lecteurs, et plus particulièrement à quelques personnes qui comptent directement dans la fruition de La Vaillante, pour la foi en la France, la foi en l'homme, la foi en Dieu : Bernard Peyrous, Ludovine de la Rochère, Camel Bechikh, Axel Nørgaard Rokvam, Jean-Marie Élie Setbon, Fabrice Hadjadj, le père Dominique B., frère Théophane, sœur Michèle-MarieLes Veilleurs de France & de Navarre…

    CAMILLE FORNELLO

     

     

    Marthe sur son oreiller.jpg

    « J’ai de plus en plus l’attrait d’aimer Dieu « en esprit et en vérité ». L’oraison est à l’esprit ce que l’âme est au corps. Quand l’âme se retire du corps (à la mort), toute vie physique disparaît, et quand on ne fait plus oraison, il n’y a plus de vie intérieure possible. Il en est de la vie de l’âme comme de la vie du corps. Un enfant ne grandit et ne se développe que dans la mesure où on l’alimente ; l’âme ne se développe et ne vit qu’à proportion qu’on la nourrit. La prière est pour l’âme ce qu’une pluie régulière est à un jardin que dessèche les rayons ardents du soleil ; elle lui donne et lui maintient la fraîcheur du ciel dont elle a un besoin constant.

     

    Quand je prie, mes prières ne sont ni articulées ni balbutiées, et cependant mon esprit est constamment plongé en Dieu, perdu en lui, si j’ose m’exprimer ainsi. Je jouis de la présence sensible de Dieu en moi.

     

    Avec ses intimes, Dieu se plaît à parler tout bas. Il aime l’âme qui l’écoute et lui parle sans bruit. Qu’y-a-t-il de plus beau que ce qui ne se voit pas, ne s’entend pas ! Dans l’amour, ce qui se dit tout bas a infiniment plus de valeur que ce qui s’articule tout haut et se comprend bien mieux. Vivre au-dedans de son âme… toutes les lumières divines sont là ! Prier en dedans.

     

    Des profondeurs de la douleur jaillissent et s’élèvent les plus profondes et les plus fécondes prières. C’est en nous amenant au fond de notre âme que la douleur nous fait monter sur les hauteurs… jusqu’à l’infini… jusqu’à Dieu !

     

    Que le silence est bon, fécond avec Dieu ; c’est la fusion dans l’amour infini… l’amour de l’âme ardente que rien n’absorbe, rien n’arrête, rien ne retient ni ne limite. Il ne faut jamais rester au seuil de son âme, il faut rentrer à l’intérieur, y descendre, y réfléchir, y méditer, y travailler et s’y laisser travailler… face à face avec Dieu ! Que de pauvres humains qui ne vivent jamais avec leur âme et reste au seuil toute leur vie. Que de saintes pensées effleurent notre esprit sans le pénétrer ; elles ressemblent aux épaves qui flottent su l’océan et que le vent emporte. Pour qu’une vérité devienne nôtre, il ne faut point y passer rapidement dessus, mais s’y arrêter, y réfléchir, s’y fixer.

     

    Contempler Dieu longuement… le contempler tout le temps… L’âme devient belle en se nourrissant de la beauté… elle devient bonne en s’abreuvant à la bonté… elle devient aimante en s’inondant dans l’Amour. N’être qu’amour dans la douleur.

     

    La Beauté… c’est Dieu ! La Bonté… c’est Dieu ! L’Amour… c’est Dieu.

     

    Une seule âme de beauté suffit pour purifier bien des souillures !… une seule âme de bonté suffit pour racheter bien des laideurs ! Une seule âme d’amour suffit pour faire sombrer bien des haines.

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    Chercher Dieu, c’est la foi… le trouver, c’est l’espérance… le connaître, c’est l’amour… le sentir, c’est la paix ; le goûter, c’est la joie… le posséder… c’est l’ivresse.

     

    La foi est un don de Dieu : on ne se donne pas la foi, on la demande… C’est croire à tout ce que contient le saint Évangile comme révélé par Notre-Seigneur lui-même, à toutes les vérités enseignées par l’Église. Et les mettre en pratique. La foi est le flambeau de la vie éclairant nos espérances, nous amenant à l’amour de Dieu.

     

    La foi, c’est croire sans voir, mais parce que Dieu a parlé, et en avoir confiance ; c’est voir dans les ténèbres par la lumière qui est Dieu. Croire à Dieu, simplement en théorie, n’est pas la foi… la foi, c’est croire par la pratique et vivre ce que l’on croit. Il n’y a que cette foi qui soulève les âmes. Que de chrétiens sont peu chrétiens pour ne pas réaliser leur foi ; réaliser, c’est pratiquer ce qu’on possède. Que nous servirait d’avoir un trésor si nous n’en savions pas l’existence ?

     

    L’espérance, c’est reconnaître les grâces que Dieu nous fait dans l’attente des biens qu’il nous promet ; c’est la pleine confiance qu’en vivant pieusement, vertueusement ici-bas, nous aurons part aux récompenses, au bonheur des élus.

     

    L’amour, c’est la fidélité, la conformité, la pensée continuelle au Dieu que l’on aime. L’amour fait voir Dieu dans la plus humble chose… c’est vivre près de Dieu en craignant le péché, ennemi de Dieu. L’amour peut tenir lieu de tout. Hors l’amour, tout le reste n’est rien, ne porte rien. L’amour pur et vrai n’a point de mesure ; rien ne l’empêche de grandir, les adversités, les douleurs sont un feu qui le pousse. L’amour vrai n’est pas celui qui charme… mais bien celui qui rend humble, détaché, qui porte au recueillement, au devoir.

     

    La paix, c’est un sentiment suave et profond dans l’âme, lequel ne vient que de Dieu, et qui n’est donné qu’à l’âme qui vit dans l’union avec lui. La paix durable et profonde naît dans la prière et le plus souvent dans la souffrance ; elle est semblable à un ruisseau qui coule limpide, calme et paisible, entre deux rives fleuries. C’est bon la paix, meilleur, mille fois, que le succès ; je te donne ma paix, je te laisse ma paix… garde-la bien… ne trouble pas celle de tes frères.

     

    La joie, c’est déjà l’aurore de la moisson que récolteront tous les cœurs fidèles à Dieu. Elle est souvent le fruit d’une longue souffrance, le rayon divin que Dieu projette dans une âme qui lui appartient, qui ne lui refuse rien et sait être son amie. On ne peut se donner la joie, mais on peut toujours se tenir dans la paix.

     

    L’ivresse, c’est la jouissance même de Dieu qui fait que tout le ciel est dans l’âme et l’âme vit de la Vie. C’est goûter en cette vie les délices enivrantes de l’éternelle Patrie dans l’union amoureuse, dans l’intimité avec Jésus. Il fait bon avec vous, Maître… restons.

     

    Ascension ! Jésus est mon guide dans les sentiers surnaturels qui mènent aux sommets invisibles. C’est Jésus que je vois en tout, que je trouve en tout. Me perdre de plus en plus en lui pour n’être plus qu’une transparence de lui.

     

    Esprit Saint, Dieu de Lumière, enveloppez mon âme de vos éblouissantes clartés… qu’elle soit toute submergée dans les feux de l’amour. Ô Jésus ! vous seul dans ma vie.

     

                                                                 15 janvier 1931 (jeudi) »

    MARTHE ROBIN

     

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  • La sainte colère du Père Daniel-Ange

     

    "Nous refusons de pervertir nos enfants avec vos stupidités !"

    "Nous sommes en plein régime idéologique totalitaire qui nous est imposé. Et le pire encore ce sont les petits…"

    "Tout ce que je dit c'est en train de se passer maintenant !"

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  • Nous, prêtres, serons contraints d’entrer en résistance car le problème posé par ce rituel de mariage républicain est qu’il est un culte qui ne s’adresse pas à Dieu mais à l’idéologie de l’homme-Dieu comme entité divine

    Lettre du Père Ignace Jalenques, de la communauté Saint Jean à ses frères prêtres et à tous les fidèles :

    « Chers frères dans le sacerdoce, chers frères chrétiens, membres du corps du Christ.

    Ainsi dans la nuit du 9 au 10 avril 2013 le Sénat, votait l’article 1 de la loi Taubira, avec un détail que je veux relever ici, car un masque de plus tombe dans cette mascarade. Il a été ajouté la mention de mariage « républicain » déjà demandé par notre théologien de la république Alain Tourret dont on se souvient de l’homélie de 19 mn lors de l’audition des responsables religieux à l’Assemblée nationale le Jeudi 29 novembre 2012…

    Tout ceci est fort intéressant et révèle la finalité propre de l’idéologie se masquant sous les apparence d’une loi qui n’a de loi que la technique (cf. chacune des interventions de Mme Taubira qui décidément n’a pas d’autres arguments, quoique parfois, il faut le reconnaître, elle pimente un peu ses dires par des histoires tirée de « mavie.com »).

    Je m’explique, il existe en France une cérémonie civile : le baptême républicain en mairie (sic). Celui-ci n’a rien de nécessaire ni d’obligatoire puisque l’acte de naissance dans notre pays nous fait membre de la communauté. Au mieux sert-il à satisfaire celui dont on voudrait qu’il soit « parrain » (et encore qu’est-ce que cela signifie réellement ?) mais il refuse d’aller à l’église (puisque l'école de la République aidée d’une éducation médiatiquement contrôlée lui a fait avoir en horreur cette religion qu’il n’a d’ailleurs jamais approchée, en fait).

    Par contre le baptême chrétien lui, est nécessaire pour entrer dans la communauté, qui se nomme l’Église.

    Mais stupéfaction, lorsque je parvins après maintes recherches à trouver le rituel de ce « baptême républicain » pour essayer de comprendre, je le découvre avec le label GODF !!! Je découvre dans ce même rituel (de 87 pages : http://213.56.64.10/uploads/assets/file/rituels-rep.pdf) le mariage républicain (distingué du mariage civil) et les funérailles républicaines…

    L’effet de cette loi sera donc le suivant : le mariage civil, devient un mariage religieux et par conséquent il devient incompatible de nature avec une quelconque union dans n’importe quelle autre religion.

    Il me semble donc clair que le but de cette loi n’est l’égalité pour personne mais le remplacement d’une religion par une autre (les homosexuels sont utilisés et sacrifiés sur l’autel de la République et cet article révèle combien leur dignité, ils s’en foutent).

    Nous, prêtres, serons contraints d’entrer en résistance car le problème posé par ce rituel de mariage républicain est qu’il est un culte qui ne s’adresse pas à Dieu mais à l’idéologie de l’homme-Dieu comme entité divine. Or nul ne peux rendre un culte le matin à une divinité et l’après-midi à une autre sans mentir, ce qui serait fort dommageable au demeurant, pour le « plus beau jour de sa vie » pour le moment où je me donne à toi dans un don total de ma personne…

    Construire sur le mensonge : une incohérence qui ne gênera pas les moins scrupuleux, mais ça tombe bien car pour ceux-là le mariage ne signifie déjà plus rien… Serons-nous contraints de refuser le mariage à la Mairie pour pouvoir accueillir dans l’église ?

    Je voudrais terminer avec cette indication qui a guidé le père Jerzy Popieluszko (martyr en Pologne en 1982 tirée de l’épitre au Romain (12,21) : « Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais soit vainqueur du mal par le bien. »

    Père Ignace Jalenques, Communauté Saint-Jean

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  • Le printemps des consciences

    Lettre de Monseigneur Marc Aillet aux diocésains à propos de la « Manif pour tous » du 24 mars :

     

    Mandala, HildegardeDeBingenMandala de Hildegarde Von Bingen

    "Le 13 janvier dernier à Paris, le projet de loi Taubira de « mariage et adoption pour tous », a suscité une mobilisation sans précédent, tant par son ampleur que par la diversité des manifestants et leur motivation : on ne marchait pas pour défendre des intérêts particuliers, mais on avait conscience, de manière plus ou moins explicite, de promouvoir le bien commun de la société, un bien précieux à transmettre aux générations futures. Le moins qu’on puisse dire, c’est que cette mobilisation ne semble pas avoir eu d’effets immédiats sur le gouvernement : son absence presque totale de réaction a même pu s’apparenter à un certain mépris. Le débat parlementaire a été à l’image des auditions devant la commission des lois de l’Assemblée nationale : un parti-pris idéologique, un refus d’entendre la voix de la raison en tournant systématiquement en dérision les arguments avancés, une occultation des vrais enjeux pour la société, en particulier « le droit de l’enfant » au profit d’un mortifère « droit à l’enfant ». Les 700.000 pétitions déposées au CESE n’ont pas eu plus de succès. Les medias qui minimisent cette mobilisation, au mépris de son ampleur inédite en France, continuent de donner la parole aux promoteurs du projet de loi qui s’en prennent avec virulence à leurs adversaires en brandissant contre eux le facile qualificatif d’ « homophobes » pour les diaboliser aux yeux de l’opinion.

    Face à une telle fin de non-recevoir et devant l’obstination du gouvernement, voire une certaine faillite des institutions républicaines qui apparaît de plus en plus comme un déni flagrant de démocratie, la partie est-elle perdue pour autant ? Non, et il convient de rester mobilisés, même si le doute et le découragement semblent en gagner plus d’un.

    Il reste que la mobilisation historique du 13 janvier est une lame de fond qui ne saurait se réduire à un combat à court terme, lequel demeure pour autant légitime. En effet on ne saurait être dans une logique d’affrontement ou de rapport de forces. Face au mépris et à la dérision, il n’est pas question de se laisser aller à quelque forme de violence ou d’agressivité que ce soit. C’est un combat spirituel où les ennemis ne sont pas « des êtres de chair et de sang », comme dirait saint Paul : c’est la « béatitude des doux » qui doit nous animer ; et la douceur n’a rien à voir avec la mollesse et la lâcheté, elle est même la vertu qui nous aide à convertir la violence en force d’âme. Mais il semble bien que l’on soit engagés dans une « guerre idéologique » qui entend procéder à la déconstruction de la société et à la déstructuration de la personne humaine, jusqu’à détruire son lien constitutif au Créateur, pour hâter l’avènement d’un « homme nouveau ». Tel est bien, semble-t-il, le sens de la « réforme de civilisation » prônée par Mme Taubira, au nom de laquelle le gouvernement entend « arracher les enfants au déterminisme de la religion » (Christine Taubira à l’Assemblée nationale ») et faire de l’Education nationale un instrument susceptible de promouvoir une « morale laïque » pour « arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel » (Vincent Peillon). Au bout du compte, ce projet totalitaire n’a d’autre objectif que d’imposer à l’ensemble de la société une politique hélas synonyme de « culture de mort » (promotion de l’idéologie du genre, mesures visant à faciliter l’accès des femmes à l’IVG, remise en cause annoncée de notre politique familiale et du droit de la famille, légalisation programmée de la procréation médicalement assistée , autorisation des expérimentations sur l’embryon humain, du « suicide assisté », des « salles de shoot », etc.).

    Dans ces conditions, la manifestation du 24 mars ne sera pas d’abord une démonstration de force, qui chercherait à tout prix à faire plier le gouvernement, même s’il est légitime de réclamer purement et simplement le retrait du projet de loi Taubira. Car ne nous y trompons pas : adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, il doit encore être discuté au Sénat, puis vraisemblablement, revenir en seconde lecture à l’Assemblée, sans préjuger de son application, si d’aventure il parvient à franchir toutes ces étapes parlementaires. Mais il s’agit plus encore de montrer qu’il existe en France un vaste et profond mouvement de résistance spirituelle, morale, sociale et politique, sous-estimé par les organes institutionnels et les appareils de partis.

    Sans doute les déclarations de certains porte-paroles de la « manif pour tous » ne sont-elles pas toujours ajustées. En même temps, leur diversité et leur profond désir de rester unis sur l’essentiel, à savoir le retrait du projet de loi, sert ce mouvement de résistance, au-delà des divergences d’approches. Je sais bien aussi que la date retenue, due à des contraintes indépendantes de la volonté des organisateurs, pourrait gêner les catholiques qui entrent en ce dimanche 24 mars dans la grande semaine sainte. Toutefois, devant l’importance de l’enjeu, j’encourage les fidèles du diocèse qui le décideront en conscience et en auront la possibilité, à se rendre à Paris le 24 mars. Moi-même, je célèbrerai la Messe anticipée du dimanche des Rameaux, le samedi 23 mars à 18h à la cathédrale Saint- Marie de Bayonne et je les accompagnerai afin de manifester ma sollicitude de pasteur pour leur légitime engagement : pour vous, je suis évêque, mais avec vous je suis chrétien … et citoyen !

    L’Eglise n’a certes pas vocation à se lancer dans la bataille politique, mais son rôle est bien de réveiller les forces morales et spirituelles de la société. Mon intervention se situe dans cette ligne. Comme évêque et en conscience, je ne saurais me soustraire à ma mission prophétique. Comme le Pape Benoît XVI nous le rappelait, lors de notre visite ad limina : « Dans les débats importants de société, la voix de l’Eglise doit se faire entendre sans relâche et avec détermination. En continuant d’exercer comme vous le faites la dimension prophétique de votre ministère épiscopal, vous apportez dans ces débats une parole indispensable de vérité qui libère et ouvre les cœurs à l’espérance ». « Garante de la culture de l’humain », qui est née, comme le rappelait notre Pape émérite, « de la rencontre entre la Révélation de Dieu et l’existence humaine », l’Eglise a quelque chose à dire sur l’homme, précisément parce que l’homme a été créé à l’image de Dieu, fondement ultime de sa dignité, et parce que « le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le Mystère du verbe incarné » (Vatican II).

    La manifestation du 24 mars, comme celle du 13 janvier, doit être l’expression d’un véritable printemps des consciences. Je n’oublie pas pour autant les souffrances des personnes homosexuelles et de leurs familles, pour lesquelles l’Eglise a une longue expérience d’accompagnement pastoral. Je ne veux pas non plus minimiser les nombreuses situations de précarité économique et sociale engendrées par la crise actuelle, pour lesquelles des solutions politiques tardent à être trouvées et qui exigent de notre part un engagement redoublé en ces jours de Carême. Mais le projet de loi de mariage et d’adoption pour tous représente un enjeu considérable pour l’avenir de notre société et c’est pourquoi je me permets d’insister sur la juste mobilisation qu’il réclame. En vous engageant d’abord à la prière, car « l’action déborde toujours de la prière » (Marthe Robin), je vous propose de consacrer le vendredi 22 mars à une journée de jeûne et de prière à cette intention. Avec mes sentiments dévoués dans le Christ et Son Eglise."

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