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La Vaillante >>> Ère 4 - Page 6

  • À l’arrière de la maison je m’assis par terre, sous les volets de sa chambre, je pleurai… (Marthe Robin & Jacques Gauthier)

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             Le 7 novembre 2014, le pape François autorisait la Congrégation pour la Cause des Saints à promulguer un décret reconnaissant l'héroïcité des vertus de Marthe Robin (1902-1981). Cette laïque stigmatisée, fondatrice des Foyers de Charité, est maintenant déclarée "vénérable", un pas important vers la béatification.

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             Je vous partage ma rencontre avec Marthe qui a eu lieu le 5 ou 6 septembre 1973, telle que je le relate dans mon carnet de jeûne chrétien : Se purifier pour renaître (Presses de la Renaissance). C'était sûrement un mercredi ou un jeudi, les seules journées où elle recevait les retraitants dans sa chambre.

     

             Je m'étais inscrit à une retraite donnée par le Père Finet au Foyer de Charité de Châteauneuf-de-Galaure. Je vivais alors à l’Arche de Jean Vanier et j’étais attiré par la vie monastique. Je me souviens très bien de la maison toute simple où Marthe est née et où l’on entrait par la cuisine. Je n’entendais que le tic tac de l’horloge et le ronronnement d’un chat. J’attendais avec fébrilité qu’un autre retraitant ait terminé sa visite qui ne durait normalement que trois minutes. Je passai enfin dans la chambre sombre de Marthe comme si je plongeais dans un bain du ciel. Je la devinais sur le lit, les pieds repliés sous son bassin. Je me disais qu’elle lisait probablement dans mon âme. Difficile de rester détendu lorsqu’on a vingt et un ans, qu’on est un jeune converti plein de fougue et de poésie, et que depuis des jours on suit avec ferveur les enseignements du Père Finet. Marthe se chargea de me couper les ailes et de me ramener sur terre assez brusquement.

             Je commençai tout de suite en la remerciant de souffrir pour la nouvelle Pentecôte d’amour. Gaffe à ne pas faire, car Marthe avait horreur des compliments. Le Père Finet nous avait averti, mais je croyais bien faire malgré ma naïveté apparente et mon amour sincère de Jésus et de l’Église. Elle interrompit mon élan en me demandant d’où je venais. Nul besoin d’être voyante tant mon accent québécois me trahissait. Ça commençait mal. J’avais oublié de me présenter, trop occupé à jouer l’important et à lui faire plaisir par mon petit boniment. Lorsque je lui dis que j’étais à l’Arche pour quelques mois et que je venais du Québec, sa voix claire s’anima. D’une simplicité désarmante, elle me demanda des nouvelles de mon pays, de la température… J’étais désemparé. Je n’étais pas venu la rencontrer pour parler du beau temps et je savais que les minutes étaient comptées. Je lui posai « la » question qui me trottait dans la tête depuis des mois : « Est-ce que Jésus me veut à l’abbaye cistercienne d’Oka, près de Montréal »? Sa voix fraîche devint ferme, presque cassante : « Ce n’est pas à moi à dire quoi faire et à prendre des décisions, ma vocation, c’est de prier. Prions ensemble ». J’avais oublié que Marthe était avant tout une femme d’oraison et que la prière était la nourriture de sa vie.

             Nous avons récité lentement un Notre Père, un Je vous salue Marie et, je pense, un Gloire soit au Père. Mais j’étais incapable de prier, parce que trop déçu et humilié. Mon ego en prenait un coup. Une agressivité monta en moi, mêlée d’une frustration. Je me sentais ridicule en priant, rempli de moi-même. Je sortis de la chambre complètement bouleversé, ne sachant pas ce qui m’arrivait. Je me sentais plus mêlé que lorsque j’étais entré. J’étais comme dans un tunnel noir. Il fallait que je trouve une issue.

             Je fondis en larmes à l’extérieur. Je pleurai de rage, comme un enfant abandonné de ses parents. J’étais désespéré. Je criai à Jésus : « Je ne partirai pas d’ici sans retrouver la paix intérieure, sans avoir une réponse ». J’eus l’idée de revoir Marthe, mais c’était impossible. J’allai donc à l’arrière de la maison et je m’assis par terre, sous les volets de sa chambre. Je pleurai, pleurai de misère, jusqu’à n’avoir plus d’eau à offrir. Je me sentais tellement misérable, un peu comme l’enfant prodigue. Je n’avais maintenant qu’à demander pardon et me jeter dans les bras de Dieu. J’expérimentai une fois de plus la miséricorde du Père. Et la paix du Christ arriva, avec cette joie intérieure qui en est le signe. Ma vraie rencontre avec Marthe, c’est au pied de sa fenêtre, assis dans l’herbe comme un bébé, que je la fis en vérité, parce que j’ai pu communier à ma misère réelle et non à l’illusoire merveilleux.

             C’est alors que la parole de Marthe me revint en mémoire, lumineuse et forte : « Ma vocation, c’est de prier ». C’était donc cela la réponse de Marthe. Je n’avais rien compris. Elle m’avait révélé ma vocation, la prière, c’est-à-dire l’union et l’offrande à Dieu, la relation intime et amoureuse au Dieu Vivant. Et je peux attester jusqu’à ce jour que c’est bien ma vocation profonde, même si je ne la réalise pas pleinement. La prière atteste non pas que je suis saint, mais mon désir à le devenir. Aussi je tiens à cette oraison matinale où j’apprends la vie éternelle. Je ne savais pas que plus tard j'écrirai plusieurs livres sur ce thème de la prière, que je donnerais des retraites aux prêtres sur le don de l'oraison et que je prêcherais dans les Foyers de Charité du Québec.

             J’ai tout de même vécu quatre ans à l’abbaye cistercienne d’Oka. Comme Marthe aurait aimé être carmélite, j’aurais aimé aussi être trappiste, mais tel n’était pas la volonté de Dieu. Tout de même, Marthe avait eu bien raison de ne pas répondre directement à ma question. Mais quelle ne fut pas ma surprise de recevoir, un an après mon entrée au monastère, une lettre en provenance de Châteauneuf-de-Galaure où l’on me disait que Marthe pensait à moi et qu’elle priait pour moi. J’y ai vu un clin d’œil de sa part, elle qui disait le 20 septembre 1930 :

             « Moins il y a de nous, plus il y a de Dieu. Ce n’est pas de vivre dans un monastère ni de porter l’habit, pas même d’avoir prononcé des vœux (quoique tout cela soit parfait) qui importe, les saints désirs, les sentiments intérieurs d’amour sont seuls nécessaires ».


    Jacques Gauthier.jpgJACQUES GAUTHIER
    Poète, marié et père de famille, Jacques Gauthier est docteur en théologie (Laval Canada) et professeur à l'Institut de pastorale de l'Université Saint-Paul à Ottawa. 

    www.jacquesgauthier.com/blog.html

     

     

    Pour plus de détails sur la vénérable Marthe Robin, consultez son site officiel.

    Visionnez cette vidéo de 7 minutes sur sa vie et son message.
    Jacques Gauthier en parle également dans son témoignage à
    Un coeur qui écoute de KTO. 

     

    Retrouvez ce témoignage sur la Page enrichie "Marthe Robin : Aux âmes chrétiennes

     

  • Français catholique & islamophile

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                           J'avais rencontré Denis Hoquet lors de l'Université de Printemps de Fils de France, à Saint-Chéron, le 17 mai 2014
    (à droite de la photo, 3ème personne en partant de la gauche, au second plan). Son approche m'avait séduite en profondeur et j'attendais qu'il produise un article pour La Vaillante. Le voici donc… Qu'il en soit vivement remercié.

     

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           Aujourd'hui, l'"appel de Paris" a retenti dans toute la France. Aujourd'hui, des musulmans ont proclamé clairement "leur soutien aux frères chrétiens d'Orient". Aujourd'hui, une fois encore, les musulmans ont hurlé leur "cri d'urgence" contre "une violence absolument intolérable et incompatible avec l'islam". Les musulmans de France se sont levés contre la "barbarie", des Français musulmans se sont dressés pour résister face à un "crime contre l'humanité".

           En tant que Français, en tant que musulmans, ils n'avaient pas à le faire ; en tout cas, pas spécialement, pas plus que les autres Français. Ils n'étaient certainement pas tenus de lever l'horrible soupçon que font peser sur eux, ceux qui voudraient, par des amalgames honteux, les associer en quelque façon à l'innommable et à l'infâme.  

           Et pourtant, on est heureux qu'ils l'aient fait, comme on est heureux et rassuré de pouvoir en ce jour communier avec eux dans un même rejet de ce qui n'a d'islamique que le nom et rappelle plutôt d'autres barbaries qui, naguère, ravagèrent l'Europe. 

           Il ne faut pas laisser salir l'honneur de l'immense majorité des Français musulmans, des "musulmans du silence", modestes, travailleurs et fraternels. Ils ne doivent jamais être les otages du cynisme et de la haine. La République française aime également tous ses enfants ; la République française a également foi en eux. Quand elle les condamne, c'est uniquement sur leurs actes. Et sur la nature de ces actes mauvais, on ne soulignera jamais assez l'unité profonde de la nation française dans sa salutaire diversité. 

           Aujourd'hui, les musulmans de France, les Français musulmans ont lancé un appel. Aujourd'hui, nous devions répondre à cet appel, nous voulions leur dire qu'il a été entendu et qu'il va droit au cœur. Engagée dans une métamorphose aussi profonde que périlleuse, la France a besoin d'entendre la voix de tous ses enfants, de faire résonner l'écho de leur vérité pour qu'enfin, contre les aboiements et contre les rumeurs, prévale, dans son développement nécessaire, l'évidence de l'unité nationale.
     

    politique, foi, la france, islam, camel bechikhDENIS HOQUET

    Secrétaire Départemental du Pas-de-Calais
    de Debout la France

    Né en 1954, professeur de lettres,
    Denis Hocquet est un passionné d'histoire
    et de littératures indiennes.

     

     

     

  • Filmer le lieu c'est le contempler

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    Faire œuvre de beauté : Édith Stein & Etty Hillesum - Enciellement

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    FILMER LE LIEU C’EST LE CONTEMPLER

                La décision de sortir la caméra de son sac et de se mettre à filmer répond à l’appel du lieu. Avant ma pratique de la vidéographie (”écriture du voir”), sortir l’appareil photo, la petite camera oscura de mon sac, obéissait à la même vocation, convocation du lieu. Mais la dimension de la durée manquait à l’instantané photographique qui ne pouvait rendre compte de l’expérience de rencontre du lieu, qui s’effectue dans la durée.

                Le risque du temps qui passe s’introduit dans l’acte de filmer au temps présent. Défi que le lieu me lance, ou me murmure, d’oser le rencontrer dans la durée, de me laisser aller à son propre temps extérieur, le laisser altérer (rendre autre) mon temps intérieur. Défi et désir de m’abandonner à une prière spacieuse. Mon ego acquiesce à cet abandon. Je[i] m’abandonne à la possibilité d’un non-événement ou à l’avènement d’un événement. J’ignore ce qui va se passer dans le lieu pendant le filmage, comment les choses vont interagir et comment je vais me situer avec elles, pendant cette prière spacieuse. Je scrute le lieu en le suivant, en filmant à sa suite : les lumières, les ombres, les frétillements du vent dans les feuilles, les sons en hors-champ me guident, me conduisent dans le temps et suggèrent des formes en formation, en transformation. Je filme les métamorphoses. Le lieu devient métaphysique. Il devient le temple du temps (présent dans la durée). Je contemple le lieu, suis avec lui. Ce cadre que le filmage cherche à obtenir tout en scrutant ce qui advient sous mes yeux[ii], sans que je ne sache ce qui va advenir à l’instant suivant, ce cadre, dis-je, s’invente au fur et à mesure dans la durée de l’acte de filmer.

        Ce qui intervient depuis le hors-champ, les sons remarquables et la ”musique du lieu”, procède du sens métaphysique donné à cette durée du lieu vivant. Cette durée vivante (vivante parce que filmer le lieu, support de la durée, donne vie au temps) devient prière spacieuse. Acceptation calme de ce qui advient du temps sans événements particuliers autres que les mouvements de la lumière, du vent, des sons. On peut atteindre, alors, à une forme de communion avec le lieu tout en le filmant. S’abandonnant à l’acte de filmer comme on s’abandonne au temps de la prière.

                On est passé depuis longtemps de l’attente d’un événement, non sans quelque impatience, à l’acquiescement à se fondre dans la durée du temps qui s’écoule dans le lieu. C’est parce qu’on n’attend plus rien que quelque chose advient. Cette chose n’est pas de nature habituelle et quotidienne. Bien qu’elle se cache dans l’habituel et le quotidien : car le lieu a son double-fond. Elle est révélation. Dévoilement d’un temps autre, d’une durée inhabituelle. Cette durée devient célébration du lieu et du temps. Communion avec le lieu dans la durée du présent. J’ai cessé d’attendre, quelque chose advient. Je suis cessée. Ce n’est plus moi, mon ego qui agit volontairement. Je me laisse prier avec la caméra. Je suis l’instrument de la durée du présent dans le lieu. C’est alors qu’il se donne à moi qui suis abandonnée à lui.

                Le lieu devient sacré par l’attention de mon regard, et de toutes mes capacités perceptives. Il devient sanctuaire du seul fait de ma posture priante qui donne forme au cadrage quand je le filme, quand je le scrute avec la caméra dans la paume, quand j’écoute les sons qui interagissent avec lui. Je suis avec le lieu, en contemplation[iii]. Le fait de cadrer un espace du lieu, un coin de terre ou d’eau, c’est déjà le consacrer, le rendre sacré, lui donner une frontière qui fait autorité, qui enjoint à l’humilité, à l’écoute, à l’obéissance des choses invisibles et divines. Qui dévoile la Présence.


    SANDRINE TREUILLARD


    (14 juin 2014, Saint Mandé)



    [i]Le ”je” en italique est l’indice de cette sorte d’abnégation, de mise en retrait de soi. Ce n’est plus l’ego qui agit. C’est être au présent dans une forme d’anéantissement de soi. Coloration de la spiritualité rhénane de Maître Eckhart.

    [ii]Sous mes sens, toute ma perception, à travers mon corps dont la caméra est un membre devenu aussi sensible.

    [iii] "Contemplation" est à l’origine un terme de la langue augurale (dans la Rome antique) — composé de cum (avec) et de templum au sens ancien de « espace carré délimité dans le ciel et sur terre par l’augure, pour interpréter des présages ». Cet espace virtuel, sans n’avoir plus de visée augurale, est le tableau du Voir (vidéographie) : délimité par le cadre de la caméra fouillant dans le lieu réel, se laissant guider par la lumière sur les choses. Ce lieu délimité, ce périmètre est rendu sacré par le cadrage qui le mesure. Ce carré, ce coin de terre choisi, quand je le cadre, révèle un espace qui l’excède.

    Contempler quand je filme c’est être concentrée dans l’observation minutieuse, dans une attention extrême de ce qui s’agite dans ce périmètre spatial délimité par le cadrage. La « contemplation » en vidéographie est être attentive et dans l’exspectatio. Dans l’attente d’un événement extérieur à soi, dans cet espace extérieur délimité dans lequel je projette mon attention qui est visuelle, sonore, kinésique et aussi intérieure. Ce cadre qui filme à l’extérieur est autant un espace que je rends disponible en moi pour accueillir cet extérieur-là. Comme deux vases communiquant. Ce n’est pas un simple enregistrement de l’image par une machine. La caméra n’est pas une machine à enregistrer. Elle n’est pas tout à fait extérieure à moi. Je suis aussi à l’intérieur de la caméra. La chambre intérieure, mon être, filme. La petite caméra dans la paume est un objet organique. Elle fait partie de de la caméra. La chambre intérieure, mon être, filme. La petite caméra dans la paume est un objet organique. Elle fait partie de mon organisme, de mon corps. Elle est une extension extérieure de mon attention intérieure. Contempler avec la caméra c’est opérer cet échange, ce repons, comme un chant sacré, entre le dehors délimité que je filme et mon intériorité qui est présente au lieu. Ma présence au lieu se réalise au sein du filmage, dans ce temps-là qui semble immobile. Il y a des transferts, des échanges entre mon intérieur et ce que perçoivent les sens par le biais de la caméra. La caméra enregistre cet échange vivant et est l’objet même des possibles tensions du filmage. Elle est l’instrument de la contemplation. Elle est traversée par les fluides qui viennent du lieu, comme la lumière, les sons, les mouvements multiples de la nature (s’entend aussi bien du réel, la nature comme réalité extérieure à mon corps). La caméra est aussi le vecteur de mes propres mouvements, à première vue purement mécaniques, comme ces sursauts nerveux du poignet, ou quand je décide de faire un zoom. Mais ces mouvements venant de mon corps ou de ma décision, affectant la caméra et donc affectant l’image qui en résulte, n’est pas seulement mécanique. Ce type de mouvement provenant de moi (mon corps et ma volonté) donne sens à l’image en l’affectant dans son cours, sa durée contemplative. Le heurt désarçonne le regard. Comme dans l’entrée dans le sommeil le sursaut nerveux électrise tout le corps et, au lieu de le réveiller tout de bon, l’entraîne dans l’abandon au sommeil, dans cet autre temps du psychisme. C’est comme un seuil, un palier. Le sens donné à l’image séquentielle évolue, se modifie soudain. Au sein de la durée qui frôle l’endormissement, qui frôle la mort, le sens est rendu, un sens nouveau est donné dans la durée, provoqué par ce jaillissement involontaire d’énergie. (Reprise des notes dans Machina perceptionis à propos de « LA VISION DE JEAN DE L’ALVERNE », vidéographie de janvier 2012 : http://treuilsanaturemorte.blogspot.fr/2013/05/le-heurt-desarconne-le-regard_28.html)

     

     
     
  • Personne n’a jamais vu Dieu face à face. Pour le moment, il nous arrive d’en percevoir des manifestations dans des miroirs

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                           Personne n’a jamais vu Dieu 
    face à face. Pour le moment, il nous arrive d’en percevoir des manifestations dans des miroirs. Nous le quêtons à travers des lieux, des êtres, des objets qui reflètent sa Présence. Nous pouvons aussi le chercher sans savoir que nous le cherchons, nous confrontant à un sentiment d’inachèvement malgré notre approfondissement dans la quête perceptive.

     

    Le lieu recèle bien des secrets. Le lieu a son double-fond, sa mise en abyme, son point aveugle. La chambre d’écho, ce vide circonscrit qui permet de recevoir la Présence de l’Invisible, se situe en nous. Si le lieu extérieur est saturé de Création, des objets et de notre relation à ces choses établie à l’aide de nos cinq sens et de la kinésie, c’est par notre chambre intérieure, la petite cellule au vide préservé, que pourra prendre place Dieu. Il n’est pas sûr que, même au désert, nous ne soyons pas remplis des choses extérieures. Le vrai lieu simplifié est en nous. Il faut aussi du temps pour y arriver. De la durée.

    Aussi, parfois, souvent même, un lieu dans lequel nous avons approfondi un moment présent nous habite longtemps, comme en nos ”coulisses du monde”, sans que nous en ayons conscience. Nous y pensons, en réminiscence douce ou fulgurance. L’image d’un lieu dont nous avons fait l’expérience va et vient ou s’impose, ressurgit dans notre mémoire. Cette image veut nous dire quelque chose. Cela a été le cas avec le dernier arrêt sur image de cette vidéographie, séquence filmée en novembre 2006 à La Sourdaie, que j’ai finalement intitulée « ENCIELLEMENT ÉDITH ETTY », en 2014. 

    Ce détail du lieu que j’avais investi au présent[i], qui m’avait absorbée toute, concentrée dans l’opération du regard, de l’attention mobilisée à l’endroit de la caméra placée devant le plexus solaire, cadrant, suivant les lents mouvements de la lumière, du vent, à l’écoute de la ”musique du lieu”[ii]… ce détail, donc, me suggérait un autre lieu, de façon très prégnante, alors que je n’étais jamais allée physiquement dans ce lieu-là[iii]. Parce que nous avons des représentations très fortes de certains lieux qui ont créé leur image dans notre inconscient d’individu, au sein d’une société. Quand sont prononcés les mots ”camp de concentration (et d’extermination) d’Auschwitz”, nous avons tous au moins une image qui monte à notre esprit. Ainsi, quand l’image ultime de la séquence d’« ENCIELLEMENT » me revenait en esprit, je voyais non pas le reflet de ronces à la surface d’une eau dormante, mais un gros plan sur des fils de fer barbelés dans un coin du ciel. Et comme cette dernière image présente l’iconographie explicite d’une croix, se mêlait à la persécution des juifs la Croix du message chrétien.

    C’est là que l’on constate qu’un lieu au présent renferme en lui bien plus que le moment instantané. Car nous expérimentons le lieu avec le temps, dans le temps de l’histoire humaine, notre mémoire étant une sorte de millefeuille, dont les couches sont plus ou moins manifestes. La dernière image de cette vidéographie forme le condensé de mon expérience de ce lieu, qui renvoie à un autre temps historique précis et à un autre lieu.

    Et comme chaque être vit sa vie unique avec ses rencontres particulières et sa sensibilité propre, un lieu inconnu (non expérimenté) de nous, renvoyant à une histoire inscrite dans tous les inconscients, peut suggérer l’expérience d’une autre vie, l’expérience d’une autre personne dans cet autre temps de ce lieu inconnu de nous. C’est ainsi que les destins de Édith Stein et de Etty Hillesum ont croisés cette séquence vidéographique. Lors de mes lectures, j’avais d’abord rencontré Etty Hillesum par son journal « UNE VIE BOULEVERSÉE ». Puis Édith Stein (Thérèse Bénédicte de la Croix étant son nom de carmélite)[iv] est venue se greffer tout près de Etty, ces deux femmes ayant été en transit au camp de Westerbork (Pays-Bas) avant d’être exterminées à Auschwitz, sans s’être rencontrées, à une année d’intervalle environ.

    Le lieu filmé dans le temps du présent, ”sur le motif”, à La Sourdaie dans le Cher, ce creux du Berry appelé Pays Fort, se déroule, étrangement – étrange parce que nous n’en levons les mystères qu’au fur et à mesure de la méditation de notre travail –, dans un temps autre : celui de la mémoire. Deux temps et deux lieux se superposent quand nous regardons « ENCIELLEMENT ». Celui de la contemplation du lieu : le ciel reflété sur l’eau se développant avec ses changements de lumière, le mouvement des nuages…, le lent « balayage » du regard de la caméra à la surface de l’eau – qui devient peinture du lieu, naissance d’une image en mouvement, création icono-vidéographique. Et celui de la méditation du lieu figurée par les moments de textes apparaissant sur la séquence filmée, dans leur durée propre. Ce deuxième temps appartient à un autre processus, cognitif, et non plus simplement perceptif et contemplatif : celui de la mémoire. Le temps de la mémoire fait appel à la culture de l’individu dans une société et une histoire. Cette culture a donné des représentations. C’est à cela qu’appartient le dernier arrêt sur image de notre séquence.

    Le temps est supérieur à l’espace. L’espace n’est que réceptacle du temps, support au temps qui passe, à la durée du présent. Le lieu tient de cette combinaison, de ces épousailles de l’espace et du temps (comme durée du présent). La terre, les éléments de la création, la nature, toutes choses qui sont et vivent, reçoivent les mouvements de la lumière et du temps, en dépendent pour exister à notre regard. Sans la lumière, rien n’existe. La lumière métamorphose les choses à nos yeux. Elle est temps qui évolue. Elle est durée du présent. Elle est le temps qui passe sur les choses et fait évoluer leur forme. Filmer le lieu, entrer en communion avec lui, c’est méditer le temps présent, passant - la durée du présent. C’est goûter la Présence de Dieu.

    L’air porte les sons. Sans cet élément invisible les sons n’existeraient pas pour notre perception. L’air est le support du son. Le lieu est fait de lumière et d’air, deux substances invisibles. Lumière naturelle et air sont la vie d’un lieu. La musique du lieu est son âme. La musique du lieu est à la fois sonore et lumière. La lumière est le temps qui s’écoule. Elle rythme le lieu. Comme pour le son, le support de la lumière est l’air. L’air invisible rend audible la musique du lieu. Il transporte la lumière qui fait exister toute chose à notre regard, dans le temps qui avance, la durée. L’essence du lieu est hors-champ. La musique du lieu – tous ces sons spontanés s’accordent, s’harmonisent – est le reflet de son âme. Ici, dans « ENCIELLEMENT », ce bruit de pelle qui creuse, le métal contre les cailloux aqueux, dans cet air limpide d’un coin de France, avec ses petits oiseaux.

    Pourtant, cette scène filmée avec ce hors-champ sonore qui fait image pourrait appartenir à un autre lieu, en Pologne ou aux Pays-Bas, par exemple. Le gros plan qui pénètre l’intimité du lieu prend ainsi un visage universel. Ces éléments naturels, eau, lumière, air, étant des universaux du lieu. Ce qui fait la particularité de la séquence n’est donc pas le lieu en soi, mais la décision prise de capturer ces instants du lieu, la volonté d’expérimenter le temps qui passe dans ce lieu. Parce que j’étais là, j’eus le désir de jouir du temps, des éléments soumis à la temporalité, aux métamorphoses que le temps produit sur les éléments. La présence d’une personne active dans ce lieu (mon père creusant et découvrant des canalisations, ce que nous révèlera le son du hors-champ) est le seul événement qui colore singulièrement l’atemporalité et l’universalité des éléments eau, lumière, air.

    Les choses sont. Elles n’existent que parce que nous pouvons les percevoir. Nos cinq sens, la kinésie, tout ce qui constitue le processus de la perception nous permet de percer le mystère du lieu, de l’être, de la durée du temps présent, si nous nous mettons en situation intérieure de recevoir, de contempler, d’être là, attentifs à ce qui se passe, à ce qui évolue. Une autre réalité, invisible celle là, peut ainsi nous apparaître, qui est contenue dans le lieu. Percevoir : voir à travers, aussi bien avec nos oreilles, notre peau, le sens du mouvement, de l’équilibre inscrit dans notre corps. La caméra dans la paume devient le réceptacle, la boîte à lumière, la boîte à musique du lieu, de son mystère. La pellicule photosensible – sur laquelle s’inscrivent aussi les sons – devient l’allégorie de ce qui se passe à l’intérieur de la personne qui filme et de celle qui regarde la vidéographie. À condition que l’une et l’autre personne – qui filme ou qui regarde la vidéographie – acquiesce à la rencontre du lieu filmé : la durée du présent. La Présence. Qui n’est jamais bien loin d’être invisible, imperceptible… Ce qui rend présent le lieu, c’est l’attention qu’on lui donne.

    Moi qui filme, je suis au service du lieu : je le contemple, j’aspire à faire un avec lui, j’entre en communion avec lui, mon corps vibre et résonne de lui. Je réponds à un appel du lieu quand je le filme. Je le reçois. Avec l’instrument que je maintiens dans la paume de ma main, qui le capture, placé au niveau de mon plexus solaire, j’écoute et suis attentive. Finalement, avec discrétion, je[v] célèbre le lieu.

     

     
    SANDRINE TREUILLARD

    [20 août (saint Bernard), Abbaye de Landévennec
    et 29 août 2014, Saint-Mandé]


     

    [i] Comme on parle d’une investigation : une enquête perceptive qui est aussi quête mystique. La mystique étant Dieu (l’Invisible) qui se laisse goûter et découvrir à travers notre perception.

    [ii] Terme apparu dès 2006, en filmant La Sourdaie pour ce qui deviendra « SYLVAIN DES SOURCES » : http://santreuil.blogspot.fr/2007/09/sylvain-des-sources.html

    [iii] Je n’ai jamais mis les pieds au camp d’Auschwitz, mais en 2000 me suis rendue au camp de Sachsenhausen, en banlieue berlinoise. En est ressorti une série photographique (http://gmpg-photographie.blogspot.fr/2012/08/berlin-oranienburg-sachsenhausen.html) accompagnée d’un texte (une lettre : Sachsenhausenlager Complet.pdf).

    [iv] Édith Stein, allemande d’origine juive, fut élève de Husserl avant de se convertir au catholicisme en 1922, après lecture de la « Vie écrite par elle-même » de Thérèse d’Avila. Elle devînt carmélite en 1933, après dix années d’une marche ascendante de Husserl (philosophe de la phénoménologie) à saint Thomas d’Aquin (dont elle traduisit le « De Veritate » en allemand) et Jean de la Croix, et finira par acquiescer pleinement au sacrifice, pour le peuple juif, à Auschwitz en 1942. Elle fut aussi féministe, conférencière et excellente éducatrice, d’abord chez les dominicaines de Spire, en Allemagne.

    [v] Le ”je” en italique est l’indice de cette sorte d’abnégation, de mise en retrait de soi. Ce n’est plus l’ego qui agit. C’est être au présent dans une forme d’anéantissement de soi. Coloration de la spiritualité rhénane de Maître Eckhart.

     

  • Les musulmans de France : acculturation & renaissance dans la culture d'adoption

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    « Jusqu’ici l’islam a gagné du terrain à la manière du chiendent, comme une plante sauvage. Mais il a mis 14 siècles pour occuper l’espace qu’il occupe actuellement. Dans l’avenir, il s’agirait au contraire de le planter soigneusement, scientifiquement, afin qu’il rayonne selon un processus déterminé, tenant compte de tous les facteurs favorables et défavorables liés à ce rayonnement. » MALEK BENNABI

     

    Portrait Djilali Elabed.jpg         Il existe des discours sur les musulmans de France qui déconcertent tant leur anachronisme et leur simplisme sont frappants. Certains acteurs vont même, pour étayer leur thèse, recourir à des penseurs musulmans, des sommités qui nous ont légué un patrimoine intellectuel riche et toujours vivant pour l’éveil de l’islam et des musulmans. 

             Or, il arrive souvent qu’une pensée soit déformée, caricaturée et cela pour essentiellement trois raisons :

    • incapacité à replacer la pensée de l’auteur dans son contexte ;

    • confusion entre les principes sur lesquelles reposent sa pensée et les idées conjoncturelles ;

    • déformation de la pensée de l’auteur, de manière à la rendre compatible avec son idéologie. 

             Malek Bennabi est un penseur de la décolonisation qui a merveilleusement mis en évidence les raisons de la décadence du monde musulman à travers le concept de colonisabilité. Une idée qui résume tout le malheur des musulmans depuis des siècles et qui les responsabilise en les arrachant du discours victimaire conduisant au fatalisme. 

             Or, voilà que certains estiment que la situation des musulmans de France s’apparente à celle des musulmans sous la colonisation : nous serions des postcolonisés pour certains, des indigènes de la République pour d’autres. Étrange discours d’émancipation, celui d’éternelles victimes qui se trouve à des années-lumière de la pensée de Bennabi.

     

    Le procès de l’acculturation

             Bennabi en renfort, on fait le procès de l’acculturation, sans nuance aucune, et sans volonté de comprendre la démarche. Cette acculturation[i] serait synonyme de dépersonnalisation[ii] et de domination. Étrange discours pour ceux qui s’autoproclament postcolonisés et qui veulent adosser à chacun une étiquette de victime, ce que Bennabi a combattu toute sa vie.

             Reprenant la notion, empruntée à Bennabi, de « coefficient autoréducteur », un de ces détracteurs estime que certains musulmans français adoptent la même attitude que les élites colonisés qui acceptaient de reprendre la terminologie du colonisateur (par exemple, le terme « indigène »). Voilà une idée bien saugrenue, puisque l’auteur fait le parallèle entre deux périodes comme si rien n’avait changé. Comme si la décolonisation n’avait pas eu lieu et comme si nous n’étions pas sur un nouveau territoire avec une population musulmane sédentaire dans un pays à majorité non musulmane. 

             N’étant pas à une contradiction près, il ne s’embarrasse pas d’utiliser (pour identifier les Français musulmans) une terminologie de dominés, les « postcolonisés », comme d’autres se définissent comme des indigènes.


    La renaissance de l’islam

             Mais de quelle acculturation s’agit-il ? Et qu’en dit Bennabi ? Le penseur algérien a effectivement combattu l’assimilation, la dépersonnalisation qui ne conduisait qu’à une impasse. Mais il n’a pas condamné tout emprunt à la civilisation européenne bien au contraire. 

             « Dans toute société qui naît et s’organise, il y a des éléments traditionnels à côté d’éléments d’inspiration moderne. Ces derniers sont en général empruntés à des sociétés déjà organisées, par un effort d’analyse et d’adaptation qui suppose en réalité un effort de création et de synthèse. Cette assimilation exige des discriminations précises, une constante vigilance de l’esprit critique pour imposer, quant aux emprunts nécessaires, les indispensables conditions de comptabilité, d’utilité, de convenance. » 
    (Malek BennabiVocation de l’islam)

             Dans ce passage, Bennabi parle d’éléments que l’on peut assimiler à des emprunts techniques ou culturels. Ces emprunts doivent être sélectionnés de manière à intégrer paisiblement la culture d’adoption. Dans un autre passage, il précise sa pensée : 

             « Ce chaos d’éléments inassimilables détonne en contrastes violents ainsi qu’on peut s’en rendre compte en contemplant parfois l’anachronisme du bournous et de la gandoura aux côtés d’une mécanique moderne ; et cette dissonance devient monstrueuse lorsqu’on voit l’homme archaïque, copieusement enturbanné, siroter une anisette au comptoir d’un bistro… » (Vocation de l’islam) 

             Passage pouvant apparaître comme surprenant tant il est violent évoquant l’habit traditionnel impropre aux tâches laborieuses mécanisées. Mais le plus important, c’est sa condamnation des emprunts entrant en contradiction avec la culture et les pratiques musulmanes. 

             En définitive, Bennabi ne condamne nullement l’acculturation tant qu’elle n’altère pas l’islam et parfois l’encourage même. La visée du penseur est la renaissance (terme qu’il préfère au terme Nahdha, qui sous-entend qu’il s’agit d’opérer à un simple éveil) de l’islam, d’une civilisation islamique qui puiserait dans les sources profondes de la religion en retrouvant le souffle initial impulsé par le Prophète – paix soit sur lui.

             La culture va bien évidemment jouer un rôle essentiel tant elle doit faciliter, favoriser la préservation des valeurs musulmanes. Il ne faut pas inverser les priorités : la culture est un moyen ; la préservation de la foi, la finalité. Ceux qui s’arc-boutent à condamner de manière arbitraire l’acculturation ne sont que des opposants à la sédentarisation de l’islam et font en définitive le lit des islamophobes.


    En harmonie avec le milieu culturel et social

             Après avoir fait le procès de l’acculturation vient celui du patriotisme ; le musulman français ne doit pas manifester d’attachement à son pays. Voilà une idée qui ne peut venir que d’une pensée pathologique, ayant certainement – pour je ne sais quelles raisons – des comptes à régler avec la France. 

             Il ne s’agit pas ici de faire la promotion du patriotisme, car il s’agit d’un sentiment, lié à une psychologie particulière, qu’il ne convient ni d’encourager ni de condamner, libre à chacun de l’être ou pas. Pour certains, l’être quand on est de surcroît musulman constitue une circonstance aggravante. 

             Toutes les communautés nationales trouvent dans leurs rangs des patriotes, mais cela serait exclu pour la communauté musulmane. Sur quelle base ? Quels arguments ? Toujours cette fâcheuse tendance à s’auto-exclure. ! 

             Il est évident que l’attachement à son pays n’interdit nullement de porter un regard critique sur sa politique comme sur son passé composé de zones sombres et de pages glorieuses. Malek Bennabi a lui-même été reconnaissant pour la formation scientifique et rationnelle reçue par la France et cela en dépit de la lutte qu’il a menée courageusement contre la colonisation. 

             « J’ai été toujours assez contradictoire : je pouvais dès cette époque me définir politiquement comme un révolutionnaire et psychologiquement comme un conservateur… Un jour de juin 1940, dans une cave où nous étions réfugiées, à Dreux, où l’armée allemande venait d’entrer, je m’étais isolé pour cacher mes larmes : je pleurais la défaite de l’armée française. » 
    (Malek Bennabi, Mémoires d’un témoin du siècle)

             L’acculturation ne conduit nullement à la dépersonnalisation mais a pour objectif de permettre aux musulmans de vivre paisiblement, en harmonie avec leur milieu culturel et social. Cette acculturation est en marche, qu’on le veuille ou non, car elle est une « loi sociale ». Elle permettra, de fait, que l’islam ne soit plus la religion de l’étranger et contribuera à l’apaisement et au recul de l’islamophobie. Il va de soi que cela ne mettra pas fin ni au racisme ni à la haine de certains, puisqu’il s’agit de pathologies sans frontières. 

             Cependant, l’issue heureuse ne peut certainement pas venir de ces prophètes de l’apocalypse qui estiment tout simplement qu’une planification de l’expulsion des musulmans est possible ; idées qui en rappellent d’autres comme celle du clash des civilisations.


    Une complémentarité nécessaire

             Quel projet de société peut bien naître de ce diagnostic ? Comment les Français de confession musulmane peuvent-ils vivre dans leur pays si certains les qualifient de postcolonisés, d’indigènes, de Français de papier… ? Face à ce discours peu rationnel, il est préférable d’y opposer la lucidité et l’humanisme du grand penseur algérien : 

             « La perspective du monde fait apparaître de plus en plus l’exiguïté des frontières nationales et la nécessité impérieuse pour l’homme de s’organiser à l’échelon mondialiste (mondial, dirions-nous aujourd’hui) afin de faire face au choc futur. 

             Cette dernière nécessité suppose que chaque entité sociologique existante doit extirper tout caractère expansionniste et exclusif à ses particularités culturelles, idéologiques, politiques, économiques, et doit envisager l’existence d’une autre entité sociologique sous l’angle d’une complémentarité nécessaire à la résolution maximale de ses contradictions internes. 

             Dans cette perspective, quelle est la place de l’islam ? L’islam empruntera à l’Occident la technique une fois qu’il aura fait sa révolution culturelle. Mais l’islam – en vertu de la complémentarité nécessaire – fera découvrir à cet Occident le côté spirituel des problèmes de l’homme. »[iii]  


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    Djilali Elabed
    est enseignant en sciences économiques et sociales.

    Plaidoyer pour une acculturation positive de l'islam en France.

     


  • Un serviteur de la lumière s'adresse au monde musulman

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    Abdennour Bidar.jpg         Cher monde musulman, je suis un de tes fils éloignés qui te regarde du dehors et de loin – de ce pays de France où tant de tes enfants vivent aujourd’hui. Je te regarde avec mes yeux sévères de philosophe nourri depuis son enfance par le taçawwuf (soufisme) et par la pensée occidentale. Je te regarde donc à partir de ma position de barzakh, d’isthme entre les deux mers de l’Orient et de l’Occident !


             Et qu’est-ce que je vois ? Qu’est-ce que je vois mieux que d’autres sans doute parce que justement je te regarde de loin, avec le recul de la distance ? Je te vois toi, dans un état de misère et de souffrance qui me rend infiniment triste, mais qui rend encore plus sévère mon jugement de philosophe ! Car je te vois en train d’enfanter un monstre qui prétend se nommer Etat islamique et auquel certains préfèrent donner un nom de démon : DAESH. Mais le pire est que je te vois te perdre – perdre ton temps et ton honneur – dans le refus de reconnaître que ce monstre est né de toi, de tes errances, de tes contradictions, de ton écartèlement entre passé et présent, de ton incapacité trop durable à trouver ta place dans la civilisation humaine.


             Que dis-tu en effet face à ce monstre ? Tu cries « Ce n’est pas moi ! », « Ce n’est pas l’islam ! ». Tu refuses que les crimes de ce monstre soient commis en ton nom (hashtag #NotInMyName). Tu t’insurges que le monstre usurpe ton identité, et bien sûr tu as raison de le faire. Il est indispensable qu’à la face du monde tu proclames ainsi, haut et fort, que l’islam dénonce la barbarie. Mais c’est tout à fait insuffisant ! Car tu te réfugies dans le réflexe de l’autodéfense sans assumer aussi et surtout la responsabilité de l’autocritique. Tu te contentes de t’indigner alors que ce moment aurait été une occasion historique de te remettre en question ! Et tu accuses au lieu de prendre ta propre responsabilité : « Arrêtez, vous les occidentaux, et vous tous les ennemis de l’islam de nous associer à ce monstre ! Le terrorisme ce n’est pas l’islam, le vrai islam, le bon islam qui ne veut pas dire la guerre mais la paix ! »


             J’entends ce cri de révolte qui monte en toi, ô mon cher monde musulman, et je le comprends. Oui tu as raison, comme chacune des autres grandes inspirations sacrées du monde l’islam a créé tout au long de son histoire de la Beauté, de la Justice, du Sens, du Bien, et il a puissamment éclairé l’être humain sur le chemin du mystère de l’existence… Je me bats ici en Occident, dans chacun de mes livres, pour que cette sagesse de l’islam et de toutes les religions ne soit pas oubliée ni méprisée ! Mais de ma position lointaine je vois aussi autre chose que tu ne sais pas voir… Et cela m’inspire une question – LA grande question : pourquoi ce monstre t’a-t-il volé ton visage ? Pourquoi ce monstre ignoble a-t-il choisi ton visage et pas un autre ? C’est qu’en réalité derrière ce monstre se cache un immense problème, que tu ne sembles pas prêt à regarder en face. Il faudra bien pourtant que tu finisses par en avoir le courage.

             Ce problème est celui des racines du mal. D’où viennent les crimes de ce soi-disant « Etat islamique » ? Je vais te le dire, mon ami. Et cela ne va pas te faire plaisir, mais c’est mon devoir de philosophe. Les racines de ce mal qui te vole aujourd’hui ton visage sont en toi-même, le monstre est sorti de ton propre ventre – et il en surgira autant d’autres monstres pires encore que celui-ci tant que tu tarderas à admettre ta maladie, pour attaquer enfin cette racine du mal !


             Même les intellectuels occidentaux ont de la difficulté à le voir : pour la plupart ils ont tellement oublié ce qu’est la puissance de la religion – en bien et en mal, sur la vie et sur la mort – qu’ils me disent « Non le problème du monde musulman n’est pas l’islam, pas la religion, mais la politique, l’histoire, l’économie, etc. ». Ils ne se souviennent plus du tout que la religion peut être le cœur de réacteur d’une civilisation humaine ! Et que l’avenir de l’humanité passera demain non pas seulement par la résolution de la crise financière mais de façon bien plus essentielle par la résolution de la crise spirituelle sans précédent que traverse notre humanité tout entière ! Saurons-nous tous nous rassembler, à l’échelle de la planète, pour affronter ce défi fondamental ? La nature spirituelle de l’homme a horreur du vide, et si elle ne trouve rien de nouveau pour le remplir elle le fera demain avec des religions toujours plus inadaptées au présent – et qui comme l’islam actuellement se mettront alors à produire des monstres.


             Je vois en toi, ô monde musulman, des forces immenses prêtes à se lever pour contribuer à cet effort mondial de trouver une vie spirituelle pour le XXIème siècle ! Malgré la gravité de ta maladie, il y a en toi une multitude extraordinaire de femmes et d’hommes qui sont prêts à réformer l’islam, à réinventer son génie au-delà de ses formes historiques et à participer ainsi au renouvellement complet du rapport que l’humanité entretenait jusque là avec ses dieux ! C’est à tous ceux-là, musulmans et non musulmans qui rêvent ensemble de révolution spirituelle, que je me suis adressé dans mes ouvrages ! Pour leur donner, avec mes mots de philosophe, confiance en ce qu’entrevoit leur espérance !


             Mais ces musulmanes et ces musulmans qui regardent vers l’avenir ne sont pas encore assez nombreux ni leur parole assez puissante. Tous ceux là, dont je salue la lucidité et le courage, ont parfaitement vu que c’est l’état général de maladie profonde du monde musulman qui explique la naissance des monstres terroristes aux noms de Al Qaida, Al Nostra, AQMI ou « État Islamique ». Ils ont bien compris que ce ne sont là que les symptômes les plus visibles sur un immense corps malade, dont les maladies chroniques sont les suivantes : impuissance à instituer des démocraties durables dans lesquelles est reconnue comme droit moral et politique la liberté de conscience vis-à-vis des dogmes de la religion; difficultés chroniques à améliorer la condition des femmes dans le sens de l’égalité, de la responsabilité et de la liberté; impuissance à séparer suffisamment le pouvoir politique de son contrôle par l’autorité de la religion; incapacité à instituer un respect, une tolérance et une véritable reconnaissance du pluralisme religieux et des minorités religieuses.


             Tout cela serait-il donc la faute de l’Occident ? Combien de temps précieux vas-tu perdre encore, ô cher monde musulman, avec cette accusation stupide à laquelle toi-même tu ne crois plus, et derrière laquelle tu te caches pour continuer à te mentir à toi-même ?


             Depuis le XVIIIème siècle en particulier, il est temps de te l’avouer, tu as été incapable de répondre au défi de l’Occident. Soit tu t’es réfugié de façon infantile et mortifère dans le passé, avec la régression obscurantiste du wahhabisme qui continue de faire des ravages presque partout à l’intérieur de tes frontières – un wahhabisme que tu répands à partir de tes lieux saints de l’Arabie Saoudite comme un cancer qui partirait de ton cœur lui-même ! Soit tu as suivi le pire de cet Occident, en produisant comme lui des nationalismes et un modernisme qui est une caricature de modernité – je veux parler notamment de ce développement technologique sans cohérence avec leur archaïsme religieux qui fait de tes « élites » richissimes du Golfe seulement des victimes consentantes de la maladie mondiale qu’est le culte du dieu argent.


             Qu’as-tu d’admirable aujourd’hui, mon ami ? Qu’est-ce qui en toi reste digne de susciter le respect des autres peuples et civilisations de la Terre ? Où sont tes sages, et as-tu encore une sagesse à proposer au monde ? Où sont tes grands hommes ? Qui sont tes Mandela, qui sont tes Gandhi, qui sont tes Aung San Suu Kyi ? Où sont tes grands penseurs dont les livres devraient être lus dans le monde entier comme au temps où les mathématiciens et les philosophes arabes ou persans faisaient référence de l’Inde à l’Espagne ? En réalité tu es devenu si faible derrière la certitude que tu affiches toujours au sujet de toi-même… Tu ne sais plus du tout qui tu es ni où tu veux aller, et cela te rend aussi malheureux qu’agressif… Tu t’obstines à ne pas écouter ceux qui t’appellent à changer en te libérant enfin de la domination que tu as offerte à la religion sur la vie toute entière.


             Tu as choisi de considérer que Mohammed était prophète et roi. Tu as choisi de définir l’islam comme religion politique, sociale, morale, devant régner comme un tyran aussi bien sur l’Etat que sur la vie civile, aussi bien dans la rue et dans la maison qu’à l’intérieur même de chaque conscience. Tu as choisi de croire et d’imposer que l’islam veut dire soumission alors que le Coran lui-même proclame qu’« Il n’y a pas de contrainte en religion » (La ikraha fi Dîn). Tu as fait de son Appel à la liberté l’empire de la contrainte ! Comment une civilisation peut-elle trahir à ce point son propre texte sacré ?


             De nombreuses voix que tu ne veux pas entendre s’élèvent aujourd’hui dans la Oumma pour dénoncer ce tabou d’une religion autoritaire et indiscutable… Au point que trop de croyants ont tellement intériorisé une culture de la soumission à la tradition et aux « maîtres de religion » (imams, muftis, shouyoukhs, etc.) qu’ils ne comprennent même pas qu’on leur parle de liberté spirituelle, ni qu’on leur parle de choix personnel vis-à-vis des « piliers » de l’islam. Tout cela constitue pour eux une « ligne rouge » si sacrée qu’ils n’osent pas donner à leur propre conscience le droit de le remette en question ! Et il y a tant de familles où cette confusion entre spiritualité et servitude est incrustée dans les esprits dès le plus jeune âge, et où l’éducation spirituelle est d’une telle pauvreté que tout ce qui concerne la religion reste quelque chose qui ne se discute pas !


             Or cela de toute évidence n’est pas imposé par le terrorisme de quelques troupes de fous fanatiques embarqués par l’Etat islamique. Non ce problème là est infiniment plus profond ! Mais qui veut l’entendre ? Silence là-dessus dans le monde musulman, et dans les médias occidentaux on n’entend plus que tous ces spécialistes du terrorisme qui aggravent jour après jour la myopie générale ! Il ne faut donc pas que tu t’illusionnes, ô mon ami, en faisant croire que quand on en aura fini avec le terrorisme islamiste l’islam aura réglé ses problèmes ! Car tout ce que je viens d’évoquer – une religion tyrannique, dogmatique, littéraliste, formaliste, machiste, conservatrice, régressive – est trop souvent l’islam ordinaire, l’islam quotidien, qui souffre et fait souffrir trop de consciences, l’islam du passé dépassé, l’islam déformé par tous ceux qui l’instrumentalisent politiquement, l’islam qui finit encore et toujours par étouffer les Printemps arabes et la voix de toutes ses jeunesses qui demandent autre chose. Quand donc vas-tu faire enfin cette révolution qui dans les sociétés et les consciences fera rimer définitivement spiritualité et liberté ?


             Bien sûr dans ton immense territoire il y a des îlots de liberté spirituelle : des familles qui transmettent un islam de tolérance, de choix personnel, d’approfondissement spirituel ; des lieux où l’islam donne encore le meilleur de lui-même, une culture du partage, de l’honneur, de la recherche du savoir, et une spiritualité en quête de ce lieu sacré où l’être humain et la réalité ultime qu’on appelle Allâh se rencontrent. Il y a en Terre d’islam, et partout dans les communautés musulmanes du monde, des consciences fortes et libres. Mais elles restent condamnées à vivre leur liberté sans reconnaissance d’un véritable droit, à leurs risques et périls face au contrôle communautaire ou même parfois face à la police religieuse. Jamais pour l’instant le droit de dire « Je choisis mon islam », « J’ai mon propre rapport à l’islam » n’a été reconnu par « l’islam officiel » des dignitaires. Ceux-là au contraire s’acharnent à imposer que « La doctrine de l’islam est unique » et que « L’obéissance aux piliers de l’islam est la seule voie droite » (sirâtou-l-moustaqîm).


             Ce refus du droit à la liberté vis-à-vis de la religion est l’une de ces racines du mal dont tu souffres, ô mon cher monde musulman, l’un de ces ventres obscurs où grandissent les monstres que tu fais bondir depuis quelques années au visage effrayé du monde entier. Car cette religion de fer impose à tes sociétés tout entières une violence insoutenable. Elle enferme toujours trop de tes filles et tous tes fils dans la cage d’un Bien et d’un Mal, d’un licite (halâl) et d’un illicite (harâm) que personne ne choisit mais que tout le monde subit. Elle emprisonne les volontés, elle conditionne les esprits, elle empêche ou entrave tout choix de vie personnel. Dans trop de tes contrées tu associes encore la religion et la violence – contre les femmes, les « mauvais croyants », les minorités chrétiennes ou autres, les penseurs et les esprits libres, les rebelles – de sorte que cette religion et cette violence finissent par se confondre, chez les plus déséquilibrés et les plus fragiles de tes fils, dans la monstruosité du jihad !


             Alors ne fais plus semblant de t’étonner, je t’en prie, que des démons tels que le soi-disant Etat islamique t’aient pris ton visage ! Les monstres et les démons ne volent que les visages qui sont déjà déformés par trop de grimaces ! Et si tu veux savoir comment ne plus enfanter de tels monstres, je vais te le dire. C’est simple et très difficile à la fois. Il faut que tu commences par réformer toute l’éducation que tu donnes à tes enfants, dans chacune de tes écoles, chacun de tes lieux de savoir et de pouvoir. Que tu les réformes pour les diriger selon des principes universels (même si tu n’es pas le seul à les transgresser ou à persister dans leur ignorance) : la liberté de conscience, la démocratie, la tolérance et le droit de cité pour toute la diversité des visions du monde et des croyances, l’égalité des sexes et l’émancipation des femmes de toute tutelle masculine, la réflexion et la culture critique du religieux dans les universités, la littérature, les médias. Tu ne peux plus reculer, tu ne peux plus faire moins que tout cela ! C’est le seul moyen pour toi de ne plus enfanter de tels monstres, et si tu ne le fais pas tu seras bientôt dévasté par leur puissance de destruction.


             Cher monde musulman… Je ne suis qu’un philosophe, et comme d’habitude certains diront que le philosophe est un hérétique. Je ne cherche pourtant qu’à faire resplendir à nouveau la lumière – c’est le nom que tu m’as donné qui me le commande, Abdennour, « Serviteur de la Lumière ». Je n’aurais pas été si sévère dans cette lettre si je ne croyais pas en toi. Comme on dit en français, « Qui aime bien châtie bien ». Et au contraire tous ceux qui aujourd’hui ne sont pas assez sévères avec toi – qui veulent faire de toi une victime – tous ceux-là en réalité ne te rendent pas service !


             Je crois en toi, je crois en ta contribution à faire demain de notre planète un univers à la fois plus humain et plus spirituel ! Salâm, que la paix soit sur toi.

     

     

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    Abdennour Bidar

    est normalien, philosophe et musulman français
    paru le 3 octobre 2014 sur Lab'Oratoire

     

  • Jésus me désignait son Sacré Cœur entouré de la couronne d’épines : Natalie Saracco

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    Un cœur qui écoute

    Émission présentée par Hubert de Torcy sur KTO. Il reçoit Natalie Saracco pour sa vision du Sacré-Cœur. Retranscription réalisée par La Vaillante d’après la vidéo de l’émission. À retrouver sur la page La France & le Sacré Cœur

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    HdT : Natalie Saracco, vous êtes auteur, réalisatrice, co-productrice d’un film qui sort le 4 juin 2014, « La Mante Religieuse », dont on a déjà beaucoup entendu parlé. Ce film est aussi le fruit de tout un parcours de foi. Je crois que c’est une longue histoire… Comment en êtes-vous arrivée à écrire puis réaliser ce film ?

    NS2.jpgNS : J’ai eu un terrible accident de la route il y a six ans. J’étais passagère, j’avais la place du mort – je confirme, ce n’est pas terrible d’être passager ! J’étais avec une amie. Je sortais d’un super rendez-vous : j’étais en développement très avancé d’un autre long métrage qui s’appelle « Larmes blanches ». Les larmes qui coulent, au pluriel, c’est une très belle histoire d’amour. J’étais avec un producteur de renom qui voulait produire mon film. Tout allait très bien. On prend cette voiture, direction Normandie. Ce qui est fou c’est que cette amie en question qui n’avait absolument pas la foi, qui était plutôt révoltée, une Jézabel, une Marie-Madeleine des temps modernes. La pauvre malheureuse, à chaque fois que l’on se retrouvait ensemble, j’en profitais pour lui parler de Dieu. Elle n’en pouvait plus. Et là, j’étais en train de lui dire ces dernières paroles avant l’accident :

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    « Écoute, réveille-toi, ne te dis pas ”on verra bien après”. Après ce sera trop tard. Aujourd’hui, ça peut être le jour de ta mort, tu n’en sais rien. N’attends pas le dernier moment pour t’ouvrir à Dieu, à ”qu’est-ce que tu fous ici !”. »


         

    NS1.jpgÀ ce moment précis, on double un camion, et on a un super accident. Au moment où on va pour dépasser le camion, lui a eu une queue de poisson d’une voiture qu’il a percutée et qui nous a renvoyé de trois quarts plein fouet, une immense espace Renault, bref… qui est venu se tanker derrière mon dos… Un truc terrible… À 130 km/h sur l’autoroute, vous imaginez… On a tapé à droite, à gauche, bref… On a terminé notre course folle encastrées dans la tôle toutes les deux. Toute la voiture était complètement broyée, il y avait juste notre petit habitacle. Je me revois, à trois reprises, la ceinture de sécurité, un modèle ancien (donc sans air bags), qui m’a arrêtée et qui a arrêté mon visage à ça du pare-brise… On s’est donc retrouvée prisonnière dans la tôle et tout de suite je me suis mise à ne plus pouvoir respirer et à cracher du sang.

    NS Christ souffrant 3.jpgChez moi, ils sont tous médecins, chirurgiens : en tant que bonne fille de médecins, je me suis dis : « Je ne peux plus respirer, je crache du sang, je dois avoir des côtes cassées qui ont perforé un poumon, j’ai une hémorragie interne, voilà… ». J’ai senti, à un moment donné, la vie vraiment partir. C’est-à-dire que là, à ce moment précis, les secours étaient déjà arrivés. Les pompiers découpaient la voiture en morceau avec d’immenses tenailles, cisailles… pour nous extraire par le pare-brise. J’étais sous assistance, j’avais tout le kit de survie : le papier en aluminium « en chocolat », l’assistance respiratoire, tout… Ils m’avaient transformée en Robocop, j’avais une minerve des pieds à la tête. Ils pensaient que j’étais en train de mourir, d’être paralysée… c’était terrible. Et j’ai senti très tranquillement cette chaleur, cette énergie que nous avons, qui fait que l’on se sent en vie. On ne peut pas le prouver mais on sent cette vie. J’ai senti cette énergie, cette chaleur me quitter, m’abandonner, en partant de la tête et en descendant, comme une bouteille d’eau en plastique percée par le bas, cette énergie descendait, baissait, baissait de niveau. Et là où cette énergie, cette chaleur me quittait je savais… j’étais totalement, d’abord, consciente. Et là, on sait absolument ce qui se passe, en toute vérité, en toute lucidité. Je me disais ”holala”… Je devenais totalement paralysée, froide comme du marbre et absolument consciente, très tranquillement, j’assistais à ma propre mort, je sentais la vie me quitter, me quitter… comme ça, cette chaleur, jusqu’aux pieds.

    NS Hallucinéé.jpgEt là, il s’est passé quelque chose de fou : je me suis retrouvée nez à nez avec le Sacré Cœur de Jésus. Jésus, en tunique blanche. Jésus, en train de pleurer à chaudes larmes. À chaudes larmes de souffrir juste le martyr. Jésus me désignait son Sacré Cœur entouré de la couronne d’épines. Il y avait comme des larmes de sang qui s’échappaient de son Sacré Cœur. Son Sacré Cœur pleurait des larmes de sang, en fait. Et les larmes du Christ et les larmes de sang de son Sacré Cœur venaient s’échouer dans mon propre cœur. Il voulait que je partage, que je ressente sa souffrance. Je peux vous dire que c’était un tel concentré de souffrance qu’on ne peut pas imaginer. Comme une espèce de concentré d’acide de souffrance. Je m’attendais à tout, sauf à cela.

    NS6 GesteSCJésus.jpg

    NSChrist souffrant 2.jpgDéjà, à l’époque, j’étais croyante, je cherchais Dieu, j’aimais Dieu… Mais je ne m’attendais pas du tout à me retrouver face à Dieu. On était vraiment encore plus proche que vous et moi, vraiment tout près. Et de le voir en train de pleurer, de souffrir, défiguré par la souffrance. Du coup, j’en ai oublié ma peur de la mort. On se dit : « Ah, j’aurais dû faire ceci, cela, dire au revoir à Pierre, Paul, Jacques… » J’étais juste débordée par sa souffrance à Lui… que j’aimais déjà, mal… mais profondément, à l’époque. Je lui ai dit : « Ah !, mon Seigneur… ». On s’est parlé comme par télépathie : des sœurs auxquelles j’ai raconté l’histoire m’ont engueulée, m’ont dit : « Non, ce n’est pas par télépathie, vous vous êtes parlé dans un cœur à cœur. » Je lui ai dit : « Mon Dieu, pourquoi tu pleures ? » Là, Il m’a répondu, et Il a répondu à tout le genre humain, pas qu’à moi, c’est vraiment nous tous, ses créatures :

    NSVisageSouffrant.jpg« Je pleure parce que vous êtes mes enfants chéris, que j’ai donné ma vie pour vous, que je ne sais plus quoi faire pour vous. Et qu’en échange je n’ai que froideur, mépris et indifférence. Je pleure parce que mon cœur se consume d’un amour fou, pour vous tous qui que vous soyez et qu’en échange j’ai vos péchés et votre indifférence. Je pleure parce qu’il n’y a rien de pire que de brûler d’amour, que d’aimer ceux qui nous rejette, ceux qu’on aime le plus. »

    NS Cherchant.jpgVous voyez, Hubert, dans cette rencontre avec le Cœur du Christ j’ai été bouleversée pour plein de raisons, notamment deux qui m’ont complètement skotchée. La première, c’est de sentir physiquement l’amour de Dieu à travers le Sacré Cœur de Jésus, pour nous tous, qui que nous soyons. C’est-à-dire qu’avec Dieu il n’y a pas de casting. Ce n’est pas ”toi, tu corresponds au moule, au kit, tu as quinze enfants ; toi t’es comme ci, t’es comme ça ; toi tu es avocat, toi t’es un pauvre sdf ; toi tu mènes une vie qui ne correspond pas.” Il nous aime tous comme nous sommes. On est tous ses petits, Il nous aime à la folie et on a tous une importance unique, démesurée pour Lui. Il veut tous nous sauver. Mais il veut tous qu’on accepte de se faire aimer par Lui tels que nous sommes, qu’on ne doute pas de son amour.

    NS inspiration.jpgJe connaissais… Je chantais à la messe, je lisais dans la Bible l’amour fou, l’amour insondable de ce Dieu pour nous tous, mais c’était beaucoup plus intellectuel pour moi, théorique. Même si je l’aimais. C’était plus intellectuel. Et là, le Seigneur m’a fait sentir de manière physique cet amour pour nous. Cela m’a juste bouleversée. L’amour est bien au delà de tout ce que l’on peut imaginer. Donc, cela m’a complètement bouleversée.

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    Et deuxièmement, que ce grand Dieu qui est parfait, qui est saint, en plus du libre arbitre qu’il nous donne, pour l’aimer ou le rejeter, il nous mendie, à nous, pauvres pécheurs que nous sommes, notre amour. Il nous mendie à nous, pauvres pécheurs, Lui, ce grand Dieu, notre amour. C’est juste… surréaliste ! C’est dingue !

     

    HdT : Du coup, que lui avez-vous dit, une fois qu’Il vous a exprimé sa tristesse ?

     

    NS4.jpgNS : Cela a été comme un cri du cœur, encore. J’ai dit : « Seigneur, quel dommage de rendre l’âme, maintenant que je sais cela. Je voudrais pouvoir revenir sur terre pour témoigner de Ton amour fou pour nous tous, qui que nous soyons et pour te consoler, à ma façon, dans la nature qui est la mienne. C’est-à-dire, j’ai la totale : je suis à moitié italienne, bélier, marseillaise, femme, artiste… donc vous imaginez… un peu passionnée. Pour lui dire Tu es le plus beau, je T’aime… Et surtout que l’on connaisse que Tu es cet Amour et que Tu nous accueilles vraiment tous dans cet Amour. Et finalement, le pari que Dieu nous demande c’est juste de faire le pari fou de se laisser aimer par Lui, comme on est. Personne ne mérite Dieu, à par Dieu Lui-même.

    HdT : Et que s’est-il passé, du coup ? Parce que vous êtes là, aujourd’hui.

    NS2.jpgNS : Je me sens en sursis. Du coup… je vais juste vous dire une deuxième partie, vite fait, que je révèle à très peu de gens, mais je pense que là, c’est bien un endroit où je peux ouvrir vraiment mon cœur. Vous avez le droit à la saga, à la version longue.

     

     


    NS Joues gonflées.jpgQuand j’ai dit cela, à ce moment précis, j’ai été comme transportée dans un autre lieu, un autre endroit qui n’avait rien à voir. Et là, quelque chose de fou : je vois au-dessus de moi, face à moi, une espèce de demi cercle de lune, plongée dans une sorte de lumière, de nuée. Quelque chose d’écrasant, bien en hauteur et d’écrasant. On sentait que ça ne plaisantait pas. Et à ce moment-là, je savais, tout simplement, que c’était l’heure de mon jugement, l’heure de notre jugement, qui nous attend tous. En fait, j’avais face à moi le Tribunal céleste. Le fameux Tribunal céleste dont parle saint Paul dans les Épîtres. À l’époque, je ne l’avais absolument pas lu. Là, ce qui est dingue, c’est que la créature se retrouve face à son Créateur. En toute vérité, en toute responsabilité. On doit répondre jusqu’au dernier petit pseudo détail de notre vie. Pas question de dire, vous savez, comme dans la cour de récréation : « Je lui ai tiré la langue parce qu’il m’a tiré les couettes… J’ai fait ceci parce que cela… » Là, non, c’est toi, la créature, face à ton Créateur. Et là, une voix… Je peux vous dire on n’en mène pas large. Il vaut mieux le savoir, parce que Dieu est miséricordieux, Il est absolu dans on Amour, Il veut tous nous sauver, certes, miséricordieux. Mais Il est aussi absolu dans sa Justice, sinon Il ne serait pas Dieu. Ça dépend de notre réponse, de notre libre arbitre. Et là, une voix me dit : « Vous serez jugés  (vous tous, les humains), vous serez jugés sur l’amour de Dieu, l’amour vrai de Dieu, et l’amour vrai des frères. » Et qu’en gros, tout le reste, c’est de la littérature.

    HdT : Et vous avez repris vie…

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    NS : À ce moment précis, j’ai été comme réinjectée dans mon pauvre petit corps dans la voiture. J’ai fait comme si je me prenais une méga-décharge : « AAhh ! » (Elle ouvre grand la bouche et inspire, gonfle ses poumons et recrache l’air). J’ai repris ma respiration, j’étais complètement essoufflée. Et il s’est passé le phénomène inverse. C’est comme si on m’inoculait un liquide brûlant, de la pure lave, un liquide très chaud par les pieds et cette chaleur reprenait. Je me suis arrêtée net de cracher du sang et j’ai pu bouger à nouveau. Bon, je ne pétais pas la forme, évidemment ! Mais je savais que j’étais là, encore…

    Effectivement, depuis, je me sens en sursis. Mais finalement, on est un peu tous en sursis ! 

    Hubert de Torcy.jpgHdT : Merci beaucoup Natalie pour ce beau témoignage. Malheureusement notre émission s’arrête là. Je rappelle que vous êtes l’auteur, la réalisatrice et la co-productrice de ce film qui sort en salle le 4 juin 2014, qui s’intitule « La Mante Religieuse ». Un site internet pour en savoir plus sur ce film : www.jaimelamante.com. Merci encore d’avoir accepté notre invitation.


     

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     NS : J’en suis ravie !                             

     

     

     

  • Cœur de Jésus : Il a pris ma tête et l'a posée sur sa poitrine…

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    Enseignement lors de la 4ème Session des Familles à Paray-le-Monial
    Mercredi 20 août 2014
    Retranscription réalisée par La Vaillante (La France & le Sacré Cœur) depuis l’enregistrement de Gloria.TV

    Le Père Ottavio de Bertolis a la chance de vivre à 20 mètres de la chambre de saint Ignace à Rome. Il est attaché à l’église du Gesù. Je voudrais vous demander, Père, de nous expliquer comment vous avez rencontré le Cœur de Jésus. 

     

    Ignace de Loyola.jpg         « J’ai toujours reçu la grâce de la foi dans ma vie. Mais quand j’étais enfant je me demandais ce que signifiait exactement le Cœur de Jésus, le cœur du Sauveur. Pour moi, c’était aussi un problème linguistique. Pourquoi dire : «  Cœur de Jésus, prends pitié de moi ! » ? Il n’est pas plus facile, plus simple de prier : « Jésus, par ton Cœur prends pitié de moi ! ». Pourquoi parler du cœur du Sauveur ? Y a-t-il une différence entre le cœur du Sauveur et le Sauveur lui-même ? Pendant longtemps dans ma vie, quand j’étais jeune, avant d’entrer dans la Compagnie de Jésus, je me le demandais toujours, je voulais comprendre. En fait, je n’avais pas compris et je ne pouvais pas prier le Cœur du Sauveur. Cela ne signifie pas que je ne priais pas, mais je restais avec ce doute. Pourquoi le Cœur du Sauveur ? Alors j’ai lu beaucoup de livres. Mais les livres ne m’ont pas aidé. J’ai lu des livres populaires, mais les livres trop populaires étaient trop simples et ceux de théologies trop difficiles. C’est ainsi que j’ai compris que connaître le Cœur du Sauveur ne venait pas des livres. Cela ne dépend pas de notre force, de notre culture. Le Cœur de Jésus est montré par Jésus même, à chacun de vous. Vous ne devriez pas être ici pour entendre quelqu’un, un prêtre de Rome, parler du Cœur du Sauveur. Vous devriez être ici pour écouter Jésus qui parle de son Cœur à chacun d’entre vous. Car il a un mot, une parole pour chacun de vous. Je peux vous parler à tous mais je ne connais pas votre histoire, votre langage. Mais Lui, si, Lui peut parler à chacun d’entre vous. Comme j’ai connu le Seigneur dans ma faiblesse et comme j’ai reçu la parole du Seigneur qui m’a montré son Cœur, je suis sûr qu’aujourd’hui, à Paray-le-Monial, Il veut parler à chacun de nous.

    Coupe eucharistique.jpg         Pendant longtemps je me demandais : « Pourquoi, Seigneur, qu’est-ce que cela veut dire ? », mais je ne trouvais pas de réponse. Quand vous ne trouvez pas de réponse vous ne pouvez faire qu’attendre. Regardez… Quand je suis entré dans la Compagnie de Jésus… - je vais souligner l’importance d’être jésuite pour la dévotion au Cœur du Sauveur. J’étais novice… Deux petites histoires. La première fois, quand j’étais novice, lors d’une des premières messes durant mon noviciat à Gênes, le Père, pendant l’eucharistie, nous a donné la coupe du Sang du Sauveur et, peut-être à cause de la forme de la coupe, j’ai eu une impression, une motion intérieure dirait saint Ignace, une forte motion intérieure : « Bois à mon Cœur ! ». Quand nous buvons à la coupe de l’eucharistie nous buvons au Cœur même du Sauveur. Car l’eucharistie est le Cœur de Jésus. C’est un premier pas : « Reçois mon Cœur, bois à la coupe de mon Cœur. Tiens mon Cœur dans tes mains. » Tous, chaque fois que vous recevez l’eucharistie, vous tendez votre main et Jésus pose son Cœur dans vos mains. Dans vos mains, comme vous êtes. Il n’a pas choisi des hommes et des femmes idéals, sans péché, mais il a choisi des hommes et des femmes réels, comme nous tous. Et depuis, j’ai fait les Exercices. Vous savez que les Pères Jésuites pendant le noviciat font le Mois des Exercices Spirituels. En effet Les Exercices Spirituels sont une grande contemplation du Cœur de Jésus, renforcée par des intuitions de notre père saint Ignace. Tout le mois des Exercices est une longue contemplation, un cœur à cœur avec la vie du Sauveur. Jésus montre son Cœur à travers sa Parole. Toute sa Parole nous parle de son Cœur. Toute la Parole de Dieu. C’est-à-dire de la première page de la genèse jusqu’à la dernière du livre de la Révélation. Toute l’Écriture sainte est un don du Cœur de Jésus. Ce sont comme des morceaux d’une mosaïque qui, tous ensemble, montrent et éclairent la personne même du Sauveur, c’est-à-dire son Cœur. Alors la Parole de Dieu écoutée dans notre cœur, comme la Vierge Marie, la personne même devient le Seigneur. C’est-à-dire son corps, le crucifix contemplé. La personne même, dans sa réalité physique que saint Ignace nous aide à imaginer, à contempler, à écouter, à toucher, pendant les Exercices, est une grande contemplation du Cœur du Sauveur. Ignace ne parle pas explicitement du Cœur de Jésus, l’expression n’était pas en usage dans son temps, mais en effet, dans les Exercices Spirituels vous avez tout ce qui constitue en profondeur la spiritualité du Cœur du Sauveur.

    foi, sacré cœur, christianisme         Et depuis… Je dois choisir seulement quelques petites histoires mais j’en aurais beaucoup à raconter… À la fin de mon noviciat… Vous savez que les novices Jésuites doivent passer un mois entier dans un hôpital. Je suis allé à Turin où il y a un grand hôpital fondé par le Bienheureux Cottolengo, une vraie cité dans la cité, où il y a des milliers de malades incurables, des handicapés… dont beaucoup de personnes diraient qu’ils n’ont pas de dignité à vivre. J’ai reçu un petit groupe de handicapés, une douzaine. Parmi cette douzaine il y en avait un en particulier qui ne pouvait pas parler, répondre, écouter. Il y a toujours quelqu’un qui peut répondre, vous pouvez parler en souriant, par quelques mots… Vous pouvez établir un lien avec lui, de quelque sorte que cela soit. Mais celui-ci qui s’appelait Aloïs, pendant tout un mois, n’a jamais pu établir aucun lien. Il vivait dans un monde inaccessible pour moi. Chaque jour on devait leur donner à manger, les laver, les vêtir, etc. Le dernier jour de ma présence… C’était une expérience très profonde. Peut-être que cela ne vous dira rien… Mais pour moi, j’ai vécu cela très profondément comme motion intérieure. J’étais en train de lui donner à manger comme chaque jour et plusieurs fois par jour, mais comme si j’étais avec une chose… et quand j’étais en train de lui donner à manger la petite sœur est passée et m’a dit : « Vous partez, demain, vous retournez à Gênes… », et j’ai répondu : « Oui, oui ma sœur, je m’en vais demain… ». À ce moment-là, très intéressant car le Seigneur parle non seulement à travers l’Écriture Sainte, mais parle avec la vie, la vie de chaque personne que nous rencontrons… Il a pris ma tête et l’a posée sur sa poitrine. Vous savez que la tête sur la poitrine est l’expérience du disciple aimé. Je me souviens qu’à ce moment, et seulement à ce moment, j’ai pensé à toutes les fois quand j’étais jeune et que je priais le Seigneur et lui disait : « Seigneur, donne-moi de connaître ton Cœur ! Donne-moi de connaître l’amour de ton Cœur. Laisse-moi poser ma tête sur ta poitrine, comme le disciple bien-aimé ». Alors j’ai compris qu’à ce moment-là il m’avait révélé que toutes mes prières avaient déjà été écoutées. À ce moment-là seulement il m’a montré qu’elles avaient déjà été entendues. C’est-à-dire que j’avais posé ma tête sur sa poitrine, non pas seulement à cet instant précis à Turin, mais aussi pendant ma vie précédemment, quand je ne voyais pas son Cœur. J’ai compris que nous pouvons louer le Cœur du Seigneur, l’adorer, le célébrer dans la liturgie, dans le silence, mais il est vrai que le Cœur du Sauveur est le cœur des pauvres. « Ce que vous avez fait à chacun de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ». La présence personnelle de Jésus n’est pas seulement la présence réelle du sacrement, mais aussi la présence personnelle de ces pauvres. Car il est présent dans ses frères. C’est l’expérience des disciples d’Emmaüs. Je crois que nous sommes tous comme les disciples d’Emmaüs. Nous faisons notre chemin, nous parlons entre nous, nous pleurons sur nos problèmes, sur nos blessures, nous parlons de nos espérances… mais nos yeux ne peuvent pas Le voir. Mais Il est avec nous. Seulement à un moment opportun Il montre sa Présence. Et quand il montre sa Présence nos yeux Le reconnaissent et la Lumière se fait dans nos cœurs et nous pouvons comprendre qu’Il était avec nous. Non pas seulement dans ce moment de grâce mais tout au long du chemin, car il nous a toujours aimé. Et pour moi c’est l’expression foncière du Cœur du Sauveur. Si vous me demandez, par exemple : Où peut-on trouver l’expression privilégiée du Cœur du Sauveur ? Lisez la Première Épître de Jean. Selon mon point de vue la Première Épître de Jean est le livre en condensé de toute l’Écriture. Si vous me demandez de retenir un seul livre ou passage de la Bible, je répondrais la Première Épître de Jean. Et si vous me demandez de ne retenir qu’un chapitre de cette Épître je répondrais le chapitre 4. Et si vous me demandez de ne retenir qu’un verset : « Nous n’avons pas aimé Dieu, mais Il nous a aimé le premier. » La primauté de son Amour pour nous. Elle est toujours vraie. Affirmer qu’Il nous a aimé le premier signifie qu’il nous aime comme nous sommes et là où nous sommes.

    foi,sacré cœur,christianisme         Notre vie est une vie réelle. La vie de chaque homme et de chaque femme a ses contradictions, ses espérances, ses forces et ses faiblesses. Nous sommes des hommes réels, Il nous a aimé comme nous sommes. Beaucoup, ici, vous êtes en famille. La famille est remplie d’expériences. Il y a des familles heureuses, d’autres divisées, des couples divorcés, des veuves, des solitudes, des célibataires… Le célibat peut être un choix, ou presque un choix ou tout à fait un choix. Ce peut-être une disgrâce, cela dépend. Nous sommes comme nous sommes. Notre vie est aussi signée par la violence que nous avons pu recevoir. Peut-être avons-nous aussi fait violence. La rancœur peut s’insinuer dans notre vie. Envers mon mari, envers mon fils, même envers Dieu. Et nous devons avoir le courage d’admettre que nous-mêmes pouvons avoir de la rancœur envers le Seigneur : « Pourquoi as-tu permis tout ce qui m’est arrivé ? » ; « Pourquoi as-tu permis la maladie de ma femme, de mon mari, la mort, la souffrance ? » ; « Pourquoi as-tu permis ma vie ? ». Ce sont des questions réelles. Vous pouvez penser au Livre de Job, par exemple. Je ne peux pas répondre. Je dis seulement que ces questions sont sérieuses. Je crois que l’Écriture ne répond pas à ces questions comme nous le voulons, mais l’Écriture témoigne qu’Il nous a aimé comme nous sommes et là où nous sommes. Peut-être que maintenant nous portons sur nos épaules une vie normale ou une vie pleine de difficultés. Peut-être est-ce une vie proche ou dans l’Église ou au delà, en dehors de l’Église. Cela n’importe pas, le Seigneur nous a aimé comme nous sommes et là où nous sommes. Les problèmes, les difficultés, la faiblesse de notre vie restent. Mais ce que Jésus à dit à l’Apôtre Paul est vrai pour chacun de nous : « Ma grâce se montre parfaitement dans ta faiblesse. » Si vous me demandez : « Selon toi, où l’Apôtre Paul parle-t-il le plus parfaitement du Cœur du Sauveur, de la dévotion à son Cœur, de la spiritualité du Cœur du Sauveur ? » Je crois qu’il en parle bien dans l’Épître aux Galates, chapitre 2, verset 20 : « Ma vie présente dans la chair, j’ai la vie dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé, il s’est livré pour moi. » « Dans la chair… » : dans l’Écriture vous savez que « la chair est l’humaine faiblesse ». La chair ne signifie pas seulement le sexe, comme pour nous. La chair est l’humaine faiblesse dans toutes ses manifestations. Naturellement aussi l’affectivité, mais pas seulement. Nous vivons dans la chair. Pour vivre nous ne pouvons pas vivre en dehors, au delà de la chair. Nous sommes hommes de chair. Mais notre vie présente avec les difficultés, les espérances, les blessures, avec notre histoire qui nous conditionne, naturellement. Mais nous vivons dans la foi en le Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi. Il m’a aimé. Notre solitude est habitée par Lui. Alors vous comprenez que seule la foi nous soutient. Nous ne voyons pas, sauf par moment… Nous avons aussi des moments de lumière. Je vous ai parlé de mes petits moments de lumière. Je suis sûr que vous aussi avez reçus, dans votre vie, des moments de lumière, comme les disciples d’Emmaüs. Mais ce sont seulement des moments. Quand nous le reconnaissons, il disparaît à notre vue. Mais reste l’expérience.

    foi,sacré cœur,christianisme         À la lumière de cette expérience nous reconnaissons — saint Ignace dirait : « Nous discernons » — la présence de Dieu, même aujourd’hui quand je ne le vois pas. Quand il n’est pas présent à mes yeux. Mais je sais, car la foi est lumière dans mes ténèbres. Alors, ma solitude, mes blessures, ma faiblesse ne sont pas seulement le lieu de mon abandon, mais sont le lieu de sa Présence. Vous comprenez donc comme notre vie doit être soutenue, signée, marquée par la prière quotidienne. C’est-à-dire par l’écoute de chaque jour de la Parole du Seigneur. Car la foi naît dans l’écoute de la Parole de Dieu. Alors chaque jour, comme la Vierge Marie, écoutons la Parole de Dieu. Car la Parole est le premier don du Cœur du Sauveur. Le Cœur du Christ est la Parole dans laquelle toutes les paroles ne font qu’une. La Parole foncière. Toutes les paroles de l’Écriture, tous ces petits morceaux de cette grande mosaïque se fondent, peuvent se résumer en une seule parole : le Cœur du Sauveur. Notre faiblesse reste mais nous vivons dans la foi du Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi. Il m’a aimé. Excusez-moi, mais nous n’avons pas eu besoin de sainte Marguerite-Marie (Alacoque) pour savoir qu’Il m’a aimé. « Regarde ce Cœur qui a tant aimé le monde ». La mystique confirme toujours l’Écriture sainte. Elle ne fait pas que confirmer l’Écriture. La mystique est l’expérience de l’Esprit qui accompagne la vie de l’Église à travers ses saints. Et Jésus donne sa Parole, à travers l’Esprit Saint, à ses témoins privilégiés que sont les saints comme sainte Marguerite-Marie. Mais la vérité qu’Il m’a aimé ne vient pas de Marguerite-Marie. Elle vient de l’Évangile. Il m’a aimé et s’est livré pour moi. C’est-à-dire…

    foi,sacré cœur,christianisme         Peut-être que nous avons aussi péché dans notre vie, mais Il s’est laissé abandonner par nous. Nous pouvons être opprimé, oppressé par le souvenir de nos péchés. Mais regardez : le péché, le coup de lance qui a transpercé le Cœur du Seigneur, est devenu la clef pour ouvrir son Cœur. De mon point de vue, vous pouvez ici contempler la puissance, l’omnipotence et la générosité, la fidélité de Dieu qui a choisi non pas les bonnes œuvres, non pas les prières de quelques justes pour laisser ouvrir son Cœur, mais un coup de lance. C’est-à-dire le symbole de comment les hommes l’ont accueilli, Lui. Il est venu parmi les siens mais les siens ne l’ont pas accueilli. C’est Jean aussi qui dit aussi cela. Alors, il est vrai que pour le monde, pour l’Église aussi peut-être, pour moi aussi… il s’est laissé blesser par moi. Dans la liturgie de la messe de Pâque on chante : « Felix culpa », « bienheureuse faute ». Bienheureuses soient vos fautes car avec nos fautes nous avons ouvert le Cœur du Sauveur. Et cela est la fin du royaume du mal. Car Jésus a choisi les armes du mal pour détruire le mal lui-même. « Felix culpa quae talem et tantum meruit habere redemptorem », « Ô bienheureuse faute qui nous a valu un tel rédempteur ». Il s’est consacré lui-même pour nous. Toute la vie de Jésus est résumée dans son Cœur. Toutes les pensées, toutes les forces, tout ce qu’il a dit, tout ce qu’il a fait, toute sa personne est résumée dans son Cœur. Il s’est lui-même consacré pour nous. Nous pouvons contempler dans l’Évangile de Jean, le chapitre 13, 14 : « Je me sanctifie pour eux ». S’Il s’est donné lui-même, s’Il nous a aimé le premier, nous pouvons nous donner à Lui, comme nous sommes et tout ce que nous sommes. Parce qu’Il a tout aimé de nous. Tout ! Cela est difficile à comprendre. Pascal dirait « le Dieu des philosophes et le Dieu de Jésus-Christ ». Le Dieu des philosophes, le Dieu des moralistes, par exemple, ne peut pas dire que Dieu a aimé mes péchés. Mais le Dieu de Jésus-Christ, oui. Car il a vu ma tristesse dans mes péchés. Ma solitude, ma désespérance. Ils m’ont abandonné, moi, Source de l’eau vive. Moi, je suis l’eau vive. Comme Il s’est consacré lui-même à nous, nous pouvons nous consacrer nous-mêmes à Lui. Nous consacrer nous-mêmes : ce n’est pas seulement la consécration des prêtres ou celles des religieuses dans les vœux religieux. Mais c’est la consécration du baptême. La consécration foncière de toute l’Église. Se consacrer à Lui est une réponse à Sa consécration. Nous allons répondre à son amour. Que pouvons-nous offrir ?

    foi,sacré cœur,christianisme         Quand j’étais jeune, je croyais que je pouvais donner à Dieu juste mes bonnes œuvres, mes prières… toutes les choses bonnes que je pouvais faire. Et j’ai conçu (malheureusement…) ma vie spirituelle comme devant faire de bonnes œuvres, toujours, de plus en plus, jusqu’à n’avoir plus aucun péché, ou presque plus aucun. Paul dirait : « Tu cherches ta justification », c’est-à-dire ta juste relation avec Dieu, « par la Loi », car les œuvres sont prescrites par la Loi. Mais nous avons pu constater que c’est impossible. La Loi ne justifiera aucun de nous. Car nous tous, comme l’Apôtre Paul, disons de nous-mêmes : « Nous faisons beaucoup de choses que nous ne voulons pas faire en réalité, et nous ne pouvons pas faire beaucoup de choses que nous voulons faire. » Mais nous ne pouvons pas, nous sommes faibles. Alors, voyez ! Si la Foi peut nous ouvrir la porte de la réconciliation — et cela est la doctrine de Paul, c’est la doctrine chrétienne. Notre justification, notre juste relation avec Dieu est ouverte par Lui et non pas par moi. Il a détruit tous les obstacles, toute la distance que je prenais entre moi et Lui, il l’a couverte parce qu’il est venu vers moi. Non pas parce que je suis allé vers Lui. Mais Il est venu à moi. Il a donc aimé dans ma vie non pas seulement les bonnes choses : ma joie, mes bonnes œuvres, quand j’étais bien : c’est le Dieu des philosophes. Mais il m’a aimé, moi. Au delà de la Loi. Dans mes blessures, dans mes péchés, dans mes faiblesses. Je crois qu’Il demande aujourd’hui, à chacun de nous : « Donne-moi ta faiblesse. Donne-moi ce dont tu n’es pas fier. Donne-moi ta vie comme elle est. Donne-moi ta solitude, ta maladie, tes difficultés. Je ne promets pas que je vais résoudre tes problèmes. Mais je promets que je montrerai en toi — comme le mentionnera Paul — la grandeur de ma puissance. » Nous restons faibles. Nous restons pauvres. Car Dieu aime les pauvres afin qu’aucun de nous ne puisse s’enorgueillir devant Lui. Je veux dire simplement que notre force est notre faiblesse.

    foi,sacré cœur,christianisme         Quand j’ai compris cela, ma vie spirituelle, ma vie chrétienne, ma vie comme prêtre s’est vraiment simplifiée. Et maintenant je n’ai plus peur. Peur de moi, peur de mes péchés, peur de mes difficultés. Je n’ai plus peur. Car j’ai compris qu’il m’aime comme je suis. Et tout ce qui m’est arrivé dans la vie, non seulement les dons reçus, et j’ai comme vous, reçu beaucoup de dons, mais aussi le mal. L’Épître aux Romains, chapitre ?, verset 28 : « Tout s’est passé par le bien de ceux qui aiment Dieu. » Et la force de l’Écriture est qu’elle dit : « Tout » ! Nous entendons normalement « tout le bien ». Mais il est écrit : « Tout » ! Nous pouvons relire notre vie avec ses défauts. Lis ta vie, même les pages plus obscures, en demandant : « Où es-tu, mon Dieu ? Où étais-tu, Cœur du Sauveur quand tu as permis cela pour le bien ? Étais-tu avec moi, même si je ne te voyais pas ? » Car nous sommes toute notre vie comme les disciples d’Emmaüs. Il est près de nous, il chemine avec nous, il parle avec nous, mais nos yeux sont incapables de le reconnaître. Mais il est là. Quelques fois nous le voyons. Il disparaît. Et nous pouvons retenir dans notre cœur cette expérience. Alors, se consacrer au Sacré Cœur signifie se donner soi-même. Voyez… Je croyais être très intelligent et avoir compris tout cela le premier — je suis très intelligent… je suis un jésuite (rire de l’assemblée). Mais en effet, une fois, en lisant une homélie de saint Basile le Grand : Le saint n’est pas celui qui donne à Dieu de bonnes choses, de nouvelles bonnes œuvres. Nous pouvons entendre la vie chrétienne comme étant de bonnes œuvres à faire. Nous pouvons prier le chapelet le premier vendredi du mois, et tous les jours… bien ! Nous pouvons aussi faire des œuvres par esprit d’obéissance qui n’est pas l’esprit de l’amour. Nous pouvons être observant de la Loi, mais la Loi peut être observée sans amour. Nous en avons malheureusement beaucoup d’exemples. Saint Basile le Grand dit : « Saint, n’est pas qui donne à Dieu de bonnes œuvres ». Multiplier les bonnes œuvres : l’exemple que je donnais de ma vie devant de plus en plus être remplie de bonnes œuvres. Ce n’est pas possible. À un certain point, la construction ne réagit plus. « Mais est saint, poursuit saint Basile le Grand, celui qui s’offre lui-même à Jésus-Christ. » Ce qui est beaucoup plus, vraiment plus que des œuvres. Et nous-mêmes, nous sommes aussi, et je crois surtout : nos ténèbres, nos faiblesses, notre ambiguïté, notre capacité à faire ce que nous comprenons être bon.

    foi,sacré cœur,christianisme         Alors, pour résumer, la consécration au Cœur du Sauveur fleurit dans la Consécration même du Christ en nous. Il s’est sanctifié lui-même pour nous. Il s’est sanctifié lui-même pour nous quand il s’est livré à nous. Il s’est livré non pas il y a deux mille ans, aux Romains et aux Juifs dans l’Évangile. Il s’est livré à nous dans notre vie, dans ce que nous avons voulu faire de Lui. Et maintenant aussi, nous recevons l’eucharistie. Qu’allons-nous faire de Lui ? Nous ne le savons pas. Peut-être du bien, peut-être du mal. Il s’est livré à nous. Mais s’Il se livre à nous, Il se livre à nous comme nous sommes et là où nous sommes. Et tout obstacle est détruit par Lui. Je parle de la Grâce. Cela signifie simplement que de l’ancienne parole « grâce », nous avons reçu une nouvelle Grâce. C’est pourquoi nous pouvons nous donner nous-mêmes. La consécration au Cœur du Sauveur n’est pas un vœu religieux. C’est plus important, car les vœux religieux sont des spécificités de la seule consécration chrétienne, qu’est le baptême. Pauvreté, chasteté, obéissance… Nous incarnons, nous cherchons à incarner dans notre faiblesse la vie même de Jésus. Mais la racine, la source de tout cela est l’amour de Jésus qu’il a manifesté en nous. Alors nous voulons dire : « Seigneur, je te confie à toi seulement la confiance en Dieu ». Le Psaume 91, « Toi qui habites sous la protection de Dieu », dit « j’ai confiance en Toi. ». La confiance en Lui est la confiance qui a détruit tous les obstacles. Il n’est pas mon ennemi. Il n’est pas un étranger. Il n’est pas un maître. Il est un époux. Un Époux. La spiritualité du Cœur de Jésus montre la tête sur la poitrine de Jésus. Vous savez, c’est une citation implicite du Cantique des cantiques, au chapitre 8, verset 6 : « Pose-moi sur ton cœur. ». Le Cantique est l’amour nuptial. Le cœur de Jésus est un cœur d’époux. Et en fait Il a donné son corps pour nous. Et l’Époux est celui qui nous donne Son corps. Comme l’épouse est celle qui donne son corps à l’époux. Ainsi, Il me donne son corps dans l’Alliance du mariage — lisez le livre du prophète Osée, le chapitre 2, le 11 ; même Ézéchiel. Il m’a aimé de cette manière et alors je lui donne mon corps, ma chair. La vie présente dans ma chair je la vis dans la foi. Il m’a aimé. Il lui donne sa force qui peut ressusciter de la mort. Ma vie a besoin de son Esprit. « Recevez l’Esprit Saint. » L’Esprit Saint est le don du Cœur du Sauveur. L’Apôtre Jean, à la page de la Pâque : « Il donna (rendit) l’Esprit Saint. » Quand il mourut, il souffla son esprit. L’Esprit est le don du Cœur du Sauveur qui est devenu vide.

    foi,sacré cœur,christianismePeut-être avez-vous (malheureusement, mais ce peut-être une expérience) été présent à la mort de quelqu’un. Je me souviens, par exemple, de la mort de ma mère. Quand elle mourut, le dernier : « HHHhhhh………… » (le père fait entendre le bruit de l’air sortant de la bouche) et vous comprenez que les poumons se vident. Notre corps devient comme un sac totalement vide. La kenosis (kénose) du Christ, c’est-à-dire son anéantissement. Le Cœur du Sauveur nous donne son Esprit, c’est-à-dire sa Vie. La vie du Chef, de la Tête du Corps ressuscité, est elle-même notre vie, nous qui sommes les cellules de son Corps.
     

    foi,sacré cœur,christianisme         Aujourd’hui, l’Église célèbre saint Jean Eudes, un des saints qui a beaucoup aimé le Cœur du Sauveur. L’Église, dans la liturgie des heures à l’Office des lectures, offre une réflexion de saint Jean Eudes qui dit : Jésus est la Tête du Corps. Son Esprit se déploie dans tout son Corps. De même que son Esprit en tant que force de la Tête se déploie dans tout mon corps, la Force, l’Esprit du Corps du Seigneur se déploie en chacun de vous. Il est le don de l’Esprit. Et l’Esprit est Seigneur et donne la Vie. Nous pouvons offrir, c’est-à-dire Lui consacrer notre vie comme elle est ; ma famille comme elle est. Je veux souligner. Non une famille idéale. Mon histoire, comme elle est. Elle restera, mais ce qui va changer n’est pas l’expérience empirique extérieure de ma vie. Mais c’est moi qui vais changer. Car moi je suis déjà ressuscité avec Lui quand je reçois son Esprit. Et avec son Esprit la vie que je vis dans ma chair blessée, j’ai la vie dans Sa puissance. Et sa Puissance se montre à moi. C’est pourquoi nous pouvons pardonner à tous ceux qui nous ont blessé. Nous pouvons bénir tous ceux qui nous ont maudit. Nous pouvons donner notre corps, notre vie au service de l’Église et du Peuple de Dieu.

    Merci…

     

    Père Ottavio de Bertolis
    Enseignement lors de la 4ème Session des Familles à Paray-le-Monial
    Mercredi 20 août 2014
    Retranscription réalisée depuis l’enregistrement de Gloria.TV
    « Le cœur de Jésus par le Père Ottavio de Bertolis »
     


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    La France et le Sacré Cœur de La Vaillante

     

                

                              

     

  • La LGBT en réclamant des droits que les homosexuels ne réclament pas nous enferment dans une catégorie de personnes particulières, au sein même de l’humanité ; ce qui crée une inégalité de fait

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    Cher(es) ami(es),

    JPDelaume-Myard #5oct2014.jpgRégulièrement, des journalistes et le lobby gay attachent à mon nom le qualificatif de « caution homosexuelle ».

    Ils démontrent, ainsi, en creux ce que je n'ai de cesse de dénoncer : 
    la pensée unique voir la pensée inique.

    En me classant comme « caution homosexuelle », ils font preuve d'homophobie à mon égard et à l’égard de tous les homosexuels qui nous ont rejoints (et ils sont nombreux) depuis ces derniers mois.

    Un homosexuel, s'il n’est pas d’avis avec le lobby gay, est forcément manipulé, encadré.

    Et bien non, un homosexuel peut penser avec autre chose que son sexe !

    Certains disent que La Manif Pour Tous a contribué à une montée de l’homophobie, est-ce une blague ou quoi ?

    Qui créé une image malsaine de l’homosexualité, si ce n’est le lobby gay lui-même au moment, notamment, des gay prides où des individus se dandinent à moitié à poil sur des chars. Croyez-vous que cela donne une image positive de l’homosexualité ?

    Le lobby gay exerce une dictature insupportable.

    Il ne représente en rien les homosexuels.

    Le gouvernement, à force de vouloir faire des lois et des concessions pour ce lobby, fait de l’apartheid, et je dis bien de l’apartheid, non seulement vis-à-vis des autres citoyens, mais plus encore vis-à-vis des homosexuels eux-mêmes, c’est-à-dire une politique ultra-minoritaire et communautariste à l’encontre d’une majorité de citoyens, en l’occurrence VOUS ET MOI.

    En réclamant à cors et à cris, la GPA et la PMA, le lobby Gay souhaite par des lois scélérates enlever sciemment le droit des enfants à avoir un père et une mère, confondant, par là même, le droit à l’enfant et le droit des enfants et en exploitant les femmes les plus défavorisées, en les réduisant à de simples poules pondeuses, confondant, par là même, le droit des Femmes et le droit à la femme.

    En outre, la cour de cassation en validant le fait que deux lesbiennes puissent avoir un enfant par le biais de la Procréation Médicalement Assistée, et j’insiste sur le mot « Médicalement » considère qu’être lesbienne est une maladie, quelle avancée sociale !

    Depuis le début, NOUS, tous ensemble, homos ou hétéros, nous n’avons rien lâché et nous ne lâcherons rien.

    Il est temps de mettre un terme à tous ces projets LGBT et anti-famille.

    Certes, nous homosexuels, nous souhaitons les mêmes droits que tout un chacun, mais des droits sociaux et uniquement cela. Nous n’avons pas besoin pour se faire de revêtir une robe de marié.

    Nul besoin d’une manipulation législative diligentée par un groupuscule communautariste.

    La LGBT résume les homosexuels par rapport à une identité sexuelle, ce qui est blessant et insultant.

    La LGBT en réclamant des droits que les homosexuels ne réclament pas nous enferment dans une catégorie de personnes particulières, au sein même de l’humanité ; ce qui crée une inégalité de fait.

    Enfin, pour conclure, certains hommes politiques - et pas des moindres -, se refusent de dire si oui ou non ils reviendront sur la loi Taubira, certains hommes politiques - et pas des moindres -, disent clairement que s’ils reviennent au pouvoir, ils seront contre l’abrogation du mariage pour tous.

    Nous sommes, aujourd’hui, en France, des milliers, des millions dans la rue… nous avons le pouvoir de leur dire que de leur réponse il en va de l’avenir de nos enfants, nous avons le pouvoir de leur dire que de leur réponse ils peuvent éviter de faire légalement des orphelins, nous avons le pouvoir de leur dire que de leur réponse il en va du respect de la Femme.

    Messieurs les politiques osez dire non à cette loi ! Osez dire non à un lobby qui vous manipule, n’en soyez pas les marionnettes. Prenez garde aux aveugles, ils jalousent la lumière !

    Nous homosexuels, nous vous disons que nous refusons que notre choix sexuel devienne l’expression d’une loi imposée à tous.

    Nous refusons d’être caution d’une loi qui tôt au tard va tuer purement et simplement la Famille.

    PMA, GPA, Adoption

    PasEnMonNom

     

    Jean-Pier Delaume-Myard
    Porte-parole de La Manif Pour Tous
    Le 5 octobre 2014

    Photo : La Manif Pour Tous

     

  • La France a créé la surprise en faisant jaillir avec nous une alternative, fidèle à son Histoire

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    « Chers amis,

     

    Vous êtes revenus ! Nous sommes revenus, foule immense et pacifique, avec exactement la même motivation et pour la même raison que celles qui ont fait naître notre mouvement : la protection de l’être humain, de l’enfant contre une forme toute nouvelle de maltraitance, la maltraitance originelle. La privation délibérée de la moitié de son patrimoine généalogique, celle du père par détournement de la PMA, ou celle de la mère par la GPA.

    tugdual derville, lmpt, politique, conscience,

    Je ne reviendrai pas en détail sur ce que ces dernières semaines ont révélé. Ceux qui ont toujours tenté d’étouffer notre voix ne peuvent que constater aujourd’hui les faits : nous avions raison, depuis le début, nous disions vrai : cette loi nous vendait un immeuble entier, avec sa façade trompeuse (le mariage pour tous), sa pièce en fond de cour (l’adoption), et ses appartements cachés (la PMA et la GPA). Et le gouvernement n’a même pas eu le courage d’agir contre ces dérives, alors que de nombreuses personnalités de sa propre famille politique le lui avaient pourtant demandé.

    C’est pourquoi, chers amis, je veux constater avec vous combien notre mobilisation de ce jour est précieuse : le Premier ministre lui-même nous a rendu hommage à sa façon en s’exprimant enfin sur ces sujets avant-hier. En effectuant un revirement sur la GPA, contredisant ce qu’il avait affirmé en 2011, quitte à humilier ceux auxquels il avait alors apporté son soutien ; et pour la PMA en se défaussant sur le Comité d’éthique… Cela ne trompe personne, il est intervenu pour décourager nos manifestations. Mais il nous a surtout donné raison ! Car ce ne sont que des paroles, et nous attendons des actes !

    Avec les élus de tous bords qui nous soutiennent aujourd’hui, et qui sont plus nombreux que lors de notre dernière grande mobilisation, nous voulons donc adresser un message à tous les gouvernants d’aujourd’hui et de demain : à ceux qui s’étonnent encore que nous soyons simplement tenaces, redisons que nous le sommes parce que protéger le plus faible de la loi du plus fort est bel et bien un enjeu politique prioritaire.

    Nous ne pouvons pas accepter qu’une poignée de personnes s’octroie le droit de faire basculer notre pays dans un tel changement de civilisation : une société dans laquelle on passe commande d’un enfant.

    La politique digne de ce nom nécessite cohérence et constance, au service de la justice. La démocratie se dénature si elle piétine les droits des plus faibles, des sans-voix quels qu’ils soient : enfants, personnes handicapées, personnes rejetées, personnes isolées, personnes âgées.

    tugdual derville, lmpt, politique, conscience, Je voudrais surtout insister aujourd’hui sur la promesse magnifique que fait naître notre mouvement pour la France, pour l’Europe et le reste du monde : celle d’une autre culture, une culture altruiste, tournant le dos à l’individualisme dans lequel s’est engouffré la loi Taubira et ses conséquences. Cette nouvelle culture doit être fondée sur des repères anthropologiques qui ne trompent pas :

    -  L’altérité sexuelle, à la source de tout engendrement.

    -  La famille, écosystème de base à protéger en priorité, première source de solidarité, premier amortisseur de crise. Quand comprendront-ils qu’en période de chômage ou de crise du logement, c’est la famille qui est la valeur refuge ?

    -  Et – j’ose le dire – la maternité comme précieux élément du patrimoine de l’humanité, qu’on ne doit ni occulter, ni escamoter, ni éclater, comme c’est le cas dans la GPA. Oui, chers amis, c’est désormais le mot clé : maternité. Chacun d’entre nous, comme tout être humain, et quels que soient nos souffrances, nos errances et nos deuils, qu’il soit homme ou femme, a longuement séjourné dans le corps d’une autre. Cette expérience originelle fait partie intégrante de notre histoire intime et a un immense impact sur notre existence d’aujourd’hui. Valoriser et préserver la maternité : voilà le vrai progrès ! Dévaloriser la maternité, prétendre qu’elle peut être vécue comme un service marchand et s’achever par une séparation contractuelle, l’imaginer dans une machine comme certains scientistes persistent à la prévoir, qui prédisent l’utérus artificiel, c’est faire preuve d’un dangereux négationnisme anthropologique.

    Voilà pourquoi ce que nous demandons au gouvernement est urgent et prioritaire : nous demandons que la France, dans la belle tradition qui est la sienne de non marchandisation du corps et de protection des droits universels de la personne, s’engage – comme elle a su le faire contre le clonage – pour l’abolition de la GPA et du détournement de la PMA. Désigner ces dérives pour ce qu’elles sont, des maltraitances originelles, c’est faire progresser l’humanité. Nous voulons aussi sauver notre politique familiale qui fut un modèle dans le monde entier. Le gouvernement actuel la remet en cause et nous ne pouvons l’accepter.

    tugdual derville, lmpt, politique, conscience, Chers amis, notre mouvement social devra compter demain dans les grandes échéances qui déterminent l’histoire de notre pays. Je veux parler des échéances électorales et politiques. Nous devrons alors nous faire entendre, avec la constance de nos convictions et la force de notre liberté, c’est à dire notre indépendance absolue vis-à-vis des joutes partisanes. Avons-nous conscience qu’aucune association, aucun mouvement politique ou syndicat ne peut rassembler autant de personnes pendant trois ans ?

    Déjà nous agissons, chaque jour, dans nos associations, nos régions, nos quartiers, nos entreprises, parce que nous sommes tout simplement engagés au service du bien commun.

    Nous sommes tout simplement en train d’insuffler une espérance nouvelle et cela se sait, cela s’entend bien au-delà de nos frontières, comme en atteste la présence des soutiens internationaux qui témoignent aujourd’hui devant nous ! Oui, la France a créé la surprise en faisant jaillir avec nous une alternative, fidèle à son Histoire : courageuse, généreuse, et qui sait se rebeller contre la toute-puissance.

    Chers amis, l’âme de la France s’est réveillée, il ne tient qu’à nous qu’elle embrase le monde !

    Merci ! »

     

    Tugdual Derville
    Porte parole de La Manif Pour Tous
    Le 5 octobre 2014

     

    Photos : La Manif Pour Tous

     

  • 5 octobre Journée Internationale de Lutte contre la GPA - Ludovine de La Rochère

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    Discours sous embargo - seul le prononcé fait foi

     

             Comme une immense lame de fond, vous êtes le peuple qui se lève pour lancer un cri d’alarme : que faisons-nous de notre humanité ? Que faisons-nous de l’homme et de la femme ? Que faisons-nous de l’enfant ?

     

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              Bravant les difficultés matérielles et économiques, vous êtes venus de tous les territoires de France et du monde entier. De toutes conditions, de toutes confessions, de toutes opinions politiques et philosophiques, vous êtes des femmes et des hommes libres, vous n’avez pas peur de faire éclater la carcan du « politiquement correct » et ce, en dépit des sempiternelles accusations qui ne visent qu’à nous faire taire, qui tiennent lieu d’arguments à nos opposants. Ces accusations d’autant plus répétées que plus personne n’y croit.

     

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    Tous, vous êtes là pour l’abolition universelle de la GPA.

    Car il est encore temps d’agir.

    Notre civilisation s’est construite sur le respect des droits d’autrui. Or justement, les droits des uns s’arrêtent là où commencent ceux des autres, en l’occurrence ceux des femmes et ceux des enfants. 

             Nous ne pouvons pas nous mentir : la gestation pour autrui est un esclavage.

             La conscience universelle dit que la vie humaine n’a pas de prix, que la seule valeur qu’elle a, est infinie.

             Or la GPA est un marché effrayant avec offres et demandes, concurrence, prix et garanties.

             Et je pense naturellement à Gammy, cet enfant trisomique qu’un couple d’Australiens n’a plus voulu après l’avoir acheté. Mais sa mère a rompu ce contrat inhumain : elle ne l’a pas abandonné, elle l’a gardé, elle l’a sauvé.

    IMG-20141005-00230.jpg         De ce marché où l’enfant est une chose, nous ne voulons pas, sous aucun prétexte, aucun motif. Le désir d’enfant ne justifie pas de le traiter comme une marchandise que l’on produit et que l’on vend.

             L’humanité a déjà connu ce type de marché dans l’histoire. Cela s’appelait l’esclavage. Depuis l’Antiquité, chaque époque a connu sa forme d’esclavage. La déclaration universelle des droits de l’Homme de 1946 l’a définitivement condamné.

             C’est la grandeur de notre civilisation d’y avoir mis fin.

             Hélas, l’esclavage a resurgi sous une nouvelle forme, celle de la GPA. Mais nous ne pourrons pas dire : « nous ne savions pas », car nous savons.

             Et le nier, c’est être complice des agences qui l’organisent. 

             Cependant les lignes bougent. De tous les bords politiques, de toutes les familles de pensées, des voix autorisées se sont élevées ces derniers mois pour condamner sans appel ce marché. Encourageons-les ! Des pétitions sont en cours : signons-les !

             Car il est encore temps d’agir.

    IMG-20141005-00275.jpg         Avant-hier le Premier ministre a déclaré que « la GPA est et sera interdite en France… (et) que le gouvernement exclut totalement d’autoriser la transcription automatique des actes étrangers, car cela équivaudrait à accepter et normaliser la GPA. » Il a dit enfin que « La France entend promouvoir une initiative internationale sur la GPA. » 

             M. Valls a enfin compris la nature même de la GPA, et de cela nous pouvons être fiers, car c’est votre détermination, votre courage à manifester pacifiquement tant et tant de fois depuis deux ans qui l’ont fait comprendre à monsieur Valls !

             Merci à vous tous de n’avoir rien lâché ! C’est une très grande victoire collective !

             Mais, car il y a un mais, l’histoire n’est pas finie.

             Nous sommes ici pour que le Premier ministre passe de la parole aux actes, c’est-à-dire pour qu’il :

             - retire la circulaire Taubira qui tolère de fait la GPA ;

             - ne mette pas en oeuvre l’injonction faite à la France par la Cour Européenne des droits de l’Homme d’inscrire à l’état civil la filiation, bidon en partie ou totalement, exigée par les clients de mère porteuse ;

             - dissuade tout citoyen français de recourir à une mère porteuse, à l’étranger comme en France ;

             - poursuive en justice les agences qui proposent des mères porteuses en France en fraudant la loi, en toute impunité jusqu’à ce jour.

     

             Monsieur le Premier ministre, passez de la parole aux actes, dès aujourd’hui !

             Pouvons-nous avoir encore confiance dans la justice de notre pays ? Je m’interroge ! La Cour de cassation vient de dire un droit qui contredit la législation française et la mise en garde du Conseil constitutionnel sur la filiation. La Cour de cassation se fait ainsi complice de la fabrication d’orphelins de père !

    IMG-20141005-00244.jpg         Mais nous espérons encore, et nous sommes là pour cette raison, que le Conseil d’Etat ne cèdera pas aux scandaleuses injonctions de la CEDH sur la pratique des mères porteuses.

             Car, vous l'avez compris, la CEDH est en réalité favorable à la GPA, elle est complice de cet esclavage ! Et ce, alors même que l’existence de la CEDH est fondée sur la Convention européenne des droits de l’Homme ! Hélas, elle ne connaît plus le sens des mots et oublie totalement les droits de l’enfant, comme si le petit d’Homme n’était pas lui-même un Homme !

             Osons, espérons que le Conseil d’Etat ait le courage d’invalider la circulaire Taubira dans l’avis qu’il doit rendre... depuis maintenant un an et demi ! Aurait-il par hasard attendu l’avis de la CEDH ? Je m’interroge !...

             Espérons cependant que le Conseil d’Etat ne facilite pas le contournement de l’interdiction de la GPA, qu’il ne sera pas complice de l’asservissement de la femme et de la marchandisation de l’enfant !

             Hélas, nous sommes dans un contexte étonnant dans lequel les politiques laissent quelques personnes non mandatées, non élues, prendre les principales décisions, celles qui concernent notre humanité !

    IMG-20141005-00277.jpg         Ainsi, Mms Valls et Hollande ont déclaré qu’ils suivraient, sur la PMA sans père, l’avis du CCNE, le Comité Consultatif National d’éthique. Comme son nom l’indique, celui-ci n’est en principe que CONSULTATIF ! 

             Quelle lâcheté, Messieurs ! 

             Et ouvrons les yeux, regardons au-delà de nos frontières : La GPA, déjà autorisée dans trop d’Etats, est un marché fructueux, qui se chiffre en milliards d’euros. 

             Ce soir l’écho de notre mobilisation raisonne jusque dans les fermes d’Inde, du Nigeria, de Russie ou de Thaïlande où des femmes et des enfants subissent la sordide loi du marché qui se joue de leur pauvreté.

             Oui, le sort de ces femmes et de leurs enfants qui leur seront arrachés à la naissance est entre nos mains.

             Oui, ces femmes attendent que notre liberté permette qu’elles reconquièrent la leur et qu’elles n’entendent jamais l’écho de cette interrogation atroce : « mère, pourquoi m’as-tu vendu ? ».

             C’est une mère qui vous parle.

             Aujourd’hui je m’exprime au nom de toutes les femmes.

             Depuis l’aube de l’humanité, les femmes ont porté leurs enfants.

             Comme elles, comme les mères veilleuses que vous connaissez, j’ai porté mes enfants et jamais je n’aurai eu la force de me séparer de l’un d’eux.

    IMG-20141005-00245.jpg         Les enfants sont la chair de la chair des femmes.

             Et il ne peut y avoir une mère sociale, une mère biologique, une mère donneuse d’ovocyte, etc. Non, une mère, c’est tout cela, tout cela à la fois, en même temps, en harmonie, intimement lié.

             Et l’enfant n’est pas un objet. Il est comme chacun de nous un sujet à part entière : corps, cœur et esprit.

             Et l’enfant est lié à sa mère et à son père comme l’arbre aux racines dont il est issu et dont il vit.

             L’interdiction de la GPA ne se négocie pas. Elle se décrète. Car la GPA juste n’existe pas.

             La GPA éthique n’existe pas.

             La GPA est ou n’est pas.

             Or nous ne voulons pas du Meilleur des mondes, ce monde dans lequel les enfants ne se développent pas dans le sein maternel, ce monde qui bannit le terme de « mère » puisque la femme ne porte plus son enfant ! 

    IMG-20141005-00281.jpg         Aujourd’hui, nous avons rendez-vous avec l'Histoire. Elle nous appelle à mener une lutte pacifique pour l’abolition de ce nouvel esclavage.

             Nous sommes les héritiers du pays qui inventa les droits de l’Homme.

             Notre responsabilité est immense. Le monde entier nous regarde.

             Soyons le fer de lance d’un peuple que blesse la GPA, qu'elle soit pratiquée en France ou à l'étranger !

             Soyons fidèles au principe gravé dans le marbre de la tradition française de la non disponibilité du corps humain.

             Devant l’horreur, c’est notre humeur, notre honneur, de nous engager comme l’ont fait nos aînés contre l’esclavage. 

             J’appelle les Français, les Européens et tous les citoyens du monde à se mobiliser pour arrêter cette folie. C’est pourquoi je propose que nous fassions du 5 octobre la journée internationale de lutte contre la GPA.

             Et je vous propose aussi cet objectif, qui est notre issue : celle d’un traité international qui, seul, empêchera sa généralisation.

             Le mariage et l’adoption Taubira sont l’arbre qui voulait cacher la forêt de la PMA sans père, de la GPA et du genre. Et tous ceux qui ont prétendu le contraire ont menti. Les masques sont en train de tomber.

             Cette loi devra donc être abrogée, comme cela a été le cas dans d’autres pays. Ces États ont compris les conséquences et finalement préféré pour les couples de même sexe une alternative au mariage.

             Cette semaine le gouvernement a une nouvelle fois montré son désamour des familles en annonçant des mesures qui vont encore les fragiliser. Economiser de l’argent sur leur dos est un choix désastreux dont la France paiera les conséquences beaucoup plus vite qu’il ne le pense.

                 La force de notre pays est une démographie dynamique, résultat d’une politique familiale ambitieuse, originale et ancienne. La déconstruire est une lourde erreur, humainement et collectivement.

             Arrêtez cela dès aujourd’hui Monsieur le Premier ministre !

    IMG-20141005-00280.jpg         En ce qui nous concerne, nous continuerons à nous mobiliser toujours pacifiquement, mais sans relâche. Nous ne laisserons plus les ultra-libertaires dicter leur calendrier et les échéances de ces prétendus « progrès ». Il n’y pas plus obscurantiste que la GPA ! 

             Et nous ferons mieux : nous poursuivrons nos propositions pour consolider les familles, pour défendre l’enfant.

             Nous sommes en train de changer le cours de l’histoire. Ne relâchons pas nos efforts malgré les difficultés !` 

             Hommes et femmes libres, agissons pour libérer les opprimés, ces femmes utilisées et ces enfants vendus.

             Notre conscience sera notre récompense, et l’Histoire le juge ultime de nos actes. 

             Anti GPA de tous les pays, unissons-nous ! 

             Vive l’humanité homme/femme !

             Vive l’humanité libre !

             Nous ne lâcherons rien, jamais !

     

    Ludovine de La Rochère
    Présidente de La Manif Pour Tous
    Discours du 5 octobre 2014

     

  • N'exploitez pas ce qui se passe en Orient pour faire le mal chez vous, en Occident

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             Compte-rendu de la conférence que Mgr Yousif Mirkis donna lors de la veillée organisée par les Semeurs d’espérance, église Saint-Gervais, le 26 septembre 2014.

             Mgr Yousif Thomas Mirkis, né à Mossoul (la Ninive de la Bible) et archevêque de Kirkuk, en Irak, a étudié en France chez les dominicains. Il nous entretient du décalage qui existe entre ce qui se passe au Proche Orient, en particulier en Irak et en Syrie, et la mentalité occidentale.

      

                         Ces pays se sont éloignés: il se creuse un gouffre entre les peuples. Tout d'un coup on est surpris devant une idéologie violente, très violente même. Les chrétiens en Irak sont dans un tourbillon, ils étaient 1 million il y a 10 ans, beaucoup sont partis.

    Iraq Carte.jpg       L'histoire des chrétiens d'Irak est ancienne : au VIIème siècle cette église étendait son influence jusqu'à la mer du Japon, à l'actuel Sri Lanka, et à la Mongolie. C'était une église très missionnaire. En atteste une stèle retrouvée à 60 km au nord de Pékin écrite en chinois et en araméen.

           Aujourd'hui, les chrétiens d'Irak ont mal : on leur refuse de vivre sur leur propre terre. Est-ce la répétition de ce qui s'est passé en Turquie en 1915 avec les arméniens et les assyro-chaldéens ? 

    Chrétiens d'Irak Exode.jpg

           Les chrétiens d'Irak doivent-ils émigrer en Occident ? Vivre dans des ghettos dans leur pays ou ailleurs ? Nous avons toujours voulu vivre mélangés. Certains demandent une région en Irak pour les chrétiens, comme il y en aurait pour les chiites, les sunnites, les kurdes. Ce type de rêve politique n'a jamais vraiment réussi, ou alors à un prix très élevé en sang, comme en ex-Yougoslavie. 

           En Irak et au Proche Orient on assiste aujourd'hui à une idéologisation de la religion. Il nous faut tirer profit des expériences de l'Europe qui a connu les mêmes chemins, les mêmes luttes, titrer profit de l'histoire que les idéologues n'aiment jamais !

    Noûn.jpg       Quand la religion occupe toute la place, toute la sphère publique et privée, cela abouti à une certaine cécité. À l'hôpital de Mossoul des combattants islamistes ont demandé à des femmes médecins de porter le voile intégrale. Celles-ci ont répondu qu'elles ne pouvaient travailler en portant le voile intégral, pour soigner leurs patients. Elles ont été tuées. Il y a de telles exactions tous les jours en Irak. Ça frôle parfois le ridicule. Par exemple il n'y a plus de coiffeur à Mossoul, car à l'époque du prophète on n'allait pas chez le coiffeur. L'avenir est comme fossilisé, pétrifié par ce mouvement totalitaire, tyrannique, dictatorial. Vous, en Europe, vous savez que les projets qui divisent les peuples finissent assez mal en général.

           Peut-on vraiment penser que ce problème sera résolu en jetant quelques bombes ? Je crois que ceux qui le pensent se trompent. Ce n'est pas un hasard si ce fanatisme se répand. Je crois que c'est un peu comme le virus Ebola en Afrique.

           Les combattants sont jeunes, en moyenne ils ont entre 15 et 21 ans, beaucoup viennent d'Europe, on avance le chiffre de 1000 français, 1000 anglais, des tchétchènes qui ont combattu contre les russes, etc. Ces jeunes ne veulent pas négocier, ils sont contre tout ce qui est occidental, contre tout ce qu'est l'Occident. C'est le sens même du nom de "Boko Haram" au Nigéria.

           Ils prônent une lecture littérale de la Loi de Dieu. Selon eux, la vie de l'homme n'a aucun prix. Comment comprendre qu’au XXIème siècle des jeunes dans la fleur de l'âge, qui ont connu la civilisation, soient prêts à tuer et se faire tuer ainsi ?

           Le meurtre récent d'un français en Algérie (Mgr Mirkis parle ici de Hervé Gourdel, guide de haute montagne tué récemment en Kabylie) est une réponse envoyée à l'Occident. Vous occidentaux n'êtes pas encore conscients de cette maladie.

           On les compare aux kamikazes japonais. Mais les kamikazes quand ils sacrifiaient leur vie en détruisant des bateaux américains, obéissaient à des ordres, ils n'étaient pas volontaires. Là, il s'agit de volontaires. Comme s'ils avaient subi un lavage de cerveau.

           Pour comprendre ce phénomène j'ai recours à l'Évangile quand Jésus parle de possession satanique. Le maître des ténèbres pousse les gens jusqu'au suicide parfois. Si l'on se laisse habiter par les démons, on court à la catastrophe. C'est de cela dont il s'agit : d'une lutte entre le bien et le mal.

           Or, nous ne connaissons pas de théologie du mal, mais une théologie du Bien, de l'Amour et de la Paix. Nous sommes donc désemparés, déboussolés. Dans le Notre Père, quand en Irak nous récitons "Ne nous soumet pas à la tentation, mais délivre nous du mal" cette phrase prend une importance vitale pour nous.

           À Kirkuk, nous sommes à 10 km des forces de l'État islamique, qui est une agression contre notre intelligence, contre notre vie. En Occident l'individu prime souvent sur la communauté laquelle est plus importante en Orient.

           Tous les projets dictatoriaux considèrent la communauté comme un seul bloc. Que ce soit Hitler avec ses défilés géants ou les grandes chorégraphies organisées en Corée du Nord, c'est la même intention.

           Aujourd'hui, les penseurs, les politiques, les militaires, doivent comprendre et aider à guérir cette maladie communautariste qui peut toucher tout le monde, partout. Cette maladie qui fait des hommes des moutons de Panurge.

           Peut-on continuer à imaginer un monde occidental qui vit coupé du reste du monde ? Avec des animaux qui sont parfois ici mieux traités que ne le sont les hommes ailleurs ?

           L'Europe n'a pas connu la guerre depuis 70 ans. Les fruits de cette entente n'ont pas rejailli sur le reste du monde. 

             Aujourd'hui la croix que portent les chrétiens d'Irak est lourde. 

           En Occident, on représente souvent le Christ en croix. Vous parlez de l'horreur de la Crucifixion, vous êtes la "religion du Vendredi saint". Le monde orthodoxe en Europe de l'est, en Grèce et en Russie notamment, insiste beaucoup dans l'iconographie sur la lumière de la Résurrection, sur le dimanche de Pâques. Le Christianisme oriental a toujours vécu dans la persécution, les martyrs, le temps du Samedi saint dans le triduum pascal quand Jésus descend jusque dans les enfers.

           Dans le monde, aujourd'hui, 75% des persécutés pour leur religion sont chrétiens. Faut-il les séparer de leur terre pour les sauver ? Non. On ne veut pas abandonner notre pays, il faut avoir conscience que l'on a le droit de rester dans notre pays, sur notre terre. Il faut nous aider à arrêter cette maladie, qui est aussi une xénophobie. Les chrétiens ont aussi connu des époques malheureuses. Il faut aider les gens à se rapprocher de la vérité. N'exploitez pas ce qui se passe chez nous pour faire le mal chez vous. Dans l'Évangile, quand Jésus parle de "tendre l'autre joue" c'est pour guérir notre prochain. Nous voulons que les hommes de bonne volonté nous aident. Si tu ne fais rien pour aider les autres, n'oublie pas que ton tour peut venir. Que chacun porte sa responsabilité.  

           Quand je suis devenu évêque, j'ai choisi cette devise "petit troupeau n'ai pas peur" (Luc 12-32), inscrite sur mon blason. 

           Les 750 familles chrétiennes de Kirkuk ont chacune reçue et accueillie une famille de réfugiés. Beaucoup fuient vers la Turquie, le Liban, la Jordanie ou l'Europe. Certains attendent un visa. Parfois on leur dit qu'il leur faudra attendre jusqu'à 6 ans !

           L'hiver qui arrive représente beaucoup de difficultés. Ces gens ont tout perdu sauf leur Foi. Ils n'ont pas abjuré et à quel prix ! Ce peuple résiste, aidez nous à exister, à tenir, à porter notre croix. Par vos ONG, par votre gouvernement vous pouvez nous aider.

           Merci à la France qui a demandé la première que le conseil de sécurité de l'ONU se rassemble pour agir. Vous devez nous apprendre, à nous qui pataugeons depuis 10 ans dans une démocratie chancelante. Nos politiciens devraient se mettre à l'école de votre système. 

           Tous les livres saints peuvent être lus de manière littérale et fausse. L'aggiornamento de l'Église catholique est un exemple à imiter par nos frères musulmans.

           Il y a aussi des bâtisseurs chez les musulmans. Mais il suffit d'un Mohamed Merah ou d'un Khaled Kelkal (membre du GIA, poseur de bombes abattu en France) pour qu'on ne les voit plus. Il ne faut pas tomber dans le piège de l'islamophobie. Il faut les aider et les aimer. 

           Dans cette guerre, l'utilisation qui est faite des images, grâce à YouTube et les réseaux sociaux, par les fanatiques, est un moyen de terroriser des gens qui, pourtant, sont loin de là. Cela contribue à s'attaquer à vos âmes, à vous rendre tristes, pessimistes, et tout cela rend inaudible, obsolète le message de Jésus. Nous aussi chrétiens nous pouvons ne pas comprendre et ne pas vivre l'Évangile. Il faut refuser d'avoir peur. Le mal ne vaincra pas ! 


    Mgr Yousif Mirkis
    Évêque de Kikuk et Soulaimanya, Irak

     

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    Pour aider les chrétiens d'Irak, une association présente là bas depuis plusieurs années : http://fraternite-en-irak.org/

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    Article rattaché : 
    Une possession grave de l’âme humaine, de milliers de jeunes : la guerre d'un nouveau genre, Mgr Mirkis & Élodie Chapelle, Radio Notre-Dame,
    26/09/2012, retranscription de l'entretien.

     

  • Une possession grave de l’âme humaine, de milliers de jeunes : la guerre d'un nouveau genre

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    Élodie Chapelle 2.jpgÉLODIE CHAPELLE : Le 9 avril 2003, le président Saddam Hussein, au pouvoir depuis 23 ans, tombe après l’entrée à Bagdad des soldats américains. Le 1er mai, le président des Etats-Unis, Georges Bush, annonce officiellement la fin des combats en Iraq. La spirale de violence confessionnelle entre sunnites et chiites ne cesse de monter. Le 11 juin dernier l’État islamique fortifié en Syrie rend public à Mossoul une charte de seize articles régissant la vie intérieure de la ville. Quelques semaines plus tard l’État islamique revendique le rétablissement du califat. Le 18 juillet un ultimatum est lancé aux chrétiens de la ville : « Partir ou mourir ». Exode, exil, chaos, peur sont devenus la réalité de milliers d’hommes et de femmes d’Iraq. Quelle est la situation aujourd’hui sur place ? Comment décrypter tous ces événements ? Quelle issue ?…

             Monseigneur Yousif Mirkis, bonjour.

             Vous êtes dominicain, archevêque chaldéen de Kirkuk et Soulaimanya, en Iraq. Vous êtes de passage en France pour informer les français de ce que vit le peuple iraquien. Également, vous allez nous dire, dans le cadre de relations médiatiques et diplomatiques… Vous serez ce soir à Saint-Gervais, je le précise tout de suite pour les personnes qui ne pourraient pas vous entendre jusqu’au bout, elles peuvent vous rejoindre ce soir pour une veillée organisée par les Semeurs d’espérance. Veillée pour et avec les chrétiens d’Iraq. C’est ce soir à 20h15 église Saint-Gervais dans le 4ème arrondissement. Une conférence qui sera suivie d’une messe présidée par Mgr de Dinechin.

             Monseigneur, comment allez-vous ?


    Mgr Mirkis.jpgMGR YOUSIF MIRKIS : Cette question est trop vaste, parce qu’il y a moi, personnellement, et il y a aussi tout mon peuple qui est dans l’œil du cyclone et qui souffre depuis deux mois et qui est vraiment balloté par les soucis quotidiens. Il y a 130 000 chrétiens qui ont immigré, qui ont été poussé à s’exiler. De Mossoul, une dizaine de mille et 120 000 des villes et villages chrétiens qui étaient autour de Mossoul, dont Qaraqosh qui est la plus grande agglomération chrétienne qui comptait entre 40 et 50 000 personnes. En moins de 24h ils ont dû tout laisser, tout abandonner, sortir rien qu’avec leurs vêtements, ne rien emporter avec eux. Ç’est vraiment quelque chose de très dur que nous vivons quotidiennement. La souffrance est telle que nous n’avons pas assez de recul pour pouvoir réfléchir, pour pouvoir donner un sens. J’ai vu sur votre porte « la radio c’est donner un sens, « la vie prend un sens ». Eh bien pour nous, ce sens là reste un peu difficile à atteindre. 


    É.C. 
    : Vous êtes dans la survie, aujourd’hui…


    MGR Y.M. : On est dans la survie mais il faudrait vite que l’on retombe sur nos pieds. C’est-à-dire se ressaisir et essayer de comprendre. Nous sommes un peu dans la situation des Apôtres au lendemain du Vendredi saint. Le Samedi saint est un peu notre… Notre église, notre théologie souvent… Je suis professeur de théologie, donc j’ai expliqué que le Samedi saint a toujours été le centre de notre réflexion : quand Dieu semble absent, quand il semble lointain, on crie et il ne répond pas. On fait un peu comme Jésus : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Et beaucoup de chrétiens, malgré leur foi énorme dont je suis fier, personne n’a abjuré. Ils ont eu le choix…

    É.C. : Personne, personne… ?

    MGR Y.M. : Oui, d’après mes connaissances il y a quelques handicapés mentaux qui ont été obligés d’abjurer. Mais moi, je ne donne aucun crédit à cette pression. Même s’il y en a quelques uns qui ont pu le faire, c’est sous pression et cela n’a aucune valeur.

    É.C. : Monseigneur, est-ce que l’on peut situer, déjà, la présence de l’État islamique dans les principales villes ? Vous nous avez parlé de Mossoul et alentour. Vous, vous êtes évêque de Kirkuk et Soulaimanya, deux villes à configurations différentes…

    dohuk,christianisme,islam,foi,politique,conscienceMGR Y.M. Kurdistan, qui est presque indépendante, autonome et qui a pu se développer et vraiment prendre un essor économique et social. C’est pour cela que ceux qui habitaient dans cette ville comme chrétiens ont accueillis à bras ouverts, que ce soit à Soulaimanya ou à Kirkuk qui est une ville encore disputée entre le gouvernement central et la région du Kurdistan parce qu’elle a subi pendant le règne, la domination du Baas et au temps de Saddam, elle a subi des déplacements et des changements, des essais, des tentatives de changements ethnographiques. Beaucoup de gens ont été chassés de Kirkuk pour essayer de donner une autre configuration aux habitants de la ville. Aujourd’hui, nous payons un peu les conflits internes à cette ville, et avec l’avancée de l’État islamique, maintenant, on a mis un peu les conflits sous le boisseau pour se donner un ennemi commun à tous. C’est pour cela que et le Kurdistan et le gouvernement central ont intérêt à unir leurs forces pour barrer la route à l’avancée de l’État islamique et des idées meurtrières et dangereuses qu’il colporte.

    É.C. : Cet État islamique est-il beaucoup soutenu en Iraq ?

    MGR Y.M. : Au début, oui. Mais les choses changent, non pas de mois en mois, mais d’heure en heure. Il faut comprendre cela, d’ici, parce qu’il y a eu des fautes commises par le gouvernement central. Il y avait une espèce de main mise chiite sur l’État. Et il y a eu des exagérations commises au cours des dix dernières années, depuis 2003. Mais ceux qui ont accueilli à bras ouverts, croyant qu’ils allaient peut-être être libérés du joug chiite, aujourd’hui le regrettent. Et, surtout les tribus arabes sunnites sont prêtes à collaborer avec le gouvernement iraquien central et avec les kurdes pour tenir tête. Mais malheureusement, la chose n’est pas simple, parce qu’ils paient de leur vie. Il y a beaucoup de gens qui ont payés de leur vie. J’ai appris qu’à Mossoul il y avait une prison rien que pour les chefs religieux musulmans, sunnites, une prison spéciale pour eux, pour les endoctriner, pour les empêcher de prêcher, pour les empêcher de dire quoi que ce soit. Et ceux qui n’obéissent pas sont purement et simplement tués. J’ai appris qu’il y a un professeur de droit, de l’université de Mossoul, un musulman sunnite qui s’est opposé à ce que l’État islamique faisait : il a été descendu, carrément. Il y a des martyrs musulmans des droits de l’homme. Il y a aussi une dame qui est docteur, qui s’appelle Samira …… qui a aussi été tuée et condamnée, tout de suite fusillée, parce qu’elle a dit que ce que l’État islamique faisait était de la barbarie. Ils ont considéré cela comme un blasphème. Ils l’ont condamnée pour blasphème. Je crois qu’il ne faut pas oublier ces héros qui meurent pour les droits de l’homme et qui meurent pour dire la vérité. La majorité des gens se sont trompés en croyant que l’État islamique allait leur rapporter quelque chose. Aujourd’hui, ils ne savent plus quoi faire.

    É.C. : Tout le monde aujourd’hui est perdu, en fait…

    MGR Y.M. : Tout le monde aujourd’hui est perdu. Le gouvernement central ne sait pas où donner de la tête… Et puis, on n’était pas préparé. Parce que ce n’est pas une guerre normale. Ce n’est ni une guerre froide, ni une guerre ”chaude”. C’est la guerre d’une armée contre des groupuscules, des gens qui n’ont aucune loi, qui tuent, qui arrivent à faire sauter des ponts, des hôpitaux, qui tuent des enfants, des vieillards, qui tuent des civils surtout.   

    É.C. : Comment arrêter l’État islamique, alors ?

    MGR Y.M. : C’est justement le problème de notre époque… Vous vous souvenez, ici en France, il y a quinze ans il y avait Khaled Kelkal qui avait affolé tout le monde. C’était une seule personne. Et il y a un an, Mohamed Merah qui avait fait aussi de la même façon. Ce système a déjà été éprouvé partout dans le monde. C’est une guerre d’un nouveau genre.

    É.C. : La décapitation de ce français en Kabylie a suscité beaucoup d’émoi en France. Certains peuvent avoir le sentiment que ça y est, c’est fini là, l’État islamique arrive partout. Est-ce que vous croyez que c’est une impression ou est-ce que c’est une réalité ?

    christianisme,islam,foi,politique,conscienceMGR Y.M. : Ce n’est pas une impression, c’est une vérité à laquelle vous devez vous préparer. Parce que si vous aviez un seul Mohamed Merah… nous, nous en avons dix milles. Et c’est ça qui nous fait peur. Et c’est ça qui doit être écouté des deux oreilles par l’Occident. Il faut vraiment ne pas se contenter des frappes aériennes. Il ne faut en rien du tout…

    É.C. : Que pensez-vous de cette intervention militaire des États-Unis et de la France ?

    MGR Y.M. : La frilosité des américains, l’hésitation des européens et la façon avec laquelle ils veulent toucher seulement du bout du doigt, ce n’est pas cela qu’il faut faire. Il faut vraiment y aller, parce que chaque jour fait reculer la paix mondiale d’une façon vertigineuse.  

    É.C. : Le pape a parlé de prémisses de troisième guerre mondiale. Pensez-vous que ce soit le cas ?

    MGR Y.M. : C’est tout à fait vrai, c’est tout à fait le cas parce qu’il y a des gens qui sont décidés en face de nous à vraiment mourir pour leur cause. Cela non pas parce qu’ils réfléchissent. Au contraire : parce qu’ils subissent un lavage de cerveau, parce qu’ils ont été entraînés à mourir. Je raconte que les peshmergas, l’armée kurde, avait fait quelques prisonniers et ils avaient des prisonniers dans l’État islamique, ils ont envoyé dire : « relâcher les nôtres, on va relâcher les vôtres. ». Les autres ont répondu : « De toute façon nous, on ne fait pas de prisonniers, on les a tués. Vous pouvez tuer les nôtres. ». Alors, une logique comme cela…

    É.C. : Oui… aucune pitié. La vie n’a pas de prix.

    MGR Y.M. : La vie n’a pas de prix, la personne humaine n’a pas de prix, et tout ça au nom de Dieu. C’est pour cela que je dis à tout ceux qui nous écoutent : si c’est Dieu qui commande de tuer l’homme, ce n’est pas le vrai Dieu. Ça ne doit pas être le vrai Dieu, c’est même le contraire. Parce que le Christ a dit : Votre père c’est le démon et il a été un tueur dès le début. Et donc c’est une possession grave de l’âme humaine, de milliers de jeunes. Parce qu’ils sont cagoulés ! Quand on regarde les YouTube et les films qui s’infiltrent dans cette région actuellement protégée et dangereuse, le peu de choses que nous sachions de ces gens là est qu’ils sont cagoulés. La moyenne d’âge est souvent de 15 à 21 ans. Qui sont ces gens-là ? Ce sont beaucoup d’européens : il y a mille français, il y a mille anglais. Il y a des centaines de tchétchènes. Tout ces gens-là ont pu venir se concentrer dans cette région et vraiment avoir libre cours à leur haine et à leur soif de tuer. C’est pour ça que ces gens-là, il faut vraiment faire quelque chose au niveau mondial, et le plus vite possible.

             Ici, j’en profite pour dire… je crie : « Vite, sauvez l’Iraq ! Sauvez surtout les minorités victimes de ces gens-là qui ne veulent plus de différences. » La différence chez eux devient de plus en plus petite. Parce qu’au début, leurs ennemis étaient les non-musulmans, ensuite leurs ennemis étaient les chiites, des musulmans différents, et ensuite, les sunnites qui ne pensent pas comme eux. Ils se donnent le loisir et la liberté de tuer n’importe qui n’est pas d’accord avec eux.

    É.C. : Monseigneur Youssif Mirkis qui êtes archevêque chaldéen de Kirkuk et Soulaimanya, en Iraq, vous qui êtes de passage en France pendant dix jours… Beaucoup s’interrogent sur la nature même de l’islam. On entend régulièrement dire que dans les versets du Coran il y a l’appel à la violence. La nature même de l’islam serait dangereuse. Est-ce que vous abondez en ce sens ?

    MGR Y.M. : Je crois qu’il ne faut pas faire d’amalgame. Il ne faut pas mélanger. Parce que toutes les religions ont la tentation de devenir des idéologies. Et si le Christ, dans le Notre Père demande que nous disions « ne nous soumets pas à la tentation, mais délivre-nous du mal », c’est parce que le mal est très proche. Le mal est peut-être dans l’utilisation des versets saints. Parce que si on regarde le Christ, il a discuté avec des gens qui utilisaient la même Bible, les mêmes prophètes, les mêmes saints et c’est au nom de cela qu’il a été crucifié. Donc, l’histoire se répète. Et Jésus a prévu, il a dit : « Viendra un jour où des gens qui vous tueront croiront offrir un sacrifice à Dieu. ». Donc, à mon avis, il ne faut pas mélanger. Il ne faut pas mélanger la religion et les hommes. Chaque religion doit nettoyer sa maison. Je me rappelle d’un proverbe allemand qui dit : « Chacun doit balayer devant sa maison pour que la ville soit propre. ». Eh bien, moi je dis aux musulmans : comme nous avons fait notre aggiornamento lors du Concile Vatican II, comme nous avons fait plusieurs fois au cours de l’histoire, des réformes, vous devez réformer votre religion. Apprenez de nous ! Nous sommes vos aînés, nous avons précédé de 600 ans l’islam. Et nos frères musulmans devraient vraiment s’adonner à cette tâche importante. Parce que tout littéralisme, tout verset pris à la lettre tue.       

    É.C. : Finalement, cette période est une véritable secousse également pour l’islam. ”À vous, chefs musulmans, d’entrer dans une révision de vie, pour chacun de vos frères…” C’est un peu ça.

    MGR Y.M. : Il n’y a pas que les religieux. Je crois que nous avons besoin de trois choses. Dans chaque société, dans chaque religion il y a trois piliers très importants : les religieux, les intellectuels et les gens en pratique, en action, sur le terrain. Oui, il nous faut des médecins, des gens qui font du pain, ceux qui vendent la nourriture, des restaurants… Faire de la religion la seule chose qui importe pour nous… Eh bien, qui va faire le pain ? Qui va enseigner à nos enfants ? Qui va faire les routes ? Qui va conduire les transports ? Je crois que cette obsession du religieux est en fait une trahison de l’homme, dans son corps. Si Dieu a créé l’homme et la femme dans leur corps, ils ont besoin de gens qui réfléchissent. Si l’Europe vit depuis soixante dix ans dans la paix, c’est parce qu’il y a eu des gens intelligents et courageux et aussi des gens croyant en Dieu, qui ont dit : on oublie le passé et on s’occupe de l’homme, de la femme, de l’enfant, du vieillard, du malade, de tous ceux qui ont besoin de ça. Gandhi disait : « On ne peut pas parler de Dieu à un ventre vide ». Il faut d’abord lui donner du pain et ensuite lui parler de Dieu. Et ce n’est pas étonnant que Jésus demande dans la prière du Notre Père : « Donne-nous notre pain de ce jour ». Donc, merci aux boulangers !

    É.C. : Monseigneur, comment aider l’Iraq aujourd’hui, et comment faire face à cette invasion islamiste ?

    MGR Y.M. : Je fais l’éloge ici des pays musulmans qui ont osé contrer la religiosité à tout bout de champ. Le premier est la Tunisie qui a retiré la religion de sa constitution et j’en félicite les tunisiens. Parce qu’on peut être religieux sans mélanger la religion et l’État.

    É.C. : Vous êtes pour la laïcité.
     

    MGR Y.M. : Je suis pour la laïcité positive, intelligente, courageuse. Il faut pouvoir dire : bon, les hommes de religion, restez chez vous. Et les bons politiciens et intellectuels donnez-nous tout ce que vous pouvez nous donner, en leur accordant toute la liberté de penser et d’agir pour qu’on puisse vraiment jouir de la paix. Le deuxième État dont je fais l’éloge est l’Égypte. Ils ont compris au bout d’un an que le système des frères musulmans était un fiasco. Ils ont eu le courage de descendre dans la rue : 32 millions pour dire : on s’est trompé en votant pour toi, alors dégage ! Et c’est le Général, l’armée qui a sauvé le pays. Félicitations ! Malheureusement, Bremer, chez nous, il y a dix ans, avait supprimé l’armée. Il a créé un vide, et c’est par sa faute qu’aujourd’hui l’État islamique règne sur le quart de l’Iraq. Malheureusement !

             Malheureusement, la guerre en Syrie est inutile depuis trois ans, qui n’a fait que des victimes, que du sang. C’est venu de la Syrie, c’est le chaos qui règne. Ni la religion ne pourra réparer les choses, ni la façon qu’a cette religion de ne pas faire cas de l’homme. On ne sortira de ce cauchemar que si on s’aide vraiment de l’expérience de ces pays-là.

             Je félicite l’Europe qui a eu le prix Nobel de la paix, il y a un an…
              

    É.C. : Est-ce que ce n’est pas trop tard pour l’Iraq ?
     

    MGR Y.M. : Il n’est jamais trop tard. Un miracle peut toujours se produire. Peut-être que les Apôtres, le Samedi saint, pensaient comme vous… que c’était fini et foutu. Saint Luc a parlé, au chapitre 24, des deux disciples qui disaient : c’est fini, c’est trop tard, on est foutu… eh bien, il y a eu du pain rompu qui leur a ouvert les yeux. Et j’espère que beaucoup de gens en France qui m’écoutent et se disent chrétiens… je les pousse à aller ouvrir leurs yeux en communiant au corps du Christ, au pain du Christ, ce Pain qui est fait pour l’homme.   

    É.C. : Je reviens juste sur les États-Unis et la France. Vous disiez que les États-Unis et la France y allaient juste en trempant le bout des doigts… Concrètement, aujourd’hui, qu’avez-vous demandé aux responsables politiques que vous avez rencontrés ?

    MGR Y.M. : Oui, les responsables politiques ont aussi beaucoup d’équilibre à tenir et de politically correct. Ils ont beaucoup à naviguer entre Charybde et Scylla et doivent mettre en considération beaucoup de choses. Je les soutiens et leur demande d’être courageux et parfois d’oser. Parce que si l’on ne fait cas seulement de ce que l’on va dire et de ce que les autres vont dire… C’est pourquoi je profite de cette occasion pour féliciter la France parce qu’elle a été la première. Je félicite le ministre des affaires étrangères qui a été le premier, le 7 août, à appeler une réunion du Conseil de sécurité. Il a joué son rôle de défense des droits de l’Homme. Je trouve que la France avec sa laïcité positive et avec l’engagement… Et là, je félicite l’opposition et la majorité : ils ont tous joué sur la même note. Tous : monsieur Hollande, monsieur Fillon et d’autres personnalités sont allés en Iraq pour voir un peu la situation. Je suis heureux de cela, vraiment, pour la France. Au nom des iraquiens, je dis merci.  
     

    É.C. : Nous n’avons plus que deux minutes, Monseigneur, cela va très vite… Un mot, peut-être, sur les réfugiés, des personnes qui choisissent l’exil.

    christianisme,islam,foi,politique,conscienceMGR Y.M. : Oui. Pour parler des réfugiés, il faut dire que le jour où ils ont quitté Mossoul, fin juillet, ils ont vu écrit sur leur porte la lettre ”noûn”. ”Nasarah”, chrétien. Quand j’ai vu cela, je me suis rappelé l’étoile de David. Aujourd’hui, un nouveau nazisme est en train de sévir dans notre monde et dans notre région. C’est trop dangereux pour laisser faire. Ces réfugiés ont été arrachés à leur maison, on les a dévalisés. On m’a dit qu’une petite fille de dix ans a eu les boucles d’oreilles arrachées… Ils sont venus dans nos régions, à Kirkuk et à Soulaimanya, à Erbil, à Dohuk… ils sont venus mendier de quoi manger. J’ai vu des millionnaires qui mendiaient ! Je crois qu’il faut aussi penser à ces réfugiés là. Penser aux 130 000 chrétiens dans le besoin. Penser à l’hiver qui va arriver. Et penser aux malades. Alors merci pour…

    É.C. : Pour les aider, une adresse, l’Institut Montalembert, 6 rue Aristide Briand, 92300 Levallois-Perret. Également l’Œuvre d’Orient qui soutient depuis le début tout ce qui se passe en Iraq. Monseigneur, merci beaucoup, on avait une prière à dire… On l’indiquera sur le site internet de Radio Notre-Dame. Merci beaucoup Monseigneur Mirkis, on peut vous retrouver ce soir, à 20h15, à Saint-Gervais dans le 4ème, pour un témoignage et une conférence dans le cadre des Semeurs d’espérance.

    MGR Y.M. : Très bien ! Merci à vous. 

     

    Ecclesia Magazine du 26/09/2014
    Radio Notre-Dame

      

     

     

  • Une société d’artisans, de gens qui ne fassent jamais de copier-coller, toujours en éveil et en curiosité devant la complexité de leur travail

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    Lucien Bourgeois.pngOn a fait un travail, il y a quelques années, de prospective, dans lequel nous avions quatre scénarios. Un scénario dans lequel la Politique Agricole Commune continuait vaille que vaille. Un scénario dans lequel Auchan et Nestlé gouvernaient l’agriculture. Un scénario dans lequel on se mettait à faire cette politique de Qualité d’Origine. Et un scénario dans lequel le Conseil Général ou le Conseil Régional pilotait l’agriculture. Nous avions naïvement cru que le milieu agricole allait plébisciter le scénario de la Qualité d’Origine, puisque c’était le scénario le plus intéressant, en matière de valeur ajoutée, pour les agriculteurs eux-mêmes. Quelle n’a pas été notre surprise de constater que c’était le scénario qui entrainait le plus d’incrédulité et même de l’ironie, en nous disant : « Mais vous ne pensez pas que nous allons pouvoir vendre du blé comme on vend le vin ! ». Le principal argument était : « Nous sommes des producteurs de matière première. ». En revendiquant presque le statut de producteur de matière première. Pire encore dans les régions d’élevage, des gens nous disant : « Nous sommes des producteurs de minerai. ».

    Capture d’écran 2014-05-15 à 13.54.39.png

    Certes, on ne va pas vendre demain du blé de la région de Provins. Mais si je crois en l’organisation, je crois aussi à l’organisation industrielle. Je pense que ce que peuvent vendre les producteurs de blé de la région de Provins est probablement une capacité à approvisionner des industries très sophistiquées de l’agro-alimentaire : pour faire avec ce blé un produit que personne d’autre dans le monde ne serait capable de faire. On le voit bien dans l’industrie : si nous ne sommes pas capables de faire ce que personne d’autre dans le monde n’est capable de faire, nous n’avons aucune chance dans l’avenir. Il faut être clair.

    Bennage blé.pngQui a envie de manger du minerai ?  C’est la plus belle contre publicité que l’on puisse faire pour son produit que de taxer sa viande de minerai. Le problème que nous avons vu est que, dans la tête des agriculteurs et dans la tête de ceux qui les accompagnent, il y a une culture de la matière première, une culture du produit indifférencié, une non-culture économique absolument affligeante qui règne et qui fait que les agriculteurs eux-mêmes ont du mal à croire à cette possibilité. Et quand on réfléchis bien, sur les deux agricultures, qui est le plus entrepreneur entre un producteur de fromage de chèvre des Causses, du Larzac, et un céréalier du Bassin parisien ? Si le céréalier se contente de benner son blé dans une coopérative et de ne pas se soucier du prix de ce blé, ce n’est pas un entrepreneur. Alors que le producteur de fromage de chèvre qui va vendre son fromage sur un marché est plus un entrepreneur, dans la conception de son métier.

    J’aimerais bien faire partie d’une société d’artisans, si je peux dire cela comme cela. De gens qui ne fassent jamais de copier-coller et qui soient toujours en éveil et en curiosité devant la complexité de leur travail. Je revendique cela comme idéal de société.

    Lucien Bourgeois
    Économiste
    Assemblée permanente des Chambres d’agricultures, Paris

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  • Le consommateur est aussi citoyen (Le Temps des Grâces)

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    L’agriculteur est-il plutôt, selon vous, un industriel ou du côté de l’artisan ?

    le temps des grâces,          Je dirais qu’il y a les deux. Il doit y avoir 3-4% d’artisans. Ce sont ceux qui ont essayé les circuits courts, la commercialisation directe… Ils transforment leur minerai, ce qui crée leur valeur ajoutée. Moi, je me situerais plus du côté industriel, producteur de minerai. Mais avec la chance ─ et d’ailleurs c’est pour cela que je suis revenu, sinon je serais resté dans le milieu multinational ─ d’avoir un impact, de pouvoir modéliser l’espace, de pouvoir être en lien avec l’espace. Mais à la fin, c’est quand même un minerai, l’or blanc, qui est le lait, qui est, avec un cahier des charges bien précis, mais pour donner de la valeur ajoutée à un industriel. Mais j’essaie d’en garder pour moi. On est entre les deux… Je me mettrais quand même du côté d’une industrie. Pourquoi pas d’un artisan ? Parce que l’artisan, tel que le consommateur ou le citadin en a l’image, c’est le berger avec ses moutons et son chien qui va garder son troupeau. Cela n’existe plus. On est des citoyens comme tout le monde, on veut nos vacances, du temps libre, on veut un cadre et un genre de vie. Donc il faut un niveau de vie. Ce niveau de vie fait que le prix du lait, en frais constants n’ayant pas augmenté, on s’est industrialisé pour faire des économies d’échelle. Alors, c’est sûr, le consommateur, lui, que veut-il ? Un lait pas cher, un fromage pas cher, et il voudrait qu’on traie à la main… En plus, il ne veut rien, le consommateur… C’est l’image qu’on lui colle. Maintenant, ce que je pense, c’est que le consommateur, à un moment donné, est aussi citoyen.


    le temps des grâces,          
    Je reviens à l’histoire de ma chèvre, là : le petit producteur des Cévennes qui a trente-quarante chèvres, qui fait son fromage et qui va sur les marchés. Cela, c’est l’image qu’en a le consommateur. Il a plus que du mérite : il a du mal à gagner sa vie. Que fait l’industriel à l’autre bout de la chaîne ? L’agriculteur industriel, qui a mille chèvres enfermées dans un bâtiment, qui les traite deux fois par jour et leur donne à manger, fait du business. Et pourtant c’est le même lait qui est en concurrence sur le même marché. Il faudrait qu’un jour le consommateur arrive à comprendre la différence. Quand je suis une multinationale qui travaille dans l’agro-alimentaire, je me sers de l’image du petit Pélardon[i] des Cévennes et je fais mon business avec. Il faut le dire. Et le goût est certainement différent. Mais le goût, qui connaît le goût ?

    le temps des grâces,          L’exemple du CTE est flagrant. J’ai fait un Contrat Territorial d’Exploitation en 2002, en m’engageant sur 5 ans à garder mes brebis. Le coût d’un berger pour garder mes brebis est énorme. L’État m’a donné 50 francs de l’hectare. Je dis bien 50 francs de l’hectare. J’ai quand même fait l’effort de le faire. Et j’avais signé un contrat. En 2007, on me dit qu’il n’y a plus de CTE. J’ai mis des clôtures. J’en ai pour 25 ans et cela me coûte une année de salaire d’un berger. Tous les parisiens durant l’été qui sont venus ici et qui avaient l’habitude de l’espace ouvert se sont rendus compte qu’il y avait de la propriété privée. Ils ont tous critiqué mais pas un n’est venu m’en parler. Parlons-en. C’est bien un choix de la société de dire : « Ah !, je veux les petits moutons qui se promènent dans la nature, je veux les voir se promener mais je ne veux pas payer. ». Au-delà de cela, en donnant les moyens pour garder cet espace ouvert, tu gardes aussi des moyens pour avoir plus de brebis sur ton espace. Si tu as plus de brebis sur ton espace, tu peux penser que tu as plus de social derrière, sur ton espace. C’est en lien avec la vie de campagne. Tandis qu’à un moment donné si tu dis : «  Je laisse gagner l’espace, je ne peux plus mettre de brebis, le dernier agriculteur du coin qui restera sera le plus costaud, le plus vaillant, le plus intelligent, le plus ce que tu veux… ou le plus tueur, ou le plus margoulin… Les dix autres, s’ils vont gonfler les banlieues parisiennes, marseillaises ou autres… Quel impact, quel coût auras-tu sur la société ? Et quel avenir donnes-tu à ces jeunes-là ? Je crois que telle est la question. Le problème est qu’aujourd’hui, on raisonne à court terme. Partout et tout le temps. Si à long terme on ne veut pas que les paysages se ferment il faut qu’à long… En Suisse, ils sont plus intelligents que nous, quand même. En Suisse, à un moment donné, ils savent qu’ils veulent garder l’espace tout vert, ils savent que les montagnes ne doivent pas se boiser, que l’herbe doit être entretenue… Ils payent carrément les bergers. Parce qu’il y a une réflexion nationale de dire : « Un berger payé pour un producteur revient moins cher à la collectivité et à la société que d’aller faire trois mesurettes. ».  C’est cela qui ne va pas en France.

     

    Patrick Libourel
    Éleveur à Lanuéjols, Causse noir, Gard
    Bassin de production du Roquefort

     


    [i] Pélardon est une appellation d'origine désignant un petit fromage au lait cru de chèvre de la région du Languedoc. Cette appellation a une graphie maintenant formalisée mais fut aussi nommée paraldon, pélardou ou encore péraudou.

     

    "Le Temps des Grâces", Capricci, 2009, en VOD - Film de Dominique Marchais - en Streaming et à Télécharger 

    Le Temps des Grâces Page sur La Vaillante

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  • Les professionnels de l'enfance veillent…

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    Portrait Enfant Jérôme Brunet.jpg

    Jérôme Brunet veille…

    J’ai travaillé, comme animateur, dans les quartiers dits « sensibles » à Dreux dans les années 80. J’y ai vu combien le manque de repères, l’absence des parents plongeaient les enfants et les jeunes adolescents dans des comportements marqués par la violence, la peur, les phénomènes de bandes… j’ai vu comment, pour se protéger des autres, ils devaient s’endurcir, se montrer agressif, faire peur à l’autre. J’ai vu cette violence qui naît de l’absence de sécurité psychique.

    Malik, je pense à toi qui as pu montrer, parce que nous avions pu construire la confiance, que derrière l’épaisse carapace de piquants, il y avait un cœur merveilleux, simple. Un cœur d’enfant.

    En formation, à l’école normale des instituteurs, j’ai entendu ces idéologues niant la place de l’inné dans la personne, nous dire que les enfants étaient tous égaux en capacité, dès la naissance. Que tout était une question de pédagogie, de façon de s’y prendre.

    Ceux-là même qui vantaient la méthode globale, méprisaient l’apprentissage par cœur des tables de multiplication, promouvaient la grammaire structuraliste (à laquelle nombre d’enseignants ne comprenaient pas grand-chose…).

    J’ai vu les regards perdus de l’enfant qui n’apprend pas, qui ne comprend pas, parce qu’on ne prend pas en compte sa capacité, sa forme d’intelligence…

    Christophe, Anthony et vous, les jumeaux, je pense à vous. A cette souffrance qu’a été la classe pour vous.

    Instituteur, j’ai découvert la dépression de l’enfant dont les parents se séparent, ou se disputent et à qui on demandait de continuer à être performant à l’école. J’ai frappé au mur de l’indifférence des adultes qui niaient le problème : il ne fallait pas dire que les enfants souffraient du divorce de leurs parents, car cela pouvait être interprété comme un jugement négatif. A l’époque, beaucoup de psychologues n’osaient pas s’exprimer sur cette question ou niaient le problème.

    Je pense à toi, Ariane, qui était pleine de vie et pétillante dans cette classe de grande section. Et qui du jour au lendemain est devenue éteinte… pleurait et me confiait que tes parents se séparaient. Je revois ta maman qui me disait qu’elle t’avait tout expliqué, et que tu allais bien.

    Directeur d’école, j’ai accompagné ces enfants qui perturbaient la classe. J’ai vu leur immense angoisse, leur détresse de ne pas comprendre les repères de la vie avec les autres, parce qu’on ne les leur avait pas appris.

    J’ai vu ces enfants rois, qui devenaient tyrans… ceux que l’on appelle maintenant les pervers narcissiques…

    J’ai accompagné cette angoisse – qu’un adulte ne supporterait pas – qui naît de l’absence des repères structurants, qui posent les limites de la liberté pour la faire naître et qui sécurisent dans un monde de relations si complexes.

    J’ai vu le fruit blette, empoisonné, mortel d’ « il est interdit d’interdire ».

    J’ai entendu ce psychologue qui me confiait son désarroi parce qu’il devait poser des diagnostics de psychopathe pour des enfants de 12 ans.

    Je pense à toi Thomas, qui a réussi à te construire parce que nous avons su baliser un chemin pour t’accompagner. Je pense à toi, Olivier que nous n’avons pu sortir de ta souffrance.

    J’ai vu la détresse de ces parents qui avaient peur de leurs enfants et n’osaient pas dire non et tenir bon face à la contradiction par peur de leur faire du mal.

    J’ai vu aussi des couples exploser à cause de la confusion des rôles.

    Et j’ai vu que le suicide des jeunes devenait une préoccupation de plus en plus grave. Que la violence gratuite entre jeunes apparaissait et se développait. Que la drogue, l’alcool deviennent des fléaux. Que la pornographie circule dans les cours d’école et de collège.

    J’ai vu que la plupart du temps, l’enfant souffre en silence.

    Et j’ai entendu tous ceux-là qui disent que les enfants s’adaptent aux nouvelles situations familiales, que la famille recomposée, c’est formidable, qu’il n’y a aucun problème à avoir deux papas ou deux mamans, à naître par GPA, ou PMA avec donneur anonyme, à être privé d’une partie de sa filiation biologique, puisqu’il « suffit d’expliquer aux enfants pour qu’ils comprennent ».

    Depuis plusieurs années, avec d’autres, j’ai décidé de ne plus me taire et de redire qu’un enfant a droit à une éducation qui le prépare à la vie d’adulte, qui n’est pas un long fleuve tranquille.

    Qu’il a droit à la sécurité physique et psychologique, aux soins, à l’amour de ses parents, à la construction de sa personnalité dans toutes les dimensions de la personne : physique, intellectuelle, psychique.

    Bien sûr, la vie, avec ses accidents ne s’écrit jamais avec des lignes droites, les règles ont toujours des exceptions. C’est la vie.

    Mais l’exception ne doit pas devenir la règle.
    Je suis devenu un veilleur.
    Alors, je veille.

     

    JÉRÔME BRUNET
    Président de l’Appel des Professionnels de l’Enfance
    Porte-parole de la Manif pour tous

    Article initialement publié sur
    APPEL DES PROFESSIONNELS DE L’ENFANCE

     

     

  • Des femmes « vaillantes », à toutes les époques…

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    foi,ludovine de la rochère,la vaillante,politique,christianisme,égalité,théorie du genre(La Vaillante dédie cet article à Ludovine de la Rochère, rencontrée le 17 septembre 2014 à Saint-Mandé, à l’issue de la conférence-débat qu’elle donna avec Esther Pivet, intitulé « Gender à l’école : mythe ou réalité ».)

     

    LE DON DE L’ÉPOUSE 

             Le Concile Vatican II a renouvelé dans l’Église la conscience de l’universalité du sacerdoce. Dans la Nouvelle Alliance, il n’y a qu’un seul sacrifice et un seul prêtre, le Christ. Tous les baptisés, les hommes comme les femmes, participent à ce sacerdoce unique, car ils doivent « s’offrir en victimes vivantes, saintes, agréables à Dieu (cf. Rm 12, 1), porter témoignage du Christ sur toute la surface de la terre, et rendre raison, sur toute requête, de l’espérance qui est en eux d’une vie éternelle (cf. 1 P 3, 15) ».[i] La participation universelle au service du Christ, par lequel le Rédempteur a offert au Père le monde entier et en particulier l’humanité, fait de tous les membres de l’Église « un royaume de prêtres » (Ap 5, 10 ; 1 P 2, 9), c’est-à-dire qu’ils participent non seulement à la mission sacerdotale, mais encore à la mission prophétique et royale du Christ-Messie. Cette participation entraîne en outre l’union organique de l’Église, comme Peuple de Dieu, avec le Christ. Le « grand mystère » de la Lettre aux Éphésiens s’y exprime en même temps : l’Épouse unie à son Époux, unie parce qu’elle vit de sa vie ; unie parce qu’elle participe de sa triple mission (tria munera Christi) ; unie de manière à répondre par un « don désintéressé » de soi au don ineffable de l’amour de l’Époux, le Rédempteur du monde. Cela concerne toute l’Église, les femmes comme les hommes, et évidemment cela concerne aussi ceux qui participent au « sacerdoce ministériel » [ii] qui est par nature en service. Dans le cadre du « grand mystère » du Christ et de l’Église, tous sont appelés à répondre — comme une épouse — par le don de leur vie au don ineffable de l’amour du Christ qui est seul, come Rédempteur du monde, l’Époux de l’Église. Dans le « sacerdoce royal », qui est universel, s’exprime en même temps le don de l’Épouse.

             Cela revêt une importance fondamentale pour comprendre l’Église dans son essence même, en évitant de reprendre pour l’Église — même en sa qualité d’institution composée d’êtres humains et inscrite dans l’histoire — des critères d’interprétation et de jugement qui sont sans rapport avec sa nature. Même si l’Église possède une structure « hiérarchique »,[iii] cette structure est cependant ordonnée à la sainteté des membres du Christ. Et la sainteté s’apprécie en fonction du « grand mystère » dans lequel l’Épouse répond par le don de l’amour au don de l’Époux, le faisant « dans l’Esprit Saint » parce que « l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5, 5). Le Concile Vatican II, en confirmant l’enseignement de toute la tradition, a rappelé que, dans la hiérarchie de la sainteté, c’est justement la « femme », Marie de Nazareth, qui est « figure » de l’Église. Elle nous « précède » tous sur la voie de la sainteté ; en sa personne « l’Église atteint déjà à la perfection qui la fait sans tache ni ride (cf. Ep 5, 27) ».[iv] En ce sens on peut dire que l’Église est « mariale » en même temps qu’ « apostolique » et « pétrinienne ».[v]

             Dans l’Histoire de l’Église, dès les premiers temps, il y avait aux côtés des hommes de nombreuses femmes pour qui la réponse de l’Épouse à l’amour rédempteur de l’Époux prenait toute sa force expressive. Nous voyons tout d’abord celles qui avaient personnellement rencontré le Christ, qui l’avait suivi et qui, après son départ, « étaient assidues à la prière » avec les Apôtres au Cénacle de Jérusalem jusqu’au jour de la Pentecôte. Ce jour-là, l’Esprit Saint parla par « des fils et des filles » du Peuple de Dieu, accomplissant ce qu’avait annoncé le prophète Joël (cf. Ac 2, 17). Ces femmes, et d’autres encore par la suite, eurent un rôle actif et important dans la vie de l’Église primitive, dans la construction, depuis ses fondements, de la première communauté chrétienne — et des communautés ultérieures — grâce à leurs charismes et à leurs multiples manières de servir. Les écrits apostoliques retiennent leurs noms, ainsi Phébée, « diaconesse de l’Église de Cenchrées » (cf. Rm 16, 1), Priscille avec son mari Aquila (cf. 2 Tm 4, 19), Évodie et Syntyché (cf. Ph 4, 2), Marie, Tryphène, Persis, Tryphose (cf. Rm 16, 6. 12). L’Apôtre parle de leurs « fatigues » pour le Christ : celles-ci montrent les divers domaines du service apostolique dans l’Église, en commençant par « l’Église domestique ». En effet, la « foi sans détour » y passe de la mère aux enfants et aux petits-enfants, comme cela eu lieu dans la maison de Timothée (cf. 2 Tm 1, 5).

             La même chose se renouvelle au cours des siècles, de génération en génération, comme le montre l’histoire de l’Église. L’Église, en effet, en défendant la dignité de la femme et sa vocation, a manifesté de la gratitude à celles qui, fidèles à l’Évangile, ont participé en tout temps à la mission apostolique de tout le Peuple de Dieu, et elle les a honorées. Il s’agit de saintes martyres, de vierges, de mères de familles qui ont témoigné de leur foi avec courage et qui, par l’éducation de leurs enfants dans l’esprit de l’Évangile, ont transmis la foi et la tradition de l’Église.

    foi,ludovine de la rochère,la vaillante,politique,christianisme,égalité,théorie du genre         À toutes les époques et dans tous les pays, nous trouvons de nombreuses femmes « vaillantes » (cf. Pr 31, 10) qui, malgré les persécutions, les difficultés et les discriminations, ont participé à la mission de l’Église. Il suffira de mentionner ici Monique, la mère d’Augustin, Macrine, Olga de Kiev, Mathilde de Toscane, Edwige de Silésie et Edwige de Cracovie, Élisabeth de Thuringe, Brigitte de Suède, Jeanne d’Arc, Rose de Lima, Elisabeth Seton et Mary Ward.

             Le témoignage et l’action des femmes chrétiennes ont eu une influence significative dans la vie de l’Église, comme aussi dans la vie de la société. Même face à de graves discriminations sociales, les saintes femmes ont agi « librement », rendues fortes par leur union avec le Christ. Cette union et cette liberté fondées en Dieu expliquent par exemple l’action importante de sainte Catherine de Sienne dans la vie de l’Église et de sainte Thérèse de Jésus dans la vie monastique.

             De nos jours, l’Église ne cesse de s’enrichir grâce au témoignage de nombreuses femmes qui épanouissent leur vocation à la sainteté. Les saintes femmes sont une incarnation de l’idéal féminin ; mais elles sont aussi un modèle de « sequela Christi », un exemple de la manière dont l’Épouse doit répondre avec amour à l’amour de l’Époux.

      

    foi,ludovine de la rochère,la vaillante,politique,christianisme,égalité,théorie du genre

     

     

     

    Article 27 de
    LA DIGNITÉ ET LA VOCATION DE LA FEMME
    Lettre apostolique Mulieris dignitatem
    15 août 1988
    Saint Jean-Paul II

            



    [i] Cf. CONC.ŒCUM. VAT.II, Const. Dogm. Sur l’Église Lumen gentium, n.10.

    [ii]Cf. ibid. n.10.

    [iii]Cf. ibid. nn. 18-29.

    [iv]Cf. ibid. n. 65 ; cf. Encycl. Redemptoris Mater, nn. 2-6 : lc., pp. 362-367.

    [v]« Ce profil marial est aussi fondamental et caractéristique de l’Église — sinon davantage — que le profil apostolique et pétrinien, auquel il est profondément uni. […] la dimension mariale de l’Église précède la dimension pétrinienne, tout en lui étant étroitement unie et complémentaire. Marie, l’Immaculée, précède tout autre personne et, bien sûr, Pierre lui-même et les Apôtres. Non seulement parce que Pierre et les Apôtres, issus de la masse du genre humain qui naît sous le péché, font partie de l’Église ”sancta ex peccatoribus”, mais aussi parce que leur triple munus ne tend à rien d’autre qu’à former l’Église dans cet idéal de sainteté qui est déjà préformé et préfiguré en Marie. Comme l’a si bien dit un théologien contemporain, ”Marie est ‘la Reine des Apôtres’, sans revendiquer pour elle les pouvoir apostoliques. Elle a autre chose et beaucoup plus” (H.U. VON BALTHASAR, Neue Klarstellungen) » : Allocution aux Cardinaux et aux Prélats de la Curie romaine (22 décembre 1987) : L’Osservatore Romano, 23 décembre 1987. 

     


    Photos : Oratoire Jean-Paul II
    église Saint-Pierre du Gros Caillou
    Paris 7ème

     

  • Le produit de la trahison d’une classe intellectuelle qui refuse de transmettre l’héritage intellectuel, moral et spirituel à une jeunesse abandonnée aux pulsions de la sauvagerie

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    FX Bellamy LES DÉSHÉRITÉS.jpg                  François-Xavier Bellamy dans son livre « Les déshérités » dénonce les théories de Jean-Jacques Rousseau et de Karl Marx préconisées aujourd’hui par nos ministres. Celles-ci, en effet, mettent comme préalable à toute révolution réussie la fabrique de bons sauvages par la mise en place d’une amnésie collective. Enfants du Mékong en connaît le prix. Pour le seul Cambodge, 2 millions de génocidés avec une sauvagerie inouïe. Les fomentateurs ont tous été formés dans les universités françaises aux lettres de notre encyclopédiste bien connu et de Karl Marx. Le Cambodge était pourtant un peuple d’une culture multiséculaire qui avait ses propres médecins, ses professeurs d’université, ses avocats. Quel est le mécanisme qui engendre une telle barbarie ? François-Xavier Bellamy dénonce la théorie du bon sauvage qui interdit au maître de transmettre ce qu’il sait et impose à son disciple à apprendre à ignorer, plutôt qu’à savoir. Notre normalien démontre que la génération qui a béni les massacres d’hier au nom de la régénération des peuples, corrompus, perdure dans nos écoles. Et de citer des inspecteurs généraux de l’éducation intimant aux brillants élèves de la rue d’Ulm : « Vous n’avez rien à transmettre ». Et un ministre, même de droite, en 2009, de dire que « la culture générale est discriminatoire ». À la fois homme politique et professeur de philosophie, il dénonce la trahison d’une génération qui a bénéficié amplement de la culture transmise. Pourtant, pour incuber du ”bon sauvage”, par perversité idéologique, elle la refuse à la génération suivante. On sait que la barbarie s’est installée chez les jeunes à qui on a refusé toutes références morales et culturelles  : « l’homme réduit à l’utilisation des choses et interdit de rapports moraux d’homme à homme », dénonce-t-il. C’était effectivement le programme de Pol Pot. Ce n’est peut-être pas un hasard si les épurateurs d’hier ont été tellement soutenus par nos universités françaises. Ce sont les mêmes qui, malgré les millions de morts conséquents aux théories qu’ils ont encouragées, continuent à les développer. Le ”bon sauvage” est en réalité un barbare. Le toulousain Merah, ou ce furieux à l’accent de Liverpool qui coupe les têtes pour les brandir comme les révolutionnaires de 93, est en fait un sauvage. « Qu’il soit islamiste ou marxiste il est le produit de la trahison, insiste notre auteur, d’une classe intellectuelle qui refuse de transmettre l’héritage intellectuel, moral et spirituel à une jeunesse abandonnée aux pulsions de la sauvagerie. »   

     

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    Yves Meaudre
    Directeur général
    d’Enfants du Mékong

     

  • L'égalité entre homme et femme selon F-X. Bellamy

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    François-Xavier Bellamy, auteur de « Les déshérités - ou l’urgence de transmettre » répond à Sylvie Braibant et à Mohamed Kaci (Émission « 64’ Le monde en français », rubrique « Grand angle », TV5Monde, du 2 septembre 2014).

     

     

     

                          S.B. : C’est une question un peu sous forme d’interpellation, puisque, François-Xavier Bellamy, vous vous présentez comme un défenseur irréductible entre les sexes et vous soutenez que, pour parvenir à cette égalité, c’est la transmission du savoir qu’il faut faire.

             Je voudrais vous soumettre des chiffres. En France, 71% des filles réussissent au baccalauréat. 61% seulement pour les garçons. Et malgré cette supériorité, les filles se dirigent majoritairement vers les filières littéraires ou médico-sociales, tandis que les garçons se précipitent, eux, dans les secteurs d’excellence tels les sciences dures et les hautes technologies. Cette orientation naturelle ne date pas d’hier, comme le montre cette « Fabrique des filles » qui retrace la pédagogie mise en place depuis Jules Ferry pour inciter les élèves elles-mêmes à se diriger vers des filières où elles pourraient appliquer leurs qualités ”féminines”. Et c’est un travers, d’ailleurs, qui n’existe pas seulement en France, mais dans toute l’Europe, sauf en Suède. Peut-être parce que dans ce pays on a mis en place depuis des décennies ces « ABCD de l’égalité » que vous aimez tant détester.

             Alors, je vous repose la question : Croyez-vous donc toujours que c’est seulement par la transmission du savoir que l’on parviendra à surmonter l’inégalité entre les ”genres” ?

     

    FX Bellamy Photo.jpg         F-X.B. : Merci beaucoup pour votre question et merci pour la formulation de votre question. Vous avez dit quelque chose qui me paraît très symptomatique. Vous avez dit que « les filles ne se dirigeaient pas vers les filières d’excellence mais qu’elles se dirigeaient vers les filières plutôt littéraires. » Moi qui ai fait une filière littéraire et qui suis un professeur, un métier extraordinairement féminisé, je suis absolument en désaccord avec vous sur la formulation même de votre question. Je crois que les filières littéraires sont des filières d’excellence et je ne suis absolument pas jaloux de mes camarades qui ont fait des carrières d’ingénieurs ou de financiers. Je crois que l’enseignement de la philosophie…

     

              M.K. : … Les débouchés ne sont pas les mêmes, quand même…

     

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             F-X.B. : À quelle aune les évalue-t-on ? Si on les évalue en terme strictement financiers oui, c’est vrai que je gagne peut-être moins qu’un ou une de mes ami(e)s qui serait entré(e) dans la banque ou dans la finance. Mais je ne suis pas moins heureux pour autant et même je peux vous garantir le contraire. C’est un métier dans lequel on peut trouver un épanouissement extraordinaire.

             Je crois qu’il faut éviter de plaquer des modèles de réussite exclusifs. Vous voyez, c’est très paradoxal : les métiers vers lesquels les hommes se dirigent majoritairement vous les décrivez comme des métiers d’excellence. En réalité, n’est-ce pas là précisément faire peser une forme d’aliénation sur les femmes qui, parce qu’elles sont attirées par d’autres métiers, se voient déniée la possibilité d’incarner une forme d’excellence dans ces métiers-là ? Moi qui suis enseignant, je crois que c’est un métier qui suppose des compétences extrêmement complexes, variées et dans lesquelles on peut exprimer une excellence particulière. Je ne vois pas pourquoi on serait plus excellent parce qu’on a choisi d’aller compiler des tableaux Excel dans une tour de La Défense.

     

            M.K. : Alors, comment remettre la transmission au cœur du système éducatif français ? Quelles sont les pistes que vous proposez et que vous évoquez dans ce livre ?

     

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             F-X.B. : Pour assurer l’égalité à tous les élèves, l’égalité entre les sexes mais aussi l’égalité entre les origines, les milieux sociaux… je crois précisément qu’il faut que l’école redevienne une école de la transmission qui offre à tous la possibilité d’accéder aux mêmes savoirs. C’est-à-dire au meilleur de ce que notre culture a à transmettre parce que – et c’est l’idée que j’essaie de défendre au cœur de ce livre – au fond, le propre de notre expérience humaine est que nous ne sommes pas nous-mêmes par nature, nous avons besoin de la rencontre avec l’autre, avec ce patrimoine qui nous est transmis pour devenir nous-mêmes et conquérir notre propre personnalité. Garçons comme filles, issus de milieux sociaux divers, nous avons besoin de cette culture que nous recevons. Je crois que la meilleure chose que nous puissions faire est, au lieu de se focaliser sur la volonté de produire des uniformités qui ne répondent à rien, d’obliger les filles à s’intéresser à des métiers d’ingénieur parce que nous avons l’impression que c’est cela l’excellence… Donnons à chacun la même possibilité d’accès au savoir. Les filles qui voudront être ingénieurs seront ingénieurs, les filles qui voudront enseigner la philosophie enseigneront la philosophie. Et de la même façon pour les garçons. C’est la meilleure façon par laquelle nous pourrons servir une égalité réelle et aussi - et c’est très important - une liberté réelle de chacun, l’accès de chacun à sa propre singularité que de transmettre vraiment le meilleur de notre culture, de notre langue, de notre capacité d’écriture et de parole à chacun des enfants de France.  

     

     

    Retrouvez François-Xavier Bellamy avec « La critique du nihilisme contemporain serait très maladroite si elle s’appuyait sur le lexique des valeurs »

     

  • L’absence grave d’une orientation anthropologique réduit l’être humain à un seul de ses besoins : la consommation

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    QUELQUES DÉFIS DU MONDE ACTUEL 

    pape françois,conscience,politique,Écologie humaine,foi         L’humanité vit en ce moment un tournant historique que nous pouvons voir dans les progrès qui se produisent dans différents domaines. On doit louer les succès qui contribuent au bien-être des personnes, par exemple dans le cadre de la santé, de l’éducation et de la communication. Nous ne pouvons cependant pas oublier que la plus grande partie des hommes et des femmes de notre temps vivent une précarité quotidienne, aux conséquences funestes. Certaines pathologies augmentent. La crainte et la désespérance s’emparent du cœur de nombreuses personnes, jusque dans les pays dits riches. Fréquemment, la joie de vivre s’éteint, le manque de respect et la violence augmentent, la disparité sociale devient de plus en plus évidente. Il faut lutter pour vivre et, souvent, pour vivre avec peu de dignité. Ce changement d’époque a été causé par des bonds énormes qui, en qualité, quantité, rapidité et accumulation, se vérifient dans le progrès scientifique, dans les innovations technologiques et dans leurs rapides applications aux divers domaines de la nature et de la vie. Nous sommes à l’ère de la connaissance et de l’information, sources de nouvelles formes d’un pouvoir très souvent anonymes. 

     

    NON À L’ÉCONOMIE DE L’EXCLUSION 

    pape françois,conscience,politique,Écologie humaine,foi         De même que le commandement de ”ne pas tuer” pose une limite claire pour assurer la valeur de la vie humaine, aujourd’hui, nous devons dire ”non à une économie de l’exclusion et de la disparité sociale”. Une telle économie tue. Il n’est pas possible que le fait qu’une personne âgée réduite à vivre dans la rue, meure de froid ne soit pas une nouvelle, tandis que la baisse de deux points en bourse en soit une. Voilà l’exclusion. On ne peut plus tolérer le fait que la nourriture se jette, quand il y a des personnes qui souffrent de la faim. C’est la disparité sociale. Aujourd’hui, tout entre dans le jeu de la compétitivité et de la loi du plus fort, où le puissant mange le plus faible. Comme conséquence de cette situation, de grandes masses de population se voient exclues et marginalisées : sans travail, sans perspectives, sans voies de sortie. On considère l’être humain en lui-même comme un bien de consommation, qu’on peut utiliser et ensuite jeter. Nous avons mis en route la culture du ”déchet” qui est même promue. Il ne s’agit plus simplement du phénomène de l’exploitation et de l’oppression, mais de quelque chose de nouveau : avec l’exclusion reste touchée, dans sa racine même, l’appartenance à la société dans laquelle on vit, du moment qu’en elle on ne se situe plus dans les bas-fonds, dans la périphérie, ou sans pouvoir, mais on est dehors. Les exclus ne sont pas des ‘exploités’, mais des déchets, ‘des restes’.

             Dans ce contexte, certains défendent la théorie de la ”rechute favorable”, qui suppose que chaque croissance économique, favorisée par le libre marché, réussit à produire en soi une plus grande équité et inclusion sociale dans le monde. Cette opinion, qui n’a jamais été confirmée dans les faits, exprime une confiance grossière et naïve dans la bonté de ceux qui détiennent le pouvoir économique et dans les mécanismes sacralisés du système économique dominant. En même temps, les exclus continuent à attendre. Pour pouvoir soutenir un style de vie qui exclut les autres, ou pour pouvoir s’enthousiasmer avec cet idéal égoïste, on a développé une mondialisation de l’indifférence. Presque sans nous en apercevoir, nous devenons incapable d’éprouver de la compassion devant le cri de douleur des autres, nous ne pleurons plus devant le drame des autres, leur prêter attention ne nous intéresse pas, comme si tout nous était une responsabilité étrangère qui n’est pas de notre ressort. La culture du bien-être nous anesthésie et nous perdons notre calme si le marché offre quelque chose que nous n’avons pas encore acheté, tandis que toutes ces vies brisées par manque de possibilités nous semble un simple spectacle qui ne nous trouble en aucune façon.

     

    NON À LA NOUVELLE IDOLÂTRIE DE L’ARGENT

    pape françois,conscience,politique,Écologie humaine,foi         Une des causes de cette situation se trouve dans la relation que nous avons établie avec l’argent, puisque nous acceptons paisiblement sa prédominance sur nous et sur nos sociétés. La crise financière que nous traversons nous fait oublier qu’elle a à son origine une cris anthropologique profonde : la négation du primat de l’être humain ! Nous avons créé de nouvelles idoles. L’adoration de l’antique veau d’or (cf. Ex 32, 1-35) a trouvé une nouvelle et impitoyable version dans le fétichisme de l’argent et dans la dictature de l’économie sans visage et sans un but véritablement humain. La crise mondiale qui investit la finance et l’économie manifeste ses propres déséquilibres et, par-dessus tout, l’absence grave d’une orientation anthropologique qui réduit l’être humain à un seul de ses besoins : la consommation.

             Alors que les gains d’un petit nombre s’accroissent exponentiellement, ceux de la majorité se situent d’une façon toujours plus éloignée du bien-être de cette heureuse minorité. Ce déséquilibre procède d’idéologies qui défendent l’autonomie absolue des marchés et la spéculation financière. Pas conséquent, ils nient le droit de contrôle des États chargés de veiller à la préservation du bien commun. Une nouvelle tyrannie invisible s’instaure, parfois virtuelle, qui impose ses lois et ses règles, de façon unilatérale et implacable. De plus, la dette et ses intérêts éloignent les pays des possibilités praticables par leur économie et les citoyens de leur pouvoir d’achat réel. S’ajoutent à tout cela une corruption ramifiée et une évasion fiscale égoïste qui ont atteint des dimensions mondiales. L’appétit du pouvoir et de l’avoir ne connaît pas de limites. Dans ce système, qui tend à tout phagocyter dans le but d’accroître les bénéfices, tout ce qui est fragile, comme l’environnement, reste sans défense par rapport aux intérêts de marché divinisé, transformés en règle absolue.

     

    NON À L’ARGENT QUI GOUVERNE AU LIEU DE SERVIR

    pape françois,conscience,politique,Écologie humaine,foi         Derrière ce comportement se cachent le refus de l’éthique et le refus de Dieu. Habituellement, on regarde l’éthique avec un certain mépris narquois. On la considère contre-productive, trop humaine, parce qu’elle relativise l’argent et le pouvoir. On la perçoit comme une menace, puisqu’elle condamne la manipulation et la dégradation de la personne. En définitive, l’éthique renvoie à un Dieu qui attend une réponse exigeante, qui se situe hors des catégories du marché. Pour celles-ci, si elles sont absolutisées, Dieu est incontrôlable, non-manipulable, voire dangereux, parce qu’il appelle l’être humain à sa pleine réalisation et à l’indépendance de toute sorte d’esclavage. L’éthique – une éthique non idéologisée – permet de créer un équilibre et un ordre social plus humain. En ce sens, j’exhorte les experts financiers et les gouvernants des différents pays à considérer les paroles d’un sage antique : « Ne pas faire participer les pauvres à ses propres biens, c’est les voler et leur enlever la vie. Ce ne sont pas nos biens que nous détenons mais les leurs ».

             Une réforme financière qui n’ignore pas l’éthique demanderait un changement vigoureux d’attitude de la part des dirigeants politiques, que j’exhorte à affronter ce défi avec détermination et avec clairvoyance, sans ignorer, naturellement, la spécificité de chaque contexte. L’argent doit servir et non pas gouverner ! Le pape aime tout le monde, riches et pauvres, mais il a le devoir, au nom du Christ, de rappeler que les riches doivent aider les pauvres, les respecter et les promouvoir. Je vous exhorte à la solidarité désintéressée et à un retour de l’économie et de la finance à une éthique en faveur de l’être humain.

     

    NON À LA DISPARITÉ SOCIALE QUI ENGENDRE LA VIOLENCE 

    pape françois,conscience,politique,Écologie humaine,foi         De nos jours, de toutes parts on demande une plus grande sécurité. Mais, tant que ne s’éliminent pas l’exclusion sociale et la disparité sociale, dans la société et entre les divers peuples, il sera impossible d’éradiquer la violence. On accuse les pauvres et les populations les plus pauvres de la violence, mais, sans égalité de chances, les différentes formes d’agression et de guerre trouveront un terrain fertile qui tôt ou tard provoquera l’explosion. Quand la société – locale, nationale ou mondiale – abandonne dans la périphérie une partie d’elle-même, il n’y a ni programmes politiques, ni forces de l’ordre ou d’intelligence qui puissent assurer sans fin la tranquillité. Cela n’arrive pas seulement parce que la disparité sociale provoque la réaction violente de ceux qui sont exclus du système, mais parce que le système social et économique est injuste à sa racine. De même que le bien tend à se communiquer, de même le mal auquel on consent, c’est-à-dire l’injustice, tend à répandre sa force nuisible et à démolir silencieusement les bases de tout système politique et social, quelle que soit sa solidité. Si toute action a des conséquences, un mal niché dans les structures d’une société comporte toujours un potentiel de dissolution et de mort. C’est le mal cristallisé dans les structures sociales injustes, dont on ne peut pas attendre un avenir meilleur. Nous sommes loin de ce que l’on appelle la ”fin de l’histoire”, puisque les conditions d’un développement durable et pacifique ne sont pas encore adéquatement implantées et réalisées.

             Les mécanismes de l’économie actuelle promeuvent une exagération de la consommation, mais il résulte que l’esprit de consommation effréné, uni à la disparité sociale ; dégrade doublement le tissu social. De cette manière, la disparité sociale engendre tôt ou tard une violence que la course aux armements ne résoudra jamais. Elle sert seulement à chercher à tromper ceux qui réclament une plus grande sécurité, comme si aujourd’hui nous ne savions pas que les armes et la répression violente, au lieu d’apporter des solutions, créent des conflits nouveaux et pires. Certains se satisfont pleinement en accusant les pauvres et les pays pauvres de leurs maux, avec des généralisations indues, et prétendent trouver la solution dans une ”éducation” qui les rassure et les transforme en êtres apprivoisés et inoffensifs. Cela devient encore plus irritant si ceux qui sont exclus voient croître ce cancer social qui est la corruption profondément enracinée dans de nombreux pays – dans les gouvernements, dans l’entreprise et dans les institutions – quelle que soit l’idéologie politique des gouvernants.  

     

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    Articles 52 à 60
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  • Théorie du genre : autres éclaicissements

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    ThéorieGenre.jpg                  Les semaines écoulées ont mis en lumière, avec des débats houleux et des affrontements à la fois idéologiques et politiques, la question du genre. D’un côté, de vives critiques parfois simplistes et caricaturales et, du côté des défenseurs, se présentant avec une garantie ou un vernis scientifique, une posture consistant à disqualifier le contradicteur lui collant l’étiquette de rétrograde, conservateur irrationnel accroché à des valeurs (religieuses notamment) dépassées.

    Les enjeux du débat sont à la fois scientifiques, culturels, idéologiques et politiques et c’est pour cela qu’il est indispensable d’éclaircir les notions, de délimiter les contours de la question afin que le débat soit constructif et que chacun puisse se faire une opinion fondée.

     

    Théories, théorie et études de genre

    StéréoTypesGenres.jpg                  Une des polémiques a porté sur le nom ou le qualificatif attaché à ce courant et à ces études : théorie ? théories ? ou études de genre ? 

    Interrogation très secondaire semblable à celle qui consiste à vouloir connaître le sexe des anges ! Il s’agit bien d’un ensemble d’études portant sur le genre, le tout reposant sur un certain nombre d’hypothèses, ce qui constitue bien une théorie (soumise à la notion de réfutabilité), à moins de décréter qu’il s’agit d’une vérité définitive. Il existe de nombreuses études remontant à l’anthropologie culturaliste du début du XXème siècle mais cela ne permet pas de parler de théories (donc au pluriel).

     

    Qu’est-ce que la théorie du genre ?

    Théo du Genre.jpg                  La théorie du genre est un courant, une branche des sciences humaines, essentiellement sociologique et anthropologique, qui cherche à expliquer les différences et la répartition des rôles et fonctions masculins et féminins non par les éléments biologiques mais par la culture. Alors que le sexe est biologique, le genre est culturel et construit. À partir de la différence biologique, les cultures humaines ont établi une répartition et un ensemble de représentations de ce qui est de l’ordre du masculin et ce qui est de l’ordre du féminin. Alors qu’il existe des différences biologiques donc naturelles, il n’existerait nullement de fonctions naturelles spécifiques aux hommes et d’autres aux femmes. 

    Précisons une première chose, il est évident qu’aucun sociologue ou penseur ne peut remettre en cause la différence sexuelle, personne ne peut nier qu’il existe des hommes et des femmes ; donc l’argument consistant à prétendre que la critique de la théorie du genre est caricaturale est mal venue de ce point de vue. La critique porte sur la construction du genre : la différence de genre, le masculin et le féminin, se fonde-t-elle exclusivement sur des éléments culturels ou peut-elle reposer sur des éléments biologiques ? Bon nombre de sociologues et anthropologues estiment qu’il n’y a aucun déterminisme biologique. Voilà un premier postulat qui peut être critiqué. 

    Le deuxième postulat est que les différences produisent systématiquement des inégalités, inégalités qui soumettent les femmes à des fonctions subalternes. 

    Maintenant que le décor est planté, les interrogations liées à cette théorie et ses enjeux peuvent être abordés de manière rationnelle et sereine.

     

    La théorie du genre au service de l’égalité et contre les discriminations

    ThoG HomFemCervex.jpg                  Les sociologues et les anthropologues spécialistes du genre ont très souvent, dans leurs études, démontré qu’il existait une discrimination et des inégalités entre hommes et femmes reposant sur une prétendue différenciation naturelle, prétexte à une véritable domination des hommes sur les femmes. Ce qui irait parfois de soi cache une réelle domination masculine : emplois réservés aux hommes, relégation dans la sphère privée pour les femmes prédisposées à prendre soin de la famille, incapacités de ces dernières à remplir certaines fonctions (dirigeantes politiques, cadres dirigeants d’entreprises...), etc. 

    Si la théorie permet de déconstruire la réalité sociale de manière à permettre une plus grande égalité effective, cela ne peut être qu’une bonne chose, puisque ce principe est à la base de l’idéal démocratique. Si, en revanche, il s’agit de nier l’altérité homme-femme, et de prétendre que la définition de l’identité sexuelle peut être librement choisie, sans influence sociale et culturelle aucune, nous franchissons le pas consistant à passer de la science à l’idéologie. De même, lorsqu’on prétend servir la science en affirmant, comme si cela était une vérité, qu’il n’existe pas de différences entre les hommes et les femmes à l’exception des organes génitaux.

     

    De la différence, de l’inégalité et de la domination

    Pas leur Genre.jpg                  Une des hypothèses de base de nombreux chercheurs sur la théorie du genre est de considérer qu’à l’origine des inégalités il existe la (prétendue) différence entre les hommes et les femmes ; nulle complémentarité entre les sexes, toute différence ne peut conduire qu’à des discriminations. 

    Ce paradigme de lecture, d’inspiration marxiste souvent, place les relations sociales sous l’angle de la domination, qu’il s’agisse de la stratification sociale ou des relations entre les hommes et les femmes. C’est à la lumière de cette hypothèse que, par exemple, Pierre Bourdieu a analysé la société kabyle et les inégalités de genre à travers la « domination masculine ». Or ce postulat de départ semble contestable et certainement empreint d’une certaine idéologie ; le primat de l’individu (depuis les philosophes des Lumières) et la passion de l’égalité (Tocqueville) conduisant à l’interchangeabilité des individus. 

    L’égalité doit-elle passer par l’indifférenciation ? Les rôles et les fonctions spécifiques à chacun des deux sexes sont-ils voués à disparaître ? Cette interchangeabilité est-elle garante d’une plus grande égalité et d’une réduction des discriminations ? 

    En réalité, cette vision n’a rien de scientifique au niveau tant biologique que sociologique et humaniste, il s’agit tout bonnement d’un arbitraire, d’un paradigme, d’une idéologie qui veut se hasarder à remplacer une répartition des rôles certes parfois injuste mais qui érige la différence sexuelle comme norme sociale et culturelle universelle. Cette universalité est déjà un argument en faveur de la différenciation des sexes tant au niveau biologique qu’au niveau de certaines aptitudes qui peuvent en découler. 

    En conclusion, tout n’est pas biologique, loin de là ; mais tout n’est pas construit non plus. Par hypothèse, on peut dire que ce qui est partagé par l’ensemble de l’humanité dépasse le simple cadre de la culture et relève par conséquent du naturel. C’est aux défenseurs du tout culturel d’apporter la preuve contraire.

     

    Théorie du genre, idéologie et politique

    ThéoGenreDécryptageFJL.jpg                  La polémique autour de la théorie du genre a pris de l’ampleur à partir du moment où la question de l’identité sexuelle s’est posée. 

    L’identité de genre et, par voie de conséquence, l’identité sexuelle sont-elles l’objet d’un libre arbitre et jusqu’à quel point ? Autrement dit, peut-on être de sexe masculin ou féminin et se vivre et se définir autrement que par son sexe biologique ? La théorie du genre ouvre une brèche dans laquelle certains vont s’engouffrer, afin de remettre en cause non seulement la répartition des fonctions mais aussi l’hétérosexualité comme norme sociale et modèle de référence. 

    La théorie du genre est non plus simplement un cadre théorique, mais un instrument politique et idéologique permettant de défendre des thèses féministes, homosexuelles et transgenres. Il suffit pour s’en convaincre de vérifier l’engagement et les combats politiques de certains chefs de file de la théorie du genre. Il en est ainsi, par exemple, des travaux précurseurs de Margaret Mead (1901-1978), féministe hostile aux valeurs conservatrices américaines du début du siècle, dont les conclusions ont été critiquées parce que parfois caricaturales, simplistes et orientées. 

    Il est donc indéniable que l’utilisation de la théorie du genre sert autant une cause (la reconnaissance sociale et juridique de toutes les identités et orientations sexuelles) qu’une politique (volonté des progressistes d’opérer une révolution des mentalités, en rééduquant les enfants dès le plus jeune âge). Remarquons que, sous prétexte de défendre une certaine vision de l’égalité, nos hommes et femmes politiques recourent à de « subtils » arguments : favoriser l’augmentation du nombre de maçonnes et de femmes éboueurs (voir les ”ABCD de l’égalité”) ! Drôle de manière de faire la promotion de l’égalité et de lutter contre les discriminations. 

    Pour notre ministre de l’Éducation, cela permettra d’occuper des emplois disponibles par des femmes qui s’interdisent certains métiers. En conséquence, cela signifie modeler les hommes et les femmes pour se mettre au service de l’économie ! Pour un homme de gauche, c’est une totale hérésie. Cela dénote tout bonnement les incohérences des idéologues et les impasses auxquelles peuvent nous mener certaines lectures de la théorie du genre

    Les études de genre ont une grande utilité au niveau tant scientifique que sociétal, permettant le dévoilement des soubassements de la réalité sociale et notamment les inégalités dans les relations sociales dont sont souvent victimes les femmes. Cette branche des sciences humaines soulève davantage de questionnements qu’elle n’apporte de réponses et c’est certainement cela le plus salutaire. 

    Comme tout savoir, elle éveille les consciences, nous éclaire sur notre système social et sur les comportements individuels en faisant des individus des sujets plus libres. Il serait dommageable et condamnable que des idéologues exploitent ces études de manière à soutenir des thèses et un projet de société rejetés par une majorité. 


    10341837_10203582114250871_5270500298182912699_n.jpgDJILALI ELABED
    Enseignant en sciences économiques et sociales, Lyon

    Article publié dans saphirnews.com, le 6 mars 2014

     

     

     

  • Le genre à l'école (Ludovine de la Rochère #5oct14)

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    Chers compatriotes,

     

    ABC égalité.jpg         Benoît Hamon (que Najat Vallaud-Belkacem remplace) prend les français pour des crétins. Pourquoi ? Parce que ”ABCD de l’égalité”, ”plan égalité”, c’est bonnet blanc et blanc bonnet. C’est même encore pire. Pourquoi ? Parce que Benoît Hamon et Mme Najat Vallaud-Belkacem ont dit qu’ils allaient étendre ce plan à tous les niveaux scolaires, de la maternelle au baccalauréat, et à toutes les disciplines, puisque les programmes scolaires sont en cours de refonte. On va en fait beaucoup plus loin.

             Alors quel est le problème ? L’égalité, c’est formidable, on est tous pour, bien entendu. La question qui nous préoccupe est le contenu réel de ce ”plan égalité”.

    ThéoGenreDécryptageFJL.jpg         Premier point : quand on se plonge dans ce contenu, on découvre que tout ce qui est féminin est dévalorisé. Tout ce qui est féminin est considéré comme moins bien. Quel est l’objectif ? L’objectif est que la femme soit un homme comme les autres. Exemple : il est dit, notamment, que ”quand on joue au ballon” on peut mesurer, évaluer la force et la réussite de ce que l’on fait. Et ”quand on joue à la poupée” rien n’est en jeu. Vous voyez tout simplement que ce qui est féminin est déconsidéré. C’est parfaitement anti féministe.

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             Deuxième point : il est demandé aux enseignants de considérer leurs élèves comme des êtres neutres, absolument neutres. Et eux-mêmes, de manière neutre. Par exemple, dans la grille d’auto-évaluation de l’académie de Créteil, il est demandé à l’enseignant de s’interroger lui-même : « Fais-je référence à mon appartenance sexuelle ? À celle des élèves ? ». Ainsi, l’enseignant doit faire comme s’il avait devant lui ni garçon ni fille, comme si lui-même n’était ni homme ni femme. Il ne doit même pas l’évoquer. On est dans le déni de la réalité humaine.

             Troisième point : ”Déconstruire les stéréotypes de genre”. Une expression difficile à comprendre, et par-là, on enfume les français. Alors moi je vais la décrypter : déconstruire, cela veut dire démolir. Peut-on démolir, alors que nous avons tous à nous construire nous-mêmes, à commencer par les enfants, bien sûr, et à construire notre société et son avenir ?

    StéréoTypesGenres.jpg         ”Les stéréotypes de genre” : voilà une expression des gender studies (études de genre). L’identité de genre est une identité floue, ambiguë. L’identité de genre est ce que je ressens, est ce que je me sens être, c’est subjectif. On ne peut pas se fonder là-dessus pour se comprendre.

             Je vais parler des ”stéréotypes sexués”, une notion plus objective. Les ”stéréotypes sexués” sont toutes les manifestations, les signes de notre féminité et de notre masculinité. C’est ainsi que nous savons qui est notre interlocuteur, c’est ainsi aussi que nous sommes nous-mêmes compris par notre interlocuteur. Autrement dit, ce sont des repères fondamentaux dans les relations humaines pour vivre ensemble et pour vivre avec soi-même. Donc, déconstruire les stéréotypes c’est catastrophique.

             Il est vrai qu’il y a quelques stéréotypes sexistes et il faut les combattre. Mais de manière générale, vouloir déconstruire les stéréotypes de genre - comme ils disent - c’est très grave. Surtout auprès des jeunes enfants.

              Je vous invite donc à continuer à signer la consultation nationale de La Manif Pour Tous. Vous la trouverez sur le site internet www.lamanifpourtous.fr.

             Je renouvelle aussi mon invitation à réserver votre week-end du 4-5 octobre prochain. Cochez dans votre agenda. Nous allons vous appeler à descendre massivement dans la rue. Nous devons obtenir le retrait de toute intrusion de l’idéologie du genre à l’école. Le genre n’a rien à faire à l’école : ni à la maternelle, ni au collège, ni au lycée.

             Je vous remercie. Rappellez-vous : on ne lâche rien, jamais.

               LUDOVINE DE LA ROCHÈRE

    Vidéo du Décryptage du « Plan égalité » : Esther Pivert – Coordinatrice de VIGIGENDER.        

     

     

         

              

  • Français, musulman et patriote ? Camel Bechikh à Lyon

    Lien permanent

    La Vaillante  a adapté à l'écrit la retranscription faite par Fils de France de la conférence filmée que donna Camel Bechikh à Lyon, en janvier 2014. Vous retrouverez les interventions publiques de Camel Bechikh retranscrites sur la page Une raison d'espérance.

     

    http://www.filsdefrance.fr/Bonsoir, merci pour votre présence, merci à l'ensemble de l’équipe de Fils de France de Lyon d'avoir organisé cette soirée. Depuis deux années d'existence de Fils de France, c'est la première fois que nous venons en province, très heureux de commencer par Lyon, sachant que pour nous, Lyon est un des terrains les plus difficiles en France pour tout un ensemble de raisons que j'évoquerai peut-être tout à l'heure. Si vous le voulez bien, je ne vais pas énormément parler mais plutôt laisser libre les questionnements de façon à ce que nous puissions tordre un peu la ligne Fils de France tout en étant, je l'espère, critique. Que je puisse être stimulé par vous, pour essayer de répondre à tout ce qui n'est pas forcément clair dans vos esprits. J'imagine qu'il doit y avoir pas mal de points d'interrogations sur ce qu'est cet objet un peu non identifié dans le champ métapolitique qu'est aujourd'hui Fils de France. Donc, je fais une présentation relativement succincte et je vous laisse la parole pour discuter sur les points obscurs de Fils de France.

     

    Pour faire simple, Fils de France qu'est-ce que c'est ? Tout à l'heure, je suis allé faire la prière du vendredi dans une mosquée de banlieue. Quelques personnes m'ont reconnu, une conversation s'est engagée avec des personnes qui ne me connaissaient pas du tout et me disaient : « Qu'est-ce que Fils de France ? ». D'après les aspects vestimentaires, on ne peut pas dire qu'ils étaient "clients" potentiels de Fils de France : ils étaient assez lookés qamis, etc... J'ai donc commencé à expliquer… La ligne de Fils de France est relativement simple : c'est de dire que l'individu dans son identité est composé de plusieurs lignes : une ligne nationale, une ligne ethnique, une ligne religieuse, etc… Et que nous, à Fils de France, nous avions le désir ardent de distinguer ce qui relevait du culte de ce qui relevait de la culture. Pour quelles raisons ? Parce que dans un contexte d'immigration relativement important, comme a été celui de la France dans les années soixante-dix et quatre-vingt, le fait qu'une population importante extra-européenne et extra-chrétienne se retrouve à l'intérieur de l'Hexagone, a questionné les identités des uns et des autres et donc produit aussi un certain nombre de tensions. Dans la volonté de faire baisser ces tensions, l’idée était simplement de dire que l'on pouvait être musulman dans son identité spirituelle, et totalement français dans son identité culturelle. Lorsque nous disons cela, nous répondons à un certain nombre d'acteurs du moment qui insistent dans les revendications sociales, notamment en convoquant l'islam, ou dans un certain rapport à la mémoire où l'on convoque encore la religion musulmane. L'islam se retrouve donc mêlé à des revendications tout à fait légitimes, par une partie des acteurs de quartiers qui, dans leur islamité, combattent les injustices sociales. Or, nous, nous disons que l’appartenance à une strate sociologique ne relève pas de la confession. On peut être riche et musulman et on peut être pauvre et catholique. Constamment amalgamer l'idée de l'islam et de sa condition sociale enferme l'image musulmane dans une stratification sociale, tandis que l'islam est une idée universelle.

     

    Pareillement concernant la mémoire. Notamment concernant la guerre d'Algérie et la mémoire du colonialisme en général ­­─ d'ailleurs c'est pour cela que Lyon est un terrain peu aisé pour Fils de France, puisqu'une grande communauté algérienne est présente. L'Algérie et la guerre d'Algérie en particulier sont souvent amalgamées à l'identité religieuse. Or, tous les musulmans ne sont pas fils ou petits-fils de résistants algériens et tous les résistants algériens n'étaient pas musulmans. Il y a eu un nombre conséquent de communistes, notamment durant la guerre d'Algérie. Ainsi, des français de vieille souche se sont engagés corps et âmes pour l'indépendance de ce pays et qui sont d'ailleurs aujourd'hui considérés comme des résistants. Que l'on soit dans le social, que l'on soit dans l'historique ou dans tout un tas de revendications, il y a un amalgame malheureux entre une identité spirituelle et une condition, une trajectoire sociale. Á Fils de France, nous avions ce désir ardent de distinguer tout cela en disant que oui, nous pouvons être musulman et pas forcément lié à ces trajectoires de revendications sociales ou historiques. Pourquoi ? Parce que la France s'est créée sur des régions aux cultures fortes et qu'elle possède une culture, même si elle est très malmenée en ce moment par cette américanisation rampante qui déstructure des habitudes bien françaises. Cette identité française demeure forte. Maintenir une sorte de fantasme des origines maghrébines ou arabes au fur et à mesure des générations n'avait pas de sens avec la réalité. Vous allez avoir des gens qui revendiquent une appartenance, par exemple, et de manière très pompeuse, à l'Algérie ou au Maroc, mais qui finalement vivent en France de façon bien, ou relativement bien, mais n'émettent pas l'idée du retour dans les pays d'origine. Là encore, l'islam est convoqué comme un adjuvant ou un additif identitaire alors que ce n'est finalement pas son rôle. En terme de perception pour le français de vieille souche, de ce fait religieux à travers ces revendications sociales, à travers la (sur)revendication des origines, etc… cela pose d'énormes points d'interrogations. Si on y ajoute les tensions internationales dues aux différentes guerres du Golf, d'Afghanistan et éventuellement l'aspect belliqueux de certains groupes musulmans, on a un paysage islamique français extrêmement hétérogène mais composé uniquement de trains qui arrivent en retard, en négligeant et en ignorant par une sélection involontaire, tous les trains qui arrivent à l'heure.

     

    Finalement, les trains qui arrivent à l'heure sont tous ces jeunes musulmans français socialisés, de manière tout à fait classique, par l'école républicaine, la télévision, les groupes d'amis, etc… qui ont une islamité soit héritée, soit culturelle, soit pratiquante, et parfois même littéraliste, mais qui n'éprouvent pas de contradictions entre leur identité culturelle et leur identité cultuelle, qui assument tout à fait le fait d'être culturellement français, même si ce culturellement français pose énormément de points d'interrogations dans un contexte de mondialisation destructrice pour les identités culturelles. Donc, ne voyant pas ces trains qui arrivent à l'heure, ne voient pas de contradictions notoires entre le fait de l'identité musulmane et de l'identité française.

     

    Ensuite, on va dire : « Oui, mais il y a des incompatibilités fortes entre la dimension musulmane, qui lie la foi et la loi, et la dimension laïque et française. » Ce sont, je pense, de petites questions auxquelles on peut très simplement et très facilement répondre s’il y a une mise en perspective de ce qu'est l'islam dans son processus d'acculturation, de transmission, ou de passage dans des cultures diverses et variées et la tradition monarchique et républicaine française, qui a toujours fait sa place à l'altérité, qu'elle soit ethnique ou même religieuse.

     

    Puisque l'islam est à la fois un système éthique et à la fois religieux et politique, comment peut-il s'adapter au contexte laïcisé, sécularisé, qu'est le contexte français républicain ?

     

    http://www.filsdefrance.fr/La religion musulmane a produit une civilisation qu'on a appelée la civilisation musulmane, islamique. Il faut juste distinguer l'islam avec un i minuscule de l'Islam avec un I majuscule. L'islam avec un i minuscule est cet ensemble religieux, universel, qui est une spiritualité. L’Islam avec un I majuscule est l'islam de la civilisation musulmane qui commence avec les omeyades, pour faire simple, donc dynastique, etc… Pourquoi l'islam est-il devenu un système politique ? Parce qu'à l'époque, et les chrétiens avant les musulmans, on imbriquait le religieux dans le politique. La conversion de l'empereur Constantin au christianisme aboutit à ce que l'Empire byzantin, qui était païen, ait pour religion le christianisme. Les musulmans, dans ce contexte-là, ont créé un empire en calquant leur système de gouvernance sur l'Empire byzantin. C'est donc une occurrence historique qui produit un système. Le système califal, où le politique et le religieux s’imbriquent, n'est pas un système qui rencontre la profondeur des textes musulmans, pas du tout. C’est simplement une rencontre avec une donnée politique, historique de l'époque. Et les musulmans ont adopté cette manière de fonctionner qui avait été adoptée par les chrétiens eux-mêmes. Le processus de sécularisation, donc de distinction du religieux et du politique, existait malgré tout puisque les théologiens étaient consultés par le pouvoir politique, mais n'étaient pas le pouvoir politique. Le système califal, dynastique, consultait les théologiens mais les théologiens n'étaient pas les tenants du pouvoir. Je dirais que cette idée que l'islam ne distingue pas le système politique du système religieux est une extrapolation de ce qu'a été l'Islam avec un I majuscule dans un cadre historique particulier. C'est ce qui fait dire à un nombre de théologiens, aujourd'hui, que la possibilité de réinventer les systèmes de gouvernance dans les pays musulmans ou chez les musulmans en tant que minorité dans les pays non-musulmans est constamment en mouvement. Il n'y a donc pas de système arrêté.

     

    Quelle est la position de Fils de France sur l'islam de France ?

     

    http://www.filsdefrance.fr/L'islam est né dans un pays arabe qui s'appelle la péninsule arabique. Le Coran a été révélé en arabe à un Prophète arabe. Mais c'est un message universel : il y a une réalité anthropologique de ces primo musulmans qui se situe dans l'arabité. Mais le message étant universel, il va très vite dépasser cette arabité et va rencontrer un ensemble de cultures, de races, d'ethnies, de langues extrêmement différentes. Á tel point qu'aujourd'hui, les arabes ne sont qu'un cinquième de la population musulmane mondiale. Quoi de commun entre un malien et un indonésien ? Manifestement, du point de vue culturel, ils s'habillent différemment, ils mangent différemment, ils parlent différemment, ils pensent différemment. Mais si vous les mettez ensemble pour accomplir la prière de midi, de Dohr, ils feront quatre unités de prière tous les deux. Parce que la mécanique religieuse, qu'elle soit liée à l'orthodoxie ou à la pratique, sont identiques quel que soit le lieu où l'on se trouve.

     

    Mais quand on parle d'un islam de France, à Fils de France, on parle même d'un islam français car nous percevons trois étapes. Nous parlons d'abord d'un islam en France qui est l'islam de nos parents : c'est-à-dire que ce sont des gens qui ont vécu vingt ans, trente ans dans le sud de la méditerranée et qui arrivent en France avec une identité religieuse, mais qui est cantonnée à leur culture façonnée par leur vie au Maroc, en Algérie ou en Afrique subsaharienne, en Tunisie, en Turquie, etc… Ensuite, il y a ce que nous appelons l'islam de France : c'est l'islam de leurs enfants, qui commencent à composer avec un environnement nouveau qui accueille une foi nouvelle (nouvelle avec beaucoup de guillemets parce qu'en vérité la France et l'islam connaissent une relation historique bien plus importante que cela). Pour la première fois, massivement, des musulmans vont commencer à réfléchir aux concepts de laïcité, de république, de citoyenneté en les liant, en les confrontant à leur identité religieuse. Nous appelons cela un islam de France. C'est le moment où l'on va tenter d'aménager la rencontre entre cette foi musulmane, cette pratique musulmane et les concepts forts qui font la République française. Et en troisième lieu, nous à Fils de France, nous parlons d'un islam français. L'islam français, c'est celui qui ne se pose plus la question. Je suis musulman, je prie cinq fois par jour. Comme je mange trois fois par jour pour nourrir mon corps, je prie cinq fois par jour pour nourrir mon âme. Ma dimension spirituelle, ma dimension verticale sont intrinsèquement musulmanes. Mais, mon horizontalité, ma socialisation, mes codes culturels, mes codes d'interactions sont inscrits, sans que je me pose la question, puisque c'est un fait j'ai grandi avec, dans la culture française. Il n'y a plus de question posée entre cette verticalité eschatologique, spirituelle ─ pour certains qui en ont la chance, mystique ─ et cette horizontalité culturelle, française. Avec, pour caricaturer à outrance, la baguette et le béret. Baguette et béret avec un mois de jeûne annuel et mes cinq prières par jour. Ça c'est l'islam français.

     

    N’avez-vous pas peur que cet islam français dénature le message authentique de l'islam?

     

    http://www.filsdefrance.fr/C'est un islam français qui est encadré, il n'est pas anarchique. Il est encadré par les théologiens qui ont la capacité de distinguer ce qui peut être acculturé de ce qui ne doit pas l'être. Si on est en France, on priera cinq fois par jour, que l'on soit à New-York, à Médine ou à Bamako, les prières canoniques sont inscrites cinq fois par jour. On peut les faire ou ne pas les faire, ce n'est pas la question. L'orthodoxie musulmane est valable pour l'ensemble des musulmans. Notre spécificité c'est d'être, de vivre et de respirer français et d'aimer notre pays la France avec une spiritualité qui est musulmane. Alors on me dira : « Mais cette spiritualité est étrangère à la culture française ». Je réponds : « Oui, mais le christianisme n'est pas né au Mont St Michel. Le christianisme lui-même est un produit proche-oriental ou sémite. » Il n'y a finalement pas d'opposition entre les deux.

     

    Je vais vous donner un exemple très clair de la plasticité. C'est très important cette idée de plasticité. L'islam est quelque chose d'extrêmement plastique, il a une forte capacité d'adaptation aux cultures que la religion musulmane rencontre. Cette forte capacité d’adaptation se traduit notamment par quelque chose d'important qui est le mariage. Le mariage est une pratique sociale, universelle, à tel point même qu'on nous a fait le "Mariage pour Tous" maintenant. Ce mariage entre un homme et une femme en islam possède quelques conditions. La première condition est l'acceptation mutuelle : le fait que l'homme veuille se marier avec cette femme et que cette femme veuille se marier avec cet homme. Quand on parle de mariage forcé islamique, on est déjà dans l'antinomie de ce qu'est la religion musulmane qu'on amalgame souvent avec des traditions, de malheureuses traditions. Donc, d’abord, l'acceptation mutuelle. Ensuite, la dote : qui peut être presque symbolique. Et les témoins : en islam, contrairement au catholicisme, le mariage n'est pas un sacrement. Le mariage est un contrat entre deux personnes en vue de vivre ensemble et de procréer. Si nous sommes dans un cadre contractuel, il faut que le contrat puisse être respecté, que les deux parties puissent faire respecter leurs droits et devoirs : il faut donc un cadre légal. Au début des années quatre-vingt-dix, un ensemble de théologiens se sont réunis en disant : « Mais puisque la finalité de la jurisprudence musulmane dans le mariage est de faire respecter les droits et devoirs de l'époux et de l'épouse, seul un cadre légal peut assurer la finalité de la jurisprudence musulmane. » Ce n'est donc pas symboliquement le mariage devant un imam qui fera foi puisque la loi ne le reconnaît pas. C'est donc le mariage à la mairie qui devient le mariage musulman. Parce que seul le mariage à la mairie propose un cadre contractuel qui respecte la finalité de ce contrat de mariage, qui est de faire respecter les droits et devoirs de l'époux et de l'épouse. C'est un petit exemple de processus d'acculturation. Je pourrais vous en produire peut-être des dizaines qui exposent cette plasticité de la religion musulmane. Et souvent, nous sommes dans une position très identitaire aujourd'hui en France. Il faut aussi analyser ça à l'aune d'une psychologie sociale. Car être fils d'immigré c'est être quelque part déraciné et en voie d'enracinement. Cette période de fragilité identitaire, souvent, pousse à une forme de rigidité identitaire. D'où la convocation de l'islam, parfois, comme objet de protestation, notamment.

     

    Fils de France semble proche d'une certaine mouvance de droite. Peut-on en déduire que Fils de France est de droite et en quoi seriez-vous de droite ? Et est-ce que vous avez rencontré des résistances de certains partis ?

     

    http://www.filsdefrance.fr/La ligne de Fils de France a été fondée il y a deux ans par les membres fondateurs. L'idée principale étant le patriotisme français. Donc, nous nous plaçons à droite puisque historiquement la droite est héritière de ces valeurs catholiques, du point de vue de la morale. Mais la droite est aussi, si je schématise à outrance, le réceptacle du néolibéralisme, ou du libéralisme, ou du capitalisme, contre lequel nous nous plaçons en porte à faux puisque souhaitant une résistance de la culture française face à cette mondialisation. Nous savons très bien que c'est le néolibéralisme, la marchandisation à outrance qui détruit les cultures en les uniformisant. Donc nous serions plutôt de ce point de vue-là "social" ou dans un capitalisme social à la De Gaulle. C’est-à-dire un entreprenariat qui ne soit pas bridé mais qui ne devienne pas le centre de la vie du pays. Une économie au service des français et non pas des français au service de quelques patrons. Je ne vais pas reprendre le célèbre slogan "droite des valeurs, gauche du travail"… mais on n'est pas très loin.   

     

    Y a-t-il vraiment une possibilité d'ouverture avec le Front National ?

     

    http://www.filsdefrance.fr/Lorsque je me déplace au Front National (Idée Nation est une composante du Front National) je me déplace chez des gens qui sont islamo-sceptiques, voire islamophobes. Et islamophobe, ça veut dire qu'ils craignent l'islam. Pour certains qu’ils détestent l'islam. Et lorsque les journalistes me disent : « Mais pourquoi allez-vous chez Idées Nation ? Ne pensez-vous pas créditer le Front National d'un musulman de service qui viendrait jouer le rôle de valider quelque part leur ligne ? ». Je réponds : « Pas du tout ». Je dis, si moi je dois dialoguer, si moi j'ai choisi de me battre dans ce pays pour apaiser les tensions… Parce que je pense que fondamentalement plus les français seront divisés plus la France sera faible ; et plus la France sera faible et plus elle risquera de se noyer dans la mondialisation ; et plus elle se noiera dans la mondialisation, plus nous perdrons l'héritage de ce que des générations et des générations d'hommes et de femmes en France nous ont légué. Et ça, on n'a pas le droit de le faire. Donc moi, quand je me déplace chez Idées Nation ou ailleurs, je le fais dans un esprit de dialogue. Je ne vais pas dialoguer avec celui qui est d'accord avec moi, ça n'a aucun sens. Je vais dialoguer avec celui qui me craint, qui me redoute, celui qui me déteste, celui qui me hait, celui avec qui j'ai absolument besoin de parler. Lorsque je me déplace chez des gens qui sont très hostiles à l'islam, aux musulmans, je le fais dans le cadre de l'apaisement, pas dans le cadre d'aller signer un bulletin d'adhésion. Je suis musulman, ça n'échappera à personne, mais Dieu a parlé avec tout le monde même avec le diable, c'est vrai ou c'est pas vrai ? Il y a bien un dialogue entre le diable et Dieu dans le Coran. De plus, je pense que c'est très utile, car souvent les rapports humains permettent de lever beaucoup d'amalgames, de fantasmes, etc…  

     

    Avez-vous rencontré des résistances dans ces milieux de droite, à part le FN ?

     

    http://www.filsdefrance.fr/Non. Même à Idées Nation où la salle était aussi importante que celle-là. Vous savez qu'à la fin de mon intervention, des personnes ont rendu leur carte du FN. Et à côté de ça, j'ai été applaudi quelques fois quand même, et moi je n'ai pas vendu mon identité. Avant la conférence j'étais musulman et après je l'étais toujours. J'ai simplement exposé ce que nous à Fils de France nous avions à dire.

     

    Et avec les monarchistes aussi ?

     

    Oui, avec l'ensemble des courants de droite ou de droite nationale, je n'ai pas rencontré de résistance.

     

    Le prosélytisme fait-il vraiment parti du code génétique de l'islam ? Quel avenir pour nous chrétiens quand on voit cet islam progressant et menaçant ?

     

    http://www.filsdefrance.fr/Vous parlez de l'aspect "missionnaire" ? Qui existe d'ailleurs dans le christianisme et dans l'islam, et pas dans le judaïsme. Je ne suis pas le porte-parole des musulmans de France, loin s'en faut. Mais je crois qu'avant d'envisager l'aspect missionnaire vis-à-vis des autres confessions, ou en dehors des musulmans de France, il y aurait déjà beaucoup à faire au sein des musulmans de France eux-mêmes. En termes de réapprentissage de la foi profonde et du dépassement identitaire, dont je parlais tout à l'heure. Est-ce que les musulmans de France ont des velléités missionnaires ? Je pense qu'il y a des musulmans de France qui ont cette envie de partager leur foi et donc deviennent prosélytes. Mais je ne crois pas que six millions de musulmans en France soient des missionnaires patentés. Je crois que la plupart des musulmans de France vivent paisiblement leur foi, tentent très difficilement de la transmettre à leurs enfants, qui eux-mêmes tentent de la transmettre à leurs enfants, dans un environnement qui est quand même très hostile à la foi et à la morale, qu'elle soit catholique ou musulmane. Avant d'aller chercher en dehors de sa communauté respective, il y a tant à faire à l'intérieur. Déjà à l'intérieur de soi-même : demeurer fidèle à ses engagements, ce qui n'est pas simple, au sein de sa famille, puis au sein de la société ou de la communauté à laquelle on appartient. Mais, en effet vous avez raison, l'islam contient une partie qui est liée à la transmission. Maintenant, l'exposition de ces principes musulmans est d'avantage dans le fait du témoignage, de témoigner de sa foi. C'est comme si vous me posiez la question sur le djihadisme. Je vous dirais oui, la notion de djihad, notamment intérieur, fait partie de l'islam. Qu'il y ait une minorité de musulmans qui la comprenne pour aller en découdre au Proche-Orient, oui cela me semble inévitable. Mais cela reste extrêmement fragmentaire, minoritaire, et ne remet pas en cause l'équilibre global, je pense, de la relation entre la majorité chrétienne, catholique, en espérant qu'elle le reste, car la plus grande menace pour la majorité chrétienne et catholique, je ne crois pas que ce soit l'islam. C'est davantage le consumérisme et une certaine laïcité militante, agressive à l'endroit du catholicisme.

     

    Je crois au contraire que l'islam peut renforcer l'identité chrétienne de la France comme les chrétiens peuvent renforcer l'identité musulmane, à condition qu'il y ait cette logique, cette compréhension fondamentale de valeurs qui unifient.

     

    Que pensez-vous d'un certain aspect "belliqueux" de certaines sourates du Coran ?

     

    http://www.filsdefrance.fr/Je ne suis pas théologien, mais je sais que dans le Coran, il y a des versets principiels qui sont des principes ; et des versets contextuels, donc uniquement liés au moment coranique. Les versets belliqueux sont des moments où il y a eu des tensions entre les tribus chrétiennes, juives et musulmanes. Quand on me dit ça, je réponds que d'une part les musulmans lisent très très peu le Coran. Le Coran n'est pas un livre central chez les musulmans, il ne faut pas rêver. Cela fait partie des fantasmes de penser que les musulmans lisent le Coran, le liraient tous les jours, intégralement et le comprendraient. C’est absolument faux. Je ne sais combien il y a de musulmans dans cette salle, je ne vais pas faire un sondage, mais si je demandais de lever la main à ceux qui ont lu le Coran une seule fois dans les six mois derniers, il n'y aurait pas beaucoup de mains qui se lèveraient. Ce n'est pas parce qu'un texte possède des mots que ce texte se traduit par des comportements. Si je dis " qu'UN SANG IMPUR ABREUVE nos SILLONS !", de fait le texte est violent "du sang" " impur" et qui abreuverait des sillons. L'image est hyper violente mais cela ne fait pas des français des zigouilleurs patentés. En effet, dans l'hymne nationale, il y a un couplet qui est assez fort du point de vue de la violence. Mais les français sont-ils nourris par ce couplet de la Marseillaise dans leur manière de vivre au quotidien et même au-delà ? Je ne le crois pas.

     

    Il faut quand même distinguer ce qui relève de la réalité des comportements de ce qui est l'œuvre, d'ailleurs, des exégètes, de quelques versets du Coran, très contextuels à l'endroit de la violence.

     

    Mais la Marseillaise a été écrite par des hommes et le Coran par Dieu. Pourquoi Dieu s'arrêterait-il à des événements contextuels ?

     

    http://www.filsdefrance.fr/Il y a des versets qui sont abrogés dans le Coran car ils relèvent uniquement du contexte, du moment coranique. Mais je le redis : est-ce que le comportement aujourd'hui des musulmans que vous côtoyez au quotidien est imprégné de ces quelques versets dont on nous parle tout le temps, en ignorant d'ailleurs tous les autres versets qui parlent d'amour, de miséricorde, de partage, de générosité, de véracité, de magnanimité, etc... ? Il y a une focalisation qui me semble disproportionnée, hypertrophique, sur quelques versets qui ne se révèlent pas être une réalité dans le quotidien des six millions de musulmans en France, et même ailleurs. Et si l'on veut partir de là, je peux dire que l'histoire du christianisme aussi a été truffée d'épisodes d'une violence rare. Je ne vais pourtant pas stigmatiser ou mettre à l'index la spiritualité catholique qui a donné St Thomas d'Aquin, Jean Chrysostome, St Jean de la Croix, Charles de Foucault, Marthe Robin (que j'explore en ce moment). Il faut être honnête dans son approche : on ne peut pas envisager quelques lignes qui ne se reflètent pas dans le quotidien des musulmans et ignorer la majorité des textes scripturaires : Coran et hadiths, et les textes des théologiens ou des spiritualistes soufis qui ont mis l'amour au centre de tous les comportements. Pourquoi ne nous parle-t-on pas des versets liés à l'amour, à la miséricorde, à la générosité ? J'entends ce que vous dites Monsieur, mais de fait, il y a une sélection des textes musulmans qui vont souvent dans un sens plutôt que dans un autre.

     

    Ce sont les théologiens qui ont abrogé les textes parlant d'amour.

     

    http://www.filsdefrance.fr/Ce que vous dites n'existe pas. Les théologiens n'ont pas abrogé les versets parlant d'amour. Je ne sais pas où vous avez entendu ça. Je ne sais pas par quel canal vous êtes entré en connaissance avec l'islam. Souvent, les gens qui ont cette approche d'un islam violent, dénué d'amour, ont des sources bibliographiques très antimusulmanes. Elles existent, mais il y a aussi celles qui sont plus rationnelles que nous allons trouver chez Louis Massignon, Laoust, Sourdel, etc… qui ont été les grands islamologues français. Mais ceux-là, bizarrement, on ne les lit plus. On lit volontiers les quelques pamphlets antimusulmans et ça devient la seule porte d'entrée pour comprendre la religion musulmane. C'est comme si moi, pour m'intéresser au catholicisme, je passais par la porte d'entrée des libres penseurs, de l'anticléricalisme, des bouffeurs de curés et je me dirais : « Ben dis-donc, le catholicisme c'est ça ?! » Évidemment, si on s'intéresse à un fait religieux par ceux qui le combattent, ple dénigrent, le détestent, évidemment, on va aboutir à une vue de ce fait religieux très orienté.

     

    Mais il n'en reste pas moins que cette littérature très antimusulmane demeure extrêmement minoritaire à l'intérieur de l’ensemble de ce qu'a fourni l'orientalisme depuis le XIXème siècle.

     

    Peut-on admettre de la violence, car la violence fait aussi partie de la réalité humaine ?

     

    http://www.filsdefrance.fr/On peut tout relativiser. Mais aujourd'hui, l'actualité internationale est très anxiogène pour ceux qui ne sont pas musulmans en France, parce qu'ils ne connaissent pas de l'intérieur ce que vous vous connaissez de l'intérieur. De l'extérieur, quand on voit ce qui se passe en Afghanistan, au Pakistan ou en Arabie Saoudite, pour envisager son voisin musulman, ça produit forcément de l'anxiété. C'est à ça qu'il faut répondre.

     

    Quand je parle de violence, je parle de violence spirituelle...

     

    Mais les gens ne parlent pas de violence spirituelle. Ils parlent d'égorgement, de lapidation, d'attentats, etc…

     

    Certains médias vous accusent de faire de la taqiya, de la ruse. Que répondre à ces gens-là ?

     

    http://www.filsdefrance.fr/Le mot taqiya n'est pas lié à la tradition sunnite. Il est lié à a tradition chiite. Les chiites ont été persécutés par les sunnites. Á un moment, pour dissimuler leur foi chiite, pour ne pas être embêté, inquiété, les chiites ont dissimulé leur chiisme. Ils se sont autorisés le mensonge par ruse dans ce qu'ils appellent la taqyia. Qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie qu'en France, si les cathares avaient produit de la taqiya, il y aurait encore des cathares en France. Quand une majorité religieuse opprime, persécute une minorité religieuse, soit elle ruse pour survivre, soit elle se fait exterminer. Le mot taqiya n'est déjà pas approprié. Ces gens qui parlent de taqiya pour Fils de France ont l'impression qu'on est obligé de passer par eux pour aimer la France. Or, moi, très sincèrement, je me fiche complètement de ces gens-là ! Mon rapport charnel et amoureux à mon pays, il est dans mon enfance, dans mon Berry, il est dans mes souvenirs affectifs, amoureux, à la terre, à la forêt… Je ne passe pas par ces gens-là pour m'autoriser à avoir un rapport amoureux à mon pays. Après, on ne peut pas être d'accord avec tout le monde, c'est de bonne guerre en plus. Car du côté non musulman, on va nous dire qu’on fait de la taqiya ; et du côté musulman une minorité va nous dire que nous sommes en train de vendre nos principes. Le fait est qu’on ne peut pas plaire à tout le monde.

     

    En revanche, je crois qu’il faut garder sa ligne, être le plus argumenté, le plus articulé possible, rationnel. Mais aussi sentimental. Fils de France est quand même une démarche très sentimentale et aimante. Bien faire et laisser dire. C’est la devise : « Bien faire et laisser dire ».

     

    Je souhaiterais juste apporter un témoignage quant à la plasticité de l'islam. Sur l'Île de la Réunion, les imams demandent le certificat attestant le mariage à la mairie avant de prononcer le mariage au sein de la mosquée, et cela pour conforter ce que vous disiez quant à la plasticité de l'islam, qui est un fait.

     

    http://www.filsdefrance.fr/Concernant la mosquée… La mosquée a son fond et sa forme. Dans son fond, elle est un lieu de moralisation. La mosquée comme l'église, le temple ou la synagogue est un lieu où l'on se nourrit de la présence du divin pour, sorti de cette mosquée, rayonner de cette bienfaisance que nous avons captée dans la prière. C'est valable pour les chrétiens et pour les juifs. Je connais beaucoup moins les religions orientales. La mosquée est un lieu de moralisation dans un moment où la surconsommation pousse à être amoral. Aujourd'hui, le fait de maîtriser son instinct est l'enjeu du bien commun. Parce que maîtriser son instinct c'est maîtriser l'équilibre dans l'espace public. Si chacun s'adonnait et laissait libre court à son instinct, nous serions dans une situation des plus inquiétantes. La morale est là pour cadrer les instincts humains, que l'on soit catholique, juif ou musulman. Quand je parle de mosquée, il y a donc sa forme et son fond. Dans son fond elle est un lieu de moralisation. Á condition que l'imam, le responsable de la mosquée, ait un certain éclairage sur le rapport qui situe la religion et la Nation. Le culte et la culture. La communauté musulmane et la communauté non musulmane. Il faudrait que les imams aient cette conscience dialectique qui fait que le musulman n'est pas que musulman dans la mosquée, mais va interagir avec une majorité qui n'est pas musulmane, dans un pays qui découvre avec fracas médiatique cette présence musulmane importante. Donc dans son fond, la mosquée est un lieu de moralisation dans une époque où la morale n'existe plus. Je pense que c'est extrêmement positif. On ne pourra pas en reprocher l’existence lorsque les couches sociales défavorisées sont de fait plus enclines à produire de la petite délinquance, de la délinquance, de la criminalité, quelque soit son origine ethnique ou religieuse, par ailleurs. Si on prend l'immigration mexicaine aux États-Unis, on a bien des hispaniques de religion catholique qui produisent cette petite délinquance, délinquance, criminalité, banditisme. Au-delà de l'aspect identitaire, dans les classes populaires on est plus sensibles et plus vulnérables au fait de franchir la limite du droit. Maintenant, dans ces classes populaires, s’il n'y a pas comme ciment une moralité qui permette de recadrer cette tentation, c'est le chaos. Le fond de la mosquée est donc moralisateur, et Dieu sait que dans les quartiers populaires on a besoin évidemment de morale. On ne peut pas être musulman pratiquant et délinquant, ça ne va pas ensemble, même si on a tenté de nous le faire croire.

     

    Ainsi, il y a le fond de la mosquée, son enseignement, et il y la forme. La forme doit respecter l'architecture locale. La France, comme je le disais tout à l'heure, est construite sur des identités régionales extrêmement fortes. Je ne vois pas au nom de quoi l’on construirait en Normandie une mosquée à l'image d'une mosquée marocaine, ou algérienne, ou je ne sais quoi. La Normandie a une tradition architecturale, la Bretagne a une tradition architecturale, la Flandre française a une tradition architecturale. Il n'y a pas d'antinomie entre le fait de transmettre dans le fond cette morale, qui participe au bien commun, et l'identité extérieure, architecturale, qui doit s'adapter au cadre.

     

    Le problème de la "progression" de l'islam est surtout le problème de l'immigration. Á partir du moment où vous ouvrez les vannes et que vous faites rentrer 250 000 étrangers par an sur le sol français, dont la majorité est souvent de confession musulmane, l'islamisation de la France passe par l'immigration. Pas par les primo-migrants des années soixante, soixante-dix et par leurs enfants. On confond souvent l'islamisation de la France et l'immigration. Très souvent la confusion entre les deux fait qu'on va désigner un musulman, qui peut être un musulman converti, en plus, tandis que le problème est lié au pouvoir public qui ne limite pas les flux migratoires. Nous à Fils de France, nous sommes très clairs sur la question. Nous distinguons le culte et la culture. Notre culte est musulman, notre culture est française. Et nous sommes farouchement opposés à l'ouverture anarchique des flux migratoires. Pourquoi ? Parce que c'est déjà une violence pour ceux qui émigrent. Le déracinement est déjà une violence pour celui qui émigre. Je vous invite à aller voir un ethnopsychiatre qui s'appelle Hamid Salmi, qui a travaillé sur les pathologies psychiatriques liées au déracinement. Comment certains pères de famille, après avoir émigrés, se retrouvent malades. Malades de ne plus posséder le rôle que l'anthropologie d'origine leur conférait en tant que chef de famille, etc… En France, ils arrivent dans une société qui ne reconnaît pas leur place en tant que telle. Et cela provoque des pathologies. Quand on dit être opposé à l'immigration, ce n'est pas le fils d'immigré qui est content d'avoir immigré, qui se sent bien dans un pays riche et qui refuse le droit à ceux du sud de pouvoir bénéficier de ce dont lui a bénéficié. Ce n'est pas ça. C'est dire qu’il y a aujourd'hui un système néolibéral qui exploite la libre circulation des marchandises, des capitaux et des hommes et qui traite les hommes comme on traite les marchandises. On délocalise, finalement. C'est une forme de délocalisation. Sauf qu'on ne parle pas d'usines mais d'individus.

     

    Nous nous opposons donc à l'immigration parce que c'est destructeur pour les cultures, c'est destructeur pour les individus. Et puis ça fait surtout le jeu d'une minorité riche et mondialisée.

     

    Avez-vous des modèles d'homme dans l'Histoire de France ?

     

    http://www.filsdefrance.fr/Oui, Vauban. C'est un modèle parce qu'il fait figure du génie français incarné, de l'amour véritable d'un homme pour son pays. Ce génie d'avoir posé les forteresses pour le défendre. Et totalement intègre dans son rôle d'homme, de serviteur de l'État éminent. Vauban est pour moi le modèle.

     

    Nous sommes en pleine campagne électorale. Certains imams appellent à ne pas voter pour des raisons religieuses. Pensez-vous que le vote musulman soit indispensable à l'amélioration de la condition de la communauté en France ?

     

    Premièrement sur le vote, il me semble aberrant que des imams se mêlent de ces questions-là. Les imams ont un rôle spirituel, c'est déjà extrêmement lourd à porter pour aller s'intéresser aux questions politiques. Ce n’est pas leur rôle. D'autre part, décourager les musulmans d'aller voter est une aberration, puisque cela les coupe d'un droit citoyen fondamental qui est un des symboles d'appartenance à la Nation. Puisque en votant, on se soucie du destin de son pays. Ne votant pas, cela veut dire que l’on a un certain retrait qui n'est pas acceptable lorsque l’on est français. On n'est pas français de papiers, on est français parce qu'on aime son pays et qu'on veut le défendre. On doit pour cela participer au vote. J'espère que le vote musulman ne se confessionalisera jamais. J'espère que nous aurons des musulmans de l'extrême gauche à l'extrême droite. Moi, j'ai mes convictions mais ce ne sont que les miennes. J'espère que la coloration spirituelle n'épousera pas une coloration politique, ce serait dramatique. Je ne crois pas qu'il faille penser l'amélioration de la condition des musulmans de France par une sorte de chantage au vote. Je pense que nous aurons les politiques que nous méritons, mais au-delà de notre appartenance uniquement spirituelle, puisque nous ne sommes pas que musulmans. Nous sommes aussi travailleurs, assurés sociaux, utilisateurs de la route, de l'école publique, des transports publics, etc... La question du vote est liée à un ensemble de questions. Essentialiser la question du vote au bien-être de la communauté musulmane me semble ridicule. On vit dans un système global où le vote n'est qu'une partie. On ne peut pas vivre de manière sélective en disant : « Le vote c'est un péché, par contre les allocations familiales ne sont pas un péché ». Si on veut être "anti" dans sa démarche et donc courageux, eh bien on fait le choix objectif de vivre dans un lieu qui soit en adéquation complète avec ses convictions. Sauf que ça s'appelle le pays de « oui-oui ». Ça n'existe pas.

     

    Lorsque vous allez voter pour quelqu'un aujourd'hui, évidemment, il n'y a aucun français qui vote pour un politique qui répond à cent pour cent à ses aspirations. Vous allez voter pour le moins pire ou voter blanc.

     

    Comment vous situez-vous par rapport à Sheikh Imran Hossein qui appelle justement à ne pas voter ?

     

    http://www.filsdefrance.fr/Je vais vous faire une confidence. Je n'ai jamais vu une seule vidéo de cette personne. J'en entends parler, mais je ne le connais pas. J'ai juste entendu dire qu'il s'était autorisé à déclarer que les musulmans de France ne devaient pas voter. J'imagine qu'il a plein de bonnes idées et dis plein de choses intéressantes et très sensées. Mais là, il commettait une énormité. Ce n'est pas son rôle.

     

    Vous parliez de patriotisme et d'amour pour la France par rapport à votre enfance, à vos souvenirs, etc… Il y a des jeunes qui ne grandissent pas dans la campagne ou dans le Berry, qui sont en ville, et qui ont moins de souvenirs positifs que vous. Si aujourd'hui vous deviez vous adresser à eux, quels mots utiliseriez-vous ?

     

    Je vous remercie du fond du cœur, vraiment, vous me touchez beaucoup avec votre question. Parce que j'ai eu cet après-midi une personne qui m'a dit exactement la même chose que vous. Il m'a dit : « Camel, votre discours est trop lié à une partie des musulmans qui existe, mais à Fils de France vous oubliez ceux qui n'ont que le béton et les frustrations de ne pas avoir goûté à cette France charnelle. ». J'entends bien votre propos monsieur et il me touche. Pour vous répondre, je ne peux pas me mettre à votre place, ou à leur place. Mais je peux dire qu’à Fils de France beaucoup de jeunes issus de ces quartiers difficiles nous ont rejoints. Ils nous ont rejoints en signifiant parfaitement l'idée qu'ils ne nous rejoignaient pas par un amour charnel ou sentimental de la France, mais par une dimension intellectuelle. Le patriotisme est ce qui va permettre de recimenter l'ensemble des français qui ne sont pas black-blanc-beur, mais bleu-blanc-rouge pour un meilleur vivre ensemble à l'intérieur de nos frontières, et en terme de rayonnement international.

     

    C'est vrai que nous avons les deux grands ensembles à Fils de France. On a des gens qui, plutôt dans mon profil, ont vécu des choses extrêmement belles dans leur parcours. Et d'autres personnes qui ont vécu des choses très frustrantes, comme vous le disiez tout à l'heure. C'est-à-dire ne pas goûter à la beauté des châteaux de la Loire, ne pas goûter à la forêt, etc… qui n’ont vécu que dans de l'urbanité froide. Il faut prendre de la hauteur, ce n'est jamais trop tard. Une fois que nous avons vingt ans, trente ans, nous pouvons aller redécouvrir ce patrimoine-là. Des jeunes à Fils de France avaient les mêmes propos que vous et n'étaient jamais sortis de la banlieue parisienne. Par leur expérience à Fils de France ils ont choisi d'aller voir ce qu'était la France. Ils ont pris leur voiture, ont passé un mois sur les routes, en passant par les Alpes, ont découvert le Sud-ouest, etc… Et pour la première fois de leur vie, ils touchaient du doigt la beauté de ce pays. Ce qui n'a pas été fait en trente ans s'est produit en l'espace d'un mois. Ils sont devenus des amoureux de la France. Car la France est belle à pleurer en vérité. Il ne faut pas grand-chose.

     

    Merci de votre question monsieur.

     

    Que pensez-vous de la médiatisation soudaine de celui que j'appellerai "l'imam illettré", Chalghoumi, qui contraste avec le silence autour de Fils de France ?

     

    http://www.filsdefrance.fr/Il est utile à une minorité de militants pro-israéliens qui s'appuie sur cette personne... Lorsqu'il s'exprime, je pense que tous les musulmans ont envie de se cacher derrière leur fauteuil… Mais ça m'embête de dire du mal de cette personne-là, car humainement je n'ai pas de ressenti à son égard. J’éprouve plus de peine, de pitié pour le rôle qu'on lui fait jouer, que de ressenti à son égard.

     

    Tout à l'heure, vous parliez des valeurs qui réunissent, qui vous tiennent à cœur et vous évoquiez comment l'islam traditionnel peut s'adapter à la laïcité...

     

    La laïcité est un mot un peu fourre-tout. Mais on peut en distinguer trois grands types. La laïcité juridique est inscrite dans la loi. Elles est une chance pour les religions parce qu’elle permet, quand la loi est respectée, de pouvoir trouver un accommodement raisonnable entre les différentes spiritualités, une zone de neutralité. La laïcité anthropologique est celle que le peuple de France a assimilée dans sa manière d'être, qui fait qu'elle a une vue sécularisée de la foi. Le troisième type de laïcité est problématique : c’est la laïcité militante. Celle qui instrumentalise la laïcité contre la religion. Qui ne fait plus de la laïcité un objet de neutralité mais un objet d'attaque systématique de la religion.

     

    Il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain : il y a des choses extrêmement positives dans le processus de sécularisation qu'a vécu la France, pour les religieux et les religions elles-mêmes qui sont protégées du politique. Ce n'est pas uniquement le politique qui se protège du religieux, mais aussi les religions qui se protègent du politique. Dans le même temps, il y a cette instrumentalisation. Par exemple, une personne comme Caroline Fourest convoque la laïcité. Elle fait croire qu'elle attaque un communautarisme par le biais d'une laïcité. Or, elle-même parle depuis un communautarisme qui est celui de LGBT. Elle est farouchement en guerre contre tout ce qui pourrait menacer, de manière réelle ou fantasmée, son orientation sexuelle. Elle fait de cette orientation sexuelle un objet de guerre permanent en passant par la laïcité pour attaquer les religions. Là, on est dans un cas typique de laïcité militante qui, depuis un communautarisme, feint d'en dénoncer un autre.

     

    J'ai été choqué quand vous avez comparé l'Homme à Dieu. On ne peut comparer l'Homme à Dieu...

     

    http://www.filsdefrance.fr/Je vais vous dire pourquoi on peut. Je vais résumer ma réponse très rapidement. Quand on parle des 99 attributs de Dieu, ce sont 99 attributs qui nous servent de cheminement pour améliorer notre comportement et notre âme. Dieu est le Pardonneur. Nous nous devons, nous, d'être pardonneur. Nous n'atteindrons jamais la capacité de pardon que possède le divin, mais nous nous devons d'avoir comme exemple cet attribut. Quand on parle de "asma wa siffat", les noms et attributs de Dieu, ce sont des pistes qui permettent à l'homme de cheminer vers Dieu. Je ne compare pas Dieu à l’homme, mais… Lorsque, par exemple, on dit : « Dieu a créé l'homme à son image ». Pour un musulman, quelle est l'image absolue de Dieu ? Sa qualité fondamentale première, quelle est-elle ? L'unicité. Quand Dieu dit : « J'ai créé l'homme à mon image » c'est que l'Unicité divine se retrouve dans l’unicité de chacun des individus que nous sommes. Nous sommes tous uniques. Est-ce qu'il y a deux personnes comme vous ? Non, manifestement vous êtes seul. Vous êtes bien créé à l'image de Dieu. Votre unicité est à l'image de l'Unicité de Dieu. Je ne fais pas de comparaison en disant cela. Je dis simplement que le divin se dévoile en partie à l'homme de façon à ce que nous aspirions à le rejoindre dans Ses qualités absolues.

     

    Il est important que nos amis catholiques connaissent mieux la religion musulmane, comme il est aussi très important que les musulmans connaissent mieux la religion catholique. Pour ma part, moi qui ai été davantage socialisé dans les milieux catholiques que dans les milieux musulmans, je viens d'avoir quarante ans, et je redécouvre la mystique catholique. C'est un bonheur absolu parce qu'elle me renvoie à ma spiritualité musulmane. Je prie mieux cinq fois par jour depuis que je lis Marthe Robin, Charles de Foucault, ces grands mystiques chrétiens. Comme certains chrétiens ont mieux pratiqué leur christianisme en s'intéressant à la mystique musulmane. Il y a un effet de miroir, un effet d'altérité qui est extrêmement touchant et qui n'est pas une altérité d'enfermement, mais une altérité d'enrichissement. Je vous dis cela avec mon cœur, mes tripes, mon cerveau.

     

    Pour vous, n'y a-t-il pas d'incompatibilité entre islam et démocratie ?

     

    http://www.filsdefrance.fr/Qu'est-ce que la démocratie ? Comment l'islam définit les systèmes de gouvernance ? Ce sont des questions extrêmement larges. Est-ce qu'aujourd'hui, en France, nous sommes dans une démocratie, fondamentalement ? Les derniers événements nous ont montré que... Ce sont des questions qui me dépassent, il faut les poser à des personnes légitimes pour y répondre. Je n'ai pas de légitimité. Mais pour moi, évidemment, il n'y a pas à couper les cheveux en quatre.

     

    Quel est réellement l'objectif de Fils de France ? Est-ce uniquement un groupe de discussion ou est-ce qu'à terme il y a des projets, des actions sociales, politiques ou autres ?

     

    La vocation de Fils de France est de permettre de faciliter le processus d'acculturation. C'est-à-dire le passage de la culture de nos parents à celle qui est la nôtre, et qui sera encore plus celle de nos enfants et petits-enfants. C’est  désenclaver la communauté musulmane. Participer à "dépolluer" les musulmans de la propagande de SOS Racisme des années quatre-vingt, quatre-vingt-dix, qui consistait à systématiquement opérer une détestation de la France. C’est rationaliser notre idée au pays, vis-à-vis des musulmans. Et vis-à-vis des non-musulmans, c’est aller présenter au-delà des fantasmes ce qu'est la réalité très hétérogène des musulmans de France.

     

    Nous avons une double mission : celle de présenter, avec toute la modestie que cela impose, ce processus d'acculturation aux musulmans, en disant : « On nous a contaminé avec un certain nombre d'idées presque belliqueuses, depuis notre enfance, vis-à-vis du blanc catholique, etc… ». Et, dans le même temps, aller voir le blanc catholique et lui dire : « Attention, on est en train de polluer aussi votre cerveau avec des idées très arrêtées sur ce qu'est la réalité du fait hétérogène du musulman en France. » Notre mission fondamentale est de créer de l'apaisement, d'éviter la tension, d'essayer de réunir les français autour du bleu-blanc-rouge plutôt qu'autour du black-blanc-beur. C'est tenter de réunifier les français pour un vivre ensemble plus harmonieux et un pays plus fort. Parce que nous sommes patriotes. Nous n'avons pas du tout de projet politique.

     

    Qu'est-ce que l'acculturation?

     

    http://www.filsdefrance.fr/Le "a" n'est pas un "a" privatif quand nous parlons d'acculturation. C'est le passage d'une culture à une autre. L'acculturation est le fait qu'une minorité, après une vague migratoire, adopte les codes culturels de la majorité. Si nos parents ont vécu ─ et c’est le cas pour beaucoup d'entre nous à Fils de France ─ dans la campagne maghrébine, il est clair et évident que les notions culturelles, les notions de coutumes, de traditions, ne sont pas les mêmes dans la campagne maghrébine que dans la campagne berrichonne. Nos parents sont culturellement situés, et nous, nous le sommes différemment. Nos enfants et nos petits-enfants le seront encore différemment. Tout cela va dans un sens qui est le fait du passage de la culture de nos parents vers la culture qui sera celle de nos enfants et de nos petits-enfants et arrière-petits-enfants.

     

    Acculturation n'est pas la privation de la culture. C'est le passage d'une culture vers une autre sans altérer la transmission de la religion. C'est en cela que nous distinguons parfaitement le culte de la culture. S'acculturer ce n'est pas se dé-islamiser. Se séculariser ce n'est pas se dé-islamiser. Se laïciser ce n'est pas se dé-islamiser. C'est simplement adopter les codes d'interaction coutumiers, traditionnels, culturels de cet ensemble riche qu'est la France. Le problème est que cette acculturation se vit d'une minorité vis-à-vis d’une majorité à l'intérieur de nos murs. Et la France elle-même vit un processus d'acculturation, par l'impérialisme culturel américain qui transforme les traditions culturelles françaises. Je le disais l'autre jour à l'Action Française : il faut savoir que dans le plan Marshall, lorsque les États-Unis aident l'Europe à se reconstruire, et notamment la France, les quatre cinquième de l'aide sont un don. Il n'y a pas de retour. Mais est compris dans cette aide le fait d'accepter, sans condition aucune, la production cinématographique hollywoodienne. En effet, il y a une difficulté, ou des résistances de la minorité vis-à-vis de la majorité, à l'intérieur d'un pays. Parce que ce même pays connaît lui-même une perturbation identitaire, culturelle d'acculturation à une mondialisation qui perturbe. Je ne suis pas très vieux mais la France de mon enfance ne ressemble pas à celle d'aujourd'hui. C'est allé extrêmement vite.

     

    Et cela ne va pas dans le sens de l'identité française. Mais dans le sens de l'hégémonie américaine qui transforme notre environnement.

     

    Je me sens profondément française, mais aussi profondément algérienne, puisque je suis née en Algérie. Peut-on se penser seulement "français" ?

     

    http://www.filsdefrance.fr/Á Fils de France, nous ne sommes pas dans une logique binaire. Nous ne sommes pas en train de dire : « Transformez-vous maintenant, nous sommes purement français et totalement amnésiques de nos racines, etc… ». Pas du tout. Il est hyper important que les musulmans issus de l'immigration connaissent leurs origines, leurs racines, et qu’ils connaissent la possibilité de se rendre dans leur pays d'origine pour aller honorer la tombe de leurs aïeux. Il est important qu'ils transmettent à leurs enfants la mémoire de leur pays d'origine. Mais pas de manière fantasmée, pas de manière agressive et identitaire au sens de repli sur soi. Mais dans un apaisement généralisé.

     

    Par exemple, à Paris vous avez une communauté aveyronnaise extrêmement importante qui au XIXème siècle a immigré et est devenue tenancière des cafés. Les cafés à Paris sont tenus par des Auvergnats, des Aveyronnais et des Kabyles, généralement. Maintenant cela a changé : les chinois ont racheté. Il est tout à fait souhaitable que ces aveyronnais retournent en Aveyron se revivifier et maintiennent, malgré la sur-urbanité parisienne, la filiation culturelle de l'Aveyron. C'est tout à fait souhaitable. Ce que je dis tout le temps, c'est de regarder dans le rétroviseur lorsqu'on conduit. C'est hyper utile. Vous avez besoin de regarder dans votre rétroviseur. Regarder derrière assure votre sécurité. Mais vous ne pouvez pas rester braqué sur votre rétroviseur, sinon vous allez faire un accident. Vous regardez devant vous, vous regardez loin devant vous. Á Fils de France nous regardons loin devant nous. Et c'est parce que nous regardons loin devant que nous arrivons à dépassionner les questions immédiates. Et parce que nous regardons dans le rétroviseur, nous avons un développement que nous trouvons sain. Nous regardons vers le futur, mais sans oublier d'où nous venons.

     

    C'est extrêmement important sinon vous êtes schizophrène.

     

    Mais c'est quand même quelque chose d'assez compliqué de gérer deux cultures ?

     

    http://www.filsdefrance.fr/Oui, parce que nous sommes une génération charnière. Ce problème-là sera moins important pour vos enfants et vos petits-enfants. Nous sommes une génération très "entre-deux". Bien sûr, ce n'est pas facile.

     

    Quelle devrait-être la position d'un français musulman vis-à-vis d'Alain Soral et de Dieudonné ?

     

    La position d'un français musulman, pour moi, cela ne veut rien dire. Être français et musulman ne détermine pas son opinion dans le champ politique. On peut être musulman et être pour l'euro, être musulman et contre l'Euro ; on peut être musulman et apprécier les arts contemporains et être musulman et préférer le classicisme du XVIIIème siècle. Ce n’est pas déterminant.

     

    Concernant Alain Soral et Dieudonné : ils ont en ce moment beaucoup de souffrance, puisqu'ils sont attaqués de toutes parts. Le système se révèle dans son agressivité la plus visible, la plus violente. Mais je crois aussi que cela a créé des solidarités qui ont renforcé leur manière d'être et a eu l'effet de les faire connaître à des gens qui ne les connaissaient pas. Il n'y a pas eu seulement de la perte pour eux, à ce niveau-là.

     

    Quelle est la position de Fils de France par rapport aux JRE (Journée de Retrait de l'École) ?

     

    http://www.filsdefrance.fr/Je suis un des porte-parole de la Manif Pour Tous. D'ailleurs, j'espère qu'après demain, tout le monde dans cette salle sera Place Bellecour pour soutenir un tas d'oppositions à des horreurs que le gouvernement nous prépare. Ne comptez pas en disant : « Il y a aura du monde, je n'ai pas besoin d'y aller ». Tout au contraire, non seulement il faut que vous y alliez, mais en plus que vous alliez chercher des gens qui n'étaient pas disposés à y aller, pour vous y accompagner. C'est extrêmement important. Il ne faut pas que le gouvernement sente un essoufflement dans ce mouvement de contestation à la Loi Taubira. Concernant les JRE, nous à la Manif Pour Tous, avons choisi une manière plus "soft" de travailler. Il se trouve que Farida Belghoul, en l’espace d’un mois, a fait avancer les choses plus que nous l'aurions fait, peut être, en dix ans. Elle a bossé impeccablement et on ne peut que la féliciter. D'ailleurs, j'ai eu l'occasion de lui envoyer un message de soutien et de félicitation. Après…  C'est très difficile pour moi, parce que j'appartiens à un mouvement qui a choisi objectivement d'être dans des choses moins radicales, moins subversives. En même temps, je vois la démarche de Farida Belghoul comme étant un coup de génie.

     

    Je suis donc pris entre ma fidélité et ma loyauté à Ludovine de Larochère, la présidente de la Manif Pour Tous, et mon lien sympathique et amical envers Farida Belghoul.

     

    En ce moment le gouvernement veut interdire l'école à la maison. Qu'en pensez-vous ?

     

    http://www.filsdefrance.fr/Je ne sais pas si vous connaissez Anne Coffinier, une ancienne ambassadrice française, un des soutiens de la Manif Pour Tous qui a créé un mouvement très important qu'il faut aller voir : "Créer son école". Elle est dans une logique justement de dire que, si le gouvernement attaque les valeurs fondamentales de cette France catholique, traditionnelle, etc… par les horribles choses qu'on nous prépare, il ne s'agit pas de déscolariser mais au moins de pouvoir créer des écoles qui réuniront des enfants et des parents ayant envie de transmettre une éducation, une instruction qui soit différente. Elle a créé son site : créer-son-ecole.com. Une personne d'une intelligence rare.

     

    Tout à l'heure, vous parliez d'acculturation. Quelle est la différence entre assimilation et acculturation ?

     

    http://www.filsdefrance.fr/Intégration, assimilation… Les contours sont flous, on ne sait pas de quoi on parle. Parce que certains vont vous dire : « Intégrez-vous ! Pourquoi ne mangez-vous pas de porc ? », etc... L'intégration ou l'assimilation, dans la tête de certains, est la perte de l'identité religieuse, aussi. C'est pour cela que nous avons mis à l'honneur le mot "acculturation". Parce qu'il permettait de distinguer ce qui fait la religiosité de ce qui fait la culture. Sachant que la religiosité ou la religion musulmane elle-même, parce qu'elle est plastique, a possibilité de s'acculturer.

     

    Il y a une double acculturation. Celle de l'individu dans ce qui ne concerne pas son attachement au religieux. Et l'acculturation de la pratique religieuse qui, elle, englobe le fait de, plastiquement, composer avec un environnement nouveau. Nous ne sommes pas dans l'assimilation, nous ne sommes pas dans l'intégration. Ou alors si Fils de France parle d'assimilation ou d'intégration, il s’agit d'assimilation sociale. L'assimilation sociale ou l'intégration sociale étant le préalable pour le processus d'acculturation. Si vous êtes marginal dans l'école, dans le travail et dans le logement, il y a quasiment une impossibilité de pouvoir passer à la culture majoritaire. Parce que si vous vivez dans un ensemble où, constamment, des vagues migratoires supérieures s'ajoutent d'années en années ; où les codes d'interaction, de communication, le droit coutumier s'inscrivant dans ces zones sont presque refermés sur eux-mêmes… vous êtes coupé des codes de la majorité de la culture française. Évidemment, si on est mal logé, mal scolarisé et mal embauché, vous avez trois points majeurs qui bloquent l'assimilation ou l'intégration sociale.

     

    Á partir du moment où vous êtes dans un quartier relativement ouvert, dans une école où les fils d'immigrés ne sont pas ultra majoritaires ; à partir du moment où vous êtes dans un travail où vous côtoyez la France et les vieux français de souche, vous avez trois points majeurs qui font que vous allez entrer en interaction normale et adopter les codes de la majorité par les frottements avec elle. Je suis très surpris, par exemple, quand je vais à Marseille, de voir de jeunes enfants de troisième ou quatrième génération parler quasiment le dialecte algérois. En fait, Marseille étant un port, vous avez sans cesse des vagues migratoires qui font que les codes, et même les codes de langage de certains ensembles urbains, sont davantage marqués par le sud de la méditerranée que par le provençal.

     

    Ne pensez-vous pas que le voile serait une limite à cette acculturation ?

     

    http://www.filsdefrance.fr/Le fait qu'une musulmane souhaite couvrir ses cheveux peut se faire avec un béret, un chapeau, un bonnet, une casquette… avec ce qu'on veut. Si vous limitez le fait qu'une musulmane doive couvrir ses cheveux avec un voile, vous avez un signe exogène, un signe d'habillement qui n'est pas dans la tradition française et qui va être remarqué dans l'espace public. Si la femme musulmane choisit dans son attitude (parce que ce qui est demandé finalement c'est davantage la pudeur…) de couvrir ses cheveux avec un couvre-chef qui fait partie de la culture locale, cela deviendra totalement invisible.

     

    [L'Abbé de Tanoüarn est traditionnaliste et a des positions très islamo-sceptiques. J'utilise très volontairement un euphémisme. En une heure  et demie de discussion, on ne pouvait pas être fécond. La capacité intellectuelle des deux intervenants a été bridée par la limite du temps.]1

     

    Il y a un monastère, le monastère de Sainte Catherine, au pied du Mont Sinaï, au sein duquel est conservée une lettre du prophète, une lettre d'allégeance où le prophète dit clairement que les chrétiens sont sous notre protection, qu'on ne cherche pas à leur nuire, ni à les convertir, etc… C'est vraiment une lettre qui est intéressante à lire pour un chrétien pour comprendre l'engagement islamique envers le christianisme.

     

    http://www.filsdefrance.fr/Tout à fait. C'est aux musulmans de France, je pense, de remettre au goût du jour l'ensemble des sagesses liées à l'interreligieux qui sont dans nos mains, et que l'on ne montre pas assez...

     

    Je pense que nous avons fait le tour, merci chers amis.

     

     

     

    1 Se réfère au débat islamo-chrétien entre Guillaume de Tanoüarn et Tareq Oubrou organisé par Fils de France le 9 décembre 2013 : « Catholiques et musulmans, partenaires ou adversaires ? ».

  • Le culte du Cœur de Jésus : synthèse de toute la religion catholique

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    Congrès Adoration - Conférence aux Sanctuaires de Paray-Le-Monial. 
    Le 7.VII.2014 - Père Bernard Peyrous : Haurietis aquas in gaudio de fontibus Salvatoris « Vous puiserez de l’eau avec joie aux sources du salut » Jérémie 30,21. Citation reprise aux premiers mots de l'Encyclique de Pie XII, le 15 mai 1956.

     

    PortraitBernard Peyrous.jpg         L’Encyclique de Pie XII Haurietis aquas commence comme cela : « Vous puiserez les eaux aux sources du Salut ». C’est le père Kars qui a voulu que nous parlions de cette Encyclique parce que dans tous les documents pontificaux existants c’est celle qui parle le plus de l’eau. Alors il avait prévu le temps d’aujourd’hui… (rire de l’assemblée) c’est donc une prophétie en réalité (rire de l’assemblée). Bien, allez, on va être sérieux et on va, s’il-vous-plaît, confier d’abord nos cœurs à la Vierge Marie, et après nous commencerons cet enseignement. (Prière Je vous salue Marie). Notre-Dame de la Sagesse, Priez pour nous.

             La plus grande encyclique sur le Cœur de Jésus est cette Encyclique de Pie XII, dont on vient de vous donner le titre, Haurietis aquas in gaudio, « vous puiserez les eaux avec joie aux sources du Salut » ou « du Sauveur ». C’est le plus grand document sur le Cœur de Jésus et quelque part elle n’a pas été dépassée, même si, je pense, qu’une nouvelle encyclique à l’heure actuelle serait utile. Cette encyclique a été promulguée en 1956 : ce n’était pas un hasard, c’était le centenaire de l’institution par le Pape Pie IX de la Fête du Cœur de Jésus. Cette fête avait été demandée par le Christ à sainte Marguerite-Marie (Alacoque) en 1675 et elle n’a été instituée que beaucoup plus tard, en 1956. Cette encyclique a été faite pour le commémorer. Je voudrais dire un petit mot, non pas de l’ensemble de l’encyclique, qui est un document assez long, mais je voudrais donner quelques points importants et aussi le rapport entre cette encyclique sur le Cœur de Jésus et le Saint Sacrement, l’Eucharistie. Le titre de l’encyclique vient naturellement des deux phrases que l’on trouve chez saint Jean. La première phrase quand Jésus dit ceci, le dernier jour de la fête, le plus solennel : « Jésus debout s’écria : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive. Celui qui croit en moi comme le dit l’Écriture, des fleuves d’eau vive couleront de son sein. » Les fleuves d’eau vive c’est évidemment la charité du Christ qui coulera de notre cœur vers le monde. Cette charité du Christ est liée, en réalité, à la mort de Jésus sur la Croix, et à ces fleuves d’eau vive qui coulent du Côté transpercé du Christ. Ce qui veut dire que si nous regardons le Christ, si nous aimons le Christ, nous sommes remplis de la Charité. Et comme le dit le Pape Pie XII au début même de son encyclique, « la Charité, l’Amour, c’est le Saint Esprit ». L’Encyclique Haurietis aquas présente cette particularité d’être extrêmement centrée sur le rôle de l’Esprit Saint. Si nous croyons en Jésus, si nous aimons Jésus, si nous contemplons Jésus, si nous prions Jésus, si nous recevons les sacrements, alors les fleuves d’eau vive coulant du Côté du Christ viennent dans notre âme, et à notre tour de notre côté coulent les fleuves d’eau vive sur le monde. Ces fleuves d’eau vive qui vont couler de notre côté, c’est aussi une réponse à l’Amour du Christ, et c’est ce que dit également le Pape dès le début même de l’encyclique, c’est-à-dire que, au fond, nous allons rendre, et cela c’est tout à fait le message de Paray-le-Monial manifesté dès le début de l’encyclique, nous allons rendre Amour pour Amour. Rappelez-vous que le message de  Paray-le-Monial tel que l’on en a brièvement parlé hier soir, c’est un appel à l’Amour. Le Christ qui n’est pas aimé demande aux hommes de l’aimer. Ce qui peine le plus le Cœur du Christ c’est que les hommes ne répondent pas. Quand le Christ sur la Croix dit : « J’ai soif ! », naturellement il est complètement déshydraté par le supplice du fouet qu’il a subi et le sang qu’il a perdu, il est comme un papier desséché, un papier buvard desséché… mais en même temps, c’est aussi un mot symbolique : le Christ a soif de notre amour et notre amour ne lui est pas donné. Notre amour rafraichît, en quelque sorte, le Christ. Quand nous entrons dans cette logique, nous aimons le Christ, nous rendons au Christ amour pour amour, et à ce moment-là le Christ nous envoie l’Esprit Saint et de notre cœur coulent vers le monde des fleuves d’eau vive. Le résultat est que quand on a compris ce mouvement très simple, on est au cœur même de la foi chrétienne. Le Pape Léon XII disait que le culte du Cœur de Jésus était la forme de religion la plus estimable. C’est-à-dire que quand on est là on est au cœur même de la foi. Et le Pape Pie XI déclarait que le culte du Cœur de Jésus était la synthèse de toute la religion. On est au centre, en quelque sorte, des choses, dès que nous parlons du Cœur de Jésus. 

             Avant d’aller plus loin, il faut que je reprenne la logique de l’encyclique parce que le Pape a voulu fixer théologiquement le culte du Cœur de Jésus. Il a voulu l’affermir théologiquement. Quand nous parlons du culte du Cœur de Jésus, de quoi parlons-nous ? Il est très important de comprendre cela : nous parlons d’une personne qui s’appelle Jésus-Christ, qui est une personne. Une personne est un être uni, cohérent, unique, absolument unique. Et en même temps une personne humaine est composée d’éléments divers. Par exemple notre corps est composé d’éléments divers : nous avons nos mains, nous avons nos pieds, certains d’entre nous ont des cheveux… Mais il n’y a pas que le corps. Il y a aussi l’intérieur de notre être, c’est-à-dire nos capacités de connaissance : je l’appelle notre intelligence ; et notre décision sur l’action, qu’on appelle la volonté, et la volonté qui est orientée vers l’Amour. Nous sommes des êtres unis, mais composés. Et composés dans un Tout, qui est un tout harmonieux et solide. Le Christ est une personne comme nous, un être absolument unique, et parfaitement cohérent, parfaitement construit. Mais, à notre différence à nous qui ne sommes que des hommes, le Christ est une personne humano-divine. Il a les deux natures de façon complète et plénière : il a la nature divine, il est vraiment le Verbe de Dieu, seconde personne de la Trinité, et son humanité ne réduit pas le Verbe de Dieu. Mais en même temps il est absolument Homme. Il est totalement Homme. Et sa divinité ne réduit pas son humanité. Les deux natures sont plénières. On a dit d’ailleurs que personne n’a été plus homme que le Christ. Il a épousé l’humanité, et non seulement il l’a épousée mais il a exploré l’humanité, il a exploré tous les sentiments du cœur humain, il a été très profondément dans l’humanité.
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             Le Cœur de Jésus, c’est évidemment son cœur de chair, ce cœur qui bat dans sa poitrine, qui a été percé sur la Croix, comme nous tous avons un cœur que nous sentons battre. Mais vous savez aussi que le cœur est un symbole. Le cœur est le symbole du mystère et de l’amour. Quand nous parlons du Cœur de Jésus nous ne parlons pas d’abord prioritairement de son cœur de chair, mais nous parlons aussi des sentiments qui ont habités chez lui. Et les sentiments qui ont habité chez lui sont de deux ordres : il y a les sentiments normaux d’un être humain, les émotions. Par exemple quand on est amoureux le cœur fait « boum boum » ; quand on a peur, le cœur fait « boum boum » aussi. Et il y a aussi la Volonté, cette partie noble de nous-mêmes qui peut être habitée par l’Esprit Saint et qui s’oriente vers l’amour. Quand nous parlons du Cœur de Jésus nous ne parlons pas tellement du cœur de chair qui n’est qu’un symbole, mais nous parlons des sentiments normaux de Son cœur : la tendresse, la joie, la gentillesse, l’affection, la peur, le dégoût, l’impatience, l’amour pour le Père… toutes ces choses-là qui sont dans sa sensibilité et aussi dans son intelligence, l’Intelligence de Jésus, la Volonté de Jésus, la plus noble partie de l’être humain de Jésus qui s’oriente vers le Père. Cela, c’est du côté humain. Mais il est Dieu. Donc nous parlons aussi de l’Amour Divin qui habite Jésus. C’est-à-dire que en Jésus, dit l’encyclique, il y a un triple amour : l’amour divin, puisque la divinité du Verbe n’est pas réduite dans l’humanité de Jésus, et il y a l’amour de sa Volonté avec les sentiments de son Cœur. Je dis cela de façon extrêmement simplifiée, mais ce qu’il faut retenir, comme le dit le Pape Léon XIII cité par le Pape Pie XII, « Il y a dans le Sacré Cœur de Jésus un symbole et une image clairs de l’Amour infini de Jésus-Christ, Amour qui nous pousse à nous aimer les uns les autres. » Ce que je vous ai dit est peut-être un peu compliqué. Mais ce n’est pas moi, c’est le Pape qui est compliqué, je n’y peux rien… On ne corrige pas un Pape. Ce que je voudrais bien vous faire comprendre — écoutez bien parce que c’est important de le comprendre et vous allez le comprendre très bien : nous sommes faits pour l’Amour, vous et moi. Tout notre être est fait pour l’Amour. Il n’y a pas de parties de notre être qui ne soient pas faites pour l’Amour. Notre corps est fait pour aimer et être aimé. On le voit très bien avec un bébé, par exemple : si vous n’aimez pas un petit bébé, il meurt. Le petit bébé n’est pas nourri que de lait. Il est nourri de l’affection d’une maman et d’un papa. Notre corps est donc fait pour être aimé et pour aimer. Notre sensibilité qui est liée à notre corps, est faite pour aimer et être aimée. Notre volonté profonde, le secret de notre cœur est fait pour aimer et être aimé. Est-ce que vous comprenez ?… Nous sommes des êtres d’amour, on est fait pour ça, et souvent on ne le sait pas, on l’oublie, ce qui fait que l’on dérive de façon spectaculaire, surtout aujourd’hui… mais en réalité nous sommes faits pour cela. Un amour qui soit bien placé et qui soit juste. C’est exactement pareil en Jésus-Christ qui est l’Amour même : tout l’être de Jésus symbolisé par son Cœur est un être d’amour. C’est pour cela que cette phrase de Léon XII que je relis est très juste : «  Il y a dans le Sacré Cœur de Jésus un symbole et une image »… Si vous ne retenez de la première partie de cet enseignement qu’une seule chose, retenez ce que je vous dis maintenant : «  Il y a dans le Sacré Cœur de Jésus un symbole et une image clairs de l’Amour infini de Jésus-Christ, amour qui nous pousse à nous aimer les uns les autres ». C’est l’image et le symbole de l’Amour. Un amour qui est un amour miséricordieux, comme le dit très bien le Pape. Un amour lié à ce Cœur de Jésus percé, à ce Cœur de Jésus qui s’est donné entièrement pour sauver les hommes. Tout l’être de Jésus se retrouve dans son Cœur et le Cœur de Jésus a palpité d’amour toute sa vie. Il est avec tous les sentiments en parfait accord les uns avec les autres dans un être qui était très cohérent, très harmonieux, et qui n’était qu’amour. Ce n’est pas la peine que je vous lise les phrases du Pape, surtout que certaines sont un peu compliquées, mais c’est très beau… Cet Amour qu’il y a dans le Cœur de Jésus, qui imbibe le Cœur de Jésus, va le pousser à se donner entièrement. « Il n’y a pas de plus grand amour » dit Jésus à ses Apôtres en célébrant la Cène, « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » ou pour ceux qu’on aime. Comment le Christ va-t-il se donner ? Il va aller jusqu’au bout du don. Il va aller à la mort sur la Croix, qui est une mort cruelle et douloureuse et il va donner la totalité de son corps, la totalité de ses sentiments, la totalité de son être par ce sacrifice. Il n’y a pas une cellule du corps de Jésus, il n’y a pas un recoin de sa psychologie, il n’y a pas une partie de son âme qui n’ait été donné pour nous, par bonté et par amour pour nous. Ce don est complet et absolu. Il se traduit par la mort de Jésus et sa Résurrection glorieuse car la Croix ne se comprend que par la Résurrection. La Résurrection est vraiment l’acte de la joie et de la vie. C’est quand on regarde Jésus ressuscité, comme les Apôtres, comme les Saintes femmes, comme Marie, qu’on est pris par une espèce de tourmente de joie et de bonheur. La mort de Jésus se continue par le don de la vie qui nous est donné au moment de la Résurrection de Jésus et qui va se continuer par le don de l’Esprit à la Pentecôte. Tout cela est rappelé, est rendu actuel — écoutez bien cela — chaque fois que nous célébrons l’Eucharistie. L’Eucharistie est le mémorial de la mort et de la Résurrection de Jésus.

    foi,sacré cœur,christianisme         Je fais un tout petit cours que peut-être on vous a déjà fait, et qui peut revenir dans ce congrès… Est-ce que vous faites bien la différence entre un souvenir et un mémorial ? Que ceux qui font bien la différence lèvent le doigt… Très bien. Alors je vais continuer pour les autres, d’accord ? Quand Jésus célèbre l’Eucharistie, il dit aux Apôtres : « Faites ceci en mémoire de moi ». Il aurait pu dire, mais il ne le dit pas : « Faites ceci en souvenir de moi ». Le mot qu’il utilise est un mot très précis. Quelle est la différence ? Vous et moi, nous avons des souvenirs que nous fêtons d’ailleurs quelques fois. Le souvenir de votre naissance vous le fêtez le jour de votre anniversaire. Vous fêtez peut-être, j’espère, le souvenir de votre anniversaire de mariage. Les Sœurs fêtent l’anniversaire de leur grand Vœu. Un prêtre se rappelle de l’anniversaire de son ordination sacerdotale et ainsi de suite. Un souvenir est quelque chose qui a eu lieu une fois, cela ne se répète pas. On s’en rappelle mais cela ne se répète pas. Vous êtes né une fois, vous vous en rappelez, c’est fait, non ? Jusque-là vous suivez ?… Le mémorial est absolument différent : il a eu lieu une fois, en effet, dans l’histoire des hommes à un moment précis, mais nous pouvons le rendre absolument présent aujourd’hui. Ou à l’inverse, nous pouvons à travers le temps et l’espace nous rendre présent au mémorial. Exemple : les Juifs pieux célèbrent tous les ans la Fête des Tentes. À Jérusalem, dans les quartiers où se concentrent les Juifs pieux, une fois par an, ils sortent des maisons, ils n’ont pas le droit d’y rentrer, et pendant une semaine ils vivent sous des huttes de branchages. Ils ne rentrent donc pas dans les maisons. Qu’est-ce que cela veut dire ? Ils rappellent, alors écoutez bien cela, ils rappellent sous la forme d’un mémorial la fuite des Hébreux depuis l’Égypte et tout leur passage dans le désert avant d’arriver dans la Terre sainte, dans la Terre promise. Ce n’est pas un souvenir, ils ne font pas le souvenir des quarante ans que leurs ancêtres avaient passés dans le désert. C’est un mémorial, c’est-à-dire que invisiblement ils y sont transportés. C’est comme si invisiblement ils étaient avec leurs ancêtres, ou réciproquement c’est comme si leurs ancêtres invisiblement étaient présents à ce qu’ils font. Eh bien l’Eucharistie est un mémorial, c’est-à-dire que chaque fois que nous célébrons l’Eucharistie « faites ceci en mémoire de moi » — rappelez-vous les paroles de Jésus redites à la consécration — nous traversons le temps, nous traversons l’espace, et c’est comme si vous et moi sur un registre différent nous étions présents le soir de la Cène quand Jésus célèbre la Pâque. Et la Pâque de Jésus concentre, en quelque sorte, tout le Mystère pascal, en tout cas la Cène concentre tout le Mystère pascal, ce qui veut dire que quand nous célébrons l’Eucharistie nous célébrons la mort de Jésus et nous célébrons aussi sa Résurrection. Mais on ne la refait pas, cela a eu lieu une fois. C’est comme si nous étions présents. Ou à l’inverse, on peut le dire de façon tout à fait inversée mais c’est la même chose : Jésus est présent, là, au milieu de nous. Est-ce que vous comprenez cela ? Et c’est cela qui est prodigieux à la messe. C’est prodigieux parce qu’une seule fois un sacrifice parfait a été célébré, par un prêtre parfait qui est Jésus, sur un autel parfait qui est l’autel de son corps, une seule fois dans l’histoire de l’humanité un acte absolument parfait a été fait par un être qui était à la fois un homme et un dieu. C’est toute l’Épître aux Hébreux. Si vous voulez approfondir ce que je dis, relisez simplement l’Épître aux Hébreux qui explique cela très bien. Une fois cela a été fait, mais chaque fois que nous célébrons la messe nous sommes unis à Jésus. Et, entre parenthèses, c’est pour cela que le prêtre célèbre in personna Christi, dans la Personne du Christ : cela veut dire que quand nous disons « ceci est mon corps » et« ceci est mon sang » ce n’est pas le prêtre qui le dit, c’est le Christ qui le dit à travers la bouche du prêtre. C’est très impressionnant de penser cela. Parce que toute la spiritualité sacerdotale part de là. C’est vous dire l’importance de l’Eucharistie comme mémorial. Et quand nous adorons l’Hostie, l’hostie est le prolongement en quelque sorte de la célébration eucharistique. C’est-à-dire que le corps de Jésus présent dans l’hostie, c’est ce corps qui est né de Marie, ce corps qui a souffert à la Passion, ce corps qui est mort et c’est ce corps qui est ressuscité. C’est donc le corps de Jésus mort et ressuscité que nous avons là devant nous. Et c’est ce Jésus qui est là dans l’Eucharistie qui nous dit qu’il n’est qu’Amour, qu’il a tout donné aux hommes, et que de la plupart il ne reçoit que des ingratitudes et des irrévérences et qui dit à Marguerite-Marie : «  Mais toi du moins veux-tu me faire ce plaisir de suppléer à… ? ». C’est pour cela que l’Encyclique Haurietis aquas a un passage sur l’Eucharistie qui n’est pas très long et que je vais vous lire, parce que c’est la continuation même, la mise en application du culte du Cœur de Jésus, la contemplation de l’Eucharistie. Voilà ce que dit le Pape Pie XII :

             « Qui pourrait décrire dignement les sentiments dont était imprégné le Cœur Divin (de Jésus), indice de son Amour infini, au moment où il se donnait lui-même aux hommes dans le Sacrement de l’eucharistie où il leur donnait sa Mère très sainte et nous faisait participer à la charge sacerdotale. Avant de partager la dernière Cène avec ses disciples, le Christ notre Seigneur qui savait qu’il devait instituer le sacrement de son Corps et de son Sang, par l’effusion duquel une Nouvelle Alliance devait être scellée, sentit son Cœur s’animer de sentiments ardents qu’il exprima à ses Apôtres par ces paroles : « J’ai ardemment désiré manger cette Pâque avec vous avant de souffrir ». Ses sentiments ont sans doute été plus ardents encore lorsqu’il prit du pain et après avoir rendu grâce il le rompit et le leur donna en disant : « Ceci est mon corps donné pour vous, faites ceci en mémoire de moi ». Et pareillement pour la coupe après qu’ils eurent soupé en disant : « Cette coupe est la Nouvelle Alliance en mon Sang répandu pour vous ». On peut donc affirmer que la Divine Eucharistie en tant que sacrement par lequel il se donne aux hommes et sacrifie, et pour lesquels ils s’immolent perpétuellement, ainsi que le sacerdoce, sont des dons du Cœur très Sacré de Jésus. »

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             Je pense que vous avez compris… Jésus est réellement présent dans l’Hostie. Il nous unis tous les jours quand nous célébrons l’Eucharistie de vous et nous [i], et qu’on l’adore dans le Saint-Sacrement à sa Passion et à sa Résurrection. Il envoie l’Esprit Saint sur ceux qui le regardent et sur ceux qui le prient. La grande douleur du Cœur de Jésus, comme il le disait à Marguerite-Marie, c’est justement de ne pas être aimé, et donc, du coup, la grande joie de Jésus c’est d’être aimé dans l’Eucharistie. Parce qu’il ne faut pas s’arrêter à la plainte. Quand on a de grandes douleurs, quelque part, quand elles sont compensées, on a de grandes joies. Si nous aimons Jésus, nous suppléons, nous compensons, nous remplaçons ceux qui ne l’aiment pas et donc nous donnons au Cœur de Jésus une joie vraiment extraordinaire. C’est très beau. Le Pape dit que Marguerite-Marie n’a rien apporté de nouveau à la doctrine catholique mais elle a permis de préciser, d’une certaine façon, toute la doctrine de l’Église catholique et en particulier cet amour de l’Eucharistie. Le Pape, dans la dernière partie de son encyclique, rappelle une phrase de Léon XIII : « L’acte d’Amour suprême par lequel notre Rédempteur, répandant toutes les richesses de son Cœur afin de demeurer avec nous jusqu’à la fin des siècles, institua l’adorable Sacrement de l’Eucharistie ». Vous voyez ?… Il dit que ce n’est pas une part minime de son Cœur qu’il a tiré de l’Eucharistie. L’Eucharistie est vraiment le Sacrement de la grande Charité de Jésus pour les hommes. Ça va ? Vous êtes encore là ? Vous ne sortez pas parce qu’il pleut, hein… Il est possible que dans ce que je vous ai dit là il y ait des choses un peu complexes pour certains. Ne vous cassez pas la tête, balayez cela, quand vous sortirez de la tente, que vous aurez un temps d’Adoration, dites-vous simplement : « Qu’est-ce que je retiens ? ». Dans un enseignement il y a toujours quelque chose à retenir. Dites-vous : « Qu’est-ce qui m’a touché le plus dans ce que j’ai entendu là ? », et laissez le reste. C’est par là que Dieu veut vous parler.

     

             Maintenant, je passe à la deuxième partie de cet enseignement. Puisque nous parlons des papes et du Cœur de Jésus, je voudrais vous parlez de saint Jean XXIII qui a énormément aimé le Cœur de Jésus. D’ailleurs, peu après son ordination sacerdotale, il est venu ici en pèlerinage à Paray-le-Monial, et il y est revenu ensuite trois fois étant Nonce, dont une fois plus solennelle que nous avons commémorée par une plaque qui est à l’entrée du Parc des Chapelains. Vous savez que Jean XXIII n’a pas écrit de document particulier ni sur l’Eucharistie, ni sur le Cœur de Jésus, en tout cas pas de document exceptionnellement solennel. Mais il a écrit un journal qu’on a retrouvé après sa mort, qu’on appelle « Le journal de l’âme ». Ce journal est le compte-rendu des retraites qu’il a faites dans sa vie, et il se livre en quelque sorte à lui-même, il écrit pour lui-même les sentiments de son cœur. C’est très touchant parce qu’on voit un homme qui est habité par l’amour du Cœur de Jésus. Je vais vous lire quelques passages et j’en ferai un commentaire tout simple.

    foi,sacré cœur,christianisme         Je vais partir des passages sur le Sacré Cœur et je dériverai après vers des passages qui concernent le Saint Sacrement. Vous allez voir c’est très lié chez lui. Le premier passage que nous ayons, chronologiquement, est une retraite qu’il a faite quand il était séminariste à Rome, au séminaire romain. Il dit ceci : « Pour me préserver du péché, et ne pas me laisser courir trop loin de Lui (de Dieu), Dieu s’est servie de la dévotion au  Saint Sacrement et au Sacré Cœur de Jésus. » Vous trouvez les deux unis. « Cette dévotion devrait être toujours l’élément le plus efficace de mon progrès spirituel. Je m’efforcerai de la pratiquer de telle manière que mon amour et ma tendresse pour le Divin Cœur de Jésus présent dans le Saint Sacrement vivifie tout mon être, mes pensées, mes paroles, mes actions et se manifeste dans tous mes actes. Donc union la plus possible avec Jésus, comme si ma vie devait se passer entièrement devant le Tabernacle. ». Vous ne trouvez pas cela fort ? C’est puissant comme texte. Là il a vingt ans. Il dit : « …comme si toute ma vie devait se passer devant le Saint Sacrement ». Il n’était pas appelé à une vocation contemplative. Je crois qu’il s’est posé la question à un moment donné… Il était appelé à une vocation de prêtre diocésain. D’ailleurs qui ne s’est pas du tout déroulé comme il le pensait… Mais, ce qui était important pour lui, c’était d’être uni au Cœur de Jésus et son union avec le Cœur de Jésus était liée à son union à l’Eucharistie.

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              Alors, un peu de temps se passe, il est toujours au séminaire, mais un peu plus âgé. Il fait une autre retraite et il dit ceci : « Aujourd’hui, tout ce qui regarde le Sacré Cœur de Jésus me devient familier et doublement cher. » Il avait vraiment intégré à l’intérieur de sa vie tout ce qui concernait le Cœur de Jésus. D’ailleurs je crois qu’il a fait partie d’une société de prêtres dédiée au Cœur de Jésus. « Il me semble que ma vie est destinée à se dérouler à la lumière qui rayonne du Tabernacle et que je dois trouver dans le Cœur de Jésus la solution de toutes mes difficultés. Il me semble que je serais prêt à donner mon sang pour le triomphe du Sacré Cœur. Mon désir le plus ardent est de pouvoir faire quelque chose pour ce cher objet de mon amour. » C’est-à-dire, c’est Jésus. Il était prêt à donner sa vie pour Jésus. Et il aurait voulu en quelque sorte faire comme sainte Marguerite-Marie qu’il cite, à qui Jésus disait : « Je t’ai choisie pour révéler les merveilles de mon Cœur parce que tu es un abîme d’ignorance et de misère. » Et ça l’a encouragé beaucoup d’entendre cela. Parce qu’il se disait : « Si le Christ a dit cela à Marguerite-Marie et si elle est sainte, alors, moi qui suis un abîme d’ignorance et de misère, après tout, je peux devenir saint moi aussi. » Et donc il disait : « Je veux servir le Sacré Cœur de Jésus aujourd’hui et à jamais. Je veux que ma dévotion au Cœur caché dans le Sacrement d’Amour soit le thermomètre de tout mon progrès spirituel. L’essentiel de mes résolutions de cette retraite consiste à vouloir faire tout ce que j’ai noté jusqu’ici, en union intime avec le Sacré Cœur de Jésus dans le Saint Sacrement. » Il disait qu’il voulait être littéralement anéanti dans le Cœur de Jésus. Alors c’est très beau, vous voyez, de mettre son cœur dans le Cœur de Jésus. De mettre notre petit cœur, notre cœur blessé, fripé, pécheur, pas toujours propre… de le mettre dans le Cœur même de Jésus. Ce qui est incroyable c’est que c’est possible. Il y a des saints auxquels le Seigneur l’a fait physiquement et c’est un symbole pour nous. Cela veut dire que simplement nous les hommes, nous les pauvres chrétiens qui sommes là sous cette tente, en commençant par moi, qui sommes des hommes tellement limités et tellement pauvres… Il est possible en réalité que nous placions notre cœur à l’intérieur même du Cœur de Jésus et que le Cœur de Jésus batte à l’intérieur de nous.

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         Ensuite, troisième passage, là nous sommes en 1907, et Monseigneur XXIII, qui n’est pas encore Monseigneur d’ailleurs, l’abbé XXIII… L’Abbé XXIII ! L’abbé Roncalli ! — Seigneur, qu’est-ce que je raconte ?… — L’abbé Roncalli ! — n’importe quoi… on devrait créer une confrérie de gens qui s’appelleraient les historiens pour vérifier… — (Rire de l’assemblée). L’abbé Roncalli est devenu secrétaire de l’évêque de Bergame, qui s’appelle Radini-Tedeschi. Ce n’était absolument pas ce qu’il avait prévu, cela… Il fait une retraite et il dit ceci… D’abord il s’aperçoit que sa vie n’est pas du tout comme ce qu’il avait programmé… Mais il dit ceci : « Au cours de cette retraite j’ai éprouvé un grand élan pour la dévotion au Saint Sacrement et au Sacré Cœur de Jésus. Cette dévotion a été tout pour moi. Maintenant que je suis prêtre je dois être tout pour elle. Le Tasse, » qui est un grand écrivain italien, « disait : « De l’âme éprise de Dieu, elle va avec Lui, elle vient avec Lui, est toujours avec Lui. » Voilà comment doit être ma vie : toute tournée devant le Saint Sacrement. La dévotion au Saint Sacrement et au Sacré Cœur doit inspirer toute ma vie, mes pensées, mes sentiments, mes actions… en sorte que je ne vive que pour elle et en elle. » Vous voyez, c’est beau ! Il veut vraiment être uni à Jésus par son Sacré Cœur, dans l’Eucharistie. La retraite suivante est beaucoup plus tard, en 1931, en Turquie. À l’époque il est nonce en Bulgarie et en Turquie. 1931 n’est pas une période facile. Il s’isole pour faire une retraite pendant l’octave de la Fête du Sacré Cœur et il dit ceci : « Comme elle me plaît, la pensée de saint Augustin qui appelle le Cœur de Jésus “la porte de la vie“. «  C’est magnifique : le Coeur de Jésus est la porte de la vie. « On trouve parfois que dans le développement de la dévotion au Sacré Cœur au cours des dernières années, on a été aux limites de l’exagération… » Il y a eu des excès, cela ne fait aucun doute, dont on a beaucoup souffert après. « Mais si le Cœur de Jésus est vraiment la porte il n’y a rien de trop exagéré. Il faut passer par là à tout prix pour entrer et pour sortir et moi je veux passer par là. Une autre pensée me donne grande confiance. Elle est de saint Bernard, dans l’Office du Sacré Cœur : « Où notre faiblesse trouve-t-elle la sécurité et le repos sinon dans les plaies du Seigneur ? L’univers chancelle, le corps pèse de tout son poids, le Diable tend ses pièges, je ne tombe pas car je suis campé sur un roc solide, j’ai commis quelque péché grave, ma conscience se trouble, mais ne perd pas courage puisque je me souviens des plaies du Seigneur. Le secret de son Cœur paraît à nu dans les plaies de son corps. » Vous voyez cet amour du Cœur de Jésus, en Bulgarie, là, montre vraiment sa confiance dans l’amour de Jésus, dans son Cœur.

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              La dernière retraite en Turquie, dans laquelle il parle du Cœur de Jésus, s’est passée en 1937, avant la guerre. Il dit ceci : « Je veux être un homme de l’Eucharistie (vir eucharisticus), je veux l’être vraiment ». Il explique qu’il a une vie difficile, parce que comme nonce il est très occupé, et il n’a à lui que deux heures de tranquillité par jour, entre 22h et 24h. C’est donc à ce moment là qu’il veut être, en quelque sorte, uni au Cœur de Jésus. Ensuite il a été nonce en France et a continué à faire des retraites dans lesquelles il parle aussi du Cœur de Jésus, de cet amour du Cœur de Jésus et de ce que cela lui a donné dans la vie. C’est très beau. On sent qu’il y est extrêmement attaché. Je ne veux pas rentrer dans les détails par rapport à Jean XXIII aujourd’hui, parce que tout à l’heure en relisant ces textes pour préparer cet enseignement, ce qui m’a touché à travers ces textes c’est le cœur de cet homme, Jean XXIII. Parce que je trouve qu’il nous livre son cœur. Ce sont des notes de retraite, donc ce ne sont pas des enseignements. Dans des notes de retraite qui ne sont que pour soi, on peut parler de soi, il faut parler de soi, il faut aller jusqu’au bout de ce qu’on peut dire. Il n’avait pas du tout écrit cela pour que ce soit publié, il n’a pas pensé un instant qu’il serait pape. D’ailleurs, quand il est à Paris, c’est assez drôle… il dit qu’il est indifférent à toute forme d’avancement ou d’honneur. Alors, du coup, comme il était indifférent, Dieu s’en est servi et l’a fait Pape. Il ne s’en ait pas glorifié, vous voyez. Ce qu’il y a de très beau dans le témoignage de Jean XXIII c’est précisément le cœur de cet homme. Et je trouve que c’est très intéressant de citer ces deux papes, Pie XII et Jean XXIII, l’un après l’autre. Parce que Pie XII est un intellectuel, il donne un texte très beau et très fort, il se livre à travers ce texte qui suit une continuité remarquablement bien faite. Jean XXIII c’est tout à fait différent : il ne fait pas d’enseignement, il livre son cœur, il donne son cœur, il expose son cœur à lui-même, mais mystérieusement à nous aussi. Dont nous bénéficions, nous qui sommes sous cette tente, là, ce soir. De ce cœur de cet homme qui était un homme bon, qui est devenu un saint, qui ne se prenait pas pour un aigle, qui ne passait pas pour un aigle. C’est un homme qui n’a pas été estimé. Quand il était nonce en Turquie on ne pensait pas que c’était un modèle. On l’a envoyé en France parce que la situation était très difficile, en 1944, et on pensait qu’il allait arranger les affaires en urgence, ce que d’ailleurs il a fait… Le nonce en France est automatiquement nommé cardinal… il est devenu cardinal… Comme il fallait en faire quelque chose on l’a mis sur le siège de Venise, mais il ne passait pas pour un génie. Et voilà qu’il est devenu pape et qu’il a changé le cours de l’Histoire. Pourquoi ? Parce que c’était un cœur pur. C’était un petit, c’était un cœur pur, c’était un homme bon. Et cette bonté, il l’a puisée où ? Pas dans son intelligence. Ce n’est pas qu’il était sot, c’était un homme très cultivé. Mais il a puisé, tout simplement, dans l’amour du Cœur de Jésus, qu’il contemplait dans l’Eucharistie. Il a aspiré, en quelque sorte, l’amour du Cœur de Jésus qui venait à l’intérieur de son propre cœur. Ça va ? Vous voyez, donc, c’est beau de voir ces deux papes l’un après l’autre, très différent l’un de l’autre, et qui pourtant nous parle de l’Amour de Dieu.

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             Je vais terminer en nous lisant une prière de Jean XXIII. Une prière à Jésus dans le mystère de l’Eucharistie. Il l’a probablement écrite assez tard, probablement même étant pape :

             « Ô Jésus, voyez la prière qui s’élève plus intense et émue en ce jour de chaque autel et de chaque cœur de chrétien », (c’était la fête Dieu, la fête du Saint Sacrement), « Ô Jésus, regardez-nous de votre Sacrement tel que vous invoque le docteur angélique saint Thomas et avec lui la sainte Église. Ô Jésus Bon Pasteur, voici votre troupeau, le troupeau que vous avez rassemblé des quatre coins de la Terre, le troupeau qui écoute votre parole de vie et se propose de la garder et de la mettre en pratique, de la répandre, c’est le troupeau qui vous suit docilement, Ô Jésus, et qui sera si heureux de voir » (au Concile œcuménique qu’on allait réunir juste après) « le reflet de votre aimable visage, sur celui de votre Église, la Mère commune qui ouvre à tous ses bras et son cœur et qui avec émotion et confiance attend tous ses évêques » (là on voit bien qu’il a rédigé étant Pape) « Ô Jésus, Nourriture substantielle des âmes, ce peuple immense accourt vers vous, il veut répondre à sa vocation humaine et chrétienne avec une nouvelle ardeur, une nouvelle vie intérieure, disposé au sacrifice dont vous avez donné en paroles et en actes un exemple inimitable. Vous avez précédé chacun de nous Christ Jésus, qui êtes notre Frère aîné, vous avez pardonné les fautes de chacun, tous et chacun vous nous appelez à donner le témoignage d’une vie plus noble, plus convaincue, plus active. Ô Jésus, vrai Pain, unique et seule nourriture substantielle des âmes, rassemblez tous les peuples autour de votre table, elle est une divine réalité sur la Terre, un gage de faveur céleste, la garantie de bonne entente dans la justice entre les peuples et de pacifique compréhension pour le véritable progrès de la civilisation. Nourris pas vous et de vous, Ô Jésus, les hommes seront forts dans la foi, joyeux dans l’espérance, actifs dans les multiples applications de la charité. Les volontés sauront résister aux assauts du Mal, aux tentations de l’égoïsme, à la lassitude et à la paresse. Et aux yeux des hommes droits et craignant Dieu, apparaîtra la vison de la Terre des Vivants dont le cheminement de l’Église militante veut être l’image en faisant retentir dans le monde entier les premiers échos mystérieux et ineffables de la Cité de Dieu. Oui, Ô Jésus, soyez notre pasteur et notre protecteur, faites-nous connaître le bonheur dans la Terre des Vivants. Amen. Alleluia. »

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             Je relis cette dernière phrase, frères et sœurs, qui est tellement belle : « Oui, Ô Jésus, soyez notre pasteur et notre protecteur, faites-nous connaître le bonheur dans la Terre des Vivants. Amen. Alleluia. »

     

    Père Bernard Peyrous

            


    [i] L’assemblée et les prêtres.

     

    Retranscription effectuée pour La Vaillante
    par le podcast de réécoute de Radio Notre-Dame

    Illustration & photographies :
    Sanctuaire de Paray-le-Monial

     

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    La France & le Sacré Cœur

  • Marguerite-Marie Alacoque et la sainte Eucharistie

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    Église St André Montreuil (93).jpg            « Qu’y a-t-il de plus obéissant que mon Jésus en la sainte Eucharistie ? où il se trouve à l’instant que les paroles sacramentelles sont prononcées, que le prêtre soit bon ou mauvais, ou quel usage qu’il en veuille faire, souffrant d’être porté en des cœurs souillés de péchés dont il a tant d’horreur. De même, à son imitation, il veut que je m’abandonne entre les mains de mes supérieures, quelles qu’elles puissent être, pour disposer de moi à leur gré sans que je témoigne la moindre répugnance, pour contraire à mes inclinations que cette disposition m’arrive, parce que je veux, toute ma vie, aller au rebours d’icelles, disant au fort de mes répugnances : Mon jésus a été obéissant jusqu’à la mort de la Croix, je veux donc obéir jusqu’au dernier soupir de ma vie, pour rendre hommage à l’obéissance de Jésus en l’hostie, dont la blancheur m’apprend qu’il faut être une pure victime pour lui être immolée, sans tache pour le posséder, pure de corps, de cœur, d’intention, d’affection ; et pour se transformer toute en lui, il faut mener une vie sans curiosité, d’amour et de privation, me réjouissant de me voir méprisée et oubliée, pour réparer l’oubli et le mépris que mon Jésus reçoit dans l’hostie.

                Mon silence intérieur et extérieur sera pour honorer le sien. Lorsque je parlerai, ce sera pour rendre hommage à cette parole du Père, ce Verbe divin qui est caché dans l’hostie.

                Lorsque j’irai prendre ma réfection, je l’unirai à cette nourriture divine dont il substante nos âmes dans la sainte Eucharistie, lui demandant que tous les morceaux soient autant de communions spirituelles qui m’unissent et me transforment toute en lui-même.

                Mon repos sera pour honorer celui qu’il prend dans l’hostie ; mes peines et mortifications, pour réparer les outrages qu’il reçoit dans la sainte hostie.

               J’unirai toutes mes oraisons à celles que le sacré Cœur de Jésus fait pour nous dans l’hostie ; de même, l’office divin, aux louanges que ce Cœur adorable y donne à son Père éternel, et en faisant la génuflexion, je penserai à celles que l’on lui faisait par dérision en sa Passion, et je dirai : Que tout fléchisse devant vous, ô grandeur de mon Dieu, souverainement abaissé dans l’hostie ! Que tous les cœurs vous aiment, que tous les esprits vous adorent et que toutes les volontés vous soient soumises ! Et en baisant terre, je dirai : C’est pour rendre hommage à votre grandeur infinie que je baise terre, en confessant que vous êtes tout, et que je ne suis rien. En tout ce que je ferai ou souffrirai, j’entrerai dans ce sacré Cœur pour y prendre ses intentions, pour m’unir à lui et pour demander son secours. Après chaque action, je l’offrirai à ce divin Cœur pour réparer tout ce qu’il y trouvera de défectueux, surtout mes oraisons.

                Lorsque je commettrai des fautes, après les avoir punies sur moi par pénitences, j’offrirai au Père éternel une des vertus de ce divin Cœur pour payer l’outrage que je lui aurai fait, afin d’acquitter ainsi peu à peu ma dette ; et le soir je mettrai dans cet adorable Cœur tout ce que j’aurai fait le jour, afin qu’il purifie ce qu’il y aura d’impur et d’imparfait dans mes actions, pour les rendre dignes de les lui approprier et de les mettre dans son divin trésor, lui laissant le soin de disposer de tout selon son désir ; ne me réservant que celui de l’aimer et le contenter, puisqu’il m’a fait entendre que je ne dois avoir de prétention en tout ce que je pourrai faire ou souffrir, l’ayant sacrifié au bien et en faveur de la Communauté.

                Après tout ce que je viens de dire, je frémissais de crainte de ne le pouvoir mettre en pratique, et comme j’allais à la sainte communion, il me fit entendre qu’il venait lui-même imprimer dans mon cœur la sainte vie qu’il mène en l’Eucharistie, vie toute cachée et anéantie aux yeux des hommes, vie de mort, de sacrifice, et qu’il me donnerai la force de faire ce qu’il désirait de moi. »

     

    Marguerite-Marie Alacoque
    « Retraite de 1684 » (1684)
    in « Vie et œuvres de sainte Marguerite-Marie Alacoque » tome 2
    Éditions Saint-Paul, 1991
        

     

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    Vitrail Saint-André de Montreuil (93)

     

  • Production, homogénéisation : De nouveau… on a travaillé sur la planète Mars (Le Temps des Grâces)

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    MarcDufumier2.jpg« D’abord, depuis le néolithique jusqu’à il y a un siècle et demi, en France, à Navarre, aux Etats-Unis ou ailleurs, la sélection des plantes était faite par les agriculteurs. Et comme tout le monde faisait cela dans une multitude de petits pays à l’échelle mondiale, ces gens ont créé une multitude de variétés végétales, une multitude de races animales - qui portent souvent des noms de lieux, d’ailleurs… Ce n’était déjà pas les appellations contrôlées mais presque… On donnait un nom de lieu à des variétés qui avaient été identifiées à tel endroit, ou le nom d’inventeur d’un paysan qui en était à l’origine… - Cela créa une biodiversité culturale et animale que vous ne soupçonnez pas, et sans trop de préjudices à la biodiversité spontanée, parce que justement on cherchait, à l’époque où il n’y avait pas encore ces pesticides, des variétés qui étaient adaptées, tolérantes aux prédateurs et aux insectes du coin. C’est-à-dire, moi au Laos j’ai vu des cotons qui étaient velus, ils avaient des poils. Et les agriculteurs m’expliquent : « C’est vachement bien parce que vous voyez, les insectes piqueurs-suceurs se déposent sur les poils, essayent de piquer, essayent de sucer, et une fois sur quinze ils y arrivent… », c’est-à-dire que le coton survit. Et donc on n’était pas obligé d’éliminer des insectes pour que le coton puisse pousser. Cela s’est fait pendant des siècles. Et la rupture commence, il y a un siècle et demi en France, et il y a un demi siècle à l’étranger. La rupture commence quand on va confier la sélection à des agronomes et des généticiens. Alors, moi qui forme des agronomes et des généticiens, je n’ai pas très envie de couper tout de suite la branche sur laquelle je suis assis, mais il faut voir les raisonnements qui ont été les leurs :

    Paysage.jpgLa planète est de taille réduite, la population augmente, donc il faut produire plus à l’unité de surface. Donc on va chercher des variétés et des races animales capables de produire plus à l’unité de surface. Mais pour qu’on ne perde pas trop de temps à cette expérimentation, et s’assurer très vite que le facteur variétal est bien à l’origine de l’accroissement de rendement, on va sélectionner ces variétés, toutes choses égales, par ailleurs. Il ne faudrait pas que pendant nos expériences on mette du temps à avoir des résultats significatifs, parce que à un endroit de rendement ça a été bouffé par un phacochère, un autre par un insecte, un autre ça a été attaqué par un champignon… Il ne faudrait pas non plus qu’à un endroit il y ait plus de cailloux qu’en un autre. Donc il faut tout homogénéiser. Donc pour homogénéiser le nombre de cailloux, on fait là où il n’y a pas de cailloux ; pour homogénéiser le nombre d’insectes, on met un insecticide ; pour qu’il n’y ait pas de différence de phosphate, on met beaucoup de phosphate, comme ça s’il y avait au départ un peu de différence dans la teneur en phosphate d’un bout de la parcelle à l’autre, avec beaucoup de phosphate tout cela est gommé. On a donc fait cela dans un monde extrêmement artificialisé, qui assez étrangement ressemble à celui de l’agriculture industrielle des États-Unis et de l’Europe. C’est-à-dire qu'on a fait des variétés capables de bien intercepter la lumière mais très gourmandes en phosphate, très gourmandes en potasse, très gourmandes en eau, ne supportant pas les stress hydriques ; très souvent ne supportant pas les champignons, donc il faut leur mettre des fongicides ; ne supportant pas les insectes prédateurs il a fallut mettre des insecticides… De nouveau… de nouveau… on a travaillé sur la planète Mars. »


    Marc Dufumier
    Chaire d’Agriculture Comparée Institut National Agronomique, Paris      

     

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  • L'impasse Dominique Venner (2)

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    Le chevalier, la mort et le diable Dürer.jpg

     

                On pouvait apprécier Dominique Venner, historien en marge de la vie intellectuelle française, pour son courage, son honnêteté, son travail, tout en éprouvant une distance vis-à-vis de sa philosophie. Depuis un an devenu lecteur assidu de sa Nouvelle Revue d'Histoire, je ne partageais toutefois pas ses idées, notamment politiques et spirituelles. C'est la chance de l'esprit que de se retrouver, par-delà ces différences, dans une recherche de la vérité et du sens. La fin extraordinaire qu'il s'est lui-même choisie éclaire d'un nouveau jour ce fond idéologique et religieux qui nous séparait.

                La fascination mortifère pour le passé dans laquelle une certaine droite nationale, dans les les années 50 et 60, risquait de se glacer, l'homme l'a sublimée au mieux par son engagement intellectuel à partir des années 70. Ce n'est pourtant pas sans recréer une identité fictive qu'il a élaboré une pensée de la volonté et des origines au parfum un peu allemand : un passé païen mythique dans tous les sens du terme, Heidegger et Nietzsche, l'idée que le vouloir et l'être ne font qu'un. Les intelligences brillantes doivent toujours combattre leur propension à rêver le réel au lieu de le penser. Il y avait une part de lumière en Dominique Venner, celle qui, précisément, faisait le deuil de ce lyrisme qu'il sacrifiait au travail d'éclaircissement de l'historien. Son dernier geste comme ses écrits montrent que la part ténébreuse, qui n'est autre que l'idéologie, devait, dans sa vie, avoir le dernier mot.

                Nous vivons un moment à proprement parler apocalyptique, les illusions se défont, la réalité montre ses aspects. Le chaos augmente avec les chances de le dissiper, par cette montée de l'intensité du temps qui caractérise les basculements de l'Histoire, comme si l'opacité et le dévoilement alternaient de plus en plus vite. À mesure que le pouvoir abstrait qui nous domine se découvre à notre intelligence, nous sommes de plus en plus tentés par des formes d'abandon, de révolte ou de confusion. Dominique Venner n'est cependant pas mort de la violence de notre époque, qui pourra faire d'autres victimes plus faibles, il s'est laissé gagner par ses propres obscurités. Dans ses derniers messages, il s'inquiétait de l'effondrement spirituel de la France, mais aussi de la perspective d'une islamisation qui pourrait devenir totale, ce qu'il jugeait un plus grave danger. Il y a assurément un caractère brutal dans le joyeux mélange migratoire, le système du remplacement, le déracinement obligatoire que nous impose le pouvoir mondial à travers nos élites serviles. La haine de soi, le rejet de la terre, la culpabilisation des origines me sont devenus, comme à d'autres, insupportables, notamment à cause de cet humanisme mensonger qui cache des logiques féroces. Mais lui, en vue de quoi a-t-il agi ? Il parle d'un « sacrifice » qui serait une « fondation ». Le suicide pourrait-il être fécond ? Nous laisse-t-il un espace, une liberté pour nous saisir d'un avenir ? Faut-il en faire un culte pour « fonder » un espoir ? Mais de quoi ? Ce geste a tout d'une injonction contradictoire : « Je me suicide pour l'exemple. Résistez, mes frères ! » Par ailleurs, il y a finalement autant de pulsion de mort dans la négation des racines que dans leur exaltation en tant qu'absolu. Si je salue l'intellectuel pour son travail d'historien, son retour à une « mémoire identitaire » me semble une façon impérieuse de nous placer devant un passé aussi imposé et arbitraire que n'importe quelle idéologie plus triomphante aujourd'hui.

                Que dire aux amis, ou simplement aux français, qui ne sont pas issus directement de cette mémoire européenne, comment proposer un avenir à partir d'un passé d'ailleurs un peu fantasmé ? Dominique Venner dénonçait dans le christianisme une « métaphysique de l'illimité » destructrice de nos peuples ; mais que doit-on dire de sa philosophie ? Si l'immigration massive et la logique du remplacement nous indignent, cela signifie-t-il que nous devons rester entre nous, dans une famille ethnique et spirituelle fermée depuis l'antiquité, sans nous adresser à ceux qui, aujourd'hui, vivent, pensent, font la France ? Quelle impasse ! Il ne fallait pas le lire beaucoup pour comprendre qu'il avait un compte à régler avec le christianisme, il portait même une haine feutrée, rentrée, envers la religion de son enfance. Il lui en voulait de son universalité dissolvante. Mais quoi, existe-t-il un tel dilemme entre l'universel et le particulier ? Les deux ne doivent-ils pas s'articuler dans l'exercice de l'amour ? N'est-ce pas d'ailleurs l'un des enseignements essentiels du christianisme ? Tout cela serait dérisoire si une partie de la droite la plus authentique ne restait accrochée à ce mauvais sacré dont témoigne son suicide. On a vu une partie de sa blogosphère et des animateurs de Radio Courtoisie, média plutôt catholique sur lequel il s'exprimait, perdre un peu la raison devant ce geste inouï, s'empresser de nous dire que ce n'était ni folie ni désespoir, mais héroïsme, jusqu'à déclarer frénétiquement qu'il s'agissait d'un sacrifice prometteur. Je m'inscris en faux.

                Il y a des formes de folie froide. Ainsi débute sa lettre : « Je suis sain de corps et d’esprit, et suis comblé d’amour par ma femme et mes enfants. J’aime la vie ». On ne formule que ce qui ne va pas de soi... Se suicider en pleine possession de ses moyens, sans problème affectif, uniquement pour cet idéal sans contour ni substance, relève d'une pathologie grave. Je n'y vois que de l'orgueil, du désespoir et de la mort. Ainsi déclarait-il : « C’est en décidant soi-même, en voulant vraiment son destin que l’on est vainqueur du néant. Et il n’y a pas d’échappatoire à cette exigence puisque nous n’avons que cette vie dans laquelle il nous appartient d’être entièrement nous-mêmes ou de n’être rien. » Voilà comment la « volonté » fait une boucle, finit par se détruire, et même par se nier jusqu'à la dérision, parce qu'elle s'est crue tout. Cette conjonction du délire de puissance et de la pulsion de mort entre en contradiction, d'ailleurs, avec une autre partie de la lettre qui critique l'individualisme destructeur. Pour être quelque chose plutôt que rien, il faut se suicider devant l'autel de Notre-Dame, tout sacrifier, l'espoir, l'amour même, à la vanité d'une apparence, donc à ce néant pourtant tant dénoncé. L'acte de Dominique Venner n'a pas de vraie grandeur : il cherche la grandeur – ce n'est pas la même chose. L'homme ose nous dire : « Il faudra certainement des gestes nouveaux, spectaculaires et symboliques pour ébranler les somnolences, secouer les consciences anesthésiées et réveiller la mémoire de nos origines. Nous entrons dans un temps où les paroles doivent être authentifiées par des actes. » Mais le symbolique, M. Venner, est le contraire du suicide. Quelle cohérence y a-t-il entre ce geste infamant pour la vie, profanateur pour l’Église, enfin destructeur de tout sens par son extrémisme même – et les ressources de l'identité ou la « fondation » d'un avenir ? Rappelons que le Catéchisme de l'Église Catholique, qui condamne le suicide tout en reconnaissant les fragilités qui peuvent y conduire, affirme le caractère aggravant d'en faire un modèle, notamment pour la jeunesse.[i]

    Rien n'est bon dans cet acte qui me fait relire ce que je sais, ce que j'ai reçu de cet historien en le remettant plus sévèrement en cause que je ne l'aurais fait. Il est des moments de séparation intellectuelle. Certains catholiques de sensibilité traditionaliste, en cette occasion, m'ont paru plus amoureux du sacré – ou du passé – que du Christ et de l’Église. Les Évangiles produisent pourtant, à l'avance, une décapante critique du religieux formel et de la fausse grandeur. René Girard suggère même que c'est le sacré violent que détruit la Révélation Biblique, en exposant notre ressemblance avec le Créateur, qui ne peut se faire précisément que par l'abandon de tous les sacrés au profit du seul mystère saint, l'échange de la divinité avec l'humanité. L'éminente dignité de la personne s'affirme théoriquement, et surtout théologiquement, par cette proximité ontologique entre le Créateur et sa créature, ce qui, loin de nous inviter à singer Dieu, nous porte à une grande humilité... Et c'est ce feu qu'est venu répandre le Christ, ce qu'il accomplira, certes, par un don de sa personne, mais en tout point contraire à un suicide. 

                Un des sens de la modernité est le dépouillement du sacré jusqu'à son point vital – le partage de la Vérité – le mystère de notre incarnation – la Vie libre – mais cette bonne part du moderne est sans cesse menacée par une autre, une frénésie de la liquidation qui, de fait, invite à un retour proliférant des divinités et des asservissements... Le transfert du sacré en savoir et de la violence en technique, tel que le processus historique ne cesse de l'accélérer, est la définition de cette modernité ambivalente qui est un dévoilement, une démultiplication de nos pouvoirs matériels et symboliques, et qui engendre une expansion des possibilités de destruction et de fascination. Elle offre ainsi, de façon permanente, une tentation terrible de retour à un archaïsme armé. Aussi les transgressions, les liquidations et les déchets que le capitalisme-progressisme accumule avec ses marchandises m'apparaît comme une modernité affolée qui sans cesse corrige sa propension régressive par la chute en avant – jusqu'à envisager de modifier l'espèce pour obéir jusqu'au bout à sa logique. C'est un tel système que venait confirmer comme par l'absurde celui qui prétendait le contester. Il ressemblait ainsi, hélas, involontairement à notre après-modernité. 

                Rien de bon ne sortira d'un tel geste. Le lendemain, une « femen » imitait le sacrifié dans une parodie qu'il n'avait que trop méritée. Il aura ouvert une brèche, mais des plus mauvaises : qui font du passage à l'acte un langage et une concurrence. Défendons la vie, plutôt que le suicide lyrique et spectaculaire. Vous qui aimez la France, qui désirez sa renaissance, oui, il existe un passé que nous devons connaître et chérir, mais aussi un avenir à peupler, à conquérir, et c'est au présent, en travaillant, en dialoguant, qu'il nous faut avancer, avec tous nos frères, même ceux que nous croyons contre nous. « Aimez vos ennemis, priez pour ceux qui vous haïssent ». Cessons de craindre, tâchons plutôt d'aimer et de convaincre. Et si nous avons besoin d'une boussole et d'un but, d'un fondement et d'un horizon, d'un cœur et d'un ciel, enfin d'un ordre qui ouvre, ce n'est pas dans les fumées d'un paganisme de la force et de l'identité qu'on le trouvera, c'est dans le Christ et ce qu'il porte de fruits : la paix, l'humilité, la fermeté dans le combat, la charité, le désir de comprendre, la vocation de se donner – la volonté d'aller vers l'autre et le réel.

    Lucien Fornello
    mai 2013 - mai 2014
    pour La Vaillante 

    (Version remaniée
    voir la première version)

     


    [i] 2280 Chacun est responsable de sa vie devant Dieu qui la lui a donnée. C’est Lui qui en reste le souverain Maître. Nous sommes tenus de la recevoir avec reconnaissance et de la préserver pour son honneur et le salut de nos âmes Nous sommes les intendants et non les propriétaires de la vie que Dieu nous a confiée. Nous n’en disposons pas.

    2281 Le suicide contredit l’inclination naturelle de l’être humain à conserver et à perpétuer sa vie. Il est gravement contraire au juste amour de soi. Il offense également l’amour du prochain, parce qu’il brise injustement les liens de solidarité avec les sociétés familiale, nationale et humaine à l’égard desquelles nous demeurons obligés. Le suicide est contraire à l’amour du Dieu vivant.

    2282 S’il est commis dans l’intention de servir d’exemple, notamment pour les jeunes, le suicide prend encore la gravité d’un scandale. La coopération volontaire au suicide est contraire à la loi morale.

    Les troubles psychiques graves, l'angoisse ou la crainte grave de l’épreuve de la souffrance ou de la torture peuvent diminuer la responsabilité d suicidaire.

    2283 On ne doit pas désespérer du salut éternel des personnes qui se sont donné la mort. Dieu peut leur ménager par les voies que lui seul connaît, l’occasion d’une salutaire repentance. L’Église prie pour les personnes qui ont attenté à leur vie.

    Catéchisme de l'Eglise Catholique

  • L’affection envers les vrais croyants de l’Islam doit nous porter à éviter d’odieuses généralisations, parce que le véritable Islam et une adéquate interprétation du Coran s’opposent à toute violence

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    Blason Pape François.jpgLa relation avec les croyants de l’Islam acquiert à notre époque une grande importance. Ils sont aujourd’hui particulièrement présents en de nombreux pays de tradition chrétienne, où ils peuvent célébrer librement leur culte et vivre intégrés dans la société. Il ne faut jamais oublier qu’ils « professent avoir la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux, futur juge des hommes au dernier jour »[i]. Les écrits sacrés de l’Islam gardent une partie des enseignements chrétiens ; Jésus Christ et Marie sont objet de profonde vénération ; et il est admirable de voir que des jeunes et des anciens, des hommes et des femmes de l’Islam sont capables de consacrer du temps chaque jour à la prière, et de participer fidèlement à leurs rites religieux. En même temps, beaucoup d’entre eux ont la profonde conviction que leur vie, dans sa totalité, vient de Dieu et est pour lui. Ils reconnaissent aussi la nécessité de répondre à Dieu par un engagement éthique et d’agir avec miséricorde envers les plus pauvres.

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    Pour soutenir le dialogue avec l’Islam une formation adéquate des interlocuteurs est indispensable, non seulement pour qu’ils soient solidement et joyeusement enracinés dans leur propre identité, mais aussi pour qu’ils soient capables de reconnaître les valeurs des autres, de comprendre les préoccupations sous jacentes à leurs plaintes, et de mettre en lumière les convictions communes. Nous chrétiens, nous devrions accueillir avec affection et respect les immigrés de l’Islam qui arrivent dans notre pays, de la même manière que nous espérons et nous demandons être accueillis et respectés dans les pays de tradition islamique. Je prie et implore humblement ces pays pour qu’ils donnent la liberté aux chrétiens de célébrer leur culte et de vivre leur foi, prenant en compte la liberté dont les croyants de l’Islam jouissent dans les pays occidentaux ! Face aux épisodes de fondamentalisme violent qui nous inquiètent, l’affection envers les vrais croyants de l’Islam doit nous porter à éviter d’odieuses généralisations, parce que le véritable Islam et une adéquate interprétation du Coran s’opposent à toute violence.

     

    Articles 252-253

    de l’Exhortation apostolique

    du Saint-Père François

    La joie de l’Évangile

    EVANGELII GAUDIUM



    [i] CONCILE ŒCUMÉNIQUE VATICAN II, Const. Dogm. Lumen gentium, sur l’Église, n.16.

  • Plaidoyer pour une acculturation positive de l'Islam en France

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    Acculturation, islamophobie, patriotisme, islam français... des termes qui ont suscité de vifs débats, des critiques acerbes au mieux, des raccourcis faciles et malveillants et autres invectives au pire.

    Sur ce site (saphirnews.com) et ailleurs je regrette le manque de rigueur d’analyse (y compris de chercheurs en science politique) et les procès d’intention qui dénotent l’incapacité de saisir les enjeux de la présence des musulmans et de l’islam en France. 

    Parmi ces concepts, la notion d’acculturation, souvent mal comprise, a produit des réactions hâtives et des condamnations non fondées. De quoi s’agit-il ? L’acculturation est une notion sociologique qu’on définit comme le processus de modification de la culture d’un groupe ou d’une personne sous l’influence d’une autre culture. En ethnologie, il s’agit de l’ensemble des phénomènes qui résultent du contact direct et continu entre des groupes d’individus de cultures différentes, et les changements qui surviennent dans les modèles culturels originaux de l’un ou des groupes concernés. 

    Lorsque s'entremêlent une culture majoritaire et une culture dite minoritaire, c’est alors un processus par lequel un individu apprend les modes de comportements, les modèles et les normes de façon à être accepté dans ce groupe et à y participer sans conflits.

     

    La diversité des cultures : un principe islamique

    L’acculturation apparaît donc comme la conséquence de la volonté d’adapter sa manière de vivre (valeurs, règles de comportements) à un groupe et à une culture plus vastes. Il ne s’agit pas d’un phénomène négatif lorsqu’il n’est pas la conséquence d’une politique institutionnalisée et répressive.

    Bien au contraire, l’acculturation se vit au quotidien dans toutes les sociétés d’hier et d’aujourd’hui : les Berbères se sont en partie « arabisés », les Indiens « américanisés », les Arabo-Maghrébins « francisés »... Malheureusement, beaucoup de musulmans pensent que l’acculturation est un aveu de faiblesse, un manque de caractère, pire de la compromission. Cette lecture des choses est erronée à double titre : religieux et sociologique. 

    Au niveau religieux, cette attitude ramène à l’idée que l’islam est la religion des Arabes alors que, par définition, l’islam est universel et s’adresse à toutes les cultures du monde. Il devient donc urgent de l’épurer des éléments qui sont un obstacle pour l’intégration non seulement des musulmans mais aussi de l’islam même. C’est de notre responsabilité commune : théologiens, responsables associatifs, simples citoyens... 

    Cette acculturation des musulmans peut s’exprimer à différents niveaux : par exemple, le choix du prénom. Non seulement il faut cesser d’imposer un nom arabe aux convertis (une ineptie quand nous savons que l’islam est universel) mais plus encore faire le choix de prénom français pour les musulmans de naissance sans que cela suscite moquerie. Ainsi, appeler sa fille Marie, nom de la Vierge mère de Jésus − paix soit sur lui −, ne devrait poser aucun problème. Cela ne doit pas être perçu systématiquement comme étant une faiblesse mais comme une volonté réfléchie et clairvoyante de faire de l’islam une religion du pays, une religion qui ne serait progressivement plus celle de l’étranger. 

    D’ailleurs, aucun procès n’est fait aux Turcs qui appellent leurs enfants Mehmet (Muhammad), Kevser (Kawthar) ou encore Eva (Hawwa). Cette diversité des cultures est un principe islamique. « Et aussi Nous avons fait de vous une communauté de justes pour que vous soyez des témoins aux gens, comme le Messager sera témoin à vous » (Coran, s. 2, v. 143).

     

    Psychologie sociale et droit

    Ne pas saisir ces enjeux, c’est nous conduire vers des lendemains difficiles et une indéniable perte de temps, temps qui nous est précieux.

    Prenons un autre exemple, celui du voile intégral, voici un combat que mènent avec hardeur certains musulmans, qui est néanmoins vain et inutile. Sur le plan religieux, le niqab n’est pas obligatoire pour une très large majorité des savants de l’islam, même si cette pratique peut être répandue dans certains pays musulmans. De plus, dans le contexte européen, sécularisé et où l’islam est très souvent perçu comme rétrograde, il contribue à accentuer le fossé qui existe entre les Français de confession musulmane et leurs coreligionnaires. Le niqab noir interpelle, effraie et, il faut le dire, est un non-sens sur le territoire français.

    Dans ce cas, effectivement la visibilité des musulmans est nuisible. Il faut avoir le courage de le dire : le voile intégral a sans doute naturellement sa place en Arabie et au Yémen mais pas en France, comme personne ne songerait à se promener de manière impudique au centre du Caire.

    Au niveau sociologique, il convient de tenir compte du contexte social, de l’Histoire et de la culture de la population du pays (des « indigènes » ou « Français de souche »). La France a une Histoire, une mémoire, des périodes glorieuses et d’autres qui le sont moins et qui ont contribué à la construction d’une identité originale. Cette psychologie sociale transcende les particularisme, transcende le droit.

    Certains évoqueront le droit pour justifier leur démarche. Cependant est-il judicieux de défendre des droits qui ne correspondent à aucune obligation religieuse et qui n’aboutissent qu’à donner une image dégradée de l’islam et des musulmans et de susciter l’incompréhension et le rejet des autres composantes de la nation ? À quoi bon tenir la dragée haute à son interlocuteur au niveau du droit, si cela s’accompagne d’une méfiance et d’une suspicion plus accrues ?

     

    Ne pas ignorer les dynamiques de l’intégration sociale

    Nous devons absolument opérer une distinction entre la dimension juridique, d’une part, et la dimension culturelle et sociologique, d’autre part. On ne change pas les mentalités, on ne fait pas accepter sa différence en l’imposant, même si le droit nous est plutôt favorable, à une culture qui se sent bousculée et dans laquelle les habitants ont l’impression de perdre leurs repères.

    Il faut en effet rappeler que la présence des musulmans est très récente et surtout massive, ce qui fait dire à certains Français qu’ils ne reconnaissent plus ou pas leur pays. Ce ressenti ne peut être ignoré et les musulmans doivent se comporter en conséquence. Il ne s’agit nullement d’une aliénation, mais il s'agit d’une adaptation indispensable pour préserver la cohésion sociale et intégrer l’islam dans une culture qui lui était jusqu'à présent peu familière.

    Le statut de minorité n’est pas ici juridique : en effet, les citoyens de confession musulmane n’ont ni moins de droits ni plus d’obligations que les autres Français. La minorité est ici culturelle et religieuse. Croire que le statut de simple citoyen serait l’unique cadre et le seul argument pour s’affirmer dans la société, c’est ignorer totalement les mécanismes et les dynamiques de l’intégration sociale. 

    La prise en compte de la dimension culturelle est d’autant plus importante que les identités sont bousculées par une mondialisation facteur d’instabilité et de repli. C’est dans ce contexte qu’il est possible de comprendre − au moins partiellement − le développement d’une extrême droite se revendiquant de prétendues valeurs européennes et chrétiennes.

    Cette crispation identitaire se matérialise par le rejet de ce qui peut apparaître comme étranger et comme pouvant constituer un danger pour l’identité des sociétés européennes. Ce qui est préoccupant, c’est que cette crainte est partagée par un nombre grandissant de nos concitoyens (voir les derniers sondages). Le droit ne pourra en aucun cas être une réponse suffisante, même si nécessaire, pour enrayer cette montée des inquiétudes et des crispations pouvant prendre la forme de l’islamophobie. Une des solutions est certainement l’acculturation.

    Dans les faits, cette acculturation est largement en marche ; malheureusement, elle ne se fait pas toujours dans le sens souhaité : certains jeunes musulmans ne parlent plus l’arabe (et, dirions-nous, malheureusement), écoutent de la musique américaine et mangent chez McDonald's. Le comble alors est d’entendre certains polémiquer sur l’art de la table à la française en s’imaginant qu’ils sont invités à boire du vin de table ! Il s’agit d’adapter sa pratique à une culture dominante (majoritaire), pas de renoncer aux impondérables de la religion.

    Après un islam en France et un islam de France, il est temps de construire un islam authentiquement français : authentique dans ses sources, authentique dans son enracinement. 


    Djilali Elabed
    enseignant en sciences économiques et sociales 

  • Un de ces centres d’où l’amour et la grâce du Seigneur rayonnent mystérieusement mais réellement sur votre cité

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    Plaque de marbre aux lettres d’or gravée
    Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre

     

    « … Nous sommes à Montmartre,
    dans la Basilique du Sacré-Cœur,
    consacrée à la contemplation de l’amour du Christ
    présent dans le Saint-Sacrement.

     

    Ce mystère de l’amour du Christ, nous ne sommes pas
    appelés à le méditer et à le contempler seulement :
    nous sommes appelés à y prendre part. C’est le mystère
    de la Sainte Eucharistie, centre de notre foi, centre
    du culte que nous rendons à l’amour miséricordieux
    du Christ manifesté dans son Sacré-Cœur, mystère qui
    est adoré ici nuit et jour, dans cette Basilique, qui
    devient par là-même un de ces centres d’où l’amour et
    la grâce du Seigneur rayonnent mystérieusement
    mais réellement sur votre cité, sur votre pays et sur
    le monde racheté (…) »

     

    Jean-Paul II au soir du dimanche 1er juin 1980

    « Je vous confesse que cette visite est un instant
    privilégié pour moi et pour toute ma vie.
     »

     

    PapeJPII Montmartre.jpg

    (Voir la Méditation intégrale du Pape Jean-Paul II

    Canonisation du 27 avril 2014,
    Fête de la Miséricorde Divine
    Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre)

     

     

     


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    La France et le Sacré Cœur