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La Vaillante >>> Ère 4 - Page 9

  • La question fondamentale ne sera jamais résolue : le sentiment d’inégalité.

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    Lettre ouverte d'un jeune homosexuel aux Parlementaires : Jules Courot

     

    Mon témoignage sur l’homosexualité et mon opinion sur le mariage pour tous


    « Le projet de loi de « mariage pour tous » fait couler beaucoup d’encre, chez les « pros » comme les « antis » et de nombreux sujets sont occultés alors qu’ils sont prioritaires car ils concernent un nombre plus important de Français : chômage, logement, pauvreté, éducation, santé, alimentation, dépendance, handicap, exclusion…











    Cependant, je dois te dire quelque chose d’important au sujet de l’homosexualité, dont tu n’as peut-être jamais entendu parler. Cette lettre se veut l’humble témoignage de mon expérience. En effet, je ne prétends pas détenir la vérité sur un sujet aussi complexe que l’homosexualité. Cela te concerne en tant que citoyen français mais également parce que je suis peut-être ton voisin, ton collègue, ton ami, ton frère, ton fils.









    J’ai 27 ans et, à l’âge de 18 ans, j’ai pris conscience de tendances homosexuelles. Ce jour-là a été un choc énorme. Je me suis posé beaucoup de questions : pourquoi moi ? pourquoi ces tendances ? ne pourrai-je jamais aimer une femme, fonder une famille ? où est l’avenir avec tous ces projets qui tombent à l’eau ? à quoi cela sert-il de vivre ?




     

     



    En vieillissant, d’autres questions et souffrances sont apparues : souffrance de ne pas toujours savoir entrer en relation avec les autres, de ne pas se sentir aimé, de ne pas savoir aimer, de ne pas s’aimer, de ne pas être ce que j’aimerais être « un homme à femmes ». Pourtant, je ne suis pas seul à souffrir ; nombreux sont ceux qui souffrent : de la perte d’un être cher, du chômage, de la pauvreté, de la solitude, d’addictions, d’un handicap, d’exclusion, de maladie, de stérilité… Malgré cela, cette souffrance n’est-elle pas légitime ? N’est-il pas important que quelqu’un puisse m’écouter et m’aider à discerner sans me juger ?







     

     

    Si je décide de pratiquer l’homosexualité, serai-je vraiment heureux ? Comment serai-je à 80 ans ? Comment mon entourage réagira-t-il en l’apprenant ? Me soutiendra-t-il ou cessera-t-il toute relation ? Devrai-je lui en parler au risque de le faire souffrir ou vivre caché au risque de souffrir seul ? Où est la vérité ? Où est le bonheur ? Les personnes découvrant des tendances homosexuelles ne se posent-elles pas les mêmes questions ?





     

     

     




    De ma propre initiative, j’ai choisi d’en parler à un psychothérapeute, qui m’a accompagné dans mes questionnements, tout en respectant ma liberté de conscience et de « choix de vie ». En apprenant à me connaître, j’ai réalisé que mes tendances homosexuelles s’étaient construites pendant mon adolescence pour plusieurs raisons : à cause d’un manque affectif très fort de la part de mon père (réel ou ressenti ?) et d’un lien fusionnel avec ma mère. D’autres traumatismes sont venus indirectement renforcer ces tendances : le harcèlement moral et physique de mes « camarades », garçons comme filles, pendant ma scolarité et la confrontation, dès l’âge de 12 ans, à la pornographie et au discours hyper sexualisé des émissions de radio.










    J’ai compris que lorsque je suis attiré par des personnes du même sexe, c’est parce que je cherche en elles l’amour de mon père dont j’ai manqué et l’amitié de mes « camarades » dont j’ai été privé durant ma scolarité. Je crois que les facteurs de l’homosexualité sont multiples et complexes et que chaque situation est unique. Enfin, je crois que l’on ne peut pas comparer l’homosexualité masculine et l’homosexualité féminine. Néanmoins, je pense que la connaissance de soi, qui est un long cheminement, permet de faire la vérité sur soi et aide à s’assumer avec les blessures inhérentes à toute vie humaine. C’est de l’acceptation de cette vérité sur soi, je crois, que résulte la paix intérieure.







     


    Cela fait neuf ans que je vis avec ces tendances qui, parfois, rendent mes relations avec les autres difficiles, malgré des questions existentielles qui parfois refont surface. Quel sens donner à ma vie ? Comment vivre heureux si je ne peux me marier avec une femme et avoir des enfants ?





    Mais, si je tiens à prendre la plume, c’est pour dire combien ce projet de loi de « mariage pour tous », à mon sens, vient bouleverser les repères de notre société où nous manquons déjà cruellement de repères, où le relativisme est roi et où l’individualisme est courant. Quoiqu’il faille saluer la générosité ponctuelle et financière de beaucoup de Français lors d’événements médiatisés tels que le Téléthon, les Restos du Cœur, le séisme en Haïti ou les tsunamis en Thaïlande ou au Japon. Cela est-il pour autant suffisant ? La canicule de l’été 2003 n’a-t-elle pas mis au jour un grave problème d’isolement des personnes âgées dont les voisins ignoraient les besoins ? Le Lillois retrouvé chez lui 15 ans après son décès ne pose-t-il pas question sur l’indifférence de certains ? La présence de sans-abris à nos portes, y compris ayant un emploi, ne montre-t-il pas que nous avons encore des efforts à faire en matière de solidarité ? Le montant des dépenses des Français pour les fêtes alors que beaucoup n’ont rien n’est-il pas une injustice ? Selon un sondage CSA pour l’émission Capital, en décembre 2012, les dépenses par foyer variaient de 263€ à 483€ alors que le RSA s’élève à 475€ ou le minimum vieillesse à 777 €.














    Je vais tenter d’apporter mon opinion et un éclairage sur l’homosexualité, à partir de mon vécu, avec humilité, dans un souci de sincérité et de rigueur intellectuelle. Avant toute chose, sachant que ce sujet peut réveiller des blessures très profondes, je voudrais d’avance te demander pardon si tu te sens blessé en lisant ce qui suit. Je te demande également de la patience dans la lecture de cette lettre. En effet, comment évoquer un sujet aussi complexe en 140 caractères ?








    Depuis neuf ans, j’ai été amené à écouter et à comprendre les arguments des « pros » et des « antis », à rencontrer d’autres personnes homosexuelles que moi ou à écouter leurs proches. Je crois que l’on ne peut véritablement se faire une opinion sur les réalités de l’homosexualité et sur les enjeux du « mariage pour tous » que si l’on est en capacité de s’écouter, sereinement et non dans l’affrontement, ce que je déplore aujourd’hui en l’absence de débat réel et pacifié. En effet, chacun défend son point de vue sans écouter l’autre, que ce soit dans un camp ou dans un autre. Quel que soit le sujet, on voit bien aujourd’hui combien nous avons du mal à nous écouter et à nous faire confiance ; d’abord parce que nous avons du mal à prendre du recul par rapport à notre propre situation, parce que nous avons du mal à faire usage de notre raison et que nous réfléchissons plus souvent à l’aune de nos sentiments. Ensuite, parce que nous avons oublié la vertu fondamentale de l’interdit du mensonge. On voit bien à quel point l’usage de la langue de bois et le mensonge sont devenus monnaie courante pour arriver à ses fins ou éviter d’assumer la responsabilité de ses actes. La conséquence dramatique est que l’on ne se fait plus confiance et l’on a du mal à se croire. Puisqu’il m’arrive de mentir, comment puis-je être certain que mon interlocuteur ne ment pas non plus ?
















    Toi qui es homosexuel et qui dis assumer ton homosexualité, je suis heureux pour toi mais je te demande d’accepter que d’autres ont un parcours différent du tien et vivent des situations différentes. Chacun est unique et doit cheminer en toute liberté et à son rythme.






    Toi qui vis ces questions avec souffrance, je veux te dire mon affection, te dire combien je comprends ta souffrance, tes doutes, ta révolte, plus encore aujourd’hui où l’on entend tout et son contraire, des paroles s’érigeant en vérités absolues, chez les « pros » comme chez les « antis », niant le parcours unique et les aspirations de chacun.







    D’un côté, certains politiques et lobbys gays banalisent l’homosexualité comme si la question était simplement une inégalité de droits et la réponse uniquement législative. Mais c’est nier les causes complexes et diverses de l’homosexualité et les souffrances que vivent beaucoup de personnes homosexuelles. 







    D’un autre côté, des intégristes de tous bords tendent à imposer une vérité sans charité et condamnent ceux qui n’ont pas choisi leurs tendances homosexuelles ou ceux qui pratiquent l’homosexualité « malgré eux ».






    En réalité, la très grande majorité des Français ne sait pas ce qu’est l’homosexualité et ont des paroles humiliantes à l’égard des personnes homosexuelles, parfois même dans sa famille ou ses amis. C’est par ignorance ou par peur de la différence. Ce sentiment de peur face à ce que l’on ne comprend pas est humain. Je crois aussi qu’il est lié au sentiment d’impuissance face à une situation que l’on ne maîtrise pas. Ne t’es-tu jamais senti désarmé face à la souffrance d’un proche ou face à une situation inconnue ? N’as-tu jamais employé, même toi qui es homosexuel, pendant ta jeunesse, pour plaisanter, les expressions « voiture de pédé », « tapette » ou « pédale » ? Pourtant, as-tu mesuré que cela pouvait blesser ?












    Toi qui ne comprends pas l’homosexualité, qui en est peut-être dégoûté, qui considère cela « contre-nature », je te comprends mais je te demande d’ouvrir ton cœur et ton intelligence, car derrière ces réalités se cachent des êtres humains, comme toi, qui ont un cœur, une intelligence et une immense soif d’amour et de vérité.







    Comment donc s’y retrouver entre les discours « pros » et les discours « antis » ? Qui croire ? Que croire ? Où est la vérité ? Comment ne pas être taxé d’homophobie si l’on est contre le projet de loi de « mariage pour tous » ? Comment défendre la famille (père-mère-enfant) tout en respectant ceux qui n’ont pas fait un choix conscient de leurs tendances ou qui vivent dans une situation familiale différente de la famille traditionnelle ?








    C’est un fait, des personnes de même sexe vivent ensemble et se portent mutuellement affection. Certains élèvent des enfants, issus pour la très grande majorité d’unions hétérosexuelles, et l’on ne peut nier que ces enfants reçoivent autant d’amour que dans des couples de sexes opposés. Par ailleurs, il faut reconnaître la sincérité du désir d’enfant des personnes homosexuelles et la souffrance de ne pas en avoir. Cependant, je crois que l’on doit se poser les questions suivantes en mettant de côté ses affects : Quelle situation familiale et éducative est la meilleure pour le bien-être psychique de l’enfant ? N’y a-t-il pas des limites aux désirs individuels que le législateur doit rappeler dans la loi ? Existe-t-il un droit à l’enfant ou des droits de l’enfant ? Avoir un père et une mère n’est-il pas précieux, même si les réalités sont aujourd’hui diverses ? Selon l’INSEE, en 2005, 81% des 13,5 millions de jeunes de moins de 18 ans vivaient avec un couple parental marié (63%) ou en union libre (18%). L’INED, en 2005, estimait que 24000 à 40000 enfants étaient élevés par des couples de même sexe, soit entre 0,22% et 0,29% du nombre total d’enfants.















    Je crois aussi que la question fondamentale, sous-jacente à ce projet de loi, ne sera jamais résolue : le sentiment d’inégalité. Certes, des améliorations législatives peuvent être apportées au pacs afin de garantir des droits équivalents, comme l’a exprimé le Défenseur des droits dans son audition du 13/12/2012 à l’Assemblée nationale, en matière de pension de réversion, de logement (co-titularité du bail) ou de congés pour événements familiaux. Faudra-t-il encore qu’ils soient assortis des mêmes obligations pour qu’il y ait égalité de traitement (obligation alimentaire par exemple) et résoudre les cas où le parent biologique d’un enfant change plusieurs fois de partenaire. Chaque partenaire du couple devra-t-il l’obligation alimentaire aux enfants de l’autre partenaire, l’enfant devra-t-il l’obligation alimentaire à la totalité des partenaires de son parent biologique ? Le partenaire devra-t-il l’obligation alimentaire à l’ensemble de ses partenaires, dans le cas où sa responsabilité est reconnue, comme dans les divorces chez les couples hétérosexuels ?











     


    En effet, à mon sens, le sentiment d’inégalité que le projet de loi prétend abolir est plus profond qu’un problème législatif. Il s’explique par le besoin de reconnaissance et la souffrance que vivent beaucoup de personnes homosexuelles. Il est vrai que, pendant des siècles, elles ont été condamnées par les régimes politiques en place. Mais, en réalité, la cause de cette souffrance est intrapsychique. La réponse est par conséquent individuelle et non pas collective. Ce sentiment d’infériorité s’explique par le traumatisme que provoque la découverte de tendances homosexuelles. En effet, l’écart entre ce à quoi l’identité de chacun le destine (homme ou femme), ce à quoi chacun aspire au fond de lui-même, et les limites auxquelles son orientation le contraint, sont source de souffrance. Elisabeth Kübler-Ross, psychiatre et psychologue, a établi 7 phases dans le phénomène du deuil, suite à un événement traumatique, les premières étant le déni et la révolte pour arriver à l’acceptation. Toi qui es concerné par ces questions, peut-être es-tu dans le déni parce qu’il est trop douloureux pour toi d’accepter cette réalité ? Peut-être es-tu dans la révolte parce que cela te permet d’exprimer ta souffrance en rejetant la responsabilité sur un tiers (la société, la politique, les religions...) ? Je dis cela avec beaucoup de respect envers toi et de prudence car moi aussi j’ai traversé ces phases de déni et de révolte y compris envers ma famille, mes amis, mon milieu social ou ma religion mais je me rends compte que j’avais tort.


















    Je crois en effet que toute vie humaine a sa part de blessures et de souffrances, à des âges et des degrés différents. Etre vrai avec soi et avec les autres, c’est reconnaître la fragilité de l’existence humaine et en assumer les limites. Nous vivons dans un monde aseptisé où la mort et la maladie sont taboues. Notre société de consommation, via les discours politiques, publicitaires ou médiatiques, nous fait croire que tout peut s’acheter : la santé, la beauté, le bonheur, l’éternelle jeunesse, l’immortalité. C’est un mensonge qui n’aide personne à accepter les limites de l’existence humaine et rend malheureux car nous sommes en permanence insatisfaits. Le moindre grain de sable dans les rouages de nos projets nous déstabilise. Il faut voir à quel point le retard d’un train de quelques minutes nous met en rogne (alors que 95% des trains étaient à l’heure, selon la SNCF, en 2011). Il faut voir aussi comme nous avons du mal à regarder une personne handicapée, une personne âgée malade ou un sans-abri quand nous les croisons. Pourquoi ? Parce que leurs fragilités nous renvoient à nos propres fragilités que nous ne cessons de nier en les camouflant derrière nos vêtements de marque, nos diplômes, notre statut social, notre argent, notre voiture, notre maison... En réalité, s’il y a bien une chose devant laquelle nous sommes tous égaux, du sans-abri au Président de la République, c’est la mort. Ce que je veux signifier, c’est que l’homosexualité et ses limites font partie de ces fragilités humaines qu’il revient à chacun d’assumer.


















    Toi qui es jeune et qui vis douloureusement ces questions, toi qui ne comprends rien à l’homosexualité, toi qui es indifférent - et cela est dommage - je veux te mettre en garde de ne pas te laisser manipuler par un « beau » discours politique ou de celui des lobbys gays sous prétexte d’égalité de droits. Je te demande de ne pas être naïf car l’homosexualité n’est pas aussi simple qu’un baiser entre deux adolescents qui découvrent leurs tendances. Certes, l’affection que peuvent se porter deux personnes de même sexe est bien réelle et le désir de vivre fidèlement aussi. Moi aussi, j’ai été attiré par un homme et j’ai eu beaucoup d’affection pour lui. J’aurais été prêt à donner ma vie pour lui. Cela dit, tous les jours je suis attiré par d’autres hommes que je trouve beaux et avec qui j’ai envie de faire ma vie alors que je ne les connais pas. La personne homosexuelle n’est jamais satisfaite car l’attirance qu’elle éprouve pour des inconnus de même sexe est, non pas de l’amour, mais le désir de combler un besoin immense de reconnaissance et d’affection. Non, l’homosexualité n’est pas si simple, si épanouissante, si naturelle. Quel est le pourcentage de couples homosexuels qui ont une relation fidèle et épanouie ?















    Je veux aussi témoigner que le désir homosexuel est parfois compulsif et violent. Il faut constater l’existence de boîtes gays, de clubs échangistes gays, de pratiques sadomasochistes, de fist-fucking. Il faut voir la pornographie homosexuelle sur Internet accessible malheureusement à n’importe qui, y compris via Youtube, Dailymotion ou les réseaux sociaux, pour se rendre compte de la violence et de l’aspect compulsif du désir homosexuel. Un homosexuel honnête avec lui-même ne peut le nier.









    Toi qui vis ces pratiques, et qui peut-être en souffres, je veux te dire mon affection et combien je te comprends. Je sais que, ni toi ni moi, ne nous résumons à nos tendances et à ces pratiques. Ce que je dénonce, c’est le tabou sur cette réalité du désir homosexuel, par les médias, les politiques et les lobbys gays, qui sert les intérêts de quelques-uns favorables au projet de « mariage pour tous ». Nier cette réalité, c’est nier la souffrance des personnes homosexuelles, c’est nier leur soif de bonheur et leurs aspirations à autre chose de plus grand. Ce projet de loi, à mon sens, vise à rendre plus acceptable cette pratique homosexuelle cachée, vécue par des célibataires mais aussi des hommes ou femmes en couple en recherche de plaisir immédiat, malheureux ou frustrés dans leur sexualité.









     


    Toi qui vis ces pratiques, en toute honnêteté avec toi-même, quel regard portes-tu sur celles-ci ? Que ressens-tu quand tu as des relations sexuelles avec ton compagnon ? N’est-ce pas toi que tu cherches à travers lui ? N’est-ce pas te rassurer en te disant « Je me suffis à moi-même ! Il n’y a que moi qui compte, les autres sont inintéressants. » ? Es-tu vraiment heureux et épanoui ?








    Ce que je raconte sur les clubs échangistes ou sur les pratiques homosexuelles est une réalité. Parfois, des adultes en manque d’amour et de repères, profitent de l’innocence de jeunes adultes ou de personnes de leur âge pour assouvir leurs fantasmes. Il me revient en mémoire une vidéo Youtube d’un homme de 40 ans, filmant la façon dont il achetait progressivement les faveurs d’un jeune de 20 ans, rencontré dans une cafétéria, contre une forte somme d’argent. Si l’homosexualité était si naturelle, si épanouissante, pourquoi alors les personnes ayant ces pratiques n’en parlent-elles pas ouvertement à leurs amis ou leur famille ? Quand on dit que l’homosexualité est taboue, c’est parce que les personnes homosexuelles elles-mêmes n’en parlent pas, parce qu’au fond elles sentent bien que ces pratiques ne sont pas épanouissantes, qu’elles en souffrent, et qu’elles aspirent à autre chose. Attention, je ne dis pas que toutes les personnes homosexuelles fréquentent des clubs échangistes ou ont des pratiques sadomasochistes. Je ne dis pas non plus qu’elles sont toutes infidèles. Je connais des couples homosexuels qui vivent ensemble depuis plusieurs années. Je comprends aussi la souffrance de ne pouvoir vivre des gestes d’affection en public, de se tenir la main, de mettre sa tête sur l’épaule de l’autre, de s’embrasser. C’est une souffrance d’être obligé de se cacher alors que les couples hétérosexuels peuvent s’embrasser en public. Je reconnais le désir sincère des personnes homosexuelles de partager une vie affective et fidèle. Mais, je dis que l’homosexualité n’est pas aussi simple, aussi épanouissante, que l’hétérosexualité. Ne dit-on pas qu’il y a plus d’infidélité dans les couples homosexuels que dans les couples hétérosexuels ?





















    C’est la raison pour laquelle je pense que l’homosexualité et l’hétérosexualité ne sont pas équivalentes. C’est la raison pour laquelle je crois que ce projet de loi de « mariage pour tous » est injuste car il ne tient pas compte de la diversité et de la complexité des situations que vivent les personnes homosexuelles. Il nie le désir de celles qui aspirent à autre chose, il les enferme et les réduit à leurs tendances et leurs pratiques. Il nie celles qui n’ont jamais demandé ce projet de loi. Il nie celles qui croient qu’il ne résoudra pas le fond du problème. La preuve, c’est qu’au lendemain de la manifestation du 13 janvier, il ne fait que renforcer les inquiétudes des opposants devant le mutisme du gouvernement, il crée plus de souffrance chez les personnes homosexuelles qui se sont senties blessées par cette manifestation, il attise les affrontements entre « antis » et « pros », et, en finalité, dessert les personnes homosexuelles qui, pour la plupart ne demandent rien, et peuvent être sujettes à plus de violences à leur égard. J’étais à la manifestation le 13 janvier et je peux témoigner que je n’ai vu aucune homophobie mais plutôt des gens témoignant de la joie d’avoir eu un père et une mère et leur inquiétude devant le changement que la loi implique dans la filiation.
















    Quant à l’adoption, à la procréation médicalement assistée (PMA), réservée aujourd’hui aux couples stériles, et la gestation pour autrui (GPA), qui arriveront inévitablement si le projet de loi de « mariage pour tous » est voté, posent aussi question. On ne peut nier qu’un enfant est issu, à quelques exceptions près - un viol par exemple - de l’amour entre un homme et une femme. Je sais qu’il existe des enfants élevés par des couples homosexuels qui sont heureux. Mais, la plupart ont un père et une mère puisqu’ils sont issus, sauf exception, d’une union hétérosexuelle. Je ne nie pas que des enfants adoptés et élevés par un couple d’hommes ou de femmes aient trouvé leur équilibre. On parle suffisamment du phénomène de résilience, c'est-à-dire de la capacité qu’à chacun de trouver son équilibre malgré les difficultés de la vie, pour comprendre que l’argument ne justifie pas à lui seul l’ouverture de l’adoption à des personnes de même sexe. En effet, les pédopsychiatres et les professionnels de la pédiatrie disent combien l’enfant, dans les premiers mois de sa naissance, a besoin de sentir la présence charnelle de sa mère pour s’épanouir. Un enfant a besoin de la complémentarité d’un père et d’une mère pour se construire. Un garçon a besoin de s’identifier à son père et une fille à sa mère pour construire leur identité d’homme et de femme. Des études existent qui disent qu’il n’y a pas plus de risque pour un enfant d’être élevé par un couple homosexuel qu’hétérosexuel. En réalité, nous n’avons pas assez de recul pour connaître les conséquences à long terme. Comment accepter que le gouvernement institue officiellement un déséquilibre en privant volontairement un enfant de sa mère dans le cadre de la GPA ? D’autre part, j’ai moi-même trop souffert du manque affectif de mon père, qui a pourtant fait du mieux qu’il a pu - je ne lui jette pas la pierre - pour que la loi institue l’absence d’un père, en autorisant la PMA à deux femmes, aussi sincère leur désir d’enfant est-il. Pour la GPA, n’oublions pas non plus les questions éthiques que cela pose. Quid si le couple homosexuel veut que la mère porteuse avorte parce que l’enfant est handicapé alors qu’elle souhaite le garder ? Quid de la marchandisation du ventre des femmes des pays pauvres par les acheteurs des pays riches ?

























    Toi qui dis qu’il vaut mieux qu’un enfant soit éduqué par un couple homosexuel que par un couple hétérosexuel violent et alcoolique, tu as en partie raison. Je reconnais ici ton désir d’enfant et ta souffrance de ne pas en avoir. Cependant, c’est oublier que les professionnels de l’enfance, dans le cas de signalements d’enfance en danger, ont le souci de préserver les liens familiaux, sauf dans les situations les plus graves mettant en jeu la vie des enfants1. Ces situations qualifiées de graves par la Protection de l’enfance représentent 19% des signalements soit 19000 cas sur 98000 signalés en 20062. D’autre part, en disant cela, tu nies la majorité des couples hétérosexuels qui assument avec fidélité leur mission d’éducation de leurs enfants, non sans difficulté mais avec courage et ténacité. Ce n’est pas parce que nous avons manqué, pour certains, de l’amour d’un père ou d’une mère, que nous avons eu un père violent ou une mère alcoolique, que nous avons été élevés par une mère célibataire ou par un couple de personnes de même sexe, que nous ne sommes pas en capacité de reconnaître qu’un enfant a besoin d’un père et d’une mère pour être conçu et pour se construire. Nous ne devons pas imposer aux autres enfants ce dont nous avons manqué. Etre adulte, c’est être capable de s’oublier pour se soucier du bien-être des générations futures, c’est prendre de la hauteur par rapport à ses propres désirs pour discerner avec objectivité ce qu’il y a de mieux pour l’humain. Et cela, que l’on soit célibataire ou marié, divorcé ou veuf, fécond ou stérile, homo ou hétéro, est à la portée de chacun, pour peu que l’on assume les limites que la vie nous a imposées et que l’on s’ouvre à l’altérité.


















     


    En effet, nous, les personnes homosexuelles, avons tendance à nous renfermer sur nous-mêmes et à nous isoler en prétendant que la société est homophobe et hostile à notre égard. Nous accusons les hétérosexuels de nous prendre pour des « sous-hommes ». Certes, des discriminations existent et il est inacceptable que des personnes soient humiliées ou rejetées en raison de leur orientation sexuelle, qu’elles n’ont pas choisie. Mais, nous ne pouvons pas accuser les personnes contre le projet de « mariage pour tous » d’être homophobes. Je suis d’ailleurs très agréablement surpris de voir dans mon entourage combien de personnes, que je croyais fermées sur le sujet de l’homosexualité, sont en réalité ouvertes et ont des paroles bienveillantes à l’égard des personnes homosexuelles. Méfions-nous des préjugés hâtifs que nous portons les uns sur les autres. On peut, en ce sens, remercier certaines associations et le ministère de la Santé pour avoir mené, en 2009, un travail de lutte contre l’homophobie. Il nous arrive souvent de ressentir un complexe d’infériorité et un sentiment victimaire, parce que nous sommes blessés, à fleur de peau, et que nous interprétons toute parole comme contre nous. Si bien que nous finissons par regarder notre nombril et vivons entre nous pour nous rassurer, puisque nous considérons le monde extérieur comme une menace. Afin de sortir de cette spirale négative qui nous rend malheureux, nous devons assumer nos tendances et nous ouvrir à l’altérité. Nous avons besoin des couples mariés ou non, homme et femme, qui apportent une stabilité à notre société et avons besoin d’apprendre à entrer dans la joie des autres. Laisse-moi te donner un exemple personnel. Dernier d’une fratrie de cinq, il m’est souvent arrivé de vivre douloureusement les fêtes de famille parce que cela me révoltait de voir mes frères et sœurs mariés avec enfants et d’être le seul à être homosexuel et sans enfant. A tel point que ces retrouvailles familiales avaient pour moi un goût amer et triste. Progressivement, j’ai pris conscience que je faisais fausse route et j’ai décidé de changer de regard. En effet, suite au traumatisme de la découverte de tendances homosexuelles, je pouvais adopter deux attitudes différentes. Soit je restais dans la rancœur, l’amertume, la révolte d’être différent et tout sujet de conversation, surtout lorsqu’il tournait autour des enfants, me restait en travers de la gorge. Soit je décidais de poser un regard positif et ouvert sur mes frères et sœurs, j’acceptais ma différence et ses limites (le fait de ne pouvoir avoir d’enfant), et alors je pouvais entrer dans leur joie d’être parents et partager pleinement celle de mes neveux et nièces qui gambadaient dans la maison. Dans le premier cas, je ressortais malheureux de cette journée, dans le deuxième cas, j’en ressortais heureux. Ceci s’applique à n’importe qui et dans n’importe quelle situation.





























     


    C’est pourquoi, n’ayez pas peur, vous les couples mariés avec enfants, de partager, sans arrogance, la joie de votre famille. Mais surtout, je vous en supplie, soyez ouverts et attentifs à chacun et, en particulier ceux qui n’ont pas la chance de vivre le même état de vie que vous : les personnes homosexuelles, les couples stériles, les célibataires, les mères seules, les personnes divorcées, les personnes malades, les veuf(ve)s, les personnes handicapées, les sans-abris… Notre société est diverse. C’est dans le partage de cette diversité, avec ses richesses et ses limites, et dans le soutien mutuel, que nous pouvons vivre heureux. Nous ne devons pas nous enfermer dans des ghettos, avec les risques de haine et de violence que cela engendre. Au contraire, nous devons nous ouvrir les uns aux autres. Apprenons à nous connaître, à nous respecter, débarrassons-nous de nos peurs et de nos préjugés les uns envers les autres et aidons-nous à vivre concrètement. Prenons soin les uns des autres. Si nous mettions notre vie en perspective de notre mort, si nous vivions chaque jour comme si c’était le dernier, alors nous serions bien plus attentifs les uns envers les autres, alors nous mettrions de côté nos différences pour regarder ce qui nous rassemble, notre appartenance à la même communauté humaine mortelle, créée pour aimer et être aimée.














     



    Sur un sujet connexe, je veux témoigner de l’immense accueil que j’ai reçu dans l’Eglise catholique, des paroles d’affection des évêques et des prêtres à qui j’ai confié mes questions et mes souffrances. Jamais, ils ne m’ont jugé mais ils m’ont écouté et redit combien ma vie avait de la valeur, combien le Christ m’aimait et combien je ne me réduisais pas à mes tendances. Ils m’ont redit que la porte de l’Eglise me serait toujours ouverte comme elle l’a toujours été à l’égard des personnes homosexuelles qui les a accueillies et protégées dans le passé alors que les régimes politiques en place les condamnaient. En 1750, par exemple, Jean Diot et Bruno Lenoir, deux homosexuels sont condamnés au bûcher, sentence confirmée par le Parlement3.











    Toi qui accuses l’Eglise catholique d’être intégriste et de ne pas savoir vivre avec son temps, tu nies la joie que j’ai de participer à la messe chaque dimanche, tu nies la magnifique et révolutionnaire actualité du message contenu dans la Bible, qui n’a pas changé depuis 5000 ans :« Tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix et je t’aime. » Isaïe 43,4 et « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Lévitique 19,18.






     


    Alors, qu’est-ce que « vivre avec son temps » ? Qu’est-ce qu’« être dans le vent » ?





    Est-ce le message que la société et les médias véhiculent depuis des dizaines d’années auprès de nos adolescents en leur disant : « Baise ta copine, encule-la, suce ton copain, profite-en, la vie est courte ! », message que relaient certaines émissions de radio en soirée, ou la pornographie que plus de 50% d’entre eux ont visionné avant l’âge de 13 ans4 ? Je rappelle que j’ai été victime de la pornographie à l’âge de 12 ans et cela m’a marqué à vie. Ou bien est-ce le message de l’Eglise qui, s’adressant aux jeunes, leur dit : « Aime les filles, respecte-les, apprends à te connaître et à te respecter, apprends à connaître et à respecter ta petite amie, la sexualité est magnifique, elle est la preuve d’amour la plus belle que tu puisses lui offrir, prends le temps, c’est important. ». Au collège public, en cours de Sciences et Vie de la Terre, on m’a enseigné comment fonctionnait l’appareil reproducteur féminin et masculin, au lycée public, on m’a expliqué le mode d’emploi d’un préservatif. Quand m’a-t-on parlé d’amour, d’affection, de respect mutuel, de beauté de la sexualité ? Jamais ! C’est au sein de l’Eglise, dans des groupes de réflexion et de partage destinés aux adolescents et aux jeunes adultes, que l’on m’en a parlé, mais il était trop tard. J’étais marqué à vie par ce que j’avais vu et entendu.












     




    Madame Najat Vallaud-Belkacem, ministre du Droits des femmes, vous qui êtes sensible à la lutte contre les violences faites aux femmes, attaquez-vous aux vraies causes, c’est-à-dire à ce que l’on enseigne aux adolescents au collège afin qu’ils apprennent à se respecter et à respecter l’autre sexe. Comment respecter et prendre soin de l’autre si je ne sais pas me respecter et prendre soin de moi ? Attaquez-vous à ce que les radios diffusent le soir et qui façonnent l’imaginaire de nos adolescents et travestissent leur idée de la sexualité. Attaquez-vous à la pornographie qui ne montre de la sexualité qu’un rapport violent et dominant de l’homme sur la femme et fait d’elle un objet. Madame la Ministre, aurez-vous le courage de vous attaquer aux vraies causes de la violence faite aux femmes ? Vous qui êtes chargée de la lutte contre l’homophobie, attaquez-vous aux vraies causes en rappelant la différence fondamentale entre un homme et une femme, en rappelant la beauté de l’amour entre un homme et une femme, au lieu de défendre la théorie du Gender, chère à Judith Butler, qui promeut le contraire, dont vous vous faîtes la complice, et que les manuels scolaires de SVT de première abordent depuis 2011. Ecouterez-vous un homosexuel qui vous le demande et qui, fort de son expérience malheureuse, a l’intime conviction que cela cause plus de tort aux adolescents dont on sait qu’ils sont, à cet âge, en pleine construction de leur identité et dont la tendance homosexuelle peut constituer une phase transitoire de leur construction psycho-sexuelle ?


















    Il est de notre devoir d’adulte d’aider nos adolescents à devenir des hommes et des femmes épanouis, capables de se respecter l’un et l’autre. Il est aussi de notre devoir d’accompagner celles et ceux dont la tendance homosexuelle se confirme dans le temps. Ceux-là doivent être plus que jamais écoutés, soutenus, accompagnés et protégés d’éventuelles discriminations ou de tentatives de suicides. Mais, continuerez-vous à soutenir une théorie qui sème la confusion dans les esprits de nos adolescents et risque d’augmenter le nombre de suicides plutôt que les réduire ? Si le risque de suicide est prédominant à cet âge, ce n’est pas d’abord à cause de discriminations, qui existent c’est indéniable, je suis bien placé pour en parler puisque j’en ai été victime, mais en raison même du traumatisme qu’engendre la découverte d’une tendance homosexuelle. Oui, ce serait irresponsable d’inciter un adolescent à pratiquer l’homosexualité et de l’y enfermer si celle-ci n’est que passagère parce qu’elle participe de sa construction psycho-sexuelle. Toi qui n’as pas de tendance homosexuelle et qui n’est pas spécialiste de la question, que sais-tu vraiment de ce qu’éprouve une personne homosexuelle au plus profond d’elle-même, des causes de ses tendances qu’elle-seule est en mesure de comprendre en faisant un travail sur elle-même ? Comment peux-tu légiférer sur cette question, en ayant auditionné seulement une dizaine de personnes prétendant représenter une communauté qui, en réalité, est composée de milliers d’individus uniques et complexes ?



















    Si je suis vivant aujourd’hui, c’est parce que l’Eglise catholique m’a sauvé du suicide, parce qu’elle m’a redit l’Amour et l’Espérance du Christ pour moi. Combien de jeunes se suicident aujourd’hui (et demain ?) parce qu’ils n’entendent pas une parole d’Amour et de Vérité, parce que les discours de certains politiques, des médias et de la société, nient leur dimension affective et leurs aspirations ? Parce qu’ils ont perdu confiance dans des adultes incapables de se respecter et de dialoguer, à commencer par les politiques sensés être exemplaires, mais aussi à cause d’adultes qu’ils côtoient au quotidien et qui sont parfois violents les uns envers les autres (les automobilistes entre eux, les parents à l’égard des enseignants et vice versa, dans la rue, les transports en commun…). Enfin, parce que la société de consommation est incapable de répondre à la question, pourtant cruciale, du sens de la vie.












    Toi qui rétorqueras que les prêtres sont pédophiles, tu nies la grandeur des centaines de milliers de prêtres qui vivent dans la fidélité leur mission au service de tous et en premier lieu les plus petits. Tu nies la droiture des dizaines de prêtres et évêques qui m’ont accompagné depuis ma naissance, de ceux qui m’ont écouté et soutenu quand j’allais mal. C’est aussi insultant et faux que de dire que les personnes homosexuelles sont pédophiles. Depuis octobre 2000, le Vatican a réaffirmé que « la pédophilie est un crime contre l’être humain » et a demandé que soient dénoncés à la Justice les actes commis envers des enfants. Selon la lettre de l’ODAS de novembre 2007, sur les 98000 signalements d’enfants en danger, recensés en 2006, 19000 (19%) entrent dans la catégorie des enfants maltraités, parmi lesquels 4300 sont victimes de violences sexuelles (4,38%). Selon ce même rapport et celui du Service national d’accueil téléphonique pour l’enfance maltraitée (SNATEM), les problématiques à l’origine des mauvais traitements sont à 93% d’origine familiale, 3% de l’entourage et 2% du milieu institutionnel. Une enquête de la Conférence des Evêques de France, effectuée en mai 2001, fait état de 18 prêtres mis en examen pour des faits de pédophilie, 30 prêtres condamnés purgeant leur peine, dont 11 en prison, et 21 ayant accompli leur peine (soit 61 sur les 25000 prêtres en France en 2001, ce qui représente 0,2%). Les statistiques nationales du ministère de la Justice, en 1999, relèvent un total de 634 condamnations pour viols sur mineurs et 4190 condamnations pour atteintes ou agressions sexuelles sur mineurs. Certes, les actes commis par ces 61 prêtres, comme les autres, sont inacceptables car ils trahissent la confiance que les enfants et adultes mettent dans l’institution qu’est l’Eglise, mais ils représentent 0,20% des 4824 condamnations. Ces dernières concernent une année alors que les 61 autres concernent six années (de 1996 à 2001).5

























    Peut-être as-tu vécu une mauvaise expérience avec l’Eglise, peut-être as-tu été mal accueilli par un prêtre - et j’en suis profondément attristé pour toi - mais s’il te plaît, n’enferme pas l’Eglise dans ce qu’elle n’est pas. L’Eglise est imparfaite et a des progrès à faire, car elle est composée d’êtres humains qui ont leurs limites et leurs imperfections, comme toute organisation. Mais, n’avons-nous pas aussi nos imperfections et nos limites ?








    Toi qui lis ces lignes, que tu trouves peut-être choquantes voire insupportables, je comprends ta révolte. Moi aussi, j’ai été dans le déni et la révolte, et il m’a fallu cheminer plusieurs années avant d’accepter progressivement mes tendances, mon état de vie et ses limites mais aussi ses richesses : une plus grande sensibilité à la souffrance des autres, aux inégalités de tous ordres, dans notre pays, et enfin un regard accru sur l’essentiel de la vie. Je reconnais aussi que mon regard était bien souvent biaisé et je reportais la responsabilité de ma situation sur des personnes et des institutions qui ne l’étaient pas. J’ai dû apprendre à changer mon regard afin de passer d’un statut de victime à un statut de responsable, de passer du « pourquoi ces tendances ? » au « comment vivre avec ? ». On peut avoir une vie féconde et heureuse si l’on vit, non pas enfermé sur soi, mais ouvert aux autres. On peut être heureux si l’on reconnaît que la société n’est pas responsable de son orientation et qu’une loi ne résoudra pas le fond de la question. On peut être heureux si l’on regarde, non pas ses propres limites, mais ses richesses. On peut être heureux si l’on vit, non pas dans la haine de l’autre, mais si l’on partage sa joie.















    C’est pourquoi, je demande solennellement au Gouvernement de renoncer au projet de loi de « mariage et d’adoption pour tous », et d’ouvrir un vrai débat de fond, comme des Etats Généraux de la Famille, avec l’aide de spécialistes et d’associations familiales, pour discerner avec honnêteté ce qui est bon pour l’humanité et l’enfant que l’on doit protéger.








    La Loi a pour mission de favoriser la vie en société, de protéger les plus fragiles, en tenant compte du bien commun, c'est-à-dire de l’intérêt du plus grand nombre. Le législateur a pour mission de protéger l’être humain de ses propres dérives et de son désir de toute-puissance. N’y a-t-il pas des limites aux désirs individuels, aussi sincères soient-ils, que le législateur doit rappeler ? Dans le souci de préserver une réalité anthropologique - l’humanité a été créée et s’est développée dans la différence sexuée – je demande aux Parlementaires de rejeter le projet de loi de « mariage et d’adoption pour les personnes de même sexe ». Nous pouvons trouver des arrangements législatifs au pacs pour répondre à des inégalités comme celles évoquées par le Défenseur des droits.











    Cependant, compte tenu de ce que je viens d’évoquer, il ne serait pas raisonnable de modifier le code civil et d’instituer un nouveau « modèle social » reposant sur une orientation sexuelle. Nous avons été créés homme et femme, un enfant naît d’un homme et d’une femme. Même s’il est difficile de l’entendre, car cela vient raviver une blessure que je comprends, l’homosexualité et l’hétérosexualité ne sont pas équivalentes. Une orientation sexuelle ne constitue pas une identité qui justifie la transformation de la loi. Les êtres humains ont tous la même dignité et les mêmes droits, eut égard à leur identité d’homme ou de femme. Chacun doit être respecté en raison de son appartenance à la famille humaine. Mais l’homosexualité relève de l’intime qui ne justifie pas une loi. Pour permettre de mieux comprendre le sens que peut revêtir l’homosexualité, prenons un exemple, en le poussant à l’extrême. Je crois que tout parent normalement constitué souhaite le meilleur pour son enfant. En toute honnêteté, essayons de répondre à la question suivante : « Est-ce qu’à la naissance de mon enfant, je lui souhaiterais de devenir homosexuel ? ». Si la réponse est négative, c’est que je reconnais que l’homosexualité est plus une difficulté qu’un cadeau. Comment donc demander à l’Etat d’instituer une difficulté ? Personnellement, l’homosexualité est quelque chose que je ne souhaiterai même pas à mon ennemi. Il me revient d’assumer mon orientation sexuelle, que je n’ai pas choisie, de solliciter le soutien de personnes ou d’associations6 car la souffrance est trop lourde à porter pour une personne seule. Aucune personne homosexuelle ne peut nier la période de souffrance qu’elle a traversée depuis la découverte de tendances homosexuelles jusqu’à l’acceptation de celles-ci. Je peux choisir de vivre avec une personne de même sexe mais pourquoi demander à l’Etat d’en faire une norme alors même que je ne la souhaiterais ni pour mon enfant ni pour mon ennemi ?




















     

     


    Pour terminer, je demande aux Catholiques, soutenus par les évêques et les prêtres, de continuer, sans relâche, leur mission d’amour pour tous. Tout ce que nous faisons est insuffisant ! Je salue et remercie les initiatives telles que celles vécues dans plusieurs diocèses de France, à l’instigation de leur évêque, qui ont choisi d’ouvrir une réflexion sur la place des personnes homosexuelles dans notre Eglise ou de porter une attention particulière à ce qu’elles et leur famille vivent (Aix en Provence, Cambrai, Chambéry, Grenoble, Laval, Montpellier, Nantes, Nanterre, Saint-Etienne, Toulouse, Tulle).










    Notre mission est d’annoncer l’amour du Christ pour toutes les femmes et tous les hommes de notre temps, quelles que soient leur orientation sexuelle, leur situation familiale, sociale, culturelle, géographique, couleur de peau, croyance ou pas… Nous devons l’annoncer en paroles et surtout en actes. Nombreux sont ceux engagés au service des sans-abris, demandeurs d’asile, prostitués, femmes ou hommes battus, malades, personnes âgées, handicapées, isolées, pauvres… mais cela est insuffisant ! Chacun doit se sentir concerné et agir concrètement. Toi qui lis ces lignes, demandes-toi ce que tu fais pour ceux dans le besoin et vois comment tu peux faire plus. L’Eglise n’est pas un club mondain où l’on est content d’être « entre-soi » mais un lieu où l’on doit puiser, dans la Parole, la Prière et les Sacrements, la force de mettre en pratique le message d’amour pour tous et en premier lieu les plus fragiles de notre société. Lorsqu’un seul d’entre nous n’agit pas ou est incohérent entre ce qu’il annonce et ce qu’il vit, c’est l’ensemble de l’Eglise qui en subit les préjudices. Nous sommes limités comme les autres, nous ne sommes pas meilleurs que les autres, mais nous formons une famille sur laquelle nous pouvons prendre appui, et avons dans le Christ un exemple de courage et de don de soi, jusqu’à sa vie sur la croix, au nom de la cause qu’il défendait, l’amour de tous, sans condition, et le pardon. Nous avons tous besoin de nous convertir à cette Parole, de la recevoir comme nous étant adressée personnellement, pour aller la porter ensuite à ceux que nous rencontrons.
















     

     


    S’il y a si peu de personnes homosexuelles dans l’Eglise, c’est parce qu’elles n’y ont pas trouvé l’accueil et l’affection qu’elles venaient mendier. Il est vrai que souvent des personnes souffrent tellement qu’elles n’osent pas en parler et s’excluent, ça a été mon cas pendant un temps. Cela dit, cela démontre aussi nos manques d’attention, nos manques de savoir-faire, notre aveuglement, notre manque de courage, notre paresse, pour identifier et aider ceux qui ont besoin d’aide. Si je n’ai pas définitivement quitté l’Eglise, c’est parce que j’ai eu la chance d’y grandir depuis mon baptême, parce que je me suis senti aimé par le Christ, parce que j’ai constaté dans ma paroisse une cohérence entre les paroles et les actes, et dans ma propre famille, parce que j’ai su pardonner à celles et ceux qui ont eu des paroles déplacées ou des propos humiliants, et parce que j’ai eu le courage d’aller parler à un prêtre qui m’a écouté et ne m’a pas jugé. Mais que faire pour tous ces jeunes ou moins jeunes, qui aujourd’hui – et demain ? – vivent ces questions et cette souffrance, peut-être ton fils ou ta fille, ton frère ou ta sœur, ton neveu ou ta nièce, et qui ne savent pas vers qui se tourner et risquent de se suicider s’ils ne trouvent pas une oreille et un cœur attentifs ? Si nous ne mettons pas en pratique l’Evangile concrètement, dès maintenant et tous les jours, alors notre foi est hypocrite, alors la prière universelle n’est que mascarade, alors la Bible n’est qu’un beau roman que l’on range parmi d’autres livres dans une bibliothèque et qui prennent la poussière. J’aurais aimé par exemple que, lors de la prière pour la famille du 15 août 2012, on prie aussi pour les personnes homosexuelles. J’aurais aimé que pour la journée de prière et de jeûne pour la famille du 25 janvier 20137, on pense aussi à prier pour les personnes homosexuelles qui ont aussi une famille. Ne pas penser à elles, c’est nier leur existence et leurs souffrances, c’est manquer à notre mission de chrétien. Il y a urgence ! Des personnes homosexuelles ont été blessées par la manifestation du 13 janvier, parce qu’elles l’ont interprétée comme un rejet d’elles-mêmes. Je sais que ce n’était pas le cas car j’y étais aussi et je peux témoigner que je n’y ai pas vu ni senti aucune homophobie mais des personnes inquiètes du changement que celle loi va créer dans la filiation. Le problème aujourd’hui, c’est que les personnes homosexuelles n’entendent pas les paroles d’amour des gens qu’elles côtoient au quotidien et interprètent toute parole car elles sont blessées. Parce que nous Chrétiens brandissons trop souvent l’étendard de la Vérité et oublions celui de la Charité. N’oublions pas qu’« au soir de notre vie, nous serons jugés sur l’amour », dit Saint Jean de la Croix.





























    Si l’Eglise a tant de mal à faire entendre son message d’Amour pour tous, s’il y a désaffection des églises – même si le phénomène n’est pas nouveau8 - c’est avant tout parce que nous, Catholiques, les premiers ambassadeurs du Christ, ne sommes pas tous ou pas suffisamment cohérents entre nos paroles et nos actes. C’est parce que nous sommes ce qu’un évêque a récemment nommé des « athées pieux » qui défendons des « valeurs » - ce que vivent aussi des non chrétiens – mais la question fondamentale demeure. Croyons-nous vraiment que le Christ est vivant ? Croyons-nous vraiment qu’Il nous aime ? Croyons-nous vraiment à la force de la prière ? Prenons-nous vraiment le temps, dans nos agendas surchargés, de méditer la Parole de Dieu, afin qu’elle oriente et imprègne nos paroles, nos pensées, nos actions et notre regard ? Sommes-nous capables de parler avec bienveillance de notre patron, même s’il nous rend parfois la vie dure, des politiques, même si nous ne partageons pas leurs opinions, des personnes homosexuelles, même si nous ne comprenons pas bien l’homosexualité, parce qu’ils sont nos frères et nos sœurs en Christ ? Croyons-nous vraiment que tout homme est un être unique et que dans chacun luit une étincelle divine qui mérite notre amour ?
















    C’est pourquoi, je te demande solennellement, toi qui est Chrétien, toi l’homme ou la femme de bonne volonté, de t’informer et de te former sur l’homosexualité. Je t’invite à lire la note de travail du Conseil « Famille et Société » de la Conférence des Evêques de France, de septembre 2012. Accueille avec affection et sincérité les personnes homosexuelles qui se confieront à toi, aime-les vraiment car elles ont un immense besoin d’amour et de reconnaissance. Prie et soutiens toutes les personnes et les familles qui sont touchées de près ou de loin par l’homosexualité, car c’est aussi une souffrance pour l’entourage. Dis-toi que cela peut arriver à l’un de tes enfants, ton frère, ta sœur, ton ami et que tes paroles et tes actes aujourd’hui t’engagent pour demain. Si tu as une parole dénigrante à l’égard des personnes homosexuelles aujourd’hui, comment ton enfant ou ton ami osera-t-il s’ouvrir à toi demain s’il est concerné ?













    Je termine en souhaitant au Président de la République, au Gouvernement et aux Parlementaires, le sens du discernement pour décider dans le souci du bien-commun et de la protection du plus faible, et non pas dans une logique de parti ou de stratégie électoraliste, sinon où est la liberté de conscience, bien précieux de notre démocratie que tant d’habitants de pays en dictature nous envient. Il n’y a pas de honte à reconnaître que l’on s’est précipité et que l’on n’a pas mesuré tous les enjeux d’une telle loi. C’est justement de la responsabilité des politiques de savoir prendre de la hauteur et de décider en pensant aux générations futures.








     

     


    Je souhaite à chaque Française et chaque Français une année heureuse et courageuse. Que chacun trouve auprès de ses proches et de ses amis de l’affection et de la joie. Que chacun aie le courage, le moment venu, de traverser les difficultés que toute vie comporte et en garde suffisamment pour ceux qui en manqueront. C’est dans l’ouverture à l’autre que la vie prend tout son sens.








    Enfin, je nous souhaite vivement à tous de retrouver le sens de la Fraternité, la dernière valeur de notre République, que nous avons oubliée. Quels que soient nos origines sociale, culturelle, géographique, couleur de peau, croyance, état de santé, âge ou orientation sexuelle, c’est dans la Fraternité que nous traverserons la crise. Ouvrons nos cœurs, nos portes et nos portefeuilles. Ainsi, la crise sera-t-elle moins forte et les inégalités moins importantes. »








    Ensemble, aujourd’hui et demain sont possibles !









    Jules COUROT
    23/01/2013 

     


    julescourot@gmail.com

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    facebook.com/jules.courot


    1 - Interview de la Défenseure des enfants, La Croix du 18/11/12

    2 - Lettre de l’Observatoire national De l’Action Sociale décentralisée ODAS, novembre 2007, p.4

    3 - Chronologie succincte de la répression homosexuelle en France depuis le XVIIIe siècle, www.devoiretmemoire.org

    4 - in scienceshumaines.com, M. Marzano et C. Rozier, 2005

    5 - Brochure « Lutter contre la pédophilie, repères pour les éducateurs », Conférence des Evêques de France, 2003, 52 p., rééd.2010

    6 - Je salue le travail de l’association Le Refuge qui sauve la vie à des jeunes - www.le-refuge.org

    7 - Suite à ma lettre, j’ai appris qu’on avait prié pour les personnes homosexuelles à la Basilique du Sacré-Cœur à Paris le 25/01/2013

    8 La religion est perdue à Paris (Lettre d’un vicaire parisien à son archevêque), 1849, présenté par Yvan Daniel

  • Le Visage de la République s'avance sur les Champs-Élysées

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    Tract officiel de "La Manif pour Tous" du 24 mars prochain, Rect°

     

    La loi Taubira "mariage pour tous" a été votée à l'Assemblée Nationale le mardi 12 février à 329 voix pour, 229 voix contre et 10 abstentions. Seulement 100 voix d'écart. 

    En avril prochain le Sénat procédera au vote de cette même loi.

     

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    Dorénavant, les 700 milles voix (696 428), les voies de chacune des pétitions du CESE se rassemblent et forment le visage de notre démocratie menacée de dé-composition. Sursaut de Marianne, recomposition de son visage. Ces voies redonnent chair au visage de notre République en danger. Garant du Code Civil, le visage de la République s'avance sur les Champs-Élysées.

    Le million de manifestants du 13 janvier reviendra le 24 mars accompagné d'un autre million.

    Le Président de tous les français restera-t-il sourd et aveugle devant ce nouveau cri de la République ?

     

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    Tract officiel de "La Manif pour Tous" du 24 mars prochain, Vers°

     

  • Ce sont les hommes qui font l’institution : petite histoire du CESE

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     PétitionsCESE
    Près de 700 000 pétitions délivrées au CESE, le 26 février 2013, contre le projet de loi Taubira "Mariage pour tous"


    De 2004 à 2010, Jean-Paul Delevoye a été médiateur de la République. Organe administratif créé en 1973, cette institution a pour but de suppléer les carences des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire sans toutefois se substituer à eux et en leur laissant toujours le privilège du préalable. Sur le modèle de l’ombudsman scandinave, il s’agit d’installer une forte mais souple autorité morale capable d’apprécier les situations d’administrés s’estimant lésés par l’administration. Mais la réforme constitutionnelle de 2008 est venue signer l’aveu d’échec de cette institution morte de son manque d’audace et l’a remplacée par le poste de défenseur des droits, accordé à l’ancien maire de Toulouse Dominique Baudis.

    En 2010, Jean-Paul Delevoye rejoint le Conseil économique, social et environnemental en tant que Président. Le parcours semble logique. Comme l’ombudsman qui a vocation à jouer un rôle de contrepoids aux parlements et à l’action politique au quotidien pour rapprocher administrés et administration, le Conseil économique, social et environnemental, troisième assemblée de la République, se veut une martingale populaire supplémentaire. Les forces vives de la nation pour donner leur avis, plutôt que le député godillot, voilà de quoi raviver la flamme démocratique des plus sceptiques. Surtout lorsque le CESE peut-être saisi par le peuple lui-même.

    L’année 2013 aurait pu être celle de la consécration du CESE. Pour la première fois de son histoire, le Conseil était saisi par 700 000 citoyens pour « donner son avis sur le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe et son contenu ». La symbolique était immense. Le CESE tenait là une occasion unique de chasser à tout jamais son image de comité Théodule. Mais Jean-Paul Delevoye aura joué petit. Le jour même du dépôt des pétitions, il sollicitait directement l’avis du Premier ministre par courrier  en ces termes : « Dans la perspective du prochain bureau du CESE fixé au 26 février 2013, je me permets d’appeler votre attention sur les questions liées à la recevabilité de cette pétition ». Trois jours plus tard, le secrétaire général du gouvernement adressait au Palais d’Iéna deux pages d’analyse justifiant la non-recevabilité de la pétition. Interrogé le 22 février sur la décision qu’il serait amené à rendre, le Président lâchait le morceau au prix d’un beau mensonge et avant même d’avoir statué dans les règles : « La pétition demande que le Cese se prononce pour ou contre la loi. Constitutionnellement, c’est impossible. C’est donc irrecevable sur le fond ». Puis le 26 février la décision tombe : « Le bureau a constaté que les conditions de nombre et de forme étaient réunies […] Pour autant, et en vertu de l’article 69 de la Constitution et de l’article 2 de l’ordonnance du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique social et environnemental, la saisine du Cese pour avis sur un projet de loi relève exclusivement du Premier ministre ». Interrogé la semaine dernière par nos confrères du Figaro, le professeur Didier Maus, spécialiste de droit constitutionnel, voyait pourtant l’issue de cette saisine d’un autre œil :« Rien n’empêche le Cese de se pencher sur des “évolutions sociales”, un terme à l’interprétation plus large qui figure dans la modification de la loi organique de 2010, ni de remplir un rôle d’expertise dans le domaine de l’actualité législative ». 

    Qui a déjà vu un organisme indépendant et souverain venir prendre ses ordres auprès du pouvoir politique, à part en Union soviétique ? Et arguer du droit pour mieux le renier ? « Tout votre beau système de droit n’est que négation du droit, injustice suprême », aurait hurlé le Doyen Carbonnier s’il avait été de ce monde pour assister à cette ineptie.
    Si le général de Gaulle avait eu l’impuissance de Delevoye en 1962, nous ne bénéficierions peut-être pas du suffrage universel qu’il eut le culot d’imposer par référendum en se soustrayant à l’exigence de modification constitutionnelle du Parlement. Si les sages du Conseil constitutionnel avaient partagé le manque d’audace de Delevoye en 1971, ils n’auraient pas eu l’audace d’élargir eux-mêmes leur champ de compétence au bloc de constitutionnalité pour protéger toujours plus l’Etat de droit. Si les juristes du XIXème siècle avaient eu la faiblesse de Delevoye, jamais la prérogative de puissance publique n’aurait pu être limitée par le droit administratif dont Prosper Weil qualifiait l’existence de miracle.

    Ce sont les hommes qui font l’institution. Que Jean-Paul Delevoye médite cette maxime.

    Théophane Le Méné
    in Causeur.fr, 6 mars 2013
  • La phrase interdite de Philippe Ariño

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    1ère page d'un Dépliant Pédagogique interrogeant le Mariage Pour Tous

     

    « Personnellement, je n’aurais eu l’énergie de me déplacer que si on m’avait laissé dire plus tôt et tout haut la phrase interdite (ci-dessous) qui est notre talon d’Achille à tous si on s’obstine à ne pas l’assumer, et qui aurait pourtant suffi à elle seule à flinguer le projet de loi : « Au-delà des questions de filiation et d’engendrement, l’amour homosexuel n’est pas un amour comme un autre, aussi solide, complémentaire, paisible, porteur de vie, que l’amour fondé sur la différence des sexes… même s’il existe des couples qui intègrent la différence des sexes et qui n’en profitent pas. Il n’empêche que la différence des sexes, quand elle est accueillie et respectée, est le cadre privilégié et incontournable de l’amour vrai et concret. Les couples homosexuels, en ayant expulsé la différence des sexes qui leur aurait donné une consistance, sont moins comblants, satisfaisants, complémentaires, réels et incarnés, que les couples ou les célibataires qui ont accueilli la différence des sexes.Pour cette raison, on peut reconnaître que les couples homosexuels existent, on se doit de les respecter, et d’assurer socialement/légalement la protection de chacun des deux membres qui le composent, ainsi que parfois des enfants qu’ils éduquent… sans pour autant les justifier socialement/légalement comme un modèle d’amour structurant pour une société, ni leur faire croire qu’ils composeront un couple marié ou une famille. Il n’y a pas lieu de donner aux couples homosexuels le mariage (ils ne correspondent pas à la réalité du mariage, qui est définie par la différence des sexes ouverte à la génération, étant donné qu’ils n’intègrent pas la différence des sexes et qu’ils ne sont pas procréatifs),ni l’adoption(un enfant, pour exister et pour grandir au mieux, a besoin universellement que ses deux parents biologiques père et mère s’aiment),ni le PaCS(qui, en plus de garantir des droits individuels nouveaux à des couples de sexes différents ou de même sexe, était la première marche de justification sociale du couple homo en tant que modèle équilibré de civilisation). » Tant qu’on ne laisse pas les personnes homosexuelles énoncer publiquement cela, la « Manif pour Tous » ne sera pas efficace et n’a pas de raison d’être. Je resterai chez moi le 24 ! L’enjeu premier du mariage n’est pas l’enfant : c’est prioritairement le couple, l’amour et le Réel fondés par la différence des sexes ! »

     

    Philippe Ariño

    Araignée du Désert, 25 février 2013

     

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    2ème page d'un Dépliant Pédagogique interrogeant le Mariage Pour Tous

     

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    3ème page d'un Dépliant Pédagogique interrogeant le Mariage Pour Tous

     

     
  • Si un citoyen considère que ce sujet ne le concerne pas, il contribue de fait à ce que la loi passe. En matière pratique, je ne peux pas être neutre. Ne pas choisir, c’est déjà choisir.

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    Le philosophe Thibaud Collin, auteur des Lendemains du mariage gay aux éditions Salvator, s'entretient avec Vivien Hoch.


    V.H. Votre ouvrage se place clairement au plan délibératif, apte à pouvoir infléchir les jugements politiques sur le bien et le mal. Pensez-vous qu’il soit possible aujourd’hui de remettre les notions de « jugement moral » et de « bien et de mal » sur la table du politique ?

    T.C. : Quel est le critère de l’action politique ? C’est la justice. Il s’agit donc de rechercher le juste dans telle ou telle situation ou face à telle question. Ici, c’est par rapport au projet d’ouvrir le mariage civil aux personnes de même sexe qu’une décision doit être prise au terme d’une délibération. La question de l’articulation et de la distinction entre morale et politique est très complexe. Aujourd’hui, beaucoup pensent que le bien et le mal relèvent de la seule éthique personnelle dont chaque individu est la mesure et que le politique doit rester dans une neutralité éthique en promouvant de grandes valeurs formelles comme l’égalité, la liberté, la solidarité des individus. D’ailleurs, quand on parle de « morale politique » ou de « moralisation de la vie politique », on parle souvent du respect ou de la célébration de ces grands principes et du renforcement des procédures formelles.

    Ma question est : peut-on séparer la recherche du juste de celle du bien ? Si on raisonne dans les catégories que je viens de rappeler, toute législation qui se fonderait sur une conception du bien pour dire le juste serait accusée de vouloir imposer un « ordre moral ». Or la détermination concrète du juste n’est pas la simple application automatique d’un grand principe formel. La justice ne peut être rendue que lorsqu’on attribue à chaque partie en présence ce qui lui revient, ce qui lui est dû. Le concept abstrait et formel d’égalité des droits est un filet à mailles trop larges pour permettre de discerner. L’égalité de qui ? Dans quelle situation ? Dans quelle mesure tels droits font-ils naître tels devoirs correspondants ? L’être humain n’est pas une abstraction. Pour juger, il faut regarder la réalité des protagonistes. Or ici, les parties en présence ne sont pas d’un côté des « couples homos » et et de l’autre des « couples hétéros », les uns pouvant se marier et les autres ne pouvant se marier. Le droit de se marier n’a pas pour sujet le couple mais l’individu. Or aujourd’hui, n’importe quelle personne majeure peut se marier puisque l’orientation sexuelle n’est pas un critère pertinent. Les vraies parties en présence dans cette délibération sont donc, d’un côté, des adultes de même sexe et, de l’autre, des enfants qui seraient susceptibles d’être adoptés et/ou conçus par ces adultes. Le droit de se marier des uns implique pour les autres le devoir de reconnaître ces deux hommes comme étant leurs pères ou ces deux femmes comme étant leurs mères.

    Je demande : cet hypothétique devoir ne viole-t-il pas le droit de ces enfants d’être élevés par ceux dont ils sont issus ? Et là, on voit bien que seule une réflexion sur les biens essentiels d’un enfant permet de trancher et de discerner quel est le choix à faire. Impossible donc de séparer la recherche du juste de la recherche des biens engagés dans les relations entre les êtres humains.

    V.H. Votre propos consiste à montrer que reconnaître une évolution ne dit rien sur son caractère juste ou non. Toute nouveauté n’est pas bonne. Pourtant, comment résister à ce mouvement, alors que la tendance internationale est celle de la légalisation du « mariage » homosexuel ? 

    T.C. : À l’heure où de plus en plus de gens prennent conscience des effets souvent ambivalents des progrès techniques, il serait paradoxal que la mentalité progressiste apparaisse comme la seule légitime. Les discours d’un passé récent célébrant « les lendemains qui chantent » devraient nous avoir vaccinés sur les caractères soi-disant intrinsèquement bons du progrès ! La tendance internationale dont vous parlez est limitée aux pays qui sont plongés dans une crise anthropologique et intellectuelle sans précédent dont une des caractéristiques consiste à étendre les principes démocratiques au-delà de leur champ d’application strictement politique. Cette extension crée une mentalité dans laquelle peu à peu tout devient politique. Le paradoxe de notre délibération nationale actuelle est qu’il s’agit de débattre justement pour reconnaître qu’il existe des limites pré-politiques à la vie politique. Sinon, on considère que la limite n’en est une que parce qu’on en a décidé ainsi, ce qui est une conception arbitraire et volontariste de la limite. Pourquoi, en effet, poser la limite ici plutôt que là ? On le voit bien chez les socialistes qui considéraient jadis que le PaCS étaient suffisant pour donner un cadre juridique aux couples de même sexe et qui aujourd’hui considèrent que l’accès à ce seul cadre est une injustice à leur endroit.

    Je rappelle les propos bien connus d’Élisabeth Guigou, Garde des Sceaux en 1998 : « Pourquoi l’adoption par un couple homosexuel serait-elle une mauvaise solution (sic) ? Parce que le droit, lorsqu’il crée des filiations artificielles, ne peut ni ignorer ni abolir la différence entre les sexes. (…) Mon refus de l’adoption pour des couples homosexuels est fondé sur l’intérêt de l’enfant, sur son droit à un milieu familial où il puisse structurer son identité et épanouir sa personnalité. » La situation des enfants a-t-elle à ce point changé en moins de quinze ans pour que de tels propos puissent être reniés si facilement ? Rappelons que celui qui entre temps a converti le PS au mariage gay et à l’homoparentalité n’est autre que le célèbre Dominique Strauus-Kahn qui en 2004 déclarait dans Libération « Certains pensent que, par nature, il est dommageable pour un enfant d’être élevé par un couple homosexuel. Je considère que c’est une faute morale (sic), et, sauf à ce qu’on me démontre le contraire, un non-sens scientifique. »

    V.H. Votre chapitre sur la « dialectique » post-nieztschéenne mise en œuvre dans le « débat » aujourd’hui montre bien à quel point le « débat » se déroule selon une épistémologie orientée, inapte à faire porter les discussions sur un jugement moral et politique. Comment contrer cette dialectique omniprésente aujourd’hui ? Comment échapper à la dialectique ?

    T.C. : L’influence de Nietzsche est effectivement prégnante chez plusieurs philosophes dans la pensée desquels les militants gays ont puisé des termes et des méthodes de lutte. Citons les plus connus : FoucaultDeleuze et Derrida. On est bien sûr ici bien plus en présence d’un style de pensée, de manières de questionner ou de prendre les sujets que devant un corpus unifié. Le questionnement de type nietzschéen consiste à rechercher derrière un concept, une institution, une pratique des strates ou des éléments soumis à l’histoire et surtout aux rapports de force. « Il n’y a pas de faits, rien que des interprétations ». Tout ce qui apparaît dans un premier temps comme un donné stable peut donc être soumis à une enquête généalogique révélant les processus de sa constitution et les luttes cachées ayant rendu possible sa stabilisation.

    Dès lors, les principes du jugement moral et les principes anthropologiques ne sont que des constructions historiques. Vouloir s’appuyer sur eux comme sur des critères d’évaluation et de choix est perçu comme une atteinte aux dynamismes joyeux des forces vitales irréductibles aux catégorisation identitaires et binaires. Dès lors lorsque certains osent affirmer que l’ouverture du mariage et de la filiation aux personnes de même sexe porte aussi en elle la remise en cause de la monogamie ou de l’interdit de l’inceste, ils ne font pas de la surenchère extrémiste, ils nomment juste la cohérence du projet dionysiaque qui anime en sous-main cette revendication.

    La contestation des grandes différences articulant l’ordre humain est portée par une aspiration à l’indifférenciation dans laquelle peuvent s’exprimer et devenir librement les multiplicités singulières. Deleuze reprenait à Kierkegaard cette proposition : « Du possible, sinon, j’étouffe. » Je pense que l’on ne peut résister à cet élan proprement anarchique qu’en renvoyant nos concitoyens à leurs propres expériences fondamentales à partir desquelles ils peuvent refaire des inductions concluant à des référents universels. La plupart de nos contemporains ne pensent pas ce qu’ils ne vivent pas et du coup finissent par penser de manière aliénée. Il s’agit donc de traverser ce barrage mental pour les reconnecter avec leurs dispositions essentielles. Que chaque citoyen se pose sérieusement la question : « Est-ce que je souhaite ce qu’il y a de mieux pour cet enfant en le confiant à deux papas ou à deux mamans ? »

    V.H. : L’axe principal d’action consiste à promouvoir la « délibération » (apte à déboucher sur une décision) plutôt que le « débat » (d’où ne peut sortir qu’un « consensus »). Comment une délibération se présente-t-elle concrètement ?

    T.C. Une délibération n’est possible que dans la mesure où je suis en position d’agir. Je ne délibère pas sur ce qui ne dépend pas de moi, par exemple sur les choix que mon voisin fait. Je peux porter un avis dessus, poser un jugement de valeur mais je ne délibère pas. Se mettre dans une position de délibération, c’est donc ipso facto se disposer à se sentir concerné ; et surtout, cela permet de prendre conscience qu’étant en démocratie, il est de la responsabilité de tout citoyen de participer à l’élaboration de la loi. Un des temps forts de cette participation est bien sûr l’élection mais il existe bien d’autres moyens, après l’élection, pour continuer à s’engager. Si un citoyen considère que ce sujet ne le concerne pas, il contribue de fait à ce que la loi passe. En matière pratique, je ne peux pas être neutre. Ne pas choisir, c’est déjà choisir. Participer ici à la délibération consiste donc à utiliser sa raison pour discerner quels sont les moyens de promouvoir la justice dans les relations familiales dont le Code civil est le cadre juridique.

    V.H. Selon vous, quelle forme de riposte est à envisager ? Et plus généralement : faut-il débattre, au risque de « tourner en rond », ou envisager des formes plus entreprenantes de riposte (colloques, tracts, actions, manifestations, etc.) ?

    T.C. : Je pense qu’aujourd’hui, il est nécessaire de réclamer qu’une réelle délibération ait lieu. En effet, depuis l’annonce par le Garde des Sceaux des contours du projet de loi, les adversaires ont commencé à émettre des critiques et des objections mais celles-ci demeurent à ce jour sans réelle réponse. Jean-Marc Ayraut vient de réaffirmer que le texte passerait au nom de l’égalité sans prendre en compte le point de vue des enfants pris ainsi en otages. Seul un référendum donnerait un cadre permettant une délibération d’ampleur nationale car il obligerait la conscience de tout citoyen à prendre position de manière pratique.

    V.H. : Vous écrivez que la démocratie est ce régime « où les citoyens sont perpétuellement renvoyés à eux-mêmes et à leur capacité d’estimer le juste et l’injuste » ; et que cela requiert d’eux « vigilante attention au contenu complexe des questions qu’ils se posent », afin « d’honorer la grandeur du régime libéral ». Comment organiser notre société pour honorer au mieux cette grandeur libérale ?

    T.C. : La liberté véritable ne va pas sans responsabilité. En effet, tout usage de ma liberté est-il à la hauteur de mon humanité ? Certes non, chacun peut le vérifier dans sa propre vie. C’est l’expérience de la faute qui nous révèle notre conscience qui nous oblige à répondre de nos actes.

    Dans l’étymologie de responsabilité, il y a, en effet, répondre. Ma conscience est la médiatrice de ce que mon humanité exige de moi. Ce qui est vrai pour une personne ne le serait-elle pas pour une société ? L’histoire nous a livré de nombreux exemples de décrochage d’une société politique relativement aux exigences communes de l’humanité. La grandeur du régime libéral est de faire confiance dans les capacités des êtres humains à user de leur liberté en vue du bien. Il s’oppose au despotisme et à l’anarchie, tout deux enracinés dans le primat de la force écrasant la voix de la conscience. La démocratie libérale digne de ce nom offre un espace public dans lequel les citoyens peuvent discuter pour chercher à discerner le bien et le juste dans des situations concrètes. Cela ne veut en aucun cas dire que le bien et le juste sont le fruit de la volonté des citoyens, ce qui serait contraire avec l’idée même de discuter en échangeant des arguments raisonnables.

    La volonté entérine ce que la raison a discerné comme juste mais ne le détermine pas dans sa qualité de juste. Notre société honorerait donc la grandeur du régime libéral si elle pouvait délibérer de manière raisonnable de cette affaire touchant les fondements du lien humain.

    Nouvelles de France, 25 septembre 2012
     

     

  • Qui aurait imaginé devoir défendre l’altérité sexuelle à la source de toute vie ?

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     Photographie du collectif "La Manif Pour Tous" - 13 janvier 2013

    « Qui aurait imaginé devoir défendre l’altérité sexuelle à la source de toute vie ? L’immense foule du 13 janvier a manifesté son attachement viscéral à ce bien universel. J’ai salué ce jour-là, au Champ-de-Mars, un grand mouve-
    ment d’écologie humaine. Précisons qu’il ne s’agit plus seulement de décrire l’activité organisée de l’Homo sapiens : comme l’écologie environnementale, l’écologie humaine surgit de la prise de conscience d’une nouvelle capacité destructrice. Car
    des chercheurs tablent sur les biotechnologies et sur la loi pour défaire l’articulation entre nature et culture propre à l’humanité ; nouveau Prométhée, ils nous affranchiraient de l’évolution, en appliquant au corps humain les progrès de la génétique, des neurosciences, des nanotechnologies, etc. Ils rêvent tout haut de recréer un homme “augmenté” : supérieur, invulnérable, immortel. L’enjeu éthique est majeur.

    Dans une récente tribune pour Slate.fr, Jacques Attali, dont je ne suis pas un disciple, voit dans le mariage homosexuel une « anecdote », étape d’une déconstruction de l’anthropologie naturelle vers une « humanité unisexe ». Le mariage homosexuel consacrerait la rupture entre la relation sexuelle et la procréation… Un marché de fabrication d’enfants à la demande, vérifiés avant livraison, se profile. Des tenants de la théorie du genre comptent sur l’utérus artificiel pour “libérer” les femmes de la maternité. Mais surtout le lobby de la “transhumanie” vise carrément un nouvel homme, le Cyborg (organisme cybernétique) domptant les trois limites de notre nature : le corps (sexué), le temps et la mort. Le stock français des 171 477 embryons congelés (réclamés par des chercheurs) ou les frères américains conçus ensemble in vitro, mais nés à vingt ans d’écart, bousculent déjà ces limites. Hormone de croissance, pilule de la troisième génération… N’avons-nous pas assez d’apprentis sorciers ?

    Jacques Attali soulève trois questions : « Comment permettre à l’humanité de définir et de protéger le sanctuaire de son identité ? Comment poser les barrières qui lui permettront de ne pas se transformer en une collection d’artefacts producteurs d’artefacts ? Comment faire de l’amour et de l’altruisme le vrai moteur de l’Histoire ? »

    En affirmant que tout être humain est marqué par l’interdépendance, osons répondre que l’humanité vit de quatre aspirations spécifiques : amour, vérité, justice et paix. Inconsciemment la loi Taubira en priverait des enfants. D’autres dérives de toute-puissance menacent ces valeurs : l’euthanasie, contraire à la dignité humaine, l’eugénisme, qui décerne des brevets d’humanité, et son pendant, le transhumanisme, qui rejette la fragilité propre à notre identité.

    Face à ces fantasmes de toute-puissance, l’écologie humaine relève le défi d’une culture de vulnérabilité, clés du véritable progrès de l’humanité. »

    Tugdual Derville
    Valeurs Actuelles, 14 février 2013

  • N’acceptons pas un État qui aurait pour seul but de combler les désirs de chaque catégorie de la population au détriment des plus faibles et de l’ensemble de la société

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     Jean-Marc Veyron
    Maire de Chasselas
    Discours du 2 février 2013
    à Chalons-sur-Saône

     

    « Bonjour,

    Je suis homosexuel, et aussi maire de ma commune en Saône-et-Loire. Et je suis ici pour vous dire mon opposition à ce projet de loi du "Mariage pour tous" et je voulais vous faire partager quelques réflexions :

    - Je ne me reconnais pas dans les revendications du lobby interLGBT, qui par ailleurs n’a jamais été élu et n’est pas représentatif de l’ensemble des homosexuels, qui ne forment pas une communauté : y- a- t-il d'ailleurs une communauté hétérosexuelle ?

    - Ces associations ont toute leur légitimité – elles ont beaucoup fait pour nous rendre la vie plus douce, ont beaucoup fait aussi pour les malades du sida et il reste évidemment un travail énorme à faire, par exemple quand on sait que l’homosexualité reste un crime ou un délit dans plus de 80 pays ; MAIS cela ne leur donne pas pour autant une représentativité.

    - Des voix comme la mienne se lèvent – notamment avec le collectif homovox.com pour faire entendre un autre discours, plus ajusté, plus respectueux fondamentalement des personnes homosexuelles, des institutions qui structurent notre société et bien évidemment des enfants !

    - On nous parle d’égalité : je ne suis pas égal, je suis différent, ni mieux, ni pire, et à ce titre je réclame un traitement différent ; il est d’ailleurs curieux que ceux qui vilipendent depuis des années le mariage soient maintenant les mêmes à vouloir nous l’offrir : voudraient-ils nous faire un cadeau empoisonné ?

    - Chacun a ses limites. Ainsi mon manque d’enfant, mon désir d’enfant ne me donne pas le droit de priver un enfant de l’affection d’une mère : c'est simple, mais cela suffit à justifier le retrait de ce projet de loi qui finalement n'est que la conséquence logique d’une société individualiste, où chacun veut que l’Etat (ou la science) comble ses désirs, fut-ce au détriment de l’autre ou de la collectivité !

    - On nous rétorque que les enfants dans ces familles ont des destins équivalents aux autres : aucune étude sérieuse n’est venu l’étayer ; on a interrogé des enfants dans ce type de famille en concluant que tout allait bien... Vont-ils devant un micro reprocher à celui ou celle qui les éduque, qui les aime et qu’ils aiment, de les avoir coupé de leur père ou mère biologique, alors même qu’ils n’ont pas le recul suffisant sur leur enfance et adolescence ? Moi je n’ai compris mon enfance, comme beaucoup, qu’après l’âge de 30 ans... l’État doit proposer et favoriser avant tout aux futurs adultes ce qu’il y a de meilleur : l’altérité d'un couple homme femme.

    - Le discours ambiant sous-tend même parfois que les couples homosexuels seraient plus harmonieux : je vous rassure : ils ont les mêmes problèmes que vous, à cette nuance près, rarement évoquée car très sensible, et que je constate autour de moi : la non-altérité de leur relation me semble souvent être un terreau moins favorable à une complétude de la relation, et donc souvent à sa durabilité (voir chiffres de pacsage Insee/Ined, homo vs hétéro) ; cette souffrance est souvent niée en bloc car insupportable ; est-ce une raison pour modifier le sens du mariage ? je ne le crois pas. La semaine dernière, Mme Caroline Mecary, avocate influente, a demandé la suppression de la notion de fidélité dans le mariage… Je vous laisse seul juge…

    Ne modifions pas le sens du mariage, mais préférons offrir à ces couples et à ces enfants dans des situations qui existent un cadre législatif protecteur : il y a déjà de nombreux outils ; améliorons-les et faisons les connaître !

    Pour finir, je veux souligner que malgré mon opposition, il faut savoir être très nuancé dans ses propos car ce débat touche à l’intime de chacun, à sa vie affective avec sa fécondité, ses blessures, ses hauts et ses bas, et chacun sait combien cela n’est pas toujours facile !

    Ne jugeons personne, respectons chacun, mais n’acceptons pas un État qui aurait pour seul but de combler les désirs – fussent-ils légitimes et sincères - de chaque catégorie de la population au détriment des plus faibles et de l’ensemble de la société ! »

    Jean-Marc Veyron - Maire de Chasselas (Saône-et-Loire)

     

  • II – Qu'est-ce que le mariage ? : Quelques réflexions sur le projet de loi « mariage pour tous »

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    Le mariage, union d'un homme et d'une femme, a deux fondements, l'un naturel, l'autre social et symbolique. La part biologique plonge dans une profondeur et un mystère qu'il ne nous est pas donné d'élucider : c'est la différence sexuelle, c'est la sexualité elle-même. Qu'il existe dans le règne animal des formes marginales d'homosexualité n'élimine en rien la règle fondamentale de cette séparation et réunion procréative entre les sexes : elle est l'un des moyens de la vie de se renouveler, le moyen qu'a choisi précisément cette branche dont nous faisons partie, les mammifères, et longtemps avant nous les animaux les plus primitifs. Cette distinction est le signe d'une différence plus universelle qui est la condition même pour qu'il y ait monde. Dans les récits de création comme la Genèse, les Métamorphoses ou de traditions plus éloignées, le monde apparaît par la séparation des éléments. Sans différence, il n'y a pas de monde. Or, le mariage est une expression humaine, sociale et symbolique de cette différence essentielle.

     

    La part biologique reste irréductible et fondatrice du mariage, c'en est comme l'enracinement et la chair. C'est cependant la culture qui le constitue et le structure. De par le monde, il a existé et il existe plusieurs formes de mariage, mais celui instituant l'union entre personnes de même sexe, très récent, n'a pas de fondement culturel, pas plus qu'il n'en a de naturel. On parle de rites initiatiques masculins incluant une sexualité entre maître et disciple, mais cela n'a rien à voir. On dit que certains empereurs l'ont fait, que quelques rares tribus le pratiquaient pour leurs guerriers, mais jamais cela ne fut un fondement durable pour une grande civilisation, ni une nouvelle « parentalité ». Socialement, le mariage est d'abord un moyen d'éviter ou d'abolir des rivalités. Il institue ensuite la double filiation père-mère. Il est enfin le moyen de stabiliser une union devenue parentale, afin de donner à l'enfant une protection durable. L'héritage chrétien donne à cette union son caractère indissoluble, ce qui induit un principe de réalité parfois difficile à tenir, mais fondateur de la structure familiale que nous connaissons, le modèle père-mère-enfants.

     

    L'infidélité a toujours existé et aujourd'hui ce modèle se fissure ; est-ce un argument en faveur des unions homosexuelles ? Le modèle père-mère-enfants a ses propres complexes, ses difficultés ; est-ce un argument pour en créer un nouveau, qui d'ailleurs l'imite plus ou moins, mais en oblitérant la différence sexuelle et la procréation naturelle ? On nous parle de « l'évolution des mœurs », de « progrès social », mais ce nouveau « mariage » a pourtant des caractères fort archaïques. L'éclatement de la famille, les parents seuls, est-ce l'unique façon de concevoir la modernité ? La liberté, l'égalité, la modération de l'autorité, l'abandon de certaines croyances, le progrès technique et scientifique, une certaine clarification de l'esprit et la pacification des mœurs, voilà ce qu'on appelle idéalement modernité ou, peut-être, civilisation. Attention à ce modernisme qui ne favorise que les tendances de liberté et d'égalité au point de les diviniser et d'abolir toute distinction comme toute contrainte. Peut-être reste-t-il du sacré dans le fait de procréer et de porter la vie. Peut-être y a-t-il dans la différence sexuelle quelque chose aussi de sacré, c'est-à-dire au sens propre qu'on ne doit pas toucher. L'homme a-t-il changé de nature ? Le modèle père-mère-enfants est-il dépassé ? Notre société, ne se fondant plus que sur une unique valeur, la liberté individuelle, est en passe d'en faire un culte nihiliste. Cette religion paradoxale engendre un monde qui, loin de créer des personnes libres, les fragilise considérablement.

     

    La part biologique, la part symbolique, la part sociale anéanties au profit de l'individu tout-puissant, il ne reste du mariage, dans l'union entre personnes du même sexe, que le chiffre 2. Encore celui-ci semble incertain, on ne voit pas pourquoi il résisterait à la force de dissolution d'une idéologie qui se présente comme le sens inéluctable de l'Histoire. Le mariage, institution la moins discriminatoire qui soit, ne floue aucunement les homosexuels, à moins qu'on considère que la Nature – ou Dieu – les a discriminés en ne leur accordant pas de procréer. Ils en sont écartés parce que leur union ne répond pas à sa définition enracinée dans la biologie autant que dans le symbolique. C'est bien là l'un des enjeux : les défenseurs du mariage homosexuel veulent déconnecter la procréation de son acte naturel mais aussi détruire les bases d'une humanité fondée sur l'altérité sexuelle. Ils passent par la question homosexuelle pour faire voter des lois touchant à la bioéthique et à la filiation.

     

    On nous fait croire qu'il y a inégalité. En vérité, tout le monde a le droit de se marier. On oublie toujours de dire qu'il existe des degrés dans l'homosexualité, que quelqu'un a pu éprouver de telles tendances et les avoir dépassées, enfin que l'homosexuel est souvent un bisexuel, attiré par l'un et l'autre sexes. Un homme peut donc avoir connu l'homosexualité et se marier avec une femme, sans que cela constitue autre chose qu'une évolution personnelle. On nous fait croire qu'il y a des situations difficiles qui seraient arrangées par le mariage homosexuel. En vérité, les délégations d'autorité dans les familles dites « homoparentales » posent peu de problèmes, puisqu'elles sont selon la loi « implicites » pour les actes quotidiens. L'héritage, lui, ne nécessite qu'une déclaration écrite. Les mêmes qui disent que 50% des enfants naissent hors-mariage pour montrer que « les mœurs ont évolué » font mine de s'effrayer que les familles « homoparentales » se trouvent hors-mariage. Si un père de famille seul élève ses enfants en habitant avec sa mère, sa sœur ou son compagnon, cela change peu de choses au regard de la loi, et on ne voit pas comment de telles situations engendreraient soudain un droit au mariage. Il peut exister des contrats entre deux personnes concernant la cohabitation, la protection ou l'héritage, sans qu'il y ait à préciser la nature de leur relation.

     

    Historiquement, le mariage protège le plus faible, le couple mère-enfant, en instituant la présomption de paternité. Il oblige les personnes à certaines contraintes en vue de consolider le couple et la famille, ce qui a une influence stabilisatrice sur la société. Il ne s'agit donc pas de la reconnaissance publique d'un amour ou d'une union. Comme dit l'adage, s'embrasser n'est pas se marier... Proposer le mariage aux unions homosexuelles ne repose donc pas sur une telle reconnaissance, ni sur leur capacité procréative qui est inexistante, mais sur les droits qu'il implique, à commencer par l'adoption. C'est donc d'abord sur ce point qu'il faudra examiner un tel projet.

     

    Lucien Fornello pour La Vaillante

  • I – La logique du projet - Quelques réflexions sur le projet de loi « mariage pour tous »

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    On pourrait croire que le projet de loi « mariage pour tous » n'a pas de conséquence pour la majorité. On entend dire : « Je ne suis ni pour ni contre, pour moi ça ne change rien. Alors, s'ils le veulent... » Outre que ce raisonnement d'indifférence est par lui-même dangereux, le « ils » ici pose un problème, car de nombreux homosexuels ne réclament nullement ce droit, voire s'y opposent farouchement. Seule une minorité le revendique vraiment, et la question divise autant que dans le reste de la société. Il y a donc d'autres raisons à ce projet que de répondre à une revendication de ces personnes, nous verrons plus précisément lesquelles. Par ailleurs, on peut comprendre que des individus éprouvent le désir d'accéder au symbole du mariage avec une personne du même sexe, mais cela reste impossible par le seul fait qu'il est défini autrement. À moins qu'on décide que le désir crée le droit, il faut examiner les conséquences d'un tel projet, la première étant précisément de changer la nature du mariage.

     

    Une étrange logique libérale semble dire : « Le mariage existe, donc j'y ai droit, quitte à en changer les règles. Les enfants existent, je veux donc en avoir, même si je ne peux pas en faire. Les femmes existent, je veux donc avoir le droit d'en louer une pour me fabriquer cet enfant. » Cette logique du droit de tous à tout est en elle-même pernicieuse, car elle n'a pas de fin. Elle conduit aux abus. Elle défait les protections des plus faibles. Elle fragmente la société. Au nom de quoi refuser la polygamie à ceux qui la réclament, si c'est leur désir ou leur tradition ? Au nom de quoi refuser des unions incestueuses, puisqu'elles existent ? Et si la science le permet, au nom de quoi refuser à certains hommes de se greffer un utérus pour porter un enfant ? Accepter ce projet, c'est d'abord consentir à cette logique de l'extension illimitée des droits qu'on qualifie d'ailleurs, dans un vocabulaire plutôt de gauche, d'ultra-libérale.

     

    Ce projet a d'abord pour effet d'institutionnaliser l'idée que l'homosexualité est une catégorie ou un statut qui donne accès à des droits. Cela peut conduire à d'autres revendications ; par exemple, réclamer des quotas dans la représentation nationale, certains l'ont proposé. Cela n'a aucun sens, mais quand une logique se met en place, elle a toujours tendance à se poursuivre. En s'en tenant à la définition la plus incontestable, l'homosexualité reste une tendance ou une pratique sexuelle, non pas une appartenance ou une catégorie. Une pratique sexuelle définit-elle les individus ? À part celui de vivre libre et en sécurité, y a-t-il une raison d'accorder quelque droit que ce soit à des individus ou à des groupes au nom de leur pratique sexuelle ? Cela signifierait que les homosexuels doivent être considérés en tant qu'homosexuels comme les autres en tant qu'homme et femme. Ce raisonnement fort dangereux pourrait se retourner contre eux, alors que la plupart n'ont rien demandé. Il y a mille façons d'être homosexuel. Il n'y a pas d'être-homosexuel bien défini, et heureusement. Il en existe au moins deux grandes catégories que personne n'oserait confondre, à savoir l'homosexualité des hommes, et celle des femmes. La différence sexuelle, on ne la déloge pas si facilement...

     

    Lucien Fornello pour La Vaillante

     

     

     

  • IV – Les conséquences sur la filiation et la procréation - Quelques réflexions sur le projet de loi « mariage pour tous »

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    Rappelons le principe fondamental de l'adoption : il s'agit de donner une famille à un enfant, non pas un enfant à une famille. Il y a plusieurs types d'adoption : l'adoption simple ne rompt pas le lien avec le parent d'origine, tandis que par l'adoption plénière on devient intégralement et exclusivement parent. Dans les familles dites homoparentales qui existent, les enfants viennent pour la plupart d'un premier lit, d'une union homme-femme. On accorderait alors au nouvel époux une adoption simple. Or, il existe déjà des moyens de déléguer l'autorité légale sur un enfant et ces dispositifs peuvent être facilités ou étendus. Le mariage ne constituerait donc pas pour ces familles une avancée si importante. Il est faux de dire que ces personnes souffrent d'un vide juridique abyssal dans lequel leur existence même n'est pas reconnue, et que leur vie en est rendue affreusement compliquée. De nombreuses personnes jouent le rôle de parent de substitution dans une famille recomposée sans s'être marié avec leur conjoint. Ce n'est donc pas là que ce projet présente un changement majeur. Le mariage homosexuel, plutôt que de donner des droits à des familles, apporte en vérité essentiellement ceci : donner des enfants à des personnes qui n'en ont pas.

     

    Il y a environ 3000 enfants en instance d'adoption, 1000 enfants pupilles de l’État, 2000 à l'international, pour 24 000 couples éligibles à l'adoption. Attribuer à de nouvelles unions un tel droit ne permettrait donc pas, comme on l'entend souvent, de donner des parents à des enfants qui n'en ont pas, cela ajouterait simplement un peu de concurrence. L'effet serait d'ailleurs contraire, en empêchant nos familles d'accueillir de tels enfants, parce qu'un grand nombre de pays refuseraient d'envoyer leurs orphelins en France, précisément à cause de cette loi. Les gouvernements qui ont modifié la nature du mariage ont pu le vérifier. Il n'y a donc qu'une logique dans l'instauration du mariage homosexuel, ce n'est pas de régler des situations familiales, ni de confier des orphelins à des adultes, c'est la fabrication d'enfants pour ces unions, qu'on nous présente sous la locution technique et presque altruiste de « procréation assistée ».

     

    Pour les unions de femmes, une insémination artificielle d'une conjointe serait suivie par l'adoption plénière de l'autre conjointe, et l'enfant se retrouverait avec deux mères de plein droit. Cependant, il y a forcément ce qu'on appelle un donneur, qui devra rester anonyme et sera évacué de la filiation. On fabrique donc un être qu'on va priver volontairement, et non pas à cause des aléas de la vie, de sa filiation naturelle avec un père qui pourtant existe. On le prive doublement : sur le plan de la filiation biologique, ce qui n'est pas si indifférent que certains le prétendent, mais plus gravement encore sur le plan de la filiation symbolique, en supprimant tout bonnement la place du père. Un père, ça n'est donc rien ?

     

    Pour les hommes, il y a aussi nécessité d'un tiers, qu'on appellera cette fois mère porteuse. C'est-à-dire qu'en échange d'une compensation financière, une femme recevra un embryon conçu en laboratoire à partir d'un des deux hommes et d'une donneuse. On oublie souvent qu'il y a encore une autre mère : en effet, la donneuse de l'ovule étant souvent distincte de la mère porteuse, cela fait quatre personnes impliquées dans la filiation biologique ou symbolique de cet enfant. Deux mères fantomatiques, et deux pères symboliques dont l'un seul est biologique ! Voilà un enfant dont l'origine est scindée entre deux mères qu'il ne peut, dans la vie concrète, qu'imaginer. A-t-on mesurer le trouble que cela produit ? Quand la donneuse aura donné son ovule, la mère porteuse prêtera son ventre – et neuf mois de sa vie – pour accomplir la grossesse et l'accouchement d'un être qui deviendra pour elle un étranger. Outre le problème éthique évident que pose une telle transaction, là encore ce tiers est évincé de la filiation, en l'occurrence une mère qui pourtant existe et qui, elle, a eu le temps d'une première relation utérine avec l'enfant. Devant rester anonyme, ces deux mères seront également supprimées de la filiation, sur le double plan biologique et symbolique. L'enfant aura deux pères. La place de la mère : vide. Une mère, ça n'est donc rien ?

     

    La pratique de la mère porteuse n'est rien d'autre que la location du ventre maternel en vue de fabriquer un être humain. C'est donc la chosification de deux personnes, l'enfant et la mère, ainsi qu'un double drame humain. En effet, la mère vivrait les difficultés, les douleurs, les conséquences de la grossesse et de l'enfantement en même temps que le deuil de voir aussitôt sa progéniture partir sans trace. On oublie d'ailleurs toujours, dans notre tendance à l'individualisme, de se représenter cette personne avec son entourage : si elle est déjà mère, ses enfants comprendront-ils ce qu'elle fait ; son compagnon, ses proches, ne seront-ils pas eux aussi affectés par ce « travail » ? Quant à l'enfant ainsi conçu, il ne connaîtrait pas son origine et ne pourrait qu'imaginer cette mère qui, peut-être par pauvreté, peut-être pour d'autres raisons, a accompli ce « service » sans être, d'ailleurs, sa mère biologique. Quelle confusion ! Que ce soit pour des couples homme-femme ou pour des unions homosexuelles, cette pratique devrait révolter tout cœur humain.

     

    Et l'enfant conçu artificiellement, quand lui découvrira-t-on son origine ? Comprendra-t-il la logique de sa venue au monde ? Sera-t-il hanté par ce « donneur » ou cette « porteuse » qu'il lui sera selon la loi interdit de connaître ? Ces enfants seront donc uniquement conçus par la volonté et le désir d'adultes prêts à le priver d'un père, d'une mère, et de la nature même, puisqu'ils ne seront pas le fruit d'un accouplement, mais d'une manipulation de laboratoire ? Ces questions dépassent largement l'homosexualité. Elles touchent à la bioéthique dans sa partie la plus sensible : la conception de l'être humain. Voulons-nous vraiment déconnecter complètement notre venue au monde de la voie naturelle ? Voulons-nous condamner des enfants à être, dès leur conception, privés d'un père ou d'une mère ? N'y a-t-il pas ici l'utilisation de la question homosexuelle pour faire passer quelque chose qui en est fort éloigné, c'est-à-dire l'extension des exploitations de l'ingénierie biologique ? Et les personnes homosexuelles qui y sont légitimement opposées, pourront-elles supporter ce poids, que de telles lois furent faites en leur nom ?

     

    La filiation dans la loi française reconnaît deux branches qui, sans être toujours accolées à une réalité biologique, en reproduisent toutefois le schéma homme-femme. Jusqu'à présent, il y a deux branches distinctes, maternelle et paternelle, et si l'une manque, elle est simplement « vide ». On ne peut avoir deux branches « maternelles » ni deux « paternelles ». Avec la loi proposée, cette obligation disparaîtrait forcément, la filiation deviendrait indifférenciée. Deux branches toutefois, comme pour garder un dernier contact avec la réalité biologique, mais pourquoi ne pas étendre à trois, voire à quatre branches ? Le modèle juridique de filiation explose donc au profit de nouveaux critères flottants dans lesquels on ne voit plus de limite, puisque la nature en est proscrite, même en tant que référence.

     

    L'argument souvent exprimé pour soutenir une telle évolution est la mise en avant de la volonté. On deviendrait parent du fait de la volonté, ce qui a tendance à justifier toute forme de procréation assistée. On appelle « parent d'intention » celui qui ainsi exprime et réalise sa volonté d'être parent. Le donneur anonyme ou la mère porteuse ne sont donc pas parents mais techniquement géniteurs. L'enfant ainsi fabriqué, destiné à des personnes de même sexe, sera privé de sa filiation naturelle de façon volontaire. Qui peut croire que cela n'a aucune conséquence psychologique sur le sujet concerné et sur la société ? Et si on est parent par volonté, dès lors, peut-on cesser de l'être aussi par volonté ? En effet, si seule la volonté compte, un « droit à l'abandon » en est une conséquence assez logique.

     

    L'éducation, l'autorité, la responsabilité – sécurité, santé, moralité – appartiennent au père et à la mère. En cas de séparation, il existe une concurrence parfois malsaine mais bien compréhensible entre les deux parents pour obtenir la garde, et parfois avec les nouveaux conjoints en ce qui concerne certaines décisions. La loi est claire : à moins d'événements graves, le père et la mère de l'enfant gardent leur autorité et leur capacité de décision. Avec cette nouvelle loi, l'élimination du schéma père-mère biologique pourrait conduire à plus de concurrence et de complexité, d'autant que les homosexuels sont plus volages. Au risque de ballotter l'enfant entre les adultes, sans oublier que planeront les « fantômes vivants » des donneurs et des porteuses.

     

    Par ailleurs, avec les progrès de la médecine, il n'est pas exclu que le matériel génétique des deux hommes ou des deux femmes soient utilisés pour concevoir cet enfant en laboratoire et même, pourquoi pas, au train où vont les choses, que soit donnée la possibilité à un homme de porter l'enfant. L'humanité est à un tournant. S'il est possible, à très long terme, que nous allions vers une procréation plus assistée et extérieure, il est en revanche extrêmement dangereux de vouloir devancer ce processus en l'accélérant et en permettant l'accès à toutes les techniques dès qu'elles sont au point. Le risque d'eugénisme, de trafic, de commerce, de chosification de l'être humain est contenu d'une manière extrêmement dense dans la problématique du mariage homosexuel, même si on fait mine de séparer la question bioéthique de la question du mariage lui-même. En vérité, comme nous l'avons vu, l'un ne va pas sans l'autre. Par conséquent, pour en revenir à la procréation et à la science, ce n'est pas parce qu'une chose est possible, qu'il faut nécessairement l'intégrer dans le droit et il faut veiller, autant pour l'union homosexuelle que pour le couple homme-femme, à éviter la fabrication d'êtres humains.

     

    Lucien Fornello pour La Vaillante

  • III – La question de l'égalité - Quelques réflexions sur le projet de loi « mariage pour tous »

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    Il y a discrimination quand à partir d'une situation objectivement identique on détermine un choix sur une différence qui n'est pas de l'ordre de la compétence ou du droit, mais de l'être. On ne fait aucune discrimination aux homosexuels au sujet du mariage : nul ne refuse à une personne, si elle le désire, de se marier avec une personne du sexe opposé. En revanche, on ne marie pas deux personnes du même sexe. Pourquoi ? Les personnes sont parfaitement égales devant la loi, mais pas les types de relation. Le mariage, par définition, inclut l'altérité sexuelle. Changer cette définition ne peut reposer sur la question de l'équité, puisque un couple homme-femme et une union homosexuelle ne sont pas à traiter sur le même plan, à moins qu'on considère ces deux situations comme identiques en niant la différence sexuelle et la procréation sexuée, ce qui relèverait d'un étrange puritanisme. Le mariage homosexuel n'ouvre donc pas le mariage à des personnes qui en étaient injustement exclues, il change la nature du mariage, ce qui est fort différent. Ce raisonnement est imparable sur le plan logique, mais entrons plus avant dans les réalités qu'un tel changement engage.

     

    La capacité d'élever les enfants est donnée largement à tout adulte. Une personne homosexuelle en elle-même doit posséder cette capacité technique, intellectuelle et affective. Pourtant, nous pressentons bien que, dans la réalité, élever un enfant ne repose pas uniquement sur une question de compétence. Il y a une part ontologique irréductible dans la notion de parentalité. Ce n'est pas seulement un savoir-faire mais ce qu'on est qui fait de nous des parents. Et encore, ce n'est même pas ce qu'on est en tant qu'individu, mais ce qu'on est en tant que père ou que mère, ce qu'on devient dans l'exercice d'une relation, à savoir pour un homme avec une femme, et pour une femme avec un homme. L'altérité sexuelle qui institue biologiquement la famille est aussi celle qui la constitue sur le plan symbolique. Le célibat ou l'union homosexuelle qui excluent une moitié de l'humanité biologique et symbolique ne sont pas généralement considérés comme un cadre favorable à l'enfant, non pas que des compétences manqueraient à ces adultes, ou qu'on les rejetterait pour ce qu'ils sont, mais plus fondamentalement parce que la différence sexuelle y est absente.

     

    Cette différence, on le sait, produit aussi des difficultés qui paraissent parfois insurmontables. L'homme a besoin de ses « copains », la femme de ses « copines », pour retrouver une logique qui les rassure. Mais s'ils reviennent l'un à l'autre, si le couple dénoue ses crises, c'est pour ouvrir au sein des personnes une dimension essentielle, faite d'humilité, de responsabilité, de compréhension de l'autre. Dans une union homosexuelle, ce mouvement d'ouverture, même s'il existe, sera voilé par la ressemblance masculine ou féminine. Si l'homme et la femme sont amenés à élever des enfants, c'est que leur relation elle-même est une école de la réalité humaine la plus complète.

     

    En cas d'adoption, le couple homme-femme reste donc le modèle, dans le but explicite de donner à l'enfant un équivalent de la situation biologique et symbolique incluant cette altérité, pour lui permettre de grandir sur la base de l'identification à une humanité complète. Le fait qu'on accorde le droit d'adoption aux célibataires n'est qu'une exception peu exercée, sur laquelle on pourrait d'ailleurs revenir, puisque ce dispositif visait à donner aux orphelins un parent à une époque où il en manquait, alors qu'aujourd'hui il ne manque pas de couples candidats à l'adoption. Le fait qu'il y ait des familles monoparentales n'est pas non plus un argument, puisque ces situations ne sont pas créées volontairement, en tout cas la loi ne les reconnaît pas comme telles, et peu d'entre nous contesteront qu'elles sont attachées à des difficultés tant matérielles que psychologiques. Le fait que toute famille ait ses problèmes n'est pas non plus un argument. La complexité du réel ne peut empêcher de voir qu'ici se posent des questions de structure pour l'avenir de la société.

     

    La situation, qui reste exceptionnelle, des familles dites « homoparentales », doit-elle donner lieu à un mariage et être instituée comme un modèle équivalent à la structure père-mère-enfants ? Doit-on ouvrir l'adoption et la procréation à ces unions ? N'est-il pas, aujourd'hui comme hier, toujours préférable d'accueillir un nouveau-né dans une famille stable, fondée sur la différence et la complémentarité homme-femme ? On nous présente le projet de loi « mariage pour tous » comme un progrès dans l'égalité entre les êtres, mais, en décidant que certains enfants, au nom du désir des adultes, n'auront pas de père ou de mère, il crée au contraire une formidable inégalité entre les êtres. Un enfant n'a-t-il pas le droit naturel de bénéficier d'une filiation symbolique fondée sur l'altérité père-mère ? N'a-t-il pas le droit de connaître sa filiation ? Loin de réparer une injustice, ce projet en produit d'insoutenables, comme nous allons le voir plus en détail.

     

    Lucien Fornello pour La Vaillante

  • V – La différence éclate au grand jour - Quelques réflexions sur le projet de loi « mariage pour tous »

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    On peut admettre que des hommes se sentent femmes ; des femmes, hommes ; ou encore ni l'un ni l'autre ; mais de là à imposer ce modèle en nous envoyant le signal que nous sommes tous des êtres flottants, comme certains veulent l'introduire dans les programmes scolaires dès le plus jeune âge, il y a là une manipulation et un abus de pouvoir manifestes. La théorie du genre est actuellement introduite avec force non seulement en France, mais dans le monde entier, puisque cette idéologie est soutenue par les instances internationales. C'est une théorie désincarnée qui va, dans sa version la plus radicale (celle qu'on a retenue) jusqu'à nier la biologie dans la constitution des personnalités. Tout serait culturel, et l'homosexualité serait depuis les origines opprimée par le modèle dominant. Cette vision qui nie la réalité la plus évidente ne tient pas un instant à l'analyse. C'est pourtant elle qui nous amène au débat d'aujourd'hui.

     

    Le mot « hétérosexuel » forgé en opposition au terme « homosexuel », nous n'en avions auparavant nullement besoin pour désigner l'union homme-femme, qui n'est pas une sexualité parmi d'autres, mais qui reflète la réalité humaine en son altérité essentielle. On oppose l'un et l'autre comme s'il s'agissait de deux modèles concurrents, c'est faux. L'homosexualité ne peut être considérée sur le même plan. De plus, elle n'a pas de contour précis : homosexuel, on peut l'avoir été et ne plus l'être, l'être un peu ou beaucoup, exclusivement ou pas du tout. Ce n'est donc ni une essence, ni un comportement fixe, mais une réalité psychique, intime, qui a toujours existé, qui existera toujours et qui, probablement, gardera toujours sa part de mystère et de complexité. Peut-être certaines personnes sont-elles intrinsèquement disposées, dès leur naissance, à l'homosexualité, mais il est plus vraisemblable que cette tendance naisse de l'histoire de l'individu et de sa construction. La « théorie du genre » voudrait nous faire croire le contraire : être homme ou femme serait « une construction » tandis que l'homosexualité, elle, serait de l'ordre de l'essence. On renverse les choses ! C'est précisément de l'ordre de l'ontologie que d'être homme ou femme, tandis que l'homosexualité est plus « construite ». Cette idéologie inverse les données les plus fondamentales et les plus évidentes au nom de la toute-puissance de l'individu. Le mariage homosexuel est l'expression, la concrétisation d'une philosophie de l'indifférenciation et du constructivisme qui nie le réel en prétendant qu'il n'y a pas vraiment de sexe et qu'on choisit son « genre ». Le mariage homosexuel institutionnalise la négation de la différence homme-femme jusque dans leur fonction de père et mère. Du coup, l'union et la « parentalité » homosexuelles seraient reconnues comme un modèle équivalent à celui du mariage homme-femme. Qui peut croire à cette escroquerie ?

     

    Nul ne croit, ni les personnes concernées, ni celles qui les connaissent, que les tendances homosexuelles amènent au bonheur et soient à promouvoir. On nous parle du taux de suicide chez des jeunes homosexuels en attribuant cela à « l'homophobie », ce qui permet de culpabiliser, de méduser les personnes qui voudraient s'opposer au projet. On ne peut nier que des phénomènes de rejet existent, mais ces suicides sont peut-être aussi dus à la difficulté de vivre l'homosexualité elle-même, qui constitue pour le sujet une contradiction dans son propre corps. Par ailleurs, il est notoire et confirmé par des études que les unions homosexuelles sont beaucoup plus instables que les couples homme-femme. Beaucoup d'homosexuels le disent. Veut-on vraiment ériger ce type d'union et de parentalité artificielle au rang de modèle social ? N'imaginons pas que cette loi serait sans conséquence anthropologique : elle troublerait les plus faibles sur leur propre orientation, elle agirait sur les psychismes des enfants, elle augmenterait considérablement le relativisme et créerait des phénomènes de mimétisme. Le mariage homosexuel agirait donc comme un signal fort déplaçant les repères existants, et c'est bien ce que recherchent ses promoteurs, mais dans quel but ?

     

    Parlant de différence, on me dira que les homosexuels justement sont différents. C'est vrai, et il faut les accepter comme tels. Ils ont une place, qui n'est pas celle des parents. Ils sont féconds autrement. Ils l'ont toujours été, à la mesure de leurs talents particuliers. Il n'y a pas de haine contre l'homosexualité, encore moins contre les personnes homosexuelles, dans un refus argumenté de ce projet, car au contraire, je crois presque évident qu'une telle loi non seulement embrouille la notion de parent mais qu'elle détruit la singularité et pour tout dire la beauté d'une union homosexuelle, à savoir qu'elle est une « amitié particulière », non familiale, unique. Cette loi laide est pleine de ce furieux conformisme de la modernité qui nous veut « tous pareils ». Laissons-nous donc la liberté de dire une fois pour toutes, avant que ce ne soit frappé d'interdit par le nouveau puritanisme planétaire, qu'un couple homme-femme et une union homosexuelle, non, ce n'est pas la même chose ! Notre époque a des formes de négation du réel qui lui sont propres, cette idée du mariage homosexuel en est un exemple beaucoup plus puissant qu'il n'y paraît.

     

    Aimer, c'est autre chose qu'être amoureux. Cela commence précisément par le désenchantement. Comme la pensée, l'amour est la prise en compte du réel, il brise notre toute-puissance pour nous mettre au monde. « Diminuer pour grandir » est le principe qu'on apprend à l'enfant pour l'aider à quitter sa toute-puissance infantile, mais l'adulte doit conserver un tel principe s'il veut avancer dans la vie. En terme spirituel, on appelle cela l'humilité... Comme le clament les partis politiques et les courants philosophiques qui le défendent, ce projet de loi brandit une liberté « affranchie de Dieu comme de la Nature », c'est-à-dire, en fait, de toute métaphysique et de toute réalité pour laisser place à la toute-puissance de la volonté. Ce prométhéisme, loin de tenir ses promesses de liberté, tend à modifier la notion même d'humanité. Si, comme l'affirme Hannah Arendt, l'un des buts et des moyens de la société totalitaire est la négation de la différence, l'idéologie du genre et ses applications dans l'éducation, la procréation et la filiation portent de très graves dangers ; pour tout dire, elle contient des ferments totalitaires.

     

    On pourrait croire que le projet de loi « mariage pour tous » n'a pas de conséquence pour la majorité. En fait, il y va de notre humanité. Outre que toute la société en serait touchée dans ses fondements, les bouleversements bioéthiques que cette loi entraînerait sont incalculables. Nous changerions non seulement de modèle familial, mais de moyen même de procréation, car la disjonction entre l'acte sexuel et la procréation serait consommée. Nous ne le mesurerions pas aussitôt, car cela se passerait à long terme, mais il y a bien un projet anthropologique dissimulé dans ce « mariage ». La France a une tradition éthique qu'elle est en train d'abandonner sous la pression de groupes qui ne représentent absolument pas les personnes. Le mouvement qui se lève contre le projet « mariage pour tous » pourrait sonner l'heure du réveil.

     

     

    Conclusion

     

    L'homme et la femme constituent l'humanité. Même s'il y a des ressemblances, une part de construction culturelle, cette différence essentielle, qui n'est pas que physique, sensible ou psychologique, mais ontologique et mystérieuse, plonge dans nos origines et ne peut être relativisée au-delà d'une certaine limite. L'homme et la femme sont différents, complémentaires, appelés à l'union et à la fécondité. Le projet de mariage homosexuel contient des logiques et des conséquences d'une grave portée. Aucun avantage, aucun intérêt social majeurs n'y sont contenus. Tout y est au contraire contestable, de ses intentions à ses finalités, jusqu'en ses applications concrètes. À moins de croire l'homme et la femme, au-delà de leur égalité de droit, rigoureusement identiques sur tous les plans, et qu'un père et une mère sont exactement la même réalité pour un enfant, il n'y a aucune raison de soutenir un tel projet.

     

    Nous avons, au contraire, quelques raisons fondamentales de nous y opposer de toutes nos forces.

     

    Notes :

     

    I – La logique du projet

    Le projet « mariage pour tous » est d'essence libérale sur deux plans : sa façon de donner à l'individu l'extension maximum de droit, combat souvent attribué à la gauche ; mais aussi la libéralisation économique que cela entraîne, à savoir l'extension illimitée du marché jusqu'à faire des corps et des personnes un objet de commerce ou de négociation, tendance plutôt attribuée à une partie de la droite, dite justement « libérale ». On voit avec ce projet, voulu autant par la gauche gouvernementale que par l'extrême-gauche et une partie de la droite, que, loin de combattre le libéralisme, la gauche sociétale en est à la pointe en éliminant toutes les structures qui modèrent l'idéologie individualiste. « Tout est à nous » fut ainsi la devise d'un rassemblement d'extrême gauche. Parmi leurs revendications, on voit des avancées aussi intéressantes que l''avortement à 24 semaines (soit 6 mois) ; l'euthanasie ; dans un autre domaine, le droit des élèves à partir de la 5ème de choisir leur programme ; la majorité à 16 ans ; sans oublier, bien sûr, d'ouvrir les sols et tous les droits de façon illimitée ; en bref, d'éliminer toutes les frontières symboliques ou réelles. On imagine combien le « Grand Capital » tremble devant de telles revendications, qui sont justement les siennes. Marx lui-même avait prévu cette stratégie révolutionnaire du Capitalisme. Sur les liens historiques de la gauche avec le libéralisme et sur « l'extrême-gauche ultra-libérale », les livres de Jean-Claude Michéa, notamment L'impasse Adam Smith ou L'empire du moindre mal publiés en poche dans la collection Champs-Flammarion, sont renseignés et convaincants. Qui a voulu le projet de loi « mariage pour tous » ? Le groupe de pression LGBT composé d'environ 2000 personnes doit avoir un pouvoir considérable puisqu'il est le seul à avoir milité en sa faveur, en l'absence presque totale de soutien de la part des personnes prétendument concernées, à savoir les homosexuels. En vérité, il y a grande apparence, et elle ne s'en cache pas, que la loge maçonnique du Grand Orient de France, branche humaniste inspirée des « Lumières », de sensibilité de gauche, dont la philosophie peut se résumer à l'idée que l'homme doit déterminer et construire son destin sans aucune considération de la nature ou de la métaphysique, que cette loge, donc, a sinon inspiré, du moins fortement soutenu ce projet, qui est également voulu par des pouvoirs économiques et financiers, comme on le voit à travers l'unanimité des médias en sa faveur ou, plus concrètement, par la prise de position de certaines entreprises dans la publicité ou les dispositions sociales anticipant le projet (par exemple, SFR). Pour finir, on pourrait résumer le phénomène général de ces « évolutions de société » par une dualité étrange mais fort efficace : la toute-puissance de l'individu d'une part, et une force implacable et inéluctable qui serait le sens de l'Histoire d'autre part. Le refus de ce projet est donc aussi un sursaut de la conscience à la fois personnelle et collective contre l'image d'un monde indifférencié et atomisé où n'existent plus que l'individu et la masse aveugle, mais aucun « bien commun », et où il est interdit de contester des « évolutions » qui seraient en somme implacablement naturelles alors même qu'elles reposent sur une négation de toute définition naturelle. Si nous n'y prenons garde, on nous présentera un jour la possibilité d'éliminer les nouveaux-nés comme une avancée des droits et un progrès social.

    II – Qu'est-ce que le mariage ?

    Bien sûr, je ne fais que brosser à gros traits les contours du mariage que nous connaissons. Il existe différents types d'union et d'exercice de l'autorité des adultes envers les enfants ; des formes polygames, tribales, claniques, etc. Il faut lire les anthropologues et les historiens pour avoir une idée de ces divers modèles à travers l'espace et le temps. On dit que Néron, entre deux massacres, se mariait avec un « mignon ». On dit que des catégories de guerriers, dans une tribu insulaire, se mariaient entre eux, peut-être pour éviter des rivalités et contrôler les naissances. Je ne suis pas sûr que ces exemples favorisent la propagande pour le prétendu « mariage pour tous »...

    III – La question de l'égalité

    Il y a deux types d'égalité : celle du droit, à laquelle la plupart d'entre nous sont attachés, et celle de l'indifférenciation. Si tout est égal, il n'y a plus d'être et de distinction. Jusqu'à présent, notre vision repose sur une métaphysique typiquement chrétienne que la tradition républicaine a reprise pour une large part : l'égalité ontologique dans la distinction. Nous sommes à la fois égaux en dignité et uniques. On voit que ces deux principes d'égalité peuvent entrer en conflit. Dans les cas concrets, la plupart des familles qui nous sont présentées comme « homoparentales » viennent d'une séparation. Par exemple, on lit sur le site M6.fr, qu'un homme avait quitté sa femme en lui révélant son homosexualité juste après l'accouchement et s'était aussitôt installé avec son compagnon. Dans ce cas précis, il avait obtenu la garde de l'enfant les jours de semaine, tandis que sa mère le gardait les week-ends. Ces personnes, présentées comme un modèle de famille homoparentale « sans problème », n'obtiendraient pas grand-chose par le nouveau mariage, puisque des délégations parentales sont déjà prévues dans la loi et que pour un certain nombre de questions la mère, bien entendu, reste décisionnaire. Le nombre de ces familles est difficile à évaluer mais, contrairement à ce qu'on dit, le nombre total de personnes concernées, incluant enfants et adultes, ne doit pas dépasser quelques milliers. Il y a donc eu clairement une manipulation répétée dans les médias en nous faisant croire que l'existence de ces familles créait la nécessité d'une nouvelle loi. Cette législation en vérité n'a qu'une seule logique : l'accès pour les unions homosexuelles à la « procréation médicalement assistée » dont la très coûteuse technique (15 000 euros en moyenne) serait bien sûr prise en charge par la Sécurité Sociale. 

    IV – Les conséquences sur la filiation et la procréation 

    On me reprochera d'avoir mêlé la question du projet « mariage pour tous » avec les lois de bioéthique qui seront votées après. Mais c'est une stratégie mensongère que d'avoir dissocié les deux alors qu'elles étaient réunies au départ. La conséquence immédiate et logique du « mariage pour tous » est le projet anthropologique de libéralisation complète des questions de filiation et de procréation. Cela signifie que nous ne devons pas nous contenter de nous mobiliser contre ce projet qui rassemble facilement à cause du symbole du mariage, nous devons rester vigilants sur ces questions bioéthiques, que ce soit d'ailleurs au sujet des homosexuels, des célibataires, ou des couples homme-femme. Il est incontestable que le projet du gouvernement est de faire passer ces nouveautés. Il n'est qu'à entendre sa porte-parole, Mme Najat-Vallaud-Belkacem, qui milite pour la Gestation Pour Autrui (notez l'expression altruiste pour qualifier la pratique de la mère porteuse) et qui veut dissocier complètement filiation et procréation. Pierre Bergé, ex-compagnon de Christian Dior, milliardaire propriétaire du Monde et du magazine Têtu, emblème de la gauche libérale, a quant à lui déclaré : « Je suis pour la liberté complète sur cette question. Je ne vois pas de différence entre louer ses bras dans une usine et louer son ventre ». On dit que certains militent déjà pour une libéralisation complète des techniques de procréation à toute personne qui le désire, célibataire, femme qui refuse de porter elle-même son enfant même si elle est féconde et en couple, etc. Je rappelle que jusqu'à présent ne peut bénéficier d'une insémination artificielle qu'une femme en couple dont la stérilité est médicalement avérée. Il est à noter que, grâce aux progrès scientifiques, l'embryon qui a pour l'instant besoin d'une donneuse pourrait bientôt provenir génétiquement de deux hommes, et peut-être de deux femmes, ce qui ouvre encore une perspective inquiétante pour notre humanité. Parmi les souffrances attachées à l'homosexualité, la première est évidente, c'est l'absence de l'autre sexe ; la seconde, qui en découle, est l'absence de procréation. Or, le mariage homosexuel pourrait entraîner des familles unisexes, comme il en existe déjà, puisque beaucoup de femmes auront tendance à choisir des filles et les hommes des garçons, comme cela se voit déjà. Un reportage montrait une famille de quatre personnes formées de deux mères et de deux filles. L'une des mères, regardant la télévision avec une fille et se plaignant qu'il n'y avait que « des hétéros », se connecta sur une chaîne spécialisée où elles purent voir leurs « semblables »... Nul doute que les personnes homosexuelles ont des qualités, qu'elles seraient en elles-mêmes potentiellement de bons pères ou de bonnes mères, mais comment croire qu'elles pourraient l'être en restant dans le schéma d'une union homosexuelle, qui les prive de la relation fondamentale qui nous rend parent sur le plan biologique mais aussi symbolique ? Sous prétexte d'abolir une discrimination qui n'existe pas à l'égard des homosexuels, on en produit une très grave à l'égard de certains enfants, privés d'une moitié de l'humanité.

    V – La différence éclate au grand jour

    L'homosexualité, même s'il est important de rappeler qu'elle est pour l'essentiel involontaire, constitue une certaine forme de clôture par rapport à l'altérité. Ce n'est pas là un jugement, c'est un fait. La promotion de l'homosexualité au rang de modèle n'est pas secondaire dans ce débat. De peur de blesser les personnes, on refuse de penser l'homosexualité elle-même, devenue intouchable. Au nom de la lutte contre toutes les discriminations, on méduse les gens : ils sont racistes, homophobes, etc, dès qu'ils prononcent un avis contraire à la pensée unique. Or, penser, c'est toujours discriminer, c'est toujours faire une différence. On doit lutter contre les injustices, les inégalités, protéger les gens de l'intolérance et promouvoir une société pacifiée, mais attention à la guimauve qui cache des intentions féroces, attention à ne pas absolutiser le concept de « lutte contre toutes les discriminations » en arme de destruction massive de la pensée ! Si l'on cherche vraiment à comprendre pourquoi on prépare dans l'opinion et on met en œuvre un tel projet, je crois qu'il faut d'abord prendre conscience de sa dimension mondiale : il correspond exactement dans la sphère intime la plus essentielle à la volonté de déraciner, de désincarner toutes les formes d'identité et d'appartenance, nationale, religieuse, culturelle, pour les fondre dans le socle commun du mondialisme. En attaquant la différence sexuelle, on fait un pas de plus vers l'individualisme total. La mondialisation nous oblige à une certaine convergence et à l'effort de paix, mais le mondialisme, lui, est la négation de toutes les différences en vue d'établir un empire idéologique et matérialiste basé sur l'individu, l'argent et la masse. Il y a là un combat dont le « mariage homosexuel » n'est qu'une petite partie...

    Bon vent ! Belles rencontres ! Et vivent nos différences !

     

    Lucien Fornello pour La Vaillante

  • Synthèse argumentative sur le projet de loi Taubira « mariage pour tous »

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    « Le mariage homosexuel est un progrès, il montre que la société a évolué et reconnaît l'amour de tous ». Faux. La société n'a pas à reconnaître les tendances sexuelles ni les sentiments, où cela s'arrêterait-il ? Le mariage n'a pas pour but de reconnaître un amour ou une union, qui sont de l'ordre de la sphère privée, il institue la parentalité, ce qui est fort différent.

     

    « Ça ne change rien si les homosexuels veulent se marier ». Faux. Cela produit de nombreux bouleversements dans la filiation et la procréation artificielle en libéralisant ces domaines. Par ailleurs, il est également faux de dire que les homosexuels veulent se marier. Seuls quelques uns, et encore ultra-minoritaires, le désirent. Il n'est qu'à voir les statistiques du Pacs, presque exclusivement utilisés par des couples homme-femme. Il faut donc chercher les raisons d'un tel projet ailleurs, justement dans cette « bombe libérale » qu'il constitue dans le droit. Les branches paternelle et maternelle de la filiation seraient de fait éliminées et remplacées par deux branches indifférenciées. Seul subsisterait du modèle ancien le chiffre « 2 », mais on peut très bien imaginer qu'on n'en reste pas là et que la filiation soit encore plus libéralisée, vers la polygamie par exemple.

     

    « Le projet de loi ''mariage pour tous'' est une question d'égalité ». Faux. Dans la République française, les personnes sont considérées comme rigoureusement égales, non pas les types de relations, les groupes ou les situations. Un couple homme-femme ne représente pas la même situation qu'une union homosexuelle. Ils doivent donc être traités de manière différente, notamment du fait que l'un constitue une union procréative qui contient l'altérité sexuelle, alors que l'autre, non.

     

    « Le projet de loi donne le mariage à des personnes qui en étaient exclues ». Faux. Nul n'est exclu du mariage. Seulement, il prend en compte la procréation et la filiation sur le plan biologique, ainsi que la paternité et la maternité sur le plan symbolique. Il inclut l'altérité sexuelle par définition. Le projet n'élargit pas le mariage, il en change la nature.

     

    « On peut être pour le ''mariage pour tous'' sans être pour l'adoption et la procréation assistée ». Faux. Le mariage conduit automatiquement à l'adoption. De plus, la procréation assistée a été dissociée in-extremis du projet mais est contenue dans sa logique. Comme on le voit dans les dernières avancées de Mme Taubira, la pratique de la mère porteuse sera reconnue implicitement : quelle différence morale y a-t-il entre l'accepter en France et l'accepter pour les femmes étrangères à travers l'adoption ? De toute façon, la revendication est là et viendra tôt ou tard comme une nouvelle « avancée » au nom de l'égalité.

     

    « Les homosexuels peuvent très bien élever des enfants ». Certes. Nul ne dit qu'ils sont incapables d'élever des enfants, mais la constitution d'une famille ne répond pas qu'à des critères de compétence. Devenir parent, c'est d'abord entrer dans la relation d'altérité entre homme et femme. C'est ainsi qu'est établie la nature, mais c'est aussi le socle de notre construction symbolique en tant qu'humanité. Le mariage homosexuel instituerait le modèle unisexe comme équivalent et égal au modèle père-mère-enfant(s). Est-on bien sûr d'en mesurer la portée ?

     

    « Refuser ce projet, c'est être homophobe ». Faux. Beaucoup d'homosexuels sont contre. On peut le refuser pour des raisons éthiques, pour éviter une souffrance à des êtres dont l'origine serait artificielle (conçus en laboratoire) et éclatée (ils auraient jusqu'à deux mères naturelles qu'ils n'auraient pas le droit de connaître, deux pères dont l'un seulement serait biologique, c'est le cas pour un enfant de mère porteuse : quatre parents, dont deux mères interdites). On peut aussi craindre la marchandisation du corps des femmes et des enfants fabriqués.

     

    « Je suis pour ce projet parce que je suis de gauche ». Ah bon ? Donc nier la différence homme-femme, libéraliser la fabrication des enfants, faire des utérus un commerce, exploser la filiation et accréditer des catégories sexuelles comme des ayants-droit, ce sont des idées de gauche ? Ce projet est ultra-libéral. On a le droit de le défendre, encore faut-il savoir ce qu'on défend ainsi...

     

    Lucien Fornello pour La Vaillante

     

  • Ce dont la Tour Eiffel a été témoin le 13/01/13 - Rendez-Vous le 24 mars à Paris

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    Photographie du collectif "La Manif Pour Tous" - 13 janvier 2013

     

    "Les Zamis, zéro découragement ! Pensons aux résistants qui nous ont précédés.
    Allons aussi jusqu'au bout pour servir la justice et la paix.
    "

    Tugdual Derville

    Tweet du 9 février 2013


    On ne ment pas aux enfants,

    On ne ment pas à la Tour Eiffel,
    On ne ment pas à La France,
    On ne ment pas à La Vaillante.

    Rendez-vous le 24 mars à Paris


    « Le gouvernement comme le chef de l'État n'ont pas encore mesuré tout de ce qui se joue avec notre mobilisation, même si son caractère historique est incontestable. C'est à nous de leur montrer notre ténacité... Il nous faut continuer à débattre partout en France sur le sujet, sensibiliser les parlementaires dans la durée et investir la rue par diverses initiatives. Mais ce qui est né dépasse largement le quinquennat actuel. Notre engagement est méta-politique : il doit rayonner dans toutes les sphères de la société. Nous n'avons rien à vendre ni à acheter, étant mus par un altruisme qui nous fonde sur le roc ! Je crois surtout que l'attitude de non-violence, d'écoute et de respect est le meilleur gage de notre réussite. Face à la posture souvent agressive de nos adversaires, la bienveillance tenace est notre force. L'élan irréfragable né le 13 janvier est un mouvement de paix sociale. »

    Tugdual Derville

    Politique Magazine, 6 février 2013

  • Une loi que l’on ne peut pas prendre à l’essai

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    Projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Intervention d’Henri GUAINO, Député des Yvelines,
    Pour la motion de rejet préalable
    Mardi 29 janvier 2013


    Monsieur le Président,
    Mesdames les Ministres, 
    Mes chers collègues,

    Permettez-moi de commencer par tenir une promesse que je me suis faite un triste jour de janvier 2010 dans la Chapelle des Invalides : 
    en prenant pour la première fois la parole à cette tribune, je veux rendre hommage à une grande voix républicaine qui s’est tue trop tôt, celle de Philippe Seguin.

    Le 5 mai 1992, certains d’entre vous s’en souviennent, c’était la nuit tragique de Furiani, il était monté à cette même tribune et avait déclaré « je voudrais croire que nous sommes tous d’accord au moins sur un point : l’exceptionnelle importance, l’importance fondamentale du choix auquel nous sommes confrontés. »

    Puis, il avait demandé à l’Assemblée de déclarer irrecevable le projet de loi Constitutionnel qui devait permettre la ratification du traité de Maastricht, parce que, disait-il, le Parlement n’avait pas le droit de prendre seul une telle décision.

    Aujourd’hui, c’est pour un texte d’une tout autre nature, qui ne met pas en jeu la souveraineté nationale mais les fondements même de notre société, un texte qui a l’ambition, comme l’a dit Madame Le Garde des Sceaux, de réformer la civilisation, que je viens, avec une voix dont j’ai bien conscience qu’elle n’est pas aussi forte que celle de Philippe Seguin, mais avec une gravité comparable à la sienne vous demander de voter cette motion de rejet préalable, conformément à l’article 91 alinéa 5 du règlement de notre Assemblée.

    Nous sommes dans un régime parlementaire.
    La Vème République est un régime parlementaire.

    Mais il arrive que sur des sujets d’une importance exceptionnelle, sur des textes d’une nature particulière, le choix du référendum ne soit pas une simple option mais une obligation : une obligation politique, une obligation intellectuelle, une obligation morale, même si elle n’est pas une obligation juridique.

    La constitution offre la possibilité au Président de la république de faire voter le peuple au lieu du Parlement, 
    elle ne le lui impose pas.

    Aussi, ce n’est pas la lettre mais l’esprit de nos institutions qui est ici en cause.

    Nous pourrions, nous devrions, au moins nous accorder sur un point, c’est que ce projet de loi est d’une nature très différente de celle des projets qui sont d’habitude soumis au Parlement. 

    Nous pourrions, nous devrions au moins nous entendre sur un fait : que par son objet même, par les conséquences qu’il peut avoir, par la profondeur des sujets auxquels il touche, ce projet de loi n’est pas un projet de loi ordinaire.


    Mes chers collègues, 

    Vous le savez tous, dès lors que ce projet de loi serait adopté tout retour en arrière serait très difficile, pour ne pas dire impossible. Non parce qu’il serait entré dans les mœurs, non parce que ceux qui aujourd’hui le rejettent – et avec quelle force – s’y seraient habitués, non pour des raisons politiques mais pour des raisons juridiques et pour des raisons humaines.

    C’est une loi que l’on ne peut pas prendre à l’essai : si elle était adoptée, des couples se marieraient, des enfants naitraient. Comment dès lors imaginer revenir sur ce qui aurait été accompli ? Comment concevoir que la parole qui aurait été donnée à ces couples, à ces enfants puisse être reprise ? Mais de ce fait, ce que la majorité d’aujourd’hui déciderait, aucune majorité dans l’avenir ne pourrait le défaire.

    Or, aucune majorité n’a le droit de dessaisir les majorités futures, c’est la loi d’airain de la démocratie !

    Quand une décision quasiment irréversible doit être prise, seul le peuple souverain a le droit de la prendre. 

    C’est la loi de la République !

    Ce texte touche à la conscience de chacun. En évoquant l’éventualité d’une « clause de conscience » pour les Maires, le Président de la république lui-même l’a reconnu.

    Et il appartient, aujourd’hui,  à notre Assemblée, à chacun d’entre nous, de répondre, en conscience, à la question de savoir si nous avons le droit, je dis bien le droit, en tant que Démocrate, en tant que Républicain de parler ici à la place de ceux que nous représentons, si nous avons le droit, oui le droit, de substituer sur un tel sujet notre conscience à la leur. 

    C’est la question de la République qui se trouve posée. 

    La République ne peut vivre que si chaque conscience républicaine est une conscience inquiète se demandant, à chaque instant, si elle n’utilise pas avec excès les pouvoirs qui lui ont été confiés, si elle exerce avec suffisamment de retenue l’autorité qu’on lui a octroyée.

    Tous ceux qui sont chargés de faire fonctionner les institutions de la République doivent se rappeler sans cesse que quels que soient les droits, les pouvoirs dont ils disposent, ils n’ont, en vérité, que des devoirs.

    La République ne va jamais aussi mal que lorsque cette exigence faiblit dans le cœur et la raison de ceux qui la servent. Et voyez comme elle va mal notre République. Combien elle a besoin de retrouver les vertus qui dans le passé lui ont donné tant de force.

    Alors c’est à chaque conscience républicaine, inquiète de savoir où est son devoir que je m’adresse. Je veux lui dire que l’on aurait pu s’y prendre autrement : recenser les inégalités, les injustices, les souffrances et chercher tous ensemble, comme pour la loi bioéthique, une réponse commune afin de régler les problèmes d’héritage, de pension, et même répondre à la demande de reconnaissance d’un amour qui mérite autant de respect, de considération que toutes les autres formes d’amour.

    La majorité ne l’a pas souhaité. Elle a voulu que la conclusion soit écrite par avance, irrévocablement, avec l’ouverture du mariage aux couples de même sexe. Avec ce paradoxe que ceux qui, dans le passé, ont tant décrié le mariage veulent aujourd’hui l’offrir à tous.

    Dès lors que ce choix avait été fait, il ne pouvait plus y avoir de véritable débat. Un débat dont la conclusion est écrite d’avance, n’est pas un vrai débat. C’est un simulacre.

    Si le Président de la République restait sur sa position,
    Si la majorité ne changeait pas d’avis, le peuple serait deux fois bafoué :
    La première parce qu’il n’aurait pas son mot à dire,
    La deuxième parce qu’on l’aurait privé du débat par lequel il aurait pu se forger son jugement.

    Mais est-il bien raisonnable de croire qu’à notre époque il est encore possible de tenir le peuple à l’écart de décisions qui conditionnent aussi irrévocablement son avenir ?

    Est-il bien raisonnable de croire qu’une loi votée de cette manière - qu’il faut considérer pour ce qu’elle serait, c’est-à-dire un passage en force – pourrait devenir la loi de tous dans les consciences et dans les cœurs ? 

    Quand on viole les consciences, quand on les piétine, elles se raidissent, elles se ferment.

    Regardez ce qui se passe dans la société, regardez les déchirures : On ne crée pas de l’ouverture d’esprit, de la tolérance et mieux que de la tolérance, de la compréhension, du respect, de la fraternité par la brutalité aveugle de la loi.

    Pourquoi ne pas admettre enfin que la loi ne peut pas tout régler quand c’est dans l’intimité de la conscience de chacun que se trouve la réponse ? 

    Pourquoi ne pas reconnaitre qu’il y a toujours dans une société des zones grises où les sentiments et les raisons sont si enchevêtrées que la loi en cherchant à les trancher fait plus de mal que de bien ?

    En parlant du mariage pour tous, le gouvernement dit : 
    Amour ! 

    Mais qui sur ces bancs conteste à deux êtres qui s’aiment le droit de s’aimer ?

    Le gouvernement dit :
    Liberté ! 

    Mais qui sur ces bancs conteste à quiconque la liberté de vivre selon son cœur ?

    Le gouvernement dit :
    Égalité des droits ! 

    Mais le mariage n’est pas un droit, c’est une institution.

    Le gouvernement dit :
    Progrès ! 

    Nous lui opposons la sagesse multimillénaire que toutes les sociétés humaines ont tirée de l’expérience de la vie.

    Le million de Français qui est descendu dans les rues de Paris le 13 janvier, parlant pour des millions et des millions d’autres qui n’avaient pu venir, n’a pas manifesté contre l’amour, ni contre la liberté, ni contre l’égalité des droits, ni contre le progrès.

    Il a manifesté pour défendre une institution aussi ancienne que la civilisation. Il a manifesté parce que dénaturer cette institution, ce serait bouleverser l’ordre social pour tout le monde, pas seulement pour quelques-uns.

    La plupart de ceux qui sont opposés à ce projet, n’ont ni moins de cœur, ni moins de générosité que ceux qui le soutiennent. Ils ne sont pas moins dignes de respect. Ils savent que la société a changé, que les mentalités ont évolué, que la famille s’est transformée. Ils portent sur le monde un regard bienveillant. Ils ne veulent blesser personne. On avait dit qu’il y aurait des débordements, des outrances.

    Il n’y en a pas eu une seule !

    À ces Français simples et dignes qui ne demandent au fond qu’un peu de respect, de démocratie et de République n’allons-nous répondre que par ces deux mots terribles : Taisez-vous ! 

    Qui peut croire que c’est possible ? Qui peut croire que cela ne laisserait pas de trace ?

    Taisez-vous ! 

    Qui peut croire que la République n’en sortirait pas blessée ?

    Mes chers collègues, non seulement nous avons à nous prononcer sur un sujet qui n’est au fond, nous le savons bien, comparable à aucun autre, mais nous avons à le faire dans un de ces moments de l’histoire très particuliers, où la politique se voit sommée de redonner un sens aux mots de Civilisation, de civilité, de civilisé.

    Dans quelle société, dans quelle civilisation voulez-vous nous faire vivre ? Voilà la question que dans des périodes de malaises et de crises profondes, quand un vieux monde n’arrive pas à mourir et qu’un nouveau n’arrive pas à naître, tous les peuples du monde adressent à tous les pouvoirs et d’abord bien entendu à la politique. Question légitime si l’on veut bien considérer la politique comme l’expression de la volonté humaine dans l’Histoire.

    Avec ce texte, nous n’avons pas à prendre position seulement sur une mesure,
    pas seulement sur un droit,
    pas seulement sur un statut,
    nous discutons d’un texte qui est bien davantage qu’un texte : une déclaration d’intentions sur la manière dont nous allons faire évoluer notre société, sur les principes sur lesquels elle se construira, sur les valeurs qu’elle reconnaitra comme siennes. 

    Nous avons à prendre position sur une politique de civilisation. Oui, une politique de civilisation.

    Qu’y a-t-il derrière ce texte sinon d’abord la négation de la différence des sexes et dans le domaine où elle est la plus évidente : celui de la procréation et de la relation à l’enfant ?

    Ouvrir le mariage aux couples de même sexe, c’est donner le droit d’avoir des enfants à des couples auxquels la loi de la nature ne le permet pas.

    Il ne faut pas tricher avec cette question, il ne faut pas se mentir à ce sujet, c’est un sujet trop grave.

    Il n’y a pas d’un côté le mariage et de l’autre côté la procréation et l’enfant.

    Dès lors que l’on touche au mariage, on implique l’enfant.

    Dès lors que l’on touche au mariage, on pose inéluctablement la question de la procréation.

    Dès lors que l’on touche au mariage, on ne peut pas éviter les conséquences sur la filiation.

    Et qu’est-ce que cela signifie de vouloir donner un véritable « droit à l’enfant » à des couples de même sexe sinon d’abord que l’on est convaincu qu’il n’y a aucune différence entre le père et la mère.

    Qu’il y ait des préjugés sociaux dans la répartition des tâches entre les hommes et les femmes au sein la société, qui le nierait ?

    Mais que les relations de l’enfant avec son père ou avec sa mère ne soient que l’expression des préjugés sociaux, quelle idée folle ! Qui donc a aimé de la même manière son père et sa mère ? Qui donc a été aimé de la même manière par son père et par sa mère ?

    Il faut l’homme et la femme, le père et la mère, pour engendrer et guider l’enfant sur le chemin de la vie. C’est une loi de la nature. Une loi qu’aucune loi humaine ne peut abolir. Les accidents de la vie en décident parfois autrement. Et chacun s’en sort du mieux qu’il peut. Mais pensez toujours, oui pensez toujours, aux souffrances intimes, aux blessures secrètes de tous ceux auxquels, malgré l’amour infini qu’ils ont reçu de ceux qui les ont élevés, il a manqué et il manque toujours, pour la vie, une mère ou un père.

    Et à ceux qui prétendent que les enfants des couples de même sexe apprendront la différence des sexes en regardant autour d’eux ce qui se passe dans la société, je voudrais dire qu’ils semblent ignorer à quel point la prise de conscience pour un enfant qu’il est différent des autres est toujours, pour lui, une source de douleur.

    J’ai parlé, un jour, de la souffrance de l’enfant sans père ou sans mère qui devait répondre aux questions : 
    profession du père, profession de la mère ?

    Madame le Ministre de la famille m’a répondu que l’on ne faisait pas de la politique à partir d’un cas personnel. Mais on ne fait pas de politique non plus sans qu’elle soit profondément ancrée dans l’expérience d’une vie, les épreuves affrontées, les peines et les joies ressenties. 

    À la politique sèche et froide des idéologues, il faut sans cesse opposer la politique charnelle, la politique humaine. Si vous lisiez toutes les lettres que j’ai reçues de Français connus et inconnus, vous sauriez qu’en vous parlant de moi, j’ai parlé pour tous ceux qui ont vécu le même drame intime souvent sans en parler jamais.

    Mesdames les Ministres, vous vous défendez - et avec quelle énergie - de vouloir faire disparaitre les mots de mère et de père du Code Civil mais votre dessein est de les faire disparaitre de la société. Voilà la vérité, vous qui ne croyez pas qu’il y a des différences entre l’une et l’autre.

    Les racines idéologiques de votre projet sont décidément très profondes : vous ne voulez pas seulement que l’homme domine la nature. Vous voulez que le social triomphe de la nature et que sa victoire soit sans partage. 

    Vous tournez le dos à la raison. Car c’est la déraison qui commande à l’homme de vouloir nier sa nature. 

    Où cela nous mènerait-il sinon sur les voies les plus dangereuses ?

    Ce texte n’est pas qu’un texte : s’il était adopté, il aurait des conséquences. Voulez-vous réellement les conséquences de ce que vous voulez instaurer ?

    Croire que la question du mariage peut être dissociée de celle de la procréation médicale assistée et de celle de la procréation pour autrui, c’est se mentir à soi-même. Cette dissociation est impossible.

    Si l’on donnait le droit à des couples par nature stériles d’avoir des enfants, on ne pourrait leur refuser les moyens d’en avoir. On finirait donc, et une partie de la majorité ne s’en cache pas, par donner accès à la procréation assistée à tous les couples de femmes. 

    Madame le Ministre de la famille m’a dit : la PMA qui est autorisée pour les couples hétérosexuels qui souffrent d’un problème de stérilité crée déjà pour ces couples un « droit à l’enfant ».

    Mais dans le cas des couples hétérosexuels, il s’agit seulement d’aider à l’accomplissement de la loi de la nature. Dans le cas de couples de même sexe, il s’agirait, au contraire, de s’affranchir de cette loi. Cela changerait tout. Ce serait faire passer la procréation assistée du champ médical où elle est étroitement contenue dans celui du social. Ce serait ne plus regarder la procréation que sous le seul angle du désir.

    Une mère m’a écrit ces quelques mots : « mon mari et moi avons des jumelles de 14 ans issues de PMA à partir de mes gamètes et de celles de mon mari. Je ne juge pas les couples qui font appel à un don de spermatozoïdes mais c'est de tout autre nature. Il y a un vrai déséquilibre dans le couple : c'est l'enfant biologique d'un seul des parents. Je crois que ça peut poser des soucis aux enfants surtout si l'enfant ne sait pas que son père n'est pas le père biologique. Et si cette loi passe, nous allons fabriquer des milliers d’enfants.

    Après, disait-elle, c'est l'amour qui compte. »

    C’est l’amour qui compte…..

    Mais qu’allons-nous faire de l’amour dans cette histoire ? 

    Il est bien difficile pour n’importe quel parent d’élever des enfants et je suis bien certain que deux femmes ou deux hommes peuvent donner autant d’amour qu’un père et une mère. Les deux femmes qui m’ont élevé m’ont aimé sans compter. Mais que deviendrait l’amour lorsque ayant donné aux femmes les moyens d’exercer ce droit à l’enfant, on ne pourrait pas le refuser indéfiniment aux hommes : on leur concéderait  les mères porteuses à moins que ce ne soient les juges qui le fassent. Au nom de cette exigence d’égalité à laquelle le projet de loi qui nous est présenté prétend répondre. Alors s’installerait, fatalement, une relation de client à fournisseur en matière de procréation, la marchandisation des corps, la demande par les clients d’enfants sans défaut, d’enfants qui leur ressemblent…. Devant certains tribunaux dans le monde, on débat déjà pour savoir si l’intérêt de l’enfant doit primer sur le contrat ou l’inverse.

    Après, c’est l’amour qui compte….

    Mais que deviendrait l’amour alors dans cette relation marchande, dans cet asservissement des corps des plus pauvres ? Dans cette société qui en tout et pour tout ferait passer le plaisir et l’utilité devant tout autre considération, et où serait occultée la dimension spirituelle de l’enfant, de la personne humaine ?

    Je veux parler à tous ceux d’entre vous qui, sur tous les bancs de cette Assemblée, n’ont pas renoncé à l’idéal de la République.

    Ne voient-ils pas que cette société serait à l’opposé de l’idéal que nous ont légué les Lumières et 20 siècles de civilisation ?

    Quel modèle, quel repère pourrions-nous donner alors à nos enfants, à nos petits-enfants ? Que leur dirions nous à chaque fois qu’ils nous interpelleraient par ces mots si fréquents dans leur bouche : « à quoi cela me sert-il ? En quoi cela me procure-t-il du plaisir ? Alors que l’enfant lui-même ne serait plus qu’un obscur objet du désir ?

    Comment trouverions-nous les mots pour dire à nos enfants que les plus grandes satisfactions de l’homme sont dans la récompense des efforts qu’il consent sur lui-même, dans les exigences qu’il s’impose à lui-même, dans les principes et dans les règles qui le grandissent en lui fixant des limites.

    Comment pourrions-nous encore dire à nos enfants qu’entre la recherche du plaisir le plus immédiat et le plus superficiel et l’utilitarisme le plus étroit, ils ne trouveraient qu’une vie médiocre ?

    Quel  Républicain ne voit qu’entre l’égalitarisme qui est le principe de cette loi et le communautarisme qui en est l’impensé, il n’y a pas de place pour la République ? Quel Républicain ne comprend qu’en faisant de la revendication de quelques-uns aussi légitime, soit-elle la loi de tous, on fait le contraire de la République.

    À tous ceux qui parlent de conservatisme à propos des hommes et des femmes qui s’inquiètent que le pas qu’on veut leur faire franchir soit un pas de trop, une conscience républicaine ne devrait-elle pas répondre que si la République c’est l’audace d’inventer l’avenir, ce n’est pas, pour autant, l’oubli de toutes les leçons de l’Histoire humaine ? 

    À tous ceux qui exigent que l’on dise oui à leur réforme au nom soi-disant du progrès, une conscience républicaine ne devrait-elle pas répondre que « seul l’esclave dit toujours oui » ?

    Oh certes, une telle société peut advenir même sans la dénaturation du mariage. Mais avec ce projet de loi, 
    nous lui ouvrons grand la porte,
    nous l’appelons,
    nous rendons son avènement quasiment inéluctable.

    Aucune conscience républicaine ne peut rester indifférente à ce danger. C’est le rôle, c’est le devoir, c’est la nature même d’une conscience républicaine d’être inquiète des conséquences des choix que nous nous apprêtons à faire.

    Je m’adresse donc à toutes les consciences républicaines que compte cette Assemblée, qu’elles soient de droite, qu’elles soient du centre ou qu’elles soient de gauche : 

    Comment trancher entre les consciences qui ne sont pas suffisamment inquiètes de ce projet de loi et celles qui, peut-être, le sont trop ?

    Comment trancher sinon en permettant à chaque Français de prendre part à la décision ?

    Mes chers collègues, je voudrais que chacun d’entre vous, avant de décider, s’il vote pour ou contre cette motion, mesure bien l’importance de sa décision, non seulement pour le présent mais aussi pour l’avenir.

    Car nous devons nous demander de quelle manière nous allons répondre à toutes les grandes et graves questions de société et de civilisation que toutes les crises que nous vivons vont nous obliger à affronter dans les années qui viennent. 

    Les aborderons-nous en faisant prévaloir la seule logique des majorités parlementaires, la seule logique des camps et des partis ?

    C’est une question de morale, mais pas seulement car comment rendrons nous acceptables, légitimes – et cette légitimité est indispensable – les règles et les principes au nom desquels nous acceptons de vivre ensemble et de partager – ce n’est pas rien – une destinée commune, si la seule logique qui prime toujours est celle du rapport de force ?

    Je ne dis pas cela pour contester la légitimité de la majorité parlementaire - de celle-ci pas plus que d’une autre - à gouverner. C’est la loi de la Démocratie, je l’ai toujours respectée.

    Je le dis parce qu’il est des moments et il est des sujets qui appellent chacun à suivre sa conscience davantage que son parti.
    Ce moment en est un.
    Ce sujet en est un.

     

    Mes chers collègues, 

    En 1984, François Mitterrand avait imposé contre le souhait de son gouvernement et d’une partie de sa majorité le retrait du projet de loi sur l’école, non parce qu’il avait peur de la rue mais parce qu’il ne voulait pas rouvrir une guerre scolaire dont il se souvenait le mal qu’elle avait fait à la France.

    En 1992, il avait répondu à la grande voix de Philippe Seguin en prenant le risque du référendum et du débat. Il avait compris qu’il fallait prendre ce risque pour que la monnaie unique soit la monnaie de tous.

    À chaque fois, François Mitterrand ne s’était pas abaissé dans son rôle de chef de l’Etat. Il s’était grandi. 

    On se grandit toujours quand on donne la parole au peuple.

    Il reste quelques semaines au Président de la République pour méditer les leçons de son prédécesseur.

    Mais aujourd’hui, c’est à nous de décider pour nous-même.

    Nous pouvons décider que c’est au peuple et non à nous de trancher.

    Si notre Assemblée fait ce choix, elle ne diminuera pas en prestige, elle ne ruinera pas son autorité : elle les renforcera.

    Personne ne se reniera,
    Personne ne se déshonorera.

    Au contraire, chacun d’entre nous aura redonné du sens au beau nom de « représentant du peuple ».

     

    Mes chers collègues,  

    Je vous ai parlé pour l’avenir, et c’est pour l’avenir que vous allez décider.

    Un dernier mot, Madame le Ministre de la famille : non, je n’aurai pas honte quand mes enfants, mes petits enfants liront les mots que j’ai utilisé dans ce débat avec le souci constant de ne blesser personne mais la conviction profonde que le combat contre la société que ce texte appelle est légitime.


    Projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
    Intervention d’Henri GUAINO, Député des Yvelines,
    Pour la motion de rejet préalable
    Mardi 29 janvier 2013

  • Tugdual Derville invité par Louis Daufresne

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    Louis Daufresne, dans son émission Le Grand Témoin, s'entretient avec Tugdual Derville, le 28 janvier 2013.

    La Vaillante retranscrit en trois vidéos l'entretien radiophonique, plus une quatrième de l'éditorial du jour.


    1ère partie/3

     Tugdual Derville (interviewé par Louis Daufresne), extraits :

    « La nécessité pour nous est de manifester un profond respect des personnes et ce profond respect ne peut être manifesté que si au fond de nos êtres nous sommes dans une non-violence intérieure. »

    « Cela me fait penser à une société adolescente qui récuse tout ce qui peut poser des limites, limites nécessaires à la vie en société, les dures limites qui constituent la condition humaine aussi, et qui nous permettent, si nous nous limitons nous-mêmes, de respecter les plus faibles. Parce que la démocratie c'est la loi du plus faible qui l'emporte sur la loi du plus fort, sinon il n'y a pas besoin de loi. Effectivement, ceux qui posent des limites sont brutalisés. Mais ça ne veut pas forcément dire qu'ils ne sont pas entendus. Les parents le savent bien : à certains moments, l'adolescent vomit sa famille (et c'est, d'une certaine manière, une façon pour lui de s'exprimer, c'est peut-être nécessaire). Et à un moment donné l'adolescent reconnaît que cette autorité a construit l'exercice de sa propre liberté. »

    « La France est un pays où nous nous divisons parfois très fortement. C'est aussi un pays où le peuple se rebelle lorsque le pouvoir entre dans la toute-puissance, avec d'énormes risques. On n'a pas tout à fait les mêmes risques que dans d'autres périodes révolutionnaires, mais j'ai noté que certains quotidiens italiens avaient parlé de « Révolution française ». Effectivement, ce projet de loi est dans la toute-puissance : il vient nier un repère fondamental, celui de l'engendrement, celui dont nous sommes tous issus, tous nés d'un homme et d'une femme. Et ce qui couvait sous la cendre, le feu de résistance qui couvait sous la cendre a éclaté le 13 janvier. Face à cela, c'est vrai, il y a une idéologie de la toute-puissance qui refuse toute forme de limites et qui ne sait même pas elle-même où elle nous conduit, si nous ne résistons pas. Elle l'ignore. Mais les conséquences peuvent être extrêmement graves pour l'anthropologie, pour l'humanité des années à venir. Et c'est cela qui aujourd'hui nous mobilise. »



     

    2cde partie/3

     Tugdual Derville (interviewé par Louis Daufresne), extraits :

     « La France n'a pas à se limiter au « moins disant » éthique, c'est l'expression du Conseil d'État. Autrement dit : la France est le pays des droits de l'homme, c'est vrai. C'est un pays où il y a de vrais débats de société, contrairement à la Belgique ou à la Hollande. Nos amis belges et hollandais nous ont dit : « C'est incroyable, chez nous c'est passé comme une lettre à la poste, on n'a même pas pensé résister ! ». Et donc, moi je suis fier que dans notre pays tant de manifestants se soient levés et certains pour la première fois de leur vie, indépendamment des générations. Alors voilà : l'inéluctabilité qu'on nous impose c'est une figure de dialectique. Comme s'il y avait un sens de l'histoire. Moi, ce que je dirais plutôt, c'est que dans l'histoire de l'humanité on tâtonne d'abord, en matière d'éthique, on fait parfois n'importe quoi, et progressivement la conscience humaine vient au secours d'une science qui pouvait être sans conscience, et petit à petit, nous révisons nos comportements. Le sens de l'histoire pour moi c'est l'humanisation du regard de l'homme sur l'homme, c'est le respect croissant pour le plus petit, le plus faible. On voit que le bébé est considéré comme une personne désormais, et heureusement ; on voit que la lutte contre la maltraitance a fait d'énormes progrès ; que nous continuons d'inventer en matière de solidarité sociale, humaine, des façons de faire tout à fait nouvelles et inédites, très créatives et pleines, oui, j'ose le dire, d'amour. Sur ce sujet aussi [le projet de loi Taubira « Le mariage pour tous »], le tâtonnement c'est aujourd'hui, peut-être, mais demain, je l'espère, et c'est pour cela que nous travaillons, les générations futures seront préservées de l'effacement d'un repère très précieux, celui de l'engendrement que nous devons leur léguer. »

     

     

     

    3ème partie/3

    Tugdual Derville (interviewé par Louis Daufresne), extraits :

    « Beaucoup de français ignorent encore que derrière ce slogan de « mariage pour tous » c'est l'adoption d'enfants que nous confierions (notre société) à deux hommes ou deux femmes, les privant par-là même d'un père ou d'une mère alors qu'ils ont été eux-mêmes endeuillés. »

    « J'aime beaucoup discuter (avec les adversaires), j'ai beaucoup de respect pour les adversaires qui se mobilisent. Parce que je sais qu'ils y croient au plus profond. Il y a quelque chose de très profond dans leur revendication. Mais je vois aussi que cette revendication est à la fois irrépressible, d'un certain côté, et sans limites. « Il ne faut pas croire qu'on va s'arrêter là ! ». Plus on donne et plus le besoin de reconnaissance, au fond, risque de nous entraîner loin. Et vous l'entendez parfois dans certains groupes, qu'ils demandent beaucoup plus. Il y a le mariage religieux, bien sûr, et bien d'autres choses encore. Et ce « mariage » entre personnes de même sexe aboutit à des situations de parentalité multiples. Certains demandent déjà : « Pourquoi pas trois ? », comme au Brésil, « le mariage civil à trois ». Non pas que soient conscients de la transgression ceux qui la revendiquent, mais ils nous font entrer dans un système de « sans limites ». »




    Édito de Gérard Leclerc

    « Les médias, qu'on le veuille ou non, sont les vecteurs consentants d'une certaine culture qui nous a menés justement à ce projet de loi. »



     

     

  • Une supercherie linguistique doublée d’un mensonge

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    « Le mariage pour tous »

    Une supercherie linguistique doublée d’un mensonge

    Dans le concert des arguments développés par les « pour » et les « anti » mariage gay, il est une voix qu’on n’a jamais entendue : celle de la langue française.

    Au cours de mes 40 années d’enseignement (collège et lycée) en qualité de professeur de Lettres Classiques, j’ai toujours attaché une grande importance à la valeur des mots. Choisir le mot exact, le « polir sans cesse » comme disait Boileau, c’est à la fois s’assurer qu’il exprime parfaitement ce que l’on veut dire mais c’est aussi s’assurer que l’on sera bien compris de son auditoire. 

    La polémique que suscite le projet de loi sur le mariage gay offre un bel exemple de cette dilution de la pensée dans le brouillard d’une terminologie approximative. A force de triturer les mots dans tous les sens, les mots n’ont plus de sens et l’opinion déboussolée y perd son latin. Les slogans réducteurs répercutés par les médias ne font qu’entretenir la confusion au point qu’on a parfois l’impression d’avoir perdu le sens commun.

    Prenons quelques exemples :

     

    Premier exemple : La notion de « couple » homosexuel est-elle adaptée ?

    La réponse est non.

    Si l’on se réfère à la terminologie du « Bon Usage », l’assemblage de deux éléments de même nature ne constitue pas un « couple » mais une « paire ». Ainsi, on dira une paire de ciseaux, une paire de lunettes et non un couple de ciseaux ou un couple de lunettes. Il en est de même pour les êtres vivants. Deux bœufs assemblés sous le même joug forment une paire de bœufs et non un couple de bœufs. Deux jumeaux de même sexe  constituent une paire de jumeaux et non un couple de jumeaux. On pourrait multiplier les exemples.

    La langue française nous indique clairement que la notion de « couple » repose sur un principe de différenciation et d’altérité. Le couple, c’est « un homme et une femme unis par des relations affectives, physiques » (Robert 2012). La prise en compte de la fin de la définition ne doit pas faire oublier le début. La distorsion sémantique à laquelle on s’adonne chaque fois qu’on évoque  un « couple » homosexuel crée une confusion dommageable que rien ne peut justifier, pas même une évolution des mœurs. Il s’agit bien ici d’appeler un chat « un chat ».

     

    2ème exemple : qu’est-ce qu’un parent ?

    La reconnaissance officielle du « couple » homosexuel entraîne nécessairement – tout le monde le  sait - une modification du Code Civil. La disparition des mots « père » et « mère » au profit de la notion de « parent 1 » et « parent 2 » n’est en fait qu’une supercherie linguistique doublée d’un mensonge puisque le mot désigne étymologiquement les deux personnes (père et mère) qui conjointement sont à l’origine de toute naissance. En latin, le verbe parere veut dire « engendrer » pour le père, et « enfanter » pour la mère. Comment peut-on expliquer à un enfant que ce mot de « parent » (quel que soit son numéro) s’applique à une personne qui est totalement étrangère à sa naissance, un clandestin en quelque sorte ? La loi peut-elle cautionner ce mensonge ?

    Ces deux exemples suffisent à démontrer que la terminologie avancée par les partisans de la loi n’est qu’un écran de fumée destiné à masquer une stratégie plus sournoise que les récentes manifestations viennent d’ailleurs de confirmer. Il semble en effet que les partisans du « mariage pour tous » se soient déjà engouffrés dans une brèche : l’incohérence du projet de loi : 

     

    Une incohérence interne à la loi 

    Un « couple » homosexuel est par définition stérile. Il est donc logique que les homosexuels aient recours à des artifices s’ils veulent avoir des enfants. C’est le sens de leur revendication première : le droit à l’adoption, baptisé outrageusement « droit à l’enfant ». Le projet de loi prévoit cette disposition mais interdit la PMA (procréation médicalement assistée pour les femmes) et la GPA (gestation pour autrui pour les hommes c’est-à-dire le recours possible à une mère porteuse). Comment justifier cette contradiction alors que la loi du « mariage pour tous » est présentée comme une extension des droits ? Les récentes manifestations des partisans du mariage ont clairement démontré que les homosexuels entendaient s’appuyer sur cette contradiction pour pousser plus loin leurs exigences. Sur cette question, on note les premiers signes d’un fléchissement de la part des promoteurs de la loi. Le recours à la PMA, exclue dans un premier temps, pourrait faire l’objet d’un amendement présenté par les députés de la majorité. Cette concession, logique en ellemême, met à nu la vraie nature du débat. Le « mariage pour tous », présenté au départ comme l’objectif essentiel, apparaît de plus en plus clairement comme un simple point de passage, une étape transitoire pour obtenir « in fine » une égalité de droit pleine et entière avec les couples hétérosexuels stériles. 

    Comme le droit à l’adoption ne changera pas grand-chose à la situation des homosexuels, vu les réticences de la plupart des états à confier des enfants à des homosexuels, c’est bien sur la PMA et la GPA que se concentre toute la pression. Une fois  acquis le droit à la PMA pour les femmes homosexuelles, comment interdire aux hommes, au nom de ce même principe d’égalité, d’avoir recours à la GPA ? Si c’était le cas, il y aurait là une discrimination incompréhensible, voire une injustice, tout à fait contraire à l’esprit même du projet de loi.

     

    Le piège des slogans

    Il est une autre supercherie linguistique qu’il convient de dénoncer et qui tient au discours même des homosexuels. Pendant longtemps, leur combat a été placé sous le signe du « droit à la différence », droit qui leur a été reconnu par l’ensemble de la communauté nationale avec la création du PACS. Aujourd’hui, le thème du « droit à la différence » a totalement disparu du glossaire homosexuel. Bizarre ! Ce virage à 180 degrés a quelque chose de surprenant et pourtant personne ne s’en étonne. 

    Il est vrai que le slogan « le mariage pour tous » est plus rassurant et plus rassembleur que « le droit à la différence » jugé sans doute trop « clivant » pour employer un terme à la mode, un concept dépassé en tout cas que l’on range sans complexe au rayon des accessoires. Au contraire, « le mariage pour tous » sonne comme un appel à la fête, à la fusion universelle de toute l’humanité, un remake d’ « Embrassons-nous, Folleville », en somme une préfiguration du « paradis pour tous ». Qui peut résister à un tel programme ?

    Malheureusement, cette vision édénique du mariage est en décalage complet avec la réalité des faits. Il est d’abord étrange que le PACS ait eu si peu de succès auprès de la communauté homosexuelle alors que cet aménagement de la législation était notamment prévu pour elle. Et si le mariage présente tant d’attraits, comment expliquer que tant d’hommes et de femmes, de la base jusqu’au sommet de l’Etat, choisissent l’union libre c’est-à-dire le non-mariage ?

    Il est notable également que nombre d’homosexuels vivent leur vie le plus naturellement du monde sans réclamer nécessairement le passage devant Monsieur le Maire. Certains même s’étonnent de ce déchaînement médiatique sur une question qui leur est totalement étrangère.

    Alors, au bout du compte, que penser de tout ce tapage, de tout ce galimatias ?

    Pas grand chose, sinon que derrière ces acrobaties sémantiques ou stylistiques, il y a la volonté de nier une évidence.

     

    La négation d’une évidence

    Quel que soit le mode de procréation choisi, la naissance d’un enfant est nécessairement le résultat de la rencontre de deux cellules, masculine et féminine. La différenciation sexuelle est constitutive de l’être humain, même si les choix de vie peuvent ensuite amener certains individus à la vivre différemment. De ce fait, on ne peut admettre qu’une simple évolution des mœurs  soit un argument suffisant pour modifier le statut du couple et celui de la famille, tels qu’ils nous ont été transmis depuis les origines de notre civilisation. Les Romains eux-mêmes, qui pratiquaient librement et indifféremment  les deux formes de sexualité, n’ont jamais songé à remettre en question ce mode d’organisation de la famille pour une raison très simple mais essentielle : cette structure de la cellule familiale est la seule à garantir la filiation. Grands législateurs (ne pas oublier au passage que notre Code Civil découle directement du Droit Romain), ils ont toujours tenu à préserver ce socle de l’organisation sociale. Quant à l’adoption, très courante à Rome, elle a toujours été soigneusement encadrée par tout un arsenal juridique de manière à préserver l’intégrité des liens du sang. De ce fait, l’adoption n’était juridiquement admise que dans le cadre d’une famille déjà constituée et sur le modèle du couple hétérosexuel.

     

    Jamais deux sans trois

    Mais il y a plus grave : la stérilité naturelle du « couple homosexuel » induit nécessairement l’intervention d’un tiers de l’autre sexe pour le rendre fécond. Dès lors, l’accès à la PMA ou à la GPA (quelle que soit la procédure adoptée, c’est-à-dire avec ou sans rapport sexuel) conduit à s’interroger sur la nature de ce prétendu « couple » qui ne peut assurer à lui seul  son désir d’enfant. Ce qui revient à dire que le contrat de mariage que signeraient deux personnes de même sexe inclut nécessairement l’intervention prévisible d’une troisième personne. Il ne s’agit donc plus d’un « couple » mais d’une « triade », une forme d’adultère biologique accepté et reconnu par la loi. Sans parler des inévitables dérives financières qu’entraînera nécessairement la recherche effrénée de donneurs et de mères porteuses. Dans certains pays, on assiste déjà à des combinaisons multiples où les homosexuels s’adjoignent - pour un temps ou pour longtemps et moyennant finances – le concours d’une ou plusieurs personnes pour mener à bien leur projet. Nous sommes là devant le risque majeur d’une marchandisation de l’enfant et par extension de la vie humaine. L’embryon devient un objet de convoitise assimilable à n’importe quel produit de consommation. Dans un proche avenir, on peut même  imaginer l’achat en pharmacie de paillettes de sperme ou d’ovules congelées qu’on pourrait se procurer aussi facilement que la pilule contraceptive ou le Viagra, le tout remboursé par la Sécurité Sociale, au nom de ce « droit à l’enfant » brandi comme un dogme par les partisans de la loi.

    Au terme de cet argumentaire, une conclusion s’impose :

     

    Le « mariage » pour quelques-uns est en fait une menace « pour tous »

    A l’évidence, l’adoption de ce projet de loi fait courir à notre société un danger d’autant plus grand qu’il est paré de toutes les vertus aux yeux du plus grand nombre. Pour employer le langage des internautes, c’est un dangereux «cheval de Troie» qu’on introduit dans la législation française. « Malheureux  citoyens, quelle folie est la vôtre ! » s’écriait Laocon en voyant les Troyens disposés à introduire ce cheval maudit dans les murs de leur ville (Enéide, II, 42).

    Abandonné sur la plage, ce cheval imaginé par Homère avait tous les attraits d’un cadeau des dieux.  
    Les Troyens sont restés sourds à l’avertissement de Laocoon. Ils ont fait mieux. Pour faciliter l’entrée du cheval dans la ville, ils n’ont pas hésité à abattre une partie de leurs murailles. 

    On connaît la suite ! … 

    Il est vain d’imaginer qu’on puisse contenir toutes les dérives inhérentes au projet de loi tel qu’il est présenté aujourd’hui. C’est bien sur la notion même de « mariage pour tous »  qu’il faut se battre et résister. Si cette digue saute, le risque de submersion est hors de tout contrôle.

     

    Daniel Godard 
    Professeur de Lettres Classiques

     

    Dans le cortège des partisans de la loi « le mariage pour tous », il y avait un slogan intéressant : « UNE PAIRE DE MERES VAUT MIEUX QU’UN PERE DE MERDE ». Si l’on accepte de faire l’impasse sur le caractère outrancier et injurieux du propos, ce slogan est une aubaine!
    Pour la première fois, l’union de deux femmes est reconnue comme une « paire » et non comme « un couple ».
    J’y vois la confirmation (involontaire) de mon analyse du mot « couple ».
    Les arguments en faveur du mariage homo s’effondrent d’un coup devant cette évidence.

    Merci à celui ou à celle qui est à l’origine de ce slogan lumineux et providentiel !

  • Chorégraphie pour un dépliant

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    Voulons-nous transmettre

    la confusion des genres

    aux générations naissantes ?

  • Le 13 janvier 2013 à 19h24

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    Tour Eiffel-20130113-1924.jpg

  • Une loi comme suicide symbolique pour la société

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    « Livré au droit à la toute-puissance sur la vie que nous accorde un consensus social coupé de toute référence à l'Origine de la vie, nous entrons dans un monde où la rencontre sexuelle peut être dissociée de la parole donnée dans une alliance, et en même temps abstraite de son rapport à la génération humaine. Un monde où la sexualité pourrait s'exercer sans qu'il n'y ait personne d'engagé, où la succession de rencontres sans parole donnée, je ne sais plus qui je suis, ni pour qui. Un monde "sans engagement de votre part", dirait la publicité.
     
        Il n'est alors pas surprenant que dans un monde où la question de l'Origine et de la fin de l'humanité ne se pose plus et n'éclaire donc plus la vie et la génération humaine, nous en arrivions donc à pouvoir considérer qu'une loi politique puisse reconnaître l'union homosexuelle comme un mariage. Or, une telle reconnaissance légale ne constitue rien de moins qu'un suicide symbolique pour une société. En effet les juristes s'accordent pour dire que le fondement de la loi, dans toute société humaine, renvoie à l'Origine de la vie à travers la différence sexuelle et la succession des générations. Reconnaître comme mariage légal un comportement qui nie le fondement même de la loi, c'est bien le signe d'une société déboussolée, où toute loi n'a plus pour fondement que le sentiment de chacun et la statistique des sondages. Et l'on entendra dire, par exemple, pour défendre l'homoparentalité, que les homosexuels peuvent avoir autant de bonté et de tendresse que d'autres pour élever des enfants. C'est sûr, mais ce n'est pas la question.
     
        La question est celle de la vérité de la vie dans son rapport à l'Origine, et cette vérité n'est pas réductible au seul sentiment que j'ai de la vie, fût-il sincère. Cette Vérité est Autre, tout en m'étant intérieure. Elle est source d'une loi intérieure dont je ne suis pas l'Origine. Mais, à partir du moment où la question de l'origine et de la vie humaine est mise entre parenthèses, il ne nous reste plus que le développement, par ailleurs légitime, de la science, pour éclairer notre jugement sur la vie et finalement fonder les lois de nos sociétés.
     
        Nous risquons alors d'oublier que la recherche scientifique ne s'applique qu'au fonctionnement de la vie, de la nature, de l'univers, s'interdisant, par méthode, de s'interroger sur l'origine d'un tel fonctionnement. Que la nature soit le signe ou nom d'une Présence qui, à travers elle, s'adresserait à l'homme, ne peut être l'objet de la recherche scientifique moderne, qui a d'autant plus progressé dans son champ opératoire qu'elle a renoncé à y intégrer cette question. »
     
     
    Michel FARIN in En enfer, il n'y a personne, Éditions Lessius, 2011

  • Le mariage gay ou la dictature de la confusion

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                La question du mariage gay appelle dix remarques :


              I) Il importe d’abord de distinguer la question de l’homosexualité de celle du mariage gay. L’homosexualité appartient à la sphère privée et renvoie à une histoire singulière. C’est ainsi, il y a des personnes dans la société dont la manière d’aimer consiste à aimer une personne du même sexe. Pourquoi en est-il ainsi ? Nous n’en savons rien et nous ne le saurons sans doute jamais, tant il y a de raisons possibles à cela. Toujours est-il qu’il s’agit là d’une réalité que la société se doit de respecter en offrant aux couples homosexuels une protection de leur vie privée au même titre que celle dont peut jouir chaque citoyen.


              II) Le mariage gay relève en revanche d’une question qui regarde tout le monde, celui-ci étant appelé à bouleverser de manière irréversible la norme en vigueur en établissant une nouvelle norme en matière de famille, de filiation et de transmission, s’il vient à être adopté.


              III) À l’origine, le mariage est une donnée naturelle. C’est ainsi, pour faire naître la vie un homme et une femme s’unissent et procréent un enfant. En établissant le mariage comme institution, la société a donné un cadre juridique à cette donnée naturelle afin de la protéger.



              IV) Il s’avère qu’aujourd’hui le mariage, la filiation et la transmission ont changé de sens. La procréation n’est plus l’unique sens du mariage, le mariage-sentiment ayant tendance à l’emporter sur le mariage-procréation. De même, l’enfant n’a plus pour unique sens d’être le fruit de l’union d’un couple, le désir d’enfant introduisant des demandes d’enfants de la part de personnes seules ou des demandes d’adoption ou de procréation assistée de la part de couples stériles.


              V) La question qui se pose dès lors et qui concerne tous les couples, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels, est celle de savoir si le sentiment doit devenir l’unique sens du mariage et si le désir d’enfant d’où qu’il vienne doit devenir la raison d’être de ce dernier. Elle est également le fait de savoir si ce qui se fait doit devenir la norme de ce qui est.

              Si tel est le cas, il faut savoir que rien ne va pouvoir s’opposer formellement à ce qu’on lève désormais l’interdit de l’inceste au nom du droit de s’aimer pour tous. Le sentiment en dehors de toute donnée naturelle devenant la norme, au nom de l’amour un père pourra réclamer d’épouser sa fille voire son fils, une mère son fils voire sa fille, une sœur son frère ou sa sœur, un frère sa sœur ou son frère.

              Si tel est le cas, tout étant noyé dans l’amour érigé en droit au-dessus de toute réalité, plus personne ne sachant qui est qui, il y aura fatalement une crise d’identité et avec elle un problème psychique majeur. Les tendances psychotiques générées par l’individualisme hédoniste pour qui le réel n’existe pas et ne doit pas exister vont se renforcer. Un père étant aussi un amant et une mère une amante, il va devenir impossible de parler de père et de mère et donc de savoir qui a autorité pour élever des enfants. En ce sens, la famille va littéralement exploser.

              Enfin, l’interdit de l’inceste étant levé, c’est le sens même du devenir de l’être humain qui va être atteint, le sens de cet interdit étant de rappeler aux êtres humains qu’ils sont faits pour devenir, en épousant, non seulement un autre hors de sa famille mais aussi de son sexe et non pour demeurer dans la même famille et le même sexe.

              En ce sens, le législateur qui va devoir se prononcer sur le mariage homosexuel a de lourdes responsabilités. S’il décide de faire du mariage une affaire de droit et de sentiment en dehors de toute donnée naturelle, il introduira dans la cité la ruine possible de l’identité psychique, de la famille ainsi que du devenir symbolique de l’être humain.


              VI) Au-delà de cette question qui concerne tout le monde, les hétérosexuels comme les homosexuels, la question du mariage gay pose un certain nombre de questions qu’il importe d’examiner avec attention, la principale d’entre elle étant celle du même. Au nom de l’égalité et du refus d’établir des discriminations, est-il possible d’établir une équivalence entre tous les couples ? Trois éléments s’y opposent.


              VII) En premier lieu, pour une simple question de réalité et de donnée objective, on ne peut pas mettre sur le même plan hétérosexualité et homosexualité, un homme et une femme n’étant pas la même chose que deux hommes et deux femmes. Les couples hétérosexuels ne sont pas des couples homosexuels ni les couples homosexuels des couples hétérosexuels. Établir une équivalence entre les deux revient à nier la réalité en opérant une grave confusion entre genre et pratique.

              Avant d’être une pratique, l’hétérosexualité est un genre et pas une pratique, alors que l’homosexualité est une pratique et non un genre. La preuve : pour être homosexuel, il faut d’abord être homme ou femme. Si demain, au nom de l’égalité, tout est mis sur le même plan, la pratique particulière dictant ses lois au genre, un processus dangereux va s’engager à savoir celui de la disparition à plus ou moins long terme de la différence sexuée. On va alors assister à un effet dictatorial. Pour que les homosexuels puissent exercer leur droit à l’égalité, l’humanité va être interdite de faire une différence entre homme et femme, voir dans l’hétérosexualité un fondement et non une pratique étant considéré comme une pratique discriminatoire. Une nouvelle humanité va voir alors le jour. Nous vivions jusqu’à présent dans un monde marqué par la différence. Nous allons connaître un monde nouveau fondé sur l’indifférenciation. Quand on sait que la différence est le propre du vivant et l’indifférencié le propre de la mort, un principe de mort va désormais servir de principe pour guider l’humanité.


              VIII) La difficulté soulevée par l’équivalence décrétée entre tous les couples se retrouve au niveau des enfants. Comme il semble qu’on l’ait oublié, il importe de rappeler qu’un couple homosexuel ne peut pas avoir d’enfants. On peut le déplorer, mais c’est ainsi, deux hommes et deux femmes ne peuvent pas procréer. Ceci veut dire que, pour qu’il y ait procréation l’homme a besoin de la femme et la femme de l’homme.

              Les homosexuels réclament de pouvoir avoir un enfant. Ils se fondent pour cela sur le droit qui est accordé aux couples hétérosexuels d’adopter ou de procéder à une procréation médicalement assistée. Ils oublient ou font semblant d’oublier que ce n’est pas le droit qui les empêche d’avoir un enfant mais la Nature.

              Certes, un couple hétérosexuel peut adopter ou passer par la procréation assistée afin d’avoir un enfant. Il importe de souligner toutefois qu’un enfant adopté par un couple hétérosexuel n’a pas et n’aura jamais le même sens qu’un enfant adopté par un couple homosexuel. Lorsqu’un couple hétérosexuel adopte un enfant, il le fait pour pallier un problème de stérilité. Lorsqu’un couple homosexuel veut adopter un enfant, il le fait pour contourner une impossibilité. Le registre symbolique n’est pas le même, vouloir contourner une impossibilité à l’aide d’une loi nous situant dans le domaine de la fiction prométhéenne et non plus dans celui de la réalité humaine.

              Jusqu’à présent, la rationalité de la société repose sur la notion de limite et avec elle sur l’idée que tout n’est pas possible. Tout ne se décrète pas. Tout ne se fabrique pas. Limite positive autant que protectrice, l’idée que tout ne se décrète pas nous préservant de la dictature du Droit et l’idée que tout ne se fabrique pas nous préservant de la dictature de la Science. Avec le mariage gay et l’ouverture à la possibilité pour couples gays de recourir à l’adoption ainsi qu’à la procréation médicalement assistée, il va en être autrement.

              L’idée que rien n’est impossible va voir le jour en enterrant la notion de limite. Voyant le jour, plus rien ne va nous protéger de la dictature du Droit et de l’idée que tout peut se décréter. Plus rien ne va nous protéger de la dictature de la Science et de l’idée que tout peut se fabriquer. On obéissait la Nature qui, comme le dit Montaigne, est « un doux guide ». Nous allons désormais obéir à la Science et au Droit. La Nature évitait que l’Homme n’obéisse à l’Homme. Désormais, l’Homme va obéir à l’Homme sans que l’Homme n’obéisse à quoi que ce soit. Dostoïevski au 19e siècle comme Léo Strauss au 20e siècle voyaient dans le « Tout est possible » l’essence du nihilisme. Ils redoutaient comme Nietzsche que celui-ci n’envahisse l’Europe en ne se faisant aucune illusion cependant à ce sujet. Avec le mariage gay, l’adoption et la procréation assistée pour couples gays, le « Tout est possible » va devenir une réalité et, avec lui, le nihilisme sous la forme du triomphe sans partage de la Science, du Droit et de l’Homme.


              IX) Dans le même ordre d’idées, il importe de distinguer un enfant que l’on fait d’un enfant que l’on fait faire. Quand un couple fait un enfant, l’enfant est une personne. Le fait de faire un enfant se passant entre des personnes qui s’aiment et pour qui l’enfant n’est pas une marchandise ni l’objet d’un trafic. Quand on fait faire un enfant par un tiers, l’enfant n’est plus une personne, mais un objet voire une marchandise dans un trafic. Témoin le fait de louer le ventre d’une mère porteuse ou les services d’un géniteur.

              Lionel Jospin faisait remarquer qu’il n’y a pas un droit à l’enfant, mais un droit de l’enfant. Si le mariage gay avec procréation assistée est adopté, le droit de l’enfant va être sacrifié au profit du droit à l’enfant. Sous prétexte de donner un droit à l’enfant aux homosexuels, l’enfant considéré comme objet n’aura plus droit symboliquement au statut de personne. Alors que le monde des droits de l’homme s’efforce de lutter contre la réification de ce dernier, au nom du droit à l’enfant, on va réifier ce dernier.

              Il va y avoir en outre des questions pratiques à gérer. D’abord le coût. Pour qu’un couple d’hommes puisse avoir un enfant, il va falloir louer le ventre d’une mère porteuse. Ce qui n’est pas donné, le prix moyen se situant entre 80.000 et 100.000 euros. Comme les couples gays vont réclamer que lafacture soit réglée par la Sécurité Sociale au nom du droit à l’enfant pour tous et de l’égalité, comment celle-ci va-t-elle faire pour faire face à cet afflux de dépenses au moment où son déficit se creuse ? Qui va payer et comment ?

              Par ailleurs, l’État prenant en charge les mères porteuses, il va falloir aller chercher celles-ci ou bien créer un service spécial. L’État se refuse à devenir un État proxénète en autorisant et en organisant le trafic du sexe de la femme. Pour que la procréation médicalement assistée puisse exister, il va falloir qu’il devienne quelque peu trafiquant et qu’il organise le trafic des ventres. Ce qui ne va pas être une mince affaire. Quand un couple ne sera pas content du bébé d’une mère porteuse et qu’il décidera de le rendre, que va-t-on faire ? Obliger le couple à garder l’enfant ? En faire un orphelin ? Payer la mère porteuse pour qu’elle le garde ? Et qui payera le psychiatre qui devra soigner l’enfant ainsi ballotté et quelque peu perturbé ?


              X) Ce problème rencontré dans le fait de faire faire un enfant va se retrouver avec celui de l’éduquer. Une chose est d’avoir un père et une mère, une autre d’avoir deux pères et deux mères. Obliger un enfant à naître et à grandir dans un couple homosexuel va se confondre avec le fait d’interdire à un enfant de savoir ce qu’est le fait d’avoir un père et une mère. A-t-on le droit d’enlever ce droit à un enfant ? Si tel est le cas, cela voudra dire que pour que les homosexuels aient droit à l’égalité les enfants des couples homosexuels seront condamnés à ne pas être des enfants comme les autres.

              Certes, les orphelins n’ont pas leur père ou leur mère. Mais, il s’agit là d’un accident et non d’une décision. Avec le droit pour couples gays d’avoir un enfant, les orphelins ne seront pas le produit d’un accident de la vie mais d’une institutionnalisation délibérée. Ils seront obligés par la société de n’avoir soit pas de père, soit pas de mère.

              À cette situation qui ne manquera pas de produire à un moment ou à un autre des mouvements de révolte s’adjoindra une autre difficulté. L’enfant de couples gays n’aura pas droit à une origine réelle, mais à une origine absente. À la case père ou mère il y aura un blanc. Ce qui n’est pas simple à porter. Qu’on le veuille ou non, l’enfant ne pourra pas ne pas se sentir coupable, la propension naturelle des enfants étant de se culpabiliser quand l’équilibre familial n’est plus respecté.

              En conclusion, les partisans du mariage gay, de l’adoption et de la procréation médicalement assistée pour couples gays rêvent quand ils voient dans ce projet un progrès démocratique sans précédent. Ils croient que tout va bien se passer. Cela ne va pas bien se passer. Cela ne peut pas bien se passer pour la bonne raison que tout a un prix.

              Ne croyons pas que l’on va remettre la différence sexuée en voyant en elle une pratique parmi d’autres sans que cela ait des conséquences. N’imaginons pas que des enfants fabriqués, à qui l’on aura volé leur origine, seront sans réactions. Ne pensons pas que la disparition des notions de père et de mère au profit de termes comme parent I ou parent II permettront l’existence d’une humanité plus équilibrée et mieux dans sa peau.

              On prétend résoudre des problèmes par ce projet de loi. On ne va pas en résoudre. On va en créer. Le 20e siècle a connu la tragédie du totalitarisme et notamment du projet insensé de créer un homme nouveau à travers une race ou une classe. Ne cédons pas à la tentation de fabriquer un homme nouveau grâce à la Science et au Droit. Tout ne se décrète pas. Tout ne s’invente pas. Il existe des données naturelles de la famille. N’y touchons pas. Ne jouons pas avec le feu. Ne jouons pas à être des apprentis sorciers. Le Tao voit dans la complémentarité entre le féminin et le masculin une loi d’équilibre dynamique fondamentale de l’univers. Ne touchons pas à cette loi d’équilibre.

              Nous avons tous des amis homosexuels que nous respectons, que nous estimons et que nous aimons. Qu’ils soient d’une profonde moralité, nous n’en doutons pas. Qu’ils soient capables d’élever un enfant, nous n’en doutons pas non plus. Qu’un enfant puisse être plus heureux dans un couple homosexuel que dans certains couples hétérosexuels, nous n’en doutons pas une fois encore. Que cela soit une raison pour légaliser le mariage gay et permettre l’adoption ou la procréation médicalement assistée pour couples gays, c’est là une erreur.

              Une chose est une loi, une autre est un cas particulier. On ne fait pas une loi avec des cas particuliers, mais à partir d’une règle tenant compte de tout ce qu’il y a derrière. S’agissant du mariage gay avec adoption et procréation médicalement assistée, il y a derrière une telle règle trop de choses dangereuses et graves pour que celle-ci puisse devenir une loi allant dans le sens des intérêts fondamentaux de l’être humain.

              La Gauche a le pouvoir à l’assemblée et peut décider de passer en force grâce au nombre de ses voix et ce afin de paraître de gauche. Elle peut choisir de préférer la Gauche à l’être humain. Elle s’honorera de choisir l’être humain plutôt que la Gauche, sachant qu’en servant l’être humain elle est sûre de servir ses propres intérêts alors que l’inverse n’est pas sûr. Tant il est vrai que l’on n’a jamais intérêt à scandaliser l’honnête homme en l’obligeant à devoir se soumettre par la contrainte à ce que sa raison répugne à accepter par respect pour la raison.

              Le mariage gay qui nous propose une grande noyade collective dans l’amour n’est pas raisonnable. La mise en question de la distinction entre homme femme ravalée au rang de pratique sexuelle n’est pas raisonnable. Vouloir avoir un enfant à tout prix en recourant soit à l’adoption, soit à un père donateur, soit à une mère porteuse n’est pas raisonnable. Ne plus parler de père et de mère mais de deux pères ou de deux mères n’est pas raisonnable. En un mot, bidouiller une famille grâce à un montage juridico-médical et appeler cela famille n’est pas raisonnable. Les mots ont du sens quand ils renvoient à une réalité. Quand ils ne sont plus que ce que l’on décide qu’ils doivent être, on n’est plus dans le domaine du sens, mais de la confusion. Le règne de la confusion, sa dictature et avec elle la confusion des esprits et des comportements, n’est-ce pas ce dont nous souffrons déjà et qui risque de nous engloutir ? Est-il besoin d’en rajouter ?


    Bertrand VERGELY