Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Les professionnels de l'enfance veillent…

Portrait Enfant Jérôme Brunet.jpg

Jérôme Brunet veille…

J’ai travaillé, comme animateur, dans les quartiers dits « sensibles » à Dreux dans les années 80. J’y ai vu combien le manque de repères, l’absence des parents plongeaient les enfants et les jeunes adolescents dans des comportements marqués par la violence, la peur, les phénomènes de bandes… j’ai vu comment, pour se protéger des autres, ils devaient s’endurcir, se montrer agressif, faire peur à l’autre. J’ai vu cette violence qui naît de l’absence de sécurité psychique.

Malik, je pense à toi qui as pu montrer, parce que nous avions pu construire la confiance, que derrière l’épaisse carapace de piquants, il y avait un cœur merveilleux, simple. Un cœur d’enfant.

En formation, à l’école normale des instituteurs, j’ai entendu ces idéologues niant la place de l’inné dans la personne, nous dire que les enfants étaient tous égaux en capacité, dès la naissance. Que tout était une question de pédagogie, de façon de s’y prendre.

Ceux-là même qui vantaient la méthode globale, méprisaient l’apprentissage par cœur des tables de multiplication, promouvaient la grammaire structuraliste (à laquelle nombre d’enseignants ne comprenaient pas grand-chose…).

J’ai vu les regards perdus de l’enfant qui n’apprend pas, qui ne comprend pas, parce qu’on ne prend pas en compte sa capacité, sa forme d’intelligence…

Christophe, Anthony et vous, les jumeaux, je pense à vous. A cette souffrance qu’a été la classe pour vous.

Instituteur, j’ai découvert la dépression de l’enfant dont les parents se séparent, ou se disputent et à qui on demandait de continuer à être performant à l’école. J’ai frappé au mur de l’indifférence des adultes qui niaient le problème : il ne fallait pas dire que les enfants souffraient du divorce de leurs parents, car cela pouvait être interprété comme un jugement négatif. A l’époque, beaucoup de psychologues n’osaient pas s’exprimer sur cette question ou niaient le problème.

Je pense à toi, Ariane, qui était pleine de vie et pétillante dans cette classe de grande section. Et qui du jour au lendemain est devenue éteinte… pleurait et me confiait que tes parents se séparaient. Je revois ta maman qui me disait qu’elle t’avait tout expliqué, et que tu allais bien.

Directeur d’école, j’ai accompagné ces enfants qui perturbaient la classe. J’ai vu leur immense angoisse, leur détresse de ne pas comprendre les repères de la vie avec les autres, parce qu’on ne les leur avait pas appris.

J’ai vu ces enfants rois, qui devenaient tyrans… ceux que l’on appelle maintenant les pervers narcissiques…

J’ai accompagné cette angoisse – qu’un adulte ne supporterait pas – qui naît de l’absence des repères structurants, qui posent les limites de la liberté pour la faire naître et qui sécurisent dans un monde de relations si complexes.

J’ai vu le fruit blette, empoisonné, mortel d’ « il est interdit d’interdire ».

J’ai entendu ce psychologue qui me confiait son désarroi parce qu’il devait poser des diagnostics de psychopathe pour des enfants de 12 ans.

Je pense à toi Thomas, qui a réussi à te construire parce que nous avons su baliser un chemin pour t’accompagner. Je pense à toi, Olivier que nous n’avons pu sortir de ta souffrance.

J’ai vu la détresse de ces parents qui avaient peur de leurs enfants et n’osaient pas dire non et tenir bon face à la contradiction par peur de leur faire du mal.

J’ai vu aussi des couples exploser à cause de la confusion des rôles.

Et j’ai vu que le suicide des jeunes devenait une préoccupation de plus en plus grave. Que la violence gratuite entre jeunes apparaissait et se développait. Que la drogue, l’alcool deviennent des fléaux. Que la pornographie circule dans les cours d’école et de collège.

J’ai vu que la plupart du temps, l’enfant souffre en silence.

Et j’ai entendu tous ceux-là qui disent que les enfants s’adaptent aux nouvelles situations familiales, que la famille recomposée, c’est formidable, qu’il n’y a aucun problème à avoir deux papas ou deux mamans, à naître par GPA, ou PMA avec donneur anonyme, à être privé d’une partie de sa filiation biologique, puisqu’il « suffit d’expliquer aux enfants pour qu’ils comprennent ».

Depuis plusieurs années, avec d’autres, j’ai décidé de ne plus me taire et de redire qu’un enfant a droit à une éducation qui le prépare à la vie d’adulte, qui n’est pas un long fleuve tranquille.

Qu’il a droit à la sécurité physique et psychologique, aux soins, à l’amour de ses parents, à la construction de sa personnalité dans toutes les dimensions de la personne : physique, intellectuelle, psychique.

Bien sûr, la vie, avec ses accidents ne s’écrit jamais avec des lignes droites, les règles ont toujours des exceptions. C’est la vie.

Mais l’exception ne doit pas devenir la règle.
Je suis devenu un veilleur.
Alors, je veille.

 

JÉRÔME BRUNET
Président de l’Appel des Professionnels de l’Enfance
Porte-parole de la Manif pour tous

Article initialement publié sur
APPEL DES PROFESSIONNELS DE L’ENFANCE

 

 

Lien permanent 0 commentaire

Les commentaires sont fermés.