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  • L'islam et la France, un amour possible ?

    Conférence de Camel Bechikh, Président de Fils de France (Association Culturelle et Éducative des Musulmans de Moissy) à Moissy, en novembre 2013.
    Avec l'aimable autorisation de Camel Bechikh, La Vaillante reprend la retranscription réalisée par Fils de France de la vidéo postée en fin de ce message. Vous retrouverez les retranscriptions de ses interventions publiques sur la page Une raison d'espérance.

     

    camel bechikh,christianisme,foi,lmpt,conscience,théorie du genre,éducation,transmission« Merci à l'association de Moissy, d'inviter Fils de France. Comme le disait Selim, la position de Fils de France est un peu iconoclaste, parce que nouvelle dans le paysage islamique français. À Fils de France, nous faisons le pari de dire que non seulement il n'y a pas d'antagonisme entre l'identité musulmane et l'identité française, mais plus que ça, au-delà de la non-antinomie, il peut même y avoir une symbiose positive et épanouissante dans le fait que nous soyons de spiritualité musulmane et de nationalité française. Évidemment, le champ est un peu brouillé en ce moment car nous parlons plus d'islamophobie, qui devient presque le vecteur essentiel de notre perception à la France, or la France et l'islam ont une relation très ancienne depuis le Moyen-Âge, puisque, vous le savez peut-être, il y a eu ce qu'on appelait l’Émirat de Narbonne, où du VIIIème siècle au XIème siècle, les musulmans avaient administré un territoire propre des Pyrénées aux Alpes Maritimes d'aujourd'hui. Dans cet Émirat de Narbonne, les musulmans faisaient battre monnaie avec une face en caractère latin et une face en caractère arabe. C’est très intéressant car au VIIIème siècle, en plein Moyen-Âge, on aurait pu penser que cette présence musulmane aurait donné lieu à des combats incessants. Évidemment, au départ il y a eu des batailles pour occuper les territoires puisque le propre d'un peuple, d'une civilisation, c'est aussi l'expansion des territoires. Il y a eu la colonisation occidentale et bien avant il y a eu une colonisation européenne, byzantine, perse et évidemment arabo-musulmane. Tout cela est le B-A-BA de l'histoire des peuples.

    Camel Moissy 2.jpgJe voudrais prendre l'exemple de cet Émirat de Narbonne, un exemple que j'avais déjà donné au Bourget au Rassemblement Annuel des Musulmans de France il y a deux ans, pour expliquer que dans les années 60, on a fait des fouilles archéologiques à côté de la Cathédrale de Narbonne et lorsqu'on a fait ces fouilles archéologiques, on a découvert les fondations d'une mosquée. C'était la mosquée de l’Émirat. Étrangement cette mosquée, alors que les musulmans sont en situation de domination, n'est pas éloignée de l’Église mais elle est collée à l’Église. Déjà, d'une : l'église n'était pas détruite, cela n'est pas une révélation pour vous et moi, mais en plus les musulmans cherchent une certaine forme de proximité entre les deux lieux de culte. Si on fait l'analogie, la comparaison entre la forme architecturale de cette mosquée et celles qui sont construites en Afrique du Nord à la même période, on s'aperçoit que le minaret doit se trouver sur le mur mitoyen qui est le mur reliant les deux édifices, or sur ce mur mitoyen, on retrouve le clocher. Ce qui a fait dire aux archéologues qu'en situation de domination militaire, administrative, les musulmans n'ont pas détruit l'église, ils n'ont pas non plus construit la mosquée, l'édifice loin de l'église mais ils sont allés au-delà de cela, ils ont collé la mosquée à l'église, ils utilisaient en même temps que les chrétiens le clocher pour faire l'appel à la prière. Nous sommes au VIIIème siècle donc en termes d'exemple de cohabitation, je dirais que c'est assez éloquent. La France est une République laïque mais c'est un pays de confession catholique, de confession chrétienne. Son identité est principalement chrétienne et les valeurs du christianisme, du catholicisme sont de fait extrêmement proches de notre spiritualité musulmane.

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    Si on envisage le rapport entre les deux religions finalement, il ne peut être que vertueux. Je vous rappelle que le Prophète Muhammad (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui) invite les primo musulmans à fuir Qoraïche, il les envoie sous la direction de Uthman Ibn 'Affan (que Dieu l'agréé) en Abyssinie auprès d'un roi chrétien juste comme l'appelle le Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui). L'idée de départ est qu’entre le christianisme et l'islam il n'y a pas d'antinomie, même si quand, bien évidemment, les deux religions sont prises dans l'histoire, dans la politique, il peut y avoir des frictions, notamment les croisades. Mais si nous envisageons l'ensemble des rapports entre le catholicisme et l'islam depuis l'avènement de l'islam au VIIème siècle, on s'aperçoit qu'il y a d'avantage de rapports vertueux entre les deux spiritualités plutôt que des conflits. La France étant profondément chrétienne, il est de fait, de la part de ses valeurs profondes, pas d’antinomie, pas d'opposition possible entre notre foi et l'identité principale de la France qui est le christianisme. Cela est la première chose. Ensuite la France devient une république : du fait de la révolution de 1789 nous passons de la Monarchie à la République et la République ambitionne un projet nouveau qui s'appelle la sécularisation, c'est-à-dire qu'on sépare la religion et le pouvoir. Cela s'appelle aussi la laïcité. Cette laïcité, cette sécularisation, s'est beaucoup construite dans l'anticléricalisme, dans le fait d'être contre la religion. La République s'est construite en grande partie contre la religion, ce que je veux dire par là, c'est que lorsque nous, en tant que musulmans, nous arrivons près d'un siècle et demi plus tard en France et que nous connaissons des perturbations dans l'expression de notre foi dans l'espace public, il faut juste se rappeler que ce n'est pas complètement une situation qui vise les simples musulmans mais c'est une situation historique qui vise d'abord la religion. Je donne aussi cet exemple assez souvent qui est celui du mot "liberté" : le sens du mot "liberté" en France est « comment se défaire de la religion, comment se libérer de la religion ». Quand on prend le mot "liberté" aux États-Unis c'est exactement le contraire, c'est « pouvoir pratiquer librement sa religion ». Pourquoi ? Parce que l'Amérique s'est créée du fait des migrations des différents types de protestantismes persécutés par le catholicisme en Europe. Ces gens-là, à un moment, ont fui le catholicisme et se sont retrouvés en Amérique. Et leur principale préoccupation était la liberté religieuse. On a donc le même mot, mais de part et d'autre de l'Atlantique il a un sens inversé. Je vous dis tout ça, pourquoi ? Pour qu'en tant que musulmans français, nous ayons bien conscience que si parfois il y a des frictions entre notre identité musulmane et notre système français, ce n'est pas à destination unique de notre foi musulmane. C'est que nous sommes pris dans une histoire contemporaine qui s'est d'abord créée sur le fait de se séparer de la religion. En partant de là, on peut aussi considérer la laïcité comme une chance puisqu'elle permet de faire en sorte que l'ensemble des religions puissent cohabiter sans que les religions fortes prennent le pouvoir et ne domestiquent, ne persécutent les religions faibles. Je vous rappelle, comme je le disais tout à l'heure, que les protestants ont souffert de ces persécutions, que les athées ou que différentes congrégations à l'intérieur même du catholicisme ont souffert de ces persécutions. Par conséquent, à un moment donné, le législateur a initié un système de gouvernance nouveau qui était la laïcité et qui permettait à l'ensemble des religions de pouvoir cohabiter entre elles. Ceci dit, il faut distinguer trois types de laïcité : il y a la laïcité juridique qui, si elle était appliquée, ne poserait de problème à personne ; il y a la laïcité qu'on peut qualifier d'anthropologique qui est complètement intégrée dans les us et coutumes des gens, même les catholiques les plus pratiquants ont intégré le fait qu'il y ait la séparation du pouvoir et de la religion, de l’État et des Églises ; et la laïcité militante, c'est celle qui se situe dans le champ associatif et qui se construit de l'anti-religion. Il y a donc trois types, trois niveaux de laïcité. Quand en tant que musulman nous avons un souci de pratique religieuse, il est bon de savoir à quel canal nous avons à faire, de manière à ne pas commettre d'injustice, à ne pas mettre tout le monde dans le même panier. L'islam est une religion universelle, l'islam est né chez les arabes, révélé chez des tribus arabes qui avaient eux-mêmes leurs us et coutumes. Mais l'arabité de l'islam est un point de départ, ce n'est pas un point d'arrivée. Le point d'arrivée est de pouvoir proposer cette foi à des gens de différentes époques, de différentes cultures, qu'ils puissent l'accepter ou la rejeter. Je vais vous donner un exemple assez éloquent. Vous savez ce qu'est une société patriarcale ? Une société patriarcale est une société comme elles le sont généralement dans le pourtour méditerranéen, où les hommes ont le pouvoir, où les hommes sont au centre de la société et la plupart des ensembles culturels, la majorité, fonctionnent selon un mode patriarcal. La plupart des sociétés dans le monde, qu'elles soient industrielles ou traditionnelles fonctionnent sous un mode patriarcal où l'homme est au centre de la société et possède les pouvoirs.

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    Aujourd'hui, le plus grand ensemble ethnique au monde, huit millions d'individus, qui a conservé un système matriarcal où les femmes possèdent tous les pouvoirs, les biens, les terres et qui fait essentiellement hériter ses filles est une société musulmane que l'on trouve en Indonésie et qui s'appelle les Minangkabau. Pourquoi je vous dis cela ? C'est pour exprimer la plasticité de la religion musulmane. La religion musulmane est ferme dans sa 'Aquida, dans son dogme, l'Unicité de Dieu est indiscutable, le fait de croire aux anges, aux Livres, aux Prophètes, au Destin, ce sont des piliers de la Foi qui sont indiscutables. Les 'ibada, les adorations, le fait que nous prions cinq fois par jour, que nous jeûnons un mois dans l'année et que nous faisons une fois le Pèlerinage dans notre vie etc. sont des choses indiscutables mais aménageables, si nous sommes en voyage ou si nous sommes malades, bref vous connaissez bien ou mieux que moi ces choses-là. Et il y a une troisième partie que nous appelons el mu'amalat, les actions courantes du fait de la vie en société qui sont constamment en variance. C'est-à-dire que selon les sociétés que l'islam rencontre, il y a une capacité d'adaptation aux us et coutumes locales avec bien entendu la part d'éthique, de morale obligatoire dans ces actions courantes. Si par exemple, je fais un contrat, il y a des éléments stables dans le contrat qui sont l'honnêteté, la parole donnée, la véracité etc. Ensuite, la manière dont va se dérouler la transaction commerciale peut varier d'une culture à une autre. Donc l'islam encadre la troisième partie qu'on appelle el mou'amalat par ses principes moraux qui sont la justice, la véracité, la générosité, l'abnégation, le fait d'être magnanime etc. Toutes les qualités morales que le Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui) portait en lui, il était rappelez-vous, « le Coran qui marchait » comme disait 'Aïcha (Que Dieu l'agréé), et toutes ces qualités morales doivent uniquement accompagner les us et coutumes des civilisations, des ensembles culturels que l'islam rencontre. Indéniablement, si on prend un sénégalais et si on prend un indonésien, ils mangent différemment, s'habillent différemment, ils pensent peut-être même différemment, mais si on les met dans une pièce l'un et l'autre, ils sauront tous les deux comment faire la Salat Dohr : il n'y en n’a pas un qui fera quatre unités de prière et l'autre trois unités mais tous deux savent que la prière de Dohr est de quatre unités. Ce que je veux dire par là est qu'il y a dans la religion musulmane des choses qui sont inscrites dans le marbre et il y a un ensemble de choses qui sont amenées à bouger. La célèbre parole d’Ibn Qayyim el Jawziya qui dit « l'avis juridique change selon l'époque, le lieu et l'individu », c'est-à-dire que pour une même question il peut y avoir une formulation différente de la part des savants. Et comment nous en sommes arrivés là ? C'est qu'il y a ce fameux hadith du Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui) qui dit « Le Prophète était avec les compagnons et un homme est entré et lui a dit "Ô Prophète si je tue quelqu'un, est-ce que Dieu me pardonne ?", le Prophète lui a répondu "Non !". La personne est repartie et une autre entre et pose la même question au Prophète "Ô Prophète, si je tue quelqu'un, est-ce que Dieu me pardonne ?" et le Prophète de répondre "Oui !". Et les compagnons de s'étonner bien évidemment, " Ô Prophète, comment as-tu pu répondre différemment à une même question ?", le Prophète de répondre "le premier, je lui ai dit "non" car c'est quelqu'un qui partait pour tuer quelqu'un, qui avait l'intention de tuer quelqu'un, alors que le deuxième je lui ai dit "oui" parce qu'il cherchait à se repentir d'un acte qu'il avait commis dans le passé". » Ainsi à une même question, il peut y avoir une réponse différenciée. Ce que je veux dire par là est que notre situation aujourd'hui sociologique, historique, se situe dans une nouvelle réalité qui s'appelle la France, qui s'appelle l'Europe, qui s'appelle l'Occident. Si nous continuons à vouloir maintenir la culture maghrébine, je ne dis même pas arabe, je dis bien maghrébine et plein d'autres choses encore, dans un ensemble qui culturellement est homogène depuis quasiment deux mille ans, nous allons maintenir l'islam comme un corps étranger. Et nous serons toujours vus dans notre foi comme des étrangers parce que culturellement parlant, nous confondons la Foi musulmane qui est universelle, qui rencontre les cultures et s'y adapte et la maghrebinité qui fait qu'on peut être maghrébin musulman mais aussi maghrébin hindou, maghrébin bouddhiste et je ne sais quoi d'autre. Il est essentiel de situer, à chacun sa place, la notion de culte et la notion de culture. Et ce que nous disons nous à Fils de France, si notre culte est musulman, notre culture est française, un peu plus française que celle de nos parents qui eux étaient des primo-migrants, mais notre culture est un peu moins française que celle de nos enfants, qui sera un peu moins française que celle de nos petits-enfants, et moins française que celle de nos arrières petits-enfants et ainsi de suite, jusqu'à ce que nous arrivions à des générations de musulmans où ils ne se poseront même plus la question de savoir s’ils mettent des babouches ou pas des babouches. Pour eux, l'histoire de la babouche sera une chose complètement exotique. En revanche, le fait de prier cinq fois par jour demeure au-delà du temps, et au-delà de l'espace. Ce que je veux dire, ce n'est pas parce qu'on mange beaucoup de couscous qu'on est meilleur musulman, donc il y a des automatismes culturels qu'il va falloir penser pour les distinguer et ne pas les encombrer de la Foi musulmane. Parce que la Foi musulmane, de fait elle épouse, rencontre et s'adapte aux différents espaces qu'elle rencontre.

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    Donc pas d'antinomie profonde entre notre identité musulmane et l'identité profonde catholique de la France. Je ne sais pas si vous le savez mais la France est le seul pays au monde à avoir été sacré par l'Église. La France est le pays au monde à avoir le plus de Saints canonisés. Il y a des saints espagnols, des saints italiens, eh bien la France compte le plus de saints au monde canonisés par le Vatican. La France naît du Baptême de Clovis. Il y a une imprégnation profonde des valeurs catholiques avec l'identité française, même si aujourd'hui nous sommes dans une République laïque, qui distingue en termes de gouvernance l'Église et l’État. Hier, c'était la fête de la Toussaint, la Toussaint était férié pour l'ensemble des français. Si le calendrier français est rythmé par des fêtes catholiques et bien c'est parce que la France est un pays catholique.

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    D'ailleurs certains sociologues parlent de la France comme d’une catholaïcité. Si nous musulmans, nous n'envisageons pas le lieu de notre vie dans son histoire large et dans son identité large, nous passons à côté de tout. Si nous pensons que la France c'est TF1, la Star Academy et H&M, eh bien on n'a rien compris à cet espace culturellement extrêmement riche qui s'appelle la France. La France est construite sur des identités culturelles très fortes, Pays Basque, Bourgogne, Bretagne, Flandres, Auvergne, Ardennes etc. Donc avec des dialectes différents, avec des nourritures différentes, avec des façons de s'habiller différentes qui sont en train d'être complètement éradiquées par la mondialisation. Mais la beauté d'un pays finalement, c'est sa diversité. Dieu dit dans la Sourate Al Hujurat (Les appartements) « (...) Nous avons fait de vous des nations et des tribus, afin que vous vous entre-connaissiez. Le plus noble d'entre vous, auprès de Dieu, est le plus pieux (...) ». Si ces cultures disparaissent eh bien on va à l'encontre de la Volonté de Dieu d'avoir créé des peuples différents. Et la mondialisation aujourd'hui menace l'identité française, mais pas seulement. Moi je suis d'origine algérienne et quand je vais en Algérie, par exemple… une fois je recherchais une tenue traditionnelle de Tlemsen, je vous défis aujourd'hui de trouver un couturier qui la fasse, ça n'existe plus ! En l'espace de dix ans, ça a été totalement éradiqué ! Remplacé par le qamis saoudien fabriqué en Chine. C'est triste parce que ces cultures-là, elles ont mis du temps à se créer, à se former, tous les pays du monde possèdent une diversité culturelle qu'il faudrait entretenir puisque c'est la volonté divine. Donc nous, en tant que musulmans, nous sommes dans ce qu'on appelle en sociologie un processus d'acculturation, le "a" n'étant pas privatif : ça ne veut pas dire qu'on n'a pas de culture mais que nous sommes en train de passer de la culture de nos parents, qui était une culture maghrébine, à la culture de nos enfants, de nos petits-enfants et arrières petits-enfants qui est française. Mais comme le disais tout à l'heure le conférencier précédent, encore faut-il distinguer ce qui relève dans la culture du réel et du factice, du traditionnel, du naturel, de la synthèse et de l'artificiel. Indéniablement lorsque nos jeunes se tournent vers une sous culture américaine, ils sont dans un égarement culturel, je dirais. Puisque ce n'est pas leur culture en vérité. Nike, ce n'est pas notre culture, le rap n'est pas notre culture.

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    Nous habitons, nous vivons dans le pays le plus touristique au monde, le plus visité au monde ! Pourquoi ? Parce que c'est le pays le plus beau du monde, le pays le plus riche au monde en matière de culture, de patrimoine, d'ensemble urbain etc. Donc, on ne peut pas passer à côté de tout ça ! On ne peut pas s'américaniser et dire « la France c'est la colonisation, moi, je n'aime pas la France », sans dire qu'on est en train de s'américaniser. Finalement, à choisir entre l'ensemble culturel le plus visité au monde, qui a produit en termes d'art, d'artisanat, de littérature… parmi les choses les plus brillantes que l'humanité ait connu, moi, sincèrement, je préfère l'entité culturelle française dans sa complexité, sa beauté esthétique, au Mc Do américain ! Et quand je parlais tout à l'heure de processus d'acculturation — le passage de la culture de nos parents vers la culture de notre pays — ça passe par une réflexion ! Ça passe par le fait de faire des choix, des choix de vie notamment. Et ça passe aussi par le fait de pouvoir décrypter les arnaques, les artefacts qui nous ont été livrés dans les années 80, 90, notamment par SOS racisme. SOS racisme, nous a livré un logiciel en boîte pour détester la France, en nous victimisant à outrance : ils ont fait de nous des pleurnichards à vie. Et ça continue par d'autres formes d'ailleurs. Quand je parle d'islamophobie, bien sûr je dis qu'il ne faut pas laisser passer les actes islamophobes, mais ça se passe à travers le juridique, à travers le droit. Accompagner la lutte contre l'islamophobie par de la pleurnicherie, par de la victimisation, c'est contre-productif ! Il faut juste envisager les faits et combattre juridiquement et y opposer un discours digne et sain de ce qu'est réellement notre religion, mais surtout essayer de comprendre les peurs des autres. Parce qu’on peut évidemment dire « on nous aime pas ! », en vérité ce n’est pas tant qu'on ne nous aime pas mais qu'on ne nous connaît pas. Les musulmans de France ne sont pas connus et les musulmans de France ont finalement très peu fait pour mieux se faire connaître. Pour un tas de raisons d'ailleurs qui sont légitimes parce que lorsqu’on est en position d'acculturation, qu'on n'est pas vraiment français, qu'on n'est pas vraiment algérien ou marocain, on est dans une situation identitaire très inconfortable, on n'a pas les outils nécessaires pour traduire ce qu'on est ou ce qu'on n'est pas, d'ailleurs. Donc, on se réfugie parfois dans une forme hyper visible de religiosité pour exister dans l'espace, en disant « je ne suis pas français, je ne suis pas algérien, d'ailleurs je suis musulman ». Mais en vérité, ce n'est pas suffisant. Parce que l'islamité ne se traduit pas d'abord par le vêtement comme manière d'exister dans la société, c'est d'abord un comportement. On va puiser dans nos actes d'adoration, dans la 'Aquida, dans les 'ibadat, on va puiser dans les deux premiers niveaux pour les reverser dans le troisième niveau qui est el mou'amalat. Ça veut dire que plus je prie, plus je lis le Coran, plus je me rapproche de Dieu… plus je deviens véridique, plus je deviens honnête, plus je deviens sensible aux malheurs des autres, plus j'essaie d'avoir de l'empathie, plus j'aime, plus je me transforme intérieurement et plus cette formation intérieure produit un élément positif, admirable, apaisé, paisible et apaisant dans l'espace social. Nous sommes en vérité un peu dans le schéma inverse. Nous sommes, et notamment par le biais de l'islamophobie, constamment dans une situation de confrontation. Alors qu'en vérité, il n'y a pas lieu à ce qu'il y ait confrontation. Puisque nous, nous devons envisager au contraire la paix. Pourquoi ? Parce que la paix est l'essence de notre religion. Le mot islam est construit à partir du mot salam, Salam étant l'un des attributs de Dieu. Nous sommes 'abdosalam, les adorateurs de Celui qui incarne la paix. Nous devrions donc être au service permanent de la paix dans ce pays. Au lieu de ça, je m'aperçois que beaucoup d'acteurs ou une partie des acteurs de la communauté musulmane, même s’ils ne sont pas liés directement à la foi musulmane ou aux mosquées etc., sont des entrepreneurs de guerre. Nous sommes constamment dans un rapport post-colonial, et nous voilà asservi à l'homme blanc, mauvais par nature alors que nous, nous venons du Sud... Toute une rhétorique dont internet nous nourrit, qui est finalement le prolongement de ce qui a été institutionnalisé à l'époque par le parti socialiste qui était SOS racisme et qui se retrouve aujourd'hui d'une manière moins institutionnelle mais tout aussi réelle, qui est celui de se victimiser en permanence et de produire sur cette victimisation un discours belliqueux, belliciste qui cherche l'affrontement. Ce qui est antinomique avec nos valeurs. Parce que l'islam est basé sur la paix. Salam étant un attribut de Dieu, nous sommes les serviteurs de la paix. Est-ce que les attributs divins sont là pour être réciter sans être vécus ? Évidemment non, ils sont là pour d'abord être vécus puis récités. Les caractéristiques de Dieu doivent constituer notre manière de nous porter. On se dirige vers la sainteté. Mais finalement, on peut s'apercevoir les uns les autres pour être honnête, dans notre communauté, on a plus tendance à soigner les apparences exotériques, les apparences extérieures de notre foi, plutôt que les aspects ésotériques qui sont les aspects intérieurs de notre foi. En vérité, on va être extrêmement pointilleux sur le halal par exemple : c'est bien mais je m'aperçois qu'il y a une inversion des priorités. Je vois beaucoup de gens qui ne pratiquent pas, ou pire qui pratiquent des choses illicites, qui commettent de petites délinquances mais qui ne se posent pas la question de savoir si leur comportement est en accord avec l'éthique musulmane. Mais s’il s'agit d'aller manger un hamburger halal, là ça devient extrêmement tranché. En vérité, il y a une inversion des valeurs. Ce qui est le plus difficile, c'est de modifier son comportement, c'est un jihad, ce fameux grand jihad. Le grand jihad est celui qu'on mène contre soi-même pour modifier son comportement. Ça c'est très difficile. En revanche, aller au burger halal ou au Mac Donald, faire le choix entre deux fast-foods qui sont des importations américaines, est relativement simple. En plus, on nourrit sa bonne conscience en plus de nourrir son ventre, on nourrit sa bonne conscience en ayant acheté un hamburger halal. En vérité le vécu des attributs divins est complètement délaissé. Il faut être honnête à l'endroit de ce que nous sommes, sommes-nous réellement "ceux qui croient" et "font de bonnes actions" ? Où sommes-nous juste "ceux qui croient" sans avoir capté les richesses de la Foi ? La Foi qui se vit à travers les attributs divins. J'en reviens à notre idée de « l'islam et la France, un amour possible ? » point d'interrogation. Bien évidemment, si nous vivons notre spiritualité de manière profonde, avec l'empathie nécessaire vis à vis de nos frères catholiques et nos sœurs catholiques, et bien il y a toutes les raisons de penser que nous allons vers un avenir vertueux.

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    Vous savez, je suis porte parole national de La Manif Pour Tous. Vous savez ce que c'est la Manif Pour Tous ? La Manif Pour Tous c'est un grand mouvement populaire qui s'est levé conte le mariage des homosexuels en France. Pire que ça : contre l'adoption des enfants par les homosexuels en France. Intérieurement, dites-vous maintenant ce que chacun d'entre vous avait fait lorsque nous avons appelé les musulmans à manifester. Il y a eu des centaines de milliers de tracts distribués chaque vendredi pendant les manifestations devant les mosquées. Très peu de musulmans malheureusement ont été présents à ces manifestations, très peu. Et parce que nous ne nous sommes pas engagés, nous portons en partie la responsabilité de ce mariage homosexuel. Et nous portons la responsabilité en partie que des enfants auront comme parents deux homosexuels, deux hommes ou deux femmes dès le berceau. C'est vachement joyeux, vous ne trouvez pas ? On a tous eu un papa ou une maman ou les accidents de la vie ont fait que nous avons manqué d'un papa ou d'une maman. C'est l'horreur, c'est horrible ! Papa où t'es ? Maman où t'es ? Le cri du papa absent ou de la maman absente. Eh bien, en partie parce que les musulmans de France ne se sont pas levés contre cette loi, nous portons une partie de la responsabilité. Une partie de la responsabilité, je n'ai pas dit la responsabilité, mais une partie. Il y a eu des fuites du gouvernement, des fuites qui ont dit que si les musulmans s'étaient engagés en masse, il aurait été retiré ! Vous êtes sceptiques ? Nous en reparlerons après ! Moi, en tous cas, je me sens personnellement coupable, en partie coupable du fait que demain des enfants soient privés d'un père ou d'une mère, et que le droit ait été modifié quant à la filiation. Il y a des enfants qui ne sauront pas d'où ils viennent. La filiation est coupée. Dieu dit dans le Coran : « Ô hommes, Nous vous avons créé d'un mâle et d'une femelle... » Donc Dieu nous a créé à partir d'un homme et d'une femme et à partir de cet homme et de cette femme a été créé un nombre conséquent d'hommes et de femmes. Ce verset-là est répété dans toutes les mosquées du monde. Chaque vendredi incarne la filiation. Le fait que nous savons d'où nous venons. La loi sur ce mariage homosexuel, et bientôt la PMA dont je vous dirai un petit mot tout à l'heure, et bientôt la GPA, feront que les enfants naîtront sans filiation, la filiation sera coupée puisqu'on donnera une ovule ou un sperme selon que le couple soit de deux hommes ou de deux femmes, l'enfant sera coupé de sa filiation. Évidemment ce n'est pas trop tard, le mouvement de La Manif Pour Tous continue. Nous avons encore la lutte contre la PMA, puisqu'elle n'est pas encore juridiquement actée, comme on dit en mauvais français, mais le gouvernement prépare la PMA. Le Conseil d’Éthique qui disposait de dix-sept religieux en son sein et qui donne son avis sur l'éthique d'une loi, eh bien, on a viré dernièrement tous les religieux qui le composaient et on les a remplacé par des non religieux. Pourquoi ? Parce qu'on leur dit que la PMA (la PMA est le fait qu'un couple de femmes puisse avoir une gamète homme pour pouvoir avoir un enfant) sera acceptée si le Conseil d’Éthique se prononce en faveur. Donc, il y a un mois, le Conseil d’Éthique a été bouleversé et on a remplacé les religieux par des non religieux. La PMA n'est pas encore arrivée mais elle arrivera puisque c'est dans les projets du gouvernement, puisqu'il le prépare en chamboulant le Conseil d’Éthique. Ainsi les couples de femmes pourront avoir droit à la maternité et donc les couples d'hommes diront qu'au nom de l'égalité : «  ils l'ont accepté pour les femmes, maintenant reste à faire pour nous les hommes. » Sauf que les hommes ne peuvent pas porter d'enfants, donc ils feront appel à des mères porteuses. Ces gens-là achèteront un ovule, insémineront une femme dans le tiers-monde, parce que bien évidemment pour huit mille euros, ce n'est pas une européenne qui va le faire. Ça se passera en Inde, au Nigeria ou je ne sais où ailleurs et les couples d'hommes pourront accéder à la paternité en achetant des bébés, finalement.

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    Maintenant, j'en reviens à notre histoire entre islam et France, amour possible ou pas possible ? Évidemment oui c'est possible. Nous avons tout un tas de causes communes qui permettraient de mieux faire connaître les gens. Parce que quand vous avez distribué des tracts, lorsque vous avez manifesté, fait un sitting avec des gens qui n'étaient pas musulmans mais qui étaient catholiques convaincus, des chrétiens convaincus ou des juifs convaincus, eh bien vous vous trouvez tout de suite un certain nombre de points communs qui vont vous rapprocher. Moi, j'ai vu des catholiques très pratiquants, de conditions sociales très favorisées mais qui m'ont dit n'avoir jamais rencontré de musulman. Et depuis que je distribue des tracts avec Myriam et Leïla qui portent le voile, on se rend compte que notre anthropologie est identique. On a envie d'avoir une vie de famille saine, on n'a pas envie de voir des publicités comme celle que vous voyez dernièrement sur l'adultère "Eden.com". Vous avez vu ça ? C'est un site sur l'adultère. C'est-à-dire qu'aujourd'hui on est en train de commercialiser de l'adultère alors que l'adultère est interdite par la loi, puisque les époux lorsqu'ils se marient à la mairie se doivent mutuellement la fidélité. On est dans un monde où les valeurs qui sont les valeurs fondatrices de la France sont les valeurs fondatrices et fondamentales de notre religion. Nous avons un combat à mener, le halal c'est bien, le hijab aussi, pourquoi pas ?, mais fondamentalement ? Est-ce que le fait de faire la promotion de l’adultère, d'exploser la cellule familiale est un gain en terme de projet, d'environnement pour nos vies futures et les générations futures ? Évidemment non ! Ce qui sera présent demain se décide aujourd'hui. Donc, nous avons tout à faire en tant que musulman français avec les autres confessions et même les non confessions parce qu'il y a des gens qui sont athées mais qui ont du bon sens, pour s'ériger contre ce processus qui détruisent les sociétés. Si on prend les valeurs fondamentales de la parole donnée, le fait de donner sa parole, le respect intergénérationnel, le fait de respecter les personnes âgées, le fait de respecter la vie, le fait de respecter les valeurs familiales… tout ça se sont des choses qui nous sont très chères en tant que musulmans. Toutes ces valeurs là sont aussi les valeurs fondatrices de la France qui les a perdues en partie à cause de la Révolution française, qui les a perdues encore en plus grande partie à cause de Mai 68. Mais tout ça, se sont des chantiers pour nous en tant que musulmans, en tant que musulmanes. Évidemment, quand je dis ça j'enfonce des portes ouvertes parce que vous savez aussi bien que moi ce que je suis en train de vous dire, ce n'est uniquement qu'un rappel. J'ai tellement entendu de musulmans me dire : "de toute façon moi, le mariage homosexuel ne me concerne pas parce que dans ma vie ce n'est pas quelque chose qui existe". C'est faux, parce que de toute façon c'est quelque chose qui va vous toucher d'une manière ou d'une autre. Si ce n'est pas vous, ce sera vos enfants, si ce n'est pas vos enfants, ce sera vos petits enfants.

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    Vous savez ce qu'est la théorie du genre ? La théorie du genre, c'est une théorie qui nous arrive des États-Unis, qui est en train officiellement d'entrer dans nos écoles françaises, qui dit que la sexualité d'un individu n'est pas le fait de son appartenance biologique mais il est le fait de déterminismes culturels et sociaux. Je m'explique : ce n'est pas parce que vous avez un corps de femme ou un corps d'homme que vous êtes un homme ou une femme. Non, c'est la société qui vous dit que vous êtes un homme ou une femme. Donc si on fait jouer des enfants, des garçons à la poupée et des filles aux voitures ou aux pistolets, ils seront libres de dire "je suis un homme" ou "je suis une femme". On peut être pendant un certain temps un homme puis revenir à une femme etc. Ce n'est pas de la science fiction ce que je suis en train de vous dire, c'est la réalité. Najat Vallaut-Belkacem a inauguré une crèche dédiée à la théorie du genre, où on a séparé les garçons des filles, de manière imperméable : du côté garçons des poupées et du côté des filles des voitures. C'est ça la théorie du genre et c'est en train d'arriver et La Manif Pour Tous a créé des comités de vigilance sur le genre. Ces comités de vigilance sont ouverts à toutes et à tous, mais si les musulmans n'y participent pas, c'est un coup d'épée dans l'eau. Donc moi je pense qu'on peut s'aimer, on doit s'aimer et on va s'aimer. Parce que nous avons beaucoup de choses en commun, beaucoup plus de choses qui nous rapprochent que de choses qui nous font diverger. D'une part et d'une autre part parce qu'il y a un ensemble de luttes sociétales dans lesquelles les musulmans doivent être aux premiers plans, aux premières loges. Il suffit de conscientiser, de rationaliser, de penser, de faire passer ces choses-là par notre esprit, par notre raison, par notre logos et se dire comment moi en tant que musulman, priant cinq fois par jour, jeûnant un mois dans l'année, et pour les plus pieux, les lundis et jeudis, lisant mes deux hizbs de Coran par jour, faisant mes invocations le matin et le soir, espérant aller visiter les lieux saints, comment socialement, je me positionne sur ces questions-là ? Parce que lui, le catholique, il fait la même chose, et finalement comme on fait la même chose, eh bien on se rencontre sur les mêmes points. Donc comme on se rencontre sur les mêmes points, eh bien on vit des choses en commun. Et comme on vit des choses en commun, on n'a plus la télévision, on n'a plus le Point ni l'Express qui fait la médiation et l'interface entre les musulmans et les non musulmans, et enfin, nous avons une société unie, un socle commun, solide qui se crée sur des valeurs. »

     

     

    Votre discours consiste à oublier la culture d'origine ?

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    Non, ce n'est pas oublier. Souvent dans mes conférences, j'ai été très clair. Ce n'est pas de l'amnésie, tout au contraire : le devoir de mémoire est l'origine, et la filiation au sens historique, culturel et évidemment familial, doit être constamment rappelé. Il est très intéressant que les générations futures de jeunes d'origine algérienne, marocaine etc., puissent aller retrouver la tombe des anciens au village etc., parce que c'est très constructeur de l'identité, c'est-à-dire qu'il faut vraiment savoir d'où l'on vient. Ce que je veux dire c'est qu'il y a une forme de fantasme, d'illusion dans l'aspect culturel. Quand on glorifie l'arabité pour accéder à l'islam, je pense qu'on est en train de trahir l'islam car l'islam n'est pas la religion des arabes mais la religion de l'humanité. Les arabes — il y en a d’ailleurs qui sont chrétiens — ont des us et coutumes, des cultures et des traditions qui sont emprunts de l'arabité mais ne sont pas musulmans. Il ne faut pas confondre les deux. Confondre les deux signifie emprisonner une spiritualité qui se veut légère et universelle à quelque chose qui est très circonstancié qui sont nos origines. Mais ça ne veut pas dire qu'on va jouer l'amnésie, être plus français que les français, ce n'est pas ça ! C'est quelque chose qui simplement intègre dans notre dynamique historique, sociétale, le fait que, qu'on le veuille ou non, nous sommes moins maghrébins que nos parents et nous le sommes un peu plus que nos enfants et que nos enfants le sont un peu plus que nos petits enfants etc. C'est-à-dire qu'il y a une marge inéluctable du fait que nous soyons scolarisés, que nous vivions, que nous soyons inondés de messages etc. Moi, je vais souvent en Algérie et je fais en sorte que mes enfants aillent en Algérie mais en même temps, ils ont le drapeau français dans leur chambre. Ça ne veut pas dire que nous sommes dans une confrontation, ça veut dire : vous avez votre véhicule, vous avez une destination, votre pare-brise est grand comme ça et vous avez deux rétroviseurs qui vous permettent de regarder derrière. Mais si vous regardez constamment derrière, vous allez aller dans le décor. Or, le fait de regarder derrière est très utile pour pouvoir marcher droit, donc le fait de connaître son origine, le fait même d'entretenir vis-à-vis de nos enfants l'idée que nous venons d'un pays qui a été ceci ou cela, mais que notre avenir se porte dans une direction, fera que naturellement l'apport dont vous parlez se fait à travers ce que nous sommes. L'arabité est quelque chose de fantastique : l'arabité n'est pas raciale. Quoi de commun racialement entre un libanais et un soudanais ? Rien, pourtant ils sont arabes. L'arabité est une entité linguistique. Les gens sont arabes parce qu'ils parlent arabe mais en plus de ça il y a certaines caractéristiques, assez bien d'ailleurs caricaturalement développées dans Tintin au pays de l'or noir, c'est-à-dire des excès de grande générosité, l'hospitalité, mais en même temps l'impulsivité etc. qui sont très caractéristiques, très liées à l'identité des arabes. Moi, ça me fait très plaisir. Par exemple quand j'étais gamin, j'étais horrifié quand je trouvais quelqu'un qui mangeait un petit pain au chocolat devant moi et qui ne m'en proposait pas. On n'est pas habitué à ça, parce que dans  notre culture d'origine arabe, quand tu manges quelque chose, tu le partages. C'est normal. Vous comprenez ce que je veux dire ? Cette idée de l'arabité en tant que valeur qui va apporter en terme de générosité (d'ailleurs les français sont aussi généreux). Mais il ne faut pas folkloriser, fantasmer ou pire que ça, emprisonner notre religiosité. Quand je vois par exemple des convertis qui se mettent à parler avec quasiment un accent du bled, qui se déguisent pour aller à la mosquée, qui e baladent chez eux avec des sdaris, je dis qu'il y a de fait une fusion qui n'est pas souhaitable entre une religiosité universelle et une culture contextuelle.

    Vous dites que les musulmans ne sont pas allés manifester à La Manif Pour Tous et qu'ils sont en partie responsables du passage de cette loi...

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    Quand je dis que nous sommes en partie responsables, je veux dire que quand je vois des manifestations sur la Palestine, lorsque Gaza est bombardé, à juste titre les musulmans manifestent. J'ai conduit plusieurs convois humanitaire à Gaza donc je sais ce que c'est, je sais de quoi je parle, j'ai été responsable d'organismes d'aides humanitaires destinées à la Palestine, eh bien à mon sens, la cause palestinienne est moins grave du point de vue sociétale que le mariage gay. Parce que le conflit palestinien de toute façon se réglera et on doit faire valoir les droits des palestiniens à travers notre engagement aussi. Là, on est en contradiction avec El fitra, cette nature humaine. C'est la nature humaine qui est contredite par une loi et ça, en tant que musulmans qui avons très clairement distingué l'homme de la femme et entretenu l'idée de la filiation… cette loi entre en contradiction directe avec nos valeurs.

    Vous nous proposez d'aller plutôt vers le cassoulet halal que le burger halal en somme ?

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    Pourquoi j'avais opposé le kebab Mac Do au bistrot ? J'ai tenté de dire par cet exemple-là que les lieux de socialisation, ou en tout cas le commerce lié à la gastronomie, n'est pas anodin en France. La cuisine française, avec la cuisine chinoise et la cuisine marocaine, est des plus élaborée au monde. Ce que je crois c'est qu’en n'adoptant pas, ou en ne découvrant pas, ou en ne s'appropriant pas un art culinaire représentant une classe majeure dans l'art culinaire en règle générale, nous passons à côté de quelque chose… Alors on peut ne pas aimer le cassoulet mais on peut aimer le pâté aux pommes de terre, le magret de canard ou le lapin à la moutarde… la variété culinaire française et son élaboration sont si incroyablement diverses et raffinées que face à la pauvreté d'un hamburger ou d'un sandwich grec, on est face à une misère culinaire. On va faire des pieds et des mains, et à juste titre, lorsqu'une espèce animale disparaît parce qu'elle a mis des siècles et des siècles à évoluer et que quand elle disparaît, c'est le patrimoine de l'humanité qui disparaît, mais les arts, cultures, us et coutumes liés à un peuple ont aussi mis des années, des siècles et des siècles à se développer et à aboutir. Donc si nous en tant que citoyens français, musulmans ou pas musulmans, cédons à la mondialisation en délaissant le formidable patrimoine que nous ont légué les générations antérieures, eh bien on loupe un coche. Après ce n'est pas la question de halal ou pas halal, un magret de canard, le canard doit être halal tout simplement. Faisons découvrir ensemble à nos enfants, au lieu de simple pâtes-frites etc. Ce n'est pas beaucoup plus cher, c'est très ludique, c'est extrêmement appréciable à cuisiner et c'est beau ! Et ça fait partie des choses qui font qu'on construit, sans avoir à réciter la marseillaise tous les matins, une identité plus apaisée.

    Que pensez-vous de cette nouvelle Chartre de la laïcité à l'école ? Et de cette morale laïque militante ?

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    La Charte de la laïcité de Vincent Peillon à l'école, eh bien c'est très bien dit par Vincent Peillon : il dit que la Révolution française n'est pas arrivée à bout du catholicisme et qu'il faut effacer toutes traces du catholicisme en France. Mais quand on vous dit « toutes traces de catholicisme », le catholicisme n'est qu'un corps, je dirais. Ce qu'on veut c'est effacer la morale catholique. Et la morale catholique, c'est la morale musulmane. Ce sont les mêmes, la morale juive aussi bien évidemment. Lorsqu'on veut tuer la famille, on veut tuer la distinction homme-femme. Lorsque les enfants donnent des ordres aux parents, lorsque l'autorité devient un fait de subversion, eh bien nous sommes dans une société d'anarchie : les repères sont complètement détruits et c'est une société où l'économie de marché, où la consommation pourra davantage s'épanouir. Je n'invente rien : en 1972, quatre ans après 1968, un philosophe qui s'appelle Michel Clouscart, un marxiste, explique comment par Mai 1968, en disant qu'il faut une liberté sexuelle totale, qu'il faut plus de loisir, qu'il faut moins travailler, donc en détruisant les valeurs d'une société, on va pouvoir étendre les ressources du Marché de la consommation, donc du libéralisme.  Est-ce que vous me comprenez ? C'est-à-dire qu'on va détruire des valeurs morales pour nous amener à devenir de simples consommateurs, c'est tout ! Lorsqu'on éduque nos enfants, il y a des valeurs profondes de croyances, de vérité, d’abnégation, de générosité, et quand il est habité, structuré par des valeurs eschatologiques, le jour du jugement dernier, la présence des anges… eh bien, bien évidemment, que Pokemon et compagnie lui feront moins envie. C'est le vide spirituel, le vide identitaire qui a besoin d'être rempli par ces messages, ces bombardements médiatiques, de la sur-image, du surmarketing. Il y a un lien intrinsèque entre le fait de tuer une morale et la consommation. Et quand on parle de morale laïque, ce n'est rien de plus que tuer ce qui restait de morale chrétienne en France. Et ça, c'est aussi notre combat, parce qu'on a les mêmes valeurs. Aujourd'hui on commence à détruire des églises en France : les musulmans devraient être à la pointe de cette contestation de cette destruction des églises ! Parce que symboliquement parlant, détruire une église c'est grave ! Moi, ça me met en colère. Parce que demain, s’il se passait la même chose dans les pays musulmans, on serait très content de voir des chrétiens s'ériger contre la destruction des mosquées ou des synagogues. Parce qu'il y a un combat commun, on a des valeurs communes, des idées communes et il y a surtout un pays commun. Nous sommes dans un même espace.

    Quand on connaît le parcours sulfureux de l'avocat Karim Achoui, que pensez-vous de son initiative de créer la LDJM (Ligue de Défense Judiciaire des Musulmans) pour défendre les droits des musulmans ?

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    Concernant la LDJM, moi je crains que l'islam soit devenu un produit marketing. L'islam devient un moyen de vendre, un moyen commercial et, étrangement, une spiritualité qui devrait nous pousser à moins consommer devient quelque part une identité musulmane qui nous pousse à davantage consommer. Lorsque je vois que dans les grandes surface par exemple, il y a des grands rayons halal, finalement pourquoi l'islam est-il banni de l'école et a-t-il une si grande place dans les marchés ? Pourquoi ? : parce qu'à l'école, on transmet des valeurs et aujourd'hui dans certaines écoles on impose la Charte de la laïcité. Donc dans ces écoles-là, pas de morale, surtout pas catholique, surtout pas juive et surtout pas musulmane. En revanche dans les supermarchés, pour faire tourner la machine néo-libérale, l'islam a une place et un rayonnage où personne n'a rien à redire tant que vous donnez de l'argent. Donc, nous sommes dans une société qui ne retient pas l'idée des valeurs mais qui se sert des valeurs pour faire consommer. Et il est dangereux de voir des musulmans qui estampillent un tas de produits qui n'ont rien à faire dans le halal comme étant halal. J'ai vu des pubs sur internet "voyage halal" ! Je ne mens pas, je suis sérieux. En fait, aujourd'hui, les musulmans se ré-islamisent, donc ça devient une niche marketing, donc on va essayer d'avoir leur bonnes faveurs commerciales en passant par leur islamité, en passant par leur spiritualité. Mais c'est odieux comme manière de faire ! Ce qui est halal, et bien on le sait, il y a le Coran pour distinguer, c'est pour cela qu'on l'appelle "El fourqane", le discernement, Celui qui permet de distinguer le vrai, du faux. Donc voyage halal, défilé de mode de hijab. On en arrive à une spiritualité qui devrait nous distinguer, nous éloigner de la surconsommation et finalement cette spiritualité devient un faire-valoir pour la consommation. C'est là que nous en tant que musulmans, nous devrions faire fonctionner nos méninges. C'est-à-dire : qu'est ce qui relève authentiquement de la spiritualité, de la foi et qu'est-ce qui relève d'un acte de consommation qui me permette d'exister en tant que musulman dans l'espace public ? Concernant la LDJM, je crains que ce soit un fait marketing, quasiment commercial, qui touche l'affect des musulmans, leur pathos, leur sensibilité, leur sentimentalité, pour capter un fait juridico-marketing. Maintenant, il est évident que quand une musulmane est agressée, comme quand une non-musulmane est agressée, il y a des tribunaux, il y a un Droit qui existe et tout ça doit être porté devant les tribunaux. Mais devenir un objet marketing captant la sensibilité des musulmans, là je dis faites attention. Moi, je suis parti aux États-Unis, je suis allé rencontrer l'Anti Diffamation Ligue, c'est une organisation juive aux États-Unis qui lutte contre l'antisémitisme. Mais, il faut voir à quel point cet organisme a besoin de l'antisémitisme pour exister. Et quand il n'existe pas, il est obligé de l'inventer. Le moindre graffitis sur une synagogue devient un acte antisémite. Alors qu'en vérité, il n'y a pas d'acte antisémite. Ça veut dire qu'on enclenche une machine qui va avoir besoin de s'alimenter, et même si il n'y a plus d'islamophobie ou d'actes islamophobes, il va quasiment falloir en créer. Je ne sais pas si je suis clair… La machine se nourrit comme ça, on fait tourner la boutique. Donc, il faut distinguer ce qui relève de la légitimité, du droit, porter plainte de manière tout à fait conventionnelle quant il s'agit d'un acte islamophobe et la capacité d'acteurs à pouvoir domestiquer cette islamophobie pour pouvoir en faire un fond de commerce. Voilà, je suis un peu sévère dans mes mots mais il se passe exactement la même chose avec la communauté juive aux États-Unis. Et je n'ai pas fantasmé, parce que je suis allé les rencontrer dans leur bureau à Washington pour comprendre quels étaient les mécanismes de la victimisation qui permettaient de faire d'une minorité victimisée une minorité agissante dans le champ politique. Alors si nous faisons cela en France, qui n'est pas une société communautariste à l’anglo-saxonne, mais une société où la citoyenneté est partagée par tous, nous entrons en confrontation avec le logiciel basique de la constitution et de l'identité française et nous nous mettrons de fait à l'écart de l'ensemble de nos compatriotes français. Concernant l'islamophobie, toujours, je voudrais juste rappeler — et ce n'est pas pour dire que c'est normal ou pas normal, mais c'est important que ce soit rappeler aux musulmans — que la cathophobie au XVIIIème siècle a fait près de 600 000 morts, le génocide de Vendée. Durant la Révolution française, les révolutionnaires sont allés un peu loin, c'est-à-dire qu'ils voulaient interdire les églises, interdire la religion, brûler les Évangiles etc. En Vendée, un certain nombre de français, de catholiques, se sont levés contre la Révolution française. Ils les ont zigouillés à hauteur de 600 000 personnes. En ne tuant pas que les hommes, mais aussi les femmes et les enfants. Alors ceci n'excuse pas cela, ce n'est pas ce que je suis en train de dire. Je dis simplement qu'il faut que nous, en tant que musulmans, ayons une vision globale de ce qu'est l'histoire française parce que c'est aussi notre histoire, parce que nous sommes français, et savoir intégrer nos problématiques dans une dynamique historique et sociétale, de telle manière à ce que nous ne regardions pas seulement notre propre nombril, en disant que nous n'avons pas été les seuls à souffrir dans ce pays là, non ! Il y a une dimension anti-religieuse, anti-cléricale où le concept de liberté se crée en distinction, voire en opposition, voire en persécution de la religion en France. Mais il faut aussi envisager la chance qu'est la laïcité qui permet que les religions fortes ne prennent pas le pas sur les religions faibles, et la laïcité, comme le disait un sage, est la branche sur laquelle tout le monde est assis, s'il y en a un qui veut la scier c'est tout le monde qui tombe.

    Vous parlez uniquement des Catholiques et des Musulmans mais jamais de la communauté juive, pourquoi ?

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    De la communauté juive, très souvent je ne parle pas, je parle principalement des catholiques. Mais comme je ne parle pas des juifs, je ne parle pas non plus des protestants, ni des orthodoxes, ni des bouddhistes, ni des hindouistes etc. Parce qu'en faites ces religions : juives… même si la religion juive est plus ancienne en France que le christianisme. Le judaïsme arrive en France avec l'Empire Romain et les premiers évangélistes arrivent durant le premier siècle. Donc en terme de nombre c'est le catholicisme qui chapote, c'est pour ça que je parle souvent de "catholaïcité" et que je ne parle pas du judaïsme, du protestantisme, de l'hindouisme etc. Et surtout, je pense que fondamentalement, le catholicisme, pour peu qu'on essaie de le comprendre, de le connaître, partage des valeurs. Je reprends l'exemple de la Toussaint, j'ai appris hier que la Toussaint avait aussi comme sens le fait que tout être humain pouvait, s’il le voulait, devenir saint. C'est-à-dire que quand on parle en islam de muslim, mu'mim, mouhsin — le mouhsin est celui par lequel Dieu voit, entend — celui qui est habité par Dieu est élevé au rang de Saint. Et la Toussaint, dans son sens catholique, pas musulman, c'est de dire que la Sainteté est accessible aux humains, ce n'est pas quelque chose qui est du domaine de l'angélisme. J'ai trouvé le sens très percutant dans notre spiritualité. D'ailleurs si je vous fais lire une page des Confessions de St Augustin, ou si je vous fais lire une page de Rabi'a el 'Adawiyya, vous serez très embarrassés pour savoir qui a dit quoi. Parce qu'en vérité et fondamentalement, la mystique catholique et la mystique musulmane sont très très proches dans le sens et dans les valeurs. Alors bien évidemment, je ne parle pas du dogme, etc.

     

     

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  • Les mots de Marthe Robin nous fortifient : plonger dans l'Amour, revivre notre baptême…

    En cette fête de la saint Rémi, je vous invite à plonger dans ces pages extraites du Journal de Marthe Robin, du 15 janvier 1931, comme s’il s’agissait de revivre notre baptême. C’est comme cela que j’en ai reçu la lecture moi-même hier soir.

    C’est une manière aussi de nous fortifier pour la Marche Pour La Vie de dimanche 19 janvier prochain.

    Je dédie ces mots à tous leurs lecteurs, et plus particulièrement à quelques personnes qui comptent directement dans la fruition de La Vaillante, pour la foi en la France, la foi en l'homme, la foi en Dieu : Bernard Peyrous, Ludovine de la Rochère, Camel Bechikh, Axel Nørgaard Rokvam, Jean-Marie Élie Setbon, Fabrice Hadjadj, le père Dominique B., frère Théophane, sœur Michèle-MarieLes Veilleurs de France & de Navarre…

    CAMILLE FORNELLO

     

     

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    « J’ai de plus en plus l’attrait d’aimer Dieu « en esprit et en vérité ». L’oraison est à l’esprit ce que l’âme est au corps. Quand l’âme se retire du corps (à la mort), toute vie physique disparaît, et quand on ne fait plus oraison, il n’y a plus de vie intérieure possible. Il en est de la vie de l’âme comme de la vie du corps. Un enfant ne grandit et ne se développe que dans la mesure où on l’alimente ; l’âme ne se développe et ne vit qu’à proportion qu’on la nourrit. La prière est pour l’âme ce qu’une pluie régulière est à un jardin que dessèche les rayons ardents du soleil ; elle lui donne et lui maintient la fraîcheur du ciel dont elle a un besoin constant.

     

    Quand je prie, mes prières ne sont ni articulées ni balbutiées, et cependant mon esprit est constamment plongé en Dieu, perdu en lui, si j’ose m’exprimer ainsi. Je jouis de la présence sensible de Dieu en moi.

     

    Avec ses intimes, Dieu se plaît à parler tout bas. Il aime l’âme qui l’écoute et lui parle sans bruit. Qu’y-a-t-il de plus beau que ce qui ne se voit pas, ne s’entend pas ! Dans l’amour, ce qui se dit tout bas a infiniment plus de valeur que ce qui s’articule tout haut et se comprend bien mieux. Vivre au-dedans de son âme… toutes les lumières divines sont là ! Prier en dedans.

     

    Des profondeurs de la douleur jaillissent et s’élèvent les plus profondes et les plus fécondes prières. C’est en nous amenant au fond de notre âme que la douleur nous fait monter sur les hauteurs… jusqu’à l’infini… jusqu’à Dieu !

     

    Que le silence est bon, fécond avec Dieu ; c’est la fusion dans l’amour infini… l’amour de l’âme ardente que rien n’absorbe, rien n’arrête, rien ne retient ni ne limite. Il ne faut jamais rester au seuil de son âme, il faut rentrer à l’intérieur, y descendre, y réfléchir, y méditer, y travailler et s’y laisser travailler… face à face avec Dieu ! Que de pauvres humains qui ne vivent jamais avec leur âme et reste au seuil toute leur vie. Que de saintes pensées effleurent notre esprit sans le pénétrer ; elles ressemblent aux épaves qui flottent su l’océan et que le vent emporte. Pour qu’une vérité devienne nôtre, il ne faut point y passer rapidement dessus, mais s’y arrêter, y réfléchir, s’y fixer.

     

    Contempler Dieu longuement… le contempler tout le temps… L’âme devient belle en se nourrissant de la beauté… elle devient bonne en s’abreuvant à la bonté… elle devient aimante en s’inondant dans l’Amour. N’être qu’amour dans la douleur.

     

    La Beauté… c’est Dieu ! La Bonté… c’est Dieu ! L’Amour… c’est Dieu.

     

    Une seule âme de beauté suffit pour purifier bien des souillures !… une seule âme de bonté suffit pour racheter bien des laideurs ! Une seule âme d’amour suffit pour faire sombrer bien des haines.

    ----------------------------------------------------------------------------

    Chercher Dieu, c’est la foi… le trouver, c’est l’espérance… le connaître, c’est l’amour… le sentir, c’est la paix ; le goûter, c’est la joie… le posséder… c’est l’ivresse.

     

    La foi est un don de Dieu : on ne se donne pas la foi, on la demande… C’est croire à tout ce que contient le saint Évangile comme révélé par Notre-Seigneur lui-même, à toutes les vérités enseignées par l’Église. Et les mettre en pratique. La foi est le flambeau de la vie éclairant nos espérances, nous amenant à l’amour de Dieu.

     

    La foi, c’est croire sans voir, mais parce que Dieu a parlé, et en avoir confiance ; c’est voir dans les ténèbres par la lumière qui est Dieu. Croire à Dieu, simplement en théorie, n’est pas la foi… la foi, c’est croire par la pratique et vivre ce que l’on croit. Il n’y a que cette foi qui soulève les âmes. Que de chrétiens sont peu chrétiens pour ne pas réaliser leur foi ; réaliser, c’est pratiquer ce qu’on possède. Que nous servirait d’avoir un trésor si nous n’en savions pas l’existence ?

     

    L’espérance, c’est reconnaître les grâces que Dieu nous fait dans l’attente des biens qu’il nous promet ; c’est la pleine confiance qu’en vivant pieusement, vertueusement ici-bas, nous aurons part aux récompenses, au bonheur des élus.

     

    L’amour, c’est la fidélité, la conformité, la pensée continuelle au Dieu que l’on aime. L’amour fait voir Dieu dans la plus humble chose… c’est vivre près de Dieu en craignant le péché, ennemi de Dieu. L’amour peut tenir lieu de tout. Hors l’amour, tout le reste n’est rien, ne porte rien. L’amour pur et vrai n’a point de mesure ; rien ne l’empêche de grandir, les adversités, les douleurs sont un feu qui le pousse. L’amour vrai n’est pas celui qui charme… mais bien celui qui rend humble, détaché, qui porte au recueillement, au devoir.

     

    La paix, c’est un sentiment suave et profond dans l’âme, lequel ne vient que de Dieu, et qui n’est donné qu’à l’âme qui vit dans l’union avec lui. La paix durable et profonde naît dans la prière et le plus souvent dans la souffrance ; elle est semblable à un ruisseau qui coule limpide, calme et paisible, entre deux rives fleuries. C’est bon la paix, meilleur, mille fois, que le succès ; je te donne ma paix, je te laisse ma paix… garde-la bien… ne trouble pas celle de tes frères.

     

    La joie, c’est déjà l’aurore de la moisson que récolteront tous les cœurs fidèles à Dieu. Elle est souvent le fruit d’une longue souffrance, le rayon divin que Dieu projette dans une âme qui lui appartient, qui ne lui refuse rien et sait être son amie. On ne peut se donner la joie, mais on peut toujours se tenir dans la paix.

     

    L’ivresse, c’est la jouissance même de Dieu qui fait que tout le ciel est dans l’âme et l’âme vit de la Vie. C’est goûter en cette vie les délices enivrantes de l’éternelle Patrie dans l’union amoureuse, dans l’intimité avec Jésus. Il fait bon avec vous, Maître… restons.

     

    Ascension ! Jésus est mon guide dans les sentiers surnaturels qui mènent aux sommets invisibles. C’est Jésus que je vois en tout, que je trouve en tout. Me perdre de plus en plus en lui pour n’être plus qu’une transparence de lui.

     

    Esprit Saint, Dieu de Lumière, enveloppez mon âme de vos éblouissantes clartés… qu’elle soit toute submergée dans les feux de l’amour. Ô Jésus ! vous seul dans ma vie.

     

                                                                 15 janvier 1931 (jeudi) »

    MARTHE ROBIN

     

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  • Les liens humains ont une nature qui résiste à l’arbitraire humain, à l’arbitraire des lois humaines

    POUR DÉFENDRE LA LOI NATURELLE 


    Pierre Manent.jpg« La notion de loi naturelle est aujourd’hui discréditée. Elle est pourtant indispensable pour donner sens au monde humain, et agir raisonnablement dans ce monde. L’idée aujourd’hui triomphante, l’idée flatteuse, exaltante et en même temps presque puérile, est que les êtres humains sont les auteurs exclusifs de la loi qui règle leur action. Celle-ci, dit-on, ne saurait s’appuyer sur aucune réalité indépendante de la volonté humaine, que ce soit Dieu ou la nature. Le progrès irréversible de l’homme moderne, pensons-nous, a consisté à passer de l’hétéronomie à l’autonomie, de la règle gagée sur autre chose que la volonté humaine à la règle résultant exclusivement de la volonté humaine. Or, tout cela qui aux yeux de beaucoup est l’évidence même, se révèle en réalité comme une construction d’une extrême fragilité.

     

    ON NE PEUT SE PASSER D’UNE RÉFÉRENCE À LA NATURE

    La première chose à remarquer est la suivante : ceux mêmes qui écartent, méprisent, ridiculisent la notion de nature comme norme de l’action humaine ne peuvent s’en passer. Il est impossible de commencer à dire quelque chose sur les êtres humains sans dire quelque chose sur leur nature. La philosophie individualiste des droits de l'homme, celle qui règne, et qui rejette avec tant de mépris la notion de loi naturelle, repose elle aussi sur une certaine idée de la nature humaine. Dire que nous sommes des individus titulaires de droits, c'est dire que ces droits nous appartiennent par nature, qu'ils ne résultent donc pas de l'arbitraire humain, et que nul arbitraire humain ne peut nous en priver. Ces droits nous appartiennent dès lors que nous naissons à la vie, et on ne peut nous les enlever qu’en nous enlevant la vie. Les droits de l’homme sont des droits naturels.

     

    LES LIENS HUMAINS NE SONT PAS MOINS NATURELS QUE LES ÊTRES HUMAINS

    En revanche, pour l’individualisme, et c’est sur ce point qu’il entend effectivement se séparer de toute idée de nature, les liens humains, eux, à la différence des droits, ne sont pas naturels. Ils sont artificiels, œuvres des hommes, que les hommes peuvent défaire après les avoir formés. Telle est donc la doctrine de l’individualisme moderne : les hommes sont des individus naturels qui nouent entre eux des liens artificiels. La divergence entre la doctrine individualiste et la doctrine catholique, qui toutes deux reposent également sur une certaine idée de la nature humaine, cette divergence réside en ceci que, pour la doctrine catholique les liens entre les êtres humains ne sont pas moins naturels que les individus eux-mêmes, et que donc, les liens humains aussi ont une nature qui résiste à l’arbitraire humain, à l’arbitraire des lois humaines.

     

    LA LOI EST LA RÈGLE QUI CONDUIT NOTRE NATURE VERS SON BIEN

    « C’est impossible ! » s’écrit l’individualisme régnant. « C’est impossible puisque les lois sont évidemment faites par les hommes ! ». Les lois sont faites par les hommes, certes. Mais elles ne sont pas faites dans le vide, elles ne sont pas faites pour rien, elles sont faites pour le bien des hommes. Et le bien des hommes ne peut être conçu sans référence à leur nature, à la nature humaine. Dès lors, qu’est-ce que la loi naturelle ? C’est la règle qui conduit notre nature vers son bien. Règle qui est découverte et éprouvée au cours de l’expérience humaine si du moins on prend la peine d’examiner celle-ci de la manière la plus lucide et la plus consciencieuse.

    La vie humaine est inintelligible si l’on n’y discerne pas les biens et les liens dans lesquels notre nature s’éprouve et se déploie. Liens familiaux, sociaux, politiques, religieux. Liens religieux : s’il y a un Dieu, Père des hommes, il faut bien qu’Il nous ait donné, qu’Il ait donné à notre nature les règles, les prises pour nous approcher de Lui. Liens sociaux et politiques : quoi de plus naturel que la sociabilité humaine, que le vivre ensemble amical. L’amitié est un lien et un bien inscrit dans notre nature. Liens familiaux : les êtres humains naissent et meurent et ils s’unissent pour faire des enfants. La naissance, la mort, la différence sexuelle et la différence des générations sont autant d’articulations naturelles du monde humains, naturelles puisque nous n’avons aucun pouvoir sur elles. Nous pouvons regimber, rêver, prétendre… la vie humaine continuera d’être ordonnée et de trouver sens selon la naissance et la mort et selon la différence des sexes et des générations.

     

    LES DROITS NE REMPLACENT PAS LES BIENS

    L’égalité des droits est précieuse car elle motive l’effort pour élargir le plus possible l’accès aux biens humains. Mais les droits ne remplacent pas les biens. Pour qu’il y ait des droits il faut qu’il y ait des biens. Et ces biens nous ne pouvons pas nous les donner à nous-mêmes, nous devons les recevoir de la nature. Nous pouvons choisir nos amis, mais la capacité d’être ami, nous la recevons de la nature et de l’amitié de son auteur. La tentation aujourd’hui est d’oublier que les biens humains sont reçus avant d’être voulus. La tentation aujourd’hui est de construire une immense machine, lois et techniques, qui distribuerait les biens comme si l’homme pouvait les produire, c’est-à-dire produire sa nature. Vaine entreprise qui ne peut amener qu’un ordre social parodique, mais sous la tyrannie de la loi, la générosité de la nature reste intacte. »

     

    Pierre Manent
    École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)

     

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  • Un serment en soi-même : jamais nous n’abandonnerons les combats de la famille, pour nos familles et pour la France

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    Grenelle de la famille

     

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    « De nouvelles réalités s’imposent à tous. L’idée qu’on fasse aujourd’hui la promotion de l’adultère dans les couloirs du métro ne touche pas qu’une strate de la population, ne touche pas que les militants de La Manif Pour Tous, ne touche pas que les premiers engagés dans la résistance qu’est LMPT, mais touche bien l’ensemble des populations. Et l’ensemble des populations, bien sûr, est très choqué par cette évolution. J’ai trente neuf ans et je dois dire que la France de mon enfance me manque. Elle me manque. Pourquoi ? Parce que c’est allé beaucoup trop vite. L’accélération de l’histoire agit de manière extrêmement pernicieuse et en très peu de temps nous avons connu le Pacs, puis le mariage maintenant « pour tous », demain très certainement la Pma et au nom de l’égalité, la Gpa. Je dis tout cela parce que je pense que nous sommes gardiens d’un patrimoine. Lorsque nous évoquons la famille il s’agit là bien d’un patrimoine. Nous sommes à Bordeaux : Bordeaux est le plus grand ensemble urbain au monde classé par l’UNESCO et tout cela est le fruit d’une bataille. Préserver un patrimoine et le transmettre intact aux générations futures est de l’ordre quasiment de l’eschatologie. Il y a une dimension chevaleresque dans le fait de prendre conscience de l’importance de ce que peut être une faune, une flore ou un ensemble urbain. Mais qu’est-ce que la famille face à une faune, une flore ou un ensemble urbain ? Bien évidemment, elle est au-delà de tout cela. Et je pense que nous sommes une génération de résistants. Je pense que aujourd’hui soit on s'engage, soit on est complice, soit on collabore. Et notre idée à La Manif Pour Tous a tenu en deux temps. Un premier temps que nous n’avons pas vraiment contrôlé. Nous avons réagi : c’est le temps des manifestations, celui où, poussés par un élan « surhumain », nous avons été des millions à nous déplacer dans les rues. C’est le premier temps qui allait très bien d’ailleurs avec la figure de notre première porte-parole, Frigide Barjot. Mais aujourd’hui nous sommes dans un second temps. Un temps plus posé, plus mûr, qui est extrêmement dangereux parce que les médias parlent moins de nous. Ce soir, Sud-Ouest a choisi de ne pas venir couvrir cet événement. Et on peut se poser la question : est-ce que parce que les médias parlent moins de nous, de notre combat, notre résistance serait-elle moins légitime ? Évidemment non. Donc, je voudrais vous dire, mais avec mon cœur, que tous les gens qui ont pris les tgv pour partir à Paris, vous y étiez certainement, dites-vous que nous avons besoin tout autant de ces gens-là dans cette deuxième partie de travail qui sera plus posé, plus lié à la réflexion, lié à la « pro-activité ». Nous allons anticiper, maintenant, car nous savons que nous avons un impact certain sur le gouvernement, sinon nous aurions déjà la PMA et plus encore. Soyons extrêmement conscients que nous sommes le plus grand mouvement populaire que la France ait porté depuis mai 68. N'en déplaise aux médias. (…)

    La mobilisation continue, n'en déplaise aux médias. Nous sommes une génération charnière, ne soyons pas le maillon faible. Nous avons tous eu la chance de vivre dans une famille. Eh bien moi, personnellement, je souffre parfois d'insomnie, parce que je me dis : "Est-ce que j'ai vraiment tout fait pour que cette loi ne passe pas ?" L'idée d'imaginer un enfant qui n'a rien demandé, élevé par deux hommes ou par deux femmes, me fait terriblement mal au cœur. Le cœur ne suffit pas : au sentiment doit succéder la réflexion et à la réflexion doit succéder l'engagement, l'action. Nous avons connu comme je l’ai dit tout à l’heure une première phase, qui dépendait un peu des actions du gouvernement auxquelles nous avons réagi. Nous sommes dans une deuxième phase de réflexion. Nous devons dans cette deuxième phase absolument retrouver le maillage de toutes celles et ceux qui se sont engagé(e)s durant cette première période, sinon notre mouvement risque de se défaire, de se déliter, et nous n'aurions pas perdu qu'une bataille, mais peut-être la guerre.

     

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    Dans cet engagement, je voudrais souligner la bénédiction divine, et je pèse mes mots, d’avoir aujourd’hui comme présidente Ludovine de la Rochère. J’étais il y a deux semaines en séminaire avec elle dans une abbaye normande : nous étions 48 heures enfermés à réfléchir sur ce que seraient les prochaines étapes de LMPT. Je la connaissais finalement très mal avant ce séminaire et elle m’a beaucoup impressionné. Depuis 20 ans, j’avale des séminaires. Et je l’ai vu d’une acuité, d’une intelligence, d’une réactivité… Au moment où nous étions tous extrêmement fatigués, elle restait alerte, bienveillante. Elle porte ce mouvement comme une mère porte un enfant, véritablement. Attention à celles et ceux qui ont pensé ou qui pensent que Ludovine est une aristocrate qui, pour passer le temps de libre, se serait engagée dans une cause médiatique. Ce n’est pas ça. Ludovine c’est un moine-soldat, si je puis dire. Et véritablement c’est une bénédiction divine que de l’avoir. Je m’excuse, je sais que tu es très pudique, je m’excuse d’avoir à lui dire comme cela, mais il est terriblement important pour une troupe de savoir qu’elle est engagée avec un général, un chef qui en vaille la peine. Et Dieu sait que Ludovine est beaucoup plus que cela.

    Merci de m’avoir écouté. On ne lâche rien. Ce n’est pas qu’un slogan. Véritablement, on se fait un serment en soi-même en se disant que jamais nous n’abandonnerons les combats de la famille, pour nos familles et pour la France. »

     

    Camel Bechikh

    Grenelle de la Famille
    Bordeaux, 16.X.13

     

    Camel Bechikh au Grenelle de la Famille

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  • L'éducation, un art, au sens « d'artisanat » : les parents : premiers et principaux éducateurs en humanité

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    Grenelle de la Famille


    Il y a quelques jours, j'avais au téléphone un médecin responsable de la médecine scolaire d'un département. Il me faisait part de son désarroi devant le nombre croissant de signalements de jeunes enfants qui n'arrivent pas à s'adapter à l'école, et ce dès la maternelle.

    Depuis plusieurs années, les enseignants se plaignent de devoir faire de plus en plus d'éducatif en classe, parce que les bases élémentaires de l'éducation ne sont plus données aux enfants.
    Ils ont déjà tant à faire avec les réformes successives de l'école...
    Au cours de ma carrière professionnelle, j'ai vu évoluer les psychologues qui accompagnent les enfants. Aujourd'hui, je n'en connais pas un qui ne reconnaisse la souffrance psychologique d'enfants qui sont en manque de repères familiaux.
    Les structures sociales d'accueil des jeunes sont saturées, débordées.
    Depuis une vingtaine d'années, le gouvernement considère l'augmentation du suicide des jeunes comme un fléau national. On en parle très peu dans les medias, parce qu'on ne veut pas montrer notre impuissance face à ce phénomène. Il y a quelques années, j'apprenais qu'un enfant de 12 ans s'était donné la mort par pendaison. C'est inouï !

    On peut à l'infini développer le soutien aux enfants, refaire les programmes scolaires, déployer des équipes de psychologues, d'orthophonistes, de pédopsychiatres, d'ergothérapeutes, de maîtres spécialisés, noyer les enseignants sous des enquêtes, des réformes, des plans de remédiation...

    On ne fait que s'attaquer aux effets avec toujours plus de moyens, tout en délaissant les causes évidentes du problème. C'est exaspérant !

    Oui, l'enfance est en souffrance.

    Maslow, un sociologue réputé, a expliqué que les besoins premiers d'une personne sont les besoins physiologiques : se nourrir, avoir un toit, dormir, respirer...

    Il explique ensuite que le besoin qui suit immédiatement est le besoin de sécurité : sécurité physique, naturellement, mais également besoin de sécurité affective, psychologique.

    Dans notre société, c'est bien là que le bât blesse. Beaucoup d'enfants n'ont pas la sécurité affective nécessaire à une éducation épanouissante.

    En vingt ans, le taux de divorces en France a doublé, passant d'un peu plus de 20% en 1980 à plus de 40% en 2003, selon une étude de l'INED parue en avril 2006.

    Certains veulent nous faire croire que cette évolution serait positive, car elle démontrerait une plus grande liberté individuelle. On nous présente cela comme un « progrès sociétal ». À Paris, on peut même voir des affiches vantant « le premier site de rencontres extraconjugales pensé par les femmes ». Dans de nombreuses émissions, on nous a vanté les bienfaits de la famille recomposée, tellement 'nouvelle', tellement 'formidable', tellement 'moderne'.

    Pourtant : qui se pose sérieusement la question des conséquences sur les enfants ?

    Quel psychologue aujourd'hui niera que l'enfant souffre de la séparation de ses parents ? Je ne parle pas d'une souffrance passagère. Je parle d'un traumatisme profond, marquant, stigmatisant.
    Je me souviens de cette petite fille, en classe de maternelle, qui était pleine de vie et que je vis s'éteindre jour après jour, jusqu'à ce qu'elle me raconte que ses parents se séparaient. Sa maman se voulait rassurante : « vous savez, elle va bien, on lui a bien expliqué tout ce qui se passait. »

    Mais madame, s'il suffisait de tout expliquer aux enfants pour qu'ils acceptent, nous n'aurions plus aucun problème dans nos écoles, ni ailleurs !

    L'enfant a mal à sa famille.

    Ce que les adultes ont gagné en liberté, n'est-ce pas ce que les enfants ont perdu en sérénité, en sécurité ? Les enfants sont-ils donc devenus la variable d'ajustement des désirs des adultes ?
    Est-ce pour rien que la Convention internationale des droits de l'enfant, ratifiée par la France, rappelle en son article 7.1: « L'enfant a [...] dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux ».
    Comment ne pas faire le lien entre cet éclatement du couple et donc de la famille, et la détresse croissante des enfants ?
    C'est ce qu'exprimait il y a quelques années, une équipe de chercheurs sur la question de la petite enfance, qui, au cours d'une conférence, nous faisaient part, presqu'en s'excusant, de leurs conclusions: « pour l'enfant, ce qui est idéal, c'est d'être élevé par un homme et une femme, si possible qui soient son père et sa mère. » Encore mieux : géniteur et génitrice. Plus encore : qui s'aiment. Nec plus ultra : qui s'aiment dans la durée.
    Notre société n'est pas, n'est plus cohérente : elle ne met plus en avant l'éducation de l'enfant, mais le bonheur des adultes. Or, une société qui ne protège pas l'enfant, qui ne l'éduque pas dans un cadre sécurisant, cohérent, est une société finie.
    Car les enfants d'aujourd'hui sont les adultes de demain, et ce qui n'est pas donné aujourd'hui, qui le donnera demain ?

    Notre société est en mal de cohérence.

    Il n'y a pas d'éducation possible sans recherche de cohérence dans l'environnement de l'enfant : parents, école, société sont trois dimensions de l'éducation - avec des responsabilités diverses.
    Comment aujourd'hui éduquer un enfant quand le message de la famille est brouillé par l'environnement de la société ?
    Comment éduquer à la pudeur quand s'affiche la nudité dans la rue ? Comment éduquer à la sexualité et à l'amour, quand on sait que de plus en plus de jeunes, les enfants - je dis bien les enfants - ont un accès quasi libre à la pornographie (à douze ans, plus de la moitié des enfants ont vu un film pornographique).
    Certains voudraient « libérer l'enfant du 'carcan familial' » ; je cite M. Peillon : « Pour donner la liberté du choix, il faut être capable d'arracher l'élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel, pour après faire un choix. »
    Non, monsieur Peillon, la liberté ne vient pas d'un arrachement, mais au contraire, d'un enracinement patient, progressif, profond dans l'humanité. Et ce sont les parents qui sont les premiers et principaux éducateurs en humanité. Rien, ni personne, ne saurait les remplacer, car ce sont les parents qui sont au quotidien aux côtés de leurs enfants !

    L'éducation est un art, au sens « d'artisanat »...

    L'art de voir en l'enfant qui est devant vous, l'adulte de demain et de donner ainsi sens et cohérence à sa vie.

    L'art de s'inscrire dans la durée : on n'éduque pas avec un plan à deux ou trois ans.

    L'art de transmettre : encore faut-il avoir quelque chose à transmettre.
    L'art de poser les limites, de les faire respecter, tout en les repoussant un peu plus chaque fois que l'enfant gagne en liberté et en responsabilité.

    L'art de permettre à l'enfant de faire germer, puis croître les talents qui sont en lui.

    L'art de l'ouvrir sur la complexité du monde et de le rendre acteur de ce monde.

    L'art de le rendre autonome, libre, responsable, adulte.
    L'art de faire aimer l'effort et de lui donner du sens.
    Il ne suffit pas de « donner des ailes », il faut aussi apprendre à voler.
    Rendons l'enfance aux enfants !

    La souffrance de l'enfant est souvent silencieuse, car l'enfant a une capacité phénoménale à « encaisser ».

    C'est notre responsabilité d'adultes, de parents, d'éducateurs, de prendre résolument en mains cette grave question de l'éducation.
    Ensemble, redonnons une enfance aux enfants.

     

    Jérôme Brunet

    Président de l'Appel des professionnels de l'enfance
    Porte-Parole de la Manif pour tous

    Bordeaux , le 16 octobre 2013


    Jérôme Brunet

    Grenelle de la Famille Bordeaux (Toutes les vidéos)
    15 octobre 2013 

     

     

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  • Le « genre » : un outil éducatif majeur qui permettra la déconstruction des repères élémentaires liés à la vie affective et sexuelle, à la vision de la famille et de la société

    Intervention de Ludovine de la Rochère auprès des Veilleurs lors de la veillée du 31 août à la Concorde – venue présenter aux côtés de Camel Béchikh les orientations de la Manif Pour Tous pour l’année à venir.

     

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    « Bonsoir,

    Je suis très heureuse d’être à nouveau avec vous ce soir, de vous faire part de mon amitié et de ma solidarité, de vous rencontrer et vous écouter. Il y a quelques jours j’étais à Pau avec les veilleurs du Béarn. J’y ai senti la même écoute, la même ferveur, la même envie de témoigner pour réveiller la conscience de nos contemporains. C’est sans aucun doute ce que vous venez de vivre au cours de votre périple. Je voudrai également saluer votre mouvement, ses organisateurs et bien sûr chacun de vous, Les Veilleurs. Vous formez une force, je veux dire une force d’idéaux, de valeurs dans lesquelles tous les hommes et les femmes de bonne volonté se reconnaissent, d’où votre succès, d’où votre pérennité et votre ancrage territorial avec la multiplication des veillées.

    Vous faites partie d’un mouvement qui marquera l’histoire politique et sociale de notre pays : par la nouveauté de son mode d’action, par son ouverture aux autres, par le calme qu’il impose dans le tohu-bohu actuel, par son pacifisme, par la solidité de son corpus intellectuel et philosophique. Comme je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, La Manif Pour Tous et les veilleurs sont les deux faces d’une même médaille. A l’orée de cette année 2013-2014, nous sommes décidés, tous, à poursuivre notre chemin avec détermination !

    Quels seront les enjeux de notre engagement cette année ?

    Nous continuerons bien-sûr de promouvoir une société respectueuse de l’altérité sexuelle homme/femme, du droit de l’enfant et de la famille. Compte-tenu du contexte, nous poursuivrons aussi notre défense des libertés fondamentales de tout citoyen français, en particulier liberté d’expression, de conscience et d’éducation. Le genre est le fondement de la loi Taubira et de ses conséquences. Elle est au cœur du changement de civilisation en cours. Je voudrai donc, ce soir, insister sur ce sujet.

     

    La diffusion du concept de genre

    Qu’est-ce que ce concept qui, disons-le tout de suite, n’a aucun fondement scientifique. C’est, tout simplement, la remise en cause de l’identité sexuelle homme/femme. Qu’est-ce qu’implique ce concept pour notre société et pourquoi en entendons-nous tant parler depuis quelques mois ? Il concerne avant tout l’éducation des nouvelles générations. En ouvrant le mariage et l’adoption aux personnes de même sexe, la loi Taubira pose des principes nouveaux :

    1.  Former un couple homme-homme, femme-femme ou homme-femme est indifférent pour fonder une famille,

    2.  Les rôles de père et de mère sont interchangeables,

    3.  La négation de la différence des sexes et de leur complémentarité,

    4.  L’absence d’impact et d’importance de l’altérité sexuelle. Celle-ci n’aurait pas d’importance pour l’Homme.

    Je parle là, bien-sûr, de l’Homme avec H. Au sens du dictionnaire de l’Académie française : « Homme, terme qui embrasse la femme ». Une fois ces principes juridiquement posés, il faut maintenant les légitimer et les faire entrer concrètement et massivement dans les mœurs. A ce jour, les mentalités des générations adultes sont encore largement imprégnées par les principes « anciens » : l’hétérosexualité est la norme et l’homosexualité l’exception ; l’écrasante majorité des parents ne considérerait pas comme neutre le fait qu’un de leur enfant soit homosexuel. Le plus grand nombre des parents pense encore (et constate) que le père et la mère jouent un rôle différencié et complémentaire dans l’éducation des enfants et l’équilibre familial. Un enfant a deux parents, et non trois ou quatre ou plus.

    Les promoteurs actuels de cette mutation de civilisation savent qu’il est difficile et lent de faire évoluer les mentalités concrètement. Ils savent parfaitement qu’il y a une marge considérable entre imposer une législation et imprégner profondément et durablement les conceptions nouvelles portées par cette législation, aussi bien dans les mœurs que dans la culture, même si cela est déjà bien entamé. Ils savent aussi que l’éducation reçue en famille constitue le principal obstacle à une mutation aussi radicale que celle qui est visée.

    C’est pourquoi leur projet est de construire progressivement une éducation d’Etat qui se substitue à l’éducation familiale : Vincent Peillon le déclare : « Il faut arracher l’élève aux déterminismes familial, social, ethnique et intellectuel ». L’objectif est de formater le plus vite possible les nouvelles générations aux nouveaux principes et ce, dès le plus jeune âge. Ici, l’école constitue un enjeu majeur et ce, dès la crèche. La France présente une porosité particulière à l’accomplissement de ce projet compte-tenu de l’évolution historique du lien entre l’école et la famille : Nous sommes passés depuis longtemps déjà de la notion d’instruction (transmettre un savoir) à celle de l’éducation. Le rôle éducatif de l’école est installé. Ce rôle éducatif de l’école est perçu par les parents comme un prolongement de l’éducation familiale (complémentarité de la famille et de l’école).

    Au plan pratique, les difficultés éducatives dans les familles (qui touchent tous les milieux sociaux) conduisent nombre de parents à attendre de l’école qu’elle supplée leurs insuffisances. Les attentes vis-à-vis de l’école sont devenues énormes : c’est l’école « bouée de secours » éducative. Un grand nombre de parents sont prêts à accepter des « transferts de compétences et de responsabilités » de la famille vers l’école, quitte à perdre en « maîtrise » de l’éducation de leurs enfants. En même temps que la notion de « responsabilité », celle de « liberté d’éducation » est aujourd’hui en recul.

    Dans ce contexte, se déroule, pour les tenants des « nouveaux principes », un véritable « tapis rouge ». Sur ce « tapis rouge », entre tranquillement à l’école, un « cheval de Troie », qui entend formater aux nouveaux principes les enfants, à un âge de plus en plus jeune : de la sensibilisation des adolescents, on est prêt à passer à celle des enfants dès la maternelle, voire dès la crèche. Ce « cheval de Troie » s’appuie sur trois objets de sensibilisation aujourd’hui largement légitimés et admis par les parents : l’éducation sexuelle ; la lutte contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle et l’égalité homme-femme.

    Nous sommes tous pour l’éducation sexuelle, mais la vraie. Nous sommes tous pour l’égalité entre les sexes. Nous refusons les discriminations car nous refusons tout manque de respect aux personnes. Mais cela ne justifie en rien, bien au contraire, la remise en cause des identités sexuelles homme/femme. Hélas, c’est ici que le « Gender » trouve sa place comme enjeu éducatif majeur.
     

     

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    Le « genre » comme enjeu éducatif

    On peut considérer le « genre » comme un outil éducatif majeur qui permettra la déconstruction des repères élémentaires liées à la vie affective et sexuelle, à la vision de la famille et de la société. Une fois cette déconstruction achevée dans les nouvelles générations – vierges de la culture antérieure, il ne se trouvera plus d’obstacle majeur pour l’achèvement progressif de la mutation de civilisation en cours. Nous pouvons donc considérer que porter le combat sur ce terrain constitue aujourd’hui un enjeu politique essentiel si nous voulons éviter à notre société de poursuivre sa marche vers le « Meilleur des mondes ».
     

    Les faits

    L’inspection générale de l’Education nationale vient de remettre un rapport au gouvernement qui recommande « la déconstruction des stéréotypes de genre » à l’école et la formation des enseignants au Gender. Des expérimentations vont être menées dans 500 écoles : des milliers d’enfants vont donc servir de cobayes. Tout cela au nom de « l’égalité homme/femme ». L’amendement sur l’enseignement du genre à l’école, envisagé dans le cadre de la loi Peillon, a été retiré grâce à notre mobilisation. Mais il faut savoir que la question du genre est en fait bien restée dans les objectifs et l’annexe de la loi telle qu’elle a été votée. Des supports pédagogiques vont être diffusés cette année, tel que l’ouvrage « Papa porte une robe ». Une circulaire demande à tous les élus et fonctionnaires de se former au concept de genre. Serons-nous bientôt comme la Suède qui vient d’adopter le pronom neutre « Hen » comme pronom pour les personnes « asexuées ».

     

    Gender à l’école : tout le monde est concerné

    L’enjeu du Gender à l’école concerne un très grand nombre des Français sur un lieu essentiel de leur vie quotidienne et de leurs relations sociales – l’école – et sur un sujet qui rejoint directement l’une de leurs préoccupations majeurs – leurs enfants. Nous souhaitons leur faire savoir ce que leurs enfants entendent ou vont entendre. Et les faire réfléchir avec nous : est-ce qu’ils veulent que ce discours soit tenu à nos enfants ? Veulent-ils être associés, impliqués, avoir leur mot à dire dans ce qui est enseigné à leurs enfants ? Voulons-nous assumer notre responsabilité de premiers éducateurs de nos enfants ? Sommes-nous prêts à nous laisser imposer des concepts douteux dérivés des « Etudes Gender », qui vont brouiller les repères élémentaires de nos enfants en matière de sexualité, de vie affective, de vision de la famille ? Il en va de notre liberté d’éducation et de l’avenir de notre société.

     

    Notre action à venir sur cet enjeu Gender et éducation

    L’année scolaire 2013-2014 sera une année d’implantation dans toutes les écoles scolaires, publiques et privées, de « Comité de parents – Vigilance Gender ». Ces comités seront créés au sein des associations locales de parents d’élèves (un peu comme un groupe de travail) ou à côté. Il s’agit d’un immense travail de terrain, de réseau, d’information et de sensibilisation : vis-à-vis des parents d’élèves bien sûr, mais aussi de l’ensemble de la communauté éducative.

     

    Ouverture de la PMA aux couples de même sexe

    En ce qui la concerne, LMPT se prépare à lancer des manifestations si la proposition de loi sur l’ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples de même sexe, déposée le 19 juillet dernier au Sénat, n’était pas retirée dans les plus brefs délais. A ce sujet, LMPT a demandé en juillet un RDV à Mme Bertinotti. Hélas, au contraire de l’APGL (association des parents et futurs parents gay et lesbien), LMPT n’a pas été reçu. Pire : LMPT n’a même pas eu l’honneur d’être reçu. LMPT poursuit aussi toutes ses actions politiques et judiciaires.

     

    Conclusion

    Compte-tenu des dangers actuels et des échéances électorales prochaines, l’année à venir demandera à tous une mobilisation très intense : nous devons à la fois stopper ces projets, mais aussi obtenir des futurs candidats qu’ils s’engagent sur les convictions que nous défendons. À nous tous de continuer à éveiller les consciences et défendre le bien commun. On lâche rien ! »

    *

    La Manif pour tous organise une université d’été les 14 et 15 septembre prochain au parc floral de Vincennes. Plus d’information sur l’évènement.

     

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  • Le mariage gay ou la dictature de la confusion

                La question du mariage gay appelle dix remarques :


              I) Il importe d’abord de distinguer la question de l’homosexualité de celle du mariage gay. L’homosexualité appartient à la sphère privée et renvoie à une histoire singulière. C’est ainsi, il y a des personnes dans la société dont la manière d’aimer consiste à aimer une personne du même sexe. Pourquoi en est-il ainsi ? Nous n’en savons rien et nous ne le saurons sans doute jamais, tant il y a de raisons possibles à cela. Toujours est-il qu’il s’agit là d’une réalité que la société se doit de respecter en offrant aux couples homosexuels une protection de leur vie privée au même titre que celle dont peut jouir chaque citoyen.


              II) Le mariage gay relève en revanche d’une question qui regarde tout le monde, celui-ci étant appelé à bouleverser de manière irréversible la norme en vigueur en établissant une nouvelle norme en matière de famille, de filiation et de transmission, s’il vient à être adopté.


              III) À l’origine, le mariage est une donnée naturelle. C’est ainsi, pour faire naître la vie un homme et une femme s’unissent et procréent un enfant. En établissant le mariage comme institution, la société a donné un cadre juridique à cette donnée naturelle afin de la protéger.



              IV) Il s’avère qu’aujourd’hui le mariage, la filiation et la transmission ont changé de sens. La procréation n’est plus l’unique sens du mariage, le mariage-sentiment ayant tendance à l’emporter sur le mariage-procréation. De même, l’enfant n’a plus pour unique sens d’être le fruit de l’union d’un couple, le désir d’enfant introduisant des demandes d’enfants de la part de personnes seules ou des demandes d’adoption ou de procréation assistée de la part de couples stériles.


              V) La question qui se pose dès lors et qui concerne tous les couples, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels, est celle de savoir si le sentiment doit devenir l’unique sens du mariage et si le désir d’enfant d’où qu’il vienne doit devenir la raison d’être de ce dernier. Elle est également le fait de savoir si ce qui se fait doit devenir la norme de ce qui est.

              Si tel est le cas, il faut savoir que rien ne va pouvoir s’opposer formellement à ce qu’on lève désormais l’interdit de l’inceste au nom du droit de s’aimer pour tous. Le sentiment en dehors de toute donnée naturelle devenant la norme, au nom de l’amour un père pourra réclamer d’épouser sa fille voire son fils, une mère son fils voire sa fille, une sœur son frère ou sa sœur, un frère sa sœur ou son frère.

              Si tel est le cas, tout étant noyé dans l’amour érigé en droit au-dessus de toute réalité, plus personne ne sachant qui est qui, il y aura fatalement une crise d’identité et avec elle un problème psychique majeur. Les tendances psychotiques générées par l’individualisme hédoniste pour qui le réel n’existe pas et ne doit pas exister vont se renforcer. Un père étant aussi un amant et une mère une amante, il va devenir impossible de parler de père et de mère et donc de savoir qui a autorité pour élever des enfants. En ce sens, la famille va littéralement exploser.

              Enfin, l’interdit de l’inceste étant levé, c’est le sens même du devenir de l’être humain qui va être atteint, le sens de cet interdit étant de rappeler aux êtres humains qu’ils sont faits pour devenir, en épousant, non seulement un autre hors de sa famille mais aussi de son sexe et non pour demeurer dans la même famille et le même sexe.

              En ce sens, le législateur qui va devoir se prononcer sur le mariage homosexuel a de lourdes responsabilités. S’il décide de faire du mariage une affaire de droit et de sentiment en dehors de toute donnée naturelle, il introduira dans la cité la ruine possible de l’identité psychique, de la famille ainsi que du devenir symbolique de l’être humain.


              VI) Au-delà de cette question qui concerne tout le monde, les hétérosexuels comme les homosexuels, la question du mariage gay pose un certain nombre de questions qu’il importe d’examiner avec attention, la principale d’entre elle étant celle du même. Au nom de l’égalité et du refus d’établir des discriminations, est-il possible d’établir une équivalence entre tous les couples ? Trois éléments s’y opposent.


              VII) En premier lieu, pour une simple question de réalité et de donnée objective, on ne peut pas mettre sur le même plan hétérosexualité et homosexualité, un homme et une femme n’étant pas la même chose que deux hommes et deux femmes. Les couples hétérosexuels ne sont pas des couples homosexuels ni les couples homosexuels des couples hétérosexuels. Établir une équivalence entre les deux revient à nier la réalité en opérant une grave confusion entre genre et pratique.

              Avant d’être une pratique, l’hétérosexualité est un genre et pas une pratique, alors que l’homosexualité est une pratique et non un genre. La preuve : pour être homosexuel, il faut d’abord être homme ou femme. Si demain, au nom de l’égalité, tout est mis sur le même plan, la pratique particulière dictant ses lois au genre, un processus dangereux va s’engager à savoir celui de la disparition à plus ou moins long terme de la différence sexuée. On va alors assister à un effet dictatorial. Pour que les homosexuels puissent exercer leur droit à l’égalité, l’humanité va être interdite de faire une différence entre homme et femme, voir dans l’hétérosexualité un fondement et non une pratique étant considéré comme une pratique discriminatoire. Une nouvelle humanité va voir alors le jour. Nous vivions jusqu’à présent dans un monde marqué par la différence. Nous allons connaître un monde nouveau fondé sur l’indifférenciation. Quand on sait que la différence est le propre du vivant et l’indifférencié le propre de la mort, un principe de mort va désormais servir de principe pour guider l’humanité.


              VIII) La difficulté soulevée par l’équivalence décrétée entre tous les couples se retrouve au niveau des enfants. Comme il semble qu’on l’ait oublié, il importe de rappeler qu’un couple homosexuel ne peut pas avoir d’enfants. On peut le déplorer, mais c’est ainsi, deux hommes et deux femmes ne peuvent pas procréer. Ceci veut dire que, pour qu’il y ait procréation l’homme a besoin de la femme et la femme de l’homme.

              Les homosexuels réclament de pouvoir avoir un enfant. Ils se fondent pour cela sur le droit qui est accordé aux couples hétérosexuels d’adopter ou de procéder à une procréation médicalement assistée. Ils oublient ou font semblant d’oublier que ce n’est pas le droit qui les empêche d’avoir un enfant mais la Nature.

              Certes, un couple hétérosexuel peut adopter ou passer par la procréation assistée afin d’avoir un enfant. Il importe de souligner toutefois qu’un enfant adopté par un couple hétérosexuel n’a pas et n’aura jamais le même sens qu’un enfant adopté par un couple homosexuel. Lorsqu’un couple hétérosexuel adopte un enfant, il le fait pour pallier un problème de stérilité. Lorsqu’un couple homosexuel veut adopter un enfant, il le fait pour contourner une impossibilité. Le registre symbolique n’est pas le même, vouloir contourner une impossibilité à l’aide d’une loi nous situant dans le domaine de la fiction prométhéenne et non plus dans celui de la réalité humaine.

              Jusqu’à présent, la rationalité de la société repose sur la notion de limite et avec elle sur l’idée que tout n’est pas possible. Tout ne se décrète pas. Tout ne se fabrique pas. Limite positive autant que protectrice, l’idée que tout ne se décrète pas nous préservant de la dictature du Droit et l’idée que tout ne se fabrique pas nous préservant de la dictature de la Science. Avec le mariage gay et l’ouverture à la possibilité pour couples gays de recourir à l’adoption ainsi qu’à la procréation médicalement assistée, il va en être autrement.

              L’idée que rien n’est impossible va voir le jour en enterrant la notion de limite. Voyant le jour, plus rien ne va nous protéger de la dictature du Droit et de l’idée que tout peut se décréter. Plus rien ne va nous protéger de la dictature de la Science et de l’idée que tout peut se fabriquer. On obéissait la Nature qui, comme le dit Montaigne, est « un doux guide ». Nous allons désormais obéir à la Science et au Droit. La Nature évitait que l’Homme n’obéisse à l’Homme. Désormais, l’Homme va obéir à l’Homme sans que l’Homme n’obéisse à quoi que ce soit. Dostoïevski au 19e siècle comme Léo Strauss au 20e siècle voyaient dans le « Tout est possible » l’essence du nihilisme. Ils redoutaient comme Nietzsche que celui-ci n’envahisse l’Europe en ne se faisant aucune illusion cependant à ce sujet. Avec le mariage gay, l’adoption et la procréation assistée pour couples gays, le « Tout est possible » va devenir une réalité et, avec lui, le nihilisme sous la forme du triomphe sans partage de la Science, du Droit et de l’Homme.


              IX) Dans le même ordre d’idées, il importe de distinguer un enfant que l’on fait d’un enfant que l’on fait faire. Quand un couple fait un enfant, l’enfant est une personne. Le fait de faire un enfant se passant entre des personnes qui s’aiment et pour qui l’enfant n’est pas une marchandise ni l’objet d’un trafic. Quand on fait faire un enfant par un tiers, l’enfant n’est plus une personne, mais un objet voire une marchandise dans un trafic. Témoin le fait de louer le ventre d’une mère porteuse ou les services d’un géniteur.

              Lionel Jospin faisait remarquer qu’il n’y a pas un droit à l’enfant, mais un droit de l’enfant. Si le mariage gay avec procréation assistée est adopté, le droit de l’enfant va être sacrifié au profit du droit à l’enfant. Sous prétexte de donner un droit à l’enfant aux homosexuels, l’enfant considéré comme objet n’aura plus droit symboliquement au statut de personne. Alors que le monde des droits de l’homme s’efforce de lutter contre la réification de ce dernier, au nom du droit à l’enfant, on va réifier ce dernier.

              Il va y avoir en outre des questions pratiques à gérer. D’abord le coût. Pour qu’un couple d’hommes puisse avoir un enfant, il va falloir louer le ventre d’une mère porteuse. Ce qui n’est pas donné, le prix moyen se situant entre 80.000 et 100.000 euros. Comme les couples gays vont réclamer que lafacture soit réglée par la Sécurité Sociale au nom du droit à l’enfant pour tous et de l’égalité, comment celle-ci va-t-elle faire pour faire face à cet afflux de dépenses au moment où son déficit se creuse ? Qui va payer et comment ?

              Par ailleurs, l’État prenant en charge les mères porteuses, il va falloir aller chercher celles-ci ou bien créer un service spécial. L’État se refuse à devenir un État proxénète en autorisant et en organisant le trafic du sexe de la femme. Pour que la procréation médicalement assistée puisse exister, il va falloir qu’il devienne quelque peu trafiquant et qu’il organise le trafic des ventres. Ce qui ne va pas être une mince affaire. Quand un couple ne sera pas content du bébé d’une mère porteuse et qu’il décidera de le rendre, que va-t-on faire ? Obliger le couple à garder l’enfant ? En faire un orphelin ? Payer la mère porteuse pour qu’elle le garde ? Et qui payera le psychiatre qui devra soigner l’enfant ainsi ballotté et quelque peu perturbé ?


              X) Ce problème rencontré dans le fait de faire faire un enfant va se retrouver avec celui de l’éduquer. Une chose est d’avoir un père et une mère, une autre d’avoir deux pères et deux mères. Obliger un enfant à naître et à grandir dans un couple homosexuel va se confondre avec le fait d’interdire à un enfant de savoir ce qu’est le fait d’avoir un père et une mère. A-t-on le droit d’enlever ce droit à un enfant ? Si tel est le cas, cela voudra dire que pour que les homosexuels aient droit à l’égalité les enfants des couples homosexuels seront condamnés à ne pas être des enfants comme les autres.

              Certes, les orphelins n’ont pas leur père ou leur mère. Mais, il s’agit là d’un accident et non d’une décision. Avec le droit pour couples gays d’avoir un enfant, les orphelins ne seront pas le produit d’un accident de la vie mais d’une institutionnalisation délibérée. Ils seront obligés par la société de n’avoir soit pas de père, soit pas de mère.

              À cette situation qui ne manquera pas de produire à un moment ou à un autre des mouvements de révolte s’adjoindra une autre difficulté. L’enfant de couples gays n’aura pas droit à une origine réelle, mais à une origine absente. À la case père ou mère il y aura un blanc. Ce qui n’est pas simple à porter. Qu’on le veuille ou non, l’enfant ne pourra pas ne pas se sentir coupable, la propension naturelle des enfants étant de se culpabiliser quand l’équilibre familial n’est plus respecté.

              En conclusion, les partisans du mariage gay, de l’adoption et de la procréation médicalement assistée pour couples gays rêvent quand ils voient dans ce projet un progrès démocratique sans précédent. Ils croient que tout va bien se passer. Cela ne va pas bien se passer. Cela ne peut pas bien se passer pour la bonne raison que tout a un prix.

              Ne croyons pas que l’on va remettre la différence sexuée en voyant en elle une pratique parmi d’autres sans que cela ait des conséquences. N’imaginons pas que des enfants fabriqués, à qui l’on aura volé leur origine, seront sans réactions. Ne pensons pas que la disparition des notions de père et de mère au profit de termes comme parent I ou parent II permettront l’existence d’une humanité plus équilibrée et mieux dans sa peau.

              On prétend résoudre des problèmes par ce projet de loi. On ne va pas en résoudre. On va en créer. Le 20e siècle a connu la tragédie du totalitarisme et notamment du projet insensé de créer un homme nouveau à travers une race ou une classe. Ne cédons pas à la tentation de fabriquer un homme nouveau grâce à la Science et au Droit. Tout ne se décrète pas. Tout ne s’invente pas. Il existe des données naturelles de la famille. N’y touchons pas. Ne jouons pas avec le feu. Ne jouons pas à être des apprentis sorciers. Le Tao voit dans la complémentarité entre le féminin et le masculin une loi d’équilibre dynamique fondamentale de l’univers. Ne touchons pas à cette loi d’équilibre.

              Nous avons tous des amis homosexuels que nous respectons, que nous estimons et que nous aimons. Qu’ils soient d’une profonde moralité, nous n’en doutons pas. Qu’ils soient capables d’élever un enfant, nous n’en doutons pas non plus. Qu’un enfant puisse être plus heureux dans un couple homosexuel que dans certains couples hétérosexuels, nous n’en doutons pas une fois encore. Que cela soit une raison pour légaliser le mariage gay et permettre l’adoption ou la procréation médicalement assistée pour couples gays, c’est là une erreur.

              Une chose est une loi, une autre est un cas particulier. On ne fait pas une loi avec des cas particuliers, mais à partir d’une règle tenant compte de tout ce qu’il y a derrière. S’agissant du mariage gay avec adoption et procréation médicalement assistée, il y a derrière une telle règle trop de choses dangereuses et graves pour que celle-ci puisse devenir une loi allant dans le sens des intérêts fondamentaux de l’être humain.

              La Gauche a le pouvoir à l’assemblée et peut décider de passer en force grâce au nombre de ses voix et ce afin de paraître de gauche. Elle peut choisir de préférer la Gauche à l’être humain. Elle s’honorera de choisir l’être humain plutôt que la Gauche, sachant qu’en servant l’être humain elle est sûre de servir ses propres intérêts alors que l’inverse n’est pas sûr. Tant il est vrai que l’on n’a jamais intérêt à scandaliser l’honnête homme en l’obligeant à devoir se soumettre par la contrainte à ce que sa raison répugne à accepter par respect pour la raison.

              Le mariage gay qui nous propose une grande noyade collective dans l’amour n’est pas raisonnable. La mise en question de la distinction entre homme femme ravalée au rang de pratique sexuelle n’est pas raisonnable. Vouloir avoir un enfant à tout prix en recourant soit à l’adoption, soit à un père donateur, soit à une mère porteuse n’est pas raisonnable. Ne plus parler de père et de mère mais de deux pères ou de deux mères n’est pas raisonnable. En un mot, bidouiller une famille grâce à un montage juridico-médical et appeler cela famille n’est pas raisonnable. Les mots ont du sens quand ils renvoient à une réalité. Quand ils ne sont plus que ce que l’on décide qu’ils doivent être, on n’est plus dans le domaine du sens, mais de la confusion. Le règne de la confusion, sa dictature et avec elle la confusion des esprits et des comportements, n’est-ce pas ce dont nous souffrons déjà et qui risque de nous engloutir ? Est-il besoin d’en rajouter ?


    Bertrand VERGELY

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