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  • Une société d’artisans, de gens qui ne fassent jamais de copier-coller, toujours en éveil et en curiosité devant la complexité de leur travail

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    Lucien Bourgeois.pngOn a fait un travail, il y a quelques années, de prospective, dans lequel nous avions quatre scénarios. Un scénario dans lequel la Politique Agricole Commune continuait vaille que vaille. Un scénario dans lequel Auchan et Nestlé gouvernaient l’agriculture. Un scénario dans lequel on se mettait à faire cette politique de Qualité d’Origine. Et un scénario dans lequel le Conseil Général ou le Conseil Régional pilotait l’agriculture. Nous avions naïvement cru que le milieu agricole allait plébisciter le scénario de la Qualité d’Origine, puisque c’était le scénario le plus intéressant, en matière de valeur ajoutée, pour les agriculteurs eux-mêmes. Quelle n’a pas été notre surprise de constater que c’était le scénario qui entrainait le plus d’incrédulité et même de l’ironie, en nous disant : « Mais vous ne pensez pas que nous allons pouvoir vendre du blé comme on vend le vin ! ». Le principal argument était : « Nous sommes des producteurs de matière première. ». En revendiquant presque le statut de producteur de matière première. Pire encore dans les régions d’élevage, des gens nous disant : « Nous sommes des producteurs de minerai. ».

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    Certes, on ne va pas vendre demain du blé de la région de Provins. Mais si je crois en l’organisation, je crois aussi à l’organisation industrielle. Je pense que ce que peuvent vendre les producteurs de blé de la région de Provins est probablement une capacité à approvisionner des industries très sophistiquées de l’agro-alimentaire : pour faire avec ce blé un produit que personne d’autre dans le monde ne serait capable de faire. On le voit bien dans l’industrie : si nous ne sommes pas capables de faire ce que personne d’autre dans le monde n’est capable de faire, nous n’avons aucune chance dans l’avenir. Il faut être clair.

    Bennage blé.pngQui a envie de manger du minerai ?  C’est la plus belle contre publicité que l’on puisse faire pour son produit que de taxer sa viande de minerai. Le problème que nous avons vu est que, dans la tête des agriculteurs et dans la tête de ceux qui les accompagnent, il y a une culture de la matière première, une culture du produit indifférencié, une non-culture économique absolument affligeante qui règne et qui fait que les agriculteurs eux-mêmes ont du mal à croire à cette possibilité. Et quand on réfléchis bien, sur les deux agricultures, qui est le plus entrepreneur entre un producteur de fromage de chèvre des Causses, du Larzac, et un céréalier du Bassin parisien ? Si le céréalier se contente de benner son blé dans une coopérative et de ne pas se soucier du prix de ce blé, ce n’est pas un entrepreneur. Alors que le producteur de fromage de chèvre qui va vendre son fromage sur un marché est plus un entrepreneur, dans la conception de son métier.

    J’aimerais bien faire partie d’une société d’artisans, si je peux dire cela comme cela. De gens qui ne fassent jamais de copier-coller et qui soient toujours en éveil et en curiosité devant la complexité de leur travail. Je revendique cela comme idéal de société.

    Lucien Bourgeois
    Économiste
    Assemblée permanente des Chambres d’agricultures, Paris

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  • Le consommateur est aussi citoyen (Le Temps des Grâces)

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    L’agriculteur est-il plutôt, selon vous, un industriel ou du côté de l’artisan ?

    le temps des grâces,          Je dirais qu’il y a les deux. Il doit y avoir 3-4% d’artisans. Ce sont ceux qui ont essayé les circuits courts, la commercialisation directe… Ils transforment leur minerai, ce qui crée leur valeur ajoutée. Moi, je me situerais plus du côté industriel, producteur de minerai. Mais avec la chance ─ et d’ailleurs c’est pour cela que je suis revenu, sinon je serais resté dans le milieu multinational ─ d’avoir un impact, de pouvoir modéliser l’espace, de pouvoir être en lien avec l’espace. Mais à la fin, c’est quand même un minerai, l’or blanc, qui est le lait, qui est, avec un cahier des charges bien précis, mais pour donner de la valeur ajoutée à un industriel. Mais j’essaie d’en garder pour moi. On est entre les deux… Je me mettrais quand même du côté d’une industrie. Pourquoi pas d’un artisan ? Parce que l’artisan, tel que le consommateur ou le citadin en a l’image, c’est le berger avec ses moutons et son chien qui va garder son troupeau. Cela n’existe plus. On est des citoyens comme tout le monde, on veut nos vacances, du temps libre, on veut un cadre et un genre de vie. Donc il faut un niveau de vie. Ce niveau de vie fait que le prix du lait, en frais constants n’ayant pas augmenté, on s’est industrialisé pour faire des économies d’échelle. Alors, c’est sûr, le consommateur, lui, que veut-il ? Un lait pas cher, un fromage pas cher, et il voudrait qu’on traie à la main… En plus, il ne veut rien, le consommateur… C’est l’image qu’on lui colle. Maintenant, ce que je pense, c’est que le consommateur, à un moment donné, est aussi citoyen.


    le temps des grâces,          
    Je reviens à l’histoire de ma chèvre, là : le petit producteur des Cévennes qui a trente-quarante chèvres, qui fait son fromage et qui va sur les marchés. Cela, c’est l’image qu’en a le consommateur. Il a plus que du mérite : il a du mal à gagner sa vie. Que fait l’industriel à l’autre bout de la chaîne ? L’agriculteur industriel, qui a mille chèvres enfermées dans un bâtiment, qui les traite deux fois par jour et leur donne à manger, fait du business. Et pourtant c’est le même lait qui est en concurrence sur le même marché. Il faudrait qu’un jour le consommateur arrive à comprendre la différence. Quand je suis une multinationale qui travaille dans l’agro-alimentaire, je me sers de l’image du petit Pélardon[i] des Cévennes et je fais mon business avec. Il faut le dire. Et le goût est certainement différent. Mais le goût, qui connaît le goût ?

    le temps des grâces,          L’exemple du CTE est flagrant. J’ai fait un Contrat Territorial d’Exploitation en 2002, en m’engageant sur 5 ans à garder mes brebis. Le coût d’un berger pour garder mes brebis est énorme. L’État m’a donné 50 francs de l’hectare. Je dis bien 50 francs de l’hectare. J’ai quand même fait l’effort de le faire. Et j’avais signé un contrat. En 2007, on me dit qu’il n’y a plus de CTE. J’ai mis des clôtures. J’en ai pour 25 ans et cela me coûte une année de salaire d’un berger. Tous les parisiens durant l’été qui sont venus ici et qui avaient l’habitude de l’espace ouvert se sont rendus compte qu’il y avait de la propriété privée. Ils ont tous critiqué mais pas un n’est venu m’en parler. Parlons-en. C’est bien un choix de la société de dire : « Ah !, je veux les petits moutons qui se promènent dans la nature, je veux les voir se promener mais je ne veux pas payer. ». Au-delà de cela, en donnant les moyens pour garder cet espace ouvert, tu gardes aussi des moyens pour avoir plus de brebis sur ton espace. Si tu as plus de brebis sur ton espace, tu peux penser que tu as plus de social derrière, sur ton espace. C’est en lien avec la vie de campagne. Tandis qu’à un moment donné si tu dis : «  Je laisse gagner l’espace, je ne peux plus mettre de brebis, le dernier agriculteur du coin qui restera sera le plus costaud, le plus vaillant, le plus intelligent, le plus ce que tu veux… ou le plus tueur, ou le plus margoulin… Les dix autres, s’ils vont gonfler les banlieues parisiennes, marseillaises ou autres… Quel impact, quel coût auras-tu sur la société ? Et quel avenir donnes-tu à ces jeunes-là ? Je crois que telle est la question. Le problème est qu’aujourd’hui, on raisonne à court terme. Partout et tout le temps. Si à long terme on ne veut pas que les paysages se ferment il faut qu’à long… En Suisse, ils sont plus intelligents que nous, quand même. En Suisse, à un moment donné, ils savent qu’ils veulent garder l’espace tout vert, ils savent que les montagnes ne doivent pas se boiser, que l’herbe doit être entretenue… Ils payent carrément les bergers. Parce qu’il y a une réflexion nationale de dire : « Un berger payé pour un producteur revient moins cher à la collectivité et à la société que d’aller faire trois mesurettes. ».  C’est cela qui ne va pas en France.

     

    Patrick Libourel
    Éleveur à Lanuéjols, Causse noir, Gard
    Bassin de production du Roquefort

     


    [i] Pélardon est une appellation d'origine désignant un petit fromage au lait cru de chèvre de la région du Languedoc. Cette appellation a une graphie maintenant formalisée mais fut aussi nommée paraldon, pélardou ou encore péraudou.

     

    "Le Temps des Grâces", Capricci, 2009, en VOD - Film de Dominique Marchais - en Streaming et à Télécharger 

    Le Temps des Grâces Page sur La Vaillante

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  • Les professionnels de l'enfance veillent…

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    Jérôme Brunet veille…

    J’ai travaillé, comme animateur, dans les quartiers dits « sensibles » à Dreux dans les années 80. J’y ai vu combien le manque de repères, l’absence des parents plongeaient les enfants et les jeunes adolescents dans des comportements marqués par la violence, la peur, les phénomènes de bandes… j’ai vu comment, pour se protéger des autres, ils devaient s’endurcir, se montrer agressif, faire peur à l’autre. J’ai vu cette violence qui naît de l’absence de sécurité psychique.

    Malik, je pense à toi qui as pu montrer, parce que nous avions pu construire la confiance, que derrière l’épaisse carapace de piquants, il y avait un cœur merveilleux, simple. Un cœur d’enfant.

    En formation, à l’école normale des instituteurs, j’ai entendu ces idéologues niant la place de l’inné dans la personne, nous dire que les enfants étaient tous égaux en capacité, dès la naissance. Que tout était une question de pédagogie, de façon de s’y prendre.

    Ceux-là même qui vantaient la méthode globale, méprisaient l’apprentissage par cœur des tables de multiplication, promouvaient la grammaire structuraliste (à laquelle nombre d’enseignants ne comprenaient pas grand-chose…).

    J’ai vu les regards perdus de l’enfant qui n’apprend pas, qui ne comprend pas, parce qu’on ne prend pas en compte sa capacité, sa forme d’intelligence…

    Christophe, Anthony et vous, les jumeaux, je pense à vous. A cette souffrance qu’a été la classe pour vous.

    Instituteur, j’ai découvert la dépression de l’enfant dont les parents se séparent, ou se disputent et à qui on demandait de continuer à être performant à l’école. J’ai frappé au mur de l’indifférence des adultes qui niaient le problème : il ne fallait pas dire que les enfants souffraient du divorce de leurs parents, car cela pouvait être interprété comme un jugement négatif. A l’époque, beaucoup de psychologues n’osaient pas s’exprimer sur cette question ou niaient le problème.

    Je pense à toi, Ariane, qui était pleine de vie et pétillante dans cette classe de grande section. Et qui du jour au lendemain est devenue éteinte… pleurait et me confiait que tes parents se séparaient. Je revois ta maman qui me disait qu’elle t’avait tout expliqué, et que tu allais bien.

    Directeur d’école, j’ai accompagné ces enfants qui perturbaient la classe. J’ai vu leur immense angoisse, leur détresse de ne pas comprendre les repères de la vie avec les autres, parce qu’on ne les leur avait pas appris.

    J’ai vu ces enfants rois, qui devenaient tyrans… ceux que l’on appelle maintenant les pervers narcissiques…

    J’ai accompagné cette angoisse – qu’un adulte ne supporterait pas – qui naît de l’absence des repères structurants, qui posent les limites de la liberté pour la faire naître et qui sécurisent dans un monde de relations si complexes.

    J’ai vu le fruit blette, empoisonné, mortel d’ « il est interdit d’interdire ».

    J’ai entendu ce psychologue qui me confiait son désarroi parce qu’il devait poser des diagnostics de psychopathe pour des enfants de 12 ans.

    Je pense à toi Thomas, qui a réussi à te construire parce que nous avons su baliser un chemin pour t’accompagner. Je pense à toi, Olivier que nous n’avons pu sortir de ta souffrance.

    J’ai vu la détresse de ces parents qui avaient peur de leurs enfants et n’osaient pas dire non et tenir bon face à la contradiction par peur de leur faire du mal.

    J’ai vu aussi des couples exploser à cause de la confusion des rôles.

    Et j’ai vu que le suicide des jeunes devenait une préoccupation de plus en plus grave. Que la violence gratuite entre jeunes apparaissait et se développait. Que la drogue, l’alcool deviennent des fléaux. Que la pornographie circule dans les cours d’école et de collège.

    J’ai vu que la plupart du temps, l’enfant souffre en silence.

    Et j’ai entendu tous ceux-là qui disent que les enfants s’adaptent aux nouvelles situations familiales, que la famille recomposée, c’est formidable, qu’il n’y a aucun problème à avoir deux papas ou deux mamans, à naître par GPA, ou PMA avec donneur anonyme, à être privé d’une partie de sa filiation biologique, puisqu’il « suffit d’expliquer aux enfants pour qu’ils comprennent ».

    Depuis plusieurs années, avec d’autres, j’ai décidé de ne plus me taire et de redire qu’un enfant a droit à une éducation qui le prépare à la vie d’adulte, qui n’est pas un long fleuve tranquille.

    Qu’il a droit à la sécurité physique et psychologique, aux soins, à l’amour de ses parents, à la construction de sa personnalité dans toutes les dimensions de la personne : physique, intellectuelle, psychique.

    Bien sûr, la vie, avec ses accidents ne s’écrit jamais avec des lignes droites, les règles ont toujours des exceptions. C’est la vie.

    Mais l’exception ne doit pas devenir la règle.
    Je suis devenu un veilleur.
    Alors, je veille.

     

    JÉRÔME BRUNET
    Président de l’Appel des Professionnels de l’Enfance
    Porte-parole de la Manif pour tous

    Article initialement publié sur
    APPEL DES PROFESSIONNELS DE L’ENFANCE

     

     

  • Des femmes « vaillantes », à toutes les époques…

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    foi,ludovine de la rochère,la vaillante,politique,christianisme,égalité,théorie du genre(La Vaillante dédie cet article à Ludovine de la Rochère, rencontrée le 17 septembre 2014 à Saint-Mandé, à l’issue de la conférence-débat qu’elle donna avec Esther Pivet, intitulé « Gender à l’école : mythe ou réalité ».)

     

    LE DON DE L’ÉPOUSE 

             Le Concile Vatican II a renouvelé dans l’Église la conscience de l’universalité du sacerdoce. Dans la Nouvelle Alliance, il n’y a qu’un seul sacrifice et un seul prêtre, le Christ. Tous les baptisés, les hommes comme les femmes, participent à ce sacerdoce unique, car ils doivent « s’offrir en victimes vivantes, saintes, agréables à Dieu (cf. Rm 12, 1), porter témoignage du Christ sur toute la surface de la terre, et rendre raison, sur toute requête, de l’espérance qui est en eux d’une vie éternelle (cf. 1 P 3, 15) ».[i] La participation universelle au service du Christ, par lequel le Rédempteur a offert au Père le monde entier et en particulier l’humanité, fait de tous les membres de l’Église « un royaume de prêtres » (Ap 5, 10 ; 1 P 2, 9), c’est-à-dire qu’ils participent non seulement à la mission sacerdotale, mais encore à la mission prophétique et royale du Christ-Messie. Cette participation entraîne en outre l’union organique de l’Église, comme Peuple de Dieu, avec le Christ. Le « grand mystère » de la Lettre aux Éphésiens s’y exprime en même temps : l’Épouse unie à son Époux, unie parce qu’elle vit de sa vie ; unie parce qu’elle participe de sa triple mission (tria munera Christi) ; unie de manière à répondre par un « don désintéressé » de soi au don ineffable de l’amour de l’Époux, le Rédempteur du monde. Cela concerne toute l’Église, les femmes comme les hommes, et évidemment cela concerne aussi ceux qui participent au « sacerdoce ministériel » [ii] qui est par nature en service. Dans le cadre du « grand mystère » du Christ et de l’Église, tous sont appelés à répondre — comme une épouse — par le don de leur vie au don ineffable de l’amour du Christ qui est seul, come Rédempteur du monde, l’Époux de l’Église. Dans le « sacerdoce royal », qui est universel, s’exprime en même temps le don de l’Épouse.

             Cela revêt une importance fondamentale pour comprendre l’Église dans son essence même, en évitant de reprendre pour l’Église — même en sa qualité d’institution composée d’êtres humains et inscrite dans l’histoire — des critères d’interprétation et de jugement qui sont sans rapport avec sa nature. Même si l’Église possède une structure « hiérarchique »,[iii] cette structure est cependant ordonnée à la sainteté des membres du Christ. Et la sainteté s’apprécie en fonction du « grand mystère » dans lequel l’Épouse répond par le don de l’amour au don de l’Époux, le faisant « dans l’Esprit Saint » parce que « l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5, 5). Le Concile Vatican II, en confirmant l’enseignement de toute la tradition, a rappelé que, dans la hiérarchie de la sainteté, c’est justement la « femme », Marie de Nazareth, qui est « figure » de l’Église. Elle nous « précède » tous sur la voie de la sainteté ; en sa personne « l’Église atteint déjà à la perfection qui la fait sans tache ni ride (cf. Ep 5, 27) ».[iv] En ce sens on peut dire que l’Église est « mariale » en même temps qu’ « apostolique » et « pétrinienne ».[v]

             Dans l’Histoire de l’Église, dès les premiers temps, il y avait aux côtés des hommes de nombreuses femmes pour qui la réponse de l’Épouse à l’amour rédempteur de l’Époux prenait toute sa force expressive. Nous voyons tout d’abord celles qui avaient personnellement rencontré le Christ, qui l’avait suivi et qui, après son départ, « étaient assidues à la prière » avec les Apôtres au Cénacle de Jérusalem jusqu’au jour de la Pentecôte. Ce jour-là, l’Esprit Saint parla par « des fils et des filles » du Peuple de Dieu, accomplissant ce qu’avait annoncé le prophète Joël (cf. Ac 2, 17). Ces femmes, et d’autres encore par la suite, eurent un rôle actif et important dans la vie de l’Église primitive, dans la construction, depuis ses fondements, de la première communauté chrétienne — et des communautés ultérieures — grâce à leurs charismes et à leurs multiples manières de servir. Les écrits apostoliques retiennent leurs noms, ainsi Phébée, « diaconesse de l’Église de Cenchrées » (cf. Rm 16, 1), Priscille avec son mari Aquila (cf. 2 Tm 4, 19), Évodie et Syntyché (cf. Ph 4, 2), Marie, Tryphène, Persis, Tryphose (cf. Rm 16, 6. 12). L’Apôtre parle de leurs « fatigues » pour le Christ : celles-ci montrent les divers domaines du service apostolique dans l’Église, en commençant par « l’Église domestique ». En effet, la « foi sans détour » y passe de la mère aux enfants et aux petits-enfants, comme cela eu lieu dans la maison de Timothée (cf. 2 Tm 1, 5).

             La même chose se renouvelle au cours des siècles, de génération en génération, comme le montre l’histoire de l’Église. L’Église, en effet, en défendant la dignité de la femme et sa vocation, a manifesté de la gratitude à celles qui, fidèles à l’Évangile, ont participé en tout temps à la mission apostolique de tout le Peuple de Dieu, et elle les a honorées. Il s’agit de saintes martyres, de vierges, de mères de familles qui ont témoigné de leur foi avec courage et qui, par l’éducation de leurs enfants dans l’esprit de l’Évangile, ont transmis la foi et la tradition de l’Église.

    foi,ludovine de la rochère,la vaillante,politique,christianisme,égalité,théorie du genre         À toutes les époques et dans tous les pays, nous trouvons de nombreuses femmes « vaillantes » (cf. Pr 31, 10) qui, malgré les persécutions, les difficultés et les discriminations, ont participé à la mission de l’Église. Il suffira de mentionner ici Monique, la mère d’Augustin, Macrine, Olga de Kiev, Mathilde de Toscane, Edwige de Silésie et Edwige de Cracovie, Élisabeth de Thuringe, Brigitte de Suède, Jeanne d’Arc, Rose de Lima, Elisabeth Seton et Mary Ward.

             Le témoignage et l’action des femmes chrétiennes ont eu une influence significative dans la vie de l’Église, comme aussi dans la vie de la société. Même face à de graves discriminations sociales, les saintes femmes ont agi « librement », rendues fortes par leur union avec le Christ. Cette union et cette liberté fondées en Dieu expliquent par exemple l’action importante de sainte Catherine de Sienne dans la vie de l’Église et de sainte Thérèse de Jésus dans la vie monastique.

             De nos jours, l’Église ne cesse de s’enrichir grâce au témoignage de nombreuses femmes qui épanouissent leur vocation à la sainteté. Les saintes femmes sont une incarnation de l’idéal féminin ; mais elles sont aussi un modèle de « sequela Christi », un exemple de la manière dont l’Épouse doit répondre avec amour à l’amour de l’Époux.

      

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    Article 27 de
    LA DIGNITÉ ET LA VOCATION DE LA FEMME
    Lettre apostolique Mulieris dignitatem
    15 août 1988
    Saint Jean-Paul II

            



    [i] Cf. CONC.ŒCUM. VAT.II, Const. Dogm. Sur l’Église Lumen gentium, n.10.

    [ii]Cf. ibid. n.10.

    [iii]Cf. ibid. nn. 18-29.

    [iv]Cf. ibid. n. 65 ; cf. Encycl. Redemptoris Mater, nn. 2-6 : lc., pp. 362-367.

    [v]« Ce profil marial est aussi fondamental et caractéristique de l’Église — sinon davantage — que le profil apostolique et pétrinien, auquel il est profondément uni. […] la dimension mariale de l’Église précède la dimension pétrinienne, tout en lui étant étroitement unie et complémentaire. Marie, l’Immaculée, précède tout autre personne et, bien sûr, Pierre lui-même et les Apôtres. Non seulement parce que Pierre et les Apôtres, issus de la masse du genre humain qui naît sous le péché, font partie de l’Église ”sancta ex peccatoribus”, mais aussi parce que leur triple munus ne tend à rien d’autre qu’à former l’Église dans cet idéal de sainteté qui est déjà préformé et préfiguré en Marie. Comme l’a si bien dit un théologien contemporain, ”Marie est ‘la Reine des Apôtres’, sans revendiquer pour elle les pouvoir apostoliques. Elle a autre chose et beaucoup plus” (H.U. VON BALTHASAR, Neue Klarstellungen) » : Allocution aux Cardinaux et aux Prélats de la Curie romaine (22 décembre 1987) : L’Osservatore Romano, 23 décembre 1987. 

     


    Photos : Oratoire Jean-Paul II
    église Saint-Pierre du Gros Caillou
    Paris 7ème