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GPA : la fine pointe de l'esclavage

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Pourquoi la religion des droits
ne peut défendre la personne 

 

I 

         Une marchandisation de la personne humaine s'accomplit aujourd'hui au nom de la lutte contre les discriminations, par l'accès des homosexuels, des couples stériles ou de toute autre personne à la « gestation pour autrui ». La personne est fabriquée pour être vendue au nom de l'égalité et de la liberté, puisqu'une technique est disponible, qui permet de pallier l'infécondité. Le droit de la personne devient droit à la personne – jusqu'à cette possibilité de se faire l'acquéreur d'un être humain. Une société fondée uniquement sur la liberté individuelle ne peut qu'aboutir à ce genre de paradoxe et de sauvagerie.

         Si les droits de l'homme, au départ, furent sans doute sincèrement constitués autour de la liberté, ils en sont venus à permettre la chosification de l'être humain. Sans contester leur importance, voire leur universalité, on peut s'interroger sur le fondement caché de notre société qui, au sacré, a substitué la religion du droit, de la science et du progrès. Or, sans justice qui le transcende, le droit devient pure technique et se dévore lui-même. Il peut même adouber l'infâme.

         Rappelons ce qu'est une « gestation pour autrui » : d'abord, conception en laboratoire d'un être humain à partir de deux gamètes, un spermatozoïde et un ovule, provenant souvent de deux pays différents ; puis, insémination artificielle dans une « mère porteuse » qui portera l'enfant avec lequel elle n'a généralement aucun lien génétique ; enfin, livraison du bébé aux parents commanditaires. En résumé, en parodiant à peine, on a un ovule venu d'Australie, un spermatozoïde venu d'Espagne, une conception dans un laboratoire américain et une gestation en mère porteuse en Inde, le tout pour être livré à des parents hollandais ! Voilà un vrai bébé mondialisé, dont l'origine éclatée est, de surcroît, en partie technique. La mère porteuse – qui n'est d'ailleurs pas la plus coûteuse dans cette transaction – puisqu'il faut payer des biologistes, des laboratoires, des médecins – perd donc aussitôt cet enfant qui, lui, en gardera d'inévitables troubles, puisque tout être humain désire savoir d'où il vient. Cependant, même si ces considérations sont essentielles, nous nous en tiendrons à contester le fondement d'une telle pratique : l'idée qu'on peut volontairement fabriquer un être humain en vue de le commercialiser – ou de le donner, selon une dernière hypocrisie qui sera balayée par notre argumentaire. 

         Et pourquoi pas le trafic d'organes ? Loin d'être combattu par les droits de l'homme, ce genre d'aberration en est parfois favorisé. Pour contester la « gestation pour autrui », on ne peut donc s'en tenir à une argumentation juridique. Un discours philosophique fondamental est nécessaire. Le droit peut empêcher l'esclavage, il peut aussi l'autoriser. Il y a une sorte d'envoûtement, aujourd'hui, autour du droit individuel, devenu si sacré qu'il permet de laisser passer l'énormité de la vente des êtres humains.

         Pour nous défaire des interdits contemporains, revenons à la question du sacré non pas en tant qu'objet que nous aurions perdu, mais en tant qu'énergie refoulée, méconnue, sourdement agissante chez ceux mêmes qui la nient. Notre société ne manque pas de sacré, mais de clarté. L'homme est comme obnubilé par un sentiment de toute-puissance où toute limite apparaît comme une violence. Pourtant, même si elle peut provenir de la contrainte, la violence vient plus sûrement encore du manque de structure. La question n'est donc pas de se débarrasser du sacré, des tabous, des interdits, mais de savoir les placer au bon endroit. 

         La religion de la liberté, s'étant fondée contre le christianisme mais aussi avec lui, est une sorte de contre-religion qui en a absorbé des éléments. Le libéralisme politique a quelque chose de chrétien et d'antichrétien. Ainsi de beaucoup de nos mouvements politiques, comme le socialisme. Cela, loin d'être paradoxal, est contenu dans les Évangiles. Leur fécondité particulière – certains diront subversive – recèle comme la semence de toute modernité. En effet, Jésus ne cesse de critiquer le faux sacré, l'hypocrisie des prêtres, et finalement la religion afin de la réduire à l'essentiel : la relation à Dieu et la conformation de nos agissements à sa sainteté. Le dépouillement christique n'est pas seulement matériel, il est une dénudation du sacré jusqu'à son point d'exactitude et de rayonnement libérateur : la contemplation du créateur en esprit et en vérité. Cette exigence d'adéquation intérieure et extérieure suscitant, à travers l'Histoire, les différentes crises du christianisme, reste comme le ferment réformateur de l’Église.

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II

         La victoire des philosophes au XVIIIème siècle est celle d'un certain matérialisme, mais l'élan qui porte la société vers la Révolution a quelque chose de religieux. Ce mouvement a gardé la force de libération de l’Évangile mais en en supprimant la source. Curieusement, en ce qu'il est religieux, il est antichrétien, et en ce qu'il est laïcisé, il est pétri de christianisme. N'interpréter la Révolution qu'en terme de triomphe de l'intérêt bourgeois ne pourrait rendre compte du mouvement plus large dans lequel elle s'inscrit et dont elle forme une sorte de concrétion ou de synthèse. Il y a ici un point aveugle qui est la contradiction même de son dogme : la négation de tout mystère au profit de la Raison ne peut se fonder que de manière mystique et ne peut déboucher que sur une religion certes refoulée, mais tout aussi obligatoire qu'une autre. 

         L'idée que la raison suffit à interpréter le monde et à gouverner nos vies accompagne le développement du capitalisme et se traduit par une conception de plus en plus gestionnaire de la vie sociale. La montée en puissance de l'argent comme agent organisateur n'a sans doute pas que des conséquences négatives. Le progrès matériel, l'égalisation juridique, la liberté individuelle viennent pour une part de cette rationalisation. Pourtant, nous voyons bien que si le « dieu Intérêt » devient le prince unique du monde, cela nous conduira vers l'enfer d'un matérialisme pur. Face à cette possibilité insupportable, le droit individuel joue sa partition mystique : la rationalisation trouve son contrepoint dans le culte de la liberté, synonyme de jouissance et de vie.

         Si deux conceptions de l'homme s'affrontaient, l'une matérialiste, l'autre sacrée, vous n'auriez pas tant d'adorateurs de la matière chez les religieux, ni tant d'idolâtres cachés chez les matérialistes. La question se pose donc autrement, en terme de mouvement. Le sacré est un principe organisateur que la modernité vient rationaliser et transférer en technique, en culture, en institution. Je ne parle pas spécialement de notre modernité, mais de toute modernité qu'il nous est donné, depuis le néolithique, d'observer à travers l'Histoire.

         Le sacré, c'est l'intouchable. L'homme, dépassant la nature, doit trouver de nouveaux moyens d'équilibre s'il ne veut basculer dans la violence. La culture sera ce nouvel ordre, lui-même en mouvement. Le sacré en est l'acte initial : il dresse des limites, oriente l'énergie, donne forme et sens aux pratiques. L'interdit et l'adoration en sont les deux versants – que ce soit d'un objet, d'un lieu, d'une personne, voire d'une idée ou d'un nom. Le sacré est la séparation qui instaure le règne de la culture, autrement dit de l'humanité. Est-ce à dire que notre monde est exclusivement culturel – certes pas : le premier sacré n'est pas un acte d'arrachement à la nature, mais le rétablissement d'un équilibre alors que notre sortie du règne naturel ouvrait une béance. Il élabore une seconde nature. Tout cela ne vient pas d'un instant, bien sûr, mais d'un long processus qui se poursuit toujours. 

         Deux qualités de sacré s'esquissent. L'une, disons, plus totémique, l'autre plus légale. Prenant de la distance envers les interdits ou les adorations, l'homme en décompose les nécessités, en pointe les aspects arbitraires, il en comprend le sens comme le poids mais il en relativise, du même coup, le caractère inamovible. À travers le temps, le sacré se transfert en savoir. L'interdit devient juridique, la notion devient scientifique, l'adoration devient artistique. Sans lui, la civilisation n'existerait pas, mais celle-ci, prise dans un mouvement irrésistible qui l'éloigne du sacré, le fera dès lors apparaître comme archaïque. Une question se pose : s'il est nécessaire à l'origine, notre croissance en humanité permettrait-elle de sortir définitivement du sacré, afin d'entrer dans l'âge de raison ? C'est ce que nous disent deux frères pourtant ennemis – le libéralisme et le marxisme – fils du matérialisme – qui du moins sur ce point seront d'accord. 

         En vérité, si vous éliminez le sacré, vous le verrez renaître sous diverses formes. Si vous détruisez l'idée de Dieu, vous divinisez d'autres choses, à commencer par la matière, et vous figerez en dogme cet acte de négation qui formera une croyance inversée. Il est ainsi d'irréductibles mécanismes que notre raison, capable de les discerner, s'obstine à ne pas voir car elle serait obligée de reconnaître ce qui la dépasse. Si votre Dieu est la Raison, alors, fatalement, votre raisonnement sera amputé de l'immense partie du réel qui vous échappe. Rien de plus irrationnel que la raison sans dehors, qui prétend surplomber le monde. Auguste Comte en est devenu fou. D'autres victimes courent les rues en ce moment. 

         Certes, il y a du mauvais sacré, du sacré figé, et figeant, il y a surtout du sacré violent. Soyons donc modernes, opérons notre critique du mauvais sacré ou plutôt œuvrons à préciser ce que cachent nos interdits – c'est-à-dire essentiellement des blessures – sans nous lasser de le faire, mais sans non plus croire que nous pourrons un jour arriver au bout d'un tel processus en éliminant le mystère lui-même. 

         Nous sommes à peu près tous pour cette modernité, celle qui éclaircit notre rapport au réel sans faire sauter le suprême interdit, de nous croire les auteurs de nos destins et les maîtres de la Création. Mais, pour ce moderne que nous sommes, qui a accepté le grand dépouillement du sacré au profit de la spiritualité et de la connaissance, que reste-t-il de sacré ? D'abord, une évidence : ce bon sacré se réduit presque à une admission du mystère de l'existence, un mystère de l'origine qui nous échappe... Ce mystère, il n'est pas obligatoire dans un premier temps d'en décider, simplement de l'admettre. De là, je crois, ce qui ne peut que réconcilier les bonnes volontés : le sacré, notre sacré le plus caché et le plus brandi, le plus intime et en même temps le plus universel, c'est le respect de la personne humaine, l'affirmation de son éminente et intangible dignité, de son caractère irremplaçable et singulier. Or, cela, auquel portent gravement atteinte les dernières avancées du libéralisme – mais pas seulement lui – à travers par exemple la commercialisation des utérus et des bébés – cela, que nous chérissons au plus près en son mystère lié à celui de l'origine, s'identifie à l'humanisme chrétien.

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III 

         Pour répondre aux promoteurs de la vente des êtres humains, je ne vois pas de plus vigoureuse prise de parole que celle, énoncée au quatrième siècle par un Père de l’Église, Saint Grégoire de Nysse, dans sa quatrième homélie sur l'Ecclésiaste, qui est aussi l'un des premiers argumentaires contre l'esclavage.

         L'originalité de son approche est que, loin d'attaquer cette pratique, comme d'autres chrétiens de son époque, pour des raisons morales ou sentimentales, Grégoire s'en tient à l’Écriture et à l'orthodoxie. Son approche est théologique. Parmi les devoirs d'un chrétien, la précision est essentielle. Parler juste, sous l'autorité de l’Église, fait partie des dons de notre personne au monde. J'oserais même dire que c'est le premier devoir d'un prêtre, à fortiori d'un pape, un devoir de charité. Préférons un pape rude, pointilleux sur le dogme, à un prélat onctueux qui, allant ostensiblement embrasser les pauvres, en oublierait la précision de la doctrine ! Ainsi Grégoire, dans son argumentaire contre l'esclavage, ne cherche pas l'émotion mais la solidité. Il part de deux affirmations de la Genèse : la création de l'homme à l'image de Dieu, d'une part ; et d'autre part sa suprématie sur la nature, sa capacité à la gérer et à régner sur elle. De ces postulats, Grégoire tire une conséquence majeure : l'homme n'est pas monnayable. La nature elle-même pourrait-elle être achetée ? Et quand bien même ce serait possible, Dieu pourrait-il l'être ? Il attaque d'abord assez classiquement la transaction sur le plan de l'orgueil :

St Grégoire de Nysse.jpgY a-t-il autant matière à fatuité (…) que lorsque un homme se considère le maître de ses congénères ? « J'ai acquis, dit-il, des esclaves et des servantes, et j'ai eu des serviteurs nés chez moi. » Vois-tu l'énormité de la forfanterie ? Une telle parole s'élève ouvertement contre Dieu.

         La force avec laquelle Grégoire place l'esclavage comme un défi à Dieu se trouve justifié, fondé par l’Écriture :

St Grégoire de Nysse.jpg

Car nous avons entendu dire par la prophétie que toutes choses sont les esclaves du pouvoir qui est au-dessus de tout. Or, l'homme qui fait de ce qui est à Dieu son propre bien et qui s'attribue domination sur son semblable, au point de se croire le maître d'hommes autant que de femmes, que fait-il d'autre que transgresser la nature par son orgueil, lui qui se voit différent de ceux qu'il commande ?

         On notera l'importance de cette différence faite entre les hommes, signe d'un péché essentiel – l'orgueil – qui en engendre d'autres – tous les saints, tous les pères de l’Église ont ainsi affirmé la fondamentale égalité de tous les hommes. Cependant, la critique de cette mauvaise différence ne saurait être la négation de nos singularités, voire de nos hiérarchies, puisque cette profonde égalité devant Dieu repose précisément en cet amour qu'il a pour chaque créature, et plus encore pour chaque personne. C'est l'un des génies du christianisme et la clef de l'humanisme chrétien : notre commune et singulière dignité se réalise dans la distinction. L'argumentaire se termine justement sur l'égalité fondamentale issue non pas d'un désir politique mais de la nécessaire humilité :

St Grégoire de Nysse.jpg

Car je ne vois rien que tu possèdes en plus que ton « sujet » – tu le nommes ainsi – à part le nom. En effet, qu'est-ce que ton pouvoir a ajouté à la nature ? Ni temps, ni beauté, ni bonne santé, ni les avantages que donne la vertu. Tu nais des mêmes êtres humains, ta vie se déroule de la même manière, les passions de l'âme et du corps vous dominent autant, toi, le maître, et celui soumis au joug de ta domination : douleurs et satisfactions, joies et inquiétudes, chagrins et plaisirs, colères et craintes, maladies et morts. Y a-t-il là une différence entre esclave et maître ? N'aspirent-ils pas le même air avec leurs poumons ? Ne voient-ils pas pareillement le soleil ? Ne se conservent-ils pas pareillement en se nourrissant ? Leurs organes ne sont-ils pas disposés de la même façon ? Ne sont-ils pas tous deux une même poussière après la mort ? N'y a-t-il pas un même jugement ? N'ont-ils pas un royaume commun, une commune géhenne ? Toi donc qui as en tout un sort égal, en quoi as-tu davantage, dis-moi, pour te croire, toi, un homme, souverain d'un autre homme et pour dire : « J'ai acquis des esclaves et des servantes », comme on acquiert quelques troupeaux de chèvres et de cochons ? En effet, après avoir dit : « J'ai acquis des esclaves et des servantes », il a ajouté l'abondance en troupeaux de brebis et de bœufs qui était devenue la sienne. « J'ai fait acquisition, dit-il, de brebis et de bœufs en quantité », comme si animaux et esclaves étaient à rang égal soumis à son pouvoir. 
 

         Grégoire de Nysse était médecin. On remarque, au-delà de l'éloquence du lettré grec, combien l'intériorité organique du corps, sa composition et ses nécessités, sont accompagnées des considérations morales pour montrer que rien, du dedans, du dehors, ne peut distinguer les hommes sinon la vertu. Or celle-ci, jamais acquise, n'aura pour juge que Dieu. 

         Le mystère chrétien est en un sens celui de la modernité. L'émancipation – au sens propre la sortie d'esclavage – est une conséquence essentielle de la Révélation et de la Rédemption. « La Vérité vous rendra libre ». En effet, toutes les sacralités, toutes les distinctions artificielles tomberont plus ou moins vite dans les sociétés chrétiennes, au profit du développement spirituel et humain – processus que notre modernité a affolé et détourné pour nous faire entrer dans un âge d'indistinction – vers une régression pire, en un sens, que l'ordre sacral dont nous sortions. Cette liberté originelle, corollaire de la création de l'homme à l'image de son créateur, essentielle pour qu'il y ait amour, est aussi une épreuve – puisque elle contient la possibilité de se détourner de Dieu, voire de se tourner résolument vers le mal. Ainsi dit la Genèse, la prise du fruit nous coupe de la grâce. Enfermé dans le gouvernement et la jouissance d'un soi qui usurpe la place de Dieu, on perd la capacité d'accueillir le réel, l'imaginaire conflictuel reprend violemment le dessus. C'est précisément, me semble-t-il, le geste sacral et sacrilège de la modernité occidentale.

         Notre liberté a une limite : si on en jouit pour soi, on la perd, car on se soumet à un esclavage qui est le pire de tous : de soi-même. On doit donc, si on veut qu'elle soit féconde, rendre au Créateur cette liberté qu'il nous offre et qu'il fera grandir. Certains – voyant là un sujet de révolte – refusent un tel échange d'amour entre le Créateur et sa créature. Le péché, c'est vouloir s'approprier la liberté et le jugement en supprimant la filiation divine. Ainsi l'acheteur ou le marchand d'esclave :

St Grégoire de Nysse.jpg

« J'ai acquis des esclaves et des servantes. » Que veux-tu dire ? Tu condamnes à l'esclavage un homme dont la nature est libre et autonome, et tu légifères en t'opposant à Dieu, en renversant la loi qu'il a établie pour la nature. En effet, celui qui est né pour être maître de la terre (l'homme, d'après Genèse, I, 26, nda), qui a été placé par le créateur pour commander, tu le soumets au joug de l'esclavage en combattant, en transgressant pour ainsi dire l'ordre divin. Tu as oublié les limites de ton pouvoir, tu as oublié que le commandement t'a été imparti dans les limites de l'autorité sur les êtres sans raison. « Qu'ils commandent, dit l’Écriture, aux volatiles, aux poissons, aux quadrupèdes et aux reptiles. » Comment, outrepassant ton droit à l'asservissement, t'élèves-tu contre la nature libre elle-même (c'est-à-dire l'homme, nda), en comptant au nombre des quadrupèdes et des animaux sans pattes celui qui est de la même race que toi ? « Tu as tout soumis à l'homme », proclame la prophétie à propos de Dieu (Psaume 8) et cette parole met dans le nombre des êtres qui sont en notre pouvoir « troupeaux, bœufs, et bétail ». Mais toi, tu as déchiré la nature par l'esclavage et la domination, tu l'as faite esclave d'elle-même et dominatrice d'elle-même. 
 

         Le désir d'égaler Dieu, de le singer ne peut se faire qu'en supprimant, d'une manière ou d'une autre, l'image divine. On perd la divine ressemblance à vouloir l'acquérir. « Vous serez comme des dieux », suggère le Serpent pour inciter à la prise du fruit, le seul interdit, qui pend à l'arbre de la connaissance du bien et du mal, autrement dit du jugement. À cela, Jésus répond qu'au contraire nous devons devenir « petits enfants », non pas dans le sens d'une régression, mais d'une acceptation de la filiation divine. Qu'est-ce qu'un enfant ? Quelqu'un qui grandit. À mesure que nous recevons Dieu, nous nous dépouillons de l'orgueil vis-à-vis du prochain : il y a là un système vertueux qui produit la maturité collective et individuelle des sociétés chrétiennes.

         C'est la singularité même de la personne la signature de cette liberté et de cette ressemblance. En effet, si chaque personne est à aimer d'un même amour c'est qu'elle est singulière, singulièrement l'image de Dieu pourrait-on dire, et que nul ne peut l'égaler en ce qu'elle est elle-même. Ce qui revient à dire qu'aimer Dieu, c'est aimer aussi une personne, la personne objective et singulière par excellence. La limite à notre liberté est la fragilité de la personne, l'effroi que nous aurions à l'offenser, car ainsi nous offenserions Dieu. Le jour, alors, devient ce lieu de partage que Jésus appelle le Royaume « au milieu de vous ». Il est tout intériorité – caché en Dieu – certes – mais il affleure ici dès qu'il y a accueil et partage de charité. Quelle boucle plus parfaite pourrait être esquissée que cette vérité : l'homme, à l'image de Dieu, reçoit cette image en l'autre, met en acte cette ressemblance en aimant son prochain pour aimer Dieu, et aime Dieu pour mieux aimer son prochain, se conformant ainsi à cette divine ressemblance.

         Le péché, certes, a brisé cette relation vertueuse, produisant notre monde fragmenté et cupide. C'est là que le Christ, en donnant toute sa plénitude à cette ressemblance, restaure le Pont entre la créature et Dieu. Le manque d'amour, l'opacification de cette ressemblance par la préoccupation que nous avons de nous diriger et de juger est alors travaillée par la grâce, raclée, et l'âme, qu'on ne voyait plus, retrouve sa nature de miroir de Dieu. L'Incarnation, en effet – folie pour les Grecs, scandale pour les Juifs, blasphème pour les musulmans – oui, cette folie est nécessaire pour nous faire comprendre enfin – et jusqu'à la Croix – que ce n'est pas un jeu : nous sommes vraiment à l'image de Dieu, libres, précieux, chacun, mais ce don est d'un tout autre poids qu'une simple application des droits modernes. Et chaque être, ainsi, a un prix infini, qui n'est pas même celui du monde. Grégoire le dit déjà, dans un passage qui ne peut aujourd'hui encore que nous interpeller par sa précision :

St Grégoire de Nysse.jpg

« J'ai acquis des esclaves et des servantes. » A quel prix, dis-moi ? Qu'as-tu trouvé, parmi les êtres, de même prix que la nature ? À quelle somme as-tu évalué la raison ? Combien de pièces de monnaie as-tu payé en échange de l'image de Dieu ? Contre combien de statères as-tu échangé la nature façonnée par Dieu ? « Dieu dit : Faisons l'homme à notre image et ressemblance. » Celui qui est à la ressemblance de Dieu, qui commande à toute la terre et qui a reçu de Dieu en héritage le pouvoir sur tout ce qui est sur la terre, qui peut le vendre, dis-moi, et qui peut l'acheter ? À Dieu seul ce pouvoir : et encore, pas même à Dieu ! Car « il ne se repent pas de ses dons », est-il dit. Dieu ne saurait asservir la nature, lui qui volontairement nous a appelés à la liberté, alors que nous nous étions asservis au péché. 

 

         On ne saurait insister sur la force avec laquelle le christianisme détruit toute sacralité de pouvoir et de superstition pour placer le seul sacré dans la personne – divine en premier lieu, humaine ensuite – mais pratiquement à égalité – non que l'homme soit son égal, mais parce que Dieu se porte vers lui pour le combler de grâce, lui qu'il a fait à sa ressemblance : Combien de pièces de monnaie as-tu payé pour acheter l'image de Dieu ? La question rhétorique va bien au-delà d'un argumentaire contre l'esclavage, elle exige une vigilance dans notre rapport quotidien à ces unités de Dieu que sont nos époux, nos enfants, nos collègues et n'importe quel passant ! Oui, fussent-ils pécheurs, ils sont l'image de Dieu – déformée, parfois brisée, toujours fragile, mais, au fond, intacte jusqu'au bout : qui peut le vendre, dis-moi, et qui peut l'acheter ? À Dieu seul ce pouvoir : et encore, pas même à Dieu ! Car il ne se repent pas de ses dons.

         Ainsi Malebranche, à la suite de Saint Augustin, rappelle qu'il faut haïr le crime, mais toujours aimer le pécheur. Cette distinction entre le crime et la personne va pour nous plus loin, elle est une distinction entre les idéologies, les religions, les pensées, et les personnes elles-mêmes. Ce discernement doit nous accompagner dans le combat. Je peux détester l'idéologie du genre, la promotion de la mort et du commerce humain, mais non pas les personnes qui véhiculent ces horreurs, et qui sont, qu'elles le sachent ou non, enfants de Dieu. De même, je peux contester la véracité d'autres religions, et, si je suis chrétien, je ne peux que le faire ; en revanche, je dois aimer leurs pratiquants comme tous ceux qui vont sans religion, et prier pour eux, rester humble devant eux – car tout à l'heure, à coup sûr, l'un d'eux me donnera une leçon de charité ou de courage. Ne l'oublions pas, l'offense à Dieu, nous l'avons aussi portée, en tant que société, en tant qu'individu, tous, sans exception.

         Nous devrions en finir avec nos sempiternelles argumentations autour des droits, il y a quelque chose d'à la fois plus ouvert et plus précis pour affirmer l'éminente dignité de chacun : la Vérité ! Celle-ci ne nous appartient pas, certes, et c'est bien ce que nous sommes en train de dire. Comment mieux contester la pratique barbare des mères porteuses, la fabrication et la vente des bébés, que par des arguments théologiques ? À moins de nous perdre en exemples, en suggestions sentimentales, en circonvolutions philosophiques plus ou moins vagues, nous devons en revenir au dogme. Oui, la Foi est nécessaire, mais une Foi qui s'énonce ainsi est entendue de tout homme, car elle est articulée à ses conséquences concrètes : la sacralité intangible de la personne humaine. Il s'ensuit une théologie de la fragilité et de la liberté qui a des conséquences politiques. Voilà ce qu'au IVème siècle un homme disait déjà dans sa prose d'une rare profondeur.

         Cette sacralité réduite à l'essentiel – la personne humaine – ne saurait nous conduire au mépris de la nature. C'est d'ailleurs un équilibre spécial que nous risquons de perdre dans nos villes, où tout, même le sol, a été remplacé. Oui, nous sommes tellement entourés de nos propres constructions que nous en oublions plus facilement le Créateur de l'univers. Il y a pourtant un sentiment qui n'est nullement profane, d'admiration, de contemplation de la nature, et j'oserais dire qu'il est même nécessaire au poids que nous donnons à cette notion d'image de Dieu. Voilà le dernier coup que porte Saint Grégoire de Nysse à la maudite transaction de l'esclavage :

St Grégoire de Nysse.jpg

Mais si Dieu n'asservit pas ce qui est libre, qui peut établir au-dessus de Dieu sa propre domination ? Comment sera vendu celui qui commande à la terre et à ce qui se trouve dessus ? Car obligatoirement on achète, avec l'homme qui est vendu, tout ce qui lui appartient. À combien estimerons-nous la terre ? Et à combien tout ce qui est sur la terre ? Et si c'est inestimable, à quel prix estimes-tu, dis-moi, celui qui est au-dessus de tout ? Dirais-tu « le monde entier » que tu ne trouverais même pas le prix qui convient. Car celui qui sait estimer la nature humaine à son juste prix a dit que le monde entier n'est pas digne d'être échangé contre l'âme d'un homme. Chaque fois qu'un homme est à acheter, ce n'est pas moins que le maître de la terre qui est conduit au marché. Donc ce qui sera vendu à la criée en même temps que cet homme, c'est évidemment aussi la création existante. Et la création, ce sont la terre, les îles, la mer, et tout ce qu'elles contiennent. Que paiera donc l'acheteur ? Que recevra le vendeur, si c'est une telle possession qui accompagne la transaction ? Mais le petit livret, l'engagement écrit et le paiement en espèces t'ont-ils convaincu avec leur tromperie que tu étais maître de l'image de Dieu ? Ô folie ! Et si le contrat se perdait, si les lettres étaient mangées par les vers, si une goutte d'eau en tombant les effaçait, où seraient les gages de ton droit à asservir ; et où, les moyens de ta domination ?

         Nous vivons dans une fiction que nous croyons réelle : le contrat. Et ce contrat, si nécessaire soit-il par ailleurs, nous en avons fait le dernier sacré. Les forces de négation et de cupidité se sont engouffrées dans la faille, et voilà le retour pervers de l'esclavage. Oh, je sais, lorsqu'on vend un enfant on ne vend pas un esclave, on destine un être à des parents d'intention. Mais comment peut-on nier qu'il y aura, à l'origine, la même transaction exactement que celle dénoncée par Grégoire de Nysse ? Et si l'enfant était donné comme le prétendent certains – ce qui est difficile à croire étant donné le processus de fabrication et les fatigues de la grossesse – cela voudrait dire qu'on en dispose comme d'une possession, puisqu'on ne peut donner que ce qui nous appartient. Or, un être humain n'appartient à personne, pas même à ses parents – à personne si ce n'est à Dieu – encore celui-ci nous laisse libre de nous détourner et ne reprend pas ses dons.

         La chosification de l'être humain ne peut donc être combattue avec les arguments du droit, nous devons ramener le débat aux fondements qui constituent ce en quoi nous croyons. Même un athée comprendra symboliquement cette sacralité de la personne humaine. La singularité est le seul contrepoint à l'infini. Or, aujourd'hui, certains voudraient tout simplement nier la personne humaine. Nous trouverons des alliés partout dans ce combat, mais n'ayons plus peur d'employer ces arguments théologiques, car ils sont en vérité les seuls solides. Sinon, nous serons incohérents et nous aurons craint davantage le regard des hommes que celui de Dieu.

         À la suite de la quatrième homélie sur L’ecclésiaste, Grégoire dans la cinquième engage une attaque contre l'or et le prêt à intérêt. En faisant un culte à la matière – ou au néant du métal jaune – ou, aujourd'hui, au chiffre apparemment efficace de nos comptes en banque – nous adorons une illusion au lieu de la sainte et invisible réalité du Créateur qui nous regarde à tout instant. Notre seul vrai bien est notre prochain, non pas que nous le possédions, mais parce que nous l'accueillons et que par lui nous pouvons accueillir Dieu. En substituant à la sacralité de la personne l'équivalent universel, nous nous éloignons considérablement de notre pauvreté essentielle, qui est la seule vraie richesse, puisqu'elle seule nous ouvre à la Grâce. Voilà l'ultime et merveilleux mystère chrétien : Dieu se fait pauvre. Dieu lui-même se fait fragile. Oui, pour te conformer à son image, cher lecteur, tu n'as que cela à faire : l'aimer, lui, pour ce qu'il est, dans son incompréhensible richesse et profusion, toute transcendance, mais l'aimer, lui, pour ce qu'il est, dans l'image de ton frère – même déformée, même brisée par le péché ou la folie – l'amour infini qui se dépouille jusqu'à nous. Tu marcheras, alors, avec la liberté des enfants de Dieu...
 

Lucien Fornello
pour La Vaillante

 

         Voici in-extenso cette partie de la quatrième homélie sur L'ecclésiaste, de Saint Grégoire de Nysse, traduite et annotée par Françoise Vinel aux éditions du Cerf en 1996, dans la très belle collection des Sources Chrétiennes (il m'est arrivé, dans le texte, de légèrement modifier la traduction).

 

St Grégoire de Nysse.jpg            Homélie IV 

         C'est encore le sujet de la confession qui retient notre texte. En effet, l'ecclésiaste, en racontant ce qui chez lui fait reconnaître la vanité des choses de cette vie, passe pour ainsi dire tout en revue. Et maintenant, il aborde comme objet d'une accusation plus grave que celles de ses actions qui lui font dénoncer la passion de l'orgueil. Y a-t-il autant matière à fatuité dans les biens qu'il a dénombrés – maison somptueuse, abondance de vignes, l'agrément des potagers et, pour les eaux, leur collecte dans les bassins et leur répartition dans les jardins – que lorsque un homme se considère le maître de ses congénères ? « J'ai acquis, dit-il, des esclaves et des servantes, et j'ai eu des serviteurs nés chez moi. » Vois-tu l'énormité de la forfanterie ? Une telle parole s'élève ouvertement contre Dieu. Car nous avons entendu dire par la prophétie que toutes choses sont les esclaves du pouvoir qui est au-dessus de tout. Or, l'homme qui fait de la possession de Dieu sa propre possession et qui s'attribue domination sur sa race, au point de se croire le maître d'hommes aussi bien que de femmes, que fait-il d'autre que transgresser la nature par son orgueil, lui qui se regarde comme différent de ceux qu'il commande ?

         « J'ai acquis des esclaves et des servantes. » Que veux-tu dire ? Tu condamnes à l'esclavage l'homme dont la nature est libre et autonome, et tu légifères en t'opposant à Dieu, en renversant la loi qu'il a établie pour la nature. En effet, celui qui est né pour être maître de la terre (l'homme, d'après Genèse, I, 26), celui qui a été placé pour commander par le créateur, tu le soumets au joug de l'esclavage, en combattant et en transgressant pour ainsi dire l'ordre divin. Tu as oublié les limites de ton pouvoir, tu as oublié que le commandement t'a été imparti dans les limites de l'autorité sur les êtres sans raison. « Qu'ils commandent, dit l’Écriture, aux volatiles, aux poissons,  aux quadrupèdes et aux reptiles. » Comment, outrepassant ton droit à l'asservissement, t'élèves-tu contre la nature libre elle-même, en comptant au nombre des quadrupèdes et des animaux sans pattes celui qui est de la même race que toi ? « Tu as tout soumis à l'homme », proclame la prophétie à propos de Dieu (Psaume 8) et cette parole met dans le nombre des êtres qui sont en notre pouvoir « troupeaux, bœufs, et bétail ». Mais toi, tu as déchiré la nature par l'esclavage et la domination, tu l'as faite esclave d'elle-même et dominatrice d'elle-même. « J'ai acquis des esclaves et des servantes. » A quel prix, dis-moi ? Qu'as-tu trouvé, parmi les êtres, de même prix que la nature ? À quelle somme as-tu évalué la raison ? Combien de pièces de monnaie as-tu payé en échange de l'image de Dieu ? Contre combien de statères as-tu échangé la nature façonnée par Dieu ? « Dieu dit : Faisons l'homme à notre image et ressemblance. » Celui qui est à la ressemblance de Dieu, qui commande à toute la terre et qui a reçu de Dieu en héritage le pouvoir sur tout ce qui est sur la terre, qui peut le vendre, dis-moi, qui peut l'acheter ? À Dieu seul appartient ce pouvoir : bien plus, pas même à Dieu lui-même ! Car « il ne se repent pas de ses dons », est-il dit. Dieu ne saurait asservir la nature, lui qui volontairement nous a appelés à la liberté, nous qui avions été asservis au péché.

         Mais si Dieu n'asservit pas ce qui est libre, qui peut établir au-dessus de Dieu sa propre domination ? Et comment sera aussi vendu celui qui commande toute la terre et tout ce qui est sur la terre ? Car il est de toute nécessité que le bien de celui qui est vendu soit cédé en même temps que lui. À combien estimerons-nous donc toute la terre ? Et à combien tout ce qui est sur la terre ? Et si c'est inestimable, à quel prix estimes-tu, dis-moi, celui qui est au-dessus ? Dirais-tu « le monde entier » que tu ne trouverais même pas le prix qui convient. Car celui qui sait estimer la nature humaine à son juste prix a dit que le monde entier n'est pas digne d'être échangé contre l'âme d'un homme. Chaque fois qu'un homme est à acheter, ce n'est pas moins que le maître de la terre qui est conduit au marché. Donc ce qui sera vendu à la criée en même temps que cet homme, c'est évidemment aussi la création existante. Et la création, ce sont la terre, les îles, la mer, et tout ce qu'elles contiennent. Que paiera donc l'acheteur ? Que recevra le vendeur, si c'est une telle possession qui accompagne la transaction ? Mais le petit livret, l'engagement écrit et le paiement en espèces t'ont-ils convaincu avec leur tromperie que tu étais maître de l'image de Dieu ? Ô folie ! Et si le contrat se perdait, si les lettres étaient mangées par les vers, si une goutte d'eau en tombant les effaçait, où seraient les gages de ton droit à asservir ; et où, les moyens de ta domination ?

         Car je ne vois rien que tu aies en plus par rapport à ton sujet – tu le nommes ainsi – que le nom. En effet, qu'est-ce que le pouvoir a ajouté à la nature ? Ni temps, ni beauté, ni bonne santé, ni les avantages que donne la vertu. Tu nais des mêmes êtres humains, ta vie se déroule de la même manière, les passions de l'âme et du corps vous dominent autant, toi, le maître, et celui qui est soumis au joug de ta domination : douleurs et satisfactions, joies et inquiétudes, chagrins et plaisirs, colères et craintes, maladies et morts. Y aurait-il en cela une différence entre l'esclave et le maître ? N'aspirent-ils pas le même air avec leurs poumons ? Ne voient-ils pas pareillement le soleil ? Ne conservent-ils pas semblablement leur nature à l'aide de la nourriture ? Leurs entrailles ne sont-elles pas disposées de la même façon ? Ne sont-ils pas tous deux une même poussière après la mort ? N'y a-t-il pas un même jugement ? N'ont-ils pas un royaume commun et une commune géhenne ? Toi donc qui as en tout un sort égal, en quoi as-tu davantage, dis-moi, pour te croire, toi, un homme, souverain sur un homme et pour dire : « J'ai acquis des esclaves et des servantes », comme on acquiert quelques troupeaux de chèvres et de cochons ? En effet, après avoir dit : « J'ai acquis des esclaves et des servantes », il a ajouté l'abondance en troupeaux de brebis et de bœufs qui était devenue la sienne. « J'ai fait acquisition, dit-il, de brebis et de bœufs en quantité », comme si animaux et esclaves étaient soumis à rang égal à son pouvoir.

Grégoire de Nysse

Icône mosaïque datant du XIIIème siècle

Article repris par Ichtus : http://www.ichtus.fr/gpa-la-pointe-de-lesclavage/

 

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