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vulnérabilité - Page 2

  • Un serment en soi-même : jamais nous n’abandonnerons les combats de la famille, pour nos familles et pour la France

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    Grenelle de la famille

     

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    « De nouvelles réalités s’imposent à tous. L’idée qu’on fasse aujourd’hui la promotion de l’adultère dans les couloirs du métro ne touche pas qu’une strate de la population, ne touche pas que les militants de La Manif Pour Tous, ne touche pas que les premiers engagés dans la résistance qu’est LMPT, mais touche bien l’ensemble des populations. Et l’ensemble des populations, bien sûr, est très choqué par cette évolution. J’ai trente neuf ans et je dois dire que la France de mon enfance me manque. Elle me manque. Pourquoi ? Parce que c’est allé beaucoup trop vite. L’accélération de l’histoire agit de manière extrêmement pernicieuse et en très peu de temps nous avons connu le Pacs, puis le mariage maintenant « pour tous », demain très certainement la Pma et au nom de l’égalité, la Gpa. Je dis tout cela parce que je pense que nous sommes gardiens d’un patrimoine. Lorsque nous évoquons la famille il s’agit là bien d’un patrimoine. Nous sommes à Bordeaux : Bordeaux est le plus grand ensemble urbain au monde classé par l’UNESCO et tout cela est le fruit d’une bataille. Préserver un patrimoine et le transmettre intact aux générations futures est de l’ordre quasiment de l’eschatologie. Il y a une dimension chevaleresque dans le fait de prendre conscience de l’importance de ce que peut être une faune, une flore ou un ensemble urbain. Mais qu’est-ce que la famille face à une faune, une flore ou un ensemble urbain ? Bien évidemment, elle est au-delà de tout cela. Et je pense que nous sommes une génération de résistants. Je pense que aujourd’hui soit on s'engage, soit on est complice, soit on collabore. Et notre idée à La Manif Pour Tous a tenu en deux temps. Un premier temps que nous n’avons pas vraiment contrôlé. Nous avons réagi : c’est le temps des manifestations, celui où, poussés par un élan « surhumain », nous avons été des millions à nous déplacer dans les rues. C’est le premier temps qui allait très bien d’ailleurs avec la figure de notre première porte-parole, Frigide Barjot. Mais aujourd’hui nous sommes dans un second temps. Un temps plus posé, plus mûr, qui est extrêmement dangereux parce que les médias parlent moins de nous. Ce soir, Sud-Ouest a choisi de ne pas venir couvrir cet événement. Et on peut se poser la question : est-ce que parce que les médias parlent moins de nous, de notre combat, notre résistance serait-elle moins légitime ? Évidemment non. Donc, je voudrais vous dire, mais avec mon cœur, que tous les gens qui ont pris les tgv pour partir à Paris, vous y étiez certainement, dites-vous que nous avons besoin tout autant de ces gens-là dans cette deuxième partie de travail qui sera plus posé, plus lié à la réflexion, lié à la « pro-activité ». Nous allons anticiper, maintenant, car nous savons que nous avons un impact certain sur le gouvernement, sinon nous aurions déjà la PMA et plus encore. Soyons extrêmement conscients que nous sommes le plus grand mouvement populaire que la France ait porté depuis mai 68. N'en déplaise aux médias. (…)

    La mobilisation continue, n'en déplaise aux médias. Nous sommes une génération charnière, ne soyons pas le maillon faible. Nous avons tous eu la chance de vivre dans une famille. Eh bien moi, personnellement, je souffre parfois d'insomnie, parce que je me dis : "Est-ce que j'ai vraiment tout fait pour que cette loi ne passe pas ?" L'idée d'imaginer un enfant qui n'a rien demandé, élevé par deux hommes ou par deux femmes, me fait terriblement mal au cœur. Le cœur ne suffit pas : au sentiment doit succéder la réflexion et à la réflexion doit succéder l'engagement, l'action. Nous avons connu comme je l’ai dit tout à l’heure une première phase, qui dépendait un peu des actions du gouvernement auxquelles nous avons réagi. Nous sommes dans une deuxième phase de réflexion. Nous devons dans cette deuxième phase absolument retrouver le maillage de toutes celles et ceux qui se sont engagé(e)s durant cette première période, sinon notre mouvement risque de se défaire, de se déliter, et nous n'aurions pas perdu qu'une bataille, mais peut-être la guerre.

     

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    Dans cet engagement, je voudrais souligner la bénédiction divine, et je pèse mes mots, d’avoir aujourd’hui comme présidente Ludovine de la Rochère. J’étais il y a deux semaines en séminaire avec elle dans une abbaye normande : nous étions 48 heures enfermés à réfléchir sur ce que seraient les prochaines étapes de LMPT. Je la connaissais finalement très mal avant ce séminaire et elle m’a beaucoup impressionné. Depuis 20 ans, j’avale des séminaires. Et je l’ai vu d’une acuité, d’une intelligence, d’une réactivité… Au moment où nous étions tous extrêmement fatigués, elle restait alerte, bienveillante. Elle porte ce mouvement comme une mère porte un enfant, véritablement. Attention à celles et ceux qui ont pensé ou qui pensent que Ludovine est une aristocrate qui, pour passer le temps de libre, se serait engagée dans une cause médiatique. Ce n’est pas ça. Ludovine c’est un moine-soldat, si je puis dire. Et véritablement c’est une bénédiction divine que de l’avoir. Je m’excuse, je sais que tu es très pudique, je m’excuse d’avoir à lui dire comme cela, mais il est terriblement important pour une troupe de savoir qu’elle est engagée avec un général, un chef qui en vaille la peine. Et Dieu sait que Ludovine est beaucoup plus que cela.

    Merci de m’avoir écouté. On ne lâche rien. Ce n’est pas qu’un slogan. Véritablement, on se fait un serment en soi-même en se disant que jamais nous n’abandonnerons les combats de la famille, pour nos familles et pour la France. »

     

    Camel Bechikh

    Grenelle de la Famille
    Bordeaux, 16.X.13

     

    Camel Bechikh au Grenelle de la Famille

  • L'éducation, un art, au sens « d'artisanat » : les parents : premiers et principaux éducateurs en humanité

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    Grenelle de la Famille


    Il y a quelques jours, j'avais au téléphone un médecin responsable de la médecine scolaire d'un département. Il me faisait part de son désarroi devant le nombre croissant de signalements de jeunes enfants qui n'arrivent pas à s'adapter à l'école, et ce dès la maternelle.

    Depuis plusieurs années, les enseignants se plaignent de devoir faire de plus en plus d'éducatif en classe, parce que les bases élémentaires de l'éducation ne sont plus données aux enfants.
    Ils ont déjà tant à faire avec les réformes successives de l'école...
    Au cours de ma carrière professionnelle, j'ai vu évoluer les psychologues qui accompagnent les enfants. Aujourd'hui, je n'en connais pas un qui ne reconnaisse la souffrance psychologique d'enfants qui sont en manque de repères familiaux.
    Les structures sociales d'accueil des jeunes sont saturées, débordées.
    Depuis une vingtaine d'années, le gouvernement considère l'augmentation du suicide des jeunes comme un fléau national. On en parle très peu dans les medias, parce qu'on ne veut pas montrer notre impuissance face à ce phénomène. Il y a quelques années, j'apprenais qu'un enfant de 12 ans s'était donné la mort par pendaison. C'est inouï !

    On peut à l'infini développer le soutien aux enfants, refaire les programmes scolaires, déployer des équipes de psychologues, d'orthophonistes, de pédopsychiatres, d'ergothérapeutes, de maîtres spécialisés, noyer les enseignants sous des enquêtes, des réformes, des plans de remédiation...

    On ne fait que s'attaquer aux effets avec toujours plus de moyens, tout en délaissant les causes évidentes du problème. C'est exaspérant !

    Oui, l'enfance est en souffrance.

    Maslow, un sociologue réputé, a expliqué que les besoins premiers d'une personne sont les besoins physiologiques : se nourrir, avoir un toit, dormir, respirer...

    Il explique ensuite que le besoin qui suit immédiatement est le besoin de sécurité : sécurité physique, naturellement, mais également besoin de sécurité affective, psychologique.

    Dans notre société, c'est bien là que le bât blesse. Beaucoup d'enfants n'ont pas la sécurité affective nécessaire à une éducation épanouissante.

    En vingt ans, le taux de divorces en France a doublé, passant d'un peu plus de 20% en 1980 à plus de 40% en 2003, selon une étude de l'INED parue en avril 2006.

    Certains veulent nous faire croire que cette évolution serait positive, car elle démontrerait une plus grande liberté individuelle. On nous présente cela comme un « progrès sociétal ». À Paris, on peut même voir des affiches vantant « le premier site de rencontres extraconjugales pensé par les femmes ». Dans de nombreuses émissions, on nous a vanté les bienfaits de la famille recomposée, tellement 'nouvelle', tellement 'formidable', tellement 'moderne'.

    Pourtant : qui se pose sérieusement la question des conséquences sur les enfants ?

    Quel psychologue aujourd'hui niera que l'enfant souffre de la séparation de ses parents ? Je ne parle pas d'une souffrance passagère. Je parle d'un traumatisme profond, marquant, stigmatisant.
    Je me souviens de cette petite fille, en classe de maternelle, qui était pleine de vie et que je vis s'éteindre jour après jour, jusqu'à ce qu'elle me raconte que ses parents se séparaient. Sa maman se voulait rassurante : « vous savez, elle va bien, on lui a bien expliqué tout ce qui se passait. »

    Mais madame, s'il suffisait de tout expliquer aux enfants pour qu'ils acceptent, nous n'aurions plus aucun problème dans nos écoles, ni ailleurs !

    L'enfant a mal à sa famille.

    Ce que les adultes ont gagné en liberté, n'est-ce pas ce que les enfants ont perdu en sérénité, en sécurité ? Les enfants sont-ils donc devenus la variable d'ajustement des désirs des adultes ?
    Est-ce pour rien que la Convention internationale des droits de l'enfant, ratifiée par la France, rappelle en son article 7.1: « L'enfant a [...] dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux ».
    Comment ne pas faire le lien entre cet éclatement du couple et donc de la famille, et la détresse croissante des enfants ?
    C'est ce qu'exprimait il y a quelques années, une équipe de chercheurs sur la question de la petite enfance, qui, au cours d'une conférence, nous faisaient part, presqu'en s'excusant, de leurs conclusions: « pour l'enfant, ce qui est idéal, c'est d'être élevé par un homme et une femme, si possible qui soient son père et sa mère. » Encore mieux : géniteur et génitrice. Plus encore : qui s'aiment. Nec plus ultra : qui s'aiment dans la durée.
    Notre société n'est pas, n'est plus cohérente : elle ne met plus en avant l'éducation de l'enfant, mais le bonheur des adultes. Or, une société qui ne protège pas l'enfant, qui ne l'éduque pas dans un cadre sécurisant, cohérent, est une société finie.
    Car les enfants d'aujourd'hui sont les adultes de demain, et ce qui n'est pas donné aujourd'hui, qui le donnera demain ?

    Notre société est en mal de cohérence.

    Il n'y a pas d'éducation possible sans recherche de cohérence dans l'environnement de l'enfant : parents, école, société sont trois dimensions de l'éducation - avec des responsabilités diverses.
    Comment aujourd'hui éduquer un enfant quand le message de la famille est brouillé par l'environnement de la société ?
    Comment éduquer à la pudeur quand s'affiche la nudité dans la rue ? Comment éduquer à la sexualité et à l'amour, quand on sait que de plus en plus de jeunes, les enfants - je dis bien les enfants - ont un accès quasi libre à la pornographie (à douze ans, plus de la moitié des enfants ont vu un film pornographique).
    Certains voudraient « libérer l'enfant du 'carcan familial' » ; je cite M. Peillon : « Pour donner la liberté du choix, il faut être capable d'arracher l'élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel, pour après faire un choix. »
    Non, monsieur Peillon, la liberté ne vient pas d'un arrachement, mais au contraire, d'un enracinement patient, progressif, profond dans l'humanité. Et ce sont les parents qui sont les premiers et principaux éducateurs en humanité. Rien, ni personne, ne saurait les remplacer, car ce sont les parents qui sont au quotidien aux côtés de leurs enfants !

    L'éducation est un art, au sens « d'artisanat »...

    L'art de voir en l'enfant qui est devant vous, l'adulte de demain et de donner ainsi sens et cohérence à sa vie.

    L'art de s'inscrire dans la durée : on n'éduque pas avec un plan à deux ou trois ans.

    L'art de transmettre : encore faut-il avoir quelque chose à transmettre.
    L'art de poser les limites, de les faire respecter, tout en les repoussant un peu plus chaque fois que l'enfant gagne en liberté et en responsabilité.

    L'art de permettre à l'enfant de faire germer, puis croître les talents qui sont en lui.

    L'art de l'ouvrir sur la complexité du monde et de le rendre acteur de ce monde.

    L'art de le rendre autonome, libre, responsable, adulte.
    L'art de faire aimer l'effort et de lui donner du sens.
    Il ne suffit pas de « donner des ailes », il faut aussi apprendre à voler.
    Rendons l'enfance aux enfants !

    La souffrance de l'enfant est souvent silencieuse, car l'enfant a une capacité phénoménale à « encaisser ».

    C'est notre responsabilité d'adultes, de parents, d'éducateurs, de prendre résolument en mains cette grave question de l'éducation.
    Ensemble, redonnons une enfance aux enfants.

     

    Jérôme Brunet

    Président de l'Appel des professionnels de l'enfance
    Porte-Parole de la Manif pour tous

    Bordeaux , le 16 octobre 2013


    Jérôme Brunet

    Grenelle de la Famille Bordeaux (Toutes les vidéos)
    15 octobre 2013 

     

     

  • L'euthanasie… jusqu'où ? Retranscription écrite du documentaire

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    L'euthanasie…  jusqu'où ?

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    Avertissements
    La Vaillante a retranscrit les interventions orales dans le fil chronologique du documentaire.
    Ne sont cependant pas retranscrits les témoignages ou interventions suivant(e)s :
    de Marcel Celeuneur & de sa famille ; de la dame de la commission de contrôle ; de la dame témoin restée anonyme ; du Docteur Marc Cosyns ; de la professeur de lettres de l’ADMD à Apt. 
    La Vaillante s’est attachée au sens global donné par les interventions successives de l’enquête. Ces omissions volontaires ne portent pas atteinte à la compréhension du montage du film. 
    L’intervention en anglais non sous-titrée a été traduite et retranscrite ici. 
    La Vaillante a pour vocation l’écrit, avant tout.

     

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    Emmanuel Hirsch – Professeur d’éthique de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris :

    « Au départ, on a des règles de minuties extrêmement précises : c’est une personne qui est au terme de son existence. Il doit y avoir la contre-expertise de médecins. Il va falloir qu’elle réitère sa demande. Il faudra qu’il n’y ait pas d’alternative véritable d’un point de vue thérapeutique. Puis, on voit ensuite au bout de quelques années, comment cette position, qui peut être recevable, est une position que l’on transgresse au quotidien. On ne déclare pas véritablement l’euthanasie qui s’ouvre à un meurtre. On va apporter l’extension pour les grands mélancoliques en psychiatrie. »

     

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    Professeur Dominique Lossignol - Chef de clinique/Belgique, défenseur de la loi pour l’euthanasie :

    « On est face à un patient qui a une affection médicale incurable, qui est conscient, qui est majeur, pour lequel les souffrances sont inapaisables, en tout cas sont anticipées comme étant non contrôlable à terme. La maladie incurable sous-entend qu’il n’y a plus aucun espoir d’améliorer la situation par des traitements efficaces, et que le patient fait une demande réitérée, sereine, sans pression extérieure. Ça demande, déjà, ne fut-ce que cela, pas mal de temps pour s’assurer que tout est bien au clair. Il est clair qu’on ne pratiquera pas une euthanasie si le patient ne le demande pas. C’est une évidence. »

     

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    Claire-Marie Le Huu – Infirmière/Clinique de Belgique, même service que le professeur Lossignol :

    « Un anesthésiste m’a demandé d’injecter du potassium à un patient qui n’avait pas du tout demandé de mourir. Évidemment, j’ai refusé. J’en ai parlé au chef de service, au cadre infirmier, etc… Tout le monde a refusé de m’écouter, car dans tous les cas ce sont des pratiques qui leur paraissent anodines et courantes. Cette personne-là n’avait jamais demandé à mourir. Et finalement c’est quelqu’un qui l’a fait pendant la nuit. La personne ne souffrait pas de manière insupportable, ni de douleurs physiques, ni de douleurs morales. Elle avait juste besoin qu’on l’accompagne jusqu’à la fin de sa vie. Un transfert en soins palliatifs aurait été une bonne idée. Mais je ne sais pas ce qui s’est passé, les médecins n’en ont pas décidé autrement. Sans concertation avec l’équipe médicale, qui aurait pu, aussi, donner son avis. Ils ont décidé d’abréger la vie de cette personne. »

     

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    Professeur Dominique Lossignol :

    « On ne fait jamais une euthanasie dans l’urgence. Il y a toujours beaucoup de réflexion. On dit : « Attention… c’est pas pos… » On peut avoir des moments de doute, de déception, il faut toujours pondérer. On ne fait jamais rien dans la précipitation. »

     

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    Claire-Marie Le Huu :

    « On aurait pu… La démarche habituelle est de ne jamais euthanasier quelqu’un dans l’urgence comme on l’avait fait à ce moment-là. Normalement il faut soulager d’abord la personne, l’apaiser. Et puis discuter, demander à la personne de répéter plusieurs fois, effectivement, sa demande d’euthanasie. »

     

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    Professeur Dominique Lossignol :

    « On ne recule jamais devant les traitements, jusqu’au moment où on se rend compte qu’on ne peut plus rien faire. Je prends un exemple classique : un patient qui a des douleurs mal contrôlées depuis des semaines, qui vient me voir en disant : « Je n’en peux plus, je veux mourir », je dis : « Écoutez, on va d’abord contrôler votre douleur et puis on en rediscute. » Et puis on cherche le meilleur traitement antidouleur, le patient va mieux, il n’a plus envie de mourir, forcément. C’est une logique implacable. »

     

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    Claire-Marie Le Huu :

    « Il s’avère qu’en général, l’intention du médecin est bonne, en plus. C’est-à-dire que le médecin qui accompagne son patient, qui le voit dépérir, qu’il voit se dégrader physiquement et moralement, a envie au maximum de l’aider jusqu’au bout, et qu’il ne souffre pas. Et donc, l’intention du médecin à ce moment-là est de dire : « Je n’ai pas envie qu’il souffre, du coup, je préfère abréger ses souffrances maintenant, abréger sa vie maintenant, avant qu’il ne rentre dans le cercle infernal de fin de vie. » Sauf que l’attitude professionnelle est d’abord une attitude empathique. C’est-à-dire garder du recul par rapport à sa propre vie, à ses propres sentiments, à ses propres émotions, tout en accompagnant la personne du mieux que l’on peut, en s’adaptant à elle plutôt qu’en réfléchissant par rapport à nous, à notre ressenti. J’ai donc eu une énorme révolte à la suite de toutes ces histoires, parce que ce ne sont pas les seules. Je suis allée voir la direction, j’en ai parlé. Mais le milieu de la médecine est assez compliqué à gérer. Il y a une commission de contrôle de l’euthanasie et à partir du moment où une loi est crée, c’est très difficile de dénoncer des dérives. » L’enquêteur : « Selon vous, est-ce que cette loi permet de camoufler « un grand nombre » d’homicides volontaires ? » Claire-Marie Le Huu : « Je ne suis même pas certaine qu’elle camoufle. Tout simplement parce que je ne suis pas sûre de son utilité. À la base, elle a été créée pour encadrer les dérives liées à l’euthanasie, mais on se rend compte au final que les dérives existent toujours et même s’amplifient. »

     

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    Professeur Dominique Lossignol :

    « Il faut quand même un peu revenir dans la réalité, arrêter de fantasmer sur des hypothétiques dérives qu’on ne voit pas. Les dérives surviendraient s’il n’y avait pas de contrôle. »

     

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    Étienne Montéro – Doyen de la faculté de droit de Namur, auteur de « Rendez-vous avec la mort - Dix ans d'euthanasie en Belgique » : 

    « Il est pratiquement impossible de contrôler l’euthanasie. C’est ce que dit la commission d’évaluation de la loi sur l’euthanasie en Belgique. La commission elle-même le dit, elle avoue les limites de ses possibilités de contrôle. Elle avoue que la qualité de son contrôle dépend de ce que les médecins remplissent les formulaires de déclaration des euthanasies qu’ils pratiquent et qu’ils les remplissent correctement. Il est évident qu’un médecin qui est en défaut par rapport à la loi, qui a pratiqué l’euthanasie, qui ne respecte pas les conditions de la loi, il est évident que soit : il ne va pas remplir le formulaire, il ne va pas déclarer cette euthanasie à la commission ; soit il va remplir le formulaire de manière à ce qu’il n’en sera pas inquiété. Ce qui me fait peur dans cette loi c’est que de plus en plus on pratique des euthanasies sans le consentement du patient, voire contre le consentement du patient. Chose qui résulte déjà d’une étude qui a été publiée récemment, qu’à peu près une euthanasie sur deux est réalisée sans le consentement explicite du patient. Alors que la philosophie de la loi et ses promoteurs juraient que ce serait l’euthanasie sur demande. La philosophie de la loi c’est le respect de l’autonomie, c’est le respect de l’auto-détermination du patient. »

     

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    Emmanuel Hirsch – Professeur d’éthique de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris :

    « On n’achève pas les malades comme s’ils avaient perdu toute humanité ! Il y a des droits fondamentaux. Et encore une fois, n’agitons pas les grelots de la religion ou de valeurs transcendantes. Au quotidien, quand vous êtes malade et que vous êtes déjà vulnérable à la maladie, vous attendez d’autres réponses que le côté expéditif qui dit : « Voilà, la seule solution c’est de vous euthanasier ». »

     

    Un médecin chef de service d’un hôpital publique a voulu profiter de l’expérience de dix ans de pratique de l’euthanasie en Belgique pour questionner ses confrères belges.

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    Bernard Devalois – Chef de service de soins palliatifs de l’hôpital de Pontoise :

    « L’idée a été d’interroger nos collègues professionnels de santé : médecins, infirmières… impliqués en Belgique dans les soins palliatifs et de leur demander comment ils vivaient ces dix ans de légalisation de l’injection létale en Belgique, comment ça se passait ; comment on pouvait faire de l’accompagnement en fin de vie tout en ayant cette autre alternative qui consiste à provoquer artificiellement la mort par une injection. J’ai été surpris par la tonalité des réponses à ce questionnaire, qui en gros est de dire : « Finalement, on n’est pas satisfaits, nous, professionnels de santé dans les soins palliatifs, de cette législation de l’injection létale parce que quand on en est à se dire : « je vais faire un acte que je n’approuve pas, parce que si ce n’est pas moi qui le fait, il sera fait par d’autres dans de moins bonnes conditions. » Je n’ai pas envie de me retrouver dans cette situation-là, demain, dans mon exercice professionnel en France, à me dire : « Je vais faire des injections létales parce que moi je sais à peu près faire ça, alors que si c’est fait par un autre collègue qui n’y connaît rien ce sera mal fait ». »

     

    La question de la formation et de la compétence du corps médical est au cœur du débat entre professionnels de santé. Cette infirmière totalise trente années de pratique et de formation des élèves infirmiers. Elle a vu évoluer la qualité des soins :

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    « J’ai l’impression qu’on a reculé. Quand on faisait des soins palliatifs au début, bénévolement, avec très peu de moyens, la qualité était nettement meilleure que ce qu’on peut trouver maintenant. J’ai donc été témoin de plusieurs situations. Je rappelle que je suis enseignante. J’ai été témoin avec des étudiants, qui parfois n’avaient que dix-huit ans, qui comprenaient très bien ce qui se passait. Il y en a qui arrive à peine à parler de ce qu’ils ont vu, de ce qu’ils ont été obligé de faire parfois, ou de participer. Je mets en mots, je leur permets de déposer ce fardeau, de déculpabiliser, parce qu’ils n’ont pas tué le patient, mais ils se sont retrouvés dans une situation où on ne leur a pas laissé le choix. »

     

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    Bernard Devalois – Chef de service de soins palliatifs de l’hôpital de Pontoise :

    « La grande surprise a été la confirmation de ce que dit un papier extrêmement important sur les pratiques notamment en Flandres, c’est que relativement souvent ce sont des infirmières qui pratiquent l’injection létale, alors que c’est parfaitement illégal en Belgique : ce doit être un médecin qui fait l’acte. »

     

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    L’infirmière qui totalise trente années de pratique et de formation des élèves infirmiers :

    « Souvent c’est l’acharnement thérapeutique, c’est le fait qu’un patient a demandé à ne pas être réanimé dans l’état où il est déjà, mais on va quand même le réanimer. Ce sont les personnes âgées qui sont en maison de repos et de soins, dans une institution, qui ont demandé qu’on ne les renvoie plus à l’hôpital, mais on le fera quand même. C’est souvent passer au-dessus de l’avis du patient, c’est l’ignorer. C’est le fait aussi, souvent pour l’infirmière, de se retrouver seule en première ligne et de ne pas se sentir outillée pour assumer les responsabilités quand quelque chose se passe. »

     

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    Emmanuel Hirsch – Professeur d’éthique de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris :

    « J’ai l’impression flagrante que la violence de l’acte euthanasique ou de la pensée de l’euthanasie est une violence qui mutile. Et qui mutile aussi les survivants, parce que, comment survit-on au fait qu’on a tué l’autre ? Quels que soient la forme, les justifications et la loi, pour un médecin ?… en regardant les témoignages de médecins, des infirmiers qui étaient au front par rapport à ces questions ? Et pour les proches ?… d’avoir été en quelque sorte complices de quelque chose qui semblait le moindre mal, mais qui devient le pire dans la mémoire qu’on a d’un acte qu’à un moment donné on ne peut plus supporter. »

     

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    L’infirmière qui totalise trente années de pratique et de formation des élèves infirmiers :

    « On se demande à quoi on a servi et ce qu’on a fait. En tout cas, comme enseignante, je me demande encore à quoi je sers. Parce que j’estime que la formation n’est pas ce qu’elle devrait être. Que les professionnels que nous mettons sur le marché du travail n’ont pas les compétences requises. Et celui qui va en pâtir, c’est forcément le patient. Maintenant je reconnais, avec le recul et peut-être parce que j’ai pris de l’âge, que j’ai peur aussi. Parce que la médecine se dégrade, parce que comme toutes les infirmières de mon âge je me demande où j’irai me faire soigner quand j’en aurai besoin. Parce que je n’ai plus confiance. Ni dans le système, ni dans les soignants. J’ai peur d’être mal soignée et peut-être d’en arriver à préférer disparaître. C’est le principal sujet de conversation quand on se retrouve entre personnes de la même génération. Parce qu’elles savent très bien les excès auxquels la médecine est capable d’adhérer à l’heure actuelle. »

     

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    Professeur Dominique Lossignol :

    « La vocation du forum EOL, qui donne une formation en matière de fin de vie, est surtout destinée à des médecins qui seront capables de conseiller des collègues. Ce ne seront pas eux qui vont pratiquer l’euthanasie, ce n’est pas cela le but, mais qu’ils soient au moins compétents en ce qui concerne le domaine pratique, juridique, philosophique… qui puisse être une aide substantielle pour les collègues qui n’ont jamais pratiqué d’euthanasie. »

     

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    Béatrice Delvaux – Rédactrice en chef du journal Le Soir :

    « La position est très, très clair ici au Soir. C’est la mienne mais c’est celle du Soir, c’est celle de tous les journalistes ici. Parfois, on a des débats plus compliqués, sur le voile par exemple, mais là, il n’y a aucun doute, la possibilité offerte par la loi de pratiquer une euthanasie volontaire avec certains critères, on est pour. Et on a même pris des positions en faveur d’une euthanasie des mineurs, possible pour les mineurs par ce qu’il y a des projets de loi déposés en ce sens en Belgique, sous certaines conditions. »

     

    En France :

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    Professeur Louis Puybasset – auteur avec Marine Lamoureux de « Euthanasie le débat tronqué » aux Éditions Calmann-Lévy :

    « L’affaire Humbert est extrêmement marquante puisqu’on se rend compte que ce patient-là avait des séquelles neurologiques très importantes, qu’il était sous tutelle, qu’il avait une compétence qui n’était pas du tout à 100% de sa compétence initiale. La question est : « Est-ce que cette réanimation était proportionnée ; est-ce que ces soins étaient proportionnés initialement ; et puis, est-ce que ce malade pouvait être le fer-de-lance de la demande d’euthanasie en France ? C’est le juste soin, c’est le soin proportionné à son pronostic. C’est aussi savoir accompagner, éviter des acharnements thérapeutiques indus. Une médecine qui tourne en rond s’auto alimenterait sans que ce soit vraiment utile pour le patient. Savoir baisser les bras au bon moment. C’est la question du moment opportun qui est capital, c’est la question de la proportionnabilité. Actuellement, nous ce qu’on essaie de faire, c’est de rajouter de la science dans tout ça. C’est de bien analyser le cerveau, de bien quantifier les choses et essayer de savoir quel sera l’avenir du patient. S’il se réveillera ou s’il ne se réveillera pas. Car effectivement si on est certain que le malade ne se réveillera pas, tout ça est assez inutile, c’est disproportionné. »

     

    En France, l’accent est mis depuis plusieurs années sur le développement des soins palliatifs. Objectif : accompagner.

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    Emmanuel Hirsch – Professeur d’éthique de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris :

    « Il y a des établissement de l’Assistance Publique les professionnels ne font pas le Top 50 des baromètres des meilleurs établissements, qui ont les fracassés de l’existence, où vous avez une communauté humaine comme on aimerait que la cité soit, aujourd’hui. Ils sont dans une présence à l’autre qui me paraît énigmatique, et quelques fois insoutenable, mais ils ne désertent pas. Ils se disent témoigner à l’autre, quelque soit même sa capacité à le comprendre, que la vie est toujours présente, que la démocratie est toujours sensible à ce qu’ils sont. Témoigner que la société ne les a pas abandonnés est pour nous l’ouvre essentielle. Quand je vois ces professionnels avec les proches qui ne désertent pas, qui reviennent alors que c’est difficile, je me dis que ce sont des lieux emblématiques de la résistance par rapport à nos valeurs. »

     

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    Professeur Dominique Lossignol :

    « L’aboutissement de cette procédure est quand même le fruit d’une réflexion politique et démocratique. Et on s’est rendu compte que si on établissait une évaluation a priori, donc avant de poser l’acte, pour voir si l’acte était judicieux ou non, on pourrait s’attendre à des blocages systématiques et le patient allait mourir avant d’avoir obtenu la réponse de n’importe quelle commission. »

     

    Près de la moitié des membres de la commission de contrôle appartiennent à une association dont le but est la promotion de la légalisation de l’euthanasie. Des experts juges et parties et des médecins qui, au fil du temps, apparaissent moins ancrés dans leurs certitudes.

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    Claire-Marie Le Huu – Infirmière :

    « Quand je discute de cela avec de fervents partisans de l’euthanasie, les médecins qui ont participé à la création de la loi, etc… je me rends bien compte que ce sont quand même des choses qui leur posent un petit peu problème. Ils n’ont pas vraiment d’arguments, à part le fait qu’il y ait une liberté individuelle, que pour les « mineurs émancipés », donc pas encore adultes mais capables pour certains de comprendre ce qu’est la vie et la mort, etc… Il y a une tonne d’arguments possibles au cas par cas, mais le cas par cas pour une loi, c’est quand même assez compliqué. Ils se rendent bien compte qu’il peut y avoir des dérives assez importantes, et du rôle que va avoir à jouer la médecine. Parce qu’autant on peut imaginer comprendre dans une situation de fin de vie avec des personnes incurables qui souffrent énormément, que le médecin participe à la fin de vie de la personne en l’euthanasiant. Mais en revanche, quel est le rôle de la médecine pour une personne âgée qui n’a pas de maladie incurable, une maladie qui vient attenter à sa vie, ou pour l’euthanasie des enfants ? »

     

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    Jacques Ricot – Auteur de « Éthique du soin ultime », préfacé par Jean Leonetti, aux Éditions ENSP/Presses de l’EHESP :

    « Jamais le mot de « euthanasie » que les grecs et les latins ont utilisé n’a signifié ce qu’il signifie aujourd’hui, c’est-à-dire le fait de donner la mort intentionnellement à quelqu’un pour abréger ses souffrances ; c’est le sens contemporain très récent dans notre histoire. Au XIXème siècle encore « euthanasie » signifiait simplement ce que veulent les soins palliatifs aujourd’hui.
    « Mourir dans la dignité » c’est mourir de façon accompagnée, sans obstination déraisonnable, en soulageant la douleur. Mais dire qu’on perd sa dignité parce qu’on est dans un état de grande vulnérabilité, j’ose dire que c’est une tricherie sur les mots, et même il y a à mes yeux carrément un hold-up sémantique d’une association qui utilise ce terme « mourir dans la dignité ». Chaque fois que j’ai un débat publique avec des représentants de cette association je m’aperçois qu’en réalité ils veulent dire « mourir dans la liberté ». Parce que la dignité ne peut jamais se perdre. C’est la valeur inconditionnelle accordée à tout être humain dès lors qu’il est un être humain. »

     

    La France privilégie depuis huit ans les soins palliatifs. Dans cette unité d’un hôpital publique on reste dubitatif sur l’opportunité de légaliser l’euthanasie.

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    Deux infirmières – Unité de soins palliatifs/Hôpital publique, Paris :

    « Ici, c’est un lieu de vie, ce n’est pas un lieu de mort. On n’apprend pas spécialement à s’occuper de la mort, on apprend à s’occuper des vivants et des patients. On apprend beaucoup de choses sur les relations humaines.
    Je n’ai jamais vu autant d’humanité qu’ici. »

    Depuis 2005, la Loi Leonetti prévoit plusieurs cas de figure pour soigner et mettre fin à la vie d’une personne, y compris l’arrêt des traitements.

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    Une troisième infirmière – Unité de soins palliatifs/même établissement, Paris :

    « On se rend compte, quand on en discute avec des gens lambda dans la rue, qui une fois qu’elles savent qu’on est en soins palliatifs se mettent à me parler de l’euthanasie, que c’est une question très mal connue. Une fois qu’on leur explique qu’il existe la loi Leonetti, qu’il y a moyen vraiment de ne pas souffrir, d’être écouté, d’être pris en charge correctement, les gens à la fin de la discussion, au bout d’une heure ou deux, finissent par dire : « En fait, c’est très bien qu’on en ait discuté parce que maintenant j’ai changé d’avis : je pense que l’euthanasie n’est pas forcément la première des solutions. »

     

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    Bernard Devalois – Chef de service de soins palliatifs de l’hôpital de Pontoise :

    « Le problème est que cette loi Leonetti n’est pas complètement appliquée dans la pratique, notamment parce qu’il n’y a pas de sanction. C’est-à-dire qu’on interdit aux médecins, mais un médecin qui fait de l’obstination déraisonnable, de l’acharnement thérapeutique, n’est pas sanctionné. Sanctionnons les médecins qui font des choses inacceptables. Ce sera, à mon avis, beaucoup plus intelligent et efficace pour nos concitoyens que d’autoriser ces mêmes médecins, une fois qu’ils en ont fini avec l’obstination déraisonnable, de prendre une seringue et de provoquer artificiellement la mort du patient. »

     

    L’enquêteur :

    « Vous voyez-vous pratiquer l’injection létale comme la loi va peut-être le permettre ? »

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    Les deux infirmières – Unité de soins palliatifs/Hôpital publique, Paris :

    « Je ne me vois pas du tout faire une injection létale. Parce que ce n’est pas à moi de décider qui va mourir et à quel moment. »

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    La troisième infirmière :

    « Ce que je crains c’est que les autres paramètres ne soient pas vraiment explorés. À savoir : la souffrance du patient, les problèmes qu’il peut avoir avec sa famille, les difficultés qu’il rencontre depuis le début de la maladie… Tout un tas de choses d’ordre plutôt relationnel, qui risque de ne pas être pris en compte si cette loi passait. »

     

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    Professeur Louis Puybasset :

    « C’est tout un business médical aussi. La médecine en France c’est 11,5% du PNB, aux États-Unis ils sont quasiment à 17%. Ce sont des sommes d’argent considérables. Il y a tout un tas de gens qui ont énormément intérêt à ce que les médecins prescrivent beaucoup d’examens, de médicaments, de matériels médicaux implantables. Il y a toute une économie du soin qui est aussi basée sur une consommation, on est quand même dans une société de consommation. L’euthanasie est ce revers de l’acharnement thérapeutique, c’est la même pièce qui a deux faces. L’euthanasie vient souvent comme une demande de réparation d’un acharnement qui a été totalement disproportionné. »

     

    Après dix ans de pratique et malgré des données assez inquiétantes sur les conditions dans lesquelles sont pratiquées les injections létales, les Pays-Bas et la Belgique continuent d’expérimenter de nouveaux moyens pour aller encore plus loin. Nous entrons dans les bureaux d’une clinique entièrement vouée à l’euthanasie et qui a été inaugurée le 1er novembre 2012, jour de la fête des morts :

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    Stefanie Michelis – Clinique fin de vie/Pays-Bas :

    « Le bâtiment de la clinique est pour l’instant un bureau. La clinique consiste en dix-sept équipes déployées sur le territoire des Pays-Bas qui vont vers les patients, leurs parlent, établissent une relation. Le médecin juge si les critères ont été remplis et si tout est conforme à la loi. Puis le second médecin donne son aval et là il y a une bonne chance pour que l’on procède à cette euthanasie.
    Mais nous ne savons pas encore si la clinique est une bonne solution ou pas.
    À la base, ce sont des patients qui souffrent et dont le médecin pour une raison ou pour une autre ne se sent pas à l’aise avec l’euthanasie. Il y a beaucoup de sortes de maladies et de personnes concernées. »

    L’enquêteur :

    « Dans quel cadre acceptez-vous de pratiquer l’euthanasie ? »

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    Stefanie Michelis :

    « La loi dit : « La souffrance doit être insupportable » mais ne précise pas si c’est une souffrance physique ou psychique. Alors… Mais c’est différent… À la fin, c’est très difficile de décider. Les psychiatres sont très souvent convaincus qu’il y a un autre traitement ou un autre médicament pour ces gens. »

    L’enquêteur :

    « Mais alors, comment savoir quand il faut pratiquer l’euthanasie ou continuer les soins palliatifs ? »

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    Stefanie Michelis :

    « Les soins palliatifs c’est quelque chose que les médecins… ce n’est pas la requête du patient, c’est une décision médicale. C’est seulement pratiqué quand un patient a deux semaines ou moins encore à vivre. Mais pour l’euthanasie il n’y a pas cette limite. La chose est que c’est insupportable. Vous pouvez peut-être vivre cinq ans de plus avec cette souffrance insupportable, mais vous ne le voulez pas. C’est cela la grande différence. »

     

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    Bernard Devalois – Chef de service de soins palliatifs de l’hôpital de Pontoise :

    « On va faire l’interruption volontaire de vieillesse, si vous avez plus de soixante-dix ans, vous allez à l’hôpital, on va vous le faire ! Arrêtons de marcher sur la tête ! Faisons des actions pour que les personnes âgées qui se trouvent dans la solitude, qui sont mal pris en charge dans tel ou tel établissement avec des pratiques qui ne sont pas acceptables… au lieu de dire : « ce n’est pas acceptable donc on va faire une injection létale », faisons en sorte qu’on prenne soin, au sens vrai du terme, qu’on prenne soin des personnes âgées, qu’on prenne soin des personnes en fin de vie qu’elles soient âgées ou pas, qu’on développe donc cet accompagnement en fin de vie et que ce soit un geste citoyen, un geste solidaire, que la société considère qu’on ne doit pas abandonner celui qui meurt. »

     

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    Jacques Ricot – Auteur de « Éthique du soin ultime », préfacé par Jean Leonetti, aux Éditions ENSP/Presses de l’EHESP :

    « En dépénalisant l’euthanasie, comme l’ont fait les pays du Benelux, on ouvre la boîte de Pandore parce qu’on a dit que c’était un geste de soin que le geste qui arrêtait le soin. »

     

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    Professeur Dominique Lossignol :

    « L’euthanasie n’est pas la seule solution à la fin de vie et si on est compétent dans son domaine on peut trouver des alternatives avec le patient que l’on peut négocier avec lui. »

     

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    Professeur Louis Puybasset :

    « Que des gens veulent mourir, cela ne me gêne pas du tout, mais que la société valorise cela et l’entérine comme un choix, je pense que c’est un signal social qui est vraiment de dire : « Nous préférons la valorisation de l’autonomie et de la liberté contre la valorisation du lien. Or nos sociétés aujourd’hui, ce qu’elles demandent, ce dont elles manquent, c’est de liens. »

     

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    Christine Defraigne – avocate à Liège/ Députée au parlement de la fédération Wallonie-Bruxelles :

    « La loi peut être améliorée sur certains points. J’ai coutume de dire que les lois de bioéthiques sont biodégradables — et dans le cas de l’euthanasie c’est vrai —, en ce sens qu’on ne légifère pas — toujours ce mauvais jeu de mot — pour l’éternité, et qu’il y a des situations qui peuvent se présenter et qui nécessitent que la loi soit adaptée, soit amendée ou soit amodiée. Par exemple, la question de l’euthanasie des mineurs : la loi actuelle permet, si on respecte les conditions de procédure, de procéder à l’euthanasie de personnes majeures ou de ce qu’on appelle des « mineurs émancipés » c’est-à-dire des mineurs de quinze ans. Or il y a un certain nombre de situations où de grands mineurs de seize ou dix-sept ans peuvent avoir un regard sur, bien sûr, leur souffrance, avoir leur propre opinion sur leur droit de mourir dans la dignité, et pourraient à mon sens, moyennant toujours des conditions de procédure à discuter, et bien sûr, l’intervention des parents, mais demander leur euthanasie. »

     

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    Bernard Devalois :

    « On est évidemment en dérive. C’est cette fameuse notion de la pente glissante. C’est-à-dire que si je mets le petit doigt dans le truc, je vais bientôt y mettre ça (il montre son avant bras), et c’est naturel. Il y a un philosophe français contemporain que j’aime beaucoup, qui s’appelle Pierre Dac, qui disait : « Au-delà des bornes, il n’y a plus de limites ». Et c’est bien ça le problème : au-delà des bornes, il n’y a plus de limites. »

     

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    L’infirmière qui totalise trente années de pratique et de formation des élèves infirmiers :

    « Moi je dirais : « ne vous précipitez pas ». Parce qu’avant d’en arriver à des décisions pareilles — et je n’estime pas avoir le droit d’obliger quelqu’un à vivre — avant d’en arriver à une décision pareille, il faut être sûr que l’on a pris cette personne en charge de manière parfaitement compétente, et qu’on ne va pas pratiquer une euthanasie parce qu’on n’est pas capable de s’en sortir avec ce patient, qu’on se croit dans une situation sans issue, sans solution. Alors que si vous interrogez les gens qui sont en soins palliatifs, ils ne reçoivent que des patients dont les autres ne savent plus quoi faire. Moi, des patients que j’ai vus, des patients sur lesquels on a pratiqué le meurtre, on m’aurait laissé trois ou quatre heures, je réglais leur problème, et ils rentraient chez eux. Simplement, ils ont été tués par incompétence. »

     

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    Emmanuel Hirsch :

    « Si demain on légalise l’euthanasie c’est un signal extrêmement fort comme quoi d’une manière dérogatoire — sous certaines conditions qui seront bien vite diluées par rapport aux pratiques — de manière dérogatoire on autorise à tuer. Et qu’on autorise des médecins à tuer, ça m’interroge, parce que ce n’est pas leur mission. Si demain vous allez dans un cabinet médical et que vous êtes soigné par un médecin et que vous doutez des raisons pour lesquelles il ne vous soigne pas, vous pouvez vous interroger, surtout dans un contexte de restriction économique, de choix, d’injustice par rapport aux soins. Il faut mettre tous ces éléments bout à bout. Alors il y aura des personnes qui effectivement auront un environnement très favorable, informé, qui pourront prétendre justifier aller plus loin. Et d’autres, on aura l’impression que c’est comme une évidence, il faut arrêter-là le parcours. Donc vous voyez en quoi ça impacterait des personnes plus vulnérables que d’autres, et en quoi ça interroge la question de la démocratie. »

     

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    Professeur Louis Puybasset – auteur avec Marine Lamoureux de « Euthanasie le débat tronqué » aux Éditions Calmann-Lévy :

    « C’est quand même le dernier recours, l’hôpital. Il faut voir que dans notre société d’aujourd’hui, la dernière frontière c’est l’hôpital, quand même. C’est là où les enjeux sociaux sont très forts, c’est là où se confronte une sorte de vraie humanité. Là on sort des faux-fuyants de l’argent, du vernis social. On est quand même confronté à des réalités dures. Et l’hôpital est là pour dire, justement, que le lien l’emporte sur l’individu. »

     

    Une enquête de Pierre Barnerias,
    Anne-Laure Cahen, Clotilde Baste
    ©TPROD 2013
    www.leuthanasiejusquou.com

     

     

    L'euthanasie… jusqu'où ?